Language of document : ECLI:EU:T:2020:161

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

29 avril 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative TasteSense By Kerry – Marque de l’Union européenne verbale antérieure MultiSense – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑108/19,

Kerry Luxembourg Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Döhler GmbH, établie à Darmstadt (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 27 novembre 2018 (affaire R 1179/2018‑2), relative à une procédure d’opposition entre Döhler et Kerry Luxembourg,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 avril 2019,

à la suite de l’audience du 10 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 septembre 2016, la requérante, Kerry Luxembourg Sàrl, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1, 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 1 : « Exhausteurs de goût pour aliments, boissons et produits de soins buccaux ; additifs pour aliments, boissons et soins buccaux à base de produits chimiques » ;

–        classe 29 : « Fruits, légumes et extraits naturels utilisés comme additifs dans la fabrication d’aliments et de boissons » ;

–        classe 30 : « Arômes et additifs autres que huiles essentielles pour aliments, boissons et produits de soins buccaux ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne n° 2016/207, du 2 novembre 2016.

5        Le 13 décembre 2016, l’autre partie à la procédure, Döhler GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, d’une part, sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure MultiSense, déposée le 17 novembre 2015 et enregistrée le 28 mars 2016 sous le numéro 14803712 pour les produits relevant des classes 1, 3 et 30 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 1 : « Édulcorants artificiels [produits chimiques] ; émulsifiants destinés à l’industrie des aliments et boissons » ;

–        classe 3 : « Huiles essentielles, arômes à base d’huiles essentielles pour aliments et boissons » ;

–        classe 30 : « Arômes et extraits utilisés pour parfumer des aliments et boissons, autres que les huiles essentielles ; édulcorants naturels ; bonbons à base de fruits ; édulcorants à base de stevia ; extraits végétaux utilisés comme arômes ; céréales transformées et extraits de malt ».

7        L’opposition était fondée, d’autre part, sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure Tastecraft, déposée le 27 avril 2016 et enregistrée le 15 septembre 2016 sous le numéro 15394703 pour les produits et les services relevant des classes 1 à 3, 5, 7, 29, 30, 32, 33, 35 et 42 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 1 : « Édulcorants de synthèse ; produits chimiques destinés à conserver les aliments » ;

–        classe 2 : « Colorants alimentaires » ;

–        classe 3 : « Huiles essentielles » ;

–        classe 5 : « Préparations alimentaires pour nourrissons ; mélanges et préparations, y compris produits diététiques à usage médical » ;

–        classe 7 : « Machines de fabrication, de remplissage et d’emballage destinées aux industries alimentaires, des boissons et chimique » ;

–        classe 29 : « Confitures, gelées ; œufs, lait et produits laitiers ainsi que mélanges et préparations pour la fabrication de tels produits ; préparations de fruits, compris dans la classe 29 ; mélanges et préparations ainsi que produits diététiques non à usage médical à base de viande, poissons, volaille [viande], gibier, fruits, œufs, lait ; viande, poisson, volaille et gibier, extrait de viande » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao ; café, thé, boissons à base de chocolat ou de cacao ainsi que préparations pour la fabrication de telles boissons ; sucre, fructose, édulcorants naturels, farines et préparations faites de céréales ; extraits de malt, pain, cakes et confiseries ; glace comestible ainsi que mélanges et préparations pour la fabrication de tels produits ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre à lever, desserts sous forme de poudre et poudings ; arômes alimentaires ; arômes de viande, poisson, volaille et gibier ainsi qu’autres arômes condimentaires, à l’exception des huiles essentielles » ;

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons sans alcool ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; matières premières, sirops et autres préparations pour faire des boissons ; bières et boissons mélangées à base de bière » ;

–        classe 33 : « Matériaux de base contenant de l’alcool, sirops et autres préparations pour faire des boissons, compris dans la classe 33 ; boissons alcoolisées (à l’exception des bières) » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; étude de marché ; services d’expertise en productivité d’entreprise ; expertises économiques ; services d’agences d’informations commerciales » ;

–        classe 42 : « Services scientifiques et technologiques ainsi que services de recherches et de conception y relatifs ; services d’analyses et de recherches industrielles ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

9        Par décision du 25 avril 2018, la division d’opposition a examiné l’opposition au regard de la seule marque antérieure MultiSense et a fait droit à l’opposition. La division d’opposition a considéré que les produits étaient partiellement identiques et partiellement similaires à un degré élevé et que, dans les États dans lesquels l’anglais n’était pas compris, tels que l’Espagne ou la Pologne, les signes en conflit étaient dépourvus de signification. Par ailleurs, eu égard à l’existence d’un degré moyen de similitude visuelle et phonétique, la division d’opposition a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

