Language of document : ECLI:EU:C:2021:218

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 18 mars 2021 (1)

Affaire C848/19 P

République fédérale d’Allemagne

contre

République de Pologne,

Commission européenne

« Pourvoi – Marché intérieur du gaz naturel – Article 194, paragraphe 1, TFUE – Directive 2009/73/CE – Demande de l’autorité allemande (Bundesnetzagentur) de modifier les conditions de dérogation aux règles de l’Union relatives à l’exploitation du gazoduc OPAL – Décision de la Commission relative à la modification des conditions de dérogation aux règles de l’Union – Principe de solidarité énergétique »






1.        La République fédérale d’Allemagne a formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 septembre 2019 (2), qui a annulé une décision de la Commission européenne, du 28 octobre 2016, modifiant les conditions (figurant dans une décision précédente) de dérogation du gazoduc OPAL (3) aux règles relatives à l’accès des tiers et à la réglementation tarifaire (4).

2.        Le Tribunal a annulé la décision litigieuse au motif qu’elle avait été adoptée « en méconnaissance du principe de solidarité énergétique, tel que formulé à l’article 194, paragraphe 1, TFUE ».

3.        La Commission, partie défenderesse devant le Tribunal, n’a pas introduit de pourvoi à l’encontre de l’arrêt, bien que sa décision ait été annulée. En revanche, la République fédérale d’Allemagne en a formé un, faisant principalement valoir que la solidarité énergétique est une notion purement politique et non un critère juridique pouvant faire naître directement des droits et des obligations pour l’Union ou pour les États membres.

4.        La République de Pologne, la République de Lettonie et la République de Lituanie soutiennent l’interprétation du Tribunal. Selon ces États, la solidarité énergétique est un principe pouvant servir de paramètre aux fins du contrôle juridictionnel des règles de droit dérivé et des décisions adoptées dans le domaine de l’énergie.

5.        Le pourvoi formé oblige donc la Cour à se prononcer sur l’existence du principe de solidarité énergétique et, le cas échéant, sur sa nature et sa portée (5).

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

6.        L’article 194, paragraphe 1, TFUE énonce :

« Dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres :

a)      à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie ;

b)      à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union ;

c)      à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ; et

d)      à promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques. »

7.        Les règles communes concernant le marché du gaz et de l’électricité figurent dans la directive 2009/73/CE (6). L’article 32 de celle‑ci, identique à l’article 18 de la directive 2003/55, concerne l’accès des tiers et indique :

« 1.      Les États membres veillent à ce que soit mis en place, pour tous les clients éligibles, y compris les entreprises de fourniture, un système d’accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution ainsi qu’aux installations de [gaz naturel liquifié (GNL)]. Ce système, fondé sur des tarifs publiés, doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les utilisateurs du réseau. Les États membres veillent à ce que ces tarifs, ou les méthodes de calcul de ceux‑ci, soient approuvés avant leur entrée en vigueur conformément à l’article 41 par une autorité de régulation visée à l’article 39, paragraphe 1, et à ce que ces tarifs et les méthodes de calcul, lorsque seules les méthodes de calcul sont approuvées, soient publiés avant leur entrée en vigueur.

2.      Les gestionnaires de réseau de transport doivent, le cas échéant et dans le cadre de l’accomplissement de leurs tâches, notamment en ce qui concerne le transport transfrontalier, avoir accès au réseau d’autres gestionnaires de réseau de transport.

3.      Les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle à la conclusion de contrats à long terme pour autant qu’ils respectent les règles communautaires en matière de concurrence. »

8.        L’article 36 de la directive 2009/73, relatif aux nouvelles infrastructures, qui a remplacé l’article 22 de la directive 2003/55, prévoit :

« 1.      Les nouvelles grandes infrastructures gazières, à savoir les interconnexions, les installations de GNL ou de stockage peuvent, sur demande, bénéficier pendant une durée déterminée d’une dérogation aux dispositions figurant aux articles 9, 32, 33 et 34 et à l’article 41, paragraphes 6, 8 et 10, dans les conditions suivantes :

a)      l’investissement doit renforcer la concurrence dans la fourniture de gaz et améliorer la sécurité d’approvisionnement ;

b)      le niveau de risque lié à l’investissement doit être tel que cet investissement ne serait pas réalisé si une dérogation n’était pas accordée ;

c)      l’infrastructure doit appartenir à une personne physique ou morale qui est distincte, au moins sur le plan de la forme juridique, des gestionnaires de réseau dans les réseaux desquels elle sera construite ;

d)      des redevances doivent être perçues auprès des utilisateurs de l’infrastructure concernée ; et

e)      la dérogation ne doit pas porter atteinte à la concurrence ou au bon fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel ni à l’efficacité du fonctionnement du réseau réglementé auquel l’infrastructure est reliée.

[...]

3.      L’autorité de régulation [nationale] peut statuer, au cas par cas, sur la dérogation visée aux paragraphes 1 et 2.

[...]

6.      Une dérogation peut couvrir tout ou partie de la capacité de la nouvelle infrastructure ou de l’infrastructure existante augmentée de manière significative.

En décidant d’octroyer une dérogation, il convient de prendre en compte, au cas par cas, la nécessité d’imposer des conditions concernant la durée de la dérogation et l’accès sans discrimination à l’infrastructure. Lors de l’adoption de la décision sur ces conditions, il est tenu compte, en particulier, de la capacité additionnelle à construire ou de la modification de la capacité existante, de la perspective du projet et des circonstances nationales.

[...]

8.      L’autorité de régulation transmet sans délai à la Commission une copie de chaque demande de dérogation, dès sa réception. L’autorité compétente notifie sans délai à la Commission la décision ainsi que toutes les informations utiles s’y référant. Ces informations peuvent être communiquées à la Commission sous une forme agrégée pour lui permettre de fonder convenablement sa décision. Ces informations comprennent notamment :

a)      les raisons détaillées sur la base desquelles l’autorité de régulation ou l’État membre a octroyé ou refusé la dérogation, ainsi qu’une référence au paragraphe 1 comprenant le ou les points pertinents dudit paragraphe sur lequel cette décision se base, y compris les données financières démontrant qu’elle était nécessaire ;

b)      l’analyse effectuée quant aux incidences de l’octroi de la dérogation sur la concurrence et le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel ;

c)      les raisons justifiant la durée et la part de la capacité totale de l’infrastructure gazière concernée pour laquelle la dérogation est octroyée ;

d)      si la dérogation concerne une interconnexion, le résultat de la concertation avec les autorités de régulation concernées ; et

e)      la contribution de l’infrastructure à la diversification de l’approvisionnement en gaz.

9.      Dans un délai de deux mois à compter du jour suivant la réception d’une notification, la Commission peut arrêter une décision exigeant que l’autorité de régulation modifie ou retire la décision d’accorder une dérogation. Ce délai de deux mois peut être prolongé d’une période supplémentaire de deux mois si la Commission sollicite un complément d’informations. Ce délai supplémentaire court à compter du jour suivant celui de la réception du complément d’informations. Le délai initial de deux mois peut aussi être prorogé par accord mutuel entre la Commission et l’autorité de régulation.

[...]

L’autorité de régulation se conforme à la décision de la Commission demandant la modification ou le retrait de la décision de dérogation dans un délai d’un mois et en informe la Commission.

[...] »

9.        Postérieurement aux faits du litige, la directive 2009/73 a été modifiée par la directive (UE) 2019/692 (7).

B.      Le droit allemand

10.      L’article 28a, paragraphe 1, du Gesetz über die Elektrizitäts- und Gasversorgung (Energiewirtschaftsgesetz) (ci-après l’« EnWG »), du 7 juillet 2005 (8), dans sa version applicable aux faits, permet à la Bundesnetzagentur (agence fédérale des réseaux, Allemagne, ci‑après la « BNetzA »), notamment, d’exempter les interconnexions entre la République fédérale d’Allemagne et d’autres États des dispositions relatives à l’accès des tiers. Les conditions d’application de cet article correspondent, en substance, à celles de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2009/73.

II.    Les antécédents de la décision litigieuse

11.      Les antécédents du litige, jusqu’à l’adoption de la décision litigieuse, sont décrits aux points 5 à 15 de l’arrêt attaqué, que je ne crois pas nécessaire de reproduire dans leur intégralité. Je me contenterai de souligner ceux que je considère les plus significatifs.

12.      Le 13 mars 2009, la BNetzA a communiqué à la Commission deux décisions, du 25 février 2009, excluant les capacités de transport transfrontalières du projet de gazoduc OPAL de l’application des règles d’accès des tiers prévues à l’article 18 de la directive 2003/55 et de la réglementation tarifaire prévue à l’article 25, paragraphes 2 à 4, dudit texte (9).

13.      Par la décision C(2009) 4694 (ci‑après la « décision initiale »), du 12 juin 2009, la Commission a demandé à la BNetzA, en vertu de l’article 22, paragraphe 4, troisième alinéa, de la directive 2003/55 (devenu article 36, paragraphe 9, de la directive 2009/73), de modifier ses décisions du 25 février 2009, en y ajoutant certaines conditions.

14.      Le 7 juillet 2009, la BNetzA a modifié ses décisions du 25 février 2009 en les adaptant aux conditions mentionnées au point précédent. Elle a accordé la dérogation aux règles relatives à l’accès des tiers et à la réglementation tarifaire pour une période de 22 ans.

15.      Le gazoduc OPAL a été mis en service le 13 juillet 2011 (10).

16.      En vertu de la décision initiale et des décisions de la BNetzA du 25 février 2009, modifiées par les décisions du 7 juillet 2009, les capacités du gazoduc OPAL ont été exemptées, sous certaines conditions, de l’application des règles communes (relatives à l’accès réglementé des tiers et à la réglementation tarifaire) de la directive 2003/55.

17.      Dans la configuration technique actuelle, le gaz naturel est fourni au point d’entrée du gazoduc, près de Greifswald, par le gazoduc Nord Stream, utilisé par le groupe Gazprom pour transporter du gaz en provenance de gisements russes. Gazprom n’ayant pas mis en œuvre le programme de cession de gaz visé dans la décision initiale (11), les 50 % non réservés de la capacité de ce gazoduc n’ont jamais été utilisés, de sorte que seuls 50 % de la capacité de transport de ce gazoduc étaient utilisés.

18.      Le 12 avril 2013, OGT, OAO Gazprom et Gazprom Eksport LLC ont demandé à la BNetzA de modifier la dérogation accordée en 2009, sans obtenir de réponse favorable. Gazprom a organisé, au cours des mois de septembre 2015 et 2016, des enchères qui n’ont pas attiré de concurrents, ce qui lui a donné des arguments pour demander à nouveau la modification de la décision initiale (12).

19.      Le 13 mai 2016, la BNetzA a notifié à la Commission, sur le fondement de l’article 36 de la directive 2009/73, son intention, à la suite de la demande présentée par OGT, OAO Gazprom et Gazprom Eksport, de modifier la dérogation accordée en 2009 concernant la part du gazoduc OPAL exploitée par OGT (13).

III. La décision litigieuse

20.      Le 28 octobre 2016, la Commission a adopté, sur la base de l’article 36, paragraphe 9, de la directive 2009/73, la décision litigieuse, adressée à la BNetzA.

