Language of document : ECLI:EU:T:2001:143

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

28 mai 2001 (1)

«Procédure de référé - Article 86 CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE - Article 86, paragraphe 2, CE - Services postaux - Urgence - Mise en balance des intérêts»

Dans l'affaire T-53/01 R,

Poste Italiane SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes G. M. Roberti, P. Mathijsen, A. Perrazzelli, E. Rubini et A. Sandulli, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme L. Pignataro et M. K. Wiedner, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l'exécution de la décision 2001/176/CE de la Commission, du 21 décembre 2000, relative à une procédure d'application de l'article 86 CE relative à la fourniture, en Italie, de nouveaux services postaux de remise garantie à une date ou à une heure prédéterminées (JO 2001, L 63, p. 59),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

Cadre juridique

1.
    Aux termes de l'article 16 CE:

«Sans préjudice des articles 73, 86 et 87, et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions.»

2.
    L'article 86, paragraphe 1, CE impose aux États membres l'obligation, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, de n'édicter et de ne maintenir aucune mesure contraire aux règles du traité, et notamment à celles prévues aux articles 12 CE et 81 CE à 89 CE inclus.

3.
    En ses paragraphes 2 et 3, il dispose:

«2.    Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté.

3.    La Commission veille à l'application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres.»

Antécédents du litige

4.
    Poste Italiane SpA (ci-après «Poste Italiane» ou la «requérante») est une entreprise entièrement contrôlée par l'État italien. Elle assure en Italie le service postal universel, au sens de l'article 3 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14). Selon le paragraphe 1 de cette disposition, le service universel «correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs».

5.
    Le décret du président de la République italienne n° 156, du 29 mars 1973, portant approbation du texte unique des dispositions législatives en matière postale, de services bancaires postaux et de télécommunications (GURI n° 113, du 3 mai 1973, supplément ordinaire) prévoit, dans son article 1er, que «[r]elèvent du domaine exclusif de l'État dans les limites prévues par le présent décret: les services de collecte, de transport et de distribution du courrier épistolaire [...]».

6.
    L'article 4 du décret n° 156 autorise néanmoins la fourniture des services visés en son article 1er par Poste Italiane ou par des agences de distribution, c'est-à-dire n'importe quel opérateur privé ayant obtenu une concession du ministère des Communications (ci-après les «agences de distribution»).

    

7.
    Le 22 juillet 1999, les autorités italiennes ont adopté le décret législatif n° 261 (GURI n° 182, du 5 août 1999), entré en vigueur le 6 août suivant, visant à transposer dans l'ordre juridique national la directive 97/67.

8.
    L'article 4 du décret n° 261 réglemente les services réservés à Poste Italiane, en tant que prestataire du service universel. Il dispose:

«1.    Peuvent être réservés au prestataire du service universel, dans la mesure nécessaire au maintien de ce dernier, la levée, le tri et la distribution d'envois de correspondance intérieure et transfrontière, même par courrier accéléré, dont le prix est inférieur à cinq fois le tarif public appliqué à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie normalisée la plus rapide, lorsqu'elle existe, pour autant que leur poids soit inférieur à 350 grammes.

2.    Le domaine réservé visé au paragraphe 1 comprend chacune des phases prise en soi.

3.    Le courrier transfrontière comprend les objets qui font partie du domaine réservé à destination ou en provenance de l'étranger.

4.    En ce qui concerne la phase de remise, les envois de correspondance visés au paragraphe 1 comprennent ceux qui sont produits par l'utilisation de technologies télématiques.

5.    Indépendamment des limites de prix et de poids, le domaine réservé visé au paragraphe 1 comprend les envois recommandés liés aux procédures administratives et judiciaires; par procédures administratives on entend les procédures concernant l'activité de l'administration publique et les appels d'offre à l'évidence publics.»

9.
    Il ressort du dossier que le «courrier électronique hybride» est celui dont la collecte, le tri et le transport des données sont assurés par voie électronique, mais dont la remise, après impression, s'effectue sous forme physique.

Décision litigieuse

10.
    Après plusieurs réunions avec les représentants des autorités italiennes et de Poste Italiane, la Commission a ouvert, par lettre de mise en demeure du 16 mai 2000, une procédure d'infraction à l'encontre de l'Italie pour violation de l'article 86 CE en liaison avec l'article 82 CE.

11.
    Le gouvernement italien et Poste Italiane ont présenté leurs observations, par écrit et lors de réunions avec les représentants de la Commission, sur les griefs formulés dans la lettre de mise en demeure.

12.
    Le 21 décembre 2000, la Commission a adopté la décision 2001/176/CE relative à une procédure d'application de l'article 86 CE relative à la fourniture, en Italie, de nouveaux services postaux de remise garantie à une date ou à une heure prédéterminées (JO 2001, L 63, p. 59, ci-après la «décision litigieuse»), dont le dispositif se lit comme suit:

«Article premier

La réglementation italienne du secteur postal, et en particulier l'article 4, paragraphe 4, du décret législatif n° 261, du 22 juillet 1999, est contraire à l'article 86, paragraphe 1, en liaison avec l'article 82, du traité, dans la mesure où elle exclut la concurrence pour la phase de remise à une date ou à une heure prédéterminées du service de courrier électronique hybride.

L'Italie est tenue de mettre fin à cette infraction en annulant les droits exclusifs accordés [à] Poste Italiane SpA en ce qui concerne la phase de remise à une date ou à une heure prédéterminées du service de courrier électronique hybride.

Article 2

L'Italie s'abstiendra à l'avenir d'accorder des droits exclusifs portant sur la phase de remise à une date ou à une heure prédéterminées du service de courrier électronique hybride.

Article 3

L'Italie informe la Commission dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision des mesures prises pour mettre fin à l'infraction visée à l'article 1er.

Article 4

La République italienne est destinataire de la présente décision.»

13.
    Dans la décision litigieuse, la Commission constate que le droit exclusif conféré à Poste Italiane par l'article 4, paragraphe 4, du décret n° 261 englobe toutes les remises effectuées pour les envois créés par des moyens télématiques, qu'elles comportent ou non une valeur ajoutée par rapport au service de distribution traditionnelle et que Poste Italiane fournisse ou non elle-même le service de remise à valeur ajoutée.

14.
    Elle souligne également que les décrets ministériels n° 333, du 24 juin 1987 (GURI n° 184, du 8 août 1987), n° 269, du 29 mai 1988 (GURI n° 165, du 15 juillet 1988), et, n° 260, du 7 août 1990 (GURI n° 218, du 18 septembre 1990), qui ont fourni le cadre juridique pour la création du service de courrier électronique hybride de Poste Italiane, n'incluaient pas dans le secteur réservé la phase de remise dudit service.

