Language of document : ECLI:EU:T:2014:780

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

18 septembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale BAUSS – Marque communautaire figurative antérieure BASS3TRES – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence de risque de confusion »

Dans l’affaire T‑267/13,

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes E. Seijo Veiguela et J. L. Rivas Zurdo, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo et M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Gaffashion Comércio de Acessórios de Moda, Lda, établie à Viana do Castelo (Portugal),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 21 février 2013 (affaire R 2295/2011-2), relative à une procédure d’opposition entre El Corte Inglés, SA et Gaffashion – Comércio de Acessórios de Moda, Lda,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 19 août 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 mai 2010, Gaffashion – Comércio de Acessórios de Moda, Lda a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BAUSS.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 25 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 35 : « Services de vente en gros et de vente au détail lié au cuir et aux imitations du cuir, aux peaux d’animaux, aux peaux, aux malles et aux sacs de voyage, aux parapluies, aux parasols et aux cannes, aux fouets, aux harnais et à la sellerie, aux vêtements, aux chaussures et à la chapellerie ; publicité ; gestion des affaires commerciales ; services d’aide à l’exploitation d’une entreprise commerciale sous régime de franchise ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 127/2010, du 13 juillet 2010.

5        Le 5 octobre 2010, la requérante, El Corte Inglés, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque communautaire figurative antérieure suivante, enregistrée le 8 octobre 2009 sous le numéro 1769801 :

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7        Les produits et les services pour lesquels la marque communautaire antérieure a été enregistrée relèvent des classes 18, 25 et 35 et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau, vente au détail dans des commerces ».

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Le 25 juillet 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

10      Le 7 novembre 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 21 février 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours dans son intégralité et, partant, rejeté l’opposition et condamné la requérante à supporter les frais des procédures d’opposition et de recours exposés par Gaffashion. La chambre de recours a considéré que, bien que les marques fussent similaires sur le plan visuel, car elles avaient en commun une partie de leurs lettres, à savoir les lettres « b », « a », « s » et « s », elles se distinguaient par le nombre de mots et d’éléments, par le reste de leurs éléments verbaux et par la nature figurative de la marque antérieure. D’un point de vue phonétique, la chambre de recours a considéré que, en tenant compte de leur prononciation dans chaque langue pertinente de l’Union européenne, les signes en conflit se ressemblaient par la prononciation identique des deux premières lettres de leurs syllabes initiales respectives ainsi que par la lettre « s » finale, mais se différenciaient par le son produit lors de la prononciation des autres syllabes, du fait de leur nombre différent, ainsi que du rythme et de l’intonation propre à chacun des signes en conflit. D’un point de vue conceptuel, la chambre de recours a considéré qu’il n’existait aucune similitude entre les signes en conflit, car la marque demandée n’avait pas de signification particulière dans les langues pertinentes, alors que la marque antérieure était composée des éléments verbaux « bass » et « tres », désignant respectivement un type de voix de chorale masculine et un instrument de musique à corde en allemand et en anglais et le chiffre trois en espagnol, combinés avec le chiffre « 3 ». La chambre de recours a ensuite relevé l’absence de caractère distinctif particulier de la marque antérieure pour les produits et services en cause. Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, après avoir rappelé que, s’agissant de la vente de vêtements, la perception visuelle des marques en conflit aurait normalement lieu avant l’acte d’achat et aurait donc une importance prépondérante, la chambre de recours est parvenue à la conclusion que la similitude des produits et services en cause était contrebalancée par la dissimilitude des signes en conflit, de sorte que, compte tenu du principe d’interdépendance des facteurs de risque de confusion, il n’existait pas de risque de confusion, ni même de risque d’association, dans l’esprit du public sur le territoire de l’Union, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que, en rejetant son recours, elle confirme la décision de la division d’opposition ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

15      La requérante soutient, en substance, qu’il existe, en ce qui concerne le public espagnol, un risque de confusion entre la marque verbale demandée BAUSS et l’élément verbal dominant de la marque figurative antérieure « bass ». À cet égard, elle fait valoir, premièrement, que les éléments figuratifs jouent un rôle secondaire dans la perception des signes en conflit par le consommateur, deuxièmement, que l’élément verbal dominant de la marque antérieure, « bass », et l’élément verbal unique de la marque demandée, « bauss », étant presque identiques, les signes en conflit seront perçus comme étant similaires tant du point de vue visuel que du point de vue phonétique et, troisièmement, que les impressions globales produites par les deux signes étant hautement similaires, elles entraîneront très probablement un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent eu égard à l’identité des produits et services en cause et à la rapidité avec laquelle les affaires commerciales se concluent.

