Language of document : ECLI:EU:T:2021:547

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

8 septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un récipient sphérique – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑489/20,

Eos Products Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me S. Stolzenburg-Wiemer, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka et M. M. Eberl, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 8 juin 2020 (affaire R 2017/2019-4), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un récipient sphérique comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et C. Iliopoulos, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 octobre 2020,

à la suite de l’audience du 9 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 octobre 2016, la requérante, Eos Products Sàrl, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Baumes labiaux [non médicamenteux] ; cosmétiques pour les lèvres ; brillant à lèvres ; crèmes pour les lèvres à usage cosmétique ; baumes labiaux [non médicamenteux] ; préparations non médicamenteuses de soin labial ; produits cosmétiques pour les lèvres ; produits pour les lèvres autres qu’à usage médical » ;

–        classe 5 : « Préparations médicamenteuses de soin pour les lèvres ; baumes à lèvres à usage médical » ;

–        classe 21 : « Récipients pour cosmétiques ; distributeurs de produits cosmétiques ; applicateurs à cosmétiques ».

4        Par décision du 18 juillet 2019, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

5        Le 10 septembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

6        Par décision du 8 juin 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du « RMUE ». La chambre de recours a également considéré qu’un caractère distinctif acquis par l’usage n’avait pas été prouvé au sens de l’article 7, paragraphe 3, du « RMUE ».

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de l’instance.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et, le second, de la violation de l’article 95 de ce règlement.

10      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 6 octobre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

11      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites, d’une part, par la chambre de recours dans la décision attaquée à l’article 7 du « RMUE » et, d’autre part, par la requérante dans l’argumentation soulevée dans la requête à l’article 7 du règlement 2017/1001, comme visant l’article 7 d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

12      D’emblée, il y a lieu de relever que la requérante ne soulève pas de moyen à l’encontre de l’appréciation de la chambre de recours, contenue aux points 51 à 65 de la décision attaquée, concernant l’absence de caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, laquelle sort donc du champ de la présente affaire.

 Sur la recevabilité de la limitation des produits relevant de la classe 21

13      Lors de l’audience, la requérante a indiqué vouloir limiter la demande d’enregistrement, s’agissant des produits relevant de la classe 21 visés au point 3 ci-dessus, aux « récipients pour soins labiaux ; distributeurs de soins labiaux ; applicateurs à soins labiaux », ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience. Selon la requérante, une telle limitation de la demande d’enregistrement était admissible à tout stade de la procédure.

14      L’EUIPO a soulevé des doutes sur l’admissibilité d’une telle limitation au stade du présent recours devant le Tribunal, ce dont a également été pris acte au procès-verbal d’audience.

15      L’article 49, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 prévoit que « [l]e demandeur peut à tout moment retirer sa demande de marque de l’Union européenne ou limiter la liste des produits ou services qu’elle contient ».

16      En principe, une limitation, au sens de l’article 49, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, de la liste des produits ou des services contenus dans une demande de marque de l’Union européenne qui intervient postérieurement à l’adoption de la décision de la chambre de recours attaquée devant le Tribunal ne peut affecter la légalité de ladite décision, qui est la seule contestée devant le Tribunal [voir arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 25 et jurisprudence citée].

17      Lorsque la restriction de la liste des produits ou des services visés par la partie requérante a pour objet la modification, en tout ou en partie, de la description desdits produits ou services, il ne peut être exclu que cette modification puisse avoir un effet sur l’examen de la marque en question, effectué par les instances de l’EUIPO au cours de la procédure administrative. Dans ces circonstances, admettre cette modification au stade du recours devant le Tribunal équivaudrait à une modification de l’objet du litige en cours d’instance, interdite par l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal (voir arrêt du 9 juillet 2008, Mozart, T‑304/06, EU:T:2008:268, point 29 et jurisprudence citée).