15.
    Dans les considérants de la décision litigieuse, plusieurs éléments factuels relatifs aux services considérés sont mis en exergue:

-    les opérateurs privés proposent aux entreprises, en particulier les banques et les compagnies d'assurance, de nouveaux services d'externalisation du courrier de ces dernières, comprenant la production, la préparation, le transport et la remise d'envois pour lesquels le facteur temps est crucial;

-    les services proposés relatifs au traitement du courrier électronique hybride augmentent la rapidité et la fiabilité lors de la phase de remise grâce à la fourniture de deux prestations clés, à savoir la remise garantie à une dateprédéterminée ou la remise garantie à une heure prédéterminée, qui les différencient du service traditionnel;

-    le service de remise à une date ou à une heure prédéterminées proposé par les opérateurs privés est contractuellement garanti et assuré, au moins, sur la totalité du territoire d'une région d'Italie;

-    l'existence de variantes par rapport aux deux prestations clés, notamment le service de remise à une date ou à une heure prédéterminées selon une séquence demandée par le client ou la remise à une date prédéterminée à une ou plusieurs autres destinations si la remise à la première destination ne peut se faire; l'association de prestations supplémentaires telles que le suivi pendant l'ensemble de la transmission électronique et de la remise physique, la confirmation, par voie électronique, de la remise à la date ou à l'heure prédéterminées, l'enregistrement électronique de ces confirmations de remise, l'avertissement, par voie électronique, en cas d'échec de remise, des efforts pour localiser le client à sa nouvelle adresse, l'établissement et la mise à jour continue de listes d'adresses propres au client;

-    la mise en place par les opérateurs privés de l'infrastructure nécessaire pour fournir les services d'externalisation du courrier électronique hybride sur une grande partie du territoire national (couverture d'environ 40 % du territoire italien);

-    le réseau de distribution de Poste Italiane n'offre pas les prestations de remise garantie à une date ou à une heure prédéterminées.

16.
    Dans la partie de la décision litigieuse consacrée à l'appréciation juridique, la Commission, après avoir relevé que Poste Italiane est une entreprise publique au sens de l'article 86, paragraphe 1, CE, à laquelle l'État italien a accordé des droits exclusifs sur la base de l'article 4 du décret n° 261,

-    examine les marchés de services pertinents (considérants 16 à 21) et le marché géographique en cause (considérant 22);

-    constate que Poste Italiane occupe une position dominante dans une partie substantielle du marché commun au sens de l'article 82 CE en tant qu'elle dispose du monopole légal sur le marché couvert par l'exclusivité conférée par l'article 4 du décret n° 261 (considérant 23);

-    estime qu'une mesure étatique qui réserve un marché voisin mais distinct de celui précédemment réservé contrevient à l'article 86, paragraphe 1, CE en liaison avec l'article 82 CE, en particulier lorsque cette mesure amène l'opérateur à restreindre la fourniture du service nouvellement réservé, telle Poste Italiane qui n'offre pas de services de remise à une date ou à une heure prédéterminées et empêche, par le simple exercice de son droitexclusif, les opérateurs privés de satisfaire la demande de ce service (considérant 26);

-    relève que l'abus est susceptible d'affecter le commerce entre États membres (considérant 29);

-    considère que, en vertu de l'article 86, paragraphe 2, CE, les règles de concurrence s'appliquent à Poste Italiane, en tant qu'entreprise chargée d'un service d'intérêt économique général, dès lors qu'il n'est pas établi par les autorités italiennes que leur application fait obstacle à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui lui a été impartie. En l'espèce, il ne saurait être soutenu que la concurrence en ce qui concerne la remise garantie à date ou à heure prédéterminées compromettrait l'équilibre financier de Poste Italiane, ni que l'ouverture du service en question à des opérateurs privés reviendrait à priver l'opérateur public de certaines de ses activités rentables (considérant 30).

17.
    Enfin, il est relevé dans la conclusion de la décision attaquée «qu'aucun État membre, excepté l'Italie, n'a adopté une disposition similaire à l'article 4, paragraphe 4, du décret [n° 261], qui réserve expressément la phase de remise du service de courrier électronique hybride, quelles que soient les prestations offertes dans cette phase» (considérant 31).

18.
    Aux fins de l'exécution de cette décision, les autorités italiennes ont adopté le 24 janvier 2001 la circulaire DGRQS/208 (ci-après la «circulaire 208»). Cette circulaire précise le sens à donner à l'article 4, paragraphe 4, du décret n° 261.

19.
    L'article 3 de la circulaire 208 énonce que «la phase de délivrance du courrier électronique hybride [appartient au] domaine réservé attribué à [Poste Italiane], au même titre que tout envoi de correspondance dans les limites de poids et de prix en vigueur».

20.
    L'article 4 spécifie toutefois que la remise d'envois de courrier électronique hybride, sensibles au facteur temps, à une date ou à une heure prédéterminées ne relève pas du domaine réservé pour autant que certaines conditions soient respectées, à savoir: l'obligation pour l'opérateur qui entend fournir le service, étendu au moins au territoire d'une région, d'obtenir une licence (article 5); une obligation de résultat de la part de l'opérateur: remise à une date et à une heure prédéterminées et subordination du paiement à la délivrance du courrier dans le délai contractuel (article 6); l'obligation de tenir un registre dans lequel l'opérateur décrit chaque envoi en précisant les données essentielles le concernant (article 7); l'obligation de faire en sorte que les envois à date et à heure prédéterminées soient identifiables (article 8); l'obligation pour l'opérateur de prouver la date ou l'heure et la date au moyen de la signature du destinataire sur le registre prévu à cet effetavec possibilité de suivre l'envoi lors de la phase de remise (article 9), et l'obligation de conserver les registres pendant une période de six mois (article 11).

21.
    La circulaire 208 ne contient aucune condition quant au niveau de prix du service de remise de courrier électronique hybride à date ou à heure prédéterminées.

Procédure

22.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 2001, Poste Italiane a introduit, en vertu de l'article 230, quatrième alinéa, CE, un recours visant à l'annulation de la décision litigieuse.

23.
    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, elle a également introduit, en vertu de l'article 242 CE, une demande de sursis à l'exécution de cette décision jusqu'à ce que le Tribunal ait statué sur le fond.

24.
    Par requêtes enregistrées au greffe du Tribunal respectivement les 29 et 30 mars 2001, Recapitalia Consorzio Italiano delle Agenzie di Recapito Licenziatarie del Ministero delle Comunicazioni (ci-après «Consorzio Recapitalia»), représenté par Mes L. Magrone et M. Giordano, avocats, et la société TNT Post Groep NV, représentée par Mes M. Merola et C. Tesauro, avocats, ayant tous deux élu domicile à Luxembourg, ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

25.
    Les demandes d'intervention ont été signifiées aux parties, conformément à l'article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

26.
    La Commission a présenté ses observations écrites sur la demande en référé le 30 mars 2001.

27.
    Par lettres des 30 mars et 2 avril 2001, le greffe du Tribunal a invité chacun des demandeurs en intervention à être présent à l'audience.

28.
    Le 4 avril 2001, la Commission a demandé le traitement confidentiel, vis-à-vis de Consorzio Recapitalia et de TNT Post Groep, d'une annexe de la demande en référé (lettre de mise en demeure, du 16 mai 2000, adressée aux autorités italiennes) et d'une annexe des observations de la Commission (lettre du président du Conseil des ministres, du 14 décembre 2000, adressée à M. Monti, membre de la Commission).

29.
    Les parties à la présente procédure et les demandeurs en intervention ont été entendus en leurs explications le 5 avril 2001. Le même jour, Poste Italiane a demandé le traitement confidentiel de certaines données contenues dans la demande en référé ainsi que dans plusieurs de ses annexes.

30.
    Lors de l'audition, Poste Italiane et la Commission ont été invitées à prendre position sur les demandes d'intervention présentées par Consorzio Recapitalia et TNT Post Groep. La requérante ne s'est pas opposée à ce qu'il soit fait droit à la demande de traitement confidentiel présentée par la Commission. Elle a également produit un document, une brochure publicitaire concernant des services offerts par Poste Italiane, lequel a été accepté par le juge des référés, en dépit du caractère tardif de sa production, après qu'il a recueilli les observations de la Commission et des demandeurs en intervention.

31.
    Le 6 avril 2001, la Commission a fait savoir qu'elle ne contestait pas la demande de traitement confidentiel déposée par Poste Italiane.

