Language of document : ECLI:EU:T:2008:551

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

5 décembre 2008 (*)

« Référé – Décision de la Commission ordonnant la cessation d’une pratique concertée en matière de gestion collective de droits d’auteur – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑425/08 R,

KODA, établie à Copenhague (Danemark), représentée par Mes K. Dyekjær et J. Borum, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et N. Rasmussen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la décision C (2008) 3435 final de la Commission, du 16 juillet 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/C2/38.698 – CISAC),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents et objet du litige

1        Par la présente demande en référé, la requérante, KODA, une société danoise de gestion collective de droits d’auteur, cherche à obtenir le sursis à l’exécution partielle de la décision C (2008) 3435 final de la Commission, du 16 juillet 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/C2/38.698 – CISAC) (ci-après la « décision attaquée »).

2        La décision attaquée concerne les conditions de gestion des droits d’exécution publique des œuvres musicales ainsi que d’octroi des licences correspondantes. Elle est adressée aux 24 sociétés de gestion collective établies dans l’Espace économique européen (EEE) qui sont membres de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC), parmi lesquelles figure la requérante.

3        Les sociétés de gestion collective membres de la CISAC et établies dans l’EEE (ci-après les « sociétés de gestion ») gèrent les droits que détiennent les auteurs (compositeurs et paroliers) sur les œuvres musicales qu’ils ont créées. Ces droits comportent généralement le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire l’exploitation des œuvres protégées. C’est notamment le cas en ce qui concerne les droits d’exécution publique. Une société de gestion acquiert ces droits soit par cession directe des ayants droit originaux, soit par transmission de la part d’une autre société de gestion gérant les mêmes catégories de droits dans un autre pays de l’EEE, et concède au nom de ses membres (auteurs et éditeurs) des licences d’exploitation aux utilisateurs commerciaux, tels que les entreprises de radiodiffusion ou les organisateurs de spectacles.

4        La gestion des droits d’auteur implique pour chaque société de s’assurer que chaque ayant droit reçoive la rémunération qui lui est due pour les exploitations faites de ses œuvres, quel que soit le territoire sur lequel ces exploitations ont lieu, et de surveiller qu’aucune exploitation non autorisée d’œuvres protégées n’ait lieu. Le coût d’une telle surveillance est tel que les sociétés de gestion ont conclu entre elles des accords de représentation par lesquels elles se confient, sur une base réciproque, la gestion de leur répertoire sur leurs territoires d’exercice respectifs, afin d’éviter la multiplication des moyens de contrôle mis en place sur chaque territoire.

5        Dans ce contexte, la CISAC a élaboré un contrat type non contraignant dont la version initiale remonte à 1936 et qui doit être complété par les sociétés de gestion contractantes, notamment en ce qui concerne la définition du territoire d’exercice. Sur la base de ce contrat type, les sociétés de gestion ont constitué un réseau d’accords de représentation réciproque par lesquels elles s’accordent mutuellement le droit de concéder des licences. Ces accords couvrent non seulement l’exercice des droits pour les applications traditionnelles dites « off-line » (concerts, radio, discothèques, etc.), mais également l’exploitation par Internet, le satellite ou la retransmission par câble.

6        Du fait de ce réseau d’accords de représentation réciproque, chaque société de gestion collective est en mesure de concéder, sur son territoire d’exercice, les licences d’exécution publique d’œuvres musicales non seulement sur le répertoire de ses propres membres, mais également sur le répertoire de toutes les autres sociétés de gestion faisant partie du réseau (licences dites « multirépertoires monoterritoriales »). Grâce au réseau créé par la conclusion de l’ensemble des accords de représentation réciproque, chaque société de gestion peut donc offrir un portefeuille global d’œuvres musicales aux utilisateurs commerciaux. Cela permet auxdits utilisateurs de bénéficier d’un accès à tous les répertoires auprès de la même société de gestion, à savoir la société établie dans le pays où les répertoires sont destinés à être exploités, sans avoir à solliciter une autorisation auprès de chaque société de gestion dont le répertoire est concerné par l’utilisation envisagée (« guichet unique »).

7        Lorsque les sociétés de gestion se font concéder par leurs auteurs membres le droit de gestion mondiale des droits d’utilisation et à condition qu’elles ne se cèdent pas leur répertoire de façon exclusive dans le cadre de leurs accords de représentation réciproque, elles sont habilitées, en dépit du réseau d’accords de représentation réciproque, à gérer elles-mêmes le répertoire de leurs propres membres également en dehors de leur propre territoire d’exercice (licences dites « monorépertoires multiterritoriales »).