10      Le 22 juin 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 27 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

12      La chambre de recours a, à titre liminaire, rappelé, au point 17 de la décision attaquée, que, pour procéder à l’appréciation du risque de confusion, il convenait de définir le territoire et le public pertinents. S’agissant du territoire pertinent, la chambre de recours a considéré, au point 19 de la décision attaquée, que la division d’opposition pouvait, eu égard au caractère unitaire de la marque de l’Union européenne, limiter l’examen à la partie non anglophone du public concerné, à savoir aux parties du public parlant l’espagnol et le polonais. S’agissant dudit public, la chambre de recours a souscrit, au point 22 de la décision attaquée, aux constatations effectuées par la division d’opposition selon lesquelles les produits en cause étaient des produits spécialisés destinés au grand public (par exemple les additifs et les arômes compris dans les classes 29 et 30) et à un public de spécialistes en ce qui concerne l’ensemble des produits en cause, d’autant plus que les produits spécialisés pouvaient être utilisés dans le processus de fabrication. La chambre de recours a donc conclu que le niveau d’attention, qui n’était pas contesté par les parties, varierait de moyen à élevé.

13      En ce qui concerne la comparaison des produits en cause, la chambre de recours a, au point 23 de la décision attaquée, en lien avec le point 68 de cette dernière, entériné la conclusion de la division d’opposition, non contestée par la requérante, qui avait considéré que tous les produits contestés de cette dernière étaient identiques ou analogues à un degré élevé aux produits de l’autre partie à la procédure.

14      En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours, après avoir examiné les éléments distinctifs et dominants desdits signes, a considéré, au point 29 de la décision attaquée, que l’élément « multi » inclus dans la première marque antérieure serait compris par le public pertinent, dans la mesure où c’était un terme courant, et elle a supposé que ce public percevrait ladite marque antérieure comme étant constituée de deux composants distincts. S’agissant de la marque demandée, la chambre de recours a considéré, au point 30 de la décision attaquée, que celle-ci était composée des éléments verbaux « TasteSense » et « By Kerry » et, au point 32 de cette décision, que l’élément « By Kerry » serait perçu comme une indication du fait que les produits de la marque TasteSense provenaient d’une entreprise dénommée « Kerry ». Bien que l’élément « By Kerry » soit placé à la fin de la marque demandée et soit de plus petite taille, il ne devait pas être sous-estimé.

15      Quant à l’analyse du caractère distinctif intrinsèque des éléments verbaux, la chambre de recours, tout en ayant au préalable rappelé l’arrêt du 16 janvier 2014, Aloe Vera of America/OHMI – Detimos (FOREVER) (T‑528/11, EU:T:2014:10), a constaté, au point 36 de la décision attaquée, qu’il ne saurait être supposé que l’anglais serait compris par tous les consommateurs moyens au sein de l’Union et que les termes anglais possédaient, de manière générale, une signification à leurs yeux, en particulier en ce qui concerne les consommateurs espagnols ou polonais, à moins que des mots équivalents n’existent en espagnol et en polonais.

16      Cependant, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le terme « multi » serait compris par les consommateurs tant espagnols que polonais, en sorte que cet élément serait dépourvu de caractère distinctif (point 41 de ladite décision).

17      La chambre de recours a, par ailleurs, considéré, au point 42 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de mot similaire ou d’équivalent en espagnol ou en polonais pour le terme « sense », en sorte qu’il serait dépourvu de signification pour le public espagnol ou polonais, lequel y accorderait vraisemblablement davantage d’attention qu’au terme « multi » (point 43 de ladite décision).

18      La chambre de recours a estimé, au point 44 de la décision attaquée, qu’il en allait de même pour les termes « taste » et « sense » de la marque demandée, en sorte qu’elle a conclu à l’existence d’un caractère distinctif normal pour cette dernière. La chambre de recours a ajouté, au point 46 de la décision attaquée, que, même si l’élément « By Kerry » représentait une partie importante de ladite marque, il ne faisait, toutefois, aucun doute que l’élément « TasteSense » occupait une position distinctive autonome dans cette marque. Selon la chambre de recours, cela était également dû au fait que l’expression « By Kerry » était écrite en petits caractères, lui conférant une position secondaire au sein de la marque en question.

