Language of document : ECLI:EU:T:2012:494

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 septembre 2012 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du verre plat dans l’EEE – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix – Preuve de l’infraction – Calcul du montant des amendes – Exclusion des ventes captives – Obligation de motivation – Égalité de traitement – Circonstances atténuantes »

Dans l’affaire T‑82/08,

Guardian Industries Corp., établie à Dover, Delaware (États-Unis),

Guardian Europe Sàrl, établie à Dudelange (Luxembourg),

représentées par Mes S. Völcker, F. Louis, A. Vallery, C. Eggers et H.‑G. Kamann, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C(2007) 5791 final de la Commission, du 28 novembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39165 – Verre plat), en tant qu’elle concerne les requérantes, et la réduction du montant de l’amende infligée à celles-ci par ladite décision,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 février 2012,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Les requérantes, Guardian Industries Corp. et Guardian Europe Sàrl, font partie du groupe Guardian, actif dans la production de verre plat et de verre automobile. Guardian Industries est la société placée à la tête du groupe Guardian et détient indirectement 100 % du capital de Guardian Europe.

2        Les 22, 23 février et 15 mars 2005, la Commission des Communautés européennes a opéré des vérifications surprises, notamment dans les locaux de Guardian Flachglas GmbH, Guardian Europe et Guardian Luxguard I SA.

3        Le 2 mars 2005, Asahi Glass Co. Ltd et toutes ses filiales, y compris Glaverbel SA/NV, devenue par la suite AGC Flat Glass Europe SA/NV (ci-après « Glaverbel »), ont présenté une demande visant à obtenir une immunité d’amende ou, le cas échéant, une réduction de l’amende, au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

4        Le 3 janvier 2006, la Commission a engagé une procédure en vertu du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et en a informé les parties le 6 mars 2006.

5        Le 10 février 2006, la Commission a adressé des demandes de renseignements à plusieurs sociétés, dont les requérantes. Guardian Europe a répondu à cette demande le 10 mars 2006.

6        Le 9 mars 2007, la Commission a adopté une communication des griefs, adressée les 13 et 14 mars 2007 à plusieurs sociétés, dont les requérantes.

7        Le 28 novembre 2007, la Commission a adopté la décision C(2007) 5791 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39165 – Verre plat) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 24 mai 2008 (JO C 127, p. 9) et qui a été notifiée aux requérantes le 3 décembre 2007.

8        La décision attaquée a également été adressée à Asahi Glass, à Glaverbel, ainsi qu’à Pilkington Deutschland AG, à Pilkington Group Ltd, à Pilkington Holding GmbH (ci-après, prises ensemble, « Pilkington »), à la Compagnie de Saint-Gobain SA et à Saint-Gobain Glass France SA (ci-après, prises ensemble, « Saint-Gobain »).

9        Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que les sociétés destinataires de celle-ci avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE, qui s’est étendue sur le territoire de l’Espace économique européen (EEE), consistant en la fixation de hausses de prix, de prix minima, d’objectifs de prix, de gels des prix et d’autres conditions commerciales pour les ventes à des clients indépendants de quatre catégories de produits en verre plat utilisés dans le secteur de la construction, à savoir le verre flotté, le verre énergétique, le verre feuilleté et les miroirs non traités, ainsi qu’en l’échange d’informations commerciales sensibles.

10      Les requérantes ont été reconnues coupables de l’infraction pour la période allant du 20 avril 2004 au 22 février 2005 et se sont vu infliger solidairement une amende de 148 millions d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

12      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

13      Le 8 février 2012, les requérantes ont transmis au Tribunal un tableau relatif aux modalités de calcul de l’amende qui leur a été infligée. Le 10 février 2012, la Commission a présenté des observations sur ce document, qui ont été transmises aux requérantes le même jour.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 février 2012.

15      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement l’article 1er de la décision attaquée ;

–        réduire le montant de l’amende infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de leurs conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée, les requérantes soulèvent un moyen unique, tiré d’erreurs de fait relatives à la durée de leur participation à l’entente et à la dimension géographique de l’entente. À l’appui de leurs conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende, les requérantes soulèvent trois moyens, tirés, le premier, de la nécessité de réduire le montant de leur amende en conséquence de l’annulation partielle de la décision attaquée, le deuxième, de la violation du principe de non-discrimination et de l’obligation de motivation concernant le calcul de l’amende et, le troisième, d’une erreur d’appréciation eu égard au rôle très limité et passif qu’elles auraient joué dans l’infraction et de la violation du principe de non-discrimination.

18      Lors de l’audience, les parties ont par ailleurs contesté la recevabilité d’un certain nombre de documents.

 Sur la recevabilité de certains documents et de références faites à des documents

 Sur la recevabilité de la lettre de la Commission du 10 février 2012

19      Lors de l’audience, les requérantes ont contesté la recevabilité de la lettre de la Commission du 10 février 2012 au motif que celle-ci contenait des chiffres qui ne leur avaient jamais été communiqués auparavant.

20      La Commission considère que cette lettre, qui constitue un complément à sa réponse du 23 janvier 2012 aux questions que le Tribunal lui avait adressées, est recevable.

21      Il y a lieu de relever que cette lettre est parvenue au Tribunal en dehors du délai imparti à la Commission, mais qu’elle a cependant été communiquée aux requérantes le 10 février 2012. Cette lettre contient des observations sur un document présenté par les requérantes le 8 février 2012, ainsi qu’un complément à la réponse de la Commission à une question écrite posée par le Tribunal pour réponse avant l’audience, relative à la méthode de calcul du montant de l’amende proposée par les requérantes en cas d’exclusion des ventes captives. La Commission y a ainsi précisé, d’une part, que les chiffres figurant dans le tableau no 1 de la communication des griefs ne concernaient pas seulement les ventes internes, mais aussi les ventes de certaines catégories de verre n’ayant finalement pas été prises en considération dans la décision attaquée et, d’autre part, le ratio entre les ventes totales des membres de l’entente et leurs ventes internes.

22      Compte tenu du contenu de cette lettre et du fait que celle-ci a été transmise aux requérantes, qui ont donc pu présenter leurs observations à son sujet lors de l’audience, il y a lieu de considérer le document en cause comme recevable et de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les requérantes.

 Sur la recevabilité des références à des documents n’ayant pas été présentés devant le Tribunal

23      Lors de l’audience, la Commission a contesté la recevabilité de certaines références faites par les requérantes lors de leur plaidoirie à des documents qui n’auraient pas été présentés devant le Tribunal, au motif que ces documents ne feraient pas partie du dossier du Tribunal. Elle a précisé que c’était notamment le cas de la réponse des requérantes à la communication des griefs.

24      L’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, relatif aux éléments qui doivent figurer dans une requête présentée devant le Tribunal, prévoit que celle-ci contient « les offres de preuve, s’il y a lieu ». De même, selon l’article 46, paragraphe 1, du même règlement, le mémoire en défense contient les offres de preuve. Ces dispositions sont complétées par l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, selon lequel les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique.

25      Par ailleurs, selon l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

26      Néanmoins, en l’espèce, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont entendu ni apporter de nouvelles offres de preuve, ni soulever un moyen nouveau à la suite de la clôture de la procédure écrite et qu’elles se sont bornées à évoquer, lors de la procédure orale, certains arguments reposant sur des documents qui n’avaient pas été produits devant le Tribunal. Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et de considérer qu’il appartient en revanche au Tribunal d’apprécier les arguments développés par les requérantes lors de l’audience en fonction des éléments de preuve figurant dans le dossier.

27      Par ailleurs, dans les circonstances de la présente espèce, il y a lieu d’examiner la dernière fin de non-recevoir soulevée par les requérantes lors de l’audience, relative aux références faites par la Commission, dans le mémoire en défense et dans sa réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, à la réponse de Pilkington à la communication des griefs, après avoir examiné l’ensemble des moyens soulevés par les requérantes.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

28      Les requérantes ont soulevé un moyen unique à l’appui de leurs conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée, tiré d’erreurs de fait relatives à la durée de leur participation à l’entente et à la dimension géographique de l’entente.

29      Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir établi, d’une part, qu’elles ont rejoint l’entente avant le 11 février 2005 et, d’autre part, que celle-ci s’étendait sur tout le territoire de l’EEE. Les preuves présentées par la Commission à cet égard seraient ainsi équivoques et contradictoires et reposeraient sur des témoignages subjectifs, vagues et non corroborés, ainsi que sur des suppositions fondées sur des événements postérieurs.