8        À cet égard, il ressort de la décision attaquée (considérant 193) que les sociétés de gestion du Royaume-Uni et allemande, la Performing Right Society (PRS) et la Gesellschaft für musikalische Aufführungs- und mechanische Vervielfältigungsrechte (GEMA), ont créé une entreprise commune destinée à servir de « guichet unique » à l’échelle paneuropéenne pour concéder aux utilisateurs commerciaux établis dans tout pays de l’EEE des licences multiterritoriales sur les droits dits « on-line » et « mobiles » en ce qui concerne le répertoire anglo-américain de la société Electric & Musical Industries (EMI).

9        En 2000, RTL Group SA, un groupe de radio- et télédiffusion, a déposé auprès de la Commission une plainte contre une société de gestion membre de la CISAC pour dénoncer le refus par celle-ci de lui accorder, pour ses activités de radiodiffusion musicale, une licence à l’échelle communautaire. En 2003, Music Choice Europe Ltd, qui fournit des services de radiodiffusion et de télévision sur Internet, a déposé une seconde plainte, dirigée contre la CISAC et visant le contrat type de cette dernière. Ces plaintes ont amené la Commission à ouvrir une procédure d’application des règles communautaires de concurrence, qui a été close par l’adoption de la décision attaquée.

10      Dans la décision attaquée, la Commission conteste la légalité de certaines clauses contenues dans les accords de représentation réciproque, à savoir la clause d’affiliation des auteurs membres et la clause d’exclusivité, ainsi que celle de la pratique concertée des sociétés de gestion en ce qui concerne la délimitation territoriale du mandat d’octroi des licences, ayant comme résultat une exclusivité territoriale. Selon la Commission, ces clauses et cette pratique concertée sont contraires à l’article 81 CE.

11      S’agissant de la clause d’affiliation, l’article 11, paragraphe 2, du contrat type de la CISAC prévoit que les sociétés de gestion ne peuvent accepter comme membre un auteur déjà affilié à une autre société de gestion ou ayant la nationalité de l’un des pays dans lesquels une autre société de gestion exerçait son activité que sous certaines conditions. Selon la décision attaquée, un certain nombre de contrats bilatéraux contiennent toujours une telle clause, qui restreint la possibilité pour un auteur de devenir membre de la société de gestion de son choix ou d’être simultanément membre de plusieurs sociétés de gestion opérant au sein de l’EEE pour la gestion de ses droits dans différents territoires.

12      En ce qui concerne la clause d’exclusivité, l’article 1er, paragraphe 1, du contrat type de la CISAC prévoit que l’une des sociétés de gestion confère à l’autre le droit exclusif, sur les territoires où cette dernière opère, d’octroyer les autorisations nécessaires pour toute exécution publique. Selon la décision attaquée, cette clause – par laquelle les sociétés de gestion se garantiraient réciproquement un monopole sur leurs marchés nationaux pour l’octroi de licences « multirépertoires » aux exploitants commerciaux – est encore présente dans les accords bilatéraux signés par 17 sociétés de gestion.

13      Il ressort de la décision attaquée que la CISAC et l’ensemble des sociétés de gestion auraient reconnu, lors de la procédure administrative devant la Commission, que ces deux clauses étaient anticoncurrentielles et injustifiées.

14      Quant à la prétendue pratique concertée relative à la délimitation territoriale, il ressort de la décision attaquée que chaque société de gestion limiterait, dans ses accords bilatéraux, le droit de délivrer des licences couvrant son répertoire au seul territoire national de l’autre société de gestion contractante. Dans la mesure où toutes les sociétés de gestion ont conclu des accords réciproques entre elles, chaque société de gestion aurait un portefeuille global d’œuvres et octroierait des licences couvrant l’utilisation de ce portefeuille global uniquement dans son propre pays.

15      Dans la décision attaquée, la Commission conteste la légalité de cette pratique concertée uniquement en ce qui concerne les modes d’exploitation par Internet, le satellite et la retransmission par câble, tandis que les modes d’exploitation dits « off-line » (concerts, radio, discothèques, bars, etc.) ne font pas l’objet de la décision attaquée. La Commission estime que, en raison de la pratique concertée, la concurrence est restreinte à deux niveaux : sur le marché des services d’administration que les sociétés de gestion s’offrent mutuellement et sur le marché de l’octroi des licences.

