Language of document : ECLI:EU:T:2012:526

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 octobre 2012 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA – Dépenses exclues du financement – Fruits et légumes – Sucre – Transformation des agrumes – Lait – Cultures arables – Correction financière forfaitaire – Proportionnalité – Obligation de motivation – Absence d’erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T-426/08,

République italienne, représentée par Me P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi et F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2008/582/CE de la Commission, du 8 juillet 2008, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », et du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) (JO L 186, p. 39), en ce qu’elle exclut du financement communautaire 174 704 912,66 euros de dépenses effectuées par la République italienne,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi (rapporteur), président, S. Frimodt Nielsen et M. van der Woude, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        À la suite de différentes enquêtes et procédures, la Commission des Communautés européennes a, le 30 mars 2008, adopté le rapport de synthèse concernant les résultats des contrôles relatifs à l’apurement des comptes du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », conformément à l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1) (ci-après le « rapport de synthèse »).

2        Le 8 juillet 2008, pour les motifs exposés dans le rapport de synthèse, la Commission a adopté la décision 2008/582/CE, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », et du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) (JO L 186, p. 39, ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, la Commission a exclu du financement communautaire 174 704 912,66 euros de dépenses engagées par les organismes payeurs italiens pour les exercices financiers des années 2001 à 2006 et déclarées au titre du FEOGA, section « Garantie », ou du FEAGA (ci-après, conjointement, le « Fonds »), en raison de leur non-conformité avec les règles communautaires.

 Procédure et conclusions des parties

3        La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle procède à des corrections financières forfaitaires relatives au régime des restitutions à l’exportation de fruits et légumes et de sucre, pour un montant total de 508 397,82 euros ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle procède à des corrections financières forfaitaires et ponctuelles en ce qui concerne les aides à la transformation des agrumes au titre des exercices financiers 2004 et 2005, pour un montant total de 15 361 892,14 euros ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle procède à des corrections financières forfaitaires relatives au régime des quotas laitiers pour la campagne laitière des années 2002 et 2003, pour un montant total de 13 676,821 euros ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle procède à des corrections financières forfaitaires relatives au régime des aides à la surface pour les cultures arables au titre des exercices financiers 2004, 2005 et 2006, pour un montant total de 145 157 801,70 euros.

4        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

1.     Sur le premier moyen, relatif à la correction financière imposée dans le secteur de l’exportation de fruits et légumes et de sucre

 Cadre réglementaire

5        L’article 9 du règlement (CE) n° 2221/95 de la Commission, du 20 septembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CEE) n° 386/90 du Conseil en ce qui concerne le contrôle physique lors de l’exportation de produits agricoles bénéficiant d’une restitution (JO L 224, p. 13), dans sa version applicable en l’espèce, dispose :

« 1. Lorsque la déclaration d’exportation a été acceptée à un bureau de douane d’exportation qui n’est pas le bureau de douane de sortie, le bureau de douane de sortie du territoire douanier de la Communauté effectue un contrôle de substitution dans les conditions prévues au présent article.

2. Si le bureau de douane d’exportation n’a pas scellé le moyen de transport ou le colis, alors :

a)      sans préjudice des mesures de contrôle prises en application d’autres dispositions, des contrôles de substitution sont effectués, autant que possible, à la lumière d’une analyse de risque

et

b)      le nombre de contrôles de substitution ne peut être inférieur au nombre de jours où des produits bénéficiant d’une restitution à l’exportation quittent le territoire douanier de la Communauté par le bureau de douane de sortie concerné.

3. Dans le cas où, compte tenu des exigences du pays tiers de destination, un sceau vétérinaire a été appliqué ainsi qu’un scellement douanier, le contrôle de substitution doit être effectué uniquement en cas de soupçon de fraude.

4. Le contrôle de substitution s’effectue en vérifiant visuellement la concordance entre la marchandise et le document qui l’a accompagnée du bureau de douane d’exportation au bureau de douane de sortie.

Un échantillon pour l’analyse n’est pris que dans le cas où le bureau de douane de sortie ne peut pas vérifier la concordance entre la marchandise et le document, visuellement et en utilisant les informations provenant des emballages et de la documentation […] »

6        L’article 9 bis du règlement n° 2221/95 dispose que chaque année, avant le 1er avril, les États membres communiquent à la Commission un rapport d’évaluation concernant l’exécution et l’efficacité des contrôles réalisés au titre dudit règlement.

 Appréciation du Tribunal

7        En vertu de l’article 9 du règlement n° 2221/95, les produits agricoles bénéficiant d’une restitution qui n’ont pas été scellés doivent faire l’objet de contrôles de substitution par le bureau de douane de sortie du territoire douanier de l’Union européenne lorsqu’une déclaration a été acceptée à un bureau de douane d’exportation qui n’est pas le bureau de douane de sortie. Ces contrôles consistent à vérifier visuellement la concordance entre la marchandise et le document qui l’accompagne du bureau de douane d’exportation au bureau de douane de sortie. Le nombre de contrôles de substitution que doit effectuer le bureau de douane de sortie ne doit pas être inférieur au nombre de jours au cours desquels des produits visés par ces contrôles lui sont présentés.

8        Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, pour les dépenses liées aux restitutions à l’exportation de produits italiens, les autorités italiennes n’avaient pas effectué le nombre de contrôles de substitution requis par l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2221/95. Elle a dès lors imposé une correction forfaitaire de 5 %, correspondant à un montant de 508 397,82 euros, en raison du risque significatif de pertes pour le Fonds qu’entraînait l’absence de contrôles clés permettant d’atteindre le niveau attendu de garantie de régularité des demandes. Ladite correction visait toutes les dépenses de restitution à l’exportation pour des produits italiens exportés sans avoir été scellés par le bureau de douane de départ et ayant quitté l’Italie entre le 22 juillet et le 31 décembre 2001 via les bureaux de douane de sortie d’Ancône, de Gênes Nino Ronco, de Trieste P.F. Nuovo et de Trieste Pese ou entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2002 via les bureaux de douane de sortie d’Ancône, de Ponte Chiasso, de Tirano et de Trieste P.F. Nuovo.

9        Dans la première branche de son premier moyen, la République italienne conteste ladite correction au motif que, au cours de la procédure administrative, elle a fourni des preuves documentaires, antérieures à l’octroi des restitutions à l’exportation, émanant des autorités douanières de pays tiers et démontrant la correspondance quantitative et qualitative entre lesdites marchandises et les déclarations douanières. Ces preuves d’arrivée à destination justifieraient l’importation définitive dans les pays tiers de destination. Au vu de ces preuves, la République italienne estime que la décision attaquée n’est pas dûment justifiée et que la Commission n’a pas prouvé le manque d’efficacité et de fiabilité des contrôles allégués dans la décision attaquée pour les produits pour lesquels les preuves documentaires susvisées ont été apportées.

10      Au vu de ces arguments, il convient, tout d’abord, d’observer que la République italienne ne produit pas, devant le Tribunal, les documents d’arrivée à destination qu’elle invoque. Elle ne soumet qu’un tableau reprenant les valeurs des restitutions de marchandises pour lesquelles il existerait un document d’arrivée à destination. En outre, la République italienne ne garantit pas que les contrôles sur la base des documents d’arrivée à destination ont la même efficacité et fiabilité que les contrôles de substitution dès lors qu’elle indique que les preuves documentaires produites au bureau de douane de destination sont « normalement » basées sur l’inspection physique des marchandises qui entrent sur le territoire du pays tiers. Il s’ensuit que la République italienne n’a pas dûment étayé son grief devant le Tribunal.

11      Ensuite et en tout état de cause, il convient d’observer que la République Italienne ne conteste pas le fait que les autorités italiennes n’avaient pas effectué le nombre minimal de contrôles de substitution requis au cours de la période du 22 juillet au 31 décembre 2002. Elle allègue une absence de risque pour le Fonds au motif qu’il serait possible de garantir la correspondance quantitative et qualitative entre lesdites marchandises et les déclarations douanières sur la base des documents d’arrivée à destination. De la sorte, la République italienne estime, en substance, qu’un système de contrôle différent de celui visé par l’article 9 du règlement n° 2221/95 serait tout aussi efficace.

12      Cependant, comme cela a été reconnu par la jurisprudence, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent serait plus efficace (arrêts de la Cour du 22 juin 1993, Allemagne/Commission, C‑54/91, Rec. p. I‑3399, point 38, et du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec. p. I‑7699, point 62).

13      Ainsi, la démonstration par la Commission du non-respect par les autorités italiennes du nombre minimal de contrôles de substitution requis en vertu de l’article 9 du règlement n° 2221/95 suffit pour établir l’existence d’un risque pour le Fonds sans qu’il ne puisse être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en considération, dans la décision attaquée, les documents d’arrivée à destination que la République italienne lui aurait soumis au cours de la procédure administrative.

14      Pour les motifs qui précèdent, il convient de rejeter le grief de la République italienne selon lequel, au vu des documents d’arrivée, la Commission n’a pas démontré le manque d’efficacité et de fiabilité des contrôles.

15      Cette conclusion ne peut être remise en cause par la circonstance selon laquelle la Commission aurait indiqué, au cours de la procédure de conciliation, qu’elle était favorable à l’exclusion de la base de calcul de la correction financière des marchandises pour lesquelles il existait des documents d’arrivée. En effet, il ressort du rapport de l’organe de conciliation du 7 décembre 2007 que les services de la Commission étaient disposés à prendre en considération les effets d’atténuation des risques qu’entraînait la production des documents d’arrivée de produits présentés préalablement au paiement des restitutions à l’exportation, pour autant que la documentation adéquate soit fournie. Ainsi, la Commission était disposée à prendre en compte ces documents uniquement comme facteur d’atténuation et à condition qu’ils lui soient soumis ou à tout le moins que des documents adéquats lui soient soumis. Or, l’organe de conciliation indique dans son rapport que de tels documents n’avaient pas encore été fournis et il ne ressort pas du dossier devant le Tribunal que de tels documents aient effectivement été fournis.

16      Dans la deuxième branche de son premier moyen, la République italienne reproche à la Commission de ne pas avoir motivé la décision attaquée sur un point essentiel faute de traiter de la question des documents d’arrivée obtenus avant l’octroi des restitutions dans la décision attaquée.

17      À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 253 CE doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêts de la Cour du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑26/00, Rec. p. I‑6527, point 113, et du Tribunal du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, Rec. p. II‑2029, point 174, et la jurisprudence y citée). En outre, il y a lieu de rappeler que le grief tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation doit être distingué de celui pris de l’inexactitude des motifs de la décision. Ce dernier aspect relève de l’examen de la légalité au fond de la décision et non de la violation des formes substantielles et ne peut donc constituer une violation de l’article 253 CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, points 67 et 72 ; du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C‑265/97 P, Rec. p. I‑2061, point 114 ; et du 2 octobre 2003, International Power e.a./NALOO, C‑172/01 P, C‑175/01 P, C‑176/01 P et C‑180/01 P, Rec. p. I‑11421, point 145).

18      Or, par ce dernier grief, la République italienne ne reproche pas à la Commission de ne pas avoir fait apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement de manière à ce que les justifications de la décision attaquée puissent être comprises. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’un point essentiel dans sa décision et de la sorte remet en cause le bien-fondé de la décision attaquée. Ce grief relève de la légalité au fond de la décision attaquée et rejoint celui repris au point 9 ci-dessus. Pour les motifs invoqués aux points 10 et suivants, il doit dès lors être rejeté.

19      Dans la troisième branche de son premier moyen, la République italienne considère que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation et de preuve en ce que la Commission a appliqué une correction financière sur les restitutions à l’exportation imputées à la charge du Fonds pour l’exercice financier de 2003 alors que, selon elle, il n’a « jamais été question de cet exercice au cours de la procédure ».

20      En l’espèce, il est constant que les enquêtes de la Commission concernant les contrôles de substitution réalisés sur les exportations de produits italiens ont été effectuées pendant la période comprise entre le 22 juillet 2001 et le 31 décembre 2002. En outre, il ressort de la décision attaquée que la correction forfaitaire afférente à ces exportations porte sur les dépenses effectuées au cours de cette même période, mais que ladite correction s’appliquait aux exercices financiers des années 2001, 2002 et 2003.

21      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 296/96 de la Commission, du 16 février 1996, relatif aux données à transmettre par les États membres et à la prise en compte mensuelle des dépenses financées au titre de la section « Garantie » du FEOGA et abrogeant le règlement (CEE) n° 2776/88 (JO L 39, p. 5), qui a ensuite été remplacé, sans en modifier la substance, par l’article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005, en ce qui concerne la tenue des comptes des organismes payeurs, les déclarations de dépenses et de recettes et les conditions de remboursement des dépenses dans le cadre du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 1), les dépenses déclarées au titre d’un mois doivent correspondre aux paiements et aux encaissements effectivement réalisés au cours de ce mois. En outre, ces dispositions prévoient que pour l’exercice « n » sont prises en considération les dépenses effectuées par les États membres du 16 octobre de l’année « n - 1 » jusqu’au 15 octobre de l’année « n ».

22      Ainsi, en application de ces dispositions, les paiements effectivement réalisés par l’organisme payeur italien après le 16 octobre 2002 relèvent de l’exercice financier de l’année 2003. Les corrections imposées aux paiements effectués au cours de cette période affectent donc l’exercice financier de l’année 2003.

23      Il convient dès lors de rejeter le grief de la République italienne selon lequel la Commission n’aurait ni prouvé ni motivé l’imposition d’une correction financière affectant l’exercice financier de l’année 2003. En effet, les dispositions du cadre réglementaire citées au point 21 ci-dessus font partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été prise et devaient être connues de la République italienne. En outre, il ressort de la lettre de la direction générale [Agriculture] de la Commission n° 11092 du 30 avril 2007 que la Commission a, au cours de la procédure administrative, fait état auprès de la République italienne de rectifications ayant trait à des dépenses de restitutions à l’exportation se rapportant aux exercices financiers 2001, 2002 et 2003 en raison du nombre insuffisant de contrôles de substitution exercés au cours de la période comprise entre le 18 juillet 2001 et le 31 décembre 2002.