32.
    Le 1er mars 2001, la République italienne a saisi la Cour d'un recours en annulation de la décision litigieuse, lequel a été enregistré sous le numéro C-102/01. Aucune demande de sursis à exécution n'a été présentée.

33.
    Par acte déposé au greffe de la Cour le 30 mars 2001, la République italienne a informé la Cour, conformément à l'article 78 du règlement de procédure de cette dernière, qu'elle se désistait de son recours, ce dont il a été pris acte par la Commission le 20 avril suivant.

34.
    Par ordonnance du président de la Cour du 27 avril 2001, Italie/Commission (non publiée au Recueil), communiquée aux parties par lettre du 11 mai suivant, l'affaire C-102/01 a été radiée du registre de la Cour.

35.
    Par lettre du 15 mai 2001, le greffe du Tribunal, à la demande du juge des référés, a informé les parties dans l'affaire en référé, ainsi que les deux demandeurs en intervention, de la radiation de l'affaire C-102/01 du registre de la Cour.

En droit

36.
    Avant de statuer sur la présente demande en référé, il convient de déterminer avec précision la portée de la décision litigieuse.

37.
    À cet égard, même si certains passages de la décision litigieuse, en particulier le considérant 18, ne se réfèrent pas précisément au seul courrier électronique hybride, il découle du libellé de l'article 1er de son dispositif qu'elle ne met pas en cause la légalité de l'article 4, paragraphe 4, du décret n° 261 dans son intégralité, mais seulement dans la mesure où cette disposition s'applique aux services de remise du courrier électronique hybride à une date ou à une heure prédéterminées.

38.
    Lors de l'audition, la Commission a expressément confirmé cette interprétation de la décision litigieuse.

39.
    Sans préjudice de la compatibilité de la circulaire 208 avec les règles du traité, le libellé de cet acte de droit national atteste également que les autorités italiennes ont pareillement compris la portée de la décision litigieuse. En effet, la circulaire 208 ouvre à la concurrence, dans les conditions qu'elle précise, la phase de remise à une date ou à une heure prédéterminées des envois de courrier électronique hybride sensibles au facteur temps.

40.
    Il s'ensuit, d'une part, que l'article 4, paragraphe 4, du décret n° 261 n'est pas déclaré contraire aux dispositions de l'article 86 CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE, dans la mesure où le courrier transmis par voie électronique est remis selon toute autre modalité que la remise à une date ou à une heure prédéterminées.

41.
    Il en résulte, d'autre part, que la décision litigieuse vise uniquement la remise du courrier électronique hybride à date ou à heure prédéterminées et ne remet pas en cause la compatibilité avec les dispositions du traité de la réglementation nationale relative à la remise du courrier ordinaire qui présenterait de telles caractéristiques.

42.
    En vertu des dispositions combinées de l'article 242 CE et de l'article 4 de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1), tel que modifié par la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993 (JO L 144, p. 21), le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué.

43.
    L'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure prévoit qu'une demande en référé doit spécifier les circonstances établissant l'urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l'octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu'une demande de sursis à exécution doit être rejetée dès lors que l'une d'elles fait défaut [ordonnances du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C-268/96 P(R), Rec. p. I-4971, point 30, et du président du Tribunal du 1er février 2001, Free Trade Foods/Commission, T-350/00 R, non encore publiée au Recueil, point 32]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C-445/00 R, non encore publiée au Recueil, point 73).

44.
    La mesure demandée doit en outre être provisoire en ce sens qu'elle ne préjuge pas les points de droit ou de fait en litige ni ne neutralise par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement au principal [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C-149/95 P(R), Rec. p. I-2165, point 22].

45.
    Enfin, selon l'article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure «[l]a demande est présentée par acte séparé dans les conditions prévues aux articles 43 et 44».

Sur les demandes d'intervention

46.
    En vertu de l'article 37, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, de celui-ci, le droit d'intervenir est soumis à la condition de justifier d'un intérêt à la solution du litige.

47.
    En ce qui concerne l'intérêt à la solution du litige, les demandes d'intervention au soutien des conclusions de la Commission dans la procédure de référé présentées respectivement par Consorzio Recapitalia et par TNT Post Groep doivent être examinées séparément.

48.
    Lors de l'audition, Poste Italiane a exprimé des réserves quant à l'existence d'un intérêt suffisant des demandeurs en intervention à la solution du litige. Elle a également nourri des doutes quant à l'admission de ces interventions à la lumière du fait que Consorzio Recapitalia et TNT Post Groep n'auraient pas pu, au cas où la Commission aurait décidé de ne pas contester la compatibilité de l'article 4, paragraphe 4, du décret n° 261, attaquer une telle décision devant le Tribunal.

49.
    Pour sa part, la Commission a déclaré ne pas s'opposer aux demandes d'intervention.

50.
    Le juge des référés comprend l'argument de la requérante avancé lors de l'audition en ce sens que, dès lors qu'une partie ayant déposé auprès de la Commission une plainte visant à faire constater une violation de l'article 86 CE, lu en combinaison avec l'article 82 CE, n'est pas recevable à contester, en vertu de l'article 230 CE, la légalité de la décision refusant d'adopter l'acte sollicité au titre de l'article 86, paragraphe 3, CE, les demandeurs en intervention ne pourraient, par parallélisme, être admis à intervenir dans un litige relatif à une procédure d'application de l'article 86 paragraphe 3, CE. Cet argument ne saurait être accueilli dans la mesure où, ainsi que la Cour l'a jugé, il ne saurait être exclu a priori qu'il puisse exister des situations exceptionnelles où un particulier ou, éventuellement, une association constituée pour la défense des intérêts collectifs d'une catégorie de justiciables a la qualité pour agir en justice contre un refus de la Commission d'adopter une décision dans le cadre de sa mission de surveillance prévue à l'article 86, paragraphes 1 et 3, CE (arrêt de la Cour du 20 février 1997, Bundesverband der Bilanzbuchhalter/Commission, C-107/95 P, Rec. p. I-947, point 25). En outre, cet argument est dénué de pertinence puisque la recevabilité d'une demande d'intervention doit être appréciée à la lumière des seules conditions prévues par l'article 37 du statut de la Cour.

51.
    S'agissant de la demande d'intervention présentée par Consorzio Recapitalia, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence enseigne qu'est admise l'interventiond'associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers [ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C-151/97 P(I) et C-157/97 P(I), Rec. p. I-3491, point 66, et du 28 septembre 1998, Pharos/Commission, C-151/98 P(I), Rec. p. I-5441, point 6; ordonnance du président du Tribunal du 22 mars 1999, Pfizer/Conseil, T-13/99 R, non publiée au Recueil, point 15].

52.
    La décision litigieuse constate que l'exclusion de la concurrence de la phase de remise du service de courrier électronique hybride à une date ou à une heure prédéterminées enfreint l'article 86, paragraphe 1, CE en liaison avec l'article 82 CE (considérant 31 et article 1er). Elle prévoit que l'Italie s'abstiendra à l'avenir d'accorder des droits exclusifs portant sur la phase de remise à une date ou à une heure prédéterminées du service de courrier électronique hybride (article 2), de sorte que cette phase de remise dudit courrier doit être ouverte à la concurrence. Cette affaire soulève, à première vue, des questions de principe relatives aux conditions d'application des dispositions des articles 86 CE et 82 CE dans le domaine des services postaux et, en particulier, à l'étendue de ce domaine qui peut être réservé par le jeu des dispositions susvisées.