18      En l’espèce, la limitation demandée par la requérante lors de l’audience consiste, en substance, en la spécification que la demande d’enregistrement, s’agissant des produits relevant de la classe 21 visés au point 3 ci-dessus, concernerait les récipients, les applicateurs et les distributeurs non pas pour les « cosmétiques » en général, mais uniquement pour les « soins labiaux ».

19      Or, une telle limitation modifierait l’objet du litige en cours d’instance, dans la mesure où la chambre de recours, dans la décision attaquée, a examiné le caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée par rapport aux récipients, applicateurs et distributeurs pour les cosmétiques, conformément à la demande d’enregistrement de la requérante et au recours que cette dernière avait introduit devant ladite chambre (voir la jurisprudence rappelée au point 28 ci-après), et non pas par rapport aux récipients, applicateurs et distributeurs pour les soins labiaux.

20      Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus, il y a lieu de considérer qu’une telle restriction équivaut à une modification de l’objet du litige en cours d’instance, de sorte qu’elle ne saurait être prise en compte par le Tribunal. Partant, il convient d’écarter la restriction de la requérante ayant trait à la modification de la liste des produits en cause comme étant irrecevable.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

21      Conformément à l’article 4 du règlement no 207/2009, la forme d’un produit ou de son conditionnement est susceptible de constituer une marque de l’Union européenne, à condition notamment que celle-ci soit propre à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

22      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

23      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, la requérante fait valoir que la chambre de recours a fait une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et, en particulier, des principes selon lesquels l’enregistrement d’une marque ne requiert qu’un caractère distinctif minimal et l’appréciation doit se faire en fonction de la perception du public et des conditions particulières du marché. À cet effet, dans le cadre de deux branches, la requérante conteste les appréciations de la chambre de recours relatives au public pertinent et aux formes habituelles du secteur.

 Sur le public pertinent

25      La chambre de recours, au point 30 de la décision attaquée, a considéré que les produits relevant de la classe 3 étaient adressés à l’ensemble des consommateurs, que les produits relevant de la classe 5 pouvaient aussi s’adresser au public médical professionnel et que les produits relevant de la classe 21 pouvaient aussi s’adresser au public professionnel des fabricants de cosmétiques. Elle a ajouté que ces consommateurs étaient normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. La chambre de recours a également indiqué, au point 31 de la décision attaquée, que les produits relevant de classe 3 s’adressaient à l’ensemble des consommateurs et étaient normalement proposés en tant qu’articles à bas prix envers lesquels le degré d’attention des consommateurs était plutôt faible. Au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a aussi indiqué que le fait qu’un public professionnel faisant preuve d’un degré d’attention plus élevé soit concerné par les produits relevant de la classe 5, n’avait pas d’incidence sur l’appréciation du caractère distinctif.

26      La requérante fait valoir que la chambre de recours a omis de prendre en compte que tous les produits s’adressent non seulement à l’ensemble des consommateurs mais aussi à des professionnels, les produits relevant de la classe 3 étant aussi achetés par des distributeurs qui les revendent dans le commerce de gros ou de détail. Or, un public composé de professionnels présenterait un niveau d’attention plus élevé. Il serait erroné de considérer que le public pertinent fasse preuve d’un niveau d’attention inférieur à la moyenne car il s’agirait de produits peu couteux. Au contraire, le niveau d’attention serait plus élevé, puisque le consommateur moyen de baumes à lèvres médicamenteux ou non-médicamenteux serait plus informé, plus attentif et plus avisé que la moyenne. Dans un tel marché, caractérisé par de nombreux produits et fabricants, les consommateurs finaux feraient preuve d’une attention particulière et seraient attentifs aux détails relatifs tant à l’apparence extérieure qu’à la composition des produits. Il en irait de même pour les récipients, les distributeurs et les applicateurs pour cosmétiques. Des formes inhabituelles permettraient de distinguer les offres concurrentes.

27      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante.