2.     Sur le deuxième moyen, relatif aux corrections imposées dans le secteur de la transformation des agrumes

 Cadre réglementaire

24      Le règlement (CE) n° 2202/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, instituant un régime d’aide aux producteurs de certains agrumes (JO L 297, p. 49), a mis en place différentes mesures de soutien financier en leur faveur, dont un régime communautaire d’aide aux organisations de producteurs qui livrent à la transformation certains agrumes récoltés dans la Communauté européenne. Ce régime est fondé sur des contrats liant, d’une part, les organisations de producteurs reconnues (ci-après les « OP ») au titre du règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO L 297, p. 1), et, d’autre part, les entreprises de transformation.

25      Le règlement (CE) n° 2111/2003 de la Commission, du 1er décembre 2003, portant modalités d’application du règlement n° 2202/96 (JO L 317, p. 5), a notamment réglementé les modalités relatives à l’octroi des aides à la transformation des agrumes et à la gestion des demandes de participation au régime des aides ainsi que la reconnaissance des transformateurs, les communications adressées aux autorités compétentes par les transformateurs et les modalités de présentation et de gestion des demandes d’aides soumises par les organisations de producteurs.

26      L’article 27 du règlement n° 2111/2003 prévoit :

« 1. Pour chaque organisation de producteurs livrant des oranges douces, mandarines, clémentines, satsumas, citrons, pamplemousses et pomélos en vue de leur transformation, les contrôles suivants sont effectués pour chaque produit et chaque campagne de commercialisation :

a)      des contrôles physiques portant au minimum sur :

i)      5 % des superficies visées à l’article 9, paragraphe 1, point a), et à l’article 15, paragraphe 1, point a) ;

ii)      20 % des quantités livrées à la transformation, afin de vérifier la concordance avec les certificats de livraisons visés à l’article 17, paragraphe 2, et le respect des exigences minimales de qualités fixées à l’annexe I ;

b)      des contrôles administratifs et comptables portant au minimum sur :

i)      5 % des producteurs couverts par les contrats, afin de vérifier notamment la cohérence, par producteur, entre les superficies, la récolte totale, la quantité livrée à l’organisation de producteurs, la quantité livrée à la transformation, d’une part, et les versements des aides prévues à l’article 23 et les paiements reçus, d’autre part ;

ii)      10 % des accords visés à l’article 15, paragraphe 3 ;

c)      des contrôles administratifs et comptables, afin de vérifier la concordance entre les quantités totales livrées à l’organisation de producteurs par les producteurs visés à l’article 15, paragraphes 1 et 2, les quantités totales livrées à la transformation, la totalité des certificats de livraison visés à l’article 17, paragraphe 2, la totalité des quantités reprises dans les demandes d’aides, d’une part, et les versements des aides prévus à l’article 23, ainsi que les paiements reçus du transformateur, d’autre part ;

d)      des contrôles sur toutes les demandes d’aide et documents justificatifs et des contrôles croisés sur toutes les parcelles déclarées.

2. Pour les transformateurs d’oranges douces, mandarines, clémentines, satsumas, citrons, pamplemousses et pomélos, les contrôles suivants sont effectués pour chaque usine, chaque produit et chaque campagne de commercialisation :

a)      des contrôles administratifs et comptables portant au minimum sur :

i)      5 % des lots reçus dans le cadre de chaque type de contrat (de courte durée ou pluriannuel), afin de vérifier que les quantités concernées sont couvertes par un contrat et par les certificats de livraison visés à l’article 17, paragraphe 2, sur l’identification précise du moyen de transport utilisé et sur le respect des exigences minimales prévues à l’annexe I ;

ii)      10 % des virements des prix visés à l’article 7, paragraphe 1, point f) ;

b)      des contrôles physiques et comptables portant sur au moins 10 % des produits finis obtenus, afin de vérifier le rendement de la matière première en termes de produits finis obtenus dans le cadre des contrats et hors contrats ;

c)      des contrôles administratifs et comptables, sur la base des factures émises et reçues et sur la base des données comptables, afin de vérifier la concordance de la quantité de produits finis obtenus de matières premières reçues et des quantités de produits finis achetés avec les quantités de produits finis vendus ;

d)      des contrôles physiques et comptables portant sur la totalité des stocks de produits finis, au moins une fois chaque année, afin de vérifier leur concordance avec les produits finis élaborés, les produits finis achetés et les produits finis vendus.

Dans le cas des transformateurs ou des usines de transformation qui n’ont pas bénéficié du régime d’aide au cours de la campagne de commercialisation précédente, les contrôles visés au point d) seront effectués au minimum deux fois par an au cours de la première année pendant laquelle ils participent au régime. »

 Appréciation du Tribunal

 Introduction

27      Dans la décision attaquée, la Commission a imposé, en application de son document n° VI/5330/97, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », une correction forfaitaire de 25 % des dépenses de la République italienne en matière d’aide à la transformation des agrumes se rapportant aux campagnes des années 2003 et 2004. Cette correction s’élevait à 15 361 892,14 euros.

28      Il ressort du rapport de synthèse que la Commission a imposé ladite correction à la suite d’une mission en Calabre (Italie), région qui recevait plus de la moitié de l’aide à la transformation des agrumes dont bénéficiait la République italienne. La Commission a justifié ladite correction par le constat que, pendant une longue période, les contrôles clés n’avaient que partiellement été mis en œuvre, voire n’avaient pas du tout été mis en œuvre.

29      Les graves faiblesses décelées dans le système de contrôle concernant la transformation des agrumes sont résumées comme suit dans le rapport de synthèse : premièrement, une quasi-absence de contrôles administratifs et comptables auprès des organisations de producteurs au cours des trois campagnes examinées, deuxièmement, des inquiétudes quant aux contrôles physiques relatifs à la qualité des agrumes livrés à la transformation en raison du degré minimal de qualité indiqué sur chaque fiche de contrôle, troisièmement, l’absence de tenue des principaux contrôles administratifs et comptables auprès des transformateurs qui auraient permis de comparer la quantité d’agrumes livrés à la transformation avec les produits finis, quatrièmement, la tenue de contrôles physiques relatifs à la qualité des produits finis pour les seules quantités livrées en présence des inspecteurs et, enfin, cinquièmement, l’inefficacité des contrôles des superficies en raison de l’absence presque totale de contrôles administratifs et comptables.

30      Par ailleurs, la Commission a estimé, sur la base d’informations provenant de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et de la presse italienne à propos d’irrégularités de grande ampleur dans le secteur des fruits et légumes en Calabre ainsi que sur la base de l’ouverture d’une instruction concernant une fraude dans ledit secteur par le procureur de Palmi (Italie) et de la mise en examen d’organismes de producteurs et de fonctionnaires chargés de la gestion du régime d’aide, qu’il y avait de bonnes raisons de craindre que de nombreuses irrégularités aient été commises dans le secteur des fruits et légumes en Calabre, et notamment en ce qui concerne le régime de transformation des agrumes.

31      La République italienne allègue, en substance, que ladite correction financière n’est pas dûment motivée, est entachée d’un défaut manifeste d’instruction et est disproportionnée.

 Sur le défaut de motivation

32      La République italienne allègue que la réduction forfaitaire de 25 % n’est pas motivée parce que, en substance, ni l’hypothèse de l’absence totale de mise en œuvre du système de contrôle, ni celle d’irrégularités fréquentes, ni celle de la négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, ne sont vérifiées. Par conséquent, la République italienne estime que la décision attaquée, et en particulier la correction forfaitaire de 25 %, ne saurait être motivée par l’existence d’un risque important de préjudice financier pour le Fonds. Par ailleurs, la République italienne considère que les objections de la Commission sur le système de contrôle mis en place en Calabre ne sauraient motiver la correction financière de 25 % puisqu’il n’apparaît pas clairement si lesdites objections ont trait à la campagne 2003 et 2004 ou si elles ont également trait à d’autres périodes.

33      Au vu de la portée de l’obligation de motivation reprise au point 17 ci-dessus, il convient de constater que dans le présent grief la République italienne ne soulève pas un défaut de motivation, mais conteste le bien-fondé des motifs de la décision attaquée. Ledit grief rejoint celui fondé sur une violation du principe de proportionnalité et ne saurait donc être examiné séparément (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 49).

34      Par ailleurs et en tout état de cause, même si le grief de la République italienne devait être considéré comme portant sur un défaut de motivation, il y a lieu de constater qu’il ressort suffisamment du rapport de synthèse, dont certains passages ont été résumés aux points 28 à 30 ci-dessus, pour quels motifs la Commission a imposé ladite correction forfaitaire.

 Sur le défaut d’instruction

35      La République italienne fait grief à la Commission d’avoir commis un « défaut manifeste d’instruction » parce qu’elle n’aurait pas motivé de manière analytique et concrète les circonstances justifiant l’imposition d’un taux de correction de 25 %.

36      À nouveau, il y a lieu de constater que par ce grief la République italienne conteste la légalité au fond de la correction forfaitaire de 25 % des dépenses pour la transformation des agrumes qui lui a été imposée dans la décision attaquée. Ce grief ne constitue pas un grief autonome, mais doit être considéré comme faisant partie du grief tiré de la violation du principe de proportionnalité. En effet, par ce grief, la République italienne considère que, parce que la Commission n’a pas instruit avec la diligence requise son dossier, elle a considéré de manière erronée que les conditions pour l’imposition d’une correction forfaitaire de 25 % étaient remplies en l’espèce. Par conséquent, il convient de traiter ensemble ce grief et celui tiré de la violation du principe de proportionnalité.

37      En outre, si ce grief devait être considéré comme un grief autonome, il devrait être rejeté comme irrecevable, parce qu’il a été invoqué pour la première fois au stade de la réplique. En effet, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. En l’espèce, ledit grief n’est pas fondé sur des éléments de fait ou de droit qui se sont révélés pendant la procédure. De plus, il s’agit d’un grief indépendant, de sorte qu’il ne constitue pas une simple amplification d’un moyen existant qui doit être considérée comme recevable (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 mai 1983, Verros/Parlement, 306/81, Rec. p. 1755, point 9, et du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, Rec. p. I‑10901, point 86).

 Sur la violation du principe de proportionnalité

38      La République italienne estime qu’en lui imposant une correction financière de 25 % de ses dépenses en matière d’aide à la transformation des agrumes, la Commission a violé le principe de proportionnalité. Elle estime que la Commission n’a pas démontré que les conditions fixées par le document n° VI/5330/97 pour imposer une telle correction financière étaient remplies en l’espèce.

39      À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphe 3, CE, devenu l’article 5, paragraphe 4, TUE, fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt de la Cour du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, Rec. p. I‑4999, point 51, et la jurisprudence y citée).

40      En outre, le document n° VI/5330/97 de la Commission prévoit que « lorsque la mise en œuvre du système de contrôle par un État membre est complètement absente ou gravement déficiente et qu’il est prouvé que les irrégularités sont très fréquentes et qu’il est fait preuve de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 25 %, dans la mesure où il peut être raisonnablement estimé que la liberté de soumettre impunément des demandes irrecevables occasionnera des pertes extrêmement élevées pour le FEOGA ».

41      En l’espèce, la Commission a appliqué cette règle de conduite administrative. Comme cela a été reconnu par la jurisprudence, lorsqu’une règle de conduite visant à produire des effets externes a été adoptée par la Commission, a été rendue publique et n’est pas incompatible avec les règles supérieures de droit de l’Union, cette institution s’autolimite, en vertu de principes généraux du droit, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. En effet, la Commission ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 209 à 211). Dans ces circonstances, la Commission devait appliquer ladite règle si les conditions de son application étaient remplies.

42      En l’espèce, la République italienne conteste que les conditions d’application de cette règle aient été remplies de sorte que l’imposition d’une correction financière de 25 % violerait le principe de proportionnalité.

43      À l’appui de cette contestation, la République italienne fait grief à la Commission de ne pas avoir clairement exposé dans la décision attaquée si ses objections sur le système de contrôle mis en œuvre en Calabre concernant les aides à la transformation des agrumes n’avaient trait qu’à la campagne de 2003/2004 ou si elles portaient également sur d’autres périodes.

44      À cet égard, il convient d’observer que les passages du rapport de synthèse invoqués par la République italienne à l’appui de ce grief sont les suivants :

« Dans son rapport sur l’affaire 07/IT/3391, l’organe de conciliation a estimé que les critiques des autorités italiennes concernant le fait que les résultats de l’audit ultérieur soient pris en compte pour tirer des conclusions générales, après la réunion bilatérale, sur l’audit de 2004, méritaient d’être prises en considération. Toutefois, les autorités italiennes n’avaient pas suffisamment étayé leur position à ce sujet et, par conséquent, l’organe de conciliation n’a pas été en mesure d’examiner plus avant cette affaire. Il en va de même pour la proposition de correction de 13 200 [euros] relative au financement octroyé en 2004 à une organisation de producteurs au titre du programme opérationnel. »

45      Ainsi, ce n’est pas tant la position de la Commission mais celle de l’organe de conciliation qui est ambiguë. En effet, après avoir soutenu que le grief de la République italienne quant à la prise en compte des résultats d’audits ultérieurs devait être pris en considération, l’organe de conciliation a estimé ne pas pouvoir l’examiner par manque d’éléments avancés par la République italienne. L’organe de conciliation indique donc qu’une question mériterait d’être prise en considération, mais qu’il n’y a pas assez d’éléments pour la prendre en considération.