19      S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a, en ce qui concerne l’examen de la similitude visuelle, considéré, au point 47 de la décision attaquée, que lesdits signes contenaient tous les deux le terme « sense », second élément verbal, qui serait l’élément dominant de la première marque antérieure et qui occuperait une position distinctive autonome dans la marque demandée. Par ailleurs, même si ces signes commencent par un élément différent, dans le cadre de l’impression d’ensemble, il conviendrait de prendre en considération l’absence de caractère distinctif ou le caractère descriptif de l’élément « multi » dans l’impression d’ensemble, ce même si les consommateurs accordent davantage d’attention au début d’une marque qu’à sa fin (point 49 de la décision attaquée). La chambre de recours a ajouté, au point 51 de la décision attaquée, que les éléments verbaux supplémentaires « By Kerry » étaient écrits en très petits caractères et à peine lisibles si la marque est petite, en sorte que ces différences ne suffisaient pas pour compenser l’impression d’ensemble de similitude visuelle créée par les éléments communs. La chambre de recours a donc conclu, au point 54 de la décision attaquée, à l’existence d’un degré moyen de similitude visuelle.

20      Quant à l’examen de la similitude phonétique, la chambre de recours a considéré, aux points 55 à 57 de la décision attaquée, que les signes en conflit possédaient tous deux quatre syllabes et que, nonobstant la différence provenant du premier élément de ces signes, il existait un degré moyen de similitude, dès lors que lesdits signes seraient prononcés sur un rythme similaire, ce d’autant plus que la deuxième syllabe se prononçait de manière similaire et les troisième et quatrième syllabes se prononçaient de manière identique. Par ailleurs, la chambre de recours a relevé, aux points 58 et 59 de la décision attaquée, que la similitude phonétique qui existait entre les signes en conflit l’emportait sur leurs différences phonétiques dues à la présence, dans la marque demandée, de l’élément verbal « By Kerry », que le public pertinent comprendrait comme indiquant le producteur des produits désignés, et aux différences entre les parties initiales desdits signes.

21      En ce qui concerne l’examen de la similitude conceptuelle des signes en conflit, la chambre de recours a considéré, au point 62 de la décision attaquée, que, même si le public pertinent percevait la signification de l’élément « multi » de la première marque antérieure, l’autre signe était dépourvu de signification pour ledit public. Par ailleurs, l’expression « By Kerry » serait comprise par la majorité du public comme une indication que les produits en question proviennent d’une entreprise particulière dénommée « Kerry ». Les signes en conflit ne seraient, dans cette mesure, pas similaires sur le plan conceptuel.

22      S’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion entre les signes en conflit, la chambre de recours a considéré, au point 67 de la décision attaquée, que la première marque antérieure était pourvue d’un caractère distinctif normal, malgré la présence de l’élément faible ou descriptif « multi ».

23      Toutefois, la chambre de recours a rappelé, au point 68 de la décision attaquée, que, lorsque les produits étaient identiques ou similaires à un degré élevé, le degré de différence entre les signes en conflit devrait être élevé afin d’éviter un risque de confusion.

24      Or, en raison, d’abord, du fait que les éléments figuratifs et les effets de couleur de la marque demandée seraient négligeables (point 69 de la décision attaquée), ensuite, de l’identité de l’élément « sense », qui serait l’élément dominant de la première marque antérieure et qui occuperait une position autonome dans la marque demandée (point 72 de la décision attaquée) et, enfin, du souvenir imparfait des signes que les consommateurs auraient en mémoire (point 71 de la décision attaquée), il ne saurait être exclu que même la partie la plus attentive du public puisse être amenée à croire que les produits en cause proviendraient de la même entreprise ou d’entreprises apparentées (point 73 de la décision attaquée).

25      La chambre de recours a donc déduit de ces constatations, au point 74 de la décision attaquée, que l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, notamment dans l’esprit des consommateurs parlant l’espagnol et le polonais, ne saurait être exclue avec certitude.

26      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas examiné le recours au regard de l’opposition faite sur le fondement de la seconde marque antérieure Tastecraft.

 Conclusions des parties

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition contre l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO  aux dépens.

28      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité des nouveaux éléments de preuve annexés à la requête

29      La requérante fait valoir, en se fondant sur les annexes A.6 et A.7 de la requête et qui n’ont pas été versées dans le cadre de la procédure administrative, que le public tant espagnol que polonais a, contrairement aux constatations de la chambre de recours, une connaissance suffisante de la langue anglaise pour comprendre la signification des éléments contenus dans les signes en conflit.

30      La requérante prétend qu’elle pourrait s’appuyer sur des publications bien connues et publiquement disponibles, afin de s’opposer aux affirmations factuelles dépourvues de fondement figurant dans la décision attaquée.