21.      Le Tribunal (points 16 et 17 de l’arrêt attaqué) a résumé en ces termes les conditions de la décision litigieuse :

« [...] Quant aux conditions de fond auxquelles devait obéir une telle modification, [la Commission] a considéré que, en l’absence de clauses spécifiques de réexamen, des changements apportés à l’étendue d’une dérogation octroyée précédemment ou aux conditions encadrant cette dérogation devaient être justifiés et que, à cet égard, de nouveaux développements factuels ayant eu lieu depuis la décision initiale d’exemption pouvaient constituer une raison valable pour procéder à un réexamen de cette décision initiale.

Quant au fond, la Commission a, par la décision attaquée, approuvé les modifications du régime dérogatoire, envisagées par la BNetzA, sous réserve de certaines modifications, à savoir, notamment :

–        l’offre initiale de capacités mises aux enchères devait porter sur 3 200 000 kWh/h (environ 2,48 milliards de m3/an) de capacités FZK et sur 12 664 532 kWh/h (environ 9,83 milliards de m3/an) de capacités DZK ;

–        une augmentation du volume des capacités FZK mises aux enchères devait intervenir, pour l’année suivante, dès que la demande dépassait, lors d’une mise aux enchères annuelle, 90 % des capacités offertes et devait se faire par tranches de 1 600 000 kWh/h (environ 1,24 milliard de m3/an), jusqu’à un plafond de 6 400 000 kWh/h (environ 4,97 milliards de m3/an) ;

–        une entreprise ou un groupe d’entreprises détenant une position dominante en République tchèque ou contrôlant plus de 50 % du gaz arrivant à Greifswald pouvait participer aux enchères de capacités FZK uniquement au prix de base, qui ne devait pas être supérieur au prix de base moyen du tarif réglementé sur le réseau de transport de la zone Gaspool vers la République tchèque pour des produits comparables la même année ».

22.      Le Tribunal a ajouté (point 18 de l’arrêt attaqué) que, « [l]e 28 novembre 2016, la BNetzA a modifié la dérogation accordée par sa décision du 25 février 2009 concernant la quote-part du gazoduc OPAL exploitée par OGT, conformément à la décision attaquée, en concluant avec cette dernière un contrat de droit public, tenant lieu, selon le droit allemand, de décision administrative ».

23.      En pratique, la décision litigieuse favorisait le contrôle par le groupe Gazprom des flux du gazoduc OPAL et, dans la même mesure, une éventuelle diminution des flux gaziers passant par les gazoducs Yamal et Broterhood (14) ainsi qu’un renforcement de la position de Gazprom sur les marchés du gaz des pays d’Europe centrale et orientale (15).

IV.    Le contentieux relatif au gazoduc OPAL

24.      La décision litigieuse a intensifié la crainte de certains opérateurs gaziers et de certains gouvernements de pays d’Europe centrale et orientale d’un contrôle accru du marché du gaz par Gazprom, d’où leur intérêt à introduire des recours en annulation à l’encontre de ladite décision.

25.      C’est ce qu’ont fait, sans succès, l’opérateur gazier polonais Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo S.A., copropriétaire de la partie polonaise du gazoduc Yamal-Europe (16), ainsi qu’une filiale allemande (PGNiG Supply & Trading GmbH) de l’opérateur gazier polonais (17).

26.      La Cour a confirmé, dans le cadre de pourvois, ces ordonnances d’irrecevabilité rendues par le Tribunal (18).

27.      La République de Pologne a, en outre, formé un autre recours en annulation de la décision litigieuse devant le Tribunal, qui a donné lieu à l’arrêt attaqué.

V.      Le recours de la République de Pologne contre la décision litigieuse et l’arrêt attaqué

28.      La République de Pologne a invoqué six moyens à l’appui de sa demande d’annulation de la décision litigieuse, tirés, le premier, de la violation de l’article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/73, lu conjointement avec l’article 194, paragraphe 1, sous b), TFUE, ainsi que du principe de solidarité ; le deuxième, du défaut de compétence de la Commission ainsi que de la violation de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2009/73 ; le troisième, de la violation de l’article 36, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/73 ; le quatrième, de la violation de l’article 36, paragraphe 1, sous a) et e), de la directive 2009/73 ; le cinquième, de la violation de conventions internationales auxquelles l’Union est partie et, le sixième, de la violation du principe de sécurité juridique.

29.      Le Tribunal a accueilli le premier moyen du recours, sans se prononcer sur les autres, et a constaté la nullité de la décision litigieuse.

30.      Dans son examen de la « portée du principe de solidarité énergétique », le Tribunal a indiqué que ce principe ne se limite pas à des situations extraordinaires, mais « comporte [...] une obligation générale, de la part de l’Union et des États membres », de sorte que celle‑ci et ces derniers « doivent s’efforcer, dans le cadre de l’exercice de leurs compétences au titre de cette politique, d’éviter de prendre des mesures susceptibles d’affecter les intérêts de l’Union et des autres États membres, s’agissant de la sécurité de l’approvisionnement, de sa viabilité économique et politique et de la diversification des sources d’approvisionnement ou de l’approvisionnement, et ce afin d’assumer leur interdépendance et leur solidarité de fait » (19).

31.      Le Tribunal a nuancé les considérations qui précèdent, indiquant que « [l]’application du principe de solidarité énergétique ne signifie [...] pas que la politique de l’Union en matière d’énergie ne doive en aucun cas avoir d’incidences négatives pour les intérêts particuliers d’un État membre en matière d’énergie. Cependant, les institutions de l’Union et les États membres sont tenus de tenir compte, dans le cadre de la mise en œuvre de ladite politique, des intérêts tant de l’Union que des différents États membres et de mettre en balance ces intérêts en cas de conflits » (20).

32.      Lors de l’appréciation du point de savoir « si la décision attaquée viole le principe de solidarité énergétique », le Tribunal a considéré que ce principe n’est pas mentionné dans cette décision et que la Commission y a porté atteinte, dans la mesure où :

–        elle n’a « pas procédé à un examen des incidences de la modification du régime d’exploitation du gazoduc OPAL sur la sécurité d’approvisionnement de la Pologne » (21) ;

–        « il n’apparaît pas que la Commission a examiné quelles pourraient être les conséquences, à moyen terme, notamment pour la politique en matière d’énergie de la République de Pologne, du transfert vers la voie de transit Nord Stream 1/OPAL d’une partie des volumes de gaz naturel transportés auparavant par les gazoducs Yamal et Braterstwo, ni qu’elle a mis en balance ces effets avec l’augmentation de la sécurité d’approvisionnement au niveau de l’Union, constatée par elle » (22).

33.      Le Tribunal a déduit de ces prémisses que « la décision attaquée a été adoptée en méconnaissance du principe de solidarité énergétique, tel que formulé à l’article 194, paragraphe 1, TFUE » (23).

VI.    Les événements postérieurs à l’arrêt attaqué et l’incidence de la directive 2019/692

34.      Même s’ils ne concernent pas directement la résolution du pourvoi, il convient de mentionner certains événements postérieurs à l’arrêt du Tribunal qui pourraient avoir une incidence sur son exécution.

35.      Le 13 septembre 2019, la BNetzA a exécuté l’arrêt attaqué (24), ce qui a signifié revenir aux restrictions prévues par la décision initiale de 2009 et mettre fin à la situation établie par la décision litigieuse.

36.      L’incidence immédiate de cette mesure semble avoir été que Gazprom a cessé d’utiliser quelque 12 ou 13 milliards de mètres cubes par an de capacité sur le gazoduc OPAL, qu’elle compense par un plus grand flux passant par les gazoducs qui traversent l’Ukraine (25).

37.      La jurisprudence issue de l’arrêt attaqué pourrait également avoir une incidence sur la situation d’autres gazoducs, tels que le gazoduc Nord Stream 2 et son extension terrestre EUGAL (26), ainsi que le gazoduc Turk Stream II (27). Si la thèse du Tribunal sur le principe de solidarité énergétique était confirmée, Gazprom et ses entreprises alliées pourraient avoir plus de difficultés à obtenir une dérogation temporaire à l’application des règles de l’Union (qui imposent la libéralisation complète des flux de gaz) au gazoduc Nord Stream 2, relativement auquel des litiges sont également pendants devant la Cour (28).

38.      Il y a lieu de rappeler, en outre, que la directive 2019/692 a modifié la directive 2009/73 afin (conformément à son considérant 3) de « traiter des obstacles à l’achèvement du marché intérieur du gaz naturel qui découlent de la non‑application des règles du marché de l’Union aux conduites de transport de gaz à destination et en provenance de pays tiers. Les modifications apportées par la présente directive visent à garantir que les règles applicables aux conduites de transport de gaz reliant deux États membres ou plus sont également applicables, au sein de l’Union, aux conduites de transport de gaz à destination et en provenance de pays tiers » (29).

39.      Toutefois, par dérogation à cette libéralisation, la directive 2019/692 a ajouté à la directive 2009/73 l’article 49 bis, paragraphe 1, qui permet d’accorder des dérogations aux conduites de transport entre un État membre et un pays tiers achevées avant le 23 mai 2019 (30).

40.      Les sociétés Nord Stream et Nord Stream 2 ont introduit un recours en annulation contre la directive 2019/692, mais le Tribunal a déclaré leurs recours irrecevables, pour défaut de qualité pour agir, au motif que cette directive ne les concerne pas directement et individuellement, car elle requiert des mesures nationales de transposition (31).

41.      Le 15 mai 2020, la BNetzA a rejeté la demande de dérogation présentée par Nord Stream 2 conformément au (nouvel) article 49 bis de la directive 2009/73, au motif que la construction physique du gazoduc n’avait pas été achevée avant le 23 mai 2019 et que, en outre, le législateur de l’Union avait souhaité exclure la requérante du champ d’application du régime dérogatoire visé à l’article 49 bis (32).

42.      Un autre élément ayant une incidence sur le contentieux relatif au gazoduc OPAL est le rapport du groupe spécial de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), du 10 août 2018 (33), établi dans le cadre d’un différend dans lequel la Russie contestait la conformité au droit de l’OMC de plusieurs éléments de la réglementation de l’Union sur la commercialisation du gaz naturel. Parmi ces éléments figurait l’application au gazoduc OPAL du régime des dérogations visé à l’article 36 de la directive 2009/73.

43.      La plupart des réclamations russes ont été rejetées par le groupe spécial de l’OMC. Celui-ci a toutefois considéré incompatibles avec l’article XI, paragraphe 1, de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994 les deux conditions relatives au gazoduc OPAL figurant dans la décision initiale (de 2009), à savoir la limite maximale de capacité de 50 % (restreignant l’attribution de la capacité de transport à Gazprom et aux entreprises lui étant liées) et le programme de cession de gaz obligeant Gazprom et les entreprises lui étant liées à céder 3 milliards de mètres cubes de gaz par an pour pouvoir dépasser ce plafond.

44.      La Russie a fait valoir que ces conditions donnaient de facto lieu à une restriction quantitative du volume de gaz importé. Le groupe spécial de l’OMC a constaté que ces conditions réduisaient les possibilités de concurrence pour l’importation de gaz naturel russe dans l’Union européenne (34).

45.      Le 21 septembre 2018, l’Union a notifié à l’Organe de règlement des différends de l’OMC sa décision de faire appel concernant certains points de droit et interprétations juridiques traités dans le rapport du groupe spécial (35). Le blocage de l’Organe d’appel de l’OMC en raison du non‑renouvellement de ses membres a, pour l’instant, empêché qu’une décision soit prise dans ladite affaire.