28      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, il y a lieu de relever que les produits visés par la marque demandée (ci-après les « produits concernés ») sont, d’une part, des baumes ou d’autres préparations pour les lèvres à usage cosmétique ou non-médicamenteux (ceux relevant de la classe 3) ou à usage médicamenteux (ceux relevant de la classe 5) et, d’autre part, des récipients, des distributeurs ou des applicateurs pour cosmétiques (ceux relevant de la classe 21).

30      Force est de constater que les produits concernés sont des produits de consommation courante et destinés à l’ensemble des consommateurs, sans préjudice du fait que certains d’entre eux peuvent aussi s’adresser à un public professionnel, tel qu’un public professionnel médical pour les produits concernés relevant de la classe 5 et un public professionnel de fabricants de cosmétiques pour les produits concernés relevant de la classe 21.

31      Toutefois, s’il est certes exact que les produits concernés relevant des classes 5 et 21 s’adressent également à un public professionnel, c’est à tort que la requérante fait valoir que le public pertinent des produits concernés relevant de la classe 3 inclurait également un public professionnel constitué par les distributeurs achetant ces produits auprès des fabricants et les revendant aux consommateurs finaux. En effet, la définition du public pertinent est liée à l’examen des destinataires des produits concernés, car c’est par rapport à ceux-ci que la marque doit développer sa fonction essentielle. Ainsi, une telle définition doit être effectuée à la lumière de la fonction essentielle des marques, à savoir garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance [arrêt du 29 septembre 2010, CNH Global/OHMI (Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur), T‑378/07, EU:T:2010:413, point 38]. En d’autres termes, la définition du public pertinent doit être opérée en prenant en compte les consommateurs ou les utilisateurs finaux des produits concernés, et non pas les distributeurs ou d’autres intermédiaires opérant dans la chaîne de distribution entre l’entreprise de laquelle le produit provient et les consommateurs ou utilisateurs finaux.

32      En tout état de cause, il doit être rappelé que le fait que le public pertinent est spécialisé ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe. S’il est vrai que le niveau d’attention du public pertinent spécialisé est, par définition, plus élevé que celui du consommateur moyen, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’un caractère distinctif plus faible du signe soit suffisant lorsque le public pertinent est spécialisé (arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 48).

33      C’est donc à bon droit que la chambre de recours s’est fondée sur la perception de la marque demandée par le grand public et n’a pas reconnu d’incidence particulière à sa perception par un public spécialisé.

34      Il s’ensuit que le caractère distinctif de la marque demandée doit s’apprécier en tenant compte de l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 29].

35      Toutefois, contrairement à ce qui a été retenu par la chambre de recours et ainsi que le suggère la requérante, le niveau d’attention du grand public ne saurait être considéré comme étant « plutôt faible » pour les produits concernés relevant de la classe 3. En effet, tout en étant des produits de consommation courante ayant un coût relativement bas, lesdits produits peuvent avoir une incidence sur l’apparence ou sur la santé du consommateur, notamment en cas de lèvres sèches, gercées ou abîmées. Le niveau d’attention du public pertinent en relation auxdits produits doit donc être considéré comme étant à tout le moins moyen, ce public prêtant notamment attention à la composition ou à d’autres caractéristiques, telles que le parfum ou la couleur, des produits non-médicamenteux pour les lèvres [voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2021, Biochange Group/EUIPO – mysuperbrand (medical beauty research), T‑98/20, non publié, EU:T:2021:69, points 44 et 45 et jurisprudence citée]. Il en va de même pour les produits concernés relevant de la classe 5, dès lors qu’ils visent à soigner des affections des lèvres nécessitant un traitement médicamenteux. Au demeurant, le niveau d’attention du public pertinent doit également être considéré comme étant moyen pour les produits concernés relevant de la classe 21, dès lors que ce public prêtera attention aux caractéristiques fonctionnelles et esthétiques desdits produits permettant de contenir et de distribuer et/ou d’appliquer correctement les cosmétiques qui y sont conditionnés.

