Language of document : ECLI:EU:C:2023:760

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

10 octobre 2023 (*)

« Pourvoi – Confidentialité – Partie requérante en première instance – Partie intervenante en première instance – Informations retirées du dossier de première instance »

Dans l’affaire C‑457/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 juillet 2023,

Deutsche Lufthansa AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes J. Burger, H.-J. Niemeyer, C. Sielmann et C. Wilken, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande),

Condor Flugdienst GmbH, établie à Neu-Isenburg (Allemagne),

parties demanderesses en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, J. Carpi Badía et Mme F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

République fédérale d’Allemagne,

République française,

parties intervenantes en première instance,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

vu la proposition du juge rapporteur, M. S. Rodin,

l’avocat général, M. G. Pitruzzella, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Deutsche Lufthansa AG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 mai 2023, Ryanair et Condor Flugdienst/Commission (Lufthansa ; COVID-19) (T‑34/21 et T‑87/21, EU:T:2023:248), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2020) 4372 final de la Commission, du 25 juin 2020, relative à l’aide d’État SA 57153 – Allemagne – COVID-19 – Aide en faveur de Lufthansa, telle que rectifiée par la décision C(2021) 9606 final de la Commission, du 14 décembre 2021.

2        Par acte déposé au greffe de la Cour le 20 juillet 2023, Deutsche Lufthansa a demandé à la Cour de réserver, à l’égard de Ryanair DAC et de Condor Flugdienst GmbH, parties requérantes en première instance, ainsi que de la République française, partie intervenante en première instance, un traitement confidentiel à certaines informations relatives à sa propre situation financière et opérationnelle figurant à l’annexe A.2 de son pourvoi et auxquelles il est fait référence à certains points de celui-ci. À cette fin, Deutsche Lufthansa a produit une version non confidentielle de ce pourvoi et de ses annexes. Par acte déposé au greffe de la Cour le 3 août 2023, la Commission européenne a indiqué qu’elle marquait son accord avec cette version non confidentielle du pourvoi et de ses annexes et n’a pas formulé de demande de traitement confidentiel supplémentaire.

3        Deutsche Lufthansa relève que cette annexe A.2 comporte la réponse de la République fédérale d’Allemagne, en date du 8 juin 2020, à la demande d’information de la Commission sur la structure des coûts de la société, l’accès aux marchés financiers de celle-ci et les stratégies opérationnelles de cette dernière. Elle précise que ces diverses informations ont également été transmises par la Commission au Tribunal à la suite de mesures d’instruction qu’il a adoptées au titre de l’article 91, sous b), de son règlement de procédure, par les ordonnances du 5 janvier 2022, respectivement, dans l’affaire T-34/21 et dans l’affaire T-87/21. Par ces ordonnances, le Tribunal a cependant réservé, à titre provisoire et conformément à l’article 103, paragraphe 1, de son règlement de procédure, un traitement confidentiel auxdites informations à l’égard des parties requérantes en première instance et des parties intervenantes en première instance. Par les ordonnances du 11 mai 2022, adoptées, l’une, dans l’affaire T‑34/21 et, l’autre, dans l’affaire T‑87/21, le Tribunal a décidé que ces mêmes informations n’étaient pas pertinentes pour statuer sur le litige pendant devant lui et les a retirées du dossier, si bien qu’elles n’ont pas été communiquées à ces parties.

4        Il convient de rappeler que l’article 171, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour dispose que le pourvoi est signifié aux autres parties à l’affaire en cause devant le Tribunal. Par ailleurs, conformément à l’article 172 de ce règlement, toute partie à l’affaire en cause devant le Tribunal ayant un intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi peut présenter un mémoire en réponse dans un délai de deux mois à compter de cette signification. Il résulte de ces dispositions que le pourvoi ainsi que les autres pièces de procédure déposées devant la Cour sont également signifiés, en principe, à l’ensemble des parties à la procédure, y compris aux parties admises en tant que parties intervenantes devant le Tribunal.

5        Toutefois, lorsqu’une partie demande le traitement confidentiel, à l’égard des parties intervenantes devant le Tribunal, d’un élément produit devant la Cour qui a déjà fait l’objet d’un tel traitement lors de la procédure de première instance à l’égard de ces parties, le même traitement doit, en principe, être maintenu aux fins de la procédure devant la Cour (ordonnance du président de la Cour du 22 mars 2022, Google et Alphabet/Commission, C‑48/22 P, EU:C:2022:207, point 5 ainsi que jurisprudence citée). Il y a lieu d’appliquer cette jurisprudence, mutatis mutandis, dans le contexte d’une demande de traitement confidentiel, à l’égard des parties requérantes en première instance, d’un élément produit devant la Cour qui a déjà fait l’objet d’un tel traitement devant le Tribunal sur le fondement de l’article 103 du règlement de procédure du Tribunal, après avoir été produit à la suite d’une mesure d’instruction visée à l’article 91, sous b), de ce règlement.

6        En l’espèce, les informations dont le traitement confidentiel est demandé ont fait l’objet en première instance, dans un premier temps, par deux ordonnances du Tribunal du 5 janvier 2022, d’un traitement confidentiel à titre provisoire. Dans un second temps, le Tribunal a, après un examen de ces informations, décidé de les retirer du dossier des affaires pendantes, par deux ordonnances du Tribunal du 11 mai 2022. Il a considéré qu’elles n’étaient pas pertinentes pour statuer sur le litige, au motif que leur substance ressortait, en tout état de cause, de la version non confidentielle du document qui les contient.

7        Il s’ensuit que les informations visées par la présente demande de traitement confidentiel n’ont pas bénéficié, en définitive, d’un tel traitement à l’égard d’autres parties lors de la procédure de première instance, dès lors que le Tribunal les a retirées du dossier sans procéder à la mise en balance de leur caractère confidentiel et des exigences liées au droit à une protection juridictionnelle effective, prévue à l’article 103, paragraphe 2, de son règlement de procédure.

8        Partant, ces informations doivent être communiquées aux autres parties à la procédure de pourvoi, y compris aux parties intervenantes en première instance, en vertu des dispositions du règlement de procédure de la Cour rappelées au point 4 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 25 septembre 2018, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2018:785, point 8).

9        Il y a lieu de souligner à cet égard, d’une part, que, selon une jurisprudence constante, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit, le Tribunal étant seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêts du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 68, et du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 69).

10      D’autre part, selon l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Ainsi, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi est limitée à l’appréciation de la solution juridique qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un grief qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 6 octobre 2021, Sigma Alimentos Exterior/Commission, C‑50/19 P, EU:C:2021:792, points 37 et 38).

11      Par conséquent, il n’y a pas lieu, en principe, pour une partie à une procédure de pourvoi, de produire devant la Cour des informations, relatives aux circonstances factuelles de l’affaire en cause, qui, quand bien même elles avaient été produites devant le Tribunal à la suite d’une mesure d’instruction, visée à l’article 91, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, ont été retirées du dossier par celui-ci au motif que, à la suite de l’examen prévu à l’article 103, paragraphe 2, dudit règlement, ces informations n’avaient pas été considérées comme étant pertinentes aux fins de statuer sur le litige, parce que leur substance ressortait de cette version non confidentielle en tout état de cause. En effet, de telles informations, n’ayant pas été incluses dans le dossier sur la base duquel le Tribunal a statué, ne sauraient, en principe, être pertinentes aux fins du contrôle par la Cour de la légalité de la décision de celui-ci au stade du pourvoi.

12      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de Deutsche Lufthansa tendant à ce que la Cour réserve, à l’égard, d’une part, de Ryanair et de Condor Flugdienst, parties requérantes en première instance, et, d’autre part, de la République française, partie intervenante en première instance, un traitement confidentiel aux informations figurant dans la version confidentielle du pourvoi et de l’annexe A.2 de celui-ci et visées au point 2 de la présente ordonnance, lesquelles ont été retirées du dossier de première instance par le Tribunal.

13      Toutefois, afin de permettre à Deutsche Lufthansa de préserver ses intérêts commerciaux, il convient de lui accorder un délai de quinze jours, qui court à compter de la signification de la présente ordonnance, pour indiquer à la Cour si elle souhaite maintenir lesdites informations dans son pourvoi. Dans ce cas, la version confidentielle de celui-ci et de son annexe A.2 sera signifiée aux autres parties, conformément aux dispositions du règlement de procédure de la Cour rappelées au point 4 de la présente ordonnance. Dans l’hypothèse où elle souhaiterait retirer cette version confidentielle du dossier de l’affaire, seule la version non confidentielle du pourvoi et de ses annexes sera conservée au dossier de l’affaire sur pourvoi et signifiée aux autres parties.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

1)      La demande de traitement confidentiel est rejetée.

2)      Deutsche Lufthansa AG dispose d’un délai de quinze jours, qui court à compter de la signification de la présente ordonnance, pour indiquer à la Cour si elle souhaite maintenir dans le dossier de la présente affaire la version confidentielle de l’annexe A.2 du pourvoi, ainsi que les références à celle-ci dans ce pourvoi.

3)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.