 Sur la première branche, tirée de l’appréciation erronée de la durée de la participation des requérantes à l’infraction

30      La Commission a reconnu les requérantes coupables de l’infraction pour la période allant du 20 avril 2004 au 22 février 2005, en se fondant sur divers éléments de preuve, à savoir des documents saisis lors des inspections, en partie corroborés par des déclarations orales et des documents fournis par Glaverbel dans le cadre d’une demande de clémence, ainsi que les réponses aux demandes de renseignements de plusieurs entreprises. La Commission a ainsi considéré que les requérantes avaient commencé à participer aux pratiques collusoires à partir de la réunion du 20 avril 2004 qui s’est tenue en Allemagne entre leur représentant et celui de Pilkington, au cours de laquelle ce dernier l’aurait informé des dispositions collusoires arrêtées avec Saint-Gobain et Glaverbel. Afin de parvenir à cette conclusion, la Commission s’est notamment fondée sur deux pages de notes manuscrites saisies dans les locaux de Pilkington lors de vérifications surprises (considérants 155 à 188 de la décision attaquée). La Commission a estimé que les requérantes avaient continué à participer aux pratiques collusoires en recevant, le 15 juin 2004, un appel de Pilkington les informant de l’accord conclu au sujet du marché italien, qu’elles auraient approuvé (considérants 189 à 196 de la décision attaquée). La Commission a, par ailleurs, considéré que les requérantes avaient participé avec Glaverbel, Pilkington et Saint-Gobain (ci-après les « trois autres membres de l’entente ») à une réunion à Luxembourg le 2 décembre 2004, au cours de laquelle auraient été arrêtées des décisions relatives à des hausses de prix, des prix minima et d’autres conditions commerciales concernant la vente de produits en verre plat dans plusieurs pays d’Europe, en se fondant sur des notes manuscrites saisies dans les locaux de Pilkington lors des vérifications surprises ainsi que sur des extraits d’agendas (considérants 197 à 264 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a estimé que les requérantes et les trois autres membres de l’entente s’étaient réunis le 11 février 2005 à Paris (France) afin de convenir de hausses de prix et d’autres conditions commerciales relatives à la vente de produits en verre plat dans plusieurs pays de la Communauté européenne et d’échanger des informations commerciales sensibles (considérants 265 à 296 de la décision attaquée).

31      Les requérantes considèrent ne pas avoir participé à l’entente avant le 11 février 2005. Elles contestent ainsi que les réunions du 20 avril et du 2 décembre 2004 et l’appel téléphonique du 15 juin 2004 aient pu constituer des indices établissant leur participation à l’entente. Elles affirment que ces contacts pouvaient avoir constitué une « phase test » pour les trois autres membres de l’entente, avant d’essayer de les inviter à une véritable réunion de celle-ci. Les requérantes reconnaissent cependant avoir participé à la réunion du 11 février 2005.

32      Il convient, tout d’abord, de rappeler que, conformément aux dispositions de l’article 2 du règlement no 1/2003 et à la jurisprudence, la charge de la preuve d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE incombe à l’autorité qui l’allègue, celle-ci étant tenue d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 86). En outre, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 265) et, conformément au principe de la présomption d’innocence, le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 177). Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise. Cependant, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, précité, points 179 et 180).

33      Ainsi que la Cour l’a déjà relevé, il est usuel que les activités relatives aux pratiques et aux accords anticoncurrentiels se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui s’y rapporte soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729).

34      Lorsque le raisonnement de la Commission est fondé sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction d’une concertation entre les entreprises, il suffit aux requérantes d’établir des circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication des faits à celle retenue par la Commission (arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 16, et arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 725).

35      Toutefois, la Commission souligne à juste titre que cette jurisprudence n’est pas applicable lorsque ses constatations se fondent sur des preuves documentaires (arrêts du Tribunal Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 34 supra, points 725 à 727 ; JFE Engineering e.a./Commission, point 32 supra, points 186 et 187, et du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 72).

36      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes selon lesquels elles n’auraient pas participé à l’entente avant le 11 février 2005.

–       Sur la réunion du 20 avril 2004

37      Les requérantes mettent tout d’abord en cause l’objet anticoncurrentiel de la réunion du 20 avril 2004 et la valeur probante des notes de M. B., le salarié de Pilkington ayant participé à ladite réunion. D’une part, elles soutiennent ainsi que la réunion du 20 avril 2004 entre M. F., salarié de Guardian Europe, et M. B. n’avait pas un objet anticoncurrentiel, contrairement aux réunions secrètes tenues par les trois autres membres de l’entente les 9 janvier, 2 mars et 15 juin 2004 et le 11 février 2005. Elles indiquent que cette réunion a eu lieu dans un restaurant public, qu’elle avait pour objet des sujets d’intérêt commun et que M. F. a demandé le remboursement de la facture correspondant au dîner. D’autre part, en ce qui concerne les notes de M. B. relatives à ce dîner et sur lesquelles s’appuie la Commission dans la décision attaquée, elles affirment qu’elles ne sont pas contemporaines de ce dîner et ne constituent pas un procès-verbal de celui-ci, car elles comprennent des réflexions personnelles. Par ailleurs, leur contenu devrait être interprété avec prudence, car elles auraient été rédigées en anglais par une personne non anglophone et peu expérimentée, laquelle aurait pu commettre des erreurs en reprenant les propos tenus lors du dîner.

38      Il convient d’examiner, en premier lieu, les notes de M. B. relatives à la réunion du 20 avril 2004 et, en second lieu, l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion.

39      En ce qui concerne les notes de M. B., les requérantes contestent, premièrement, qu’elles soient contemporaines de cette réunion, dans la mesure où M. F. ne se rappelle pas avoir vu M. B. prendre des notes lors du dîner. À cet égard, il y a lieu de relever que le titre, « Minutes de la réunion », et la date, « 20/04/2004 », desdites notes constitue un indice de nature à confirmer l’appréciation de la Commission selon laquelle celles-ci constituent un compte rendu des discussions ayant eu lieu entre M. F. et M. B. le 20 avril 2004 et sont contemporaines de ladite réunion (considérant 157 de la décision attaquée). Le niveau de détail et le libellé de ces notes confirment également cette appréciation et contredisent l’hypothèse avancée par les requérantes selon laquelle elles auraient été rédigées par M. B. après ladite réunion et en y ajoutant des réflexions personnelles. En effet, il paraît peu probable que M. B ait été en mesure de se remémorer les informations échangées au cours du dîner avec un tel degré de précision. Dès lors, au regard de ces éléments, l’affirmation des requérantes selon laquelle M. F. ne se rappelle pas avoir vu M. B. prendre des notes lors du dîner, à la supposer fondée, ne saurait suffire, à elle seule, à remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle ces notes sont contemporaines de la réunion du 20 avril 2004.

40      Les requérantes contestent, deuxièmement, la valeur probante desdites notes en affirmant qu’elles contiennent des réflexions personnelles de M. B. et qu’elles ont été écrites par une personne non anglophone et peu expérimentée. Les requérantes n’ont cependant fourni aucun élément de preuve au soutien de ces affirmations. Elles reconnaissent d’ailleurs elles-mêmes que ces notes sont nettes et ordonnées, ce qui constitue les caractéristiques d’un compte rendu de réunion. Par ailleurs, contrairement à ce que prétendent les requérantes, ces notes, désignées par M. B. comme les « minutes de la réunion », ne contiennent pas de réflexions personnelles de M. B., mais indiquent l’existence d’un échange d’informations entre M. B. et M. F. En effet, les informations fournies par M. B. figurent dans une première partie, intitulée, par exemple, pour le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Allemagne, « Augmentation de prix convenue », tandis que celles fournies par M. F. sont placées à la suite et figurent, dans les cas du Royaume-Uni, de l’Irlande et de l’Allemagne, sous la rubrique « Informations ». Les notes contiennent également les actions à entreprendre à la suite de cet échange d’informations, par exemple, pour l’Allemagne, « Guardian doit confirmer le prix du verre pour S. », et, pour l’Italie, « Nous devons évaluer les jours de stock chez les agents ». Il y a dès lors lieu de considérer les arguments des requérantes comme étant de simples conjectures qui ne suffisent pas à mettre en cause la valeur probante desdites notes.

41      Il ressort, par ailleurs, des notes de M. B. que des informations sensibles ont été échangées lors de cette réunion. Ainsi, M. B. a informé M. F. des prochaines hausses de prix au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne convenues par les trois autres membres de l’entente, et M. F., en contrepartie, a fourni des informations concernant la position des requérantes sur lesdits marchés (considérants 159 à 167 de la décision attaquée).

42      Il ressort également de ces notes que M. B. a informé M. F. des discussions intervenues entre les trois autres membres de l’entente sur les prix et les hausses de prix éventuelles sur le marché italien, sur lequel une hausse des prix n’était pas encore prévue, et que M. F. a indiqué que, dans l’éventualité d’une hausse des prix sur le marché italien, il était d’accord, soit pour suspendre ses ventes sur ledit marché pendant une période de deux mois, de façon à permettre aux trois autres membres de l’entente de procéder effectivement à la hausse en question, soit pour relever ses prix en même temps que ces derniers trois mois plus tard, permettant ainsi au centre de production qui fournissait le marché italien d’appliquer ladite augmentation.

43      Néanmoins, les requérantes allèguent que les informations fournies par M. F. lors de cette réunion n’étaient pas sensibles, car elles étaient soit connues de Pilkington, soit intentionnellement erronées. Le caractère sensible des informations fournies par M. F. à M. B. ressort cependant de leur contenu même. Ces informations concernaient en effet la stratégie commerciale des requérantes, qui ne devait normalement pas être connue des concurrents. Tel est, notamment, le cas des informations relatives au fonctionnement de l’usine de Goole (Royaume-Uni), du nombre de ses clients au Royaume-Uni et en Irlande, ou de son intérêt pour les petits clients attirés par le service « 48 heures ». Il en va de même des informations relatives aux prix appliqués à certains clients, de ses impressions relatives à l’intérêt d’adapter l’augmentation de prix en Allemagne à la taille des clients, ou encore du comportement à adopter dans l’éventualité d’une hausse des prix en Italie. Par ailleurs, le fait que M. B. ait consigné ces informations dans ses notes contredit l’affirmation des requérantes selon laquelle celles-ci étaient connues des concurrents.