 Sur les formes habituelles des secteurs concernés

36      Tout d’abord, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la reproduction graphique de la marque demandée montrait cinq vues d’un récipient clair, lisse, sphérique, avec un fond aplati, une empreinte digitale en creux sur un côté, et une ligne de séparation horizontale au milieu, sans revendication de couleur. Ensuite, aux points 39 et 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que, pour les produits concernés relevant de la classe 21, la forme représentée dans la marque demandée s’insérait aisément dans le grand nombre de récipients pour cosmétiques disponibles sur le marché et n’était pas inusuelle. Enfin, aux points 41 à 44 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que, comme il existait des formes d’emballage très variées pour les cosmétiques, y compris des récipients ronds et sphériques dont la forme en cause ne se distinguait pas significativement, il n’existait pas de limite aux formes possibles pour les produits concernés relevant des classes 3 et 5 et que la forme en cause était plutôt simple et ne pouvait pas être considérée comme inusuelle. Après avoir écarté, aux points 45 à 49 de la décision attaquée, plusieurs arguments et documents présentés par la requérante, la chambre de recours, au point 50 de la décision attaquée, a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

37      La requérante fait valoir que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la forme représentée dans la marque demandée ne différait pas des autres formes d’emballage usuelles dans le secteur est erronée, car les conditions particulières du marché n’ont pas été suffisamment prises en compte. À cet effet, la requérante développe, en substance, trois griefs concernant chacun l’une des classes de produits concernés.

38      Premièrement, s’agissant des produits concernés relevant de la classe 3, la chambre de recours se serait appuyée sur une seule page d’un document de 67 pages. Si elle avait pris en compte les autres pages dudit document et les autres documents, elle aurait constaté que les baumes à lèvres mis en vente sur le marché dans une forme ovoïdale ou sphérique provenaient tous de la requérante. Dès lors qu’il n’existerait aucune limite aux formes possibles, la marque demandée, avec sa sobre forme ovoïdale ou sphérique partagée en deux au milieu, sa surface lisse et son empreinte digitale en creux, se distinguerait clairement des formes traditionnelles et des formes récentes plus fantaisistes. Le public pertinent ne s’attendrait pas à trouver un baume à lèvres dans une telle forme épurée et sobre. La chambre de recours se serait bornée à considérer que les documents produits par la requérante souligneraient la couleur de ses produits. Or, ces documents mettraient plutôt en relief la forme du produit, en tant que caractéristique inhabituelle, inattendue, amusante et reconnaissable. N’ayant pas suffisamment pris en compte les documents produits par la requérante, la chambre de recours aurait erronément exclu le caractère distinctif de la marque demandée. La chambre de recours méconnaîtrait le fait que les documents produits contiennent un ensemble de descriptions et d’observations indépendantes, qui sont représentatives de la perception de la forme par le grand public. La chambre de recours n’aurait pas pris en compte que la forme ovoïdale ou sphérique peut être perçue comme une indication d’origine pour le baume à lèvres. Les décisions de justice allemandes reconnaissant une caractéristique concurrentielle à la marque demandée témoigneraient du fait qu’elle ne pourrait pas être considérée comme étant une forme usuelle. La forme de la marque demandée se distinguerait de manière significative de la forme à laquelle s’attend le public ainsi que de la norme ou des usages du secteur.

39      Deuxièmement, s’agissant des produits concernés relevant de la classe 5, la requérante souligne que sur le marché des soins médicamenteux pour les lèvres, caractérisé par un nombre limité de fournisseurs et de produits ainsi que par la « sobriété clinique » des présentations, les emballages de forme sphérique ou ovoïdale sont, en règle générale, inconnus. Ces produits seraient exclusivement commercialisés dans des emballages traditionnels en forme de fourreau, de tube ou de pot. Elle produit devant le Tribunal, en tant qu’annexe A.6 à la requête ainsi que dans le corps de la requête, de présentations de l’état du marché de ces produits. Aucun produit n’aurait été commercialisé dans une forme ovoïdale ou sphérique, partagée en deux au milieu et marquée d’une empreinte digitale en creux, telle que celle représentée dans la marque demandée. La requérante aurait été la première à utiliser un tel emballage. La forme visée par la marque demandée se distinguerait donc de manière significative des formes usuelles utilisées pour les baumes à lèvres médicamenteux.