31      L’EUIPO considère, à titre principal, que la recevabilité de ces annexes est discutable, dans la mesure où cela dépendrait de la question de savoir si la maîtrise ou l’absence de maîtrise de l’anglais par le public espagnol et polonais est un fait notoire ou pas. Selon l’EUIPO, ces annexes auraient dû être soumises dans le cadre de la procédure administrative, dès lors que la connaissance d’une langue étrangère dans un État membre n’est, en principe, pas un fait notoire, mais doit, sauf rares exceptions, être étayée par les parties.

32      À cet égard, il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas celle de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui [arrêts du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 136 et 138, et du 17 octobre 2017, Murka/EUIPO (SCATTER SLOTS), T‑704/16, non publié, EU:T:2017:728, point 15].

33      Or, force est de constater que la division d’opposition avait déjà considéré, dans sa décision, que les mots « taste » et « sense » étaient dépourvus de signification dans les États dans lesquels l’anglais n’est pas compris, tels que l’Espagne et la Pologne. Il s’ensuit que la requérante, qui contestait également devant la chambre de recours l’absence de justification par la division d’opposition de la raison pour laquelle le public pertinent comprendrait et reconnaîtrait uniquement l’élément « multi » et non les autres éléments compris dans les signes en conflit, aurait dû joindre, dans le cadre du recours devant la chambre de recours, l’ensemble des éléments pertinents, dont ceux qu’elle a joints à la requête, qui prouveraient, selon la requérante, la connaissance, par le public espagnol et polonais, de l’anglais.

34      La requérante ne saurait, par ailleurs, prétendre que la décision attaquée contiendrait des arguments nouveaux auxquels elle aurait été contrainte de répondre en soumettant de nouveaux éléments d’informations au stade de la procédure devant le Tribunal, dès lors que la constatation de l’absence de connaissance de la langue anglaise par le public pertinent avait déjà été faite par la division d’opposition, laquelle avait déjà considéré que la connaissance de l’anglais ne pouvait être présumée.

35      Force est donc de constater que cette situation se distingue de celle invoquée par la requérante sur le fondement de l’arrêt du 10 novembre 2011, LG Electronics/OHMI (C‑88/11 P, non publié, EU:C:2011:727), dans laquelle c’était seulement au stade de la procédure devant la chambre de recours que cette dernière avait considéré un fait comme notoire, en sorte que la Cour a jugé que c’était sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal avait pris en considération le document invoqué par la requérante aux fins de contester ce fait (points 31 et 32 dudit arrêt).

36      Dans ces circonstances, il incombait à la requérante de fournir, le cas échéant, l’ensemble des preuves à l’appui de sa demande déjà dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours sur le niveau de connaissance de la langue anglaise par le public espagnol et polonais, en particulier la compréhension des mots « taste » et « sense » [voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2013, Apollo Tyres/OHMI – Endurance Technologies (ENDURACE), T‑109/11, non publié, EU:T:2013:211, point 21, et du 26 avril 2018, Convivo/EUIPO – Porcesadora Nacional de Alimentos (M’Cooky), T‑288/16, non publié, EU:T:2018:231, point 21].

37      Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer les annexes A.6 et A.7 de la requête irrecevables, dès lors qu’elles n’ont pas été produites dans le cadre de la procédure administrative. Il convient donc de préciser que le contrôle de légalité de la décision attaquée se fera au regard des seuls éléments qui ont été communiqués lors de la procédure administrative et qui figurent dans le dossier de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2014, Łaszkiewicz/OHMI – Cables y Eslingas (PROTEKT), T‑18/13, non publié, EU:T:2014:666, point 20, et du 13 septembre 2016, Globo Comunicação e Participações/EUIPO (Marque sonore), T‑408/15, EU:T:2016:468, point 20].

 Sur le fond

38      La requérante invoque, dans le cadre de la requête, un seul moyen au soutien du recours, tiré, en substance, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Lors de l’audience, la requérante a invoqué un nouveau moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation mentionnée à l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenu article 94, première phrase, du règlement 2017/1001).

39      À cet égard, il convient de souligner, à titre liminaire, que, même si la chambre de recours semble faire application des dispositions du règlement 2017/1001, il convient d’entendre les références, en ce qui concerne les règles de fond, comme visant en réalité les dispositions d’une teneur identique du règlement n° 207/2009 [voir arrêt du 28 juin 2019, Gibson Brands/EUIPO – Wilfer (Forme d’un corps de guitare), T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, point 13].