44      Enfin, la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle certaines des informations transmises par M. F. auraient comporté des imprécisions, telles que le fait que le nombre de comptes de clients était de 130, et non de 150, ou que l’usine de Goole travaillait à « basse capacité » et non à « la plus basse capacité possible », demeure sans influence sur l’appréciation de leur valeur significative. En outre, contrairement à ce que M. F. semble faire valoir dans sa déclaration sur l’honneur en date du 10 mai 2007, la référence au « marché de 135 000 tonnes » pour le Royaume-Uni ne constitue pas une information erronée, mais l’une des conditions fixées par les membres de l’entente pour mener une augmentation de prix, à savoir l’estimation du volume de verre plat que les requérantes devraient vendre au Royaume-Uni en 2004 (considérant 161 de la décision attaquée).

45      Il résulte de ce qui précède que la Commission a pu considérer à bon droit qu’un échange d’informations sensibles avait eu lieu lors de cette réunion entre M. F. et M. B. concernant le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Allemagne ainsi que la stratégie des requérantes en cas de hausse des prix en Italie. Ainsi que le soutient la Commission, cet échange d’informations constitue, tout au moins, une pratique concertée. Il y a en effet lieu de rappeler que constitue une pratique concertée interdite par l’article 81, paragraphe 1, CE toute prise de contact directe ou indirecte entre opérateurs économiques de nature à dévoiler à un concurrent le comportement que l’opérateur économique concerné est décidé à, ou qu’il envisage de, tenir lui-même sur le marché, lorsqu’une telle prise de contact a pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 32 supra, point 117, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287 point 160 ; arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, dit « Ciments », T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 1852). Cette forme de coordination entre entreprises substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 179, et du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, point 67). Pour établir une pratique concertée, il n’est donc pas nécessaire de démontrer que le concurrent en question s’est formellement engagé, à l’égard d’un ou de plusieurs autres, à adopter tel ou tel comportement ou que les concurrents ont fixé en commun leur comportement futur sur le marché. Il suffit que, à travers sa déclaration d’intention, le concurrent ait éliminé ou, à tout le moins, substantiellement réduit l’incertitude quant au comportement à attendre de sa part sur le marché (arrêts Ciments, précité, point 1852 ; BPB/Commission, précité, point 182, et Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, précité, point 67).

46      Dès lors, les arguments tendant à contester l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion doivent être rejetés comme non fondés. En effet, eu égard aux questions traitées lors de la réunion du 20 avril 2004, exposées aux points 41 et 42 ci-dessus, le fait que celle-ci se soit tenue lors d’un dîner, dans un restaurant ouvert au public, et que M. F. ait sollicité le remboursement de la facture correspondant au dîner ne saurait suffire, ainsi que la Commission l’a fait valoir, à remettre en cause la nature anticoncurrentielle de ladite réunion.

47      Les requérantes considèrent, en outre, que la Commission n’est pas parvenue à établir qu’elles avaient rejoint l’entente au cours de la réunion du 20 avril 2004. Elle n’aurait ainsi pas démontré, comme l’exigerait pourtant la jurisprudence, que M. B. aurait communiqué à M. F. des détails concernant les réunions passées entre les trois autres membres de l’entente, ni que M. F. aurait manifesté son intention de contribuer, par sa propre conduite, en quoi que ce soit à l’entente. D’ailleurs, M. B. n’aurait pas invité M. F. à participer à la réunion suivante de l’entente en juin 2004, mais uniquement à celle du mois de février 2005. La Commission n’aurait pas non plus démontré que M. B. aurait proposé de servir de contact à l’égard de certains concurrents non membres du groupement européen des producteurs de verre plat (ci-après le « GEPVP »), association créée en 1978, destinée à représenter les producteurs de verre plat en Europe et composée des trois autres membres de l’entente et, à compter du 1er juillet 2004, des requérantes. En effet, les affirmations de Glaverbel à cet égard ne seraient pas corroborées par des preuves écrites. Enfin, la Commission ne pourrait fonder sa conclusion selon laquelle le dîner du 20 avril 2004 avait une nature anticoncurrentielle sur la participation de M. F. aux réunions ultérieures de décembre 2004 et de février 2005 ou à des réunions du GEPVP.

48      Selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit d’accords et de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel, la Commission doit, afin d’établir la participation d’une entreprise à ceux-ci, prouver que l’entreprise en question a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en oeuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 32 supra, point 87).

49      En l’espèce, il ressort des notes de M. B. relatives à la réunion du 20 avril 2004, d’une part, que, au vu des informations communiquées à M. F. lors de la réunion, les requérantes ont eu connaissance des comportements anticoncurrentiels envisagés par les trois autres membres de l’entente et, d’autre part, que, au vu des informations communiquées en contrepartie à M. B., elles ont entendu contribuer, en leur nom et par leur propre comportement, aux objectifs communs de l’entente. En effet, alors même que les requérantes étaient, comme elles le soutiennent elles-mêmes, un concurrent agressif sur le marché, les informations fournies par M. F. dans le cadre de cette réunion ont permis aux trois autres membres de l’entente de connaître leur position sur les marchés du Royaume-Uni, de l’Irlande et de l’Allemagne, sur lesquels ils envisageaient d’appliquer les accords relatifs aux hausses de prix convenues lors des réunions précédentes, ainsi que d’étendre lesdites hausses de prix au marché italien avec l’assurance de la coopération des requérantes. Dans ces circonstances, le fait que les notes de M. B. ne mentionnent pas qu’il ait communiqué à M. F. des informations relatives aux accords de hausse de prix concernant le Benelux ou aux prévisions de hausses de prix dans d’autres pays, notamment en France et en Pologne, adoptés lors de la réunion du 2 mars 2004, est sans pertinence pour établir la participation des requérantes à l’entente.

50      Dès lors, contrairement à ce que prétendent les requérantes, et conformément à la jurisprudence citée aux points 45 et 48 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission a établi leur participation à l’entente à partir de la réunion du 20 avril 2004.

51      L’argument des requérantes selon lequel il ne ressort pas des notes prises par M. B. qu’il avait informé M. F. de l’existence et du contenu des réunions de l’entente, et notamment de la plus récente, en date du 2 mars 2004, ne saurait avoir une influence sur la question de savoir si les requérantes ont rejoint l’entente lors de la réunion du 20 avril 2004. En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 41 ci-dessus, il ressort notamment des notes de M. B. que ce dernier a communiqué à M. F. l’existence d’accords sur les prix concernant le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Allemagne ainsi que les délais de leur mise en œuvre, « deux semaines plus tard » pour le Royaume-Uni et l’Irlande et les « 1er mai – 15 mai – 1er juin gros clients », pour l’Allemagne. Il ressort ainsi de la décision attaquée que Pilkington a annoncé une augmentation des prix au Royaume-Uni et en Irlande le 29 avril 2004, annonce qui a été suivie par des annonces de Saint-Gobain et de Glaverbel, respectivement les 11 et 18 mai 2004 (considérant 159 de la décision attaquée, note en bas de page no 193). Concernant l’Allemagne, la première annonce d’augmentation des prix a été faite par Saint-Gobain le 25 mai 2004, qui a été suivie par les annonces de Pilkington et de Glaverbel au début du mois de juin 2004 (considérant 163 de la décision attaquée, note en bas de page no 201). Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, celles-ci avaient une connaissance assez précise des comportements envisagés par les trois autres membres de l’entente afin de poursuivre leurs objectifs anticoncurrentiels. Malgré ces circonstances, M. F. n’a pas hésité à fournir des informations qui contribuaient aux objectifs de l’entente, comme celle relative à une éventuelle augmentation de prix en Italie.

52      S’agissant de l’argument des requérantes, selon lequel il ne ressort pas des notes prises par M. B. qu’il aurait invité M. F. à assister à la prochaine réunion de l’entente, il y a lieu de le rejeter comme dépourvu de pertinence. La Commission a en effet établi par d’autres éléments de preuve la participation directe ou indirecte des requérantes à toutes les réunions ultérieures de l’entente à partir de cette date (voir points 63 et 69 à 71 ci-après). Ainsi, lors de la réunion du 15 juin 2004 entre les trois autres membres de l’entente, M. B. a téléphoné à M. F., qui était en vacances, afin de confirmer une information que ce dernier lui avait communiquée lors de la réunion du 20 avril 2004 concernant l’Italie (considérant 196 de la décision attaquée). S’agissant de la réunion du 2 décembre 2004, celle-ci a été organisée par M. F. lui-même et s’est tenue au Luxembourg, la veille de la réunion du GEPVP, à laquelle n’assistaient que quatre représentants des membres de l’entente (considérants 199, 201 à 204 de la décision attaquée). Enfin, ainsi qu’elles le reconnaissent, les requérantes ont participé à la réunion du 11 février 2005, à laquelle elles avaient été conviées par M. B.

53      S’agissant des arguments des requérantes selon lesquels il ne ressort des notes prises par M. B. ni quelle a été la réaction de M. F. aux propositions de M. B. ni qu’il ait promis de contribuer à la poursuite des discussions, il y a également lieu de les rejeter comme dépourvus de pertinence. En effet, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, au vu de l’échange d’informations qui a eu lieu entre M. B. et M. F. lors de la réunion du 20 avril 2004, les requérantes ont eu connaissance des comportements anticoncurrentiels envisagés par les trois autres membres de l’entente et ont entendu contribuer, par leur propre comportement, aux objectifs communs de l’entente, ce qui, selon la jurisprudence rappelée au point 48 ci-dessus, suffit pour établir la participation des requérantes à l’entente.