40      Troisièmement, s’agissant des produits concernés relevant de la classe 21, la requérante soutient qu’il n’est pas possible d’identifier les éléments sur lesquels la chambre de recours a fondé son appréciation. Elle n’a fourni aucun exemple concret de produits mis sur le marché avec une forme sur laquelle la forme en cause serait supposée s’aligner. La requérante soutient que, contrairement à ce qu’aurait indiqué la chambre de recours, elle avait soulevé des objections à l’encontre de l’appréciation de l’examinatrice sur les produits relevant de la classe 21. Les consommateurs ou les fabricants ne s’attendraient pas, à la vue d’une telle forme, à découvrir un récipient ou un distributeur pour cosmétiques. La requérante présente devant le Tribunal, en tant qu’annexe A.8 à la requête, le résultat d’une recherche faite sur Internet pour ces produits, dont les formes ne ressemblent pas à celle représentée dans la marque demandée.

41      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante.

–       Observations liminaires

42      Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, points 45 et 46).

43      Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31).

44      Il s’ensuit que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 32).

45      De même, il importe de rappeler que la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante, voire une variante possible de ces formes. En outre, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve du caractère usuel de la forme dans le commerce pour établir le manque de caractère distinctif de la marque demandée [voir arrêt du 25 novembre 2020, Brasserie St Avold/EUIPO (Forme d’une bouteille foncée), T‑862/19, EU:T:2020:561, point 39 et jurisprudence citée].

46      Par ailleurs, il doit être relevé que le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque [arrêt du 5 février 2020, Hickies/EUIPO (Forme d’un lacet de chaussure), T‑573/18, EU:T:2020:32, point 51 (non publié)].

47      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent moyen.

48      À titre liminaire, en ce qui concerne les résultats des recherches faites par la requérante représentant prétendument l’état du marché pour les produits concernés relevant des classes 5 et 21 présentés dans le cadre de la requête (annexes A.6 et A.8 à la requête ainsi qu’une compilation d’images incluse dans le corps de la requête), de tels éléments, produits pour la première fois devant le Tribunal, ne sauraient être pris en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter ces éléments sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

49      Au fond, en l’espèce, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée et que le confirme la requérante, il est constant que la marque demandée est une marque tridimensionnelle consistant en la reproduction graphique, en cinq points de vue, d’un objet blanc sur fond noir, sans revendication de couleur. Il s’agit d’un objet de forme sphérique ou ovoïdale (selon les points de vue), avec une surface lisse, un fond aplati, une encoche en creux sur un côté et une ligne de séparation horizontale au milieu. Par ailleurs, il est également constant qu’un tel objet correspond à l’emballage des baumes à lèvres commercialisés par la requérante.

50      Il convient donc de vérifier si, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif dès lors que la forme représentée dans cette marque ne divergeait pas de manière significative des normes ou des habitudes du secteur concerné, à savoir, suivant l’ordre d’examen retenu dans la décision attaquée, d’une part, le secteur des récipients, des distributeurs et des applicateurs pour cosmétiques et, d’autre part, le secteur des baumes à lèvres ou des autres préparations pour les lèvres à usage non-médicamenteux ou médicamenteux.