46.      La décision litigieuse pourrait entraîner la suppression presque totale des éventuels éléments du régime appliqué au gazoduc Nord Stream/OPAL incompatibles avec le droit de l’OMC. Toutefois, puisque cette décision a été annulée par le Tribunal, le régime qui s’applique est à nouveau le régime d’exemption de la décision initiale (de 2009), qui est celui qui a été déclaré incompatible avec l’article XI, paragraphe 1, du GATT de 1994. Il pourrait donc être nécessaire d’apprécier l’éventuel conflit entre la solution adoptée et le droit de l’OMC.

VII. La procédure devant la Cour

47.      Par son pourvoi, la République fédérale d’Allemagne demande qu’il plaise à la Cour :

–        annuler l’arrêt du Tribunal du 10 septembre 2019 dans l’affaire T‑883/16 ;

–        renvoyer l’affaire T‑883/16 au Tribunal, et

–        réserver les dépens.

48.      La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi dans son intégralité comme dépourvu de fondement et constater l’irrecevabilité du troisième moyen du pourvoi ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

49.      La République de Lettonie et la République de Lituanie demandent à la Cour de rejeter le pourvoi.

50.      Lors de l’audience, la Commission s’est déclarée favorable à l’accueil du premier moyen du pourvoi.

51.      À l’appui de son pourvoi, la République fédérale d’Allemagne invoque cinq moyens : en substance, les premier et deuxième moyens concernent le principe de solidarité énergétique et son inapplicabilité dans la décision litigieuse, les troisième, quatrième et cinquième moyens (soulevés dans l’hypothèse où la Cour considérerait ledit principe applicable) faisant quant à eux grief du fait que le Tribunal a estimé que la Commission n’avait pas tenu compte du principe de solidarité énergétique.

VIII. Sur le premier moyen du pourvoi : l’absence de nature juridique du principe de solidarité énergétique

A.      Remarques liminaires

52.      Avant de me prononcer sur ce moyen du pourvoi, il me semble opportun d’examiner l’articulation juridique de la solidarité dans le droit de l’Union et son reflet dans les règles en matière de politique énergétique.

1.      La solidarité dans le droit primaire de l’Union

53.      Outre dans l’article 194 TFUE, il existe des références à la solidarité dans d’autres règles du droit primaire de l’Union, tant dans le traité UE que dans le traité FUE.

54.      Le traité UE mentionne cette notion dans le préambule (« désireux d’approfondir la solidarité entre leurs peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leurs traditions »). Il s’y réfère également à son article 2, comme l’une des caractéristiques de la société fondée sur les valeurs communes aux États membres de l’Union (36), et à son article 3, lorsqu’il proclame que l’Union « promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres » (paragraphe 3) (37).

55.      L’article 21, paragraphe 1, TUE consacre la solidarité comme l’un des principes régissant l’action extérieure de l’Union. Parmi les dispositions spécifiques en matière de politique étrangère et de sécurité commune, l’article 24, paragraphes 2 et 3, TUE mentionne la « solidarité politique mutuelle » des États membres (38).

56.      Quant au traité FUE, son article 67, paragraphe 2, lie la politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures à la solidarité entre les États membres, ce que confirme l’article 80 TFUE (39).

57.      Dans le domaine de la politique économique, l’article 122, paragraphes 1 et 2, TFUE contient également une référence explicite à l’esprit de solidarité entre les États membres (40). L’esprit de solidarité est également mentionné à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, qui fait l’objet du litige, et à l’article 222 TFUE (41).

58.      Le titre IV de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne regroupe, sous l’intitulé « Solidarité », un certain nombre de droits dans les domaines social et de l’emploi (articles 27 à 34), de la protection de la santé, de l’accès aux services d’intérêt économique général, de la protection de l’environnement ou des consommateurs (articles 35 à 38).

59.      Outre ces dispositions, il existe d’autres règles de droit primaire dans lesquelles sous-tend la solidarité. Il en est ainsi du mécanisme de concours financier aux pays de l’Union ne faisant pas partie de la zone euro (article 143 TFUE) ou des dispositions relatives à la cohésion économique, sociale et territoriale (articles 174 à 178 TFUE).

60.      Il est toutefois difficile de déduire de cet ensemble de dispositions une conception complète et globale de la solidarité dans le droit de l’Union. Cette notion apparaît liée aux relations tant horizontales (entre États membres, entre institutions, entre les peuples ou les générations ainsi qu’entre les États membres et des pays tiers) que verticales (entre l’Union et ses États membres), dans des domaines hétérogènes (42).

61.      Il convient, en revanche, de souligner que, dans le droit primaire de l’Union, la solidarité se voit conférer un rang qui pourrait être qualifié de matériellement constitutionnel, en tant que valeur (article 2 TUE) et objectif (article 3 TUE) que l’Union doit promouvoir. Dans la même mesure, la solidarité est appelée à inspirer les décisions politiques et économiques de l’Union, avec une intensité croissante (43).

62.      Certaines dispositions du traité FUE, reproduites ci‑dessus, font référence à l’« esprit de solidarité », tandis que d’autres emploient directement l’expression « principe de solidarité » (article 80 TFUE).

63.      La question clé est de savoir si la solidarité a rang de principe juridique et, dans l’affirmative, quelles sont sa nature et sa portée. L’alternative serait que cette notion ait une valeur purement symbolique, dépourvue de force normative.

64.      Du point de vue doctrinal, le débat oppose ceux qui refusent de reconnaître à la solidarité la qualité de principe juridique (ou, à tout le moins, de principe général du droit) (44) et ceux qui défendent sa qualité de principe constitutionnel ou structurel (45), ou de principe général du droit, étroitement lié à celui de coopération loyale (46), dont les contours ont été mieux définis.

2.      La solidarité dans la jurisprudence de la Cour

65.      La Cour a utilisé le principe de solidarité dans sa jurisprudence, mais sans en dessiner les contours de manière générale. Elle l’a normalement fait dans le cadre de litiges relatifs à des mesures étatiques contraires à ce principe.

66.      Tel a été le cas, tout d’abord, dans une affaire d’aides d’État, tranchée par l’arrêt Commission/France (47), ou dans une autre affaire ultérieure, ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Italie (48), relative au manquement aux règles de l’Union en matière de politique agricole. Dans ce dernier arrêt, la Cour a déclaré que le « manquement aux devoirs de solidarité acceptés par les États membres du fait de leur adhésion à la Communauté affecte jusqu’aux bases essentielles de l’ordre juridique communautaire ».

67.      La solidarité entre producteurs a également été mentionnée dans certains arrêts pour justifier la répartition des charges et des bénéfices imposée par des règles de l’Union, sans toutefois l’identifier en tant que principe général du droit (49), ainsi que dans d’autres arrêts sur la citoyenneté de l’Union et sur des mesures sociales, bien que de manière limitée. Cette notion n’a pas été utilisée, à tout le moins expressément, dans les arrêts relatifs aux mesures d’assistance financière à la suite de la crise économique de 2008 (50).

68.      Le champ d’application matériel illustrant l’utilisation de la notion de solidarité par la Cour, en tant qu’élément clé aux fins de l’interprétation d’un article du traité FUE, est celui relatif aux politiques en matière d’immigration, d’asile et de contrôle aux frontières (article 80 TFUE).

69.      En effet, la Cour a explicitement recouru au principe de solidarité lorsqu’elle a dû se prononcer sur la répartition des quotas de demandeurs de protection internationale entre les États membres (51). Après avoir constaté que, « conformément à l’article 80 TFUE, [le] principe [de solidarité] régit la politique de l’Union en matière d’asile » (52), elle en a tiré les conséquences juridiques pertinentes, allant jusqu’au point d’entraîner l’accueil des recours formés par la Commission contre les États membres qui avaient manqué à leurs obligations dans ce domaine.

70.      Cette analyse sommaire de la jurisprudence montre que, même si le principe de solidarité présente des facettes et des niveaux de concrétisation distincts, son importance, dans le droit primaire, en tant que valeur et objectif du processus d’intégration européenne (53), permet de le doter d’une signification apte à produire des conséquences juridiques.

71.      Au fond de cette approche jurisprudentielle sous-tend une certaine conception de la valeur normative des traités : leurs dispositions ont la vocation de toute règle de rang constitutionnel et il appartient à celui qui est appelé à les interpréter (en dernier lieu la Cour) de discerner le contenu impératif qui leur est propre.

72.      Il est vrai que l’hétérogénéité des manifestations du principe de solidarité rend difficile son application dans tous les domaines de compétence de l’Union avec une articulation ou une intensité identique. Cela étant, j’insiste, rien ne s’oppose à ce que, dans certains de ces domaines de compétence, son efficacité soit reconnue en tant que principe directeur de l’action corrélative de l’Union, avec une incidence quant à son application juridique.

73.      C’est le cas du principe de solidarité dans le domaine de la politique d’asile et, selon moi, il doit également en aller ainsi, de manière analogue, dans le domaine de la politique énergétique.

3.      Le principe de solidarité énergétique

74.      L’article 194, paragraphe 1, TFUE dispose :

« [...] la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres :

a)      à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie ;

b)      à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union ;

c)      à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ; et

d)      à promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques. »

75.      L’article 194 TFUE a été introduit par le traité de Lisbonne en tant que base juridique pour le développement des compétences de l’Union en matière d’énergie (54).

76.      L’« esprit de solidarité » doit imprégner les objectifs de la politique énergétique de l’Union et favoriser son développement. De ce point de vue, la solidarité énergétique ne saurait être assimilée à la simple sécurité énergétique (ou la « sécurité de l’approvisionnement énergétique »), qui n’est que l’une de ses manifestations (55).

77.      La solidarité sous-tend tous les autres objectifs de la politique énergétique de l’Union, les regroupant et leur donnant une cohérence, notamment en ce qui concerne :

–        le « fonctionnement du marché de l’énergie », qui doit contribuer à un approvisionnement dans de meilleures conditions de concurrence dans les États membres ;

–        la promotion de l’« interconnexion des réseaux énergétiques », cruciale pour la réalisation d’un marché intérieur de l’énergie ;

–        « l’efficacité énergétique et les économies d’énergie », ainsi que le « développement des énergies nouvelles et renouvelables », qui permettront une plus grande solidarité énergétique entre les États membres, compatible avec une meilleure protection de l’environnement.

78.      L’insertion de l’esprit de solidarité énergétique dans un texte du droit primaire a été nuancée par la déclaration no 35 annexée au traité UE et au traité FUE, selon laquelle « [l]a Conférence estime que l’article 194 n’affecte pas le droit des États membres de prendre les dispositions nécessaires afin d’assurer leur approvisionnement énergétique dans les conditions prévues par l’article 347 ». Cette déclaration constituait, en réalité, une protection de la souveraineté étatique en matière énergétique, venant s’ajouter à celle découlant de l’article 194, paragraphe 2, second alinéa, TFUE (56).

79.      L’inclusion de ces garanties de la souveraineté étatique face au développement des compétences de l’Union en matière d’énergie, au moyen de règles du droit primaire, se comprend mieux si l’on part de la consécration d’une politique énergétique de l’Union inspirée par le principe de solidarité, qui trouve lui aussi une concrétisation spécifique dans le droit primaire. La nature juridique de ce principe me semble tout aussi incontestable que celle des garanties de la souveraineté étatique qui ont été introduites pour le moduler.