16      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

17      Le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

19      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec, EU:C:2007:514, point 48, et arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, point 18 supra, EU:T:2003:199, point 32).

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

21      C’est à la lumière de ces considérations que le Tribunal examinera si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur le public pertinent

22      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

23      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 20 de la décision attaquée, que le public pertinent était le consommateur moyen appartenant au grand public sur le territoire de l’Union européenne.

24      Sans contester que le territoire pertinent pour apprécier le risque de confusion entre les signes en conflit soit le territoire de l’Union, la requérante fait valoir, en substance, que le risque de confusion doit, en l’espèce, être apprécié par rapport au consommateur moyen espagnol.

25      L’OHMI ne conteste pas l’argumentation de la requérante.

26      À cet égard, le Tribunal relève que la marque antérieure est une marque communautaire dont la protection s’étend au territoire de tous les États membres.

27      Or, lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire.

28      Par ailleurs, le Tribunal relève que les services relevant de la classe 35, à savoir les « [s]ervices de vente en gros et de vente au détail lié au cuir et aux imitations du cuir, aux peaux d’animaux, aux peaux, aux malles et aux sacs de voyage, aux parapluies, aux parasols et aux cannes, aux fouets, aux harnais et à la sellerie, aux vêtements, aux chaussures et à la chapellerie ; publicité ; gestion des affaires commerciales ; services d’aide à l’exploitation d’une entreprise commerciale sous régime de franchise » et les produits relevant de la classe 18, à savoir les « cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie », ainsi que les produits relevant de la classe 25, à savoir les « vêtements, chaussures, chapellerie », pour lesquels l’enregistrement de la marque contestée est demandé, sont destinés au grand public.

29      Dès lors, c’est sans erreur que la chambre de recours a pu estimer que le public pertinent est, en l’espèce le consommateur moyen sur le territoire de l’Union.

30      Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

31      Dans ces conditions, il convient de vérifier si les arguments avancés par la requérante quant à la perception des signes en conflit par le consommateur moyen espagnol sont susceptibles de remettre en cause les conclusions auxquelles la chambre de recours est parvenue dans la décision attaquée dans le cadre de son appréciation du risque de confusion entre lesdites marques, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur la comparaison des produits et services

32      Au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les produits et les services visés par la marque contestée et ceux visés par la marque antérieure étaient identiques. Cette appréciation a été expressément approuvée par les parties.

 Sur la comparaison des signes en conflit

33      Selon une jurisprudence constante, deux marques sont similaires, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lorsque, du point de vue du public concerné, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [voir arrêt du 25 novembre 2003, Oriental Kitchen/OHMI – Mou Dybfrost (KIAP MOU), T‑286/02, Rec, EU:T:2003:311, point 38 et jurisprudence citée]. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, sont pertinents les aspects visuel, phonétique et conceptuel [voir arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec, EU:T:2002:261, point 30 et jurisprudence citée].

34      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

35      Ainsi, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 34 supra, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, point 34 supra, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, Rec, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, EU:C:2007:539, point 43).

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

36      Aux points 30 et 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que la requérante n’avait pas revendiqué de caractère distinctif particulier tiré de l’usage ou de la renommée acquise par la marque antérieure et a estimé que, celle-ci n’ayant pas de lien avec les produits et les services en cause, elle bénéficiait d’un caractère distinctif normal. Cette appréciation, qui n’est pas contestée par les parties, doit être approuvée.

 Sur la similitude visuelle

37      Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, s’agissant de la marque antérieure, les éléments verbaux « bass » et « tres » occupaient une position équivalente dans le signe en question et constituaient les éléments dominants de ce dernier, en raison de leur taille et de leur longueur, par rapport au chiffre « 3 », situé entre ces deux éléments verbaux. Au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours en a conclu que les signes en conflit étaient similaires sur le plan visuel, car ils avaient en commun une partie de leurs lettres, à savoir les lettres « b », « a », « s » et « s », mais qu’ils se distinguaient par le nombre de leurs mots et éléments, par le reste de leurs éléments verbaux ainsi que par la combinaison de couleurs et la légère stylisation typographique utilisée dans la marque antérieure et absente de la marque demandée.

38      La requérante fait valoir que les éléments figuratifs jouent un rôle secondaire dans la comparaison des signes en conflit, le consommateur se référant aux marques en les désignant principalement par leurs éléments verbaux. Cela serait d’autant plus vrai en l’espèce, puisque les dénominations apparaissent en lettres de grande taille dans une police normalisée.