–       Sur les produits concernés relevant de la classe 21

51      Il convient de commencer par rappeler que, aux points 39 et 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, s’agissant des produits concernés relevant de la classe 21, à savoir les récipients, les distributeurs et les applicateurs pour cosmétiques, la forme sphérique représentée dans la marque demandée n’était pas inusuelle et s’inscrivait dans le grand nombre de récipients pour cosmétiques disponibles sur le marché. En effet, selon la chambre de recours, les récipients de produits cosmétiques présentaient normalement une configuration plus ou moins cylindrique ou sphérique avec une base ronde, lesquels étaient proposés dans les versions les plus diverses, y compris dans des couleurs neutres (point 39 de la décision attaquée). La chambre de recours a ajouté que les autres détails de la forme représentée dans la marque demandée étaient peu visibles dans l’impression d’ensemble et étaient perçus comme des éléments fonctionnels : la ligne de séparation horizontale comme nécessaire à l’ouverture du récipient ; l’encoche en creux comme permettant de bien tenir le récipient, notamment pour appliquer les cosmétiques ; et le fond aplati comme assurant que le récipient reste en équilibre (point 40 de la décision attaquée).

52      Par ailleurs, la chambre de recours a ajouté que la requérante n’avait pas soulevé d’objections explicites au fait que la marque demandée ne différait pas de façon substantielle de l’ensemble des formes habituelles de récipients pour cosmétiques (point 40 de la décision attaquée), ce que d’ailleurs la requérante conteste dans la requête.

53      Or, sans qu’il y ait lieu de déterminer si et dans quelle mesure la requérante avait émis des objections explicites devant la chambre de recours en relation aux produits concernés relevant de la classe 21, force est de constater que, en tout état de cause, les arguments présentés par la requérante devant le Tribunal (voir le point 40 ci-dessus) ne permettent pas de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours.

54      En effet, la requérante se borne uniquement à soutenir, en substance, que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la forme sphérique représentée dans la marque demandée n’était pas inusuelle et les récipients des produits cosmétiques présentaient normalement une configuration plus ou moins cylindrique ou sphérique avec une base ronde n’est pas étayée et que la chambre de recours n’a pas fourni d’exemples au soutien de sa thèse. Ces arguments ne sauraient toutefois convaincre.

55      D’une part, il convient de relever que la chambre de recours n’est pas tenue de fournir de tels exemples. En effet, lorsque la chambre de recours se fonde sur des faits qui résultent de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en cause et sont susceptibles d’être connus de toute personne, elle n’est pas tenue de fournir des exemples concrets [voir arrêts du 11 juillet 2013, Think Schuhwerk/OHMI (Extrémités rouges de lacets de chaussures), T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376, point 24 et jurisprudence citée, et du 9 novembre 2016, Birkenstock Sales/EUIPO (Représentation d’un motif de lignes ondulées entrecroisées), T‑579/14, EU:T:2016:650, point 139 et jurisprudence citée].

56      D’autre part, il y a lieu de relever que, en tout état de cause, l’appréciation de la chambre de recours est indirectement mais clairement étayée au point 41 de la décision attaquée, lequel, en substance, introduit l’examen du caractère distinctif de la marque demandée en relation aux produits relevant des classes 3 et 5. En effet, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a réitéré l’appréciation contenue au point 39 de la même décision, en indiquant que, dans le secteur des cosmétiques, il existait des emballages ayant des formes très variées, y compris des récipients ronds ou sphériques, dont la forme représentée dans la marque demandée ne se distinguait pas significativement, ce qui était confirmé par les documents produits devant les instances de l’EUIPO. À cet effet, la chambre de recours s’est appuyée, à titre d’exemple, sur une image tirée de l’annexe HRM 5 produite par la requérante devant l’examinatrice et reproduite au même point 41 de la décision attaquée.