80.      La Cour avait déjà reconnu que la sécurité de l’approvisionnement énergétique d’un pays constituait une raison impérieuse d’intérêt général (57), relevant de la sécurité nationale (compétence exclusive des États membres, conformément à l’article 4, paragraphe 2, TUE).

81.      Malgré ces garanties de la souveraineté étatique en matière d’énergie, l’Union a progressivement développé sa politique énergétique au moyen de règles de droit dérivé dans lesquelles la solidarité énergétique occupe une place de plus en plus importante. Cette dernière a, en outre, été encouragée par le cadre stratégique de la Commission pour réaliser une Union de l’énergie (58), qui est à la base de l’adoption des récentes règles de l’Union sur le marché du gaz naturel.

82.      Eu égard aux caractéristiques, techniques et économiques, de ces marchés, l’affirmation du principe de solidarité est primordiale pour que la politique énergétique de l’Union puisse atteindre ses objectifs, actuellement de plus en plus liés à la protection de l’environnement (59).

83.      En particulier, le développement d’infrastructures gazières transnationales et avec des pays tiers peut être qualifiée d’indispensable pour rendre possible la solidarité énergétique entre les États membres, raison pour laquelle l’Union a activement promu ces infrastructures (60).

84.      Le principe de solidarité se reflète dans le droit positif, à cet égard et à d’autres égards, notamment dans les textes suivants :

–        le règlement (UE) 2017/1938 (61), qui a remplacé le règlement (UE) no 994/2010 (62). Ce dernier mettait en place un mécanisme de réponse aux crises d’approvisionnement en gaz naturel au moyen de mesures exceptionnelles dont la responsabilité finale incombait aux États (63). Ce mécanisme a été amélioré par le règlement 2017/1938 (64), augmentant ainsi l’efficacité du principe de solidarité énergétique (65) ;

–        le règlement (UE) 2019/452 (66), qui instaure un système de coopération entre les États membres ainsi qu’entre ceux‑ci et la Commission, afin que les États puissent formuler des commentaires et la Commission émettre des avis sur l’incidence des investissements directs étrangers et leur éventuelle limitation sur leurs territoires respectifs ou dans l’ensemble de l’Union. Il concerne, entre autres, les investissements dans des « infrastructures critiques, qu’elles soient physiques ou virtuelles, y compris les infrastructures concernant l’énergie », et l’« approvisionnement en intrants essentiels, y compris l’énergie ».

85.      Ce qui a été exposé jusqu’à présent confirme le fait que le législateur de l’Union n’a pas hésité à adopter le principe de solidarité énergétique en tant que guide de sa politique en la matière. Reste à trancher la question de savoir si, outre cette fonction, ce principe, auquel l’avocat général Mengozzi avait déjà attribué un caractère « constitutionnel » (67), peut déployer ses effets au-delà du niveau législatif.

86.      C’est à la lumière de ces considérations que j’aborderai l’examen du premier moyen du pourvoi.

B.      Les allégations des parties

87.      Par son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en affirmant que la solidarité énergétique, visée à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, est un principe juridique créant des droits et des obligations tant pour l’Union que pour les États membres.

88.      Selon la requérante, la solidarité énergétique est une « notion purement politique » et non un critère juridique pouvant faire naître des droits et des obligations pour l’Union ou pour les États membres. En raison de son caractère abstrait et indéterminé, la solidarité dans le secteur de l’énergie ne saurait être « invoquée en justice » (68).

89.      La République fédérale d’Allemagne fait valoir que la Commission, en sa qualité d’organe exécutif de l’Union, n’était tenue d’appliquer que le droit dérivé (notamment l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2009/73). Cet article serait le seul paramètre de contrôle de la légalité de la décision litigieuse. D’autres aspects du principe de solidarité énergétique « ne doivent pas être examinés et ne constituent pas des critères pour les décisions de la Commission ».

90.      En tout état de cause, ce principe ne lierait « tout au plus que le législateur » de l’Union. La Commission, insiste la République fédérale d’Allemagne, n’est liée ni par l’article 194 TFUE ni par le principe de solidarité énergétique lorsqu’elle adopte des décisions d’exemption au titre de l’article 36 de la directive 2009/73.

91.      La Commission, qui n’a pas formé de pourvoi contre l’arrêt du Tribunal et que la Cour a invitée à intervenir lors de l’audience, a affirmé que la solidarité énergétique est un principe directeur de la politique énergétique de l’Union, qui s’impose au législateur de l’Union lorsqu’il adopte des règles de droit dérivé.

92.      Cependant, selon la Commission, la solidarité visée à l’article 194 TFUE est une notion trop générale et abstraite pour opérer en tant que principe autonome utilisable aux fins du contrôle de la légalité de ses actes. La décision litigieuse devait se limiter à appliquer l’article 36 de la directive 2009/73, en écartant toute appréciation supplémentaire fondée exclusivement sur le principe de solidarité.

93.      La Commission a toutefois reconnu que le contrôle de la légalité de ses décisions pourrait être effectué « à la lumière du principe de solidarité énergétique », en tant que critère d’interprétation des règles de droit dérivé.

94.      Les Républiques de Pologne, de Lettonie et de Lituanie ont contesté les arguments de la République fédérale d’Allemagne et de la Commission.

C.      Appréciation

95.      À mon avis, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré, sans commettre d’erreur, que le principe de solidarité énergétique « comporte des droits et des obligations tant pour l’Union que pour les États membres » (69).

96.      J’estime que le principe de solidarité énergétique visé à l’article 194, paragraphe 1, TFUE produit des effets juridiques, et non purement politiques, premièrement, en tant que critère d’interprétation des règles de droit dérivé adoptées en exécution des compétences de l’Union dans le domaine de l’énergie, deuxièmement, en tant qu’élément permettant de combler les lacunes constatées dans ces mêmes règles et, troisièmement, en tant que paramètre aux fins du contrôle juridictionnel soit de la légalité de ces règles de droit dérivé, soit des décisions des organes de l’Union dans ce domaine.

97.      Lorsque, dans les traités, les rédacteurs ont souhaité souligner la composante purement politique de la solidarité, ils l’ont fait expressément. Ainsi, ils l’ont précisé dans les Dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune du traité UE, dont l’article 24, paragraphes 2 et 3, mentionne la « solidarité politique mutuelle » des États membres.

98.      Il n’en va pas ainsi pour le principe de solidarité applicable dans le domaine de la politique d’asile (article 67 TFUE) ou dans le domaine de l’énergie (article 194 TFUE). Si, comme je l’ai également déjà rappelé, la Cour a reconnu la valeur normative du premier et en a tiré certaines conséquences, il devrait en aller de même pour le second (70).

99.      Je suis donc d’accord avec le Tribunal en ce qui concerne la nature juridique du principe de solidarité énergétique, qui le rend susceptible d’application juridique. En tant que tel, à la différence des simples règles, ce principe est susceptible de produire des effets – en fonction de sa nature – non seulement lorsqu’il se concrétise dans une règle de droit dérivé, mais éventuellement aussi en l’absence de celle‑ci, et, bien entendu, dans le cadre du contrôle juridictionnel des décisions prises dans le domaine matériel pour lequel il a été établi.

100. Je ne partage donc pas la thèse, défendue par la République fédérale d’Allemagne et par la Commission lors de l’audience, selon laquelle le principe de solidarité énergétique est trop abstrait pour être utilisé dans le cadre du contrôle de la légalité des actes de la Commission.

101. Lors de l’audience, la Commission a admis que le principe de solidarité énergétique pourrait être invoqué pour contester la légalité de l’article 36 de la directive 2009/73, dans le cadre d’une exception d’illégalité, et pour interpréter, à sa lumière, les actes auxquels cette disposition s’applique. Dans ces conditions, je ne vois pas de raison de rejeter la possibilité que ce principe opère en tant que paramètre autonome de contrôle de la légalité dans le cadre de recours directs contre des décisions de la Commission.

102. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal affirme que le principe de solidarité énergétique lie l’Union et les États membres, qui, dans le cadre de l’exercice de leurs compétences respectives, doivent tenir compte des intérêts des autres acteurs (71). Le litige étant limité au contrôle juridictionnel d’une décision de la Commission, il n’est pas indispensable, pour le résoudre, d’analyser les implications du principe sur l’action (unilatérale ou entre eux) des États membres ; il suffit d’examiner sa force obligatoire pour la Commission.

103. L’affirmation selon laquelle ce principe lierait, le cas échéant, uniquement le législateur de l’Union (le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen lors de l’adoption de règles de droit dérivé), mais non la Commission, me semble dépourvue de fondement. Je considère, au contraire, que le principe, dans sa dimension « constitutionnelle » susmentionnée, oblige toutes les institutions et organismes de l’Union, sauf disposition expresse contraire dans le droit primaire, qui n’existe pas en matière d’énergie.

104. Ainsi que je l’ai déjà indiqué, le principe de solidarité énergétique ne s’épuise pas dans la garantie de la sécurité d’approvisionnement, visée à l’article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/73. Une augmentation de l’approvisionnement en gaz ne signifiera pas nécessairement une plus grande solidarité sur le marché intérieur du gaz : si l’augmentation de l’approvisionnement est concentrée dans quelques États et se trouve entre les mains d’une entreprise dominante pouvant fausser la concurrence sur ce marché, il est possible qu’elle porte préjudice aux intérêts d’un ou de plusieurs autres États membres de manière injustifiée (non solidaire).

105. Certes, l’article 36 de la directive 2009/73 ne mentionne pas expressément la solidarité énergétique parmi les éléments à prendre en considération lors de l’octroi d’une dérogation (aux règles relatives à l’accès des tiers et à la réglementation tarifaire) aux nouveaux gazoducs, afin de promouvoir les investissements dans leur construction. Toutefois, cette absence de mention explicite ne dispensait pas la Commission d’apprécier l’incidence du principe de solidarité énergétique sur ses décisions d’exemption, puisque le respect de ce principe est imposé par l’article 194 TFUE (72).

106. De fait, comme la République de Pologne l’a indiqué lors de l’audience, la pratique administrative de la Commission postérieure à l’arrêt attaqué a intégré, sans problème, l’application du principe de solidarité énergétique à d’autres décisions d’exemption analogues à celle litigieuse en l’espèce (73).

107. La modification que la directive 2019/692 a apportée à l’article 36, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/73 a renforcé la thèse de la nécessité d’apprécier les conséquences du principe de solidarité énergétique dans les décisions de la Commission.

108. Cette modification explicite ce qui, selon moi, pouvait être déduit du texte antérieur, lu à la lumière du principe de solidarité énergétique : la dérogation ne doit pas porter atteinte « à la concurrence sur les marchés concernés susceptibles d’être affectés par l’investissement ou au bon fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel, ni à l’efficacité du fonctionnement des réseaux réglementés concernés, ni à la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel dans l’Union ».

109. Ainsi, le principe de solidarité énergétique est pris en considération et son application est, en outre, facilitée par la consultation préalable des autorités des États membres ou des pays tiers concernés par la dérogation (74).

