Language of document : ECLI:EU:T:2015:47

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

 22 janvier 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale KENZO – Marque communautaire verbale antérieure KENZO – Motif relatif de refus – Renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 – Production tardive de documents – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑322/13,

Kenzo Tsujimoto, demeurant à Osaka (Japon), représenté par Me A. Wenninger-Lenz, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par Mme M. Rajh et M. J. Crespo Carrillo, puis par Mme Rajh et M. P. Bullock, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Kenzo, établie à Paris (France), représentée par Mes P. Roncaglia, G. Lazzeretti, F. Rossi et N. Parrotta, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 25 mars 2013 (affaire R 1364/2012‑2), relative à une procédure d’opposition entre Kenzo et M. Kenzo Tsujimoto,


LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juin 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 11 octobre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 novembre 2009, le requérant, M. Kenzo Tsujimoto, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal KENZO.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 41 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Recherche en marketing sur le vin ; fourniture d’informations sur les ventes de vin ; services publicitaires liés au vin ; services d’import-export et représentation de vins ; services de vente au détail ou services de vente en gros de vin » ;

–        classe 41 : « Fourniture de publications électroniques sur le vin ; fourniture de publications électroniques sur le certificat de sommelier ; publication de livres sur le vin ; publication de livres sur le certificat de sommelier ; fourniture d’infrastructures de formation éducative relative au vin ; fourniture d’infrastructures de formation éducative relative au certificat de sommelier » ;

–        classe 43 : « Fourniture d’aliments et de boissons ; fourniture de logements temporaires ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 49/2010, du 15 mars 2010.

5        Le 15 juin 2010, l’intervenante, Kenzo, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure KENZO, enregistrée le 20 février 2001 sous le numéro 720706, pour des produits relevant notamment des classes 3, 18 et 25 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, ceintures, sacs, sacs à mains, malles et valises, sacoches, sacs de voyages et autres bagages ; laisses, portefeuilles, porte-documents, serviettes, pochettes (maroquinerie), porte-monnaie, étuis pour clés (maroquinerie), boîtes et coffrets en cuir, imitations de cuir, porte-cartes, porte-chéquiers, attaché-case, mallettes pour produits de maquillage, trousses de voyage (maroquinerie) ; trousses de toilette et de maquillage (non équipées), peaux d’animaux ; parapluies, parasols et cannes ; fouets, harnais et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements (habillement), chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

8        Par décision du 7 juin 2012, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

9        Le 23 août 2012, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 25 mars 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours. Selon la chambre de recours, les trois conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 étaient remplies en l’espèce. S’agissant de la première condition, la chambre de recours a relevé que les marques en conflit étaient identiques. S’agissant de la deuxième condition, la chambre de recours a estimé, contrairement à la division d’opposition, que l’intervenante avait démontré que la marque antérieure jouissait d’une renommée. S’agissant de la troisième condition, la chambre de recours a considéré qu’il semblait hautement probable que la marque demandée, pour laquelle aucun juste motif pour l’usage n’avait été démontré, allait se placer dans le sillage de la marque antérieure renommée, afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de cette marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci. Elle a donc conclu qu’il existait un risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 et, deuxièmement, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009

14      Le requérant rappelle que la division d’opposition avait imparti à l’intervenante un délai jusqu’au 2 novembre 2010 pour fournir la preuve de la renommée de la marque antérieure. Il soutient que, en prenant en compte des éléments de preuve présentés après cette date, la chambre de recours a violé l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. À cet égard, il fait valoir, en substance, que le pouvoir de l’OHMI de tenir compte des éléments de preuve qui ne sont pas produits dans les délais fixés est encadré par la règle 20, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), qui s’oppose à la prise en compte de ces éléments de preuve. En outre, le requérant fait valoir que, à supposer que la chambre de recours disposait du pouvoir de prendre en compte les éléments de preuve produits après le 2 novembre 2010, elle a en tout état de cause violé l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 dans la mesure où elle n’a pas exercé ce pouvoir.

15      Il y a lieu de relever que, selon l’arrêt de la Cour du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI (C‑120/12 P, non encore publié au Recueil, point 32), la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2868/95 prévoit, expressément, que la chambre de recours dispose, lors de l’examen d’un recours dirigé contre une décision d’une division d’opposition, du pouvoir d’appréciation découlant de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 afin de décider s’il y a lieu ou non de prendre en compte des preuves et des faits nouveaux ou supplémentaires qui n’ont pas été présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition.