53.
    Consorzio Recapitalia est un groupement italien d'agences de distribution autorisées à fournir des services non réservés, mais relevant du service universel, et/ou des services étrangers au service universel. Ces entreprises se seraient pourvues des infrastructures leur permettant d'assurer le service de remise, contractuellement garanti, à date ou à heure prédéterminées.

54.
    L'article 4, sous a), de ses statuts dispose que Consorzio Recapitalia se propose «de promouvoir, coordonner, encourager et protéger les initiatives des agences de distribution titulaires de concessions en vue de la remise d'exprès à domicile, délivrées par le ministère des Postes et Télécommunications», et son action vise, notamment, «à favoriser et développer l'activité de remise exercée par les agences [de distribution], et ce également à travers l'organisation de nouveaux services».

55.
    Aux termes du même article, sous n), de ses statuts, il entre dans son objet de défendre les intérêts de ses membres en justice, que ce soit activement ou à titre défensif.

56.
    En outre, Consorzio Recapitalia fait valoir, sans être contredit sur ce point par Poste Italiane, que les entreprises qu'il rassemble sont les mêmes que celles qui, par le biais d'un autre groupement (Consorzio Riposta), s'étaient plaintes à la Commission de la violation par l'Italie des articles 82 CE et 86 CE, dans la mesure où le domaine réservé à Poste Italiane aurait été étendu en méconnaissance des dispositions de la directive 97/67.

57.
    Il s'ensuit que les entreprises membres de Consorzio Recapitalia, désireuses de fournir le service de remise du courrier électronique hybride à date ou à heureprédéterminées, peuvent démontrer l'existence d'un intérêt à ce que la demande de sursis à exécution soit rejetée.

58.
    L'objet de Consorzio Recapitalia étant de défendre les intérêts économiques des entreprises qui en sont membres et ces derniers étant eux-mêmes concernés par la décision litigieuse, son intérêt à la solution de l'affaire en référé est certain. Cette appréciation est confirmée par le fait que, dans le courant du mois de février 2001, Consorzio Recapitalia a saisi le juge national d'un recours, assorti d'une demande de mesure provisoire, visant à contester la légalité de la circulaire 208 au motif que les conditions qu'elle énonce pour assurer le service de remise à date ou à heure prédéterminées du courrier électronique hybride ne constituent pas une exécution satisfaisante de la décision litigieuse.

59.
    L'autre demanderesse en intervention, TNT Post Groep, société de droit néerlandais, est la société financière du groupe TPG opérant, au niveau mondial, dans les secteurs des services postaux, du transport express et de la logistique. Le groupe TPG exerce, en outre, une activité dans les secteurs du transport ordinaire et du leasing aérien. En Italie, le groupe TPG exerce une activité de remise de correspondance et a, notamment, indirectement acquis différentes agences de distribution opérant dans diverses communes sur la base de concessions délivrées en application de l'article 29 du décret n° 156 (voir ci-dessus point 5), désormais remplacées par un régime de licences individuelles et d'autorisations générales qui régissent, respectivement, l'offre de services postaux non réservés et l'offre de services ne relevant pas du service universel. Par l'intermédiaire de filiales, le groupe TPG offre, en outre, des services de transport express ainsi que des services de logistique.

60.
    TNT Post Groep invoque en substance deux éléments démontrant son intérêt à la solution du litige. Le premier est tiré de l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait d'exercer l'activité de remise considérée en conséquence du décret n° 261 en cas d'éventuel sursis à l'exécution de la décision litigieuse.

61.
    Le second élément repose sur sur le fait qu'elle a déposé, en juin 1999, une plainte devant la Commission visant à faire constater que la réglementation nationale italienne violait la directive 97/67 et les dispositions combinées des articles 86 CE et 82 CE, et a complété sa plainte après que le décret n° 261 a été adopté par les autorités italiennes.

62.
    Le juge des référés considère que ces éléments suffisent pour constater que TNT Post Groep a un intérêt à ce qu'il ne soit pas sursis à l'exécution de la décision attaquée.

63.
    Dans ces circonstances, Consorzio Recapitalia et TNT Post Groep sont admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans l'instance en référé.

Sur la demande de traitement confidentiel

64.
    Relativement à la demande de traitement confidentiel présentée par la Commission le 4 avril 2001, Poste Italiane a déclaré lors de l'audition ne pas avoir d'objection.

65.
    À la suite du dépôt d'une demande de traitement confidentiel présentée par Poste Italiane le 5 avril 2001, communiquée à la Commission lors de l'audition, celle-ci a fait savoir dès le lendemain qu'elle ne soulevait aucune objection.

66.
    Au stade de la procédure en référé, il convient d'accorder le traitement confidentiel aux informations visées dans les demandes introduites par la Commission et par Poste Italiane, dans la mesure où de telles informations sont susceptibles, à première vue, d'être considérées comme secrètes ou confidentielles au sens de l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, ce qui n'a été contesté ni par l'une ni par l'autre de ces parties.

Sur la demande de sursis à exécution

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission

67.
    Dans ses observations écrites, la Commission fait valoir que la demande en référé ne satisfait pas aux exigences de forme prévues à l'article 104, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure. En particulier, elle souligne que n'est pas conforme aux exigences requises une demande telle que celle présentée par Poste Italiane qui, bien que formellement présentée par acte séparé de la requête dans l'affaire au principal, est absolument identique à cette dernière. Dans la mesure où aucune différence ne saurait être établie entre le simple renvoi contenu dans la demande de mesures provisoires à la requête au principal - sanctionné par l'irrecevabilité de la demande (ordonnance du président de la Cour du 12 octobre 2000, Grèce/Commission, C-278/00 R, Rec. p. I-8787, points 25 et 26) - et la reproduction intégrale de ce dernier dans la demande de mesures provisoires - rendant celle présentée par la requérante particulièrement volumineuse -, la Commission conclut à son irrecevabilité pour non-respect des exigences de forme prévues par le règlement de procédure.

68.
    Lors de l'audition, la requérante a répondu que la demande de sursis à exécution a été présentée par acte séparé et contient les éléments permettant au juge des référés de se prononcer. Cette situation serait donc différente de celle consistant à opérer un simple renvoi à la requête au principal.

69.
    En présence de cette situation et compte tenu de l'enjeu de l'affaire, le juge des référés a interrogé la Commission sur le point de savoir si elle souhaitait pouvoir présenter de nouvelles observations écrites sur un exposé sommaire des moyens de fait et de droit justifiant à première vue l'octroi du sursis à exécution auquel conclut la demande, exposé sommaire qu'il incomberait à la requérante de produire.

70.
    En réponse à cette question, la Commission, tout en continuant d'affirmer que les exigences de forme de la demande ne sont pas conformes aux exigences requises, a déclaré renoncer à ce qu'il soit demandé à Poste Italiane de produire un exposé sommaire des moyens de fait et de droit justifiant à première vue l'octroi de la mesure sollicitée sur lequel elle aurait pu présenter ses observations.

71.
    Dans ces circonstances, le juge des référés estime qu'il n'y a pas lieu de trancher la question de savoir si une demande en référé qui incorpore presque intégralement le texte de la requête au principal et qui contient, pour le surplus, une introduction, un exposé des éléments constitutifs de l'urgence et une argumentation relative à la mise en balance des intérêts en présence est conforme aux exigences de l'article 104, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure.

Sur le fumus boni juris

72.
    La requérante reproduit dans sa demande en référé les moyens qu'elle soulève dans le recours au fond qui, selon elle, sont de nature à démontrer que la condition relative au fumus boni juris est satisfaite.