54      En ce qui concerne le rôle d’intermédiaire de M. B., celui-ci ressort du compte rendu de la réunion du 20 avril 2004 et est confirmé par les déclarations de Glaverbel des 8 mars et 23 décembre 2005, la première déclaration étant antérieure à la découverte par la Commission des notes de M. B. (considérants 80 et 160 de la décision attaquée). Le fait que les déclarations de Glaverbel aient été faites dans le cadre d’une demande de clémence ne saurait empêcher la Commission d’en faire usage (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 32 supra, point 192). Même si, ainsi que le soutiennent les requérantes, ces déclarations ne vont pas directement à l’encontre des intérêts de Glaverbel, cette dernière n’aurait aucun intérêt à fournir à la Commission des informations erronées concernant les autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur dans le cadre d’une demande de clémence peut remettre en cause la sincérité ainsi que l’étendue de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la clémence (arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70). Dès lors, les arguments des requérantes concernant la valeur probante des déclarations de Glaverbel à l’égard du rôle d’intermédiaire joué par M. B. doivent être écartés.

55      En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel le fait que la Commission invoque leur participation à des réunions ultérieures de l’entente en décembre 2004 et en février 2005 ou du GEPVP pour établir le caractère anticoncurrentiel de la réunion du 20 avril 2004 serait contraire à la présomption d’innocence, il convient d’indiquer que la jurisprudence n’empêche pas la Commission de se prévaloir de circonstances factuelles postérieures à un comportement anticoncurrentiel pour confirmer le contenu d’un élément objectif de preuve, tel que les notes prises par M. B. lors de ladite réunion. En revanche la jurisprudence invoquée par les requérantes empêche d’utiliser des éléments de preuve concernant une période antérieure, pendant laquelle le comportement en question était légal, pour établir le caractère anticoncurrentiel d’un comportement postérieur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T‑30/91, Rec. p. II‑1775, point 73, et ICI/Commission, T‑36/91, Rec. p. II‑1847, point 83). Dès lors, il convient de rejeter cet argument comme dépourvu de tout fondement.

56      Enfin, les requérantes contestent l’affirmation de la Commission selon laquelle M. B. aurait rencontré M. F. aux fins de l’informer des accords tripartites sur les hausses de prix au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne ou de déterminer leur attitude dans l’éventualité d’une hausse des prix en Italie, ainsi que l’existence même d’accords sur les prix concernant l’Allemagne. En outre, elles précisent que, conformément à la jurisprudence, le simple fait d’être informé de l’existence de réunions d’une entente n’équivaut pas à une infraction.

57      Ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 45 ci-dessus, en l’espèce, M. F. a participé à un échange d’informations sensibles avec M. B. concernant le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Allemagne et l’Italie lors de la réunion du 20 avril 2004. Loin de se distancier des comportements anticoncurrentiels dont il avait été informé, M. F. a fourni des informations concernant la stratégie commerciale des requérantes au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne et a indiqué le comportement qu’elles adopteraient dans l’éventualité d’une hausse des prix en Italie (voir points 41 à 44 ci-dessus), réduisant donc substantiellement l’incertitude quant au comportement à attendre de leur part sur le marché (voir point 45 ci-dessus). Dès lors, les arguments des requérantes selon lesquels il ne ressort pas des notes de M. B. que M. F. a pris des engagements au sujet de leur future politique des prix au Royaume-Uni ou qu’il a exprimé un quelconque soutien à une augmentation de prix sont dépourvus de pertinence. En outre, contrairement à ce que les requérantes font valoir, le fait d’être informé de l’existence de réunions d’une entente peut être constitutif d’une infraction si, en échange, des informations sont fournies en vue de contribuer aux objectifs communs de l’entente (voir points 48 et 49 ci-dessus). Enfin, les faits postérieurs montrent que, à la suite de cette réunion, les requérantes ont suivi le comportement des trois autres membres de l’entente. En effet, il ressort d’un document interne des requérantes, saisi lors des inspections, que, à la suite d’une hausse de prix des trois autres membres de l’entente au Royaume-Uni et en Irlande, celles-ci ont également procédé à une hausse des prix (considérant 159 de la décision attaquée).

58      En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas établi l’existence d’un accord lors de la réunion de l’entente du 2 mars 2004 concernant l’augmentation des prix pour l’Allemagne, il y a lieu de l’écarter comme dépourvu de toute pertinence. En effet, il ressort des notes de M. B. que celui-ci a informé M. F. de l’existence et du contenu dudit accord, la date de son adoption par les trois autres membres de l’entente n’étant pas pertinente, et que M. F. a donc pris connaissance de son existence. Par ailleurs, en échange, M. F. a fourni à M. B. des informations relatives au système de double prix appliqué à S., un client commun aux requérantes et à Pilkington, et devait l’informer du prix de vente effectivement appliqué à ce client. M. F. a même proposé une fourchette d’augmentation de prix. Par ailleurs, des faits postérieurs confirment l’existence dudit accord. En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 51 ci-dessus, cet accord a été exécuté par les trois autres membres de l’entente à des dates proches de celles annoncées par M. B. à M. F. lors de la réunion du 20 avril 2004 et indiquées dans ses notes, le 25 mai 2004 par Saint-Gobain, le 4 juin 2004 par Pilkington et le 7 juin 2004 par Glaverbel, alors que les dates prévues étaient, respectivement, les 1er, 15 mai et 1er juin 2004. Contrairement à ce que les requérantes soutiennent, cet écart est peu significatif et ne saurait remettre en cause l’existence dudit accord ou l’échange d’informations qui a eu lieu entre M. F. et M. B. à cet égard lors de la réunion du 20 avril 2004.

59      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a conclu, aux considérants 171 et 188 de la décision attaquée, d’une part, que M. B. a rencontré M. F. le 20 avril 2004 afin de l’informer de l’existence d’accords entre les trois autres membres de l’entente concernant l’augmentation des prix pour le Royaume‑Uni, l’Irlande et l’Allemagne et, d’autre part, que, en contrepartie, M. F. lui a communiqué des informations sensibles concernant la stratégie commerciale des requérantes sur ces marchés. Par ailleurs, dans le cas de l’Italie, M. F. a révélé que, dans le cas où une augmentation des prix aurait lieu, les requérantes ne s’y opposeraient pas. Dès lors, c’est à juste titre que la Commission a conclu que la réunion du 20 avril 2004 était de nature anticoncurrentielle et que les requérantes auraient rejoint l’entente à partir de cette réunion (considérant 330 de la décision attaquée).

–       Sur l’entretien téléphonique du 15 juin 2004

60      La Commission a estimé que les requérantes avaient continué à participer aux pratiques collusoires en recevant, le 15 juin 2004, un appel de Pilkington les informant de l’accord conclu au sujet du marché italien, qu’elles auraient approuvé (considérants 189 à 196 de la décision attaquée).

61      Les requérantes font valoir que la Commission n’a apporté aucune preuve du contenu de l’entretien téléphonique entre M. B. et M. F. ayant eu lieu au cours de la réunion du 15 juin 2004 et que celle-ci s’est uniquement fondée sur les déclarations de Glaverbel effectuées dans le cadre de sa demande de clémence pour affirmer que, au cours de cet entretien, M. F. aurait indiqué qu’il ne s’opposerait pas à l’accord sur les prix concernant l’Italie. En réalité, M. F. se serait limité à affirmer que, n’étant pas un acteur significatif sur le marché italien, les requérantes n’étaient pas en mesure d’influer sur les prix dudit marché, réitérant ainsi les affirmations faites lors du dîner du 20 avril 2004. Par ailleurs, les requérantes considèrent qu’un entretien téléphonique de courte durée ne saurait être équivalent à une participation à la réunion de l’entente, qui, selon Glaverbel, a duré cinq heures.

62      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus, le fait que les déclarations de Glaverbel ont été effectuées dans le cadre d’une demande de clémence n’affaiblit pas en soi leur valeur probante.

63      Les requérantes reconnaissent que M. B. a téléphoné à M. F. et qu’ils ont parlé de l’Italie. Glaverbel, quant à elle, a précisé que M. B. avait informé M. F. des accords sur les prix adoptés lors de la réunion et qu’il était clair pour tous les participants à ladite réunion que, au vu des propos de M. F., les requérantes n’avaient pas l’intention de s’opposer auxdits accords (considérant 189 de la décision attaquée). Ainsi que l’a fait valoir la Commission, ces déclarations sont compatibles avec celles de M. F., selon lesquelles il aurait répété à M. B. ce qu’il lui avait dit lors de la réunion du 20 avril 2004, à savoir qu’il n’était pas un acteur significatif sur le marché italien, que cette situation ne changerait pas dans un proche avenir et qu’il n’était pas en mesure d’exercer une influence sur ce marché. Dès lors, M. F. a ainsi confirmé à M. B. que les requérantes ne perturberaient pas les accords concernant la hausse de prix sur le marché italien. Par ailleurs, la déclaration de Saint-Gobain, non contestée par les requérantes, confirme l’existence d’un lien entre elles et les accords adoptés lors de la réunion du 15 juin 2004, dans la mesure où Saint-Gobain a considéré que M. F. avait participé à ladite réunion (considérants 190 et 196 de la décision attaquée).