16      La prise en compte par l’OHMI de preuves ou de faits tardivement produits est, lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure d’opposition, en particulier susceptible de se justifier lorsque celui-ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (voir arrêt Rintisch/OHMI, point 15 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

17      En premier lieu, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutient le requérant, il n’y a pas lieu d’interpréter le pouvoir d’appréciation de la chambre de recours au regard la règle 20, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, selon laquelle, si, avant l’expiration du délai visé à la règle 19, paragraphe 1, l’opposant ne prouve pas l’existence, la validité et l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que l’habilitation à former opposition, l’opposition est rejetée comme non fondée. En effet, c’est la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2868/95 qui doit être appliquée devant la chambre de recours et non la règle 20, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 (arrêt Rintisch/OHMI, point 15 supra, point 29).

18      En outre, il y a lieu de relever que, bien que les éléments de preuve de la renommée n’aient pas en l’espèce été transmis physiquement par l’intervenante, ils avaient été fournis par l’intervenante à l’OHMI dans le cadre de procédures antérieures entre les mêmes parties. La chambre de recours a souligné que les annexes 1 à 7 devaient être considérées comme ayant été présentées en temps utile, étant donné que la première référence à ces annexes avait été faite au moment de la présentation de l’acte d’opposition. Elle a également observé que, par la suite, le 7 avril 2011, dans la réponse de l’intervenante à la demande formulée par le requérant de produire une preuve de l’usage de la marque antérieure, l’intervenante a une nouvelle fois fait référence aux procédures antérieures entre les mêmes parties en renvoyant cette fois à d’autres annexes qui contenaient un grand nombre de factures. La chambre de recours a relevé que les éléments de preuve auxquels l’intervenante faisait référence devaient être considérés comme ayant été présentés dans la présente affaire (point 28 de la décision attaquée).

19      En second lieu, il convient de relever que la chambre de recours a pris en compte les éléments de preuve présentés le 7 avril 2011, soit après le 2 novembre 2010, en indiquant qu’ils avaient été présentés pour prouver l’usage de la marque antérieure et dans le délai imparti pour prouver cet usage, qu’ils étaient également pertinents pour renforcer la renommée de cette marque et que ces éléments de preuve, avec ceux présentés avant cette date, lui avaient permis, dans une décision antérieure, d’établir que la marque antérieure jouissait d’une renommée (points 28 et 29 de la décision attaquée). Elle a ainsi fait usage de son pouvoir d’appréciation découlant de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 afin de décider qu’il y avait lieu de prendre en compte ces éléments de preuve et, en constatant qu’ils revêtaient une réelle pertinence pour apprécier la renommée de la marque antérieure, elle a justifié leur prise en compte.

20      Partant, le requérant soutient à tort que la chambre de recours, en prenant en compte ces éléments de preuve, a violé l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

21      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

22      Ce moyen est divisé en trois branches, tirées, respectivement, de l’absence de preuve de la renommée de la marque antérieure, de l’absence de risque de profit indu et de l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée.

 Sur la première branche, tirée de l’absence de preuve de la renommée de la marque antérieure

23      Le requérant fait valoir, d’une part, que la chambre de recours ne pouvait pas prendre en compte, dans le cadre de son appréciation de la renommée de la marque antérieure, les éléments de preuve présentés par l’intervenante après le 2 novembre 2010.

24      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort de l’examen du premier moyen que la chambre de recours pouvait prendre en compte ces éléments de preuve.

25      Le requérant fait valoir, d’autre part, que la chambre de recours n’aurait pas dû prendre en compte les éléments de preuve présentés à la division d’opposition avant le 2 novembre 2010 pour démontrer la renommée de la marque antérieure, parce que ces éléments de preuve n’étaient accompagnés d’aucune explication relative à la durée de l’usage de la marque antérieure, à la portée géographique des campagnes publicitaires de la marque antérieure, au degré précis de connaissance de la renommée de la marque antérieure, aux chiffres d’affaires et aux parts de marché du titulaire de la marque antérieure.

26      À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant n’a pas précisé sur quelle disposition juridique il se fonde pour soutenir que les éléments de preuve présentés par l’intervenante devaient être accompagnés d’explications afin d’être pris en compte.

27      En tout état de cause, il y a lieu de relever que les éléments de preuve présentés par l’intervenante à la division d’opposition avant le 2 novembre 2010 pour démontrer la renommée de sa marque ont été accompagnés d’une brève description. Cette description indiquait pour la majorité de ces preuves la période concernée ou la portée géographique. Ainsi, par exemple, elle a décrit l’annexe 7 de la façon suivante : « coupures de presse dans différents pays de l’Union européenne entre 2006 et 2010 et publicités dans des magazines renommés de l’Union […] entre 2008 et 2010, tels que Vogue, Vanity Fair, L’Uomo, etc. ».