57      Force est de constater que l’image en cause, en sus du baume à lèvres de la requérante elle-même, lequel est représenté, dans ladite image, dans un emballage ouvert et coloré qui paraît correspondre à celui (blanc et fermé) représenté dans la marque demandée, représente deux autres produits cosmétiques contenus dans un emballage ayant une forme sphérique ou ovoïdale, à savoir, ainsi que cela ressort de la description des produits figurant dans l’image et comme le reconnaît la requérante dans la requête, un fard pour les joues et une crème pour la peau. En d’autres termes, l’exemple reproduit au point 41 de la décision attaquée démontre que, s’agissant en général du secteur des récipients, des distributeurs et des applicateurs pour cosmétiques, tels qu’un fard et une crème, une forme sphérique ou ovoïdale ne saurait être considérée, en soi, comme divergeant de manière significative des habitudes du secteur, mais comme étant l’une des formes possibles de ce secteur.

58      Enfin, ainsi qu’il a été relevé au point 48 ci-dessus, il doit être rappelé que l’annexe A.8 à la requête, produite pour la première fois devant le Tribunal, ne saurait être prise en compte dans le cadre de la présente procédure.

59      Par conséquent, le grief de la requérante visant les produits concernés relevant de la classe 21 doit être écarté.

–       Sur les produits concernés relevant des classes 3 et 5

60      Tout d’abord, il convient de commencer par rappeler que, aux points 41 à 49 de la décision attaquée, s’agissant des produits concernés relevant des classes 3 et 5, à savoir, en substance, les baumes à lèvres ou d’autres préparations pour les lèvres à usage non-médicamenteux ou médicamenteux, la chambre de recours, après avoir indiqué que ces produits n’étaient commercialisés qu’emballés et que, dans le secteur des cosmétiques, il existait des emballages ayant des formes très variées, y compris des récipients ronds ou sphériques, dont la forme représentée dans la marque demandée ne se distinguait pas significativement (point 41 de la décision attaquée ; voir, également, les points 56 et 57 ci-dessus), a indiqué qu’il en allait de même pour les produits de soin pour les lèvres relevant des classes 3 et 5, domaine dans lequel il n’y avait pas de limite aux formes possibles et dans lequel la forme représentée dans la marque demandée était plutôt simple et n’était pas inusuelle même à la date de la demande. La chambre de recours a indiqué que la couleur claire et la surface lisse de la forme se situaient dans les pratiques habituelles du secteur, tandis que les autres caractéristiques étaient peu visibles dans l’impression d’ensemble produite par le signe et n’étaient pas de nature à motiver un caractère distinctif (point 42 de la décision attaquée).

61      Ensuite, la chambre de recours a indiqué que la circonstance que la requérante était la première à proposer un emballage sphérique pour les baumes à lèvres était dénué de pertinence et que, au contraire, le fait que la requérante proposait ses produits au sein de l’Union européenne depuis 2010 suggérait que le public pertinent, au moment de la demande, était déjà familier avec des récipients sphériques (point 43 de la décision attaquée). La chambre de recours a ajouté que la forme en cause représentait un récipient sphérique clair sans inscription ou effet de conception allant au-delà de ce que le consommateur avait l’habitude de voir comme variante des récipients pour les produits de soin pour les lèvres et qu’il verrait donc, dans la marque demandée, la forme d’un emballage usuel dans le commerce (point 44 de la décision attaquée).

62      Enfin, la chambre de recours a écarté plusieurs arguments et documents présentés par la requérante. Ainsi, elle a écarté les annexes HRM 1, 5 à 7, 12 à 15 et 19, en soulignant qu’elles présentaient les produits de la requérante en se référant non seulement à leur forme ronde mais aussi à leur couleur, alors que la couleur faisait défaut dans la marque demandée (point 45 de la décision attaquée), et en relevant qu’il s’agissait d’extraits liés à des opérations de marketing ou de déclaration de rédactrices ou bloggeuses de mode qui ne reflétaient pas nécessairement la perception du public pertinent (point 46 de la décision attaquée). Elle a indiqué que l’intensité des dépenses publicitaires n’était pas pertinente (point 47 de la décision attaquée), tout comme étaient dépourvus de pertinence le nombre de contrefaçons et d’imitations des produits de la requérante, le fait que les juridictions allemandes avaient reconnu une originalité concurrentielle aux produits de la requérante sur la base d’aspects de la commercialisation concrète de ces produits qui ne ressortaient pas de la marque demandée (point 48 de la décision attaquée) et l’enregistrement de la marque demandée dans le registre national allemand (point 49 de la décision attaquée).

