Language of document : ECLI:EU:T:2023:94

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

1er mars 2023 (*) 

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative PERFECT FARMA CERVIRON – Marque nationale non enregistrée antérieure CERVIRON – Cause de nullité relative – Article 8, paragraphe 4, et article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 4, et article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑36/22,

Romedor Pharma SRL, établie à Focşani (Roumanie), représentée par Me E.-M. Dicu, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme R. Manea et M. E. Markakis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Perfect Care Distribution SRL, établie à Bucarest (Roumanie), représentée par Me R. Pop, avocate,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Romedor Pharma SRL, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 17 novembre 2021 (affaire R 522/2021-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 3 mars 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 9 août 2012 par l’intervenante, Perfect Care Distribution SRL, pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 5 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.

5        À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a invoqué un droit antérieur sur le signe CERVIRON dans le cadre de la commercialisation et de la distribution des produits en cause sur le marché roumain.

6        Le 1er février 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

7        Le 23 mars 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que c’était à bon droit que la division d’annulation avait considéré que l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 n’était pas remplie, à savoir que, en vertu du droit de l’État membre qui était applicable au signe antérieur, celui-ci devait donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. En particulier, la chambre de recours a constaté que la requérante invoquait une marque non enregistrée et qu’elle n’avait pas apporté la preuve que cette marque lui conférait un tel droit d’interdiction en vertu du droit des États membres concernés, à savoir la République italienne et la Roumanie.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        faire droit à la demande en nullité de la marque contestée.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

12      À titre liminaire, il convient de noter que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 9 août 2012, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1) (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

13      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 et du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

14      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références à l’article 60, paragraphe 1, sous c), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance, dans leurs écritures, comme visant l’article 53, paragraphe 1, sous c), et l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

 Sur la recevabilité des éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal 

15      L’EUIPO excipe de l’irrecevabilité des annexes A.9, A.10, A.13 à A.15 et A.17 de la requête en ce qu’elles ont été produites pour la première fois au cours de la procédure devant le Tribunal. L’intervenante estime quant à elle que, pour ce même motif, ce sont les annexes A.12 à A.17 qui sont irrecevables.

16      L’EUIPO et l’intervenante font également valoir que la requérante ne saurait invoquer pour la première fois devant le Tribunal certaines dispositions de la législation roumaine qui n’ont pas été présentées auparavant à l’EUIPO. Les invoquer au stade de la procédure devant le Tribunal serait irrecevable.

 Sur les annexes de la requête présentées pour la première fois devant le Tribunal

17      Les annexes de la requête dont la recevabilité est contestée peuvent être brièvement décrites comme suit :

–        annexe A.9 : une demande en déchéance introduite devant le Tribunalul Bucureşti (tribunal de Bucarest, Roumanie), dont une copie est communiquée au Tribunal pour démontrer que l’article 55 de la lege nr. 84 privind mărcile și indicațiile geografice (loi no 84 sur les marques et les indications géographiques), du 15 avril 1998 (Monitorul Oficial al României, no 337, du 8 mai 2014) (ci-après la « loi no 84/1998 »), est pertinent aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 ;

–        annexe A.10 : une décision du Tribunalul Bucureşti (tribunal de Bucarest) sur cette demande en déchéance ;

–        annexe A.12 : une décision d’approbation du système de garantie de la qualité des produits, rendue par l’Istituto Superiore di Sanità (institut supérieur de la santé, Italie), à l’attention de INNATE Srl ;

–        annexe A.13 : un certificat délivré par RINA Services SpA à INNATE, du 11 mai 2011 ;

–        annexe A.14 : un certificat délivré par RINA Services à INNATE, du 9 mai 2011 ;

–        annexe A.15 : un « avis de fonctionnement » du 14 juin 2019 concernant la requérante, émis par l’Agenţia Naţională a Medicamentului şi a Dispozitivelor Medicale (agence nationale du médicament et des dispositifs médicaux, Roumanie) ;

–        annexe A.16 : un document émis par l’agence nationale du médicament et des dispositifs médicaux, du 25 octobre 2016, qui, selon la requérante, confirme la mise sur le marché en Roumanie d’un produit portant la marque CERVIRON ;

–        annexe A.17 : un rapport d’évaluation émis par l’agence nationale du médicament et des dispositifs médicaux, du 3 juin 2019.

18      Il y a lieu de relever que les annexes A.12 et A.16 faisaient partie du dossier administratif devant la chambre de recours. Dès lors, ces annexes n’ont pas été présentées pour la première fois devant le Tribunal et sont donc recevables.

19      En revanche, force est de constater que tel n’était pas le cas des documents constituant les annexes A.9, A.10, A.13 à A.15 et A.17.