28      En outre, elle a complété cette explication dans son recours devant la chambre de recours.

29      Ainsi, elle a fait valoir qu’elle avait fourni à la division d’opposition une monographie consacrée au créateur de la marque antérieure, qui appartient à la même série de monographies que celles consacrées à Gucci, à Valentino, à Versace, à Chanel et à Dior, qui sont tous des figures de légende dans le domaine de la mode.

30      De surcroît, l’intervenante a souligné que les 400 pages relatives aux campagnes publicitaires de la marque antérieure qu’elle avait fournies à la division d’opposition indiquaient le lieu et la durée de chaque campagne publicitaire sur une période de dix ans, allant de 2000 à 2010. Elle a relevé qu’il ressortait de ces 400 pages que des publicités relatives aux produits de la marque antérieure avaient été publiées en République tchèque, au Danemark, en Allemagne, en Espagne, en France, en Croatie, à Chypre, aux Pays-Bas, en Slovénie et au Royaume-Uni. Elle a ajouté que ces publicités avaient été publiées dans de nombreux magazines de premier plan à l’échelle mondiale, liés à la mode, tels que les magazines Elle, Men’s Health, Playboy et Vogue, ainsi que dans certains des principaux magazines grand public en Europe, tels que les périodiques El Mundo, Figaro, Le Monde, Vanity Fair et Cosmopolitan. Elle a souligné que ces publicités constituaient une preuve manifeste d’une campagne soutenue et intensive dans les médias.

31      En outre, elle a indiqué que la liste des points de vente de la marque antérieure et la liste des marques KENZO enregistrées dans le monde indiquaient clairement que la renommée de la marque antérieure était établie dans une partie significative de l’Union à la date à laquelle l’opposition avait été formée.

32      Il s’ensuit que la première branche du second moyen doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de risque de profit indu

33      Le requérant fait valoir que la chambre de recours a méconnu l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 en ne tenant pas compte, dans son appréciation, de l’existence d’un risque de profit indu, des facteurs autres que l’identité des signes en conflit et la renommée de la marque antérieure. La chambre de recours n’aurait pas expliqué quel lien pouvait être établi entre, d’une part, les produits pour lesquels la marque antérieure jouissait d’une renommée, à savoir des vêtements, des parfums et des cosmétiques, et, d’autre part, les services visés par la marque demandée. Elle n’aurait pas tenu compte du fait que ces produits et ces services étaient de nature différente et appartenaient à des secteurs commerciaux très différents. Il serait donc très peu probable que l’image d’exclusivité et de luxe qui s’attache aux vêtements, aux parfums et aux cosmétiques puisse être transférée aux services visés par la marque demandée, qui sont liés au vin ou à la gastronomie. Ainsi, l’usage de la marque demandée ne pourrait conférer aucun avantage s’agissant de la promotion des services couverts par cette marque.

34      Afin de déterminer si l’usage de la marque demandée tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure, il convient d’établir un lien dans l’esprit du public pertinent entre les signes en conflit pour les produits concernés. L’identité entre les signes en conflit ne suffit pas à conclure à l’existence d’un tel lien (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec. p. I‑8823, point 45). Pour apprécier l’existence de ce lien, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’importance de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, précité, points 41 et 42).

35      L’existence de ce lien ne saurait toutefois suffire, à elle seule, pour conclure à l’existence d’un risque que l’usage du signe tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée au Recueil, point 37).

36      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion de profit que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment de la renommée de la marque antérieure consiste en ce que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée [voir arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPALINE), T‑21/07, non publié au Recueil, point 19, et la jurisprudence citée].

37      Le profit résultant de l’usage par un tiers d’un signe ayant des similitudes avec une marque renommée est tiré indûment par ce tiers du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C‑487/07, Rec. p. I‑5185, point 50).

38      Admettre que l’usage de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure nécessite de fournir la preuve d’une association de la marque demandée avec des qualités positives de la marque antérieure identique ou similaire, lesquelles pourraient donner lieu à une exploitation ou à un parasitisme manifestes par la marque demandée [voir arrêt du Tribunal du 30 janvier 2008, Japan Tobacco/OHMI – Torrefacção Camelo (CAMELO), T‑128/06, non publié au Recueil, point 65, et la jurisprudence citée].

39      S’agissant de la nature et du degré de proximité des produits et des services concernés, la chambre de recours a relevé, d’une part, que les services visés par la marque demandée comprenaient des services de détail relatifs au vin, ainsi qu’une série d’activités étroitement associées et qui se chevauchent, tels que le marketing, la publicité, l’import-export et la fourniture de vins, la formation et l’éducation dans le domaine du vin et la publication de livres sur le vin. De plus, la fourniture d’infrastructures de formation éducative relative au vin serait comprise dans la fourniture de logement temporaire (point 31 de la décision attaquée).

40      La chambre de recours a relevé, d’autre part, que les éléments de preuve présentés par l’intervenante démontraient que les produits couverts par la marque antérieure s’adressaient à des consommateurs sophistiqués du marché des produits de luxe, alors que la gamme de services proposés par le requérant visait notamment des spécialistes du vin (point 32 de la décision attaquée). Elle a considéré que les produits de luxe, tels que des parfums, des vêtements à la mode et des vins de qualité, évoquaient des images « glamour », reflétant le succès et le statut social. Elle a ajouté que, dans les campagnes publicitaires, une personne dégustant du champagne ou essayant un parfum était inévitablement habillée à la mode et que tous ces produits étaient associés à l’image emblématique courante d’un homme ou d’une femme conjuguant la réussite et la beauté, et souvent la jeunesse.

41      Partant, c’est à tort que le requérant soutient que la chambre de recours n’a pas expliqué quel lien pouvait être établi entre, d’une part, les produits couverts par la marque antérieure, à savoir des vêtements, parfums et cosmétiques, et, d’autre part, les services visés par la marque demandée.

42      Par ailleurs, il y a lieu d’observer que l’appréciation de la chambre de recours relative à l’existence de ce lien doit être approuvée. En effet, les services appartenant au secteur du vin peuvent, comme les vêtements, parfums et cosmétiques, appartenir au domaine du luxe. En outre, il y a lieu de relever qu’il est possible que des titulaires de marques de produits cosmétiques soient également actifs dans le secteur des boissons alcoolisées. Tel est le cas, par exemple, du titulaire de la marque DAVIDOFF, qui distribue sous cette marque des articles cosmétiques masculins, mais aussi du cognac (arrêt de la Cour du 9 janvier 2003, Davidoff, C‑292/00, Rec. p. I‑389, point 6).

43      S’agissant de l’existence du risque de profit indu, il convient de relever que c’est en tenant compte de l’existence d’un lien entre les produits couverts par la marque antérieure et les services visés par la marque demandée, de la renommée substantielle de la marque antérieure, de l’identité des marques en conflit et de l’image sophistiquée et emblématique véhiculée par la marque antérieure, qui peut être transférée à d’autres secteurs, comme celui du vin, que la chambre de recours a estimé qu’il était hautement probable que la marque demandée aille se placer dans le sillage de la marque antérieure, afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par l’intervenante pour créer et entretenir l’image de celle-ci (points 33 et 34 de la décision attaquée).

44      Partant, c’est à tort que le requérant soutient que la chambre de recours s’est uniquement fondée sur l’identité des marques en conflit et sur la renommée de la marque antérieure dans le cadre de son appréciation du risque de profit indu.

45      Il s’ensuit que la deuxième branche du second moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée

46      Le requérant fait valoir que, dans ses observations devant la division d’opposition, il a soutenu que la marque demandée correspondait à son prénom et donc qu’elle était demandée et utilisée pour un juste motif. La chambre de recours n’aurait pas tenu compte de cet argument et, de ce fait, aurait violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

47      Il convient de relever que la chambre de recours a répondu à l’argument du requérant en affirmant qu’« aucun juste motif n’a[vait] été démontré » (point 34 de la décision attaquée). Certes, cette réponse est succincte, mais elle est suffisante. En effet, le règlement n° 207/2009 ne donne aucun droit inconditionnel à l’enregistrement d’un nom en tant que marque communautaire [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mai 2011, Prinz von Hannover/OHMI (Représentation d’armoiries), T‑397/09, non publié au Recueil, point 29] et, a fortiori, à l’enregistrement d’un prénom en tant que marque. Par conséquent, le fait que Kenzo soit le prénom du requérant n’est pas suffisant pour constituer un juste motif pour l’usage de la marque demandée, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

48      Il s’ensuit que la troisième branche du second moyen doit être rejetée.

49      Partant, le second moyen doit être rejeté et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Kenzo Tsujimoto est condamné aux dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 janvier 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.