73.
    Il s'agit des moyens tirés, premièrement, d'une violation des droits de la défense et des principes qui régissent le déroulement de la procédure administrative, deuxièmement, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut de motivation en ce qui concerne la définition des marchés en cause, troisièmement, de l'inexistence d'une position dominante, quatrièmement, d'une application et d'une interprétation erronées de la directive 97/67, cinquièmement, d'une interprétation et d'une application erronées des règles du traité concernant le service universel et, sixièmement, de l'absence d'incidence sur les échanges entre États membres.

74.
    La Commission, tout en niant le bien-fondé des moyens avancés, a déclaré lors de l'audition ne pas contester leur caractère sérieux.

75.
    Il y a lieu de constater qu'il existe entre les parties une opposition fondamentale sur la question de savoir si la requérante est présente sur le marché des services de remise du courrier électronique hybride à date ou à heure prédéterminées. Cette opposition est notamment due à la circonstance que, selon la requérante, la phase de remise du courrier électronique hybride se confond nécessairement avec la distribution des envois de correspondance qui relève du secteur réservé à Poste Italiane et pour laquelle elle offrirait des prestations supplémentaires, dont, notamment, le service de la remise à date prédéterminée contractuellement garantie, alors même qu'il est affirmé dans la décision litigieuse que le «réseau de distribution de l'opérateur historique n'offre pas les prestations de remise garantie à une date ou à une heure prédéterminées» (considérant 10) et que Poste Italiane «déclare qu'elle n'offre, pour l'instant, pas de services de remise à date ou à heure prédéterminées» (considérant 26).

76.
    Cette opposition fondamentale conditionne l'appréciation des effets de l'ouverture à la concurrence des services de remise visés par la décision litigieuse. À cet égard, il convient de souligner que la Commission n'a pas pris en compte le niveau de prix de ces services pour définir le marché pertinent, alors que cet élément peut se révéler approprié pour apprécier, d'une part, le degré de substituabilité entre les différents services proposés et, d'autre part, le risque que l'opérateur universel se voie priver d'activités nécessaires à sa viabilité financière. Sur ce dernier point, c'est au juge du fond qu'il incombe, dans le cadre de l'examen du cinquième moyen, de déterminer si l'octroi ou le maintien du droit exclusif accordé à Poste Italiane pour les services considérés est nécessaire pour assurer l'accomplissement de la mission d'intérêt économique général dont elle est chargée, et en particulier pour bénéficier de conditions économiquement acceptables pour mener à bien cette mission. Aux fins de l'appréciation de la licéité de l'exclusion de la concurrence résultant du droit exclusif, il doit en particulier être examiné si la Commission a conclu à bon droit que les services postaux de remise du courrier électronique hybride à date ou à heure prédéterminées, de par leur nature et les conditions dans lesquelles ils sont offerts, ne mettent pas en cause l'équilibre économique du service d'intérêt économique général assumé par le titulaire du droit exclusif, conformément aux critères énoncés dans l'arrêt de la Cour du 19 mai 1993, Corbeau (C-320/91, Rec. p. I-2533, point 19). Un tel examen ne saurait toutefois être effectué dans le cadre du présent référé.

77.
    Au vu de ce qui précède, il ne saurait être considéré que les moyens de fait et de droit soulevés par la requérante sont, à première vue, dépourvus de tout fondement (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 26).

78.
    Compte tenu de cette appréciation et de la prise de position de la Commission lors de l'audition, il convient de constater que les moyens soulevés par Poste Italiane sont de nature à remplir la condition relative au fumus boni juris.

Sur l'urgence et la mise en balance des intérêts

- Arguments des parties

79.
    La requérante soutient qu'elle subira un préjudice grave et irréparable s'il n'est pas sursis à l'exécution de la décision litigieuse.

80.
    Compte tenu des conditions prévues par la circulaire 208, Poste Italiane évalue le manque à gagner, dû au retrait du domaine réservé des services de remise avec signature du destinataire pour acceptation, à un montant compris entre 316 et 411 milliards de lires italiennes (ITL), selon que la remise est effectuée avant ou après 24 heures suivant l'envoi. En effet, la décision litigieuse provoquerait un effet de substitution immédiat entre les services traditionnellement fournis par Poste Italiane et le nouveau service faisant l'objet de cette décision, qui permettrait aux opérateurs privés de priver Poste Italiane des recettes issues des seuls secteurs d'activités rentables pour cette dernière.

81.
    Elle souligne que la perte de recettes pourrait même dépasser ce montant en raison de l'extrême difficulté qu'il y aurait à s'assurer que les tiers respectent strictement les limites fixées par la circulaire 208 et ne profitent pas au contraire de cette possibilité pour éluder massivement les droits exclusifs définissant le domaine réservé.

82.
    Si toutefois la Commission devait considérer que la décision litigieuse ne doit pas recevoir exécution dans le respect des conditions fixées par la circulaire 208, le préjudice, évalué par la société Ernst & Young, pourrait s'élever à 1 639, 1 261 et 411 milliards de ITL par an, respectivement en cas de remise après 24 heures sans signature pour acceptation, de remise dans les 24 heures sans une telle signature et de remise après 24 heures avec une telle signature. Une durée de deux ans de la procédure dans l'affaire au principal devant le Tribunal conduirait au doublement de ces montants.

83.
    De telles pertes de recettes contribueraient à accroître le déficit que Poste Italiane doit supporter en tant que prestataire du service universel, lequel, après déduction des bénéfices provenant du domaine réservé, avoisine 2 500 milliards pour l'exercice 1999 et est évalué à un montant équivalent pour l'exercice 2000.

84.
    Ce préjudice serait non seulement très grave, mais également irrémédiable.

85.
    En effet, d'une part, le montant des recettes soustraites au prestataire du service universel ne pourrait être récupéré qu'au moyen d'une action en réparation. Cependant, en pareil cas, le préjudice subi «sera difficilement quantifiable aux fins de sa réparation, faute pour la requérante de pouvoir déterminer de manière suffisamment précise dans quelles proportions les diminutions constatées des [recettes] auront été la conséquence, respectivement, d'une activité concurrentielle plus soutenue sur le marché ou d'aléas» inhérents au marché en question (ordonnance du président du Tribunal du 7 juillet 1998, Van den Bergh Foods/Commission, T-65/98 R, Rec. p. II-2641, point 65). Le préjudice en cause ne paraît donc pas susceptible de faire l'objet d'une réparation.

86.
    D'autre part, elle soutient que l'exécution immédiate de la décision litigieuse sera de nature à provoquer une crise dans le fonctionnement de l'entreprise et, notamment, dans l'accomplissement du service universel postal en Italie.

87.
    La contribution provenant du domaine réservé étant d'ores et déjà insuffisante pour financer le coût du service universel, la décision litigieuse ne pourrait que mettre en péril l'équilibre qui a été péniblement atteint. Elle affirme que cela impliquera:

-    l'interruption du processus de restructuration, qui sera mis en échec par l'apparition à brève échéance de déficits absolument imprévus et imprévisibles se chiffrant par centaines/milliers de milliards de ITL;

-    l'impossibilité de continuer à financer les actions et les investissements qui ont contribué à améliorer la qualité du service universel; plus particulièrement, la réduction ultérieure de la contribution tirée du domaine réservé rendra impossible le maintien, et a fortiori l'évolution, des modalités et des normes de service dans les zones où la remise est plus particulièrement déficitaire conduisant à l'émergence d'un service «dual»;

-    une réduction ultérieure des niveaux d'emploi, due à la nécessité de réduire davantage les charges en vue de faire face à la perte de recettes découlant de la décision litigieuse.