39      S’agissant de la marque antérieure, la requérante soutient que les éléments « tres » et « 3 » sont des éléments plus faibles que l’élément verbal « bass », dans la mesure où ils sont situés à la fin du signe et où ils sont généralement utilisés pour identifier le type de consommateur auquel s’adressent les produits de la marque BASS. En effet, le chiffre « 3 » indiquerait que ces produits sont destinés à des enfants de trois ans. Selon la requérante, le consommateur moyen a tendance à abréger le nom des marques lorsqu’il parle et à ne pas s’en souvenir totalement, de sorte qu’il retiendra uniquement l’élément verbal « bass », qui se situe au début du signe et qui est, par conséquent, l’élément dominant et distinctif de celui-ci.

40      Or, la requérante relève que l’élément verbal « bass » de la marque antérieure et l’élément verbal « bauss » de la marque demandée ont presque le même nombre de lettres, parmi lesquelles quatre sont identiques et se trouvent dans la même position, de sorte que, visuellement les signes en conflit ne se distinguent que par la lettre « u », située au milieu de la marque demandée.

41      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

42      À cet égard, il convient de relever que la marque antérieure est constituée des éléments verbaux « bass » et « tres », comportant le même nombre de lettres, de même taille, écrits dans la même police de caractère et de la même couleur bleue. Ces éléments encadrent le chiffre « 3 », écrit dans la même police de caractère, d’une taille plus petite, de couleur marron et situé à mi-hauteur. Dès lors, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’élément verbal « bass » ne constitue pas l’élément dominant de la marque antérieure, dans la mesure où, d’une part, l’élément verbal « tres », de par sa taille, le nombre de lettres qui le compose, sa couleur et sa position dans le signe, revêt une importance équivalente d’un point de vue visuel et, d’autre part, le chiffre « 3 », de par sa couleur, sa position centrale et son caractère numérique, a une importance au moins équivalente aux éléments verbaux du signe.

43      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’élément verbal « tres » et le chiffre « 3 » auraient un caractère distinctif faible, car ils seraient utilisés pour indiquer que les produits commercialisés sous la marque antérieure s’adressent à des enfants de trois ans. En effet, il convient de relever que cette affirmation n’est étayée par aucun élément de preuve. En outre, il convient d’observer que, eu égard à la taille, la couleur, le nombre de lettres qui le compose et la position dans le signe de l’élément verbal « bass », d’une part, et à la circonstance que cet élément verbal est répété par le chiffre « 3 », d’autre part, il est fort peu probable que le public pertinent perçoive ces éléments comme l’indication que les produits commercialisés sous la marque antérieure s’adressent à des enfants de trois ans. Ainsi que le relève à juste titre l’OHMI, l’argument de la requérante apparaît d’autant moins convaincant à la lumière des produits et des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée tels que les « parasols et cannes ; fouets et sellerie », relevant de la classe 18, et les services de « publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau, vente au détail dans des commerces », relevant de la classe 35.

44      Quant à l’argument de la requérante selon lequel l’attention du consommateur moyen se focaliserait davantage sur le début des marques, de sorte que, s’agissant de la marque antérieure, le consommateur se concentrerait sur l’élément verbal « bass » et oublierait les autres éléments composant le signe, il convient de rappeler que cette considération ne saurait, en tout état de cause, valoir dans tous les cas et remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par celles-ci [voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2010, Accenture Global Services/OHMI – Silver Creek Properties (acsensa), T‑244/09, Rec, EU:T:2010:430, point 23].

45      Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 42 ci-dessus, les éléments qui composent la marque antérieure, ont, d’un point de vue visuel, une importance équivalente, de sorte que le public pertinent n’attachera pas d’importance particulière à l’élément verbal « bass ».

46      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a estimé que, si les signes en conflit avaient en commun une partie de leurs lettres, à savoir les lettres « b », « a », « s » et « s », ils se distinguaient par le nombre de mots et d’éléments les composant, par le reste de leurs éléments verbaux, ainsi que par la combinaison de couleurs et la légère stylisation typographique utilisée dans la marque antérieure et absente de la marque demandée.

 Sur la similitude phonétique

47      Au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit se prononceraient conformément aux règles de prononciation correspondant à chaque langue pertinente de l’Union. Elle a ainsi estimé que, par exemple, la prononciation en espagnol comprendrait, pour la marque demandée, deux syllabes, à savoir « ba-us », alors que la marque antérieure se prononcerait en trois syllabes, « bas-tres-tres ». La chambre de recours en a conclu que, si la marque antérieure et la marque demandée se ressemblaient par la prononciation identique des deux premières lettres de leurs syllabes initiales respectives ainsi que par la lettre « s » finale, elles se différenciaient par le son produit lorsque les autres syllabes sont prononcées, en particulier en raison de leur nombre différent et du rythme et de l’intonation propres à chacune des marques.