20      L’annexe A.10 est constituée d’une décision d’une juridiction nationale appliquant l’article 55 de la loi no 84/1998. À ce titre, sa recevabilité est examinée ci-après en ce qui concerne l’invocation de certaines dispositions législatives roumaines pour la première fois devant le Tribunal.

21      S’agissant des annexes A.9, A.13 à A.15 et A.17, il convient de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 16 mars 2022, Laboratorios Ern/EUIPO – Nordesta (APIAL), T‑315/21, non publié, EU:T:2022:141, point 18 et jurisprudence citée].

22      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

23      Il en résulte que les annexes A.9, A.13 à A.15 et A.17, présentées pour la première fois devant le Tribunal, doivent être déclarées irrecevables.

 Sur l’invocation de certaines dispositions de la législation roumaine pour la première fois devant le Tribunal

24      L’EUIPO et l’intervenante soutiennent que la requérante ne saurait invoquer pour la première fois devant le Tribunal l’article 6, paragraphe 3, sous c) à e), et les articles 26, 55 et 56 de la loi no 84/1998.

25      Il ressort du dossier administratif devant la chambre de recours que, devant celle-ci, la requérante a invoqué l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998, en soutenant qu’il s’agissait du seul texte juridique concernant la protection des marques non enregistrées en Roumanie.

26      En outre, s’agissant des sites Internet invoqués par la requérante devant l’EUIPO afin d’identifier le contenu du droit national pertinent, la chambre de recours a constaté dans la décision attaquée qu’aucun d’entre eux ne comportait d’éléments relatifs à la loi no 84/1998 ou au droit roumain. Comme ladite chambre l’a relevé, le même constat a été fait par la division d’annulation et n’a pas été remis en cause par la requérante. Ce n’est que dans la requête que cette dernière a indiqué un site Internet comportant, selon elle, l’intégralité du texte de la loi no 84/1998.

27      Il convient de rappeler que l’article 16, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625 est libellé ainsi :

« Le demandeur [en nullité] présente les faits, preuves et arguments à l’appui de la demande jusqu’à la clôture de la phase contradictoire de la procédure […] de nullité. Le demandeur produit notamment les éléments suivants :

[…]

b)       dans le cas d’une demande au titre de l’article 60, paragraphe 1, du règlement […] 2017/1001, les preuves requises par l’article 7, paragraphe 2, du présent règlement […] »

28      Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2018/625, il est prévu ce qui suit :

« […] [Le demandeur en nullité] produit également la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que la preuve de son habilitation à former opposition. [Il] apporte notamment les preuves suivantes :

[…]

d)       lorsque l’opposition se fonde sur un droit antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement […] 2017/1001, la preuve de l’usage dudit droit dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, ainsi que la preuve de son acquisition, de sa permanence et de l’étendue de la protection conférée par ce droit, y compris, lorsque le droit antérieur est invoqué en vertu du droit d’un État membre, une indication claire du contenu de la législation nationale invoquée en fournissant les publications des dispositions ou de la jurisprudence correspondantes […] »

29      En l’espèce, la requérante alléguant une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, il résulte des dispositions du règlement délégué 2018/625 rappelées au point 28 ci-dessus qu’il lui incombait de produire devant l’EUIPO la preuve du contenu de la législation nationale invoquée.

30      Ainsi qu’il a été rappelé au point 21 ci-dessus, le contrôle de la légalité de la décision attaquée ne pouvant se faire qu’au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours lorsqu’elle a examiné les arguments de la requérante tirés de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, cette dernière ne saurait invoquer pour la première fois devant le Tribunal des éléments de preuve visant à établir le contenu du droit national applicable au sens de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2018/625 [voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2016, Group/EUIPO – Iliev (GROUP Company TOURISM & TRAVEL), T‑567/14, EU:T:2016:371, point 20].

31      Partant, il y a lieu de considérer comme irrecevables les mentions figurant dans la requête qui visent des dispositions du droit roumain autres que l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998.

32      La précision apportée dans la requête selon laquelle l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998 est devenu l’article 6, paragraphe 3, sous c) et d), de ladite loi ne saurait infirmer la conclusion énoncée au point 31 ci-dessus.

33      En effet, devant l’EUIPO, la requérante a invoqué l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998, libellé ainsi :

« Une marque peut également être refusée à l’enregistrement, ou si elle est enregistrée, est susceptible d’être annulée si :

[…]

des droits découlant d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans le cadre de l’activité commerciale ont été acquis avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque ultérieure, ou avant la date de priorité revendiquée par la demande d’enregistrement de la marque plus récente, et si cette marque non enregistrée ou ce signe utilisé donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation de la marque plus récente. »

34      À supposer que, comme la requérante le soutient, cette disposition soit devenue l’article 6, paragraphe 3, sous c) et d), de la loi no 84/1998, le libellé serait devenu, selon la requérante, ce qui suit :

« Une marque peut également être refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être annulée si […] il existe un signe pour lequel des droits ont été acquis avant la demande d’enregistrement de la marque et si ce signe confère à son titulaire le droit d’interdire l’usage d’une marque ultérieure en Roumanie. »

35      Force est de constater que le libellé de cette disposition n’est pas le même que celui de l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998 invoqué par la requérante devant l’EUIPO, rappelé au point 33 ci-dessus. Il s’agit donc d’une disposition du droit roumain présentée comme élément de preuve pour la première fois au Tribunal qui doit, dès lors, être écartée comme irrecevable.

 Sur le fond

36      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, en ce que la chambre de recours n’aurait pas correctement appliqué la condition selon laquelle le signe concerné doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

37      La requérante fait observer qu’elle a produit devant la chambre de recours les documents nécessaires pour prouver son usage de la marque non enregistrée CERVIRON en Roumanie et en Italie avant le dépôt de la marque contestée et jusqu’à présent. Elle rappelle aussi qu’elle a communiqué à ladite chambre le texte de l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998.

38      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la législation roumaine ne permettait pas au titulaire d’une marque non enregistrée d’interdire à un tiers l’usage d’une marque ultérieure.

39      Enfin, la requérante soutient que la chambre de recours a estimé à tort que la demande en nullité était fondée sur une marque non enregistrée et non sur un nom commercial.

40      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

41      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 53, paragraphe 1, sous c), du même règlement, le titulaire d’un signe autre qu’une marque enregistrée peut demander la nullité d’une marque de l’Union européenne si celui-ci remplit cumulativement quatre conditions : premièrement, ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires ; deuxièmement, il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; troisièmement, le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, et, quatrièmement, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [voir arrêts du 23 octobre 2013, Dimian/OHMI – Bayer Design Fritz Bayer (Baby Bambolina), T‑581/11, non publié, EU:T:2013:553, point 22 et jurisprudence citée, et du 2 décembre 2020, Monster Energy/EUIPO – Nanjing aisiyou Clothing (Représentation d’une griffure), T‑35/20, non publié, EU:T:2020:579, point 67 et jurisprudence citée].

42      Si les deux premières conditions doivent être interprétées à la lumière du droit de l’Union, les deux dernières s’apprécient au regard du droit qui régit le signe concerné [voir arrêt du 1er septembre 2021, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO – Wong (GT RACING), T‑463/20, non publié, EU:T:2021:530, point 37 et jurisprudence citée].

43      S’agissant de la quatrième condition, selon laquelle, en vertu du droit de l’État membre qui est applicable au signe concerné, celui-ci doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, la requérante était non seulement obligée d’apporter des éléments établissant le contenu des législations nationales, mais également des éléments démontrant qu’elle remplissait les conditions requises, conformément à ces législations nationales, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque de l’Union européenne en vertu d’un droit antérieur [voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2016, Universal Protein Supplements/EUIPO – H Young Holdings (animal), T‑727/14 et T‑728/14, non publié, EU:T:2016:372, point 35].

44      Les quatre conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 étant cumulatives, il suffit de déterminer, à la lumière des principes énoncés aux points 41 à 43 ci-dessus, si la chambre de recours a correctement mis en œuvre la quatrième d’entre elles, à savoir celle selon laquelle le droit de l’État membre applicable au signe antérieur doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

45      En l’espèce, les États membres concernés sont la République italienne et la Roumanie.

46      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la requérante invoquait une marque non enregistrée et non un nom commercial. Elle a relevé que le seul texte de droit roumain dont cette dernière se prévalait était l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998, qui ne faisait que correspondre, en substance, à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009. Selon la décision attaquée, la requérante n’avait donc établi ni les conditions d’acquisition d’un droit sur une marque non enregistrée ni l’étendue de la protection d’une telle marque en Roumanie. Elle n’aurait donc pas démontré que, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le droit roumain lui donnait « le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente » sur la base du signe antérieur.

47      En ce qui concerne le droit italien, la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait fourni aucune information.

48      Par conséquent, elle en a conclu que la quatrième condition cumulative d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 n’était pas remplie et que le recours devait être rejeté.

49      En premier lieu, il convient de noter que, comme l’a considéré la chambre de recours à juste titre, le signe antérieur est une marque non enregistrée et n’a pas la nature d’un nom commercial. En effet, une marque a pour fonction essentielle de garantir l’origine de produits ou services (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 42), alors qu’un nom commercial n’a pas, en lui-même, cette finalité (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, point 21).