88.
    Quant à la mise en balance des intérêts, Poste Italiane fait valoir que son intérêt coïncide avec un intérêt public essentiel, celui relatif à la prestation régulière du service postal universel, assurément digne de protection au niveau communautaire. Cet intérêt prévaudrait sur l'intérêt de la Commission à protéger le libre jeu de la concurrence dans la prestation des services postaux relatifs à la remise garantie à une date ou à une heure prédéterminées d'envois de correspondance générés par voie électronique.

89.
    À titre liminaire, la Commission s'interroge sur la réalité de l'urgence invoquée par la requérante pour obtenir le sursis à l'exécution de la décision litigieuse dans la mesure où la présente demande a été déposée plus de deux mois après la date de notification de la décision à la République italienne (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 7 juillet 1965, Fonzi/Commission, 28/65 R, Rec. 1966 p. 734, 739). En outre, elle souligne que la République italienne n'avait pas présenté de demande de sursis à exécution devant la Cour dans l'affaire C-102/01.

90.
    En premier lieu, elle soutient que la requérante ne subira aucun préjudice du fait de l'exécution de la décision litigieuse.

91.
    En effet, comme l'aurait affirmé et reconnu la requérante elle-même, Poste Italiane ne serait pas active sur le marché des services de remise à date ou à heure prédéterminées du courrier électronique hybride (considérants 26 et 30, premier tiret, de la décision litigieuse, annexe 1 des observations de la Commission, ainsi que points 135 et 136 de la demande en référé). Par conséquent, l'exécution de la décision de la Commission n'aurait pas pour effet de diminuer le chiffre d'affaires de Poste Italiane sur ce marché, puisque la société ne fournit pas les services en question. Les effets produits par l'exécution de la décision litigieuse sur la requérante ne seraient donc que potentiels et indirects (ordonnance du président du Tribunal du 17 janvier 2001, Petrolessence et SG2R/Commission, T-342/00 R, non encore publiée au Recueil, point 48).

92.
    Le dommage hypothétique invoqué par la requérante, à savoir le manque à gagner que subirait Poste Italiane pour la prestation d'un service qu'elle n'a jamais offert avant l'adoption de la décision litigieuse et qu'elle n'offre toujours pas, ne serait pas une conséquence directe de l'exécution de cette décision. En outre, l'impossibilitépour une partie requérante d'obtenir un avantage financier dont elle ne bénéficiait pas ne constituerait pas un préjudice sérieux et irréparable (ordonnance de la Cour du 12 juillet 1990, Commission/Allemagne, C-195/90 R, Rec. p. I-3351, points 42 et 43).

93.
    Le préjudice invoqué par la requérante serait en outre fondé sur la probabilité aléatoire d'événements futurs et incertains. Il ne serait donc pas actuel, mais hypothétique (ordonnance du président du Tribunal du 2 décembre 1994, Union Carbide/Commission, T-322/94 R, Rec. p. II-1159, point 31). Pour quantifier le dommage à «presque» 316 et 411 milliards de ITL ou à 1 639, 1 261 et 411 milliards de ITL, la requérante partirait de l'hypothèse que la décision entraîne un effet de substitution entre le service de courrier électronique hybride faisant l'objet de la décision et ceux fournis traditionnellement par Poste Italiane et que cet effet serait immédiat. Toutefois, la requérante non seulement ne serait pas parvenue à démonter l'interchangeabilité entre le service de remise à date ou à heure prédéterminées du courrier électronique hybride et les services traditionnels, admettant au contraire que ces derniers ne garantissent pas la prestation à date ou à heure prédéterminées, mais en outre n'étaierait par aucun élément de preuve l'hypothèse selon laquelle la décision aurait un effet de substitution immédiat. La requérante admettrait d'ailleurs que le déficit qui résulterait de l'ouverture des services en question à la concurrence est «imprévisible».

94.
    En outre, à supposer même que l'effet de substitution soit immédiat, la Commission doute que les opérateurs privés, qui emploient environ 2 000 personnes et dont le chiffre d'affaires n'atteint en tout état de cause pas 200 milliards de ITL, soient en mesure de détourner tout le volume des services «traditionnels» de Poste Italiane, laquelle dispose, en l'an 2000, de 14 131 bureaux de poste et de 70 000 boîtes aux lettres répartis sur tout le territoire italien, emploie 175 315 personnes et réalise un chiffre d'affaires supérieur à 5 600 milliards de ITL.

95.
    De surcroît, Poste Italiane n'indiquerait pas sur quelles données économiques et factuelles sont fondées les évaluations de préjudice financier, effectuées «selon les circonstances».

96.
    Relativement aux autres préjudices, la Commission considère que la réduction des effectifs est un préjudice éventuel subi par des tiers, à savoir les employés, qui ne peut donc pas être pris en compte (ordonnance du président du Tribunal du 2 octobre 1997, Eurocoton/Conseil, T-213/97 R, Rec. p. II-1609, point 46).

97.
    À la lumière de ces considérations, la Commission estime que le lien de causalité entre la décision litigieuse et le préjudice invoqué par la requérante n'est pas prouvé.

98.
    En second lieu, elle estime que le préjudice n'est en aucun cas irréparable.

99.
    D'ordre purement économique, il ne saurait être regardé comme irréparable, ou même difficilement réparable, dès lors qu'il peut faire l'objet d'une compensation financière ultérieure (ordonnance Petrolessence et SG2R/Commission, précitée, point 46). À cet égard, l'absence de sursis à exécution ne placerait pas la requérante dans une situation susceptible de mettre en péril son existence même ou de modifier de manière irrémédiable ses parts de marché (même ordonnance, point 47).

100.
    De plus, une action en indemnité pourrait lui permettre de récupérer le manque à gagner qu'elle subirait du fait de la décision litigieuse. Dans ce contexte, la Commission réfute comme dénuée de pertinence dans les circonstances de l'espèce la référence faite par la requérante à l'ordonnance Van den Bergh Foods/Commission, précitée, au motif que la solution adoptée par le président du Tribunal dans cette affaire est fondée sur les «circonstances très particulières» de l'espèce (point 72 de cette ordonnance), lesquelles étaient liées à la nature du produit commercialisé.

101.
    Quant aux dommages constitués par l'interruption du processus de restructuration et par le risque d'un service «dual», la requérante n'avancerait aucun argument relatif à leur caractère irréparable. À supposer même qu'il soit démontré que ces dommages sont la conséquence directe du déficit subi du fait de l'ouverture du marché à la suite de la décision, la requérante n'aurait pas prouvé que ceux-ci la placeraient dans une situation susceptible de mettre en péril son existence même ou de modifier de manière irrémédiable ses parts de marché (ordonnance Petrolessence et SG2R/Commission, précitée, point 47).

102.
    La Commission estime donc qu'il n'est pas prouvé que le préjudice invoqué est une conséquence directe de la décision et que, en tout état de cause, il n'est ni immédiat, ni réel, ni irréparable.

103.
    En dernier lieu, la suspension de la décision litigieuse ne serait utile à la requérante qu'à condition que la circulaire 208 soit révoquée par les autorités italiennes. En effet, ont été rejetées des mesures provisoires demandées par des requérantes qui n'avaient pas apporté la preuve que les voies de recours nationales ne permettaient pas d'éviter le préjudice en question (ordonnances du président de la Cour du 6 février 1986, Deufil/Commission, 310/85 R, Rec. p. 537, et du 17 mars 1989, Italie/Commission, 303/88 R, Rec. p. 801, publication sommaire). Or, la requérante n'aurait pas contesté la circulaire 208 devant le juge national.

104.
    Pour la mise en balance des intérêts, la Commission estime qu'il incombe au juge des référés d'effectuer une appréciation globale tenant compte non seulement de l'intérêt des parties, y compris celui qu'a la Commission à mettre fin immédiatement à l'infraction aux règles de concurrence du traité, mais aussi de l'intérêt, plus général, d'une bonne administration de la justice et des intérêts des tiers (ordonnance du président de la Cour du 13 juin 1989, Publishers Association/Commission, C-56/89 R, Rec. p. I-1693, point 35; ordonnances duprésident du Tribunal du 16 juin 1992, Langnese-Iglo et Schöller Lebensmittel/Commission, T-24/92 R et T-28/92 R, Rec. p. II-1839, point 28, et du 15 décembre 1992, CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission, T-96/92 R, Rec. p. II-2579, point 39).

105.
    La nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun aurait été reconnue comme une exigence d'intérêt public digne d'être protégée (ordonnance Petrolessence et SG2R/Commission, précitée, point 52). En l'espèce, l'éventuel sursis à l'exécution de la décision litigieuse maintiendrait une situation concurrentielle particulièrement défavorable aux consommateurs, qui seraient dans l'impossibilité de bénéficier du nouveau service, objet de cette décision, en ce qu'il contribuerait à consolider la structure actuelle du marché où Poste Italiane abuse de sa position dominante. La rapidité toute particulière avec laquelle la Commission a arrêté sa décision montrerait aussi l'intérêt qu'elle porte à rétablir une concurrence effective sur le marché et, partant, la nécessité de donner immédiatement exécution à la décision.

106.
    De surcroît, le sursis à l'exécution de la décision litigieuse porterait préjudice à la position sur le marché d'opérateurs privés qui ont effectué de lourds investissements initiaux qui seraient irrémédiablement perdus.

107.
    Le sursis pourrait avoir une incidence grave sur les droits et intérêts de tiers qui ne sont pas parties au litige et n'ont pas pu être entendus; aussi une telle mesure ne saurait-elle se justifier que si la requérante avait montré que, en son absence, elle serait exposée à une situation susceptible de mettre en péril sa propre existence (ordonnance Petrolessence et SG2R/Commission, précitée, point 53), ce qui n'aurait pas été prouvé.

108.
    Enfin, au cas où l'intérêt de la requérante à la prestation d'un service postal régulier serait réellement compromis par l'exécution de la décision litigieuse, les autorités italiennes ne se seraient pas montrées prêtes à modifier la réglementation en question et n'auraient pas adopté la circulaire 208.

109.
    Lors de l'audition, les demandeurs en intervention ont soutenu l'argumentation développée par la Commission.

- Appréciation du juge des référés

110.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que le caractère urgent d'une demande en référé doit s'apprécier par rapport à la nécessité qu'il y a de statuer provisoirement, afin d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. C'est à cette dernière qu'il appartient d'apporter la preuve qu'elle ne saurait attendre l'issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal du 15juillet 1998, Prayon-Rupel/Commission, T-73/98 R, Rec. p. II-2769, point 36, et ordonnance Grèce/Commission, précitée, point 14).

111.
    L'imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, mais il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d'un ensemble de facteurs, qu'elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 38, et ordonnance du président du Tribunal du 8 décembre 2000, BP Nederland e.a./Commission, T-237/99 R, non encore publiée au Recueil, point 49). Toutefois, le requérant demeure tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d'un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C-335/99 P(R), Rec. p. I-8705, point 67].

112.
    À titre liminaire, il convient d'examiner l'objection, soulevée par la Commission, tirée de l'absence d'introduction, par Poste Italiane, d'un recours devant le juge national visant à éviter la réalisation du préjudice qu'elle allègue.

113.
    Interrogée sur ce point lors de l'audition, la requérante a expliqué qu'elle n'avait pas contesté la circulaire 208 devant le juge administratif italien au motif qu'un recours, s'il était accueilli, aurait pour conséquence la suspension, voire la disparition de l'ordre juridique, des conditions que pose cette circulaire pour pouvoir fournir les services de remise à date ou à heure prédéterminées du courrier électronique hybride. Or, loin de permettre d'éviter le préjudice allégué par Poste Italiane, cette circonstance ne ferait que l'aggraver, puisque la décision litigieuse serait alors immédiatement applicable. Quant à la faculté d'intervenir au soutien des conclusions de l'État italien en tant que partie assignée devant le juge national dans un litige concernant ladite circulaire, la requérante a expressément indiqué que c'était une hypothèse envisagée.

114.
    En réponse à cette argumentation, la Commission a soutenu que, même s'il est sursis à l'exécution de la décision litigieuse, une telle décision ne présente aucun caractère effectif, dès lors que la circulaire 208 resterait en vigueur jusqu'à son retrait par les autorités italiennes.

115.
    Les explications fournies par la requérante constituent une justification appropriée du refus de la requérante de contester la légalité de la circulaire 208 et distinguent le cas d'espèce des affaires ayant donné lieu aux ordonnances citées par la Commission au soutien de son objection. En effet, l'annulation de la circulaire 208 par le juge administratif italien pourrait ne pas être obligatoirement susceptible d'éviter le préjudice allégué en ce que cette annulation entraînerait la disparition des conditions d'exercice des services de remise du courrier électronique hybride à date ou à heure prédéterminées et pourrait contribuer, éventuellement, à l'aggravation dudit préjudice.

116.
    Par ailleurs, la circonstance que la circulaire 208 devrait être retirée de l'ordre juridique italien pour donner plein effet à un sursis à l'exécution de la décision litigieuse n'est pas de nature à priver d'effet utile cette voie de recours. En effet, c'est précisément en invoquant la décision ordonnant la suspension de la décision litigieuse que la requérante serait en mesure de demander à l'État italien de rapporter la circulaire 208, qui mentionne d'ailleurs expressément cette décision dans ses considérants, et de réintégrer, temporairement au moins, les services postaux concernés au sein du domaine réservé.

117.
    En l'espèce, l'exécution immédiate de la décision litigieuse implique que les services de remise du courrier électronique hybride à date ou à heure prédéterminées peuvent être offerts en Italie par divers opérateurs. La fourniture de ces services, même dans les conditions prévues par la circulaire 208 (voir ci-dessus point 20), entraînera, selon la requérante, une perte de recettes et une impossibilité corrélative d'assurer la prestation du service universel dont elle est chargée.

118.
    La requérante a fourni plusieurs évaluations du préjudice financier allégué, constitué par la perte de recettes. Toutefois, les seules évaluations pertinentes dudit préjudice sont celles qui se rapportent à la phase de remise avec signature du destinataire lors de la réception. En effet, les conditions prévues dans la circulaire 208 visent à s'assurer que la livraison est effective, notamment en obligeant le destinataire à signer lors de la réception. Dès lors, le montant du préjudice allégué devant être considéré est celui compris entre 316 et 411 milliards de ITL.

119.
    Ce préjudice est d'ordre purement financier. Un tel préjudice ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu'il peut faire l'objet d'une compensation financière ultérieure (ordonnances du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C-213/91 R, Rec. p. I-5109, point 24, et du président du Tribunal du 30 juin 1999, Alpharma/Conseil, T-70/99 R, Rec. p. II-2027, point 128).

120.
    En application de ces principes, le sursis demandé se justifierait s'il apparaissait que, en l'absence d'une telle mesure, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence même (notamment, ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 28 avril 1999, Van Parys e.a./Commission, T-11/99 R, Rec. p. II-1355, point 62).

121.
    Dans la mesure où Poste Italiane, en tant que prestataire du service universel, est chargée d'une mission d'intérêt économique général, au sens de l'article 86, paragraphe 2, CE, dont l'accomplissement est essentiel, le sursis demandé se justifierait également s'il était établi que l'exclusion du domaine réservé de la phase de remise à une date ou à une heure prédéterminées du courrier électronique hybride l'empêcherait de mener à bien la mission qui lui est confiée jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. Une telle preuve serait rapportée s'il était démontré, eu égard aux conditions économiques dans lesquelles la mission d'intérêt économiquegénéral a été menée à bien jusqu'alors, que le droit exclusif concerné est absolument indispensable pour l'accomplissement d'une telle mission par le titulaire de ce droit.

122.
    Toutefois, en l'occurrence, la preuve que les bénéfices réalisés par Poste Italiane seront diminués en raison d'une substitution des services réservés par les services ouverts à la concurrence n'a pas été rapportée.

123.
    Tout d'abord, sans préjudice de la compatibilité avec le traité des modalités d'exécution de la décision litigieuse contenues dans la circulaire 208 qu'il incombe à la Commission d'apprécier, cette circulaire prévoit que les licences autorisant la fourniture des services de remise du courrier électronique hybride à date ou à heure prédéterminées ne peuvent être délivrées qu'aux opérateurs répondant aux conditions cumulatives qu'elle énonce.

124.
    Or, lors de l'audition, les parties intervenantes ont précisé, sans être contredites par Poste Italiane, qu'aucune demande de licence n'avait été présentée auprès des autorités nationales compétentes, compte tenu des conditions requises. Il s'ensuit que, pour le moment, Poste Italiane ne subit pas la concurrence qu'elle dénonce, ni les pertes de recettes corrélatives.

125.
    Ensuite, la substitution des services réservés par les services ouverts à la concurrence, en conséquence de la décision litigieuse, n'est pas suffisamment établie aux fins d'apprécier si la condition relative à l'urgence est remplie. En particulier, une telle substitution dépend, entre autres critères, du prix auquel les services de remise du courrier électronique hybride à date ou à heure prédéterminées seront proposés par les opérateurs et que les entreprises intéressées par ces services seront disposées à payer. Cependant, le juge des référés ne dispose pas d'une telle indication concrète permettant d'apprécier les conséquences précises qui pourraient résulter de l'absence de sursis (ordonnances du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 juillet 1999, Hortiplant/Commission, T-143/99 R, Rec. p. II-2451, point 18, et du président du Tribunal du 14 avril 2000, Institut des mandataires agréés/Commission, T-144/99 R, Rec. p. II-2067, point 43).

126.
    Enfin, l'étendue du préjudice allégué est fonction de plusieurs événements incertains, tels que le nombre d'opérateurs fournissant les services de remise du courrier électronique hybride visés par la décision litigieuse, du moment de leurs entrées respectives sur le marché et de l'évolution de la demande de services. Il ne saurait donc être considéré que le montant du préjudice allégué, entre 316 et 411 milliards de ITL, est une conséquence automatique de l'exécution de la décision litigieuse.

127.
    Dans ces circonstances, il doit être conclu que les éléments avancés par la requérante ne permettent pas d'établir à suffisance de droit la perspective du préjudice financier qu'elle invoque.

128.
    Les conditions de réalisation du préjudice financier n'étant pas suffisamment étayées, les autres préjudices allégués, dont la survenance dépend de celui-ci, ne peuvent pas être considérés comme établis.

129.
    Il découle de ce qui précède que la requérante n'est pas parvenue à prouver que, à défaut d'octroi de la mesure sollicitée, elle subirait un préjudice grave et irréparable.

130.
    En tout état de cause, à supposer même que la requérante ait, par hypothèse, suffisamment établi qu'elle subirait un préjudice grave et irréparable s'il n'est pas sursis à l'exécution de la décision litigieuse, il incomberait encore au juge des référés de mettre en balance, d'une part, l'intérêt de la requérante à obtenir la mesure provisoire sollicitée et, d'autre part, l'intérêt public qui s'attache à l'exécution d'une décision de la Commission prise au titre de l'article 86, paragraphe 3, CE, les intérêts de l'État membre destinataire d'un tel acte et les intérêts de tiers qui seraient directement affectés par une éventuelle suspension de la décision litigieuse (en ce sens, ordonnances du président du Tribunal CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission, précitée, point 39, du 10 mai 1994, Société commerciale des potasses et de l'azote et Entreprise minière et chimique/Commission, T-88/94 R, Rec. p. II-263, point 44, Union Carbide/Commission, précitée, point 36, et Petrolessence et SG2R/Commission, précitée, point 51).

131.
    Une telle balance penche en faveur du maintien de la décision litigieuse.

132.
    Certes, l'article 16 CE confirme la place des services d'intérêt général parmi les valeurs partagées de l'Union européenne ainsi que leur rôle dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale. La Commission a reconnu cette place et ce rôle dans la communication intitulée «Les services d'intérêt général en Europe» (JO 2001, C 17, p. 4).

133.
    Néanmoins, l'article 86, paragraphe 3, CE charge la Commission de la mission de veiller au respect, par les États membres, des obligations qui s'imposent à eux, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, et l'investit expressément de la compétence pour intervenir à cet effet par la voie de directives ou de décisions. Ainsi, l'article 86, paragraphe 3, CE confère à la Commission le pouvoir de constater par une décision qu'une mesure étatique déterminée est incompatible avec les règles du traité et d'indiquer les mesures que l'État destinataire doit adopter pour se conformer aux obligations découlant du droit communautaire (arrêt de la Cour du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 28, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T-266/97, Rec. p. II-2329, point 34).

134.
    En outre, une procédure conduisant à l'adoption d'une décision au titre de l'article 86, paragraphe 3, CE est une procédure ouverte à l'encontre de l'État membre concerné et la décision adoptée au terme de la procédure a pour destinataire cet État membre, en l'occurrence la République italienne (article 4). Or, la mesure demandée au juge des référés peut avoir une incidence grave sur les droits et les intérêts de la République italienne, laquelle, d'une part, n'est pas partie au litige et n'a donc pas pu être entendue et, d'autre part, n'a pas déposé de demande de sursis à l'exécution de la décision litigieuse dans le cadre de l'affaire C-102/01 qu'elle avait introduite devant la Cour avant de se désister de son recours (voir ci-dessus points 33 et 34). Dès lors, une telle mesure ne saurait se justifier que s'il apparaissait que, en son absence, la requérante serait incapable de remplir la tâche qui lui a été confiée. La preuve que l'exécution de la décision litigieuse l'exposera à une telle situation n'a cependant pas été rapportée.

135.
    La condition relative à l'urgence n'étant pas satisfaite et la balance des intérêts penchant en faveur de l'absence de suspension de la décision litigieuse, la présente demande doit être rejetée.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne:

1)    Recapitalia Consorzio Italiano delle Agenzie di Recapito Licenziatarie del Ministero delle Comunicazioni et TNT Post Groep NV sont admis à intervenir dans l'affaire T-53/01 R au soutien des conclusions de la Commission.

2)    Il est fait droit, au stade de la procédure de référé, aux demandes de traitement confidentiel présentées par Poste Italiane SpA et par la Commission.

3)    La demande en référé est rejetée.

4)    Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 28 mai 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'italien.