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

 Sur le public pertinent et son niveau d’attention

40      La requérante fait grief à la chambre de recours, premièrement, d’avoir pris en considération le grand public ainsi qu’un public composé de spécialistes, alors que les produits visés par la marque demandée seraient exclusivement destinés à un public de professionnels. Elle précise, toutefois, que certains des produits relevant de la classe 30, à savoir les « arômes et additifs autres que les huiles essentielles pour les aliments, boissons et produits » peuvent être perçus comme également destinés au grand public, bien que cette interprétation de la liste semble exagérée lorsque la liste est considérée dans son ensemble. Elle a réitéré, lors de l’audience, l’affirmation selon laquelle les produits couverts par la marque demandée étaient exclusivement destinés à un public de professionnels.

41      Il ressort du point 22 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les produits en cause étant des produits spécialisés, ils étaient destinés au grand public (par exemple les additifs et les arômes compris dans les classes 29 et 30) et à un public de spécialistes en ce qui concerne l’ensemble des produits en cause, d’autant plus que lesdits produits pouvaient être utilisés dans le processus de fabrication. La chambre de recours a ajouté que cette constatation n’était pas contestée par les parties.

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que, même si la chambre de recours a relevé que cette conclusion n’était contestée par aucune partie, force est de constater que la requérante ne saurait être empêchée de contester cette conclusion au stade du recours devant le Tribunal ni à ce dernier de se saisir de cette question qui fait partie des éléments qui doivent nécessairement être pris en considération lors de l’examen et du contrôle de l’éventuel risque de confusion entre les signes en conflit [voir, en ce sens, arrêts du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, points 24 et 25, et du 7 novembre 2007, NV Marly/OHMI – Erdal (Top iX), T‑57/06, non publié, EU:T:2007:333, point 56 ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2019:1030, point 71].

43      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 4 mars 2015, Three-N-Products/OHMI – Munindra (PRANAYUR), T‑543/13, non publié, EU:T:2015:134, point 24].

44      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le public pertinent est composé des consommateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou services protégés par la marque antérieure que ceux visés par la marque demandée [voir arrêt du 30 septembre 2010, PVS/OHMI – MeDiTA Medizinische Kurierdienst (medidata), T‑270/09, non publié, EU:T:2010:419, point 28 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 juin 2014, Basic/OHMI – Repsol YPF (basic), T‑372/11, EU:T:2014:585, point 27]. Par ailleurs, en règle générale, lorsque les produits ou services protégés par l’une de ces marques sont inclus dans la désignation plus large de l’autre marque, le public pertinent est défini par référence au libellé le plus spécifique (arrêt du 30 septembre 2010, medidata, T‑270/09, non publié, EU:T:2010:419, point 28).

45      À cet égard, il y a lieu, notamment, de constater que les « exhausteurs de goût pour aliments », relevant de la classe 1, ainsi que les « fruits utilisés comme additifs dans la fabrication d’aliments », relevant de la classe 29, peuvent indifféremment être utilisés par des professionnels ou par des particuliers pouvant se les procurer par le biais de canaux de distribution, tels que les supermarchés.

46      Par ailleurs, ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO, les « arômes pour aliments et boissons », relevant de la classe 30, peuvent être tout à fait utilisés par le grand public, en particulier les aromatisants à la vanille à usage culinaire ainsi que tous les arômes qu’ils soient naturels ou chimiques utilisés en cuisine.

47      En outre, contrairement aux affirmations renouvelées par la requérante lors de l’audience, il ne ressort nullement du libellé et des spécifications de la liste des produits visés par la marque demandée que ces derniers seraient exclusivement transformés ou utilisés par des professionnels.

48      Enfin, lors de l’audience, la requérante n’a pas contesté que la manière dont la liste des produits relevant de la classe 30 était établie permettait d’en déduire, ainsi que l’avait fait valoir l’EUIPO, que ces derniers s’adressaient également au grand public.

49      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pris en considération, pour la détermination du public pertinent, le grand public ainsi que le public composé de professionnels.

50      Il s’ensuit que la chambre de recours pouvait se fonder sur la perception du grand public et pas uniquement sur la perception du public spécialisé.

51      Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, il ne ressort nullement de la jurisprudence que la chambre de recours aurait dû opérer une distinction entre les produits exclusivement destinés à des professionnels et ceux également destinés au grand public.

52      En effet, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque les produits ou les services sur lesquels porte la demande d’enregistrement sont destinés à l’ensemble des consommateurs, c’est-à-dire tant les consommateurs professionnels que finaux, il faut considérer que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 62, et du 24 mai 2011, Space Beach Club/OHMI – Flores Gómez (SpS space of sound), T‑144/10, non publié, EU:T:2011:243, point 34].