63      À cet égard, en premier lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours se serait appuyée sur une seule page d’un document produit par la requérante au lieu de prendre en compte l’intégralité de ce document et les autres documents qu’elle avait produits. Or, un tel argument procède d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, s’il est certes exact que, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est appuyée, à titre d’exemple, sur une image tirée de l’annexe HRM 5 produite par la requérante devant l’examinatrice, il doit être rappelé que ledit point contient, en substance, une appréciation introductive relative aux cosmétiques en général, laquelle, à supposer même qu’elle soit erronée ou non étayée, ne saurait affecter, en soi, les conclusions de la chambre de recours relatives spécifiquement aux produits concernés relevant des classes 3 et 5 et contenues aux points 42 à 49 de la décision attaquée. Au demeurant, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté aux points 56 et 57 ci-dessus, l’appréciation contenue au point 41 de la décision attaquée en relation aux cosmétiques en général n’est pas erronée et est corroborée par l’image reproduite au même point.

64      Par ailleurs, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours, non contredite par les pièces du dossier et contenue également au point 41 de la décision attaquée, selon laquelle les produits concernés relevant des classes 3 et 5 ne sont commercialisés qu’emballés.

65      À cet égard, il doit être rappelé que, conformément à la jurisprudence, dès lors que le conditionnement d’un produit est un impératif de commercialisation, le consommateur moyen lui attribue, en premier lieu, cette simple fonction. Une marque tridimensionnelle constituée d’un tel conditionnement n’est distinctive que si elle permet au consommateur moyen du produit concerné, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer ce produit de ceux des autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Forme d’une bouteille foncée, T‑862/19, EU:T:2020:561, point 37 et jurisprudence citée).

66      En deuxième lieu, la requérante fait valoir, en substance, que si la chambre de recours avait pris en compte tous les documents qu’elle avait produits devant l’EUIPO elle aurait constaté que les produits de soin pour les lèvres ayant un emballage sphérique ou ovoïdale provenaient tous de la requérante elle-même. Or, un tel argument non seulement apparaît manquer en fait, mais procède aussi d’une interprétation erronée des principes juridiques applicables en l’espèce.

67      En effet, premièrement, la circonstance alléguée que la requérante serait la seule à produire une forme d’emballage sphérique ou ovoïdale telle que celle représentée dans la marque demandée n’implique pas nécessairement que cette marque présente un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En effet, si une telle circonstance peut, certes, être pertinente, ce qui importe, aux termes de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus, c’est que la marque demandée diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur [voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, « Millano » Krzysztof Kotas/OHMI (Forme d’une boîte de chocolats), T‑440/13, non publié, EU:T:2014:1063, point 28].

68      Deuxièmement, les documents produits par la requérante devant les instances de l’EUIPO ne sont pas susceptibles de démontrer la thèse de la requérante.

69      Tout d’abord, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, de nombreux documents produits par la requérante, tels que les annexes HRM 1 à 10, 26 et 27, visaient à démontrer la prétendue renommée de la marque demandée et montraient donc spécifiquement, et souvent uniquement, les produits de soin pour les lèvres de la requérante, notamment dans des articles ou des coupures de presse. Or, la prétendue renommée de la marque demandée n’est pas pertinente afin de déterminer si la forme représentée dans la marque demandée disposait d’un caractère distinctif intrinsèque en ce qu’elle divergeait de manière significative des normes ou des habitudes du secteur.

70      Ensuite, si, dans la requête, la requérante se réfère spécifiquement aux annexