Language of document : ECLI:EU:T:2010:437

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

18 octobre 2010 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Refus d’une institution de traduire une décision – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑515/09 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 7 octobre 2009, Marcuccio/Commission (F‑3/08, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Luigi Marcuccio, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, J. Azizi et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, le requérant, M. Luigi Marcuccio, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 7 octobre 2009, Marcuccio/Commission (F‑3/08, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision par laquelle la Commission des Communautés européennes a refusé de lui envoyer la traduction de l’anglais vers l’italien de la décision de rejet d’une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut des fonctionnaires »), qu’il avait introduite dans cette dernière langue et, d’autre part, à obtenir la condamnation de la Commission à lui verser des dommages-intérêts.

 Antécédents du litige, procédure en première instance et ordonnance attaquée

2        Le requérant, fonctionnaire de grade A 7 à la direction générale « Développement » de la Commission, a été affecté à Luanda au sein de la délégation de la Commission en Angola à compter du 16 juin 2000.

3        À partir du 4 janvier 2002, le requérant s’est trouvé en congé de maladie à son domicile à Tricase (Italie) et n’a jamais repris ses fonctions.

4        Par note datée du 19 juillet 2005 et rédigée en italien, le requérant a, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires, saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») d’une demande tendant à ce que lui soit versée, au titre de la période de stage probatoire augmentée d’un mois, l’indemnité journalière visée à l’article 10, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII du statut des fonctionnaires.

5        Par décision datée du 13 décembre 2005 et rédigée en anglais, la Commission a explicitement rejeté cette demande (ci-après la « décision du 13 décembre 2005 »).

6        Par note datée du 27 janvier 2007 et rédigée en italien, le requérant a demandé que lui soit envoyée une traduction dans cette même langue de la décision du 13 décembre 2005 (ci-après la « demande du 27 janvier 2007 »).

7        Par décision du 15 février 2007, également rédigée en anglais, et que le requérant indique avoir reçue le 19 mars suivant, la Commission a rejeté la demande du 27 janvier 2007 (ci-après la « décision litigieuse »). La Commission a, en substance, motivé la décision litigieuse en exposant que le requérant, qui avait appartenu au service extérieur de la Commission et exercé ses fonctions au sein d’une délégation dans un pays tiers, possédait une très bonne maîtrise de la langue anglaise et qu’il était, de ce fait, inutile qu’elle lui communique une telle traduction.

8        Par note datée du 26 mai 2007, et parvenue à la Commission le 4 juin suivant, le requérant a, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires, introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.

9        Cette réclamation a fait l’objet d’une décision implicite de rejet (ci-après la « décision de rejet de la réclamation ») le 4 octobre 2007.

10      Le 3 janvier 2008, le requérant a introduit devant le Tribunal de la fonction publique un recours ayant pour objet notamment l’annulation de la décision litigieuse et une demande de dommages-intérêts.

11      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté ce recours comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit et condamné le requérant aux dépens ainsi qu’au paiement audit Tribunal, en application de l’article 94 de son règlement de procédure, de la somme de 1 000 euros à titre de frais de justice qui auraient pu être évités.

12      Plus précisément, en ce qui concerne la demande en annulation, le Tribunal de la fonction publique, après avoir considéré qu’il convenait d’en apprécier directement le bien-fondé sans se prononcer sur sa recevabilité, a rejeté le premier moyen du requérant, tiré de ce que la décision litigieuse aurait été, en raison de sa rédaction en anglais, entachée d’un « défaut absolu » de motivation. D’après le Tribunal de la fonction publique, il ressortait en effet des pièces du dossier que l’anglais était la langue de travail du requérant lorsqu’il exerçait ses fonctions au sein de la délégation et que celui-ci avait indiqué dans son curriculum vitae qu’il disposait d’une maîtrise courante de cette langue, attestée par des diplômes (points 27 et 28 de l’ordonnance attaquée).

13      S’agissant du deuxième moyen du requérant, tiré de la « violation du droit applicable et des formes substantielles », le Tribunal de la fonction publique a observé, au point 29 de l’ordonnance attaquée, que, selon la jurisprudence, il incombe aux institutions, en vertu du devoir de sollicitude, d’adresser à un fonctionnaire une décision individuelle libellée dans une langue que celui-ci maîtrise de façon approfondie. Or, le requérant ayant, en l’espèce, une connaissance approfondie de l’anglais, il ne saurait reprocher à la Commission ni d’avoir rédigé dans cette langue la décision du 13 décembre 2005, ni d’avoir refusé d’accéder à sa demande tendant à ce qu’une traduction en italien de cette décision lui soit communiquée.

14      Le Tribunal de la fonction publique a ensuite estimé qu’une telle conclusion ne saurait être remise en cause ni sur la base de l’article 21, troisième alinéa, CE, ni sur le fondement du point 4 du code de bonne conduite administrative, publié sous couvert de la décision 2000/633/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 17 octobre 2000, modifiant son règlement intérieur (JO L 267, p. 63), ni sur la base de l’article 41, paragraphe 4, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), dispositions invoquées par le requérant afin de démontrer l’existence d’un droit pour un fonctionnaire à recevoir les réponses aux lettres qu’il envoie aux institutions dans la langue de la correspondance initiale. En effet, selon le Tribunal de la fonction publique, les relations entre les institutions et leurs agents, lorsque ceux-ci introduisent en leur qualité de fonctionnaire ou d’autre agent une demande, une réclamation ou un recours au titre des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, ne relèvent que de ce dernier (points 30 à 33 de l’ordonnance attaquée).

15      Le Tribunal de la fonction publique a par ailleurs considéré que, si les institutions étaient tenues, en toute hypothèse, de répondre à la demande d’un fonctionnaire dans la langue utilisée dans ladite demande, il en découlerait des difficultés insurmontables pour celles-ci (point 31 de l’ordonnance attaquée).

16      Le Tribunal de la fonction publique a également écarté le troisième moyen par lequel le requérant reprochait à la Commission d’avoir méconnu le devoir de sollicitude et de bonne administration. À cet égard, il a observé que l’envoi au requérant de la décision du 13 décembre 2005 dans une langue que celui-ci maîtrisait de façon approfondie était conforme aux exigences découlant dudit devoir, quand bien même l’intéressé se serait estimé contraint, pour défendre par la suite ses droits devant les juridictions communautaires, de recourir à un avocat connaissant l’anglais ou de faire traduire en italien les décisions de la Commission rédigées en anglais (point 34 de l’ordonnance attaquée).

17      En ce qui concerne la demande en indemnité, elle a été rejetée par le Tribunal de la fonction publique au motif qu’elle présentait un lien étroit avec les conclusions en annulation jugées dépourvues de tout fondement en droit (points 36 et 37 de l’ordonnance attaquée).

18      Enfin, le Tribunal de la fonction publique a condamné le requérant, d’une part, à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et, d’autre part, à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de remboursement des frais de justice qui auraient pu être évités, en application de l’article 94 du règlement de procédure de ce même Tribunal.

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

19      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2009, le requérant a introduit le présent pourvoi.

20      À la suite du dépôt du mémoire en réponse de la Commission le 8 mars 2010, le requérant a, par lettre du 29 mars 2010, demandé de pouvoir présenter un mémoire en réplique, conformément à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le président de la chambre des pourvois du Tribunal a rejeté cette demande par décision du 8 avril 2010.

21      Par lettre parvenue au greffe du Tribunal le 18 mai 2010, le requérant a, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, demandé à celui-ci d’ouvrir la phase orale de la procédure.

22      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        si nécessaire, déclarer que le recours devant le Tribunal de la fonction publique ayant donné lieu à l’ordonnance attaquée était recevable ;

–        faire droit aux conclusions présentées devant le Tribunal de la fonction publique ;

–        condamner la Commission aux dépens des deux instances ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme irrecevable et/ou dépourvu de fondement ;

–        condamner le requérant aux dépens de l’instance ainsi qu’aux dépens de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique.

 En droit

24      En vertu de l’article 145 du règlement de procédure, le Tribunal peut, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le rejeter à tout moment par voie d’ordonnance motivée, et ce même si une partie a demandé au Tribunal la tenue d’une audience (ordonnances du Tribunal du 24 septembre 2008, Van Neyghem/Commission, T‑105/08 P, non encore publiée au Recueil, point 21, et du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, non encore publiée au Recueil, point 10).

25      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

26      À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève trois moyens, tirés en substance, le premier, de la violation de l’obligation de motivation ainsi que d’une dénaturation des faits, le deuxième, de la violation du droit de tout individu de s’adresser à une institution en utilisant n’importe quelle langue officielle de l’Union européenne et de recevoir une réponse dans la même langue et, le troisième, d’une erreur de droit dans l’interprétation et dans l’application de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et d’une dénaturation des faits

–       Arguments des parties

27      Le requérant fait valoir que la motivation fournie par le Tribunal de la fonction publique pour parvenir à la conclusion qu’il était à même de comprendre le contenu de la décision litigieuse, bien qu’elle ait été rédigée en anglais, serait arbitraire et illogique.

28      En effet, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles la simple circonstance que le requérant ait utilisé l’anglais comme langue de travail jusqu’en 2001 et qu’il ait rédigé, à cette même époque, un curriculum vitae indiquant qu’il maîtrisait cette langue, en se référant à des diplômes attestant ses connaissances, permettait de conclure que, en 2007, il aurait toujours été en mesure de comprendre un document rédigé dans ladite langue. À cet égard, le requérant soutient que le niveau de connaissance d’une langue étrangère acquis par un individu n’est pas immuable, mais peut subir des dégradations, voire se perdre complètement.

29      La Commission soutient que le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé.

–       Appréciation du Tribunal

30      À titre liminaire, il convient de relever que la question du respect de l’obligation de motivation, prévue à l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique à l’égard d’une ordonnance rejetant le recours comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit, doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, cette question relevant de la légalité au fond de l’ordonnance en question (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I-2481, point 35, et du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I‑2289, point 48).

31      En effet, d’une part, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 181, et la jurisprudence citée). D’autre part, le fait que le juge de première instance soit, sur le fond, parvenu à une conclusion différente de celle du requérant ne saurait en soi entacher l’ordonnance attaquée d’un défaut de motivation (voir arrêt de la Cour du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, non encore publié au Recueil, point 35, et la jurisprudence citée).

32      Or, au point 28 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a expliqué les raisons pour lesquelles il a considéré que le requérant maîtrisait la langue anglaise, en se référant à l’expérience professionnelle de celui-ci, à son curriculum vitae et à ses diplômes.

33      Il s’ensuit que l’ordonnance attaquée n’est pas viciée par un défaut de motivation.

34      Pour autant que le requérant conteste l’appréciation des éléments factuels qui a amené le Tribunal de la fonction publique à conclure qu’il maîtrisait l’anglais, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le pourvoi devant le Tribunal étant limité aux questions de droit conformément à l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour les apprécier. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge du pourvoi (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 2 octobre 2001, BEI/Hautem, C‑449/99 P, Rec. p. I‑6733, point 44, et ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L/Commission, C‑230/05 P, non publiée au Recueil, point 45).

35      En outre, l’appréciation par le juge de première instance de la force probante d’un document ne peut, en principe, être soumise au contrôle du Tribunal dans le cadre d’un pourvoi. Le Tribunal de la fonction publique est ainsi seul compétent pour apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise au juge du pourvoi (voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, non encore publié au Recueil, point 198, et la jurisprudence citée).

36      Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêts du Tribunal du 12 mars 2008, Rossi Ferreras/Commission, T‑107/07 P, non encore publié au Recueil, point 30, et du 26 novembre 2008, OHMI/López Teruel, T‑284/07 P, non encore publié au Recueil, point 47).

37      Le pouvoir de contrôle du Tribunal sur les constatations de fait opérées par le Tribunal de la fonction publique s’étend donc, notamment, à l’inexactitude matérielle de ces constatations résultant des pièces du dossier, à la dénaturation des éléments de preuve, à la qualification juridique de ceux-ci et à la question de savoir si les règles en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 39, et la jurisprudence citée).

38      Or, les allégations du requérant dans le cadre du présent pourvoi concernant la prétendue perte de sa connaissance de la langue anglaise ne permettent pas de considérer que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits ou commis des inexactitudes matérielles lorsqu’il a apprécié, au point 28 de l’ordonnance attaquée, les éléments factuels produits par la Commission dans son mémoire en défense et dans ses annexes. De même, dans la mesure où c’est la Commission qui a fourni les éléments de preuve permettant au Tribunal de la fonction publique de conclure à l’absence de nécessité d’établir une traduction en italien de la décision du 13 décembre 2005, les règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve ont été respectées. Quant à la qualification des faits effectuée par le Tribunal de la fonction publique afin d’en tirer la conclusion que, sur la base des dispositions applicables et de la jurisprudence pertinente, il n’existait pas d’obligation pour la Commission d’envoyer au requérant une traduction de la décision du 13 décembre 2005, il y a lieu de constater que la question de savoir si une telle obligation existe fait également l’objet du deuxième moyen.

39      Sous réserve de l’examen de cette question, qui sera effectué ci-après, il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté en partie comme manifestement non fondé et en partie comme manifestement irrecevable. 

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit de tout individu de s’adresser à une institution en utilisant n’importe quelle langue officielle de l’Union et de recevoir une réponse dans la même langue

–       Arguments des parties

40      Le requérant invoque l’article 21, troisième alinéa, CE, duquel il ressortirait clairement que le droit d’écrire aux institutions dans une des langues officielles de l’Union et de recevoir une réponse dans la même langue appartient à l’ensemble des citoyens de l’Union, y compris les fonctionnaires de celle-ci, à la différence de ce qu’a affirmé le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée. Les dispositions du traité ayant une valeur constitutionnelle, des décisions jurisprudentielles ne pourraient y déroger ou apporter des limitations non expressément prévues.

41      En outre, le requérant conteste la référence faite par le Tribunal de la fonction publique, au point 31 de l’ordonnance attaquée, aux difficultés insurmontables auxquelles les institutions seraient confrontées si elles étaient toujours tenues de répondre à la demande d’un fonctionnaire dans la même langue que celle utilisée dans celle-ci et fait notamment valoir qu’une règle de droit ne peut être interprétée de manière à exclure son application uniquement parce que cette dernière soulève des difficultés pratiques d’organisation et que, à supposer qu’elles existent réellement, lesdites difficultés pourraient en tout état de cause être éliminées par l’adoption de mesures d’organisation interne de la part de l’institution concernée.

42      Le requérant s’appuie également sur l’article 41, paragraphe 4, de la charte des droits fondamentaux, disposition au titre de laquelle toute personne, y compris, selon le requérant, les fonctionnaires, peut s’adresser aux institutions de l’Union dans une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même langue. Il souligne à cet égard que ladite charte a désormais acquis la même force juridique que celle des traités.

43      Enfin, le requérant soutient que, en tout état de cause, une institution communautaire qui est saisie, par une personne à qui s’applique le statut des fonctionnaires, d’une demande rédigée dans une langue officielle de l’Union et qui ne répond pas dans la même langue ne peut légitimement refuser à l’intéressé qui en fait la demande de lui fournir une traduction de la réponse dans cette même langue.

44      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

45      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les nombreuses références dans les traités à l’emploi des langues dans l’Union ne peuvent être considérées comme étant la manifestation d’un principe général de droit de l’Union assurant à chaque citoyen le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances. Un tel principe ne saurait non plus être déduit du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385). En effet, ce règlement n’est pas applicable aux relations entre les institutions et leurs fonctionnaires et agents, en ce qu’il fixe uniquement le régime linguistique applicable entre les institutions de l’Union et un État membre ou une personne relevant de la juridiction de l’un des États membres. Les fonctionnaires de l’Union relèvent de la seule juridiction de celle-ci, s’agissant de l’application des dispositions du statut des fonctionnaires. En outre, l’article 6 du règlement n° 1 permet expressément aux institutions de déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs (voir arrêt du Tribunal du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T‑185/05, Rec. p. II‑3207, point 117 à 119, et la jurisprudence citée).

46      Par ailleurs, il ressort également de la jurisprudence que le fait que des documents adressés par l’administration à l’un de ses fonctionnaires soient rédigés dans une langue autre que sa langue maternelle ou que la langue étrangère choisie par lui n’est constitutif d’aucune violation des droits dudit fonctionnaire, s’il possède une maîtrise de la langue utilisée par l’administration lui permettant de prendre effectivement et facilement connaissance du contenu des documents en question (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 45 supra, point 132, et la jurisprudence citée).

47      En effet, s’il est vrai qu’une institution ne saurait se contenter d’adresser à un fonctionnaire une décision individuelle rédigée dans l’une de ses langues de travail, elle n’est obligée de fournir une traduction au fonctionnaire que lorsque celui-ci ne maîtrise pas suffisamment la langue utilisée (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 45 supra, point 144, et la jurisprudence citée).

48      Il s’ensuit que, le Tribunal de la fonction publique ayant constaté, lors de l’appréciation des faits pour laquelle il est seul compétent et qui n’est pas viciée par une dénaturation (voir point 38 ci-dessus), que le requérant maîtrisait l’anglais de manière suffisante pour comprendre aisément le contenu de la décision du 13 décembre 2005, il n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a jugé que le requérant n’avait pas droit à recevoir une traduction de ladite décision, et ce d’autant moins que cette dernière ne se composait que de quelques lignes rédigées dans un langage simple et non technique.

49      Il y a dès lors lieu de rejeter l’argument du requérant tiré de la violation de l’article 21, troisième alinéa, CE.

50      S’agissant de l’invocation par le requérant de l’article 41, paragraphe 4, de la charte des droits fondamentaux, les considérations formulées à propos de l’article 21, troisième alinéa, CE s’appliquent, et ce quelle que soit la valeur juridique de ladite charte.

51      Enfin, en ce qui concerne les arguments du requérant critiquant la référence faite par le Tribunal de la fonction publique, au point 31, dernière phrase, de l’ordonnance attaquée, aux difficultés insurmontables auxquelles les institutions de l’Union seraient confrontées si elles devaient répondre à toute demande introduite par un fonctionnaire dans la langue choisie par celui-ci lors de l’introduction de sa demande, il y a lieu de constater qu’il s’agit de considérations formulées à titre surabondant.

52      En effet, ainsi que le confirme le fait que ladite phrase débute par l’expression « au demeurant », ces considérations ont été insérées après que le Tribunal de la fonction publique avait rejeté le moyen du requérant tiré de la violation de l’article 21, troisième alinéa, CE en se fondant sur le fait que les relations entre les fonctionnaires et les institutions dont ils dépendent relèvent d’une lex specialis, le statut des fonctionnaires.

53      Ce raisonnement ayant été confirmé par le Tribunal, lesdits arguments sont inopérants et doivent être rejetés (voir arrêt du Tribunal du 12 mai 2010, Bui Van/Commission, T‑491/08 P, non encore publié au Recueil, point 52, et la jurisprudence citée).

54      Il ressort de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble comme manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et dans l’application de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique

–       Arguments des parties

55      Le requérant soutient que, selon l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, la condamnation au remboursement des frais exposés par ce Tribunal suppose cumulativement que, dans l’affaire en question, celui-ci ait engagé des frais qui auraient pu être évités et que le montant des frais effectivement engagés par la juridiction soit égal ou supérieur à la somme à laquelle la partie est condamnée. Selon le requérant, le Tribunal de la fonction publique aurait omis de constater, voire de prouver, que ces conditions étaient réunies en l’espèce.

56      Par ailleurs, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique de ne pas s’être limité à prendre en considération les circonstances du cas d’espèce mais de s’être référé à des faits étrangers à ce dernier.

57      Il s’ensuivrait que le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas correctement motivé sa décision de condamner le requérant au remboursement des frais en cause et aurait outrepassé les limites des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 94 de son règlement de procédure.

58      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

59      Il ressort de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe I du statut de la Cour qu’un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens. Il en résulte que, dans l’hypothèse où tous les autres moyens d’un pourvoi ont été rejetés, les conclusions concernant la prétendue irrégularité de la décision du Tribunal de la fonction publique sur les dépens doivent être rejetées comme irrecevables (ordonnance du Tribunal du 28 septembre 2009, Marcuccio/Commission, T‑46/08 P, non encore publiée au Recueil, point 84 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, non encore publié au Recueil, point 111, et la jurisprudence citée).

60      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

61      Il résulte de tout ce qui précède que le présent pourvoi doit être rejeté comme en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

 Sur les dépens

62      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Le requérant ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, il supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Luigi Marcuccio supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 18 octobre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.