110. Le manque d’informations invoqué par la Commission lors de l’audience pour justifier la non‑appréciation, dans la décision litigieuse, du principe de solidarité énergétique ne me semble pas constituer un argument solide. Dans une affaire aussi importante pour le marché intérieur du gaz que la dérogation relative au gazoduc OPAL, les services de la Commission ne sauraient invoquer le manque d’informations obtenues de la part des États membres pour se dispenser d’apprécier l’incidence du principe de solidarité énergétique.

111. Je suis conscient que, comme la plupart des principes juridiques, le principe de solidarité énergétique a un certain degré d’abstraction, qui complique sa mise en œuvre.

112. Ce caractère relativement abstrait signifie, par définition, qu’il ne sera pas toujours facile de déduire du principe de solidarité énergétique des solutions univoques, car, dans son application pratique, il y aura, à côté des zones de certitude, d’autres zones plus grises que l’interprète devra soigneusement apprécier.

113. À mon avis (là encore concordant avec celui du Tribunal), ce principe exige, pour celui qui doit le mettre en pratique – en l’occurrence la Commission –, de procéder à une appréciation des intérêts en jeu au cas par cas. Il ne s’agit pas d’adopter une approche faisant abstraction du caractère unique de chaque situation, c’est‑à‑dire qui préjugerait dans tous les cas l’obtention d’un résultat déterminé (75).

114. Bien que je n’aie aucun doute sur le rejet de ce moyen, je reconnais qu’il convient de soigneusement évaluer l’intensité du contrôle que le Tribunal (ou, le cas échéant, la Cour) peut exercer sur des décisions de la Commission, telles que celle litigieuse en l’espèce, en vertu du principe de solidarité énergétique.

115. Ce contrôle doit être limité, étant donné qu’il s’agit de décisions relatives à des questions techniques complexes, à l’égard desquelles la Commission, plus que les juridictions, dispose d’une grande capacité d’analyse, tant technique qu’économique. C’est pourquoi, ainsi que le demande l’arrêt attaqué, la Commission doit apprécier toutes les conséquences, économiques et autres, inhérentes aux conditions et au niveau d’utilisation d’un gazoduc ainsi que leur incidence sur le marché européen et sur les marchés nationaux du gaz.

116. Le contrôle juridictionnel de ces décisions requiert, avant tout, de déterminer si les institutions de l’Union ont procédé à une mise en balance des intérêts en jeu compatible avec la solidarité énergétique, en tenant compte, je le répète, tant des intérêts des États membres que de ceux de l’ensemble de l’Union. Si la Commission a manifestement oublié un ou plusieurs États membres dans cette mise en balance de la situation, sa décision ne sera pas conforme aux exigences de ce principe.

117. Comme cela a été le cas pour d’autres principes du droit de l’Union, les contours de cette appréciation des intérêts à la lumière de celui de la solidarité énergétique devront être précisés lorsque l’appréciation sera soumise à l’examen de la Cour et auront un caractère évolutif, qui sera également influencé par l’évolution future de la politique énergétique de l’Union (76).

118. Les considérations qui précèdent m’amènent à proposer le rejet du premier moyen du pourvoi.

IX.    Sur le deuxième moyen du pourvoi : la limitation du principe de solidarité énergétique aux situations de crise

A.      Les allégations des parties

119. La République fédérale d’Allemagne soutient que le principe de solidarité dans le secteur de l’énergie n’était pas applicable dans la décision litigieuse. Ce principe ne s’appliquerait que dans des situations de crise d’approvisionnement et ne saurait être compris comme exigeant une « loyauté inconditionnelle » envers les intérêts de tous les États membres. S’il n’en allait pas ainsi, il y aurait un blocage des décisions en matière de politique énergétique.

120. Les références à la solidarité dans l’article 194, paragraphe 1, TFUE imposeraient de prendre en considération l’article 222 TFUE afin de préciser le contenu de cette notion, de sorte que la solidarité énergétique n’entraînerait une obligation d’assistance mutuelle que dans des situations de crise. Cela serait confirmé par l’article 13 du règlement 2017/1938.

121. Les Républiques de Pologne, de Lettonie et de Lituanie contestent ces affirmations.

B.      Appréciation

122. Je ne partage pas l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne. Je souscris, au contraire, à la position Tribunal, selon laquelle le principe de solidarité énergétique peut avoir des effets juridiques au-delà des situations de crise visées à l’article 222 TFUE.

123. Le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en affirmant, dans l’arrêt attaqué, que « le principe de solidarité énergétique ne saurait être limité à de telles situations extraordinaires, qui relèveraient exclusivement de la compétence du législateur de l’Union » et qu’il « comporte également une obligation générale, de la part de l’Union et des États membres, dans le cadre de l’exercice de leurs compétences respectives, de tenir compte des intérêts des autres acteurs » (points 71 et 72).

124. L’article 222 TFUE est l’une (mais pas la seule) des concrétisations du principe de solidarité dans le droit primaire de l’Union. Cet article prévoit l’assistance mutuelle entre États membres en cas d’attaque terroriste ou de catastrophe naturelle ou humaine.

125. Je ne vois cependant pas de raisons convaincantes de soutenir que la référence à la solidarité énergétique à l’article 194, paragraphe 1, TFUE devrait être limitée aux situations critiques visées à l’article 222 TFUE.

126. D’une part, une attaque terroriste ou une catastrophe naturelle ou humaine ne donne pas nécessairement lieu à une crise énergétique affectant les intérêts vitaux d’un État membre.

127. D’autre part, la solidarité énergétique entre les États peut être indispensable dans des situations autres que les attaques ou les catastrophes visées à l’article 222 TFUE.

128. Il en irait ainsi, à tout le moins, en cas de conjoncture économique grave (auquel cas la référence aux difficultés dans le domaine de l’énergie figurant à l’article 122, paragraphe 1, TFUE devient pertinente) ou de réduction significative de l’approvisionnement en raison de différends entre un pays tiers exportateur de gaz et un pays tiers de transit (crise entre l’Ukraine et la Russie de 2006, par exemple).

129. J’ai déjà expliqué que, selon moi, la solidarité énergétique va au‑delà de la simple sécurité de l’approvisionnement en énergie. Quand bien même elle serait limitée à cette dernière, ce principe aide à éviter les crises d’approvisionnement, ainsi que le suggère la République de Pologne dans ses observations, ce qui explique que la plupart des mécanismes prévus par le règlement 2017/1938 soient préventifs. Il est préférable que la solidarité énergétique opère en vue de prévenir les crises et ne se reflète pas uniquement dans les mécanismes de réaction à leur égard.

130. Je ne partage pas non plus l’argument par lequel la République fédérale d’Allemagne reproche au Tribunal d’avoir considéré que le principe de solidarité énergétique exprime une obligation de loyauté inconditionnelle consistant à mettre en balance les intérêts de tous les États membres.

131. Cet argument ne correspond pas à une lecture correcte de l’arrêt attaqué, dont le point 77 indique que « [l]’application du principe de solidarité énergétique ne signifie [...] pas que la politique de l’Union en matière d’énergie ne doive en aucun cas avoir d’incidences négatives pour les intérêts particuliers d’un État membre en matière d’énergie ».

132. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la République fédérale d’Allemagne, le Tribunal n’a pas affirmé que le principe de solidarité énergétique implique une loyauté inconditionnelle respectant les intérêts de tous les États membres.

133. Le Tribunal a affirmé dans l’arrêt attaqué (et c’est une appréciation que je partage) que ce principe exige une mise en balance des intérêts en jeu des différents États membres et de l’Union lors de l’adoption de décisions en matière énergétique.

134. Partant, le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté.

X.      Sur le troisième moyen du pourvoi : le Tribunal a commis une erreur en considérant que la Commission a méconnu le principe de solidarité énergétique

A.      Les allégations des parties

135. Selon la République fédérale d’Allemagne, c’est à tort que le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas apprécié les conséquences du principe de solidarité énergétique et de la décision litigieuse sur le marché polonais du gaz.

136. D’après elle, la Commission a bien apprécié cette incidence, ce que démontreraient les éléments de preuve suivants :

–        la présentation par la République de Pologne, en 2013, d’observations dans le cadre de la procédure consultative préalable à l’adoption de la décision litigieuse ;

–        l’étude, par un groupe de travail composé de représentants du ministère de l’Énergie de la Fédération de Russie, de la Commission, de la BNetzA et de Gazprom, relative à l’exploitation plus efficace du gazoduc OPAL ;

–        le contenu du communiqué de presse de la Commission sur la décision litigieuse ;

–        la situation factuelle de la République de Pologne concernant l’approvisionnement en gaz et le contenu de son contrat de transit avec Gazprom jusqu’en 2022 ;

–        l’incidence de l’utilisation accrue du gazoduc OPAL sur l’utilisation du gazoduc Yamal ;

–        le pourcentage d’importation de gaz russe en Pologne et l’utilisation croissante de gaz naturel liquéfié, au moyen de laquelle la République de Pologne entend être indépendante du gaz russe à l’horizon 2022/2023 ;

–        les avantages de la décision litigieuse en ce qui concerne le marché polonais du gaz, les échanges transfrontaliers et la sécurité de l’approvisionnement.

137. Eu égard à ces éléments factuels, la République fédérale d’Allemagne considère que la Commission a correctement tenu compte, dans la décision litigieuse, de la situation du marché polonais du gaz, qu’il n’était pas nécessaire d’analyser de manière approfondie.

138. La République de Pologne estime que le moyen est irrecevable, car il porte sur de simples appréciations factuelles du Tribunal et que, si ce moyen était déclaré recevable, il devrait être rejeté, position que la République de Pologne partage avec la République de Lettonie.

139. La République de Lituanie examine ce moyen conjointement avec le quatrième et soutient également qu’il doit être rejeté.

B.      Appréciation

140. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, en application du principe de solidarité, « il incombait à la Commission, dans le cadre de la décision attaquée, d’apprécier si la modification du régime d’exploitation du gazoduc OPAL, proposée par l’autorité de régulation allemande, pouvait affecter les intérêts en matière d’énergie d’autres États membres et, dans l’affirmative, de mettre en balance ces intérêts avec l’intérêt que ladite modification présentait pour la République fédérale d’Allemagne et, le cas échéant, l’Union » (77).

141. Selon le Tribunal, la décision litigieuse ne contient pas une telle analyse : « non seulement le principe de solidarité n’est pas mentionné dans la décision attaquée, mais celle‑ci ne fait pas apparaître que la Commission a, de fait, procédé à un examen de ce principe » (78).

142. Le Tribunal reconnaît que, « au point 4.2 de la décision attaquée (considérants 48 à 53), la Commission a fait des observations sur le critère de [...] la sécurité d’approvisionnement » de l’Union en général (79). Il affirme toutefois que cet examen n’a pas porté sur les « incidences de la modification du régime d’exploitation du gazoduc OPAL sur la sécurité d’approvisionnement de la Pologne ».

143. Le Tribunal a ajouté, comme je l’ai déjà indiqué (80), que, dans la décision litigieuse, « il n’apparaît pas que la Commission a examiné quelles pourraient être les conséquences, à moyen terme, notamment pour la politique en matière d’énergie de la République de Pologne, du transfert vers la voie de transit Nord Stream 1/OPAL d’une partie des volumes de gaz naturel transportés auparavant par les gazoducs Yamal et Braterstwo, ni qu’elle a mis en balance ces effets avec l’augmentation de la sécurité d’approvisionnement au niveau de l’Union, constatée par elle » (81).

144. La Commission, qui est le destinataire direct des critiques formulées dans l’arrêt du Tribunal sur ce point, ne les a pas contestées.

145. Il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE ainsi que de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit.

146. Selon une jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les éléments de preuve qu’il retient à l’appui de ces faits. Dès lors que ces éléments ont été obtenus régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (82).

147. Pour pouvoir être censurée par la Cour, la dénaturation des éléments de preuve doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (83).

148. La première chose à noter dans le cadre de ce moyen est que la République fédérale d’Allemagne n’a pas invoqué de dénaturation des faits et des éléments de preuve appréciés par le Tribunal.

149. Elle se contente, dans ce moyen, de fournir la version des faits qu’elle considère attestés, pour en déduire que la décision litigieuse « ne mettrait pas en péril la sécurité d’approvisionnement de la République de Pologne ».

150. Selon la requérante, une fois la sécurité de l’approvisionnement en Pologne établie, « la Commission n’avait aucune raison d’examiner les conséquences de la [décision litigieuse] de manière approfondie pour la République de Pologne – c’est-à-dire dans une mesure similaire à celle pour la République tchèque ».

151. Cette prémisse (points 38 et 39 de la requête en pourvoi) sape le développement ultérieur du moyen, en ce qu’il n’est pas relevé que :

–        d’une part, le Tribunal a explicitement indiqué que la Commission n’avait pas apprécié, lors de son examen, les « incidences de la modification du régime d’exploitation du gazoduc OPAL sur la sécurité d’approvisionnement de la Pologne » ;

–        d’autre part, le reproche du Tribunal à l’encontre de la décision litigieuse allait au-delà de la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Pologne. Le grief du Tribunal portait sur le fait que, sur ce point, la Commission n’avait pas abordé les « aspects plus larges du principe de solidarité énergétique ».

152. Le troisième moyen est irrecevable en ce qu’il conteste ces affirmations de l’arrêt attaqué sans alléguer la dénaturation des faits constatés par le Tribunal.

XI.    Sur le quatrième moyen du pourvoi : la Commission n’était pas tenue de mentionner expressément le principe de solidarité énergétique dans la décision litigieuse

A.      Les allégations des parties

153. La République fédérale d’Allemagne affirme que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant, au point 79 de l’arrêt attaqué, que « non seulement le principe de solidarité n’est pas mentionné dans la décision attaquée, mais celle‑ci ne fait pas apparaître que la Commission a, de fait, procédé à un examen de ce principe ».

154. Pour la requérante, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle cite expressément le principe de solidarité énergétique. Lorsqu’elle adopte ses décisions, la Commission n’est pas tenue de les motiver de manière exhaustive ; il suffit qu’elle expose les considérations juridiques essentielles pour comprendre le raisonnement qui justifie la décision.

155. Les Républiques de Pologne et de Lituanie contestent ces affirmations.

B.      Appréciation

156. Le quatrième moyen du pourvoi est inopérant dans la mesure où il est dirigé contre une affirmation du Tribunal qui ne constitue pas le fondement de sa décision.

157. Le Tribunal – qui a, certes, souligné l’absence de mention du principe de solidarité énergétique dans la décision litigieuse – n’a pas annulé cette dernière en raison de cette absence de référence, mais parce que la Commission n’avait pas procédé à un examen approprié des exigences de ce principe.

158. Pour le Tribunal, ainsi que je l’ai déjà indiqué, cette analyse obligeait la Commission à tenir compte de l’incidence de la pleine utilisation du gazoduc OPAL sur le marché polonais du gaz, sur d’autres États membres et sur l’Union dans son ensemble.

159. Ce qui importait n’était donc pas la simple mention du principe (84), mais l’appréciation adéquate de ses incidences sur les intérêts en jeu dans le cadre de la dérogation relative au gazoduc OPAL. Le Tribunal a estimé que cette appréciation n’avait pas été faite, indépendamment du fait qu’elle aurait pu conduire ou non, si elle avait été effectuée, à la libéralisation complète du gazoduc OPAL en faveur de Gazprom et de ses entreprises alliées.

160. Le quatrième moyen est donc fondé sur une compréhension incorrecte de l’arrêt attaqué qui, je le répète, n’a pas annulé la décision litigieuse en raison de l’absence de mention expresse du principe de solidarité énergétique.

161. L’arrêt attaqué pourrait être taxé de formaliste (85) si l’omission de la citation dudit principe avait été un élément déterminant de l’annulation contrebalancé par un contenu de la décision montrant la prise en considération effective de ce principe pour tous les acteurs concernés. C’est en réalité ce dernier point que le Tribunal conteste.

162. En effet, le Tribunal relève que la Commission a analysé, en substance, l’incidence de l’extension de la dérogation relative au gazoduc OPAL sur le marché tchèque du gaz, mais a négligé d’examiner son incidence, significative, sur le marché polonais du gaz et sur les marchés d’autres États d’Europe centrale et orientale (86).

163. Par conséquent, le quatrième moyen du pourvoi doit être rejeté.

XII. Sur le cinquième moyen du pourvoi : les prétendus vices de forme

A.      Les allégations des parties

164. La République fédérale d’Allemagne soutient, en premier lieu, que, quand bien même la motivation de la décision litigieuse serait considérée insuffisante, cette erreur n’a pas eu d’incidence sur la décision sur le fond. Par conséquent, la décision n’aurait pas dû être annulée par le Tribunal (87).

165. En second lieu, elle fait valoir que la demande d’annulation aurait dû être formulée relativement à la décision initiale (de 2009). Le Tribunal aurait commis une erreur de procédure en tenant compte de l’argument de la République de Pologne – considéré tardif par la République fédérale d’Allemagne – tiré de la violation du principe de solidarité énergétique par la décision litigieuse.

166. Les Républiques de Pologne et de Lituanie contestent ces affirmations.

B.      Appréciation

167. Le premier argument du cinquième moyen doit être écarté, car le Tribunal n’a pas annulé la décision litigieuse pour défaut de motivation, mais pour méconnaissance du principe de solidarité énergétique, tel que formulé à l’article 194, paragraphe 1, TFUE.

168. Il convient également de rejeter le second argument en ce qu’il conteste, sans fondement, le droit de la République de Pologne de demander, dans le délai prescrit, l’annulation de la décision litigieuse, au motif que cet État membre n’a pas, à l’époque, formé de recours contre la décision initiale (de 2009).

169. Cette affirmation présuppose, à tout le moins, que la République de Pologne avait un intérêt à l’annulation de la décision initiale et, surtout, que la décision litigieuse reproduisait le contenu de la première.

170. Une telle allégation ne saurait être partagée, car, précisément, la décision de 2016 (la décision litigieuse) a modifié les conditions de la dérogation reconnues dans la décision initiale, ce qui ouvre la porte à son contrôle juridictionnel, indépendant de celui qui aurait pu être effectué à l’égard de la décision de 2009.

171. Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté.

XIII. Sur les dépens

172. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

173. Dans la présente affaire, la République de Pologne a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens.

XIV. Conclusion

174. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de :

1)      rejeter les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi formé par la République fédérale d’Allemagne,

2)      déclarer le troisième moyen du pourvoi formé par la République fédérale d’Allemagne irrecevable, et

3)      condamner la République fédérale d’Allemagne à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la République de Pologne.


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Arrêt Pologne/Commission (T‑883/16, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:567).


3      OPAL est l’acronyme de Ostseepipeline-Anbindungsleitung. Le gazoduc OPAL est la section terrestre, à l’ouest, du gazoduc Nord Stream, dont le point d’entrée se trouve à proximité de la localité de Lubmin, près de Greifswald, en Allemagne, et le point de sortie dans la localité de Brandov, en République tchèque. Le gazoduc Nord Stream transporte en Allemagne, via la mer Baltique, le gaz provenant de gisements russes. Le gazoduc Nord Stream dispose d’un autre prolongement terrestre, le gazoduc NEL (Nordeuropäische Erdgasleitung), d’une capacité de 20 millions de mètres cubes, allant de Greifswald aux Pays‑Bas et au reste de l’Europe occidentale.


4      Décision C(2016) 6950 final de la Commission, du 28 octobre 2016, portant révision des conditions de dérogation du gazoduc OPAL, accordées en vertu de la directive 2003/55/CE, aux règles relatives à l’accès des tiers et à la réglementation tarifaire (ci‑après la « décision litigieuse »). La version faisant foi est la version en langue allemande et il n’existe qu’une autre version, en langue anglaise. Cette décision a été publiée sur le site Internet de la Commission le 3 janvier 2017.


5      Confirmer l’applicabilité du principe de solidarité énergétique pourrait avoir une incidence sur le développement de la politique énergétique de l’Union, de plus en plus liée à sa politique climatique, outre d’autres implications, soit géopolitiques (en termes de fourniture de gaz à l’Europe par la Russie et son entreprise d’État Gazprom), soit économiques (concernant l’utilisation des gazoducs qui approvisionnent l’Europe et les entreprises les exploitant).


6      Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94), qui a abrogé et remplacé la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE (JO 2003, L 176, p. 57).


7      Directive du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 modifiant la directive 2009/73 (JO 2019, L 117, p. 1).


8      Loi allemande sur l’approvisionnement en électricité et en gaz (BGBl. 2005 I, p. 1970, 3621).


9      Les deux décisions concernaient les quotes-parts respectivement détenues par les deux propriétaires du gazoduc OPAL, qui appartient à 80 % à WIGA Transport Beteiligungs-GmbH & Co. (ci‑après « WIGA », antérieurement W & G Beteiligungs-GmbH & Co. KG, antérieurement Wingas GmbH & Co. KG) et à 20 % à E.ON Ruhrgas AG. WIGA est contrôlée conjointement par OAO Gazprom et BASF SE. La société exploitant la part du gazoduc OPAL appartenant à WIGA est OPAL Gastransport GmbH & Co. KG (ci‑après « OGT »).


10      Le gazoduc OPAL possède une capacité de quelque 36,5 milliards de m3/an sur sa partie nord, entre Greifswald et le point d’entrée de Groß-Köris au sud de Berlin (Allemagne). Sur sa partie sud, entre Groß-Köris et le point de sortie à Brandov, il a une capacité de 32 milliards de m3/an. La différence de 4,5 milliards de m3/an était destinée à être vendue dans la zone de commerce Gaspool, comprenant le nord et l’est de l’Allemagne.


11      Selon Ridley, A., « Gazprom refused to provide a gas release programme because it would have resulted in an open auction for gas with third parties. In such an auction, the prices set at market could have been used against Gazprom. For example, customers with long term supply contracts with Gazprom, with price review clauses, could have been incentivised to use the evidence of those auctions to take Gazprom to arbitration to force a reduction in the price they themselves paid for gas. Therefore, Gazprom and its German ally were limited to using no more than half of the pipeline capacity » (Ridley, A., « The “principe of solidarité” : OPAL, Nord Stream, and the shadow over Gazprom », Atlantic Council, 17 octobre 2019, https://www.atlanticcouncil.org/blogs/energysource/the-principle-of-solidarity-opal-nord-stream-and-the-shadow-over-gazprom/).


12      Yafimava, K., « The OPAL Exemption Decision : past, present, and future », Oxford Institute for Energy Studies, 2017, p. 10 à 13, consultable à l’adresse suivante : https://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2017/01/The-OPAL-Exemption-Decision-past-present-and-future-NG-117.pdf.