53      Deuxièmement, s’agissant du degré d’attention du public pertinent, la requérante fait valoir que le niveau d’attention du public de professionnels aurait dû être considéré comme « très élevé » et non comme « élevé ».

54      À cet égard, il convient de rappeler que la chambre de recours a considéré, au point 22 de la décision attaquée, que le niveau d’attention du public pertinent varierait de moyen à élevé.

55      Or, il a été jugé que des produits diététiques pour alimentation spéciale ne peuvent être considérés comme étant des « produits à risques », exigeant, de ce seul fait, un degré d’attention plus élevé de la part des consommateurs lors de l’achat, à l’instar, par exemple, des produits pharmaceutiques. En effet, contrairement à ces derniers, ils ne sont nullement perçus comme des médicaments ni prescrits sur ordonnance médicale, même si certains produits peuvent être commercialisés en pharmacie [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2013, Aldi/OHMI – Dialcos (dialdi), T‑505/11, non publié, EU:T:2013:332, point 37].

56      Par ailleurs, il a été jugé que le niveau d’attention du public à l’égard de certains produits relevant des classes 1, 29 et 30, tels que les additifs alimentaires ou les exhausteurs de goût, n’était pas systématiquement supérieur à la moyenne [voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2015, PRANAYUR, T‑543/13, non publié, EU:T:2015:134, point 25 ; du 25 septembre 2018, EM Research Organization/EUIPO – Christoph Fischer e.a. (EM), T‑180/17, non publié, EU:T:2018:591, points 40 à 45, et du 22 novembre 2018, AB Mauri Italy/EUIPO – Lesaffre (FERMIN), T‑78/18, non publié, EU:T:2018:829, point 27].

57      Or, si certains des produits en cause, tels que les « additifs pour soins buccaux à base de produits chimiques », sont destinés à un public spécialisé, force est de constater que, dans leur grande majorité, ils sont, toutefois, tels les « exhausteurs de goût pour aliments », les « arômes et additifs pour aliments, boissons » ou les « fruits, légumes et extraits naturels utilisés comme additifs dans la fabrication d’aliments et de boissons », destinés au grand public et non pas uniquement à un public spécialisé.

58      Ainsi, en prenant en considération un niveau d’attention qualifié d’« élevé » en ce qui concerne la partie du public pertinent composée de professionnels, la chambre de recours s’est fondée sur le niveau requis par le Tribunal en ce qui concerne les médicaments prescrits sur ordonnance. Or, dès lors que les produits en cause peuvent être vendus librement dans le commerce, le niveau d’attention de ladite partie du public pertinent ne saurait être supérieur à celui requis par les médicaments vendus sur ordonnance. Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante considère que le niveau d’attention de la partie du public pertinent composée de professionnels aurait dû être qualifié de « très élevé ».

59      Il s’ensuit que la chambre de recours, en considérant, au point 22 de la décision attaquée, que le niveau d’attention varierait de moyen à élevé, n’a commis aucune erreur.

 Sur la connaissance de l’anglais par le public pertinent

60      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée en fondant la décision attaquée sur la conclusion erronée selon laquelle le public pertinent n’était pas anglophone.

61      Selon la requérante, le public tant espagnol que polonais posséderait une connaissance substantielle de l’anglais en tant que seconde langue, en sorte qu’il serait à même de comprendre la signification des termes « sense » et « taste », et ce y compris le grand public.

62      À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que, selon une jurisprudence constante, la compréhension d’une langue étrangère ne peut, en général, être présumée [voir arrêts du 25 juin 2008, Zipcar/OHMI – Canary Islands Car (ZIPCAR), T‑36/07, non publié, EU:T:2008:223, point 45 ; du 24 mai 2011, SpS space of sound, T‑144/10, non publié, EU:T:2011:243, point 63, et du 21 mai 2015, Nutrexpa/OHMI – Kraft Foods Italia Intellectual Property (Cuétara MARĺA ORO), T‑271/13, non publié, EU:T:2015:308, point 35].

63      Dans la mesure où la connaissance de l’anglais par le public espagnol et polonais n’est pas un fait notoire (contrairement à la connaissance de l’anglais par le public suédois notamment) et où le secteur en cause n’est pas l’un de ceux dans lesquels l’emploi de l’anglais est fréquent ou habituel (contrairement au secteur des technologies ou de l’informatique), il appartenait à la requérante de fournir, dans le cadre de la procédure administrative, des éléments permettant de mettre en exergue la connaissance par le public pertinent d’une langue autre que sa langue maternelle.

64      D’autre part, s’il est vrai qu’une grande partie des consommateurs dans l’Union connaît un vocabulaire élémentaire de l’anglais [voir, en ce sens, arrêts du 13 octobre 2009, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑146/08, non publié, EU:T:2009:398, point 53 ; du 11 mai 2010, Wessang/OHMI – Greinwald (star foods), T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186, point 52, et du 15 octobre 2018, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO – Pink Lady America (WILD PINK), T‑164/17, non publié, EU:T:2018:678, point 58], il a, en revanche, été jugé que d’autres termes anglais ou l’une de leur signification ne pouvaient pas être considérés comme faisant partie d’un tel vocabulaire de base [voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2014, Junited Autoglas Deutschland/OHMI – Belron Hungary (United Autoglas), T‑297/13, non publié, EU:T:2014:893, points 32 et 42, et du 16 février 2017, Jaguar Land Rover/EUIPO – Nissan Jidosha (Land Glider), T‑71/15, non publié, EU:T:2017:82, point 45].

65      Ainsi, il ne saurait être présumé que des termes anglais sont largement connus dans l’Union, à l’exception de certains termes appartenant au vocabulaire élémentaire de cette langue.

66      En l’espèce, les termes anglais « taste » ou « sense » ne sauraient être considérés comme faisant partie du vocabulaire élémentaire de cette langue dont il peut être présumé qu’il est largement connu par des consommateurs non anglophones (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Land Glider, T‑71/15, non publié, EU:T:2017:82, point 58).

67      En effet, en ce que les termes anglais « taste » ou « sense » renvoient à des concepts abstraits et non pas à un vocable simple et élémentaire, il ne saurait être présumé qu’un public non anglophone, qui comprend également le grand public, maîtriserait ces termes et en comprendrait distinctement et immédiatement la signification.

68      Toutefois, lorsque les termes anglais ont un équivalent dans la langue du public non anglophone et qu’un lien peut être établi par ledit public entre ces termes et leur traduction dans la langue concernée, il y a lieu de considérer que ledit public comprend leur signification.

69      Or, en l’espèce, force est de constater, ainsi que l’a indiqué la requérante lors de l’audience sans être contestée par l’EUIPO, que le terme anglais « sense » pourrait être sans aucune difficulté rapproché par une partie du public pertinent du mot polonais « sens », qui est l’un des termes équivalents dudit terme anglais.

70      Dès lors, il convient de constater que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que le public polonais ne comprendrait pas la signification du terme anglais « sense ». Il s’ensuit que les considérations de la chambre de recours concernant l’absence de compréhension par le public polonais de la marque antérieure MultiSense ne sauraient être entérinées.

71      Toutefois, au regard du public espagnol, il convient de relever que le terme anglais « sense » ne sera pas rapproché par ledit public du mot espagnol « sentido », qui est l’un des termes équivalents dudit terme anglais. En effet, il ne saurait être considéré que le public espagnol, y compris le grand public, établirait un lien sémantique entre les termes « sense » et « sentido ».

72      Il s’ensuit que la conclusion de la chambre de recours concernant la perception par le public espagnol des termes anglais « taste » et « sense » doit être entérinée, en sorte que l’analyse ultérieure sera uniquement poursuivie au regard du public espagnol.

 Sur la comparaison des signes en conflit et sur l’appréciation globale du risque de confusion

73      S’agissant de l’analyse de la chambre de recours concernant la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, il convient de faire les observations suivantes.

74      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement « lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ».

75      Selon la jurisprudence, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 29 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 17 ; du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, EU:T:2002:262, point 25, et du 10 octobre 2006, Armacell/OHMI – nmc (ARMAFOAM), T‑172/05, EU:T:2006:300, point 28].

76      Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 22 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 16 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 18, et du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 29).

77      Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 23, et du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 30).

78      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 19, et du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 31).

79      En outre, la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 23 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 25, et du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 32). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26, et du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 32).

80      À cet égard, il convient de rappeler qu’il est, certes, vrai que la partie initiale des marques peut être susceptible de retenir l’attention du consommateur davantage que les parties suivantes. Toutefois, cette considération ne saurait valoir dans tous les cas. Elle ne saurait, en tout état de cause, remettre en cause le principe, exprimé par la jurisprudence citée aux points 76 à 79 ci-dessus, selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ces marques, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails (voir arrêt du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 65 et jurisprudence citée).

81      En l’espèce, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours et de l’EUIPO, que, s’agissant du public non anglophone, la différence des préfixes « multi » et « taste » des signes en conflit n’est pas de nature, en dépit de leur position en début de marque, à supprimer l’impression de similitude visuelle et phonétique produite par lesdites marques, laquelle résulte tant du fait que le signe MultiSense constituant la première marque antérieure et l’élément verbal « TasteSense » de la marque demandée sont de longueur identique (dix lettres et quatre syllabes chacune) que du fait que, en dehors de la différence susmentionnée, ledit signe et cet élément verbal sont rigoureusement identiques tant visuellement (cinq lettres placées dans le même ordre : « s », « e », « n », « s », « e ») que phonétiquement (« sen », « se ») (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 66). En outre, la deuxième syllabe des signes en conflit, à savoir « te » dans la marque demandée et « ti » dans cette marque antérieure, sont visuellement et phonétiquement assez similaires, dès lors que cette syllabe pourrait être prononcée par une partie du public pertinent de manière très proche, ce qui serait de nature à renforcer la similitude existante entre les signes en conflit.

82      Par ailleurs, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO dans ses observations, la présence, dans la marque demandée, de l’élément « By Kerry » ne permet pas de conclure que cet élément l’emporte quant à l’examen des similitudes dans la mesure où sa taille et son positionnement ne lui font jouer qu’un rôle secondaire dans l’impression d’ensemble. En outre, bien qu’il serve d’indication de l’origine des produits, le public pertinent considérera l’élément « TasteSense » de ladite marque comme se rapportant à la ligne de produits considérée et l’élément « By Kerry » de cette marque comme une référence au fabricant desdits produits. Rien ne permet donc de supposer que le public non anglophone pertinent ne présumera pas l’origine commune des produits commercialisés sous les marques « MultiSense » ou « TasteSense ».

83      Il s’ensuit que, sur les plans visuel et phonétique, les signes en conflit sont similaires, tout au moins s’agissant du public espagnol. Dès lors, et compte tenu du fait qu’une comparaison conceptuelle de ces marques est dénuée de pertinence s’agissant de ce public, il y a lieu de conclure que ces marques sont similaires à l’égard de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 67).

84      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et que, en raison du fait que les produits en cause étaient identiques ou similaires à un degré élevé, il existait un risque de confusion entre lesdits signes.

85      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il a déjà été jugé que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 exige qu’il existe un risque de confusion, mais non que la confusion soit établie [arrêt du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, EU:T:2004:293, point 52]. Il s’ensuit que la chambre de recours n’avait pas à démontrer l’existence d’une confusion réelle entre les signes en conflit, mais seulement, ainsi qu’elle l’a fait, l’existence d’un risque de confusion entre eux.

86      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, visée à l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009

87      La requérante a fait valoir, lors de l’audience, que la décision attaquée ne comportait aucune considération concernant le degré de connaissance d’une langue autre que l’espagnol ou le polonais, respectivement en Espagne et en Pologne, en sorte qu’il n’y aurait pas de motivation, en violation de l’article 75 du règlement no 207/2009.

88      L’EUIPO a soulevé l’irrecevabilité de ce moyen au motif qu’il était soulevé au stade de la procédure orale, alors qu’il aurait pu l’être dans le cadre de la procédure écrite.

89      À titre liminaire, il convient de rappeler que le moyen tiré de l’absence de motivation est un moyen d’ordre public pouvant être soulevé à tout stade de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité, 18/57, EU:C:1959:6, p. 115, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67).

90      Il convient donc d’examiner ce moyen.

91      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées.

92      Cette obligation a la même portée que celle consacrée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêts du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C‑96/11 P, non publié, EU:C:2012:537, point 86, et du 15 juillet 2014, Łaszkiewicz/OHMI – Capital Safety Group EMEA (PROTEKT), T‑576/12, non publié, EU:T:2014:667, point 76].

93      Cependant, contrairement à ce que prétend la requérante, force est de constater que la chambre de recours a précisément indiqué les raisons pour lesquelles le public pertinent pouvait être considéré comme ne connaissant pas l’anglais, puisqu’elle a rappelé, aux points 35 et 36 de la décision attaquée, que la connaissance d’une langue étrangère, sauf fait notoire, ne pouvait être présumée.

94      Ainsi, la chambre de recours n’a fait que rappeler la jurisprudence pertinente et il eût appartenu à la requérante d’invoquer devant la chambre de recours les éléments démontrant la connaissance de l’anglais par le public pertinent, cette constatation ayant déjà été faite par la division d’opposition dans sa décision.

95      Il résulte de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté, ainsi que le recours dans son ensemble, sans qu’il y ait lieu d’examiner le deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Kerry Luxembourg Sàrl est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.