16      Selon la décision attaquée, ladite pratique concertée entraîne une délimitation systématique du territoire au niveau national, qui aurait été précédée de contacts et ne pourrait être expliquée par un prétendu besoin de proximité géographique entre la société de gestion qui délivre la licence et l’utilisateur commercial, car une présence locale ne serait pas nécessaire pour vérifier l’utilisation qui est faite de la licence dans le cadre d’une exploitation par Internet, le satellite ou la retransmission par câble. La pratique concertée ne serait pas davantage objectivement nécessaire pour assurer que les sociétés de gestion se donnent des mandats réciproques.

17      La Commission se limite à constater, dans le dispositif de la décision attaquée, les infractions décrites ci-dessus, sans infliger des amendes. Ce dispositif se lit comme suit :

« Article premier

Les [24] entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE] et l’article 53 de l’accord EEE en utilisant, dans leurs accords de représentation réciproque, les restrictions d’affiliation contenues à l’article 11 (II) du contrat type de la [CISAC] (‘le contrat type de la CISAC’) ou en appliquant de facto ces restrictions d’affiliation :

[…]

KODA

[…]

Article 2

Les dix-sept entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE] et l’article 53 de l’accord EEE en conférant, dans leurs contrats de représentation réciproque, des droits exclusifs comme prévu à l’article 1er (I) et (II) du contrat type de la CISAC :

[…]

KODA

[…]

Article 3

Les [24] entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE] et l’article 53 de l’accord EEE en coordonnant les délimitations territoriales de manière à restreindre la portée d’une licence au territoire national de chaque société de gestion collective :

[…]

KODA

[…]

Article 4

1.      Les entreprises visées aux articles 1er et 2 mettent immédiatement fin, si elles ne l’ont pas déjà fait, aux infractions visées auxdits articles et informent la Commission de toutes les mesures qu’elles ont prises à cette fin.

2.      Les entreprises visées à l’article 3 mettent fin, dans un délai de cent vingt jours à compter de la date de notification de la présente décision, à l’infraction visée audit article et informent la Commission, dans le même délai, de toutes les mesures qu’elles ont prises à cette fin.

En particulier, les entreprises visées à l’article 3 devront revoir de manière bilatérale avec les autres entreprises visées à l’article 3 la portée territoriale de leurs mandats en ce qui concerne la retransmission par satellite et par câble et l’utilisation sur Internet dans chacun de leurs accords de représentation réciproque, et fournir à la Commission des copies des accords réexaminés.

3.      Les destinataires de la présente décision s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement décrit aux articles 1er, 2 et 3, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 5

La Commission peut, à sa seule discrétion sur la base d’une demande raisonnée faite dans les temps par une ou plusieurs entreprises mentionnées à l’article 3, accorder une extension du délai prévu à l’article 4, paragraphe 2.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2008, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

19      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 octobre 2008, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        à titre principal, surseoir à l’exécution de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours au principal ;

–        à titre subsidiaire, surseoir à l’exécution dudit article 4, paragraphes 2 et 3, en ce qui concerne la gestion et la concession de licences couvrant les droits d’exécution publique pour la retransmission par câble, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours au principal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 17 novembre 2008, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

21      Après le dépôt par la Commission de ses observations, la requérante a été autorisée à présenter une réplique, ce qu’elle a fait par mémoire du 3 décembre 2008.

 En droit

22      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

23      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 22]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

24      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., point 23 supra, point 23, et ordonnance du président de la Cour du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

25      Enfin, il importe de souligner que l’article 242 CE pose le principe du caractère non suspensif des recours (ordonnance du président de la Cour du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, Rec. p. I‑6229, point 44, et ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 42). Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires.

26      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

27      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition de l’urgence est remplie.

 Arguments des parties

28      La requérante fait valoir que la décision attaquée et, notamment, son article 4, paragraphe 2, sont incompréhensibles et source d’une grande insécurité juridique pour elle. En effet, cette dernière disposition lui ordonnerait de revoir de manière bilatérale avec les autres sociétés de gestion la portée territoriale de leurs mandats, alors même que la Commission admettrait, au considérant 201 de la décision attaquée, que « prise isolément, la concession d’une licence limitée à un territoire donné, même s’il s’agit du territoire national, ne restreint pas automatiquement la concurrence ». Selon la requérante, une limitation territoriale ne restreint donc pas nécessairement la concurrence si elle a été instituée après une négociation bilatérale concrète et individuelle. Il ne ressortirait donc pas très clairement de la décision attaquée de quelle manière il convient de la mettre à exécution.