13      En substance, la modification envisagée par la BNetzA consistait à remplacer la limitation des capacités pouvant être réservées par des entreprises dominantes, imposée en application de la décision initiale, par l’obligation, pour OGT, d’offrir au moins 50 % de la capacité exploitée par elle, à savoir 15 864 532 kWh/h (environ 12,3 milliards de m3/an), dans le cadre de mises aux enchères, dont 14064532 kWh/h (environ 10,98 milliards de m3/an) sous forme de capacités fermes dynamiquement attribuables (feste dynamisch zuordenbare Kapazitäten, DZK) et 1 800 000 kWh/h (environ 1,38 milliard de m3/an) sous forme de capacités fermes librement attribuables (feste frei zuordenbare Kapazitäten, FZK) au point de sortie de Brandov. Au cas où, lors de deux années consécutives, la demande de capacités FZK dépasserait l’offre initiale de 1 800 000 kWh/h, OGT était tenue, sous certaines conditions, d’augmenter l’offre de telles capacités jusqu’à un plafond de 3 600 000 kWh/h (environ 2,8 milliards de m3/an).


14      Le gazoduc Brotherhood part de Russie, traverse l’Ukraine et la Slovaquie et entre en République tchèque, d’où le gaz est également acheminé, via des gazoducs connectés, vers d’autres États membres. Gazprom fournit également du gaz au moyen du gazoduc Yamal, qui passe par la Biélorussie, entre dans les pays baltes, traverse la Pologne, entre en Allemagne et continue au-delà.


15      Selon Ridley, A., « In December 2016, Gazprom – with the assistance and application of the German energy regutor – was able to obtain an Amendment to the 2009 OPAL exemption from the European Commission. In essence, the cap was lifted. 50 percent of OPAL’s capacity would be exempt from third party access and tariff regulation. The rest of the pipeline’s capacity would be subject to two auction regimes. However, as Gazprom was dominant in the marketplace, the reality was that Gazprom or Gazprom’s allies would take up all the auctioned capacity. In essence, Gazprom was gifted the rest of the capacity by the Commission. The actual operation of the pipeline after december 2016 demonstrated that this is exactly what happened. OPAL wholly became a route for flooding Gazprom‑controlled gas from Nord Stream 1, while gas flows through the Ukrainian transit route along the Brotherhood pipeline network fell » (Ridley, A., « The “principe of solidarité” : OPAL, Nord Stream, and the shadow over Gazprom », Atlantic Council, 17 octobre 2019, https://www.atlanticcouncil.org/blogs/energysource/the-principle-of-solidarity-opal-nord-stream-and-the-shadow-over-gazprom/).


16      Le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours en annulation introduit par cette entreprise contre la décision litigieuse, pour défaut de qualité pour agir, considérant que l’entreprise n’était ni directement ni individuellement concernée par la décision litigieuse et que cette dernière ne constituait pas un acte réglementaire (ordonnance du 15 mars 2018, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission, T‑130/17, non publiée, EU:T:2018:155).


17      Le Tribunal a également rejeté son recours comme irrecevable, là aussi pour défaut de qualité pour agir, par l’ordonnance du 14 décembre 2017, PGNiG Supply & Trading/Commission (T‑849/16, EU:T:2017:924).


18      Arrêts du 4 décembre 2019, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission (C‑342/18 P, non publié, EU:C:2019:1043), et PGNiG Supply & Trading/Commission (C‑117/18 P, non publié, EU:C:2019:1042), ainsi qu’ordonnance du 4 décembre 2019, Pologne/Commission (C‑181/18 P, non publiée, EU:C:2019:1041).


19      Arrêt attaqué, points 71 à 73.


20      Arrêt attaqué, point 77.


21      Arrêt attaqué, point 81.


22      Arrêt attaqué, point 82.


23      Arrêt attaqué, point 83.


24      « Bundesnetzagentur orders immediate implementation of OPAL judgment of European Court », https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/EN/2019/20190913_Opal.html.


25      En particulier, le 30 décembre 2019, Gazprom et Naftogaz Ukrainy ont signé des accords relatifs au transit de gaz russe par l’Ukraine pour la période 2020‑2024, pour un volume de 65 milliards de m3 en 2020 et de 40 milliards de m3 pour la période 2021‑2024 (soit 225 milliards de m3 en tout), avec des dispositions relatives à l’envoi de volumes supplémentaires, si nécessaire. Voir, à cet égard, Pirani, S., et Sharples, J., « The Russia-Ukraine gas transit deal : opening a new chapter », Energy Insight : 64, Oxford Institute for Energy Studies, février 2020, consultable à l’adresse suivante : https://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2020/02/The-Russia-Ukraine-gas-transit-deal-Insight-64.pdf.


26      Le gazoduc Nord Stream 2 est composé de deux conduites et permettra d’acheminer du gaz de Vyborg (Russie) à Lubmin (Allemagne), près de Greifswald (Allemagne). Une fois sur le territoire allemand, le gaz acheminé par le gazoduc Nord Stream 2 sera transporté par le gazoduc terrestre ENEL ainsi que par le gazoduc terrestre EUGAL, nouvellement construit, tous deux étant également réglementés en Allemagne au titre de la directive 2009/73.


27      Voir analyse de Pirani, S., Sharples, J., Yafimava, K., et Yermakov, V., « Implications of the Russia-Ukraine Gas Transit Deal for Alternative Pipeline Routes and the Ukrainian and European markets », Energy Insight : 65, Oxford Institute for Energy Studies, mars 2020, consultable à l’adresse : https://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2020/03/Insight-65-Implications-of-the-Russia-Ukraine-gas-transit-deal-for-alternative-pipeline-routes-and-the-Ukrainian-and-European-markets.pdf.


28      Voir note en bas de page 31 des présentes conclusions.


29      L’article 2, paragraphe 17, de la directive 2009/73, telle que modifiée, prévoit désormais que la notion d’« interconnexion » vise non seulement « [toute] conduite de transport qui traverse ou franchit la frontière entre deux États membres afin de relier le réseau de transport national de ces États membres », mais également « [toute] conduite de transport entre un État membre et un pays tiers jusqu’au territoire des États membres ou jusqu’à la mer territoriale dudit État membre ».


30      L’article 49 bis, paragraphe 1, de la directive 2019/692 indique que, « [e]n ce qui concerne les conduites de transport de gaz entre un État membre et un pays tiers achevées avant le 23 mai 2019, l’État membre sur le territoire duquel est situé le premier point de connexion d’une telle conduite de transport au réseau [de cet] État membre peut décider de déroger [à certaines dispositions de la directive 2009/73] pour les tronçons de cette conduite de transport de gaz situés sur son territoire et dans sa mer territoriale, pour des raisons objectives, telles que le fait de permettre la récupération de l’investissement consenti ou pour des motifs de sécurité d’approvisionnement, pour autant que la dérogation ne soit pas préjudiciable à la concurrence, au fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz naturel ou à la sécurité d’approvisionnement dans l’Union ». Cet article 49 bis, paragraphe 1, indique également, d’une part, que cette dérogation « est limitée à une durée maximale de vingt ans sur la base d’une justification objective, renouvelable si cela se justifie, et peut être assortie de conditions contribuant à la réalisation des conditions précitées » et, d’autre part, que « [d]e telles dérogations ne s’appliquent pas aux conduites de transport entre un État membre et un pays tiers qui est tenu de transposer la directive [2009/73, telle que modifiée,] dans son ordre juridique en vertu d’un accord conclu avec l’Union ».


      En outre, la directive 2019/692 a modifié l’article 36 de la directive 2009/73, qui indique désormais, à son paragraphe 1, sous e), que la dérogation accordée en vertu de cette disposition aux nouvelles infrastructures existantes ne doit pas porter atteinte, notamment, « à la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel dans l’Union ».


31      Ordonnances du 20 mai 2020, Nord Stream/Parlement et Conseil (T‑530/19, EU:T:2020:213), et Nord Stream 2/Parlamento et Conseil (T‑526/19, EU:T:2020:210), cette dernière faisant l’objet d’un pourvoi dans l’affaire C‑348/20 P, Nord Stream 2/Parlamento et Conseil, encore pendante.


32      Décision BK7‑20‑004 de la BNetzA, du 15 mai 2020, consultable à l’adresse : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Beschlusskammern/1_GZ/BK7-GZ/2020/BK7‑20‑0004/BK7‑20‑0004_Beschluss_EN_download.pdf ?_blob=publicationFile&v=3.


33      Affaire WT/DS476/R, Union européenne et ses États membres – Certaines mesures relatives au secteur de l’énergie. Les informations sur ce différend se trouvent sur la page Internet de l’OMC.


34      Affaire WT/DS476/R, précitée, notamment points 7.1000 à 7.1003. Voir analyse de Pogoretsky, V., et Talus, K., « The WTO Panel Report in EU-Energy Package and its implications for the EU’s gas market and energy security », World Trade Review, no 4, 2020, p. 531 à 549.


35      La décision du groupe spécial de l’OMC omet de tenir compte du fait que le programme de cession de capacités du gazoduc OPAL aurait permis à Gazprom d’utiliser toute la capacité du gazoduc, même si, pour cela, elle aurait dû mettre aux enchères près de la moitié du gaz naturel transporté, ce qu’elle a évité de faire, car, apparemment, cela ne l’intéressait pas commercialement, comme je l’ai expliqué précédemment.


36      Les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée « sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non‑discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes » (mise en italique par mes soins).


37      Mise en italique par mes soins. L’article 3 TUE cite également la « solidarité entre les générations » (paragraphe 3) et la « solidarité et [le] respect mutuel entre les peuples » (paragraphe 5).


38      Aux termes du paragraphe 2 de cette disposition, « l’Union conduit, définit et met en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune fondée sur un développement de la solidarité politique mutuelle des États membres ». Le paragraphe 3 prévoit que « [l]es États membres appuient activement et sans réserve la politique extérieure et de sécurité de l’Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle [...]. Les États membres œuvrent de concert au renforcement et au développement de leur solidarité politique mutuelle ».


39      Ces politiques et leur mise en œuvre « sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, y compris sur le plan financier. Chaque fois que cela est nécessaire, les actes de l’Union adoptés en vertu du présent chapitre contiennent des mesures appropriées pour l’application de ce principe ».


40      Le paragraphe 1 de cette disposition permet à l’Union de « décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l’approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l’énergie ». Conformément au paragraphe 2, l’Union peut octroyer une assistance financière à un État membre « [l]orsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle ».


41      « L’Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine ».


42      Pour une vue d’ensemble et interdisciplinaire de la solidarité dans le droit de l’Union, voir Coman, R., Fromont, L., et Weyembergh, A. (éd.), Les Solidarités européennes. Entre enjeux, tensions et reconfigurations, Bruylant, Bruxelles, 2019.


43      L’approbation au Conseil européen des 10 et 11 décembre 2020 du cadre financier pluriannuel 2021‑2027 et de l’instrument de relance de l’Union européenne (Next Generation EU) constitue probablement la plus grande avancée de l’ensemble de l’histoire de l’Union en termes de solidarité. Pour la première fois, l’Union va s’endetter en levant des fonds sur les marchés des capitaux afin de financer, au moyen de subventions et de prêts à grande échelle, la reprise économique des États membres, en fonction de la mesure dans laquelle ils sont affectés par la COVID-19.


44      Van Cleynenbreugel, P., se réfère à la solidarité en tant que « a background inspirational value for EU law and policy initiatives, without, however, being fundamentally guiding as a legal principle [...] » (Van Cleynenbreugel, P., « Typologies of solidarity in EU law : a non‑shifting landscape in the wake of economic crise », dans Biondi, E., Dagilyté, E., et Küçük, E. (éd.), Solidarity in EU Law. Legal principle in the making, Edward Elgar, Cheltenham, 2018, p. 25 et 36). Dagilyté, E., « Solidarity : a general principle of EU law ? Two variations on the solidarity theme », dans Biondi, E., Dagilyté, E., et Küçük, E. (éd.), précité, p. 62 affirme quant à lui : « although solidarity is inherent in the EU legal order as a foundational value, it cannot (yet) be defined as a general principle of EU law ».


45      Levade, A., « La valeur constitutionnelle du principe de solidarité », dans Boutayeb, C. (dir.), La solidarité dans l’Union européenne : éléments constitutionnels et matériels, Dalloz, Paris, 2011, p. 41 et suiv. ; Ross, M., « Solidarity : A new constitutional paradigm for the EU ? », dans Ross, M., et Borgmann-Prebil, Y. (éd.), Promoting Solidarity in the European Union, Oxford University Press, Oxford, 2010, p. 23 à 45.


46      Berramdane, A., « Solidarité, loyauté dans le droit de l’Union européenne », dans Boutayeb, C. (dir.), La solidarité dans l’Union européenne : éléments constitutionnels et matériels, Dalloz, Paris, 2011, p. 55 et suiv.


47      Arrêt du 10 décembre 1969 (6/69 et 11/69, non publié, EU:C:1969:68, point 16).


48      Arrêt du 7 février 1973, IBM/Commission (39/72, EU:C:1973:13, point 25).


49      Arrêts du 22 janvier 1986, Eridania zuccherifici nazionali e.a. (250/84, EU:C:1986:22, point 20) ; du 29 septembre 1987, Fabrique de fer de Charleroi et Dillinger Hüttenwerke/Commission (351/85 et 360/85, EU:C:1987:392, point 21), et du 11 mai 2000, Gascogne Limousin viandes (C‑56/99, EU:C:2000:236, points 40 et 42).


50      Je renvoie à l’analyse de Küçük, E., « Solidarity in EU law : an elusive political statement or a legal principle with substance ? », dans Biondi, A., Dagilyté, E., et Küçük, E. (éd.), Solidarity in EU Law. Legal principle in the making, Edward Elgar, Cheltenham, 2018, p. 56 à 60.


51      Arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale) (C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, points 80 et 181). Voir, également, arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil (C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 291).


52      Arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale) (C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, points 80 et 181) : « les charges que comportent les mesures provisoires prévues par les décisions 2015/1523 et 2015/1601, dès lors qu’elles ont été adoptées en vertu de l’article 78, paragraphe 3, TFUE aux fins d’aider la République hellénique et la République italienne à mieux faire face à une situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers sur leur territoire, doivent, en principe, être réparties entre tous les autres États membres, conformément au principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les États membres, dès lors que, conformément à l’article 80 TFUE, ce principe régit la politique de l’Union en matière d’asile ».


53      Dans ses conclusions du 31 octobre 2019 dans les affaires jointes Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale) (C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2019:917, point 253), l’avocate générale Sharpston a affirmé que « [l]a solidarité constitue l’épine dorsale du projet européen ».


54      Il semblerait que les pays baltes et les pays d’Europe centrale et orientale aient fait pression pour inclure la référence à la solidarité, après le risque de cessation de l’approvisionnement en gaz à la suite de la crise entre la Russie et l’Ukraine de 2006. Voir Andoura, S., « La solidarité énergétique en Europe : de l’indépendance à l’interdépendance », Notre Europe, juillet 2013, p. 33 à 35.


55      Ainsi que la République fédérale d’Allemagne et la Commission l’ont reconnu lors de l’audience.


56      Aux termes de cette disposition, les règles de l’Union « n’affectent pas le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique, sans préjudice de l’article 192, paragraphe 2, point c) ». Dans son arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742, points 48 et 49), la Cour a considéré que, sur le fondement de cette disposition, le choix de l’énergie nucléaire appartient aux États membres.


57      Arrêts du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a. (72/83, EU:C:1984:256, points 34 et 35), et du 4 juin 2002, Commission/Belgique (C‑503/99, EU:C:2002:328, point 46).


58      COM(2015) 80 final, du 25 février 2015, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement sur le Cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique. Dans ce cadre stratégique, la Commission indique : « Principe explicitement mentionné dans le traité, l’esprit de solidarité dans le domaine énergétique est aussi au cœur de notre Union de l’énergie » (p. 4).


59      Voir règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) no 663/2009 et (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil (JO 2018, L 328, p. 1) ; document COM(2020) 80 final, du 4 mars 2020, proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement 2018/1999 (loi européenne sur le climat), ainsi que document COM(2019) 640 final, du 11 décembre 2019, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur le pacte vert pour l’Europe.


60      Règlement (UE) no 347/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, et abrogeant la décision no 1364/2006/CE et modifiant les règlements (CE) no 713/2009, (CE) no 714/2009 et (CE) no 715/2009 (JO 2013, L 115, p. 39).


61      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2017 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant le règlement (UE) no 994/2010 (JO 2017, L 280, p. 1).


62      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant la directive 2004/67/CE du Conseil (JO 2010, L 295, p. 1).


63      Sur ce mécanisme, voir arrêt du 20 décembre 2017, Eni e.a. (C‑226/16, EU:C:2017:1005).


64      L’article 13 du règlement 2017/1938 prévoit un mécanisme de solidarité qui protège un État membre se trouvant en situation de crise parce qu’il ne dispose pas de suffisamment de gaz pour approvisionner ses clients protégés. Dans ces conditions, l’État ou les États membres avec lesquels l’État concerné par la crise est connecté ont l’obligation de lui fournir du gaz pour approvisionner ses clients protégés, y compris en réduisant l’approvisionnement des clients non protégés de leurs territoires. Le mécanisme n’est activé que lorsque l’État en crise n’a pas été en mesure d’y faire face en mettant en œuvre les mesures prévues par son plan national d’urgence. En outre, il doit verser une indemnité équitable à l’État membre qui lui fournit le gaz.


65      Un mécanisme parallèle d’aide en cas de crise de l’approvisionnement en électricité a été créé par le règlement (UE) 2019/941 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE (JO 2019, L 158, p. 1).


66      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union (JO 2019, L 79, p. 1).


67      Dans ses conclusions dans l’affaire Eni e.a. (C‑226/16, EU:C:2017:616, points 33 et 34), il affirmait : « Cette référence à la solidarité entre États membres [dans l’article 194, paragraphe 1, TFUE], laquelle a été ajoutée dans la rédaction du texte du traité de Lisbonne, se place dans un contexte dans lequel le principe de solidarité entre États membres a assumé un caractère qu’on pourrait définir de “principe constitutionnel”. [...] [L]e principe de la solidarité entre États membres assume une pertinence particulière au regard de l’approvisionnement dans le domaine de l’énergie ».


68      Lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a nuancé cette affirmation et a reconnu que la solidarité énergétique est un principe juridique, mais que le Tribunal l’avait mal appliqué dans l’arrêt attaqué.


69      Arrêt attaqué, point 70.


70      Il ne serait pas facile d’expliquer aux États auxquels il a été reproché, à juste titre, de méconnaître les exigences juridiques du principe de solidarité en ce qui concerne la relocalisation de demandeurs de protection internationale que ce principe n’a pas d’effets juridiques lorsqu’il s’agit de solidarité énergétique.


71      Arrêt attaqué, points 70 à 72.


72      La Cour a indiqué, dans le domaine des aides d’État, que, si ces dernières méconnaissent des principes généraux du droit de l’Union, elles ne peuvent pas être déclarées compatibles avec le marché intérieur. Voir, à cet égard, arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast (C‑390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51), et du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 44). Dans ce dernier arrêt, relatif à une aide d’État à la centrale nucléaire de Hinkley Point (Royaume‑Uni), la Cour (point 49) a envisagé la possibilité d’annuler la décision de la Commission autorisant cette aide d’État, en application des principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité. Elle a toutefois considéré que ces principes généraux ne s’opposent pas, en toutes circonstances, à l’octroi d’aides d’État en faveur de la construction ou de l’exploitation d’une centrale nucléaire, qui est prévue par le traité Euratom.


73      Décision C(2020) 8377 final de la Commission, du 25 novembre 2020, concernant la dérogation aux règles relatives à l’accès des tiers et à la réglementation tarifaire du Terminal GNL du Système indépendant de gaz naturel d’Alexandroupolis (points 29 à 32), et décision de la Commission C(2020) 8948 final, du 8 décembre 2020, concernant la dérogation aux règles relatives à l’accès des tiers et à la réglementation tarifaire du Terminal GNL de South Hook en application de l’article 36 de la directive 2009/73/CE (paragraphes 43 à 46).


74      Le nouvel article 36, paragraphe 3, second alinéa, de la directive 2009/73, tel que modifié, dispose :


      « Avant d’adopter la décision relative à la dérogation, l’autorité de régulation nationale ou, le cas échéant, une autre autorité compétente dudit État membre consulte :


      a) les autorités de régulation nationales des États membres dont les marchés sont susceptibles d’être affectés par les nouvelles infrastructures ; et


      b) les autorités compétentes des pays tiers, lorsque l’infrastructure concernée est reliée au réseau de l’Union sous la juridiction d’un État membre et a son origine ou prend fin dans un ou plusieurs pays tiers ».


75      Voir Buschle, D., et Talus, K., « One for All and All for One ? The General Court ruling in the OPAL Case », Oil Gas & Energy Law Intelligence, no 5, 2019, p. 8.


76      Boute, A., « The principle of solidarity and the geopolitics of energy : Poland v. Commission (OPAL Pipeline) », Common Market Law Review, no 3, 2020, p. 889 à 914, notamment p. 912.


77      Arrêt attaqué, point 78.


78      Arrêt attaqué, point 79.


79      Arrêt attaqué, points 80 et 81.


80      Point 32 des présentes conclusions.


81      Arrêt attaqué, point 82.


82      Arrêts du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission (C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 63), et du 26 mars 2020, Larko/Commission (C‑244/18 P, EU:C:2020:238, point 25).


83      Arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 41).


84      La décision litigieuse est un texte de neuf articles, mais avec une motivation très détaillée, presque exhaustive, de 170 considérants. Il est frappant qu’une telle motivation ne contienne pas une seule référence au principe de solidarité énergétique et à son incidence sur les mesures adoptées.


85      Voir critique de l’arrêt attaqué par Boute, A., « The principle of solidarity and the geopolitics of energy : Poland v. Commission (OPAL Pipeline) », Common Market Law Review, 2020, p. 913.


86      Voir, à cet égard, critiques de l’appréciation de la Commission par Szydło, M., « Disputes over the pipelines importing Russian gas to the EU : how to ensure consistency in EU energy law and policy ? », Baltic Journal of Law & Politics, no 11, 2018, p. 95 à 126.


87      Elle renvoie notamment à l’arrêt du 7 novembre 2013, Gemeinde Altrip e.a. (C‑72/12, EU:C:2013:712, point 51).