48      La requérante fait valoir que, selon la définition donnée par le Diccionario panhispánico de dudas (Real Academia Española, 2005) (édition 2005 du dictionnaire panhispanique des doutes de l’Académie royale espagnole), la marque demandée ne sera pas prononcée par le public espagnol en deux syllabes « ba-us », mais en une seule syllabe « baus », car la réunion des voyelles « au » produit une diphtongue. Les deux mots « bass » et « bauss » seraient donc prononcés en une seule syllabe. Selon la requérante, les rythmes et les intonations de la prononciation desdits mots étant très similaires, leurs différences seraient pratiquement inexistantes d’un point de vue phonétique. Il s’ensuivrait que la marque antérieure et la marque demandée présenteraient un degré de similitude phonétique élevé.

49      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

50      À cet égard, il convient d’observer que, ainsi que le relève à juste titre la requérante, en espagnol, l’association des voyelles « a » et « u » forme une diphtongue, de sorte que l’élément verbal de la marque demandée sera probablement prononcé dans cette langue en une seule syllabe « baus » et non en deux syllabes « ba-us ». Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours quant à la différence phonétique existant entre la marque demandée et la marque antérieure.

51      En effet, d’une part, l’existence de la lettre « u » dans l’élément verbal « bauss », absente de l’élément verbal « bass » de la marque antérieure, est suffisante pour entraîner une différence de prononciation et d’intonation notable en espagnol.

52      D’autre part, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, d’un point de vue phonétique, la différence entre la marque demandée et la marque antérieure sera encore renforcée par la prononciation de l’élément verbal « tres » et de celle du chiffre « 3 », qui se prononce également « tres » en espagnol. Ainsi, alors que la marque demandée sera prononcée « baus », la marque antérieure sera prononcée « bas-tres-tres ».

53      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté l’existence de différences d’un point de vue phonétique entre la marque demandée et la marque antérieure.

 Sur la similitude conceptuelle

54      Au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, s’agissant de la marque antérieure, l’élément verbal « bass » désigne en allemand et en anglais un type de voix chorale masculine et un instrument de musique à corde, alors que l’élément verbal « tres » correspond en espagnol au chiffre « 3 ». S’agissant de la marque demandée, la chambre de recours a observé que celle-ci semblait dépourvue de contenu sémantique. Elle en a conclu que les signes en conflit ne présentaient aucune similitude conceptuelle pour la partie du public pertinent qui comprend certains éléments verbaux présents dans la marque antérieure, comme pour le reste du public pertinent, qui, dans tous les cas, comprendra le sens du chiffre « 3 », absent de la marque demandée. Cette conclusion a été expressément approuvée par les parties.

 Sur le risque de confusion

55      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et arrêt VENADO avec cadre e.a., point 30 supra, EU:T:2006:397, point 74).

56      Aux points 32 à 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les similitudes visuelles et phonétiques entre la marque demandée et la marque antérieure étaient suffisamment contrebalancées par les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles découlant de leurs éléments verbaux et figuratifs respectifs, de sorte qu’il n’existait aucun risque de confusion, ou même d’association, dans l’esprit du public pertinent en ce qui concerne les produits et les services en cause. La chambre de recours a précisé que, eu égard à la circonstance que le choix des vêtements se faisait généralement de manière visuelle, la perception des signes en conflit aurait normalement lieu avant l’acte d’achat et, partant, c’était l’aspect visuel qui revêtait une plus grande importance dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion.

57      La requérante fait valoir, en substance, que, dans la mesure où les produits et les services en cause sont identiques et les signes en conflit hautement similaires, tant d’un point de vue visuel que d’un point de vue phonétique, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

58      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

59      À cet égard, il convient de relever que, en dépit de l’identité des produits en cause, compte tenu des différences importantes, tant d’un point de vue visuel que d’un point de vue phonétique, constatées ci-dessus, et de l’absence de similitude conceptuelle entre les signes en conflit, ceux-ci ne sont pas globalement similaires.

60      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a pu estimer qu’il n’existait pas, en l’espèce, de risque de confusion, ni même d’association, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, entre les signes en conflit.

61      Il s’ensuit que le moyen unique du recours n’est pas fondé et que ce dernier doit donc être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

62      Conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      El Corte Inglés, SA est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.