46      La position ambivalente de l’organe de conciliation n’affecte cependant pas la clarté de la position de la Commission. En effet, la Commission a indiqué au point 4.1.2 du rapport de synthèse, soit avant la conciliation, que « l’existence de faiblesses et le non-respect des règles en vigueur ont été établis pour la période s’étalant jusqu’à la campagne 2003/2004 » et au point 4.1.5 dudit rapport que la correction financière n’avait trait qu’aux exercices financiers 2004 et 2005.

47      La circonstance selon laquelle la Commission a également précisé au point 4.1.2 du rapport de synthèse que, « [e]n ce qui concerne la campagne 2004/2005, l’enquête a également révélé des faiblesses et des manquements dans le système de contrôle en Calabre » et qu’elle « se réserv[ait] donc le droit de proposer, à un stade ultérieur, une correction financière pour cette campagne, en se fondant également sur les conclusions de la présente enquête » n’affecte pas l’appréciation qui précède. En effet, la prise en compte de la campagne 2004/2005 impliquait une proposition de correction financière indépendante de celle proposée à la suite de la campagne 2003/2004. À défaut d’une telle proposition, la correction financière imposée n’avait trait qu’à la campagne 2003/2004, ce qui est confirmé par les exercices financiers repris dans le tableau inséré au point 4.1.5 du rapport de synthèse pour l’imposition de la correction financière. Si ladite correction avait également concerné la campagne 2004/2005, le rapport de synthèse aurait dû mentionner l’exercice financier 2006 au stade du calcul de la correction financière.

48      Il s’ensuit que la correction financière en cause n’a trait qu’à la Calabre et qu’à la campagne 2003/2004. Partant, il convient de rejeter le grief de la République italienne tiré des imprécisions temporelles.

49      En outre, la République italienne estime que la Commission ne pouvait considérer que, en l’espèce, il y ait eu une absence totale de mise en œuvre du système de contrôle et des irrégularités fréquentes, ainsi que cela est requis pour l’application d’une correction forfaitaire de 25 % en vertu du document n° VI/5330/97.

50      Toutefois, au vu des manquements exposés dans le rapport de synthèse tels qu’ils ont été repris aux points 28 et suivants ci-dessus, le Tribunal estime que la Commission pouvait les qualifier de graves déficiences dans la mise en œuvre du système de contrôle et considérer que lesdites irrégularités étaient très fréquentes. L’impact desdites irrégularités est d’autant plus important que la région de Calabre reçoit plus de la moitié de l’aide à la transformation des agrumes dont bénéficie la République italienne.

51      Cette appréciation ne peut être remise en cause par les différents arguments avancés par la République italienne.

52      En effet, en ce que la République italienne indique que la région de Calabre a, par la suite, mené à bien les contrôles faisant l’objet d’observations de la part de la Commission, il convient de souligner que la circonstance selon laquelle, au moment de l’audit, ces contrôles étaient défectueux suffit à prouver un risque pour le Fonds et à renverser la charge de la preuve. L’argument de la République italienne selon lequel, par la suite, ces contrôles ont été menés à bien ne permet pas de remettre en cause l’existence d’un risque pour le Fonds dès lors que l’argument repose sur une simple déclaration et qu’il n’est pas précisé quand ces contrôles auraient été menés à bien. En d’autres termes, une affirmation aussi vague et non étayée ne suffit pas à démontrer l’absence de risque pour le Fonds. En outre, il y a lieu de rappeler que la légalité d’une décision de la Commission s’apprécie à l’aune des éléments de fait et de droit dont elle disposait ou pouvait disposer au moment de sa prise de décision. Partant, même à supposer que cet argument eût été fondé, il aurait fallu que les éléments de preuve justifiant cette position fussent portés à la connaissance de la Commission avant l’adoption de la décision attaquée et non à un stade ultérieur.

53      En ce que la République italienne allègue que, pour les contrôles physiques, elle a respecté le pourcentage de contrôles imposé par l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 2111/2003, il convient de constater que la critique de la Commission ne porte pas sur le nombre de contrôles physiques relatif à la qualité des produits finis, mais bien sur la circonstance selon laquelle ils ont été effectués pour les seules quantités livrées en présence des inspecteurs (voir point 29 ci-dessus). Ainsi, la Commission conteste la qualité des ces contrôles au motif que les autorités italiennes n’ont pas effectué de contrôles sur des quantités de produits finis autres que celles qui avaient déjà fait l’objet d’une vérification lors du contrôle des quantités livrées à la transformation.

54      En ce que la République italienne fait valoir qu’un contrôle détaillé était effectué auprès des transformateurs, avec un contrôle comptable et administratif général, qu’un contrôle des livres officiels était effectué par d’autres administrations publiques et qu’un contrôle par échantillonnage était effectué par les autorités régionales, il convient d’observer que, en tout état de cause, la République italienne n’avance aucune preuve à l’appui de ces arguments. En l’absence de preuve, la Commission pouvait considérer que les principaux contrôles administratifs et comptables n’avaient pas été effectués auprès des transformateurs. La circonstance selon laquelle, à partir de 2007, la région de Calabre avait imparti des missions de contrôle supplémentaires est sans incidence sur la régularité de la correction financière en cause dès lors qu’elle n’a trait qu’aux années de cultures 2003 et 2004.

55      Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la République italienne n’avance aucun argument précis à l’encontre des arguments fondés sur l’absence de contrôles administratifs et comptables dans les organisations de producteurs.

56      Enfin, la République italienne estime que la Commission ne pouvait considérer que, en l’espèce, il y avait eu de la négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, ainsi que cela est requis pour l’application d’une correction forfaitaire de 25 % en vertu du document n° VI/5330/97.

57      À cet égard, force est de constater que la République italienne ne démontre pas que c’est à tort que la Commission a considéré que les autorités italiennes n’ont effectué aucun contrôle au niveau des producteurs visant à réduire le risque qu’une aide soit octroyée pour des quantités fictives ou qu’une aide excessive ne soit accordée à des non-membres. Étant donné le devoir des États membres d’assurer par tous les moyens dont ils disposent le plein respect du droit de l’Union, cette absence de contrôle est constitutive d’une négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières.

58      De même, la circonstance selon laquelle la Commission a indiqué que, « dans l’immense majorité des cas, les contrôles administratifs et comptables n’ont été mis en œuvre qu’après la mission d’audit », c’est-à-dire à partir d’octobre 2005, n’a pas été remise en cause par la République italienne. Cette circonstance suffit pour démontrer ladite négligence.

59      Au vu de ce qui précède, il peut être considéré que les conditions visées par le document n° VI/5330/97 étaient remplies afin d’imposer une correction forfaitaire de 25 %, indépendamment des cas de fraude allégués dans le contexte du régime de transformation des agrumes.

60      Par conséquent, est sans incidence sur la régularité de la correction imposée la circonstance que l’Agenzia per le erogazioni in agricoltura (AGEA, Agence pour l’octroi d’aides dans le secteur agricole) ait été à l’origine des enquêtes pour fraude, que les autorités italiennes aient collaboré, qu’elles aient suspendu les paiements des annuités 2005/2006 et demandé le remboursement des annuités déjà versées, que certains agréments aient été révoqués et qu’elles aient obtenu le remplacement de tous les fonctionnaires impliqués. En effet, dans la mesure où ces arguments ne permettent pas de remettre en cause l’existence des irrégularités avancées par la Commission, ils doivent être considérés comme inopérants.

61      Finalement, au vu des irrégularités qui ont été constatées par la Commission en ce qui concerne les contrôles administratifs et comptables, en particulier dans les organisations de producteurs, il n’était pas disproportionné d’imposer une correction forfaitaire de 25 % des aides octroyées à la transformation des agrumes en Calabre pour les années 2003 et 2004. En effet, les objectifs légitimes poursuivis par la Commission sont de contrôler la régularité des dépenses faites par la République italienne au cours des années 2003 et 2004 à la suite de la mise en place d’un régime d’aide aux producteurs de certains agrumes par le règlement n° 2202/96 et, lorsque ces dépenses sont irrégulières, de les recouvrer. Au vu de la gravité des irrégularités commises, à savoir la mise en œuvre partielle voire l’absence de mise en œuvre des contrôles clés, le risque de dépenses irrégulières effectuées par les autorités italiennes au bénéfice des producteurs en cause peut être considéré comme important. Une correction forfaitaire de 25 % des dépenses effectuées peut dès lors être considérée comme nécessaire pour atteindre l’objectif de recouvrement des dépenses irrégulières effectuées par les autorités italiennes. Il s’ensuit que cette correction est conforme au principe de proportionnalité.

 Conclusion

62      Pour l’ensemble des motifs qui précédent, il convient de rejeter le deuxième moyen dans sa totalité.

3.     Sur le troisième moyen, relatif à la correction financière imposée dans le secteur du lait et des produits laitiers

 Cadre réglementaire

63      L’article 1er du règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 405, p. 1), dispose :

« Pendant sept nouvelles périodes consécutives de douze mois débutant le 1er avril 1993, il est institué un prélèvement supplémentaire à la charge des producteurs de lait de vache sur les quantités de lait ou d’équivalent-lait livrées à un acheteur ou vendues directement à la consommation pendant la période de douze mois en question et qui dépassent une quantité à déterminer.

Le prélèvement est fixé à 115 % du prix indicatif du lait. »

64      L’article 11 du règlement (CE) n° 1392/2001 de la Commission, du 9 juillet 2001, portant modalités d’application du règlement n° 3950/92 (JO L 187, p. 19), dispose :

« 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer que le prélèvement sur les quantités de lait et d’équivalent-lait commercialisées en dépassement de l’une ou l’autre des quantités visées à l’article 3 du règlement […] n° 3950/92 est correctement perçu et, dans le cas des livraisons, répercuté sur les producteurs concernés.

[…]

3. L’État membre vérifie dans les faits l’exactitude de la comptabilisation des quantités de lait et d’équivalent-lait commercialisées et, à cette fin, procède à des contrôles des transports de lait au cours du ramassage dans les exploitations et effectue notamment, sur place, le contrôle

a)      auprès des acheteurs, des décomptes ou des déclarations visés à l’article 5, paragraphe 2, de la vraisemblance de la comptabilité ‘matière’ et des approvisionnements visés à l’article 14, paragraphes 2 et 3, au regard des documents commerciaux et autres justifiant l’utilisation qui a été faite du lait et de l’équivalent-lait collectés ;

[…] »

65      L’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1392/2001 dispose :

« Pour chacune des périodes visées à l’article 1er du règlement […] n° 3950/92, les contrôles doivent être terminés au plus tard vingt et un mois après la fin de la période en cause. Ces contrôles ne peuvent être inférieurs à :

a)      s’agissant de l’article 11, paragraphe 3, point a), 40 % de la quantité de lait déclarée pour la période en cause ;

b)      s’agissant de l’article 11, paragraphe 3, point b), 5 % du nombre de producteurs concernés.

Un contrôle est réputé terminé lorsque le rapport de contrôle correspondant est disponible.

Au cours d’une période de cinq ans, chaque acheteur doit avoir subi au moins un contrôle. »

66      L’article 14 du règlement n° 1392/2001 prévoit :

« 1. Le producteur est tenu de s’assurer que l’acheteur à qui il livre est agréé. Les États membres peuvent prévoir des sanctions en cas de livraison à un acheteur non agréé.

2. L’acheteur tient à la disposition de l’autorité compétente de l’État membre, pendant au moins trois ans, à compter de la fin de l’année d’établissement de ces documents, d’une part, une comptabilité ‘matière’ par période de douze mois indiquant pour chaque producteur le nom et l’adresse, les données prévues à l’article 5, paragraphe 2, établies par mois ou par période de quatre semaines pour les quantités livrées et annuellement pour les autres données, et, d’autre part, les documents commerciaux, la correspondance et autres renseignements complémentaires visés par le règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil […] permettant de contrôler cette comptabilité ‘matière’.

3. L’acheteur est responsable de la comptabilisation au titre du régime du prélèvement supplémentaire de la totalité des quantités de lait et/ou d’autres produits laitiers qui lui ont été livrées ; à cet égard, il tient à la disposition de l’autorité compétente, pendant au moins trois ans à compter de la fin de l’année d’établissement de ces documents, la liste des acheteurs et des entreprises traitant ou transformant du lait ou d’autres produits laitiers qui l’ont approvisionné en lait ou autres produits laitiers et, par mois, la quantité livrée par chaque fournisseur.

4. Lors du ramassage dans les exploitations, le lait et/ou les autres produits laitiers sont accompagnés d’un document qui en individualise la livraison. En outre, l’acheteur garde une trace de chaque livraison individuelle pendant au moins trois ans, à compter de la fin de l’année de leur établissement.

5. Le producteur qui procède à des ventes directes tient à la disposition de l’autorité compétente de l’État membre, pendant au moins trois ans à compter de la fin de l’année d’établissement de ces documents, d’une part, une comptabilité ‘matière’, par période de douze mois, indiquant les quantités, par mois et par produit, de lait et/ou des produits laitiers vendus directement à la consommation et/ou à des grossistes, à des affineurs ou à des commerçants pratiquant la vente au détail et, d’autre part, le registre des animaux utilisés pour la production laitière sur l’exploitation, conformément à l’article 7 du règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, et les pièces justificatives permettant de contrôler cette comptabilité ‘matière’. »

 Appréciation du Tribunal

 Introduction

67      Dans la décision attaquée, la Commission a imposé une correction forfaitaire de 13 676 821 euros pour la campagne 2002/2003 à la suite d’irrégularités constatées dans les contrôles des prélèvements sur les quantités de lait et d’équivalent-lait commercialisées dépassant les quotas laitiers imposés par le cadre réglementaire.

68      Ladite correction a été imposée en raison de l’absence du nombre requis de contrôles sur place effectués en Italie par les autorités italiennes avant la date limite du 31 décembre 2004 dans les régions des Pouilles, des Abruzzes et du Latium ainsi que dans la province de Trente. D’après la Commission, le manque de contrôles avait pour conséquence qu’il y avait un risque que le prélèvement dû sur les quantités de lait livrées ou vendues directement dépassant les quotas nationaux ne soit pas perçu.

69      Ainsi, pour la région des Pouilles, la Commission a considéré la situation comme préoccupante tant pour les contrôles au niveau des quantités de lait livrées que pour ceux au niveau des quantités de lait vendues directement. Elle a constaté que, sur les 118 contrôles prévus, seuls 21 avaient été achevés dans les temps. Cinquante-sept autres avaient été achevés plus tard et les contrôles restants n’avaient pas été effectués du tout. Par conséquent, la Commission a imposé une correction forfaitaire de 5 % tant pour les livraisons que pour les ventes directes.

70      S’agissant de la province de Trente, la Commission a constaté que les quatorze contrôles prévus avaient tous été achevés en retard, c’est-à-dire en avril et en mai 2005. De plus, elle a constaté que les rapports n’avaient été envoyés à l’organisme payeur national, l’AGEA, qu’en octobre 2007. Par conséquent, la Commission a imposé une correction forfaitaire de 5 % tant pour les livraisons que pour les ventes directes.

71      En ce qui concerne la région des Abruzzes, la Commission a constaté que, sur les treize contrôles qui devaient être effectués sur les livraisons, seulement cinq avaient été achevés avant la date limite. Les autres contrôles avaient été effectués avant la fin du mois de mai 2005. Pour les ventes directes, elle a estimé que tous les contrôles prévus avaient été effectués en retard. Dès lors que les lacunes constatées n’étaient pas aussi importantes que celles constatées dans la région des Pouilles ou dans la province de Trente, la Commission a appliqué une correction forfaitaire de 2 % pour les livraisons et une correction forfaitaire de 5 % pour les ventes directes.

72      Enfin, s’agissant de la région du Latium, la Commission a indiqué que, sur les 32 contrôles qui devaient être effectués sur les livraisons, 22 contrôles avaient été effectués à temps et les dix contrôles restants avaient été achevés avant la fin du mois de mai 2005. En ce qui concerne les ventes directes, sur les quatre contrôles requis, trois avaient été effectués à temps et un en retard. Pour cette région également, la Commission a estimé que les lacunes constatées étaient loin d’être aussi importantes que celles constatées dans la région des Pouilles ou dans la province de Trente. Partant, la Commission a uniquement imposé une correction forfaitaire de 2 % pour les livraisons.

 Sur la violation des articles 11, 12 et 14 du règlement n° 1392/2001

73      La République italienne estime que la Commission a violé les articles 11 et 12 du règlement n° 1392/2001 en considérant que le délai pour effectuer les contrôles repris dans l’article 12 dudit règlement était un délai impératif. D’après la République italienne, ce délai ne serait qu’une échéance à partir de laquelle la Commission peut vérifier si le système de contrôle est approprié. Elle estime que, même si les contrôles se terminent au-delà dudit délai, il n’y a pas de risque pour le Fonds tant que les contrôles se terminent dans un laps de temps suffisamment court pour empêcher raisonnablement que n’augmente la possibilité d’occulter définitivement les quantités produites. Selon cette interprétation de l’article 12 du règlement n° 1392/2001, il n’y aurait, à l’exception de la province de Trente et de la région des Pouilles, aucun retard.

74      Le Tribunal observe que l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1392/2001 dispose que, pour chacune des périodes visées à l’article 1er du règlement n° 3950/92, les contrôles doivent être terminés au plus tard vingt et un mois après la fin de la période en cause. Cette disposition impose l’achèvement des contrôles dans ledit délai sans prévoir d’exception. Ainsi, il ressort du texte même de cette disposition que le délai pour la réalisation des contrôles est un délai impératif.

75      En outre, l’imposition d’un délai précis pour l’achèvement des contrôles participe à l’objectif de limitation du risque de non-prélèvement des sommes dues. En effet, ledit délai précise les modalités d’exercice des contrôles et participe à l’objectif de dissuader tant des acheteurs que des producteurs procédant à des ventes directes de déclarer des quantités moindres de livraison ou de ventes directes de lait pour ne pas devoir payer de prélèvement supplémentaire. De plus, un tel délai limite le risque que, de fait, les données nécessaires à ces contrôles ne soient plus disponibles, et cela nonobstant l’obligation imposée aux opérateurs de garder certains documents pendant une période de trois ans (voir article 14 du règlement n° 1392/2001). Ledit délai empêche également le report sine die des contrôles, pouvant entraîner une absence de contrôle et donc un risque de ne pas percevoir des prélèvements dus. Enfin, ledit délai doit permettre la programmation des contrôles futurs sur la base d’une analyse du risque telle qu’elle est prévue par l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 1392/2001. Il s’ensuit que la qualification de délai impératif du délai repris dans l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1392/2001 découle également de l’économie de cette disposition.

76      Cette interprétation de la portée de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1392/2001 ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par la République italienne selon lesquels, en l’espèce, la Commission aurait elle-même pris en compte comme échéance pour les contrôles le 10 mars 2005 au lieu du 31 décembre 2004, limité ses vérifications aux régions présentant un taux de retard dans les contrôles supérieur à un certain seuil et considéré qu’un système n’était réputé inapproprié que lorsque les retards dans les contrôles étaient tels qu’ils rendaient en pratique impossible ou inutile leur réalisation.

77      En effet, par principe, la portée claire et précise d’une disposition ne saurait être modifiée par l’application qui en a été faite par une partie dans un cas d’espèce.

78      En outre, en l’espèce, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir elle-même considéré que le délai de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1392/2001 était un délai facultatif.

79      En effet, en application des articles 11 et 12 du règlement n° 1392/2001, le 31 décembre 2004 était, en l’espèce, la date limite pour la clôture, par les autorités italiennes, des contrôles requis par ledit règlement. Or, dans le rapport de synthèse, la Commission a indiqué à plusieurs reprises cette date comme la date limite pour la clôture des contrôles en application desdites dispositions du règlement n° 1392/2001.

80      Par ailleurs, si la Commission a demandé et pris en considération des données sur les contrôles effectués par les autorités italiennes à la date du 10 mars 2005, force est de constater que ces données ont été prises en considération uniquement dans sa proposition avant conciliation, pour l’évaluation du montant de la correction financière, et cela en raison du manque d’informations disponibles concernant les contrôles effectués par les autorités italiennes au 31 décembre 2004. De plus, ainsi qu’il ressort de la position finale de la Commission dans le rapport de synthèse, à la suite de la transmission des données manquantes sur le nombre de rapports n’ayant pas été remis aux autorités compétentes par les différentes régions italiennes avant le 31 décembre 2004, la correction financière à imposer à la République italienne a été revue.

81      Enfin, contrairement à ce qu’allègue la République italienne, il ne peut être déduit de la circonstance selon laquelle la Commission a déterminé le montant de la correction financière sur la base des « pires contrevenants », c’est-à-dire les régions ayant le plus grand nombre de contrôles inachevés, que la Commission a considéré que le délai pour la réalisation des contrôles était un délai facultatif. En effet, la qualification dudit délai ne peut dépendre de la méthode de correction utilisée en l’espèce en cas de non-respect de ce délai.

82      Partant, il convient de rejeter le grief de la République italienne tiré d’une violation des articles 11, 12 et 14 du règlement n° 1392/2001.

 Sur la mise à disposition des rapports de contrôle

83      La République italienne fait également grief à la Commission d’avoir regardé comme constitutif d’un retard dans l’exercice des contrôles prévus le fait de ne pas mettre à disposition les rapports de contrôle auprès de l’AGEA, l’organisme payeur italien. D’après la République italienne, les contrôles doivent être considérés comme achevés à la fin de l’élaboration par les administrations régionales compétentes de leurs rapports de contrôle et non au moment de la disponibilité de ces derniers auprès de l’AGEA. Ainsi, en l’espèce, la République italienne considère que des rapports de contrôle pouvaient fort bien avoir été réalisés par ses administrations régionales et, donc, que les contrôles pouvaient avoir été achevés avant le 31 décembre 2004, alors même que lesdits rapports n’avaient pas encore été envoyés à l’AGEA ou repris dans ses registres.

84      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1392/2001, un contrôle est réputé terminé lorsque le rapport de contrôle correspondant est disponible.

85      Le caractère disponible ou non d’un rapport de contrôle au sens de la disposition susmentionnée doit s’interpréter en fonction de sa finalité. La finalité d’un rapport de contrôle consiste à permettre aux autorités compétentes de prendre les mesures requises en fonction des résultats des contrôles. Étant donné cette finalité, la rédaction d’un rapport de contrôle par les autorités régionales italiennes sans que celui-ci ait été dûment enregistré auprès de l’AGEA n’équivaut pas à une disponibilité dudit rapport au sens de la disposition susmentionnée. En effet, l’AGEA ne peut assumer pleinement sa mission de gestion globale des quotas lorsque les rapports de contrôle rédigés par les autorités régionales italiennes ne sont pas dûment enregistrés dans ses registres.

86      En outre et en tout état de cause, il convient de constater que, même si les contrôles devaient être considérés comme achevés à la fin de l’élaboration par les administrations régionales compétentes de leurs rapports de contrôle, la République italienne ne démontre pas que, en l’espèce, le nombre de contrôles achevés en date du 31 décembre 2004 était plus important que celui pris en considération par la Commission.

87      Partant, c’est à tort que la République italienne allègue une mauvaise appréciation de la clôture des contrôles.

 Sur le défaut de motivation et l’appréciation erronée des faits

88      La République italienne estime que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation parce qu’il serait difficile de comprendre sur quels éléments la Commission s’est basée pour conclure que les régions des Abruzzes, du Latium et des Pouilles ainsi que la province de Trente représentaient une source de risque financier pour le Fonds. Elle estime que la Commission a ignoré le fait que, le 30 avril 2005, les contrôles étaient partout pratiquement terminés. Or, d’après la République italienne, seule une représentation tenant compte de l’évolution de la situation aurait pu fonder une éventuelle critique quant au manque de fiabilité globale du système de contrôle et au risque financier en découlant pour le Fonds. L’achèvement desdits contrôles ôterait tout fondement à la correction imposée. L’absence de prise en compte de ladite évolution a été qualifiée de dénaturation des faits par la République italienne dans ses mémoires. Toutefois, à l’audience, la République italienne a requalifié ledit grief en erreur d’appréciation factuelle.

89      Par ailleurs, la République italienne allègue que les manquements aux contrôles exigés dans les régions des Abruzzes, du Latium, des Pouilles et dans la province de Trente n’étaient pas différents de ceux des régions italiennes de Basilicate, des Marches et du Molise, qui n’ont pas donné lieu à une correction financière, de sorte que l’imposition d’une correction financière sur la base du manque de contrôles dans les régions des Abruzzes, du Latium, des Pouilles et dans la province de Trente ne serait pas compréhensible.

90      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi que cela a été exposé au point 17 ci-dessus, que la motivation d’un acte doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction de l’Union d’exercer son contrôle. Il s’ensuit que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision.

91      Or, ainsi qu’il a été relaté aux points 68 et suivants ci-dessus, la Commission a exposé dans le rapport de synthèse de façon claire et non équivoque pour quelles raisons elle a estimé que des corrections devaient être imposées à la suite des contrôles effectués par les autorités italiennes dans les régions des Pouilles, des Abruzzes, du Latium et dans la province de Trente. Il convient dès lors de rejeter le grief tiré d’un défaut de motivation.

92      Toutefois, la République italienne conteste également le bien-fondé des motifs avancés. À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, pour les raisons exposées aux points 74 et suivants ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir apprécié au 31 décembre 2004 si les contrôles requis avaient été effectués.

93      En outre, au vu du nombre de contrôles non réalisés dans les temps dans les régions des Pouilles, des Abruzzes, du Latium et dans la province de Trente, il convenait de constater que les autorités italiennes n’avaient pas procédé à un contrôle offrant le niveau attendu de garantie de régularité des prélèvements à effectuer. Par conséquent, le système de contrôle mis en place par les autorités italiennes ne pouvait être considéré comme fiable. Ce manque de fiabilité comportait un risque pour le Fonds, ainsi que cela a été exposé dans le rapport de synthèse et au point 75 ci-dessus.

94      S’agissant des conséquences de ces manquements et, en particulier, des corrections financières telles qu’imposées en l’espèce, il convient de constater que la Commission a pris en considération des entités territoriales à risque eu égard au nombre de contrôles qui n’avaient pas été achevés au 31 décembre 2004 dans lesdites entités. Par ailleurs, il convient d’observer qu’elle n’a pas ignoré qu’un certain nombre de contrôles avaient été effectués après le 31 décembre 2004. Toutefois, contrairement à ce qu’avance la République italienne, la situation des contrôles dans les régions et la province susmentionnées n’étaient pas « tout à fait satisfaisante » dès lors que dans ces territoires un grand nombre de contrôles ont été achevés en retard, que pour la province de Trente des rapports de contrôle ont été envoyés à l’AGEA des années en retard et que, pour la région des Pouilles, des contrôles n’avaient toujours pas été achevés au moment de l’adoption du rapport de synthèse. La circonstance selon laquelle l’absence de certains contrôles dans d’autres régions a été considérée comme sans risque ne saurait remettre en cause les appréciations qui précèdent.

95      Partant, il convient de rejeter les griefs de la République italienne tirés du défaut de motivation et de l’appréciation erronée des faits avancés dans son troisième moyen.

 Conclusion

96      Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen dans sa totalité.

4.     Sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, portant sur les corrections forfaitaires des aides à la surface

 Cadre réglementaire

97      L’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), dispose :

« La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté […] »

98      L’article 31 du règlement n° 1290/2005 prévoit ce qui suit :

« 1. La Commission décide des montants à écarter du financement communautaire lorsqu’elle constate que des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, selon la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3.

2. La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

3. Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

[…] »

99      L’article 11, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 355, p. 1), dispose :

« Après en avoir informé en temps utile les autorités compétentes concernées, les agents de la Commission peuvent effectuer :

–        tout examen et tout contrôle portant sur l’ensemble des mesures prises pour la création et sur l’application du système intégré,

[…] »

100    L’article 27, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1), dispose :

« Après en avoir informé, en temps utile, les autorités compétentes concernées, les agents mandatés par la Commission peuvent effectuer :

–        tout examen et tout contrôle portant sur les mesures prises pour la création et l’application du système intégré,

[…] »

101    L’article 15 du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission, du 11 décembre 2001, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement n° 3508/92 (JO L 327, p. 11), dispose :

« Les contrôles administratifs et les contrôles sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides. »

102    L’article 22 du règlement n° 2419/2001 dispose :

« 1. La détermination de la superficie des parcelles agricoles se fait par tout moyen approprié défini par l’autorité compétente et garantissant une exactitude de mesure au moins équivalente à celle requise pour les mesures officielles prévues par les dispositions nationales. L’autorité compétente peut définir une tolérance de mesure, qui ne dépasse pas soit 5 % de la superficie de la parcelle agricole, soit une zone tampon d’une largeur de 1,5 m appliquée au périmètre de la parcelle agricole. Toutefois, la tolérance maximale pour chacune des parcelles agricoles n’excède pas, en termes absolus, 1 hectare.

2. La superficie totale d’une parcelle agricole peut être prise en compte à condition qu’elle soit utilisée entièrement suivant les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernée. Dans les autres cas, la superficie réellement utilisée est prise en compte.

Dans les régions où certaines caractéristiques, en particulier les haies, les fossés et les murs, font traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière de culture ou d’utilisation, les États membres peuvent considérer que la superficie correspondante fait partie de la superficie totale utilisée, pour autant qu’elle ne dépasse pas une largeur totale à déterminer par les États membres. Cette largeur doit correspondre à une largeur traditionnelle dans la région en question et ne doit pas excéder deux mètres.

Les États membres peuvent, après notification préalable à la Commission, autoriser une largeur supérieure à deux mètres si ces superficies ont été prises en compte pour la fixation des rendements des régions concernées.

3. L’éligibilité des parcelles agricoles est vérifiée par tout moyen approprié. À cet effet, il est demandé, si nécessaire, des preuves supplémentaires. »

103    L’article 23 du règlement n° 2419/2001 prévoit :

« 1. Les États membres peuvent recourir à la télédétection en ce qui concerne l’échantillon visé à l’article 18, paragraphe 1, point a), au lieu des contrôles sur place traditionnels selon les conditions exposées dans le présent article. Les articles 17, 18, 19, 20, la première phrase de l’article 21 et l’article 22 s’appliquent le cas échéant.

2. Les zones à contrôler par télédétection sont sélectionnées sur la base d’une analyse des risques ou de façon aléatoire.

[…] »

104    L’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 prévoit que, « lorsque la superficie déclarée dans une demande d’aide est supérieure à la superficie déterminée pour le même groupe de cultures à la suite de contrôles administratifs ou de contrôles sur place, le montant de l’aide est calculé sur la base de la superficie déterminée pour ce groupe de cultures ».

105    L’article 30 du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement n° 1782/2003 (JO L 141, p. 18), dispose :

« 1. La détermination de la superficie des parcelles agricoles se fait par tout moyen approprié défini par l’autorité compétente et garantissant une exactitude de mesure au moins équivalente à celle requise pour les mesures officielles prévues par les dispositions nationales. L’autorité compétente peut définir une tolérance de mesure qui ne dépasse pas soit 5 % de la superficie de la parcelle agricole, soit une zone tampon de 1,5 m appliquée au périmètre de la parcelle agricole. Toutefois, la tolérance maximale pour chaque parcelle agricole n’excède pas, en valeur absolue, 1,0 ha.

2. La superficie totale d’une parcelle agricole peut être prise en compte à condition qu’elle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernée. Dans les autres cas, c’est la superficie réellement utilisée qui est prise en compte.

Dans les régions où certaines caractéristiques, en particulier les haies, les fossés et les murs, font traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière de cultures ou d’utilisation des sols, les États membres peuvent considérer que la superficie correspondante fait partie de la superficie totale utilisée, pour autant qu’elle ne dépasse pas une largeur totale à déterminer par les États membres. Cette largeur doit correspondre à une valeur traditionnelle en usage dans la région concernée, sans toutefois excéder deux mètres.

Les États membres peuvent, après notification préalable à la Commission, autoriser une largeur supérieure à deux mètres si les superficies dédiées aux cultures arables en cause ont été prises en compte pour la détermination des rendements des régions concernées.

3. En complément du paragraphe 2, dans le cas des parcelles déclarées au titre du régime de paiement unique, tout élément caractéristique visé dans les actes cités à l’annexe III du règlement […] n° 1782/2003 ou pouvant relever des bonnes conditions agricoles et environnementales visées à l’article 5 et à l’annexe IV dudit règlement, est intégré dans la superficie totale de la parcelle agricole.

4. L’éligibilité des parcelles agricoles est vérifiée par tout moyen approprié. À cet effet, il est demandé, si nécessaire, des preuves supplémentaires. »

106    L’article 50, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004 prévoit que, « en cas d’écart entre les droits au paiement déclarés et la superficie déclarée, le calcul du paiement d’une demande d’aide au titre du régime de paiement unique est effectué sur la base la moins élevée ».

107    L’article 51 du règlement n° 796/2004 prévoit :

« 1. S’agissant d’un groupe de cultures, si la superficie déclarée au titre de l’un au l’autre régime d’aide ‘surfaces’, à l’exception des aides aux pommes de terre féculières et aux semences respectivement prévues aux articles 93 et 99 du règlement […] n° 1782/2003, est supérieure à la superficie déterminée conformément à l’article 50, paragraphes 3, 4 et 5, du présent règlement, le montant de l’aide est calculé sur la base de la superficie déterminée, réduite du double de la différence constatée, si celle-ci dépasse 3 % ou deux hectares, mais n’excède pas 20 % de la superficie déterminée.

Lorsque la différence constatée excède 20 % de la superficie déterminée, aucune aide ‘surfaces’ n’est accordée pour le groupe de cultures considéré.

2. En ce qui concerne la superficie totale déterminée faisant l’objet de la demande unique, à l’exception des aides aux pommes de terre féculières et aux semences respectivement prévues aux articles 93 et 99 du règlement […] n° 1782/2003, si la superficie déclarée dépasse de plus de 30 % la superficie déterminée conformément à l’article 50, paragraphes 3, 4 et 5, du présent règlement, l’agriculteur se voit refuser le bénéfice des régimes d’aide auxquels il aurait pu prétendre en application de l’article 50, paragraphes 3, 4 et 5, du présent règlement, pour l’année civile concernée.

Si la différence excède 50 %, l’agriculteur est également pénalisé à concurrence d’un montant égal au montant correspondant à la différence entre la superficie déclarée et la superficie déterminée conformément à l’article 50, paragraphes 3, 4 et 5. La somme correspondante est prélevée sur les paiements à effectuer au titre de n’importe lequel des régimes d’aide visés aux titres III et IV du règlement […] n° 1782/2003 auxquels l’agriculteur peut prétendre sur la base des demandes qu’il introduit au cours des trois années civiles suivant celle de la constatation. Si le montant correspondant ne peut pas être entièrement prélevé sur ces paiements, le solde est annulé.

3. Aux fins du présent article, lorsqu’un agriculteur demandant à bénéficier d’une aide aux cultures énergétiques en application de l’article 88 du règlement […] n° 1782/2003 ou déclarant des parcelles en gel conformément à l’article 55, point b), ou à l’article 107, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, ne parvient pas à fournir les quantités demandées d’une matière première donnée, il est considéré comme n’ayant pas respecté ses obligations en matière de parcelles consacrées aux cultures énergétiques ou gelées, respectivement, pour une superficie calculée en multipliant la superficie de terre qu’il cultive et dédie à la production des matières premières par le pourcentage de cette matière première manquant dans la livraison. »

 Appréciation du Tribunal

 Introduction

108    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé, à la suite d’enquêtes effectuées par ses services en 2005, que les méthodes de contrôles pratiquées par la République italienne dans le domaine des aides à la surface étaient déficientes. Elle a imposé des corrections forfaitaires à la suite de la constatation de ces déficiences.

109    Plus particulièrement, s’agissant des déficiences des contrôles effectués par les autorités italiennes dans le domaine des aides à la surface sur la base d’orthophotographies prises dans l’année desdits contrôles, la Commission a imposé une correction forfaitaire de 2 % sur l’ensemble des dépenses pour les années 2003 et 2004 et une correction forfaitaire de 2 % sur les dépenses relatives à l’aide « surfaces » payées au titre de l’article 69 et du titre IV du règlement n° 1782/2003 pour l’année 2005.

110    S’agissant des déficiences des contrôles effectués par les autorités italiennes dans le domaine des aides à la surface sur la base d’orthophotographies prises dans des années antérieures auxdits contrôles, la Commission a imposé une correction forfaitaire de 5 % sur les dépenses relatives à l’aide « surfaces » payées au titre de l’article 69 et du titre IV du règlement n° 1782/2003 et une correction de 2 % sur les dépenses payées au titre du régime de paiement unique.

 Sur la prise en compte des contrôles de qualité effectués par les autorités italiennes

111    La République italienne reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la circonstance selon laquelle les contrôles de second niveau, également intitulés contrôles de qualité, effectués par les autorités italiennes ne sont pas la répétition des contrôles de premier niveau et de ne pas avoir tenu compte des bons résultats desdits contrôles alors qu’elle en avait informé la Commission, au cours de la procédure, par transmission du rapport de l’AGEA du 22 octobre 2007. Cette méconnaissance desdits résultats entraînerait une violation de l’obligation d’instruction consacrée à l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 ainsi que de l’obligation de motivation de la Commission et aurait pour conséquence une dénaturation des faits. À l’audience, la République italienne a précisé qu’il convenait de comprendre le grief tiré de la dénaturation des faits comme visant une erreur d’appréciation des faits.

112    À cet égard, il convient d’observer que, par lettres du 17 août 2005 et du 3 janvier 2006, la Commission a communiqué aux autorités italiennes que ses inspections effectuées du 16 au 20 mai 2005 et du 26 au 30 septembre 2005 dans le cadre de la vérification du système intégré de gestion et de contrôle des terres arables en Italie avaient révélé des déficiences dans les contrôles effectués par les autorités italiennes. Dans sa lettre du 3 janvier 2006, la Commission a, en particulier, critiqué la méthode de contrôle utilisée par les autorités italiennes au motif qu’elle n’était pas assez précise.

113    En outre, à l’issue d’une réunion bilatérale qui s’est tenue le 14 juillet 2006, la Commission a confirmé aux autorités italiennes, dans sa lettre du 5 octobre 2006, que la vérification du système de contrôle italien avait permis de relever que ce système n’était pas entièrement fiable. Elle a ainsi indiqué que, dans de nombreux cas, une distinction adéquate entre les différentes cultures n’avait pas été établie et que des éléments non éligibles aux mesures de soutien financier n’avaient pas été identifiés. De plus, elle a considéré que le système informatique utilisé afin de vérifier l’éligibilité des demandes d’aides comportait des renseignements erronés à la suite de reports impropres des limites des cultures et d’éléments inéligibles sur le support papier de l’orthophotographie. Par lettre du 16 mars 2007, la Commission a présenté des propositions de rectifications financières au vu des défaillances susmentionnées.

114    À la suite de cette proposition, les autorités italiennes ont saisi l’organe de conciliation, qui, dans ses conclusions, a notamment indiqué que le risque pouvant éventuellement découler d’une faiblesse dans les contrôles de premier niveau ne pouvait être évalué qu’après avoir examiné la valeur des contrôles de qualité mis en place. Il a invité les autorités italiennes à fournir sans retard aux services de la Commission une description complète des méthodes employées dans le cadre des contrôles de qualité et des informations concernant leur fréquence et leurs résultats. À la suite desdites conclusions, la Commission a revu les corrections proposées.

115    Dans un rapport du 22 octobre 2007, l’AGEA a fourni une description des contrôles de qualité. D’après cette description, lesdits contrôles consistaient à répéter de manière indépendante toutes les opérations effectuées lors du premier contrôle.

116    Enfin, dans le rapport de synthèse, la Commission a déduit des différences entre les mesures, effectuées par les autorités italiennes et par ses services, de parcelles cultivées que la méthode utilisée par les autorités italiennes ne donnait pas un résultat suffisamment précis dans certains cas et, par conséquent, ne respectait pas les exigences des articles 15 et 22 du règlement n° 2419/2001 et des articles 23 et 30 du règlement n° 796/2004. En outre, dans sa position finale reprise dans le rapport de synthèse, la Commission a indiqué qu’elle avait tenu compte, dans sa proposition de correction financière, des contrôles de qualité menés par les autorités italiennes, mais que le risque ne pouvait être évalué sur la base de ces contrôles, puisque ceux-ci étaient effectués selon la même procédure critiquée que celle des contrôles de premier niveau. Dans la décision attaquée, la Commission a imposé les corrections décrites aux points 109 et suivants ci-dessus.

117    Au vu de ce qui précède, c’est à tort que la République italienne considère que la Commission n’a jamais contesté la validité du système de contrôle employé en Italie et que la Commission n’a relevé que des erreurs ponctuelles commises au cours de l’application concrète dudit système.

118    Au vu de ce qui précède, il ne peut également être reproché à la Commission d’avoir manqué à ses obligations procédurales énoncées dans l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et dans l’article 31 du règlement n° 1290/2005. En particulier, il ne peut être fait grief à la Commission de ne pas avoir pris en considération les contrôles de qualité effectués par les autorités italiennes ou l’avis de l’organe de conciliation. En effet, l’efficacité des contrôles opérés par les autorités italiennes était au centre de l’instruction effectuée par la Commission. La Commission a expressément fait référence aux contrôles de qualité dans le rapport de synthèse, a apprécié la méthodologie suivie en considérant que ces contrôles étaient effectués selon la même procédure que les contrôles de premier niveau et a évalué leur efficacité en comparant leurs résultats à ceux de ses propres contrôles. Partant, la Commission a tenu compte des contrôles de qualité effectués par les autorités italiennes et ne peut se voir reprocher un défaut d’instruction.

119    En outre, c’est à tort que la République italienne reproche à la Commission de ne pas avoir motivé pour quelle raison elle considérait que les contrôles de qualité italiens et leurs résultats n’étaient pas fiables, puisque la Commission a indiqué, dans son rapport de synthèse, qu’ils n’ont pas été pris en compte parce qu’ils appliquaient la même méthodologie critiquée des contrôles de premier niveau.

120    Enfin, en ce que la République italienne reproche à la Commission de ne pas avoir correctement examiné les contrôles de second niveau, en particulier, en ignorant l’existence et les modalités de mise en œuvre de ces contrôles de qualité et leurs bons résultats, il convient d’observer que, dans son rapport du 22 octobre 2007, l’AGEA a exposé que les contrôles de qualité opérés par les autorités italiennes étaient des contrôles indépendants qui n’étaient pas purement formels, mais également substantiels.

121    Cependant, l’AGEA a précisé dans ledit rapport que, au cours des contrôles de qualité, toutes les opérations effectuées lors du premier contrôle étaient répétées de manière indépendante, qu’il s’agisse de la visite sur le terrain ou de la conversion successive en format vidéo. Les contrôles de qualité étaient donc la répétition et l’évaluation quantitative et qualitative de toutes les opérations relatives à la phase de travail faisant l’objet du contrôle de qualité. L’AGEA a également indiqué que, puisque la méthodologie de contrôle italienne ne prévoyait pas de mesurage direct des surfaces sur le terrain, le contrôle de qualité, à cette étape de la vérification, ne le prévoyait pas non plus, ni au moyen d’un GPS [Global Positioning System (système de positionnement global par satellite)] ni au moyen d’autres systèmes. Enfin, l’AGEA a précisé que, en ce qui concernait la phase de transposition en format vidéo dans le système d’identification géographique, les vérifications portaient en particulier sur l’exactitude et la précision de la numérisation de la limite cadastrale et la correcte superposition du plan cadastral, sur l’exactitude et le caractère approprié du report de tous les polygones relevés sur le terrain et présents sur l’orthophotographie superposée au plan cadastral, sur l’exactitude du stockage des informations relatives au code utilisation, au code variété et à l’état de la culture ainsi que sur la correcte élimination des éventuelles surfaces non éligibles.

122    Au vu de cet exposé de l’AGEA, la Commission pouvait considérer, sans commettre d’erreur, que la méthodologie suivie pour les contrôles de qualité des autorités italiennes était la même que celle des contrôles de premier niveau. Des erreurs dues à la méthodologie des contrôles de premier niveau ne pouvaient donc pas être corrigées par les contrôles de qualité.

123    En outre, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation quant aux modalités de mise en œuvre des contrôles de qualité italiens et à leurs résultats, dès lors qu’elle a constaté, à la suite de sa mission de vérification sur place, que lesdits contrôles de qualité n’avaient pas permis d’éviter de nombreuses erreurs. En effet, la révision par la Commission des contrôles effectués par les autorités italiennes sur la base des orthophotographies de l’année concernée a révélé de nombreux cas dans lesquels il n’y avait pas de séparation évidente entre les cultures et dans lesquels des éléments non éligibles n’avaient pas été exclus. De plus, la Commission a estimé que le taux très important de parcelles mal jugées ou avec une différence de mesurage indiquait une négligence dans les travaux de numérisation des résultats des contrôles sur place. Pour les contrôles sur la base des orthophotographies d’années antérieures, la Commission a indiqué que les visites sur le terrain effectuées lors de ses missions avaient révélé, d’une part, des relevés inexacts des limites des cultures et la prise en compte d’éléments inéligibles et, d’autre part, une numérisation incorrecte des relevés effectués par l’inspecteur. De tels constats n’auraient pu être faits par la Commission si les contrôles de qualité avaient été totalement efficaces.

 Sur l’échantillon de parcelles faisant l’objet des vérifications de la Commission

124    La République italienne estime que la Commission a failli à son obligation d’instruction parce que, à la différence d’un contrôle antérieur, elle a étendu à toutes les parcelles du territoire italien l’hypothèse selon laquelle elles présenteraient ou pourraient présenter les mêmes insuffisances que celles constatées à partir d’un échantillon très restreint d’entreprises, toutes choisies pour leurs caractéristiques propres à maximiser la probabilité d’erreur. L’échantillon ainsi sélectionné ne serait pas statistiquement représentatif. Ce manque d’examen sur la base d’un échantillon représentatif de la situation réelle sur le terrain violerait l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et l’article 31 du règlement n° 1290/2005. En effet, la Commission n’aurait pas examiné les faits pertinents. D’après la République italienne, le niveau de risque financier pour le Fonds et la nécessité de procéder à une correction forfaitaire dépendent de l’importance, déterminée statistiquement, des contrôles défaillants par rapport au total des contrôles réalisés.

125    En ce que la République italienne conteste l’approche ciblée de la Commission consistant à vérifier, sur la base des résultas d’un contrôle antérieur, les situations les plus susceptibles de présenter des insuffisances, il y a lieu de rappeler que le FEOGA finance uniquement les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune de marchés agricoles (voir arrêt du Tribunal du 4 septembre 2009, Autriche/Commission, T‑368/05, non publié au Recueil, point 70, et la jurisprudence y citée). Ainsi, pour autant qu’un financement n’est pas octroyé conformément auxdites dispositions, il doit être récupéré.

126    Par ailleurs, il a déjà été jugé que la Commission n’est pas tenue de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais doit présenter des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles et ces chiffres (voir arrêt Autriche/Commission, point 125 supra, point 71, et la jurisprudence y citée).

127    Par conséquent, la Commission pouvait adopter l’approche ciblée en question. En effet, une telle approche permet une allocation efficace des ressources de la Commission dans l’objectif de minimiser le risque de pertes financières. Cette approche est d’autant plus justifiée que la Commission n’a pas l’obligation de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales. Partant, c’est à tort que la République italienne reproche à la Commission d’avoir failli à son obligation d’instruction en raison de ladite approche ciblée.

128    La République italienne estime également que les résultats des contrôles effectués par la Commission ne sont pas représentatifs et qu’ils ne peuvent dès lors être extrapolés à l’ensemble de l’Italie. Elle estime en particulier que l’approche de la Commission n’est pas cohérente parce que le niveau de risque financier pour le Fonds dépend justement de l’importance, statistiquement déterminée, des contrôles défaillants par rapport au total des contrôles réalisés. Cela serait le cas notamment, et même exclusivement, dans les cas de correction forfaitaire. En l’absence d’un échantillon représentatif des proportions présumées, mais vraisemblables, entre contrôles conformes et situations irrégulières, il serait impossible de connaître le niveau global de risque que court le Fonds, et même, avant cela, de déterminer s’il convient de procéder à une correction forfaitaire ou analytique.

129    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a fondé les corrections imposées en l’espèce, notamment, sur des déficiences dans les méthodes de contrôle pratiquées par les autorités italiennes. Si ces déficiences ont, certes, été révélées à la suite des enquêtes effectuées dans les régions les plus à risque, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait procédé, sur la base des résultats de ses vérifications des méthodes de contrôle des autorités italiennes, à une extrapolation statistique des sommes à récupérer à l’ensemble du territoire.

130    En effet, il ressort du rapport de synthèse que, au vu des déficiences méthodologiques des contrôles effectués par les autorités italiennes, qui sont illustrées par la circonstance selon laquelle ces contrôles n’ont pas permis de déceler certaines erreurs, la Commission a, en application de ses propres lignes directrices reprises dans le document n° VI/5330/97, imposé une correction forfaitaire, considérant qu’une telle correction est le moyen le plus approprié pour évaluer le risque.

131    Or, la Commission pouvait considérer qu’une approche forfaitaire pour la détermination du montant des aides à récupérer était justifiée, dès lors que les irrégularités avaient trait aux méthodes de contrôle et qu’il s’avérait impossible de déterminer leur répercussion réelle sur les dépenses non conformes et donc sur les pertes financières subies par le Fonds. En effet, la légalité d’une telle approche forfaitaire a déjà été reconnue dans la jurisprudence (arrêts de la Cour du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C‑346/00, Rec. p. I‑9293, points 53 à 54, et du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, Rec. p. I‑3047, point 136). Une telle approche implique que la correction soit évaluée en fonction du risque que peut entraîner l’insuffisance en question sur le Fonds, ce qui s’apprécie notamment en tenant compte de la gravité de ladite insuffisance.

132    En outre, au vu de ce qui précède, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir procédé de la même manière que dans un audit précédent. La circonstance selon laquelle, dans un audit antérieur, il a été considéré que les contrôles étaient globalement satisfaisants ne permet pas en effet de remettre en cause les constats faits par la Commission à la suite des contrôles faisant l’objet de la décision attaquée.

133    Partant, il y a lieu de rejeter le grief de la République italienne selon lequel la Commission n’aurait pas correctement examiné les faits pertinents, dès lors qu’elle n’a pas considéré les résultats des insuffisances constatées comme statistiquement représentatives pour toutes les régions italiennes et qu’elle pouvait légitimement concentrer ses contrôles sur les entreprises les plus à risque.

 Sur la valeur dérisoire des pertes dues aux irrégularités mises en évidence

134    La République italienne estime que la Commission a violé son obligation de motivation et d’instruction, parce que la décision attaquée ne permettrait pas de comprendre comment les erreurs constatées par la Commission, dont le taux moyen s’élèverait à 0,38 % des surfaces déclarées selon des documents joints aux mémoires de la République italienne, peuvent faire aboutir à la conclusion que le système italien de contrôle était tellement insuffisant qu’il présentait un risque de perte pour le Fonds et que ces insuffisances justifiaient l’application des corrections de 2 % et 5 % telles qu’appliquées en l’espèce. À cet égard, la République italienne invoque la lettre de la Commission du 16 mars 2007 dans laquelle cette dernière aurait indiqué que les différences constatées n’ont pas nécessairement une incidence financière, dans la mesure où, dans de nombreux cas, elles sont en dessous des seuils de tolérance technique admis par l’article 30 du règlement n° 796/2004.

135    À titre liminaire, il convient de rejeter la demande de la Commission de déclarer irrecevables les documents produits par la République italienne et ayant trait au taux moyen des erreurs constatées par la Commission. En effet, contrairement à ce qu’avance la Commission, la production de ces documents ne viole pas le principe du contradictoire, dès lors que la Commission a pu prendre position sur lesdits documents, à tout le moins, lors de l’audience. En outre, ces documents ont été produits à l’appui du moyen tiré d’un défaut de motivation et d’un défaut d’examen, qui avait déjà été avancé au stade de la requête. Partant, ces documents ne peuvent être considérés comme étant produits à l’appui d’un moyen nouveau. La Commission invoque dès lors à tort, pour écarter lesdits documents, la jurisprudence selon laquelle la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que lesdits moyens ne soient fondés sur des éléments de fait ou de droit apparus en cours de procédure (arrêt de la Cour du 5 novembre 2002, Commission/Belgique, C‑471/98, Rec. p. I‑9681, point 41).

136     Ensuite, en ce que la République italienne allègue un défaut de motivation, il convient de rappeler que, ainsi qu’exposé au point 17 ci-dessus, l’obligation de motivation est une obligation de forme qui ne porte pas sur l’exactitude des motifs. Or, il ressort du rapport de synthèse pour quels motifs la Commission a considéré, en l’espèce, que les erreurs constatées justifiaient les corrections imposées. En effet, ainsi que cela est relaté aux points 97 et suivants ci-dessus, la Commission a considéré dans le rapport de synthèse que, au vu des déficiences dans les méthodes de contrôle utilisées par les autorités italiennes, il y avait un risque pour le Fonds justifiant les corrections imposées. Au point 12.2.5 du rapport de synthèse, la Commission a expressément exposé pour quelles raisons elle a imposé les taux de correction. Partant, la République italienne allègue à tort un défaut de motivation fondé sur l’absence de précision dans la décision attaquée des conditions qui, au regard du document n° VI/5330/97, auraient pu justifier l’application d’une correction aux taux imposés en l’espèce.

137    Enfin, en ce que la République italienne reproche à la Commission de ne pas avoir dûment examiné les faits pertinents, il convient d’observer que ce grief rejoint le grief au fond tiré du caractère adéquat de la correction financière imposée dans la décision attaquée à la République italienne, qui sera apprécié aux points 156 et suivants ci-après.

 Sur l’emploi des instruments GPS

–       Sur le respect du principe du contradictoire

138    La République italienne allègue une violation du principe du contradictoire au motif que, au cours de leurs enquêtes, les services de la Commission ne l’auraient pas informée qu’ils utiliseraient exclusivement des instruments GPS pour effectuer leurs contrôles.

139    À cet égard, le Tribunal estime qu’il n’est pas crédible que les autorités italiennes ne savaient pas que les instruments GPS seraient utilisés pour les contrôles de la Commission. En effet, de l’aveu même de la République italienne, des instruments GPS avaient déjà été utilisés au cours d’un audit antérieur en Italie et, de surcroît, les instruments GPS utilisés en l’espèce avaient été mis à la disposition des représentants de la Commission par les autorités italiennes. Dans de telles circonstances, les autorités italiennes devaient savoir que lesdits instruments allaient être utilisés pour les contrôles de la Commission.

140    Par ailleurs, il ressort de la lettre du 11 juillet 2005 de la Commission aux autorités italiennes, ayant trait à la mission de contrôle en Italie du 26 au 30 septembre 2005 que la Commission a expressément exigé que, pour les 28 et 29 septembre 2005, soient mis à sa disposition des instruments GPS en vue de contrôles sur place. C’est dès lors à tort que la République italienne estime que la Commission n’a jamais prévenu les autorités italiennes qu’elle avait l’intention d’utiliser des instruments GPS pour ses contrôles.

141    Enfin, et en tout état de cause, il y a lieu de rappeler que le principe du contradictoire, qui constitue un principe fondamental du droit de l’Union faisant partie, en particulier, des droits de la défense, exige que la partie concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité (voir arrêt du Tribunal du 4 septembre 2009, Italie/Commission, T‑211/05, Rec. p. II‑2777, point 53, et la jurisprudence y citée). Dans le contexte des procédures FEOGA, il a été jugé que ledit principe imposait que la décision finale et définitive relative à l’apurement des comptes fût prise à l’issue d’une procédure contradictoire spécifique au cours de laquelle les États membres concernés devaient disposer de toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 décembre 2000, Allemagne/Commission, C‑245/97, Rec. p. I‑11261, point 47, et la jurisprudence y citée).

142    Même s’il devait être considéré que, en l’espèce, les autorités italiennes n’avaient pas été informées, préalablement à l’audit, de l’usage que les services de la Commission allaient faire des instruments GPS, cette circonstance n’entraînerait pas une violation du principe du contradictoire, puisque lesdites autorités pouvaient contester au cours de la procédure les résultats de l’audit effectué sur la base desdits instruments. Or, la République italienne n’avance aucun élément permettant de démontrer qu’elle n’a pas pu contester, au cours de la procédure administrative, les résultats de l’audit effectué sur la base des instruments GPS.

143    Partant, le grief de la République italienne tiré d’une violation du principe du contradictoire doit être rejeté.

–       Sur le défaut d’instruction

144    Au soutien de son grief selon lequel la Commission n’a pas procédé à une instruction complète, la République italienne estime, d’abord, que, puisqu’elle avait choisi comme moyen de contrôle des aides à la surface la télédétection, conformément à l’article 23 du règlement n° 2419/2001 pour les années 2003 et 2004 et à l’article 30 du règlement n° 796/2004 pour l’année 2005, les services de la Commission auraient dû évaluer l’efficacité du système de contrôle en utilisant la même méthodologie.

145    Cet argument doit être rejeté. En effet, aucune des dispositions citées n’impose à la Commission une telle obligation. De plus, la Commission peut vérifier l’efficacité des moyens de contrôle mis en place par les autorités nationales par tous les moyens légaux disponibles. Un tel pouvoir découle de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 3508/92 et de l’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1782/2003, qui prévoient que, après avoir informé en temps utile les autorités compétentes concernées, les agents de la Commission peuvent effectuer tout examen et tout contrôle portant sur l’ensemble des mesures prises pour la création et l’application du système intégré.

146    Ensuite, la République italienne considère que les résultats des audits effectués par la Commission n’ont pas pu donner des résultats fiables parce que les instruments GPS utilisés pour les audits en cause n’ont pas été préalablement testés par le Centre commun de recherche de la Commission (CCR) à Ispra (Italie), à la différence de ceux utilisés pour un audit antérieur référencé AA/2004/14. De plus, cette absence de certification des résultats des instruments GPS, faute de tests, a pour conséquence, selon la République italienne, que les autorités italiennes n’étaient pas tenues de contester spécifiquement ces résultats au cours des audits ou durant les phases postérieures de la procédure. La mise en évidence de ce fait suffirait à priver de valeur les données fournies par les instruments GPS en cause.

147    À cet égard, le Tribunal estime que la circonstance selon laquelle les instruments GPS utilisés par la Commission en l’espèce n’ont pas été testés par le CCR ne suffit pas à démontrer le caractère erroné des résultats obtenus par l’intermédiaire de ces instruments GPS. En outre, dès lors qu’il n’est pas contesté que ces instruments GPS ont été fournis par les autorités italiennes, celles-ci auraient dû, en application de l’obligation de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE, s’assurer que les instruments GPS mis à la disposition de la Commission étaient fiables. D’autant plus que, à tout le moins pour une des missions sur place, la Commission avait annoncé que lesdits instruments devaient être mis à sa disposition (voir point 139 ci-dessus). Si les autorités italiennes avaient eu le moindre doute quant à la fiabilité desdits instruments, c’est à ces autorités qu’il incombait en premier lieu de vérifier la fiabilité de ces instruments. Comme lesdites autorités n’ont pas effectué ces vérifications, leurs arguments à cet égard ne peuvent qu’être écartés.

148    La Commission pouvait, également, sans commettre d’erreur ou faillir à son obligation d’instruction, considérer, comme elle l’a fait dans son rapport de synthèse, que le relevé des positions et la prise de mesures par ses services au moyen d’instruments GPS étaient plus fiables qu’une estimation à vue des distances, telle qu’elle est pratiquée, en l’espèce, par les inspecteurs des autorités italiennes.

149    De plus, la République italienne n’avance aucun élément de preuve démontrant un manque de fiabilité des vérifications effectuées par l’intermédiaire des instruments GPS. Si la République italienne estimait réellement que les résultats des vérifications effectuées par la Commission étaient erronés à cause de l’utilisation des instruments GPS en question, elle aurait dû fournir des preuves à cet égard. Or, force est de constater que, ni au cours de la procédure administrative ni devant le Tribunal, la République italienne n’a démontré que les relevés faits sur la base des instruments GPS utilisés par les services de la Commission étaient erronés.

150    La République italienne ne peut par ailleurs considérer que l’absence de certification des instruments GPS la dispensait de contester spécifiquement les résultats obtenus par l’intermédiaire de ces instruments au cours des audits ou durant les phases postérieures de la procédure. En effet, elle ne pouvait déduire de l’absence de certification des instruments GPS que les résultats obtenus par l’intermédiaire de ces instruments étaient erronés.

151    Partant, il convient de rejeter le grief de la République italienne fondé sur un défaut d’instruction de la part de la Commission eu égard à l’usage des instruments GPS pour les audits en cause.

152    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la République italienne selon lesquels la Commission aurait considéré la méthodologie de contrôle italienne comme fiable et efficace sur le plan opérationnel dans un audit antérieur, mais inappropriée dans les audits faisant l’objet de la présente procédure.

153    En effet, outre la circonstance que la République italienne n’expose pas précisément au Tribunal la méthodologie de contrôle faisant l’objet de l’audit antérieur, de sorte que sa comparaison avec celle en cause en l’espèce n’est pas évidente, le Tribunal estime que, même s’il était avéré que la Commission avait adopté dans des audits antérieurs une position différente quant à la fiabilité de la méthode de contrôle italienne, cela n’implique nullement que les résultats des audits que les services de la Commission ont menés en l’espèce à l’aide des instruments GPS sont erronés.

154    La conclusion reprise au point 149 ci-dessus n’est pas non plus remise en cause par l’absence d’objections substantielles de la part de la Cour des comptes de l’Union européenne quant à la méthode de contrôle ou de mesurage de surfaces à l’occasion de visites effectuées en Italie concernant des demandes d’aides.

155    En effet, c’est à juste titre que la Commission a considéré dans ses écritures que, à défaut de précisions et de documents permettant de vérifier la pertinence de l’avis de la Cour des comptes sur la question soulevée en l’espèce, cet argument ne pouvait remettre en cause l’appréciation qui précède.

 Sur le caractère adéquat des corrections

–       Introduction

156    La République italienne estime que les corrections des dépenses relatives aux aides à la surface qui lui ont été imposées par la décision attaquée sont disproportionnées. À l’appui de ce grief, la République italienne avance, en substance, quatre arguments. En premier lieu, elle estime que la Commission a omis, de manière erronée, de calculer les corrections financières se rapportant à la campagne de 2005 sur la base des seules aides à la surface couplées à la production. En deuxième lieu, elle fait grief à la Commission de ne pas avoir exclu les droits spéciaux de son calcul des corrections financières. En troisième lieu, elle reproche à la Commission de ne pas avoir exclu du calcul des corrections financières les parcelles destinées à une utilisation unique du sol. En quatrième lieu, elle estime que les corrections financières ont, à tort, été imposées sans tenir compte de la marge de tolérance technique et de la compensation à l’intérieur des groupes de cultures prévus par le cadre réglementaire.

157    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir point 39 ci-dessus).

158    Par ailleurs, il convient de souligner, tel que cela a été constaté par une jurisprudence constante, que, en ce qui concerne le montant de la correction financière, la Commission peut aller jusqu’à refuser la prise en charge par le FEOGA de l’intégralité des dépenses exposées, si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec. p. I‑6063, point 125). De même, si, dans le cadre de sa mission d’apurement des comptes, la Commission s’efforce, au lieu de refuser le financement de la totalité des dépenses, d’établir des règles visant à différencier, selon le degré de risque qu’ils présentent pour le FEOGA, différents niveaux de carence de contrôle, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables (arrêts de la Cour du 4 juillet 1996, Grèce/Commission, C‑50/94, Rec. p. I‑3331, point 28, et du Tribunal du 28 mars 2007, Espagne/Commission, T‑220/04, non publié au Recueil, point 102).

–       Sur la prise en compte d’autres aides que les aides à la surface couplées à la production

159    La République italienne estime que, pour la campagne 2005, le montant de la correction forfaitaire pour les aides à la surface est disproportionné, parce que la Commission a calculé ce montant sur la base du montant global des aides « surfaces » versées et non sur la base des seuls montants versés au titre des « régimes d’aide à la surface couplés à la production », qui ne représentent que 11 % dudit montant global.

160    Au vu de ce grief, il convient de préciser que le règlement n° 1782/2003 a mis en place un système d’aide au revenu du producteur qui est découplé de la production de certaines cultures, d’où l’appellation « dépenses découplées » de ces aides. Le système d’aide au revenu découplé pour chaque exploitation agricole regroupe un certain nombre de paiements directs existant avant l’adoption du règlement n° 1782/2003 en un paiement unique. Le système découplé n’a toutefois pas entièrement remplacé le système de l’aide à la production. Ainsi, le titre IV du règlement n° 1782/2003 reprend des régimes d’aides qui ne tombent pas sous celui du paiement unique. L’article 69 du règlement n° 1782/2003 prévoit, par ailleurs, la possibilité pour un État membre d’effectuer un paiement supplémentaire pour des types particuliers d’agriculture qui sont importants pour la protection ou l’amélioration de l’environnement ou pour l’amélioration de la qualité et la commercialisation des produits agricoles.

161    En l’espèce, il ressort du rapport de synthèse que, pour l’année 2005, la Commission a imposé une correction forfaitaire de 2 % sur les dépenses relatives à l’aide « surfaces » payées en vertu de l’article 69 et du titre IV du règlement n° 1782/2003 en raison de faiblesses d’interprétation des images prises lors des contrôles effectués par les autorités italiennes sur la base des orthophotographies de l’année concernée. En outre, pour la même année, la Commission a imposé une correction forfaitaire de 5 % sur les dépenses relatives à l’aide « surfaces » payées en vertu de l’article 69 et du titre IV du règlement n° 1782/2003 et une correction de 2 % sur les dépenses payées au titre du régime du paiement unique en raison des faiblesses de la procédure de contrôle basée sur des orthophotographies des années antérieures.

162    Ainsi, la Commission a distingué les dépenses découplées (régime de paiement unique visé par le titre III du règlement n° 1782/2003) et les dépenses couplées (régime visé par l’article 69 et le titre IV du règlement n° 1782/2003). Cette distinction se retrouve dans les montants pris en compte afin de déterminer les montants des corrections imposées. En effet, il ressort du tableau accompagnant la lettre de la Commission aux autorités italiennes du 14 mai 2008 que la Commission a distingué les deux types de dépenses. Or, la République italienne n’a avancé aucun élément permettant de remettre en cause l’exactitude des montants pris en considération dans ledit tableau afin de déterminer, pour l’année 2005, la somme des dépenses couplées.

163    Par conséquent, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir distingué, lors du calcul de la correction financière pour la campagne 2005, les dépenses relatives aux aides découplées de celles se rapportant aux aides couplées.

–       Sur la prise en compte des droits spéciaux

164    La République italienne estime également que le principe de proportionnalité a été violé en ce que la correction forfaitaire des dépenses relatives au régime du paiement unique a été calculée sur la base d’un montant qui inclut des « droits spéciaux » visés par l’article 47 du règlement n° 1782/2003, c’est-à-dire des droits qui sont conférés indépendamment de la superficie.

165    À la suite de la réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal dans laquelle celle-ci a exposé comment elle avait exclu les « droits spéciaux » du calcul de la correction en cause, la République italienne a déclaré, à l’audience, qu’elle se désistait de son grief fondé sur l’inclusion de « droits spéciaux » dans le montant pris en compte pour le calcul des corrections des dépenses relatives au régime du paiement unique. Il n’y a donc plus lieu pour le Tribunal de se prononcer sur ce grief.

–       Sur la prise en compte des parcelles destinées à une utilisation unique

166    La République italienne considère que l’analyse des données collectées au cours des contrôles effectués au titre des campagnes 2003, 2004 et 2005 montre que plus de la moitié des parcelles cadastrales appartenant aux entreprises incluses dans l’échantillon sont destinées à une utilisation unique du sol. Pour ces parcelles, la République italienne considère que, au vu de l’article 22 du règlement n° 2419/2001 et de l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004, il devait être présumé que les surfaces cultivées correspondaient aux surfaces cadastrales. La République italienne estime, par conséquent, que les parcelles destinées à une utilisation unique du sol auraient dû être exclues du calcul des éventuelles corrections financières. L’absence d’exclusion de ces surfaces du calcul des corrections financières en l’espèce entraîne, selon la République italienne, une violation du principe de proportionnalité.

167    Au vu de ce grief, il convient d’observer que tant l’article 22, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 que l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004 prévoient que la superficie totale d’une parcelle agricole ne peut être prise en compte qu’à condition qu’elle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernés. Ces dispositions précisent que, dans les régions où certaines caractéristiques, en particulier les haies, les fossés et les murs, font traditionnellement partie des bonnes pratiques agricoles en matière de culture ou d’utilisation, les États membres peuvent considérer que la superficie correspondante fait partie de la superficie totale utilisée, pour autant qu’elle ne dépasse pas une largeur totale à déterminer par les États membres. Cette largeur doit correspondre à une largeur traditionnelle dans la région en question et ne doit pas excéder deux mètres. Toutefois, les États membres peuvent, après notification préalable à la Commission, autoriser une largeur supérieure à deux mètres si ces superficies ont été prises en compte pour la fixation des rendements des régions concernées.

168    Ainsi, contrairement à ce qu’allègue la République italienne, il ne peut être déduit desdites dispositions que les parcelles destinées à une utilisation unique du sol sont présumées correspondre aux surfaces cadastrales. Ce n’est qu’à condition que la parcelle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’État membre ou de la région concernés que sa superficie totale, telle que reprise dans le cadastre, peut être prise en compte.

169    Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans le rapport de synthèse, la Commission a notamment reproché à la République italienne l’absence d’exclusion d’éléments inéligibles. L’utilisation unique du sol ne permet pas de remettre en cause le bien-fondé de ce reproche. En effet, il ne peut être déduit de la circonstance selon laquelle une parcelle agricole est mise en exploitation pour une monoculture que cette parcelle ne contient aucun élément inéligible tel qu’un bois, une bâtisse, etc.

170    Partant, c’est à tort que la République italienne invoque une violation du principe de proportionnalité, au motif que les parcelles destinées à une utilisation unique du sol n’ont pas été exclues du calcul des corrections financières qui lui ont été imposées dans le domaine des cultures arables par la décision attaquée.

–       Sur la prise en compte de la marge de tolérance technique et de la compensation intragroupe

171    La République italienne estime que les corrections qui lui ont été imposées pour les aides à la surface sont disproportionnées, car ni la marge de tolérance technique prévue par l’article 22 du règlement n° 2419/2001 pour les années 2003 et 2004 et par l’article 30 du règlement n° 796/2004 pour l’année 2005 ni la compensation intragroupe prévue par l’article 31 du règlement n° 2419/2001 pour les années 2003 et 2004 et par l’article 51, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004 pour l’année 2005, n’auraient été dûment prises en compte. Le pourcentage des surfaces qualifiées à tort d’éligibles par l’administration italienne serait extrêmement faible, de sorte qu’il ne pourrait être considéré que le système de contrôle sur place était tellement insuffisant qu’il présentait un risque de perte pour le Fonds.

172    En particulier, la République italienne estime que, tant pour les demandes de paiement au titre des droits ordinaires que pour celles au titre du paiement unique, 69 % d’entres elles avaient trait à des entreprises ayant une superficie éligible supérieure aux droits détenus. Or, en application de l’article 50, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004, en cas d’écart entre les droits au paiement déclarés et la superficie déclarée, le calcul du paiement d’une demande d’aide au titre du régime du paiement unique est effectué sur la base la moins élevée. En outre, la République italienne estime que l’erreur moyenne constatée représenterait 0,38 % des surfaces déclarées.

173    Tout d’abord, il convient d’observer qu’il n’est pas contesté par la République italienne que, pour plus de 30 % des demandes de paiement au titre des droits ordinaires ou au titre du régime du paiement unique qui ont fait l’objet d’un contrôle par les autorités italiennes, les entreprises en question ne possédaient pas de superficies éligibles supérieures aux droits détenus. En outre, il convient de souligner que les pourcentages invoqués par la République italienne ci-dessus n’ont pas été établis sur la base de l’ensemble des entreprises demanderesses, mais uniquement sur la base de celles ayant fait l’objet d’un contrôle par l’AGEA et que les erreurs constatées trouvent leur origine, notamment, dans la mise en place par les autorités italiennes d’un système de contrôle qui, en raison de sa méthodologie, ne permettait pas d’appréhender systématiquement toutes les erreurs (voir point 122 ci-dessus). Il s’ensuit que l’argument de la République italienne selon lequel il n’y avait, en l’espèce, aucun risque pour le Fonds doit être rejeté.

174    Ensuite, il convient de rappeler que, pour les motifs repris au point 131 ci-dessus, la Commission pouvait procéder à une évaluation forfaitaire des corrections à apporter. Cette correction doit toutefois être proportionnée à la gravité des irrégularités constatées.

175    En l’espèce, dès lors que la République italienne n’a pas démontré que c’est à tort que la Commission a considéré que, dans le cadre de la vérification des contrôles sur la base des orthophotographies de l’année concernée, il y avait de nombreux cas d’absence de séparation évidente des cultures ou de non-exclusion d’éléments inéligibles dans le système affectant la fiabilité de la numérisation et des contrôles sur place, il n’était pas disproportionné d’imposer une correction forfaitaire de 2 % pour les années 2003 et 2004 et une correction de 2 % pour l’année 2005 en ce qui concerne les dépenses couplées.

176    De même, au vu des faiblesses de la procédure de contrôle italienne basée sur l’utilisation d’orthophotographies des années antérieures, en raison du fait qu’elles ne permettent pas d’exclure des relevés inexacts des limites des cultures et d’éléments inéligibles et une numérisation incorrecte des relevés effectués par les inspecteurs, il n’était pas disproportionné d’imposer une correction forfaitaire de 5 % sur les dépenses couplées à la surface et une correction de 2 % sur les dépenses payées au titre du régime de paiement unique.

177    En particulier, la correction de 5 % sur les dépenses couplées mentionnées au point précédant est justifiée pour l’ensemble des campagnes en cause, parce que la méthodologie de contrôle utilisée par les autorités italiennes était susceptible d’affecter tant le contrôle des limites des cultures que la non-exclusion d’éléments inéligibles. À ces éléments s’ajoutent les failles constatées dans la numérisation des données dans le système de contrôle. En revanche, pour les dépenses payées au titre du régime du paiement unique, dès lors qu’elles ne dépendaient plus des limites de cultures, la non-exclusion d’éléments inéligibles et les erreurs dans la numérisation pouvaient justifier une correction forfaitaire de 2 %.

178    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la République italienne selon lequel les défaillances relevées par les audits ne concernaient pas la détermination de la surface des exploitations agricoles, de sorte qu’elles ne concernaient que le régime de la politique agricole commune applicable aux exercices antérieurs à l’exercice de l’année 2006. En effet, dans le rapport de synthèse, la Commission a considéré que, en ce qui concerne la procédure de contrôle basée sur l’utilisation d’orthophotographies des années antérieures, la procédure de contrôle mise en place par les autorités italiennes était défaillante parce qu’elle n’avait pas systématiquement permis d’exclure des éléments inéligibles des surfaces prises en considération. Par conséquent, la République italienne considère à tort que les défaillances relevées par les audits ne concernaient pas la détermination de la surface des exploitations agricoles.

179    Par ailleurs, la République italienne ne peut reprocher à la Commission d’avoir, dans sa lettre du 16 mars 2007, considéré que les différences constatées entre les dimensions des parcelles résultant des orthophotographies numérisées et celles évaluées définitivement à l’issue des inspections communautaires n’ont pas nécessairement d’incidence financière dans la mesure où les différences constatées sont dans de nombreux cas en deçà des seuils de tolérance technique admis par la réglementation communautaire. En effet, ainsi que l’indique la Commission, la République italienne a tronqué un passage de la lettre du 16 mars 2007. Dans cette lettre, la Commission indique en effet que, « [q]uand bien même les différences constatées n’ont pas nécessairement d’incidence financière, le pourcentage très élevé de parcelles mal évaluées ou qui présentent une différence de mesurage dénote de graves négligences au niveau de la numérisation des résultats des contrôles sur place, lesquelles se traduisent par un risque concret pour le Fonds ». La Commission ne fait aucun lien avec les seuils de tolérance technique, contrairement à ce qu’allègue la République italienne.

180    La conclusion reprise au point 176 ci-dessus ne peut pas non plus être remise en cause par l’argument avancé par la République italienne selon lequel les erreurs relevées au niveau des parcelles cadastrales ne peuvent être utilisées comme critère de correction financière, car l’article 51 du règlement n° 796/2004 prévoit que le calcul du montant de l’aide est effectué au niveau du « groupe de cultures », c’est-à-dire après avoir procédé, à l’intérieur d’un même groupe, aux compensations appropriées.

181    Outre le fait que cet argument est très difficilement compréhensible, force est de constater que la République italienne n’expose pas dans quelle mesure ces considérations permettent de prouver que les manquements constatés par la Commission à la suite de ses audits sont erronés ou aboutissent à l’imposition de corrections inappropriées. En particulier, la République italienne n’expose pas comment une compensation à l’intérieur d’un groupe de cultures est susceptible, en l’espèce, d’annihiler les manquements constatés par la Commission. À défaut d’une telle démonstration, cet argument ne peut remettre en cause l’appréciation faite ci-dessus et doit être écarté.

 Sur le détournement de pouvoir

182    Dans son sixième moyen, la République italienne estime que la Commission s’est rendue coupable d’un détournement de pouvoir en ciblant ses contrôles sur les situations les plus susceptibles de présenter des insuffisances. Elle considère que la Commission a établi une méthode de contrôle ne pouvant qu’aboutir à une conclusion négative et que si la méthode de contrôle influence le résultat, la fonction de contrôle est objectivement exercée de manière incohérente au regard de sa finalité, et donc détournée.

183    Tout d’abord, il convient d’observer que la République italienne invoque ce sixième moyen tiré d’un détournement de pouvoir pour la première fois dans son mémoire en réplique, au vu des arguments avancés par la Commission dans son mémoire en défense. Or, ainsi qu’exposé au point 37 ci-dessus, la production d’un moyen nouveau est interdite, à moins que ce moyen ne se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. En l’espèce, ledit grief n’est pas fondé sur des éléments de fait ou de droit qui se sont révélés pendant la procédure, mais sur des arguments avancés par la Commission. De plus, il ne peut être considéré comme une amplification d’un moyen existant, dès lors que la République italienne le qualifie de moyen de recours additionnel. Il s’ensuit que ce moyen est irrecevable.

184    Ensuite, il y a lieu de rappeler que, tel qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité CE pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt de la Cour du 15 mai 2008, Espagne/Conseil, C‑442/04, Rec. p. I‑3517, point 49, et la jurisprudence y citée, et arrêt Qualcomm/Commission, point 17 supra, point 161).

185    Or, en l’espèce, la République italienne ne démontre pas sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants que la Commission a adopté une méthode de contrôle avec un objectif autre que celui de vérifier que le Fonds finançait uniquement les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. En effet, la République italienne ne fait même pas mention d’autres fins que la Commission aurait poursuivies ou d’une procédure éludée. Partant, ce moyen nouveau est, au demeurant, également non fondé.

 Conclusion

186    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter les quatrième, cinquième et sixième moyens de la République italienne et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

187    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

188    La République italienne ayant succombé en l’ensemble de ses moyens et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Azizi

Frimodt Nielsen

van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 octobre 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1. Sur le premier moyen, relatif à la correction financière imposée dans le secteur de l’exportation de fruits et légumes et de sucre

Cadre réglementaire

Appréciation du Tribunal

2. Sur le deuxième moyen, relatif aux corrections imposées dans le secteur de la transformation des agrumes

Cadre réglementaire

Appréciation du Tribunal

Introduction

Sur le défaut de motivation

Sur le défaut d’instruction

Sur la violation du principe de proportionnalité

Conclusion

3. Sur le troisième moyen, relatif à la correction financière imposée dans le secteur du lait et des produits laitiers

Cadre réglementaire

Appréciation du Tribunal

Introduction

Sur la violation des articles 11, 12 et 14 du règlement n° 1392/2001

Sur la mise à disposition des rapports de contrôle

Sur le défaut de motivation et l’appréciation erronée des faits

Conclusion

4. Sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, portant sur les corrections forfaitaires des aides à la surface

Cadre réglementaire

Appréciation du Tribunal

Introduction

Sur la prise en compte des contrôles de qualité effectués par les autorités italiennes

Sur l’échantillon de parcelles faisant l’objet des vérifications de la Commission

Sur la valeur dérisoire des pertes dues aux irrégularités mises en évidence

Sur l’emploi des instruments GPS

– Sur le respect du principe du contradictoire

– Sur le défaut d’instruction

Sur le caractère adéquat des corrections

– Introduction

– Sur la prise en compte d’autres aides que les aides à la surface couplées à la production

– Sur la prise en compte des droits spéciaux

– Sur la prise en compte des parcelles destinées à une utilisation unique

– Sur la prise en compte de la marge de tolérance technique et de la compensation intragroupe

Sur le détournement de pouvoir

Conclusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.