64      La Commission n’a certes pas produit de preuve écrite relative à la réunion ou la conversation téléphonique du 15 juin 2004. Néanmoins, conformément à la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus, dans les cas où les éléments de preuve sont fragmentaires ou éparses, la Commission peut reconstituer certains détails par des déductions, ce qu’elle a fait en l’espèce dans la décision attaquée (considérant 196 de la décision attaquée). De plus, les requérantes ne sont pas parvenues à fournir une autre explication cohérente au motif de cet appel, ni à la teneur de la conversation téléphonique entre M. B. et M. F. à propos de l’Italie, dont elles ne contestent pas l’existence. Enfin, eu égard au contenu de la réunion du 20 avril 2004, qui portait notamment sur l’Italie, et aux circonstances dans lesquelles a eu lieu cette conversation téléphonique, le fait que sa durée ait été courte est dépourvu de pertinence pour exclure le caractère anticoncurrentiel de celle-ci.

65      Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a considéré, d’une part, que M. B. avait téléphoné à M. F. le 15 juin 2004 pour l’informer des accords adoptés lors de la réunion qui avait eu lieu ce même jour entre les représentants des trois autres membres de l’entente et que M. F. lui avait communiqué sa position à cet égard et, d’autre part, que la ladite communication était donc de nature anticoncurrentielle.

–       Sur la réunion du 2 décembre 2004

66      La Commission a enfin considéré que les requérantes avaient participé avec les trois autres membres de l’entente à une réunion à Luxembourg le 2 décembre 2004, au cours de laquelle auraient été arrêtées des décisions relatives à des hausses de prix, des prix minima et d’autres conditions commerciales concernant la vente de produits en verre plat dans plusieurs pays d’Europe, en se fondant notamment sur des notes manuscrites saisies dans les locaux de Pilkington lors des vérifications surprises ainsi que sur des extraits d’agendas (considérants 197 à 264 de la décision attaquée).

67      Les requérantes contestent que cette réunion puisse être considérée comme ayant eu un objet anticoncurrentiel. En premier lieu, elles affirment ainsi qu’il s’agissait d’un dîner qui avait été annoncé à un grand nombre de personnes, qui s’est tenu dans un restaurant ouvert au public, et que M. F. a demandé le remboursement de la facture correspondant à ce dîner. En deuxième lieu, elles considèrent que la Commission n’a pas établi que cette réunion avait donné lieu à des accords sur de futures hausses de prix entre les membres de l’entente qui exigeaient leur participation. Elles affirment ainsi que les propos tenus par M. F. lors de ce dîner ne sauraient être considérés comme l’expression de leur accord pour rejoindre l’entente au niveau de l’EEE et que les conclusions de la Commission relatives à ces notes seraient en contradiction avec les déclarations de Glaverbel. En effet, selon cette dernière, il n’aurait pas été question de hausses de prix lors du dîner, les requérantes n’auraient jamais pris part à une réunion multipartite de l’entente avant le 11 février 2005 et les discussions ayant eu lieu pendant le dîner se seraient limitées à un échange d’informations. En troisième lieu, les requérantes affirment que le « schéma de hausse de prix » mentionné dans les notes de M. B. et les commentaires s’y rapportant sont l’expression soit des idées propres de M. B. soit, plus probablement, d’une discussion bilatérale entre M. B. et M. H., salarié de Saint-Gobain, qui auraient été présentées et, en partie, acceptées lors de la réunion de février 2005.

68      Il convient, tout d’abord, de préciser que les notes de M. B. sont de deux types. Les premières ont été prises sur des papiers à l’entête de l’hôtel N. et de Pilkington et ont pour titre « réunion GEPVP à Luxembourg » et les secondes ont été prises sur un papier à l’entête de Pilkington et sont intitulées « Minutes 2/12/04 ». Il ressort des déclarations de Pilkington, non contestées par les requérantes, que les premières notes ont été rédigées par M. B. le 3 décembre 2004 pour son usage personnel et constituent des réflexions sur la réunion du 2 décembre 2004, tandis que les secondes ont été prises pendant la réunion du 2 décembre 2004.

69      Il ressort de l’intitulé de ces secondes notes, « Minutes », de leur date, « 2/12/2004 », et de leur contenu qu’elles constituent un compte rendu de la réunion ayant eu lieu à cette date. Elles reflètent en effet les discussions entre les participants concernant le prix du verre plat dans différents pays de l’EEE, les informations fournies par M. F. et, sous la rubrique « Accords généraux », les accords adoptés. Cette appréciation est confirmée par les premières déclarations de Pilkington, selon lesquelles ces pages se composent de notes contemporaines d’une réunion qui s’est tenue à Luxembourg à cette date.

70      Ces notes permettent également d’établir que les questions abordées lors de cette réunion et, donc, la réunion elle-même avaient une nature manifestement anticoncurrentielle. En effet, elles mettent en évidence que les membres de l’entente se sont mis d’accord pour augmenter les prix dans différents pays de l’EEE et que M. F. a fourni certaines informations sensibles. Glaverbel a également confirmé la nature anticoncurrentielle de ladite réunion dans sa déclaration du 8 mars 2005, selon laquelle « lors de ce dîner, en plus des discussions habituelles sur le prix, la situation du client S. a également fait l’objet de longues discussions ».

71      Dès lors, il convient de constater que les notes de M. B. et les déclarations concordantes de Pilkington et de Glaverbel concernant les discussions qui ont eu lieu lors du dîner permettent, d’une part, d’établir la nature anticoncurrentielle de la réunion du 2 décembre 2004 et, d’autre part, de neutraliser les déclarations initiales de Glaverbel, invoquées par les requérantes, selon lesquelles il n’aurait pas été question de hausses de prix lors de ce dîner. Comme il a été indiqué au point 45 ci-dessus, eu égard à ces circonstances, les arguments des requérantes selon lesquels la réunion se serait tenue lors d’un dîner et M. F. aurait demandé le remboursement de la facture de ce dîner ne sauraient suffire à remettre en cause la nature anticoncurrentielle de ladite réunion.

72      Les requérantes contestent que des accords de prix aient été adoptés lors de la réunion et affirment, comme l’aurait d’ailleurs indiqué Pilkington dans sa réponse à la communication des griefs, qu’il s’agissait d’un échange d’informations et non d’un accord. Il ressort cependant des notes de M. B. que, hormis cet échange d’informations, les membres de l’entente ont également adopté des accords sur les prix au cours de cette réunion. Ainsi, pour l’Italie, des prix minimaux ont été fixés ; pour le Royaume-Uni, un prix cible ainsi que le calendrier et la procédure d’une hausse de prix ont été fixés ; pour les États baltes, une hausse de prix, menée par les requérantes, a été décidée ; pour la Pologne, une hausse de prix au mois de mars 2005, menée par les requérantes, a été décidée ; pour la France, une augmentation de 10 %, annoncée par les requérantes, a été décidée ; pour le Benelux, une hausse de prix au mois de mars 2005 a été décidée ; enfin, pour l’Allemagne, une hausse de prix, menée par Pilkington, a été convenue. En outre, la dernière page des notes de M. B., intitulée « Accords généraux », résume en partie les accords sur les prix conclus et mentionnés dans ces notes et porte en partie sur d’autres accords.

73      Par ailleurs, le fait que, comme l’affirment les requérantes, il ne ressort pas des notes prises par M. B. que M. F. ait fourni des indications desquelles pourrait être déduite la participation des requérantes aux accords conclus lors du dîner est dépourvu de pertinence. Selon une jurisprudence constante, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 32 supra, point 96, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 33 supra, point 81). Ainsi que la Cour l’a indiqué au point 82 de l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 33 supra, la raison qui sous-tend ce principe est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait.

74      Cette jurisprudence relative à l’approbation tacite repose sur la prémisse selon laquelle l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus ou au caractère manifestement anticoncurrentiel (voir arrêt Coats Holdings et Coats/Commission, point 35 supra, point 91, et la jurisprudence citée), ce qui, comme il a déjà été indiqué au point 71 ci-dessus, est le cas en l’espèce.

75      En l’espèce, les requérantes n’ont fourni aucun élément de preuve permettant d’établir que, même si M. F. avait participé à la réunion en leur nom, il s’était distancié des accords adoptés. Dès lors, conformément à la jurisprudence invoquée aux points précédents, la seule participation de M. F. à la réunion en tant que représentant des requérantes suffit pour considérer qu’il a exprimé, au nom de celles-ci, une acceptation tacite eu égard aux accords adoptés lors de cette réunion.

76      Par conséquent, contrairement à ce que les requérantes prétendent, il ressort des notes prises par M. B. lors de la réunion du 2 décembre 2004 que les membres de l’entente n’ont pas seulement échangé des informations sensibles lors de cette réunion, mais qu’ils ont également adopté des accords concernant l’augmentation des prix des différentes classes de verre plat pour différents pays de l’EEE et que M. F., au nom des requérantes, a manifesté son acceptation tacite à l’égard de ces accords.

77      Les requérantes soutiennent cependant que le « schéma de hausse de prix » mentionné dans les notes de M. B. n’indique pas la conclusion d’un accord global concernant les futures hausses de prix. Il convient d’indiquer que le « schéma de hausse de prix » figure dans les notes de M. B. rédigées après le dîner, sur le papier à en-tête de l’hôtel N. Comme il a été indiqué au point 68 ci-dessus, ces notes ont été rédigées pour son usage personnel. Dans ce contexte, le « schéma de hausse de prix » ne constitue que la rubrique sous laquelle figure un tableau résumant les différents accords sur les prix pour l’année à venir évoqués au point 72 ci-dessus, et les commentaires s’y rapportant ne peuvent être considérés comme l’interprétation faite par M. B. du rôle que pouvait jouer les requérantes dans l’entente, ni comme le résumé d’une discussion bilatérale entre M. B. et M. H. après le dîner. Dès lors, cet argument relatif au « schéma de hausse de prix » ne saurait suffire à remettre en cause le fait que des accords d’augmentation des prix ont été adoptés lors de ladite réunion.

78      Les requérantes affirment également que les phrases énonçant que « les observations générales concernant le comportement de Guardian ont été soutenues par les autres » et que « [l]es prix sur tous les marchés sont menacés », qui précèdent le « schéma de hausse de prix », reprennent des commentaires de M. B., de M. H., salarié de Saint-Gobain, et/ou de M. D., salarié de Glaverbel, mettant en évidence que celles-ci ne se sont pas écartées de leur stratégie agressive. Cette affirmation ne saurait infirmer la conclusion précédente. En effet, ces phrases, qui s’inscrivent dans le contexte d’un résumé effectué par M. B., à des fins personnelles, des questions traitées lors de la réunion de la veille (voir points 68 et 77 ci-dessus), ne reflètent pas une prise de distance des requérantes par rapport aux accords. D’une part, la phrase énonçant que « les prix sur tous les marchés sont menacés » est un constat de la situation existant au moment de la réunion du 2 décembre 2004 (voir, par exemple, le compte rendu de la réunion qui relève, en ce qui concerne le Royaume-Uni, que «les prix au RU sont considérés comme peu élevés », en ce qui concerne la France, que « [l]es prix sont quasiment les plus bas d’Europe actuellement », en ce qui concerne l’Allemagne, que « [l]es prix doivent être stabilisés immédiatement aux niveaux actuels », en ce qui concerne l’Espagne, que les prix sont « en chute libre depuis 2 mois », ainsi que, en ce qui concerne le premier des accords généraux adoptés, qu’est prévu le « [g]el des prix dans l’ensemble de l’Europe ces prochains mois »). D’autre part, il est mentionné que « les observations générales concernant le comportement de Guardian ont été soutenues par les autres », ce qui constitue une critique du comportement des requérantes avant ladite réunion, lequel, jusqu’à cette date, n’était pas celui attendu [voir, notamment, le compte rendu de la réunion qui relève, en ce qui concerne les États baltes, que, « [b]ien qu’il ait été convenu d’augmenter les prix (Gl + P l’ont fait) G ne l’a pas fait et, par ailleurs, les prix sont à présent au même niveau (Ø [= moyenne] 260) »].

79      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes (voir point 31 ci-dessus), les contacts qui ont eu lieu entre elles et les trois autres membres de l’entente ne font pas partie d’une « phase test », mais constituent une véritable participation à l’entente. En effet, il a été établi que les requérantes, représentées par M. F., ont adhéré à l’entente lors de la réunion du 20 avril 2004, qu’elles ont reçu un appel téléphonique le 15 juin 2004, qu’elles ont organisé un dîner le 2 décembre 2004 et que les discussions tenues lors de ces trois évènements avaient un objet anticoncurrentiel. Par ailleurs, les requérantes ont reconnu leur participation à la réunion du 11 février 2005, qui avait aussi un objet anticoncurrentiel. Étant donné que l’existence des réunions du 20 avril et du 2 décembre 2004 et la participation des requérantes à celles-ci a été établie par les notes prises par M. B. lors desdites réunions, dont la valeur probante n’a pas été efficacement contestée par les requérantes (voir points 39, 40, 69 et 70 ci-dessus), les explications fournies par celles-ci à cet égard ne sauraient remettre en cause leur participation à l’entente à compter du 20 avril 2004.

80      Dès lors, c’est à bon droit que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les requérantes avaient participé à l’entente à compter du 20 avril 2004.

81      Il y a donc lieu de rejeter la première branche du présent moyen.

 Sur la seconde branche, tirée de l’appréciation erronée de la dimension géographique des accords

82      La Commission a considéré que l’infraction s’était étendue à l’ensemble de l’EEE, dès lors que ses auteurs vendaient les produits en cause au moins dans l’EEE et que leur part cumulée des ventes y représentait au moins 80 %, qu’ils approvisionnaient leurs clients de l’EEE à partir de leurs installations de productions et entrepôts installés sur l’ensemble de ce territoire et que l’objet de l’entente était à l’échelle européenne. Elle a souligné à cet égard que, si les discussions différaient selon le pays de l’EEE en cause, celles-ci avaient toutes le même objet anticoncurrentiel (considérants 368 à 371 de la décision attaquée).

83      Les requérantes contestent cette conclusion de la Commission en affirmant, d’une part, que les pays évoqués lors des réunions des 20 avril, 15 juin et 2 décembre 2004 ne sauraient être pris en compte afin de déterminer l’étendue géographique de l’entente, car ces réunions n’avaient pas d’objet anticoncurrentiel et, d’autre part, que les accords sur les prix conclus lors de la réunion du 11 février 2005 ne concernaient que l’Allemagne, l’Espagne, l’Autriche, le Portugal et le Benelux et que ceux qui plafonnaient les réductions et les rabais ne concernaient que l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse.

84      Il convient cependant de rappeler qu’il ressort des points 59, 65 et 79 ci-dessus que les réunions des 20 avril et 2 décembre 2004 ainsi que l’appel téléphonique du 15 juin 2004 avaient un objet anticoncurrentiel. Dès lors, les pays évoqués lors de ces réunions et ceux concernés par la réunion du 11 février 2005 doivent être pris en compte afin d’établir la dimension géographique de l’entente.

85      Les requérantes soutiennent que les éléments de preuve avancés par la Commission aux fins d’établir leur participation à des accords couvrant l’ensemble de l’EEE sont insuffisants.

86      En l’espèce, la Commission a fondé son affirmation selon laquelle les accords de l’entente s’étendaient à l’EEE sur trois éléments. Il s’agit, en premier lieu, des comptes-rendus des différentes réunions de l’entente ainsi que des éléments relatifs à la conversation téléphonique du 15 juin 2004. Or, il ressort de ces documents que les différents accords concernaient de nombreux pays européens, à savoir la Belgique, l’Allemagne, l’Estonie, l’Irlande, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suisse. Il ressort plus particulièrement du compte rendu de la réunion du 2 décembre 2004 que les participants avaient décidé de geler les prix dans toute l’Europe (considérant 370 de la décision attaquée).

87      En deuxième lieu, la Commission a pris en compte l’organisation de la production et de la distribution du verre plat de chaque participant à l’entente. En effet, celles-ci étaient organisées sur l’ensemble de l’EEE, de sorte que la production d’une usine située dans un pays était distribuée dans plusieurs pays proches (considérants 55 et 369 de la décision attaquée). Cette circonstance a été confirmée par les requérantes elles-mêmes, M. F. ayant indiqué que chaque usine avait son marché, déterminé généralement dans un rayon de 300 à 400 kilomètres. L’organisation géographique du réseau d’usines de chaque membre de l’entente leur permettait donc de couvrir les demandes de verre plat sur l’ensemble de l’EEE.

88      En troisième lieu, la Commission a pris en compte l’origine des participants aux réunions de l’entente, lesquels étaient des représentants commerciaux au niveau européen des membres de l’entente ainsi que leurs représentants les plus importants au sein du comité « Marketing et Communication » (Marcomm) du GEPVP, ce qui n’a pas été contesté par les requérantes (considérants 369 et 370 de la décision attaquée).

89      La conclusion de la Commission concernant la dimension géographique de l’entente est confirmée par d’autres éléments. Il s’agit, premièrement, des déclarations de Glaverbel, selon lesquelles, d’une part, Saint-Gobain, Pilkington et elle-même participaient à des réunions bilatérales et multilatérales visant à limiter la concurrence sur le marché européen du verre plat, lequel, selon Saint-Gobain, se caractérisait par un recul constant des prix. D’autre part, les requérantes auraient été informées des accords existants adoptés par les trois autres membres de l’entente en mars 2004 et auraient participé aux réunions à partir de cette date (considérants 80 et 81 de la décision attaquée). Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les déclarations de Glaverbel à cet égard ne concernent pas uniquement une entente tripartite dont elles ne faisaient pas partie. Il s’agit, deuxièmement, d’une plainte adressée à la Commission par le GEPVP, dont les membres de l’entente font partie, et relative à un projet d’aide d’État, dans laquelle il est indiqué que « le marché du verre plat est un marché paneuropéen qui a une importante part de commerce interétatique » (considérant 54 de la décision attaquée). Il s’agit, troisièmement, du compte rendu et des notes rédigés par M. B. le lendemain de la réunion du 2 décembre 2004 et du compte rendu de la réunion du 11 février 2005, qui mettent en évidence que les participants à l’entente ont discuté de pays européens non mentionnés au point 86 ci-dessus, notamment la Bulgarie, Chypre, la Roumanie et les pays scandinaves.

90      Par ailleurs, les requérantes ne sauraient se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle ce sont les entreprises concernées qui déterminent la dimension géographique du marché, qui peut être soit plus vaste, soit plus restreinte que le marché géographique pertinent, dans la mesure où celle-ci est relative à la question de la nécessité de définir le marché géographiquement pertinent afin d’appliquer l’article 81 CE, question qui ne se pose pas en l’espèce. En effet, selon cette jurisprudence, l’obligation d’opérer une délimitation de marché dans une décision adoptée en application de l’article 81 CE s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêts du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 230 ; du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 132, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 99). En principe, si l’objet même d’un accord est de restreindre la concurrence, il n’est pas nécessaire de définir les marchés géographiques en cause de manière précise, dès lors que la concurrence actuelle ou potentielle sur les territoires concernés a nécessairement été restreinte, que ces territoires constituent des marchés au sens strict ou non (arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, précité, point 132 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Enso Española/Commission, T‑348/94, Rec. p. II‑1875, point 232, et du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, point 99). Afin de déterminer la portée géographique de l’infraction, dont il sera tenu compte afin d’évaluer la gravité de l’infraction, il suffit que la Commission apprécie le caractère plus ou moins étendu de la zone géographique du ou des marchés concernés, sans qu’elle soit tenue de définir précisément les marchés en cause (arrêt Scandinavian Airlines System/Commission, précité, point 99).

91      Eu égard à ce qui précède, il convient de relever que l’ensemble des indices présentés par la Commission, qui, soit ne sont pas contestés par les requérantes, soit sont confirmés par d’autres éléments de preuve, permet d’établir que la zone géographiquement concernée par l’entente s’étendait à tout le territoire de l’EEE. C’est donc à juste titre que la Commission a considéré que la portée de l’infraction s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE.

92      Il convient, dès lors, de rejeter la seconde branche du présent moyen et, partant, le présent moyen dans son ensemble.

93      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation de la requête doivent être rejetées.

 Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende

94      À l’appui de leurs conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende, les requérantes soulèvent trois moyens. Dans le cadre de leur premier moyen, elles demandent au Tribunal de réduire le montant de leur amende en conséquence de l’annulation partielle de la décision attaquée. Le deuxième moyen est tiré de la violation du principe de non-discrimination et de l’obligation de motivation concernant le calcul de l’amende et, le troisième, d’une erreur d’appréciation eu égard au rôle très limité et passif qu’elles auraient joué dans l’infraction et de la violation du principe de non-discrimination.

 Sur le moyen tiré de la nécessité de réduire le montant de l’amende en conséquence de l’annulation partielle de la décision attaquée

95      Les requérantes soutiennent que le montant de leur amende doit être réduit afin de refléter l’annulation partielle de la décision attaquée. Elles considèrent ainsi que l’amende doit être calculée sur la seule base des ventes de l’année 2004 en lien avec les pays de l’EEE pour lesquels l’infraction n’est pas contestée, dont le montant s’élève à 241,6 millions d’euros. Par ailleurs, elles estiment que l’amende doit tenir compte de la durée exceptionnellement brève de leur participation à l’entente, limitée à une seule réunion et, tout au plus, à douze jours.

96      Il résulte des points 79 et 91 ci-dessus que c’est à juste titre que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que, d’une part, les requérantes avaient participé à l’entente entre le 20 avril 2004 et le 22 février 2005 et, d’autre part, que l’infraction s’étendait à tout le territoire de l’EEE.

97      Il n’y a dès lors pas lieu de réduire le montant de l’amende eu égard à la durée ou à la dimension géographique de l’entente et il convient donc de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination et de l’obligation de motivation concernant le calcul de l’amende

98      Les requérantes considèrent que la Commission a violé, d’une part, le principe de non-discrimination en excluant du calcul des amendes des trois autres membres de l’entente la valeur des ventes captives, c’est-à-dire des ventes internes aux groupes, et, d’autre part, son obligation de motivation relative à ces calculs.

99      Les requérantes soulignent ainsi que, en l’absence de motivation relative au calcul de l’amende des trois autres membres de l’entente et compte tenu de la nature confidentielle des données utilisées, il leur est impossible de déterminer la nature et la valeur respectives des ventes captives exclues pour chaque participant à l’entente. Elles soutiennent qu’il appartient dès lors au Tribunal de compenser l’exclusion desdites ventes en réduisant le montant de l’amende qui leur a été infligée au prorata des exclusions du marché du verre plat. Cette solution serait compatible avec les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes »), dans la mesure où elle permettrait de refléter de manière appropriée le poids relatif de l’entreprise sur le marché pertinent et aurait déjà été adoptée par le Tribunal.

100    Les requérantes précisent que la Commission a exclu un milliard d’euros de ventes captives sur un volume total de marché de 2,7 milliards d’euros. Ce chiffre résulterait de la déduction du montant total des ventes de verre plat retenu dans la décision attaquée, à savoir 1,7 milliard d’euros (considérant 41 de la décision attaquée), du montant total retenu dans la communication des griefs, à savoir 2,7 milliards d’euros (considérant 41 de la décision attaquée), et représenterait 37 % du volume total d’un marché dont la valeur est de 2,7 milliards d’euros.

101    La Commission conteste les arguments des requérantes.

102    Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée.

103    Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 150).

104    En l’espèce, la Commission a considéré que les accords anticoncurrentiels portaient sur les ventes de verre plat à des clients indépendants (considérant 377 de la décision attaquée) et elle a donc utilisé ces ventes afin de calculer le montant de base des amendes (considérant 41, tableau no 1, et considérant 470 de la décision attaquée). La Commission a, dès lors, exclu du calcul de l’amende les ventes de verre plat destiné à être transformé par une division de l’entreprise ou par une société du même groupe. L’existence d’un comportement anticoncurrentiel n’ayant été établie que pour les ventes à des clients indépendants, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir exclu du calcul de l’amende les ventes internes des membres de l’entente verticalement intégrés. Il ne saurait, en outre, lui être fait grief de ne pas avoir motivé l’exclusion desdites ventes du calcul de l’amende.

105    Par ailleurs, comme l’a fait valoir la Commission, il n’a pas été établi que les membres de l’entente verticalement intégrés qui fournissaient les produits concernés aux divisions de la même entreprise ou à des sociétés faisant partie du même groupe d’entreprises aient tiré un profit indirect de l’augmentation de prix accordée ni que l’augmentation des prix sur le marché en amont se soit traduite par un avantage concurrentiel sur le marché en aval du verre plat transformé.

106    Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait méconnu le principe de non-discrimination en excluant les ventes internes du calcul de l’amende, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement ou de non discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 309, et la jurisprudence citée). En l’espèce, dans la mesure où la Commission a considéré que les arrangements anticoncurrentiels ne visaient que le prix du verre plat facturé aux clients indépendants, l’exclusion des ventes internes du calcul de l’amende dans le cas des membres de l’entente verticalement intégrés l’a uniquement conduite à traiter différemment des situations objectivement différentes. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir méconnu le principe de non-discrimination.

107    Par conséquent, il convient de rejeter le présent moyen dans son ensemble.

 Sur le moyen tiré d’une erreur d’appréciation eu égard au rôle très limité et passif joué par les requérantes dans l’infraction et de la violation du principe de non-discrimination

108    Les requérantes considèrent que la Commission n’a pas tenu compte du rôle passif et très limité qu’elles ont joué dans l’infraction par rapport à celui des trois autres membres de l’entente, qui y ont participé pendant plus de 20 ans. Leur participation se limiterait à une seule réunion, qui n’aurait pas eu de caractère secret, et les accords qui y ont été adoptés ne concerneraient que certains pays et n’auraient jamais été réalisés. De même, les notes de M. B. relatives à la réunion du 11 février 2005 ne permettraient pas d’établir que M. F. a consenti à participer ou à diriger une hausse de prix. Dans ces circonstances, la Commission aurait dû tenir compte du rôle passif joué dans l’entente par les requérantes afin de fixer l’amende.

109    Selon la jurisprudence, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d’examiner la gravité relative de la participation de chacune d’entre elles (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 623, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 33 supra, point 92 ; arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T‑40/06, Rec. p. II‑4893, point 105), ce qui implique, en particulier, d’établir leurs rôles respectifs dans l’infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 32 supra, point 150, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T‑6/89, Rec. p. II‑1623, point 264).

110    Selon le paragraphe 29, troisième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes, le rôle passif d’une entreprise dans la réalisation d’une infraction constitue ainsi une circonstance atténuante. Il précise que cette circonstance ne jouera que « lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ». Par ailleurs, selon ledit paragraphe 29, « le seul fait qu’une entreprise a participé à une infraction pour une durée plus courte que les autres ne sera pas considéré comme une circonstance atténuante, puisque cette circonstance est déjà reflétée dans le montant de base ».

111    Selon la jurisprudence, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (arrêts du Tribunal BPB de Eendracht/Commission, point 106 supra, point 343, et du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 168). À cet égard, les circonstances selon lesquelles une entreprise a été le membre le moins assidu aux réunions de l’entente ou s’est limitée à recevoir des informations communiquées unilatéralement par un concurrent, sans avoir manifesté aucune réserve ou opposition, ne sauraient jouer aucun rôle pour établir le rôle passif de cette entreprise au sein d’une entente (arrêt Ciments, point 45 supra, point 1849).

112    En l’espèce, d’abord, il résulte du point 79 ci-dessus que les requérantes ont participé à l’entente à partir du 20 avril 2004. Il y a ainsi lieu de rappeler que, lors de la réunion du 20 avril 2004 et de la conversation téléphonique du 15 juin 2004, les requérantes ont fait part à leurs concurrents de leur comportement futur sur le marché et ont reçu de la part de Pilkington, sans manifester la moindre opposition, des informations concernant les accords sur les hausses de prix envisagées par les trois autres membres de l’entente. Les requérantes ont assisté aux réunions de l’entente du 2 décembre 2004 et du 11 février 2005, sans s’écarter d’une manière explicite des discussions anticoncurrentielles qui ont eu lieu lors de celles-ci. Ensuite, il ressort également du point 79 ci-dessus et de la décision attaquée que les requérantes ont organisé la réunion du 2 décembre 2004 (considérant 502 de la décision attaquée). Enfin, il ressort des points 70 et 72 ci-dessus et de la décision attaquée que, lors des réunions des 2 décembre 2004 et 11 février 2005, les requérantes ont accepté de lancer les hausses de prix dans différentes régions et qu’elles ont participé à un échange d’informations sensibles (considérant 502 de la décision attaquée). Dès lors, leur comportement dans l’entente ne saurait être qualifié de passif.

113    La circonstance selon laquelle les requérantes n’auraient pas mis en œuvre certains des accords adoptés lors des réunions antérieures au 2 décembre 2004 et lors de la réunion du 11 février 2005 ne saurait suffire à établir qu’elles auraient eu un comportement concurrentiel sur le marché. En effet, l’échange d’informations sensibles ayant eu lieu lors de la réunion du 2 décembre 2004 et de la conversation téléphonique du 15 juin 2004 permet de conclure le contraire. Ainsi, même si, dans un premier temps, les requérantes n’ont pas respecté certains accords concernant les hausses de prix, notamment concernant les pays baltes, il a été établi qu’elles ont mis en oeuvre d’autres accords et qu’elles ont collaboré activement avec les trois autres membres de l’entente, notamment en leur fournissant des informations essentielles aux fins de l’adoption et de la mise en place des accords sur les prix (voir points 57, 59, 63, et 65 ci-dessus). En outre, le fait que les accords adoptés lors de la réunion du 11 février 2005 n’ont pas été mis en oeuvre ne s’explique pas en raison du comportement concurrentiel suivi par les requérantes, mais plus probablement par le début des inspections menées par la Commission (voir considérant 296 de la décision attaquée).

114    Par ailleurs, s’agissant du calcul des amendes infligées aux trois autres membres de l’entente, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte de leurs récidives multiples et de ne pas avoir augmenté leur amende afin d’assurer son caractère dissuasif, alors que le chiffre d’affaires de certains d’entre eux serait nettement supérieur au leur. Dès lors, en traitant de la même manière des situations différentes, la Commission aurait violé le principe de non-discrimination.

115    Il y a lieu avant tout de rappeler que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la détermination des amendes (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission, C‑283/98 P, Rec. p. I‑9855, point 47 ; arrêts du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, point 151, et Trioplast Industrier/Commission, point 109 supra, point 141).

116    Par ailleurs, comme rappelé au point 106 ci-dessus, il y a violation du principe de non-discrimination lorsqu’une même règle est appliquée à des situations différentes. Il convient de préciser que, en l’espèce, la Commission n’a fait application à l’égard des requérantes ni de la circonstance aggravante que constitue la récidive ni d’un coefficient multiplicateur au titre de l’effet dissuasif de l’amende.

117    S’agissant du caractère dissuasif des amendes, il y a lieu de rappeler que celui-ci constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende. Il est en effet de jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 105 et 106) que les amendes infligées en raison de violations de l’article 81 CE et prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ont pour objet de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union européenne. Ainsi, la Commission, lorsqu’elle calcule le montant de l’amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’entreprise concernée (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, points 119 à 121). Néanmoins, la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction en cause, d’assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation parmi celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires pertinent (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 312).

118    Or, en l’espèce, il ressort de la décision attaquée qu’un coefficient multiplicateur au titre de l’effet dissuasif de l’amende a été appliqué à Saint-Gobain lors du calcul de son amende, en raison de sa « plus grande présence dans le secteur du verre » et de « son chiffre d’affaires [qui], en termes absolus, est nettement plus important que celui des autres » (considérant 519).

119    En ce qui concerne les autres entreprises ayant participé à l’entente, il y a lieu de constater qu’aucun coefficient multiplicateur ne leur a été appliqué. Les requérantes se sont toutefois limitées à affirmer que le chiffre d’affaires de Glaverbel était trois fois supérieur au leur, sans mentionner celui de Pilkington. Compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 117 ci-dessus, cette seule circonstance, à la supposer établie, ne saurait suffire à considérer que la Commission était tenue de procéder à l’application d’un coefficient multiplicateur au titre de l’effet dissuasif de l’amende.

120    Il ressort de ce qui précède que la Commission a tenu compte des différences de situation existant entre les entreprises ayant participé à l’entente en fixant l’éventuel coefficient multiplicateur destiné à assurer l’effet dissuasif des amendes.

121    S’agissant de l’argument relatif à l’absence d’augmentation de l’amende infligée à Saint-Gobain et à Glaverbel pour récidive, et notamment, du délai maximal au-delà duquel une récidive ne saurait être prise en compte, il y a lieu de souligner que ni le règlement no 1/2003 ni les lignes directrices pour le calcul des amendes ne prévoient un tel délai et que l’absence d’un tel délai ne viole pas le principe de sécurité juridique (arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, points 66 et 67).

122    Néanmoins, le principe de proportionnalité exige que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un précédent manquement aux règles de la concurrence soit pris en compte pour apprécier la propension de l’entreprise à s’affranchir de ces règles. Dans le cadre du contrôle juridictionnel exercé sur les actes de la Commission en matière de droit de la concurrence, le juge peut donc être appelé à vérifier si la Commission a respecté ledit principe lorsqu’elle a majoré, au titre de la récidive, l’amende infligée, et, en particulier, si une telle majoration s’imposait notamment au regard du temps écoulé entre l’infraction en cause et le précédent manquement aux règles de la concurrence (arrêt Lafarge/Commission, point 121 supra, point 70).

123    En l’espèce, comme la Commission le fait valoir, plus de quinze ans se sont écoulés avant le début de la seconde infraction commise par ces deux entreprises et, contrairement à ce que les requérantes prétendent, l’existence d’une continuité entre la première et la seconde infraction n’a pas été établie. Cette période ne permet pas de confirmer une propension de celles-ci à s’affranchir des règles de la concurrence. Il y a donc lieu de considérer que la Commission n’a pas violé le principe de non-discrimination en considérant que la période écoulée entre les deux infractions était suffisamment longue pour exclure une majoration de l’amende infligée à Saint-Gobain et à Glaverbel au titre de la récidive.

124    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter ce moyen, et, partant, l’ensemble des conclusions des requérantes tendant à la réduction du montant de l’amende.

 Sur la recevabilité des références faites par la Commission à la réponse de Pilkington à la communication des griefs

125    Lors de l’audience, les requérantes ont soulevé une fin de non-recevoir relative aux références faites par la Commission, dans le mémoire en défense et dans sa réponse du 23 janvier 2012 aux questions écrites posées par le Tribunal, à la réponse de Pilkington à la communication des griefs, au motif qu’elles n’avaient pas eu accès audit document pendant la procédure administrative et n’avaient donc pas eu connaissance de son contenu. Elles ont précisé que la Commission ne pouvait pas utiliser ladite réponse comme document à charge sans méconnaître leurs droits de la défense.

126    La Commission a indiqué que ces éléments ne contenaient pas d’éléments à charge contre les requérantes et qu’ils n’étaient pas nécessaires à la résolution du litige.

127    À cet égard, il convient de relever qu’il ressort en effet de l’ensemble de ce qui précède que les références faites par la Commission à la réponse de Pilkington à la communication des griefs dans le mémoire en défense et dans sa réponse du 23 janvier 2012 aux questions écrites posées par le Tribunal ne sont pas nécessaires à la résolution du litige par le Tribunal. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par les requérantes.

 Sur les dépens

128     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Guardian Industries Corp. et Guardian Europe Sàrl sont condamnées aux dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2012.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité de certains documents et de références faites à des documents

Sur la recevabilité de la lettre de la Commission du 10 février 2012

Sur la recevabilité des références à des documents n’ayant pas été présentés devant le Tribunal

Sur les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

Sur la première branche, tirée de l’appréciation erronée de la durée de la participation des requérantes à l’infraction

– Sur la réunion du 20 avril 2004

– Sur l’entretien téléphonique du 15 juin 2004

– Sur la réunion du 2 décembre 2004

Sur la seconde branche, tirée de l’appréciation erronée de la dimension géographique des accords

Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende

Sur le moyen tiré de la nécessité de réduire le montant de l’amende en conséquence de l’annulation partielle de la décision attaquée

Sur le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination et de l’obligation de motivation concernant le calcul de l’amende

Sur le moyen tiré d’une erreur d’appréciation eu égard au rôle très limité et passif joué par les requérantes dans l’infraction et de la violation du principe de non-discrimination

Sur la recevabilité des références faites par la Commission à la réponse de Pilkington à la communication des griefs

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.