29      La requérante estime que la décision attaquée la place devant un triple choix, les négociations bilatérales pouvant, théoriquement, aboutir :

–        au maintien du statu quo ante, toutes les négociations bilatérales conduisant au maintien des limitations territoriales existantes ;

–        à des solutions mixtes, les négociations pouvant aboutir au résultat que, dans certains cas, elle accordera ou se fera accorder des mandats qui ne sont pas limités à un seul territoire national ou qu’elle accordera un mandat à plusieurs sociétés de gestion sur le même territoire national ;

–        au retrait réciproque du mandat de gestion des répertoires dans l’hypothèse où elle ne parviendrait pas à s’accorder avec l’autre société de gestion.

30      Selon la requérante, il est plus que vraisemblable que la première hypothèse se concrétise et que le statu quo ante soit maintenu. Toutefois, le risque serait que la Commission ne considère pas cela comme une mise à exécution satisfaisante de la décision attaquée. Cette insécurité serait renforcée par le fait que la requérante ne peut contrôler, à elle seule, la mise à exécution de la décision attaquée, car elle serait dépendante des négociations avec les autres sociétés de gestion, dont certaines pourraient avoir un avis différent en la matière. Enfin, l’insécurité serait encore accrue en raison du risque imminent pour la requérante de se voir infliger une amende par la Commission si cette dernière ne partageait pas sa position quant à la mise à exécution satisfaisante de la décision attaquée.

31      S’agissant des deux autres hypothèses, la requérante fait valoir qu’elles entraîneront une modification des limitations territoriales dans les accords de représentation réciproque, qui conduira probablement à un bouleversement du marché et que cette situation ne pourra être modifiée en cas d’annulation de la décision attaquée. En effet, d’une part, un retour à la situation actuelle nécessiterait de nouvelles négociations et il serait peu probable que la requérante puisse obtenir un tel rétablissement. D’autre part, il serait vraisemblable que le répertoire de la requérante aura été concédé à des utilisateurs pour un territoire élargi et, en conséquence, que ceux‑ci compteront sur la disposition de ces droits sur ce territoire élargi, ce qui réduirait encore les possibilités de négocier un retour au statu quo ante.

32      À cet égard, la requérante fait observer que ce changement dans la situation du marché ne pourrait être neutralisé en prévoyant une condition suspensive portant sur les limitations territoriales élargies pour les faire dépendre de l’issue de la procédure au principal. En effet, ni les sociétés de gestion concernées ni les utilisateurs ayant acquis une licence auprès d’elles ne pourraient se permettre d’assumer le risque de devoir restituer les droits ainsi acquis s’il était fait droit au recours au principal. Les sociétés de gestion ne seraient pas intéressées par la concession de telles licences et les utilisateurs ne seraient pas intéressés par leur acquisition.

33      En cas de dénonciation par plusieurs sociétés de gestion de leurs accords de représentation réciproque, le marché ferait l’objet d’une segmentation. La conséquence, pour le répertoire géré par la requérante, serait que les utilisateurs des pays concernés devraient s’adresser directement à elle pour négocier une licence d’utilisation. Il s’ensuivrait la nécessité pour elle de négocier des milliers d’accords individuels avec les utilisateurs de ces pays, pour éviter que ces derniers renoncent à utiliser le répertoire de la requérante ou l’utilisent sans autorisation. Une telle segmentation du marché serait préjudiciable à la fois pour les utilisateurs, car ils devraient s’adresser à un très grand nombre de sociétés de gestion pour acquérir les droits d’utilisation nécessaires, et pour les ayants droit, car la requérante serait alors incapable de sauvegarder les droits de ses membres dans les pays qui ne seraient plus couverts par un accord de représentation réciproque.

34      Ainsi, des sociétés de gestion riches pourraient opter pour la résiliation d’un ou de plusieurs accords de représentation réciproque en vue de concéder directement des licences d’utilisation dans certains pays, sans intervention de la société nationale de gestion, ou pour l’octroi d’un mandat à plusieurs sociétés homologues pour un même territoire, les amenant à se concurrencer entre elles. Les utilisateurs chercheraient à obtenir les droits sur les répertoires commercialement les plus attractifs, c’est-à-dire ceux du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie, en évitant ceux de pays moins attractifs, dont celui de la requérante. Si une telle situation perdurait pendant plusieurs années, il y aurait un grand risque que les utilisateurs s’y habituent et il serait très difficile, voire impossible, d’y mettre fin s’il était fait droit au recours au principal.

35      La segmentation du marché susmentionnée ferait subir un préjudice considérable à la requérante ainsi qu’à ses membres, préjudice difficilement réparable, voire impossible à réparer par une éventuelle indemnisation. En cas de résiliation d’accords de représentation réciproque conclus par la requérante, des milliers de négociations individuelles devraient être menées avec des utilisateurs des pays concernés. Or, la requérante serait incapable de supporter la charge administrative correspondante, le service compétent de celle-ci ne disposant que de trois collaborateurs. Si des licences d’utilisation ne pouvaient être négociées en raison d’un manque de ressources sur place, les membres de la requérante et cette dernière subiraient un préjudice. D’autres pertes surviendraient du fait que la requérante ne serait pas en mesure de surveiller elle-même l’utilisation de son répertoire dans les pays qui ne seraient plus couverts par un accord de représentation réciproque. Selon la requérante, ce préjudice financier serait, par nature, difficilement quantifiable aux fins de sa réparation.

36      La requérante ajoute que, pour limiter le préjudice invoqué, elle devra réaliser des investissements importants, notamment, dans le développement de son département « Médias » et dans des systèmes techniques permettant de surveiller les transmissions par satellite, par câble et par Internet dans d’autres pays, ce qui entraînera un accroissement considérable de ses frais administratifs. Or, un tel accroissement des frais conduirait plusieurs de ses membres à se tourner vers d’autres sociétés de gestion. Il en résulterait une nouvelle augmentation des frais administratifs et le cercle vicieux serait sans fin. Le risque serait donc très grand que, avant le prononcé de l’arrêt dans le litige au principal, la gestion des droits sur le satellite, le câble et l’internet lui fasse subir des contraintes financières telles qu’elle soit obligée de cesser toute activité dans ces domaines.

37      Ces préjudices seraient particulièrement importants dans le secteur de la retransmission par câble, qui serait apparu pour la première fois au Danemark dans les années 60, étant donné que les licences pour retransmission par câble au Danemark seraient des licences globales par lesquelles les câblo-opérateurs acquièrent tous les droits par une licence unique. À cela s’ajouterait le fait que, comme pour les autres modes de diffusion dite « off-line », la retransmission par câble serait particulièrement sensible à la surveillance locale. Une segmentation du marché mettrait donc en péril ce vaste système et son bon fonctionnement. Elle aurait également des répercussions négatives sur une vingtaine d’autres catégories d’ayants droit (auteurs, acteurs, journalistes, enseignants, etc.), outre les membres de la requérante et les utilisateurs d’œuvres musicales.

38      La Commission répond, en substance, que l’argumentation de la requérante repose sur une lecture erronée du dispositif de la décision attaquée. En tout état de cause, le préjudice grave invoqué serait de nature purement hypothétique et n’aurait aucunement été établi avec une probabilité suffisante. De plus, ce préjudice ne saurait être considéré comme irréparable, étant donné que rien n’empêcherait la requérante de prévoir, dans ses relations contractuelles avec d’autres sociétés de gestion, un retour à la situation condamnée dans la décision attaquée, en cas d’annulation de celle-ci dans le cadre du litige au principal.

 Appréciation du juge des référés

39      Selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. C’est à cette dernière qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnance du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T-151/01 R, Rec. p. II-3295, point 187, et la jurisprudence citée).

40      En outre, le préjudice allégué doit être certain ou, à tout le moins, établi avec une probabilité suffisante, étant précisé que la partie requérante demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective de ce préjudice. Un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est basé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi des mesures provisoires [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 37, et du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 101].

41      En l’espèce, s’agissant de la condition relative à l’urgence, force est de constater que la présente demande en référé est marquée par l’absence d’indications concrètes établissant le caractère grave et irréparable du préjudice invoqué par la requérante dans l’hypothèse où le sursis à exécution sollicité ne serait pas octroyé.

42      En effet, après avoir indiqué que l’exécution de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée la plaçait devant un triple choix, la requérante se limite à décrire les conséquences négatives des deux hypothèses les plus défavorables, alors même qu’elle considère expressément la réalisation de la troisième hypothèse – à savoir « le maintien du statu quo ante[,] toutes les négociations bilatérales [conduisant] au maintien des limitations territoriales existantes » – comme étant « plus que vraisemblable » (demande en référé, points 83 et 84). Ce faisant, la requérante n’établit nullement le caractère certain ou, à tout le moins, probable de la survenance du préjudice allégué, mais se borne à avancer de simples suppositions non étayées.

43      Dans la mesure où la requérante se plaint du caractère incompréhensible de la décision attaquée, de l’insécurité juridique causée par celle-ci et du risque que cette troisième hypothèse ne soit pas considérée par la Commission comme une mise à exécution satisfaisante de la décision attaquée, ce qui l’exposerait au risque imminent de se voir infliger une amende, il y a lieu de constater que la Commission n’est pas habilitée à adopter des injonctions spécifiques en imposant aux sociétés de gestion un choix déterminé parmi plusieurs possibilités de conduite licites en ce qui concerne la révision de leurs accords de représentation réciproque, comme l’abandon total ou la modification ponctuelle de ces accords (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T‑24/90, Rec. p. II‑2223, points 51 à 53). Il n’appartient donc pas à la Commission de décider de quelle façon lesdits accords doivent être libellés après leur révision.

44      Il s’ensuit que la requérante, comme d’ailleurs chacune des autres sociétés de gestion, dispose d’une liberté certaine en ce qui concerne la révision des accords en cause.

45      À cet égard, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, dont le dispositif doit être interprété à la lumière de ses considérants (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑91/01, Rec. p. I‑4355, point 49), que cette dernière offrait aux sociétés de gestion la possibilité d’adapter le système des accords de représentation réciproque aux besoins de l’environnement dit « on-line » et, ce faisant, de le rendre plus attractif pour les ayants droit et les utilisateurs. La Commission a souligné, dans la décision attaquée, qu’elle n’interdisait pas le système de ces accords en tant que tel ni n’empêchait les sociétés de gestion de pratiquer certaines limitations territoriales, mais qu’elle contestait le caractère coordonné de l’approche adoptée à cet effet par l’ensemble de ces sociétés. Ainsi, selon la décision attaquée, la concession d’une licence limitée à un territoire donné ne restreint pas, en soi, la concurrence, le donneur de licence pouvant limiter celle-ci à un territoire déterminé sans violer l’article 81, paragraphe 1, CE (voir, notamment, les considérants 95, 201 et 215 de la décision attaquée).

46      C’est donc à juste titre que la Commission soutient que la révision des accords de représentation réciproque peut impliquer des modifications importantes ou mineures dans la délimitation territoriale du mandat, mais qu’il ne lui incombe pas de les déterminer avec précision, étant donné que c’est aux seules sociétés de gestion de choisir la manière de mettre fin à l’infraction qui leur est reprochée.

47      Par ailleurs, à l’article 5 de la décision attaquée, la Commission a permis aux destinataires de celle-ci, en cas de difficulté, de lui demander une extension du délai de révision de 120 jours. Or, la requérante n’a pas fait valoir que la Commission avait rejeté une telle demande de sa part ou refusé de dialoguer avec elle en vue de résoudre d’éventuels problèmes d’exécution de son obligation de révision.

48      S’agissant de la prétendue insécurité causée par l’article 4, paragraphe 3, de la décision attaquée, en vertu duquel les destinataires de celle-ci doivent s’abstenir non seulement de tout acte ou comportement décrit aux articles 1er, 2 et 3, mais également « de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire », il suffit de relever que cette dernière injonction a une valeur purement déclarative. En effet, l’article 81, paragraphe 1, CE énonce une interdiction de principe à l’égard des accords, décisions et pratiques qui présentent un caractère anticoncurrentiel et s’impose donc à la requérante, indépendamment de toute injonction de la Commission sur ce point (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission, T‑34/92, Rec. p. II‑905, point 39). L’injonction visant à interdire l’adoption d’un comportement futur semblable à celui qualifié d’illicite dans la décision attaquée n’est donc pas contraire au principe de sécurité juridique.

49      Dans la mesure où la requérante craint que la décision attaquée puisse, en raison de l’insécurité juridique invoquée, l’exposer au risque d’être sanctionnée par la Commission pour le non-respect des injonctions susmentionnées, il suffit de constater que ce risque a une nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains. En tout état de cause, il incomberait à la Commission, qui a la charge de la preuve, de démontrer le caractère infractionnel du futur comportement de la requérante, si jamais elle avait l’intention d’infliger une sanction à cette dernière. Dans l’hypothèse où la requérante ne serait pas d’accord avec l’approche de la Commission, rien ne l’empêcherait de saisir le juge communautaire pour dénoncer l’illégalité de la sanction infligée, en invoquant l’ambiguïté des injonctions imposées dans la décision attaquée.

50      Il s’ensuit que l’obligation pour la requérante de respecter les injonctions imposées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée ne saurait être considérée comme lui causant un préjudice grave et irréparable, en ce qui concerne le cas de figure que la requérante considère, elle-même, comme étant la conséquence la plus vraisemblable de la décision attaquée, à savoir le maintien des limitations territoriales existantes.

51      Cette conclusion n’est pas infirmée par la version danoise de l’article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, dont la requérante invoque la prétendue particularité et qui oblige à ce titre, selon elle, les entreprises concernées à « remanier » (revidere) la portée territoriale de leurs mandats, alors que la version anglaise ne mentionne à cet égard que le verbe « review », au sens de « revoir » ou de « contrôler ».

52      En effet, il convient de rappeler que la décision attaquée a été adressée aux 24 sociétés de gestion destinataires, soit en 14 versions linguistiques différentes, et que toutes ces versions linguistiques font foi. Dans ces circonstances, la requérante doit être consciente de ce que la révision bilatérale avec les autres sociétés de gestion des accords de représentation bilatérale ne peut être effectuée sur le seul fondement de la version danoise de la décision attaquée. Or, dans le présent contexte, il convient de constater que les versions allemande, française, grecque et italienne correspondent à la version anglaise invoquée par la requérante.

53      En outre, il y a lieu de relever que cet argument de caractère linguistique, que la requérante a présenté dans le mémoire du 3 décembre 2008, est en contradiction manifeste avec la manière dont elle a interprété ladite disposition dans la demande en référé, à savoir en ce sens que le maintien du statu quo ante apparaissait plus que vraisemblable, toutes les négociations bilatérales conduisant au maintien des limitations territoriales existantes. Par cette dernière interprétation, la requérante avait donc nécessairement déjà admis que le verbe « revidere » pouvait également avoir la signification de « revoir » et de « contrôler ». Par ailleurs, elle avait tenu compte, à juste titre, de ce que les considérants de la décision attaquée n’interdisaient précisément pas le système des accords de représentation réciproque en tant que tel ni n’empêchaient les sociétés de gestion de pratiquer des limitations territoriales (voir point 45 ci-dessus), le dispositif de cette décision devant être interprété à la lumière desdits considérants.

54      Ce n’est donc qu’à titre surabondant qu’il convient d’examiner les craintes exprimées par la requérante au regard des deux conséquences les plus défavorables que la décision attaquée serait susceptible de provoquer, à savoir les solutions mixtes décrites au point 29 ci-dessus et le retrait réciproque du mandat de gestion des répertoires en cas d’échec total des négociations avec une autre société de gestion, ce qui entraînerait, notamment, une segmentation irrémédiable du marché au détriment financier de la requérante l’obligeant à cesser toute activité dans les domaines concernés.

55      Dans la mesure où la requérante prétend que ce préjudice est particulièrement important dans le secteur de la retransmission par câble, celle-ci étant apparue pour la première fois au Danemark dans les années 60, il y a lieu de constater que la décision attaquée, loin de concerner toute retransmission par câble, porte uniquement sur la concession de licences pour la retransmission de programmes d’abord transmis par satellite puis retransmis par câble, pour autant que la retransmission ne sorte pas de l’empreinte du satellite, si bien que le contenu de la retransmission par câble visée est strictement identique à celui de la transmission par satellite (considérant 198 de la décision attaquée).

56      La concession de licences pour la transmission par câble de programmes non satellitaires ne faisant, à l’instar des autres modes d’exploitation dits « off-line », pas l’objet de la décision attaquée, la requérante ne saurait donc utilement invoquer le caractère particulièrement grave du préjudice causé par celle-ci dans le secteur du câble. Par ailleurs, ce dernier secteur n’étant visé par la décision attaquée que dans la mesure où il est lié à celui du satellite, il convient de rappeler que la requérante a expressément indiqué que l’apparition de la transmission par satellite remontait, non aux années 60, mais à la fin des années 80 (demande en référé, point 73).

57      En outre, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, les modes d’exploitation dits « on-line » concernés par la décision attaquée, à savoir la retransmission par le satellite, le câble et l’internet, correspondent à des phénomènes relativement récents. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’allégation fondée sur une tradition de longue date des accords de représentation réciproque, qui serait irrémédiablement bouleversée par l’exécution immédiate de la décision attaquée.

58      Au demeurant, la requérante n’a fourni aucune donnée chiffrée pour démontrer la gravité du préjudice allégué en établissant que le domaine des activités dites « on-line » représentait la majorité de ses revenus. Or, de telles précisions chiffrées, qui étaient du ressort de la requérante, auraient déjà dû figurer dans la demande en référé elle-même. En effet, une telle demande doit être suffisamment précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit devant ressortir du texte même de la demande en référé (ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34 ; du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52, et du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37).

59      Le seul chiffre que la requérante a effectivement présenté dans ce contexte semble plutôt démontrer l’importance relativement faible de ses activités dites « on-line ». En effet, elle a indiqué n’avoir encaissé, pour l’exercice 2007, qu’environ 330 000 euros de redevances versées par les autres sociétés de gestion pour l’utilisation de son répertoire en dehors du Danemark par le câble, le satellite et l’internet, en soulignant qu’il s’agit d’« un domaine où les recettes sont relativement marginales ».

60      Dans la mesure où la requérante invoque l’impact financier considérable et irréparable de la segmentation du marché dans l’hypothèse où d’autres sociétés de gestion lui retireraient le mandat de gérer leurs répertoires, il convient de constater que la requérante a souligné, dans le passage de la demande en référé consacré au fumus boni juris, que ce n’était nullement une pratique concertée, mais des considérations objectives légitimes liées à ses intérêts commerciaux, à savoir le caractère impératif d’une présence locale, qui l’avaient conduite à limiter le mandat conféré aux autres sociétés de gestion à leurs territoires nationaux respectifs. Or, dans la mesure où la requérante affirme ainsi que son comportement reposait non sur une concertation, mais sur son choix autonome exercé en fonction de ses intérêts économiques, il s’ensuit nécessairement que l’application immédiate de l’interdiction de la pratique concertée, au titre de l’article 4 de la décision attaquée, ne saurait avoir à cet égard l’impact financier considérable allégué.

61      De même, dans l’hypothèse où une autre société de gestion, après avoir revu de manière bilatérale avec la requérante l’accord de représentation réciproque conclu avec celle-ci, déciderait de résilier cet accord et de lui retirer le mandat de gérer son répertoire, un tel retrait reposerait également sur un choix autonome exercé par cette société en fonction de ses intérêts économiques, et ne serait pas une conséquence nécessaire de la décision attaquée, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre (voir aussi points 44 à 46 ci-dessus).

62      La probabilité d’une telle segmentation généralisée du marché des activités de représentation dites « on-line » semble, par ailleurs, être contredite par le caractère impératif, souligné par la requérante elle-même, d’une présence locale de chaque société de gestion, qui constituerait la principale raison aux limitations territoriales en cause.

63      Enfin, ledit caractère impératif d’une présence locale est en contradiction avec l’argument de la requérante selon lequel la modification imposée de ses accords de représentation réciproque entraînerait des changements irréversibles, celle-ci n’étant pas en mesure de rétablir unilatéralement le réseau actuel de ces accords en cas d’annulation de la décision attaquée et ses cocontractants n’ayant aucun intérêt au retour à la situation actuelle.

64      En effet, s’il est réellement dans l’intérêt économique des sociétés de gestion de disposer d’une présence locale, ainsi que la requérante l’a souligné, il n’apparaît pas pour quelle raison il lui serait impossible de modifier à nouveau ses accords révisés de représentation réciproque après l’annulation de la décision attaquée, afin de réintroduire le principe de la présence locale, ou de prévoir, d’ores et déjà, un telle modification. En tout état de cause, la requérante n’a pas étayé ses affirmations par des exemples concrets démontrant l’échec des négociations qu’elle aurait menées en ce sens avec d’autres sociétés de gestion. En fondant ainsi son argumentation sur une interprétation anticipée de la réaction de ses cocontractants, la requérante invoque un préjudice purement hypothétique, qui ne saurait justifier l’octroi du sursis à exécution demandé (voir, en ce sens, ordonnance Government of Gibraltar/Commission, point 40 supra, point 101).

65      Par conséquent, eu égard à ce qui précède, les allégations de la requérante relatives à l’effondrement du système des accords de représentation réciproque et au préjudice qui en résulterait pour elle, en termes de mise en péril de son existence, ne justifient pas de suspendre l’exécution de la décision attaquée, et ce non plus en ce qui concerne les deux conséquences les plus défavorables que la décision attaquée serait susceptible de provoquer.

66      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions d’octroi du sursis à exécution sollicité, notamment celle de l’éventuelle existence d’un fumus boni juris, sont remplies.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 5 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le danois.