50      Or, en dépit de la terminologie fluctuante employée dans la requête pour décrire le droit antérieur dont la requérante se prévaut, il ressort des annexes A.12, A.16 et A.18 que ce mot a été apposé sur les produits commercialisés par elle pour les distinguer d’autres produits, donc pour servir la fonction d’une marque. En outre, ainsi que la chambre de recours l’a considéré à titre subsidiaire, la requérante n’a présenté aucun élément de droit national démontrant qu’elle aurait le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente en vertu du droit applicable aux noms commerciaux. Il convient donc d’écarter les arguments de la requérante selon lesquels le signe antérieur est un nom commercial, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur recevabilité, d’ailleurs contestée par l’EUIPO.

51      En deuxième lieu, comme il a été constaté au point 25 ci-dessus, aux fins de la preuve du droit roumain applicable, la requérante a soutenu devant la chambre de recours que l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998 était le seul texte juridique concernant la protection des marques non enregistrées en Roumanie.

52      Comme l’a considéré la chambre de recours, force est de constater que l’article 6, paragraphe 4, sous b), de la loi no 84/1998 correspond, en substance, à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, dont les conditions d’application ont été rappelées au point 41 ci-dessus. Le contenu de cette disposition législative roumaine se limitant à cela, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu’elle ne pouvait en déduire ni les conditions d’acquisition d’un droit sur une marque non enregistrée ni l’étendue de la protection d’une telle marque en Roumanie, notamment en ce qui concerne un éventuel droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

53      Comme il a été rappelé aux points 27 et 28 ci-dessus, la preuve du droit national applicable incombait à la requérante, conformément aux dispositions combinées de l’article 7, paragraphe 2, sous d), et de l’article 16, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625. Or, la chambre de recours a relevé à juste titre que la requérante n’avait apporté aucune preuve des conditions d’acquisition d’un droit sur une marque non enregistrée, ni de l’étendue de la protection d’une telle marque en Roumanie, notamment sur la question de l’existence d’un droit roumain d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

54      Il en va de même en ce qui concerne le droit italien, la chambre de recours n’ayant pu que constater que la requérante n’avait produit aucun élément prouvant le contenu de ce droit au sens de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2018/625.

55      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a estimé que la quatrième condition d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 n’était pas remplie et que la demande en nullité devait être rejetée.

56      Cette conclusion n’est pas infirmée par les éléments présentés par la requérante concernant l’usage du signe antérieur, la question de l’usage étant dépourvue de pertinence aux fins de déterminer s’il existe, dans les législations nationales concernées, un droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, ainsi que le requiert l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

57      Elle n’est pas non plus remise en cause par la jurisprudence selon laquelle, dans les circonstances où l’EUIPO peut être appelé à tenir compte, notamment, du droit national de l’État membre dans lequel un droit antérieur sur lequel est fondée l’opposition jouit d’une protection, il doit s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissent utiles à cet effet, sur le droit national de l’État membre concerné, au cas où de telles informations seraient nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’un motif relatif de refus et, notamment, de la matérialité des faits avancés ou de la force probante des pièces présentées. Cette obligation de s’informer d’office sur le droit national pèse, le cas échéant, sur l’EUIPO dans l’hypothèse où il dispose déjà d’indications relatives au droit national, soit sous forme d’allégations quant à son contenu, soit sous forme d’éléments versés aux débats et dont la force probante a été alléguée [arrêt du 20 mars 2013, El Corte Inglés/OHMI – Chez Gerard (CLUB GOURMET), T‑571/11, EU:T:2013:145, point 41 ; voir, également, arrêt du 2 décembre 2020, Représentation d’une griffure, T‑35/20, non publié, EU:T:2020:579, points 82 et 83 et jurisprudence citée].

58      Or, en l’espèce, comme cela a été exposé aux points 51 à 54 ci-dessus, force est de constater que, devant la chambre de recours, la requérante n’a pas apporté la preuve du contenu du droit national qui lui incombait en vertu des dispositions combinées de l’article 7, paragraphe 2, sous d), et de l’article 16, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625. En effet, elle n’a fourni aucune information sur les conditions à remplir pour interdire l’utilisation de la marque contestée en vertu du droit des deux États membres qu’elle a mentionnés, de sorte qu’il ne saurait être reproché à l’EUIPO de ne pas avoir usé en l’espèce de son pouvoir de vérification.

59      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique invoqué par la requérante doit être écarté et il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

61      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de celui-ci.

62      L’intervenante n’ayant pas conclu sur les dépens, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Romedor Pharma SRL supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

3)      Perfect Care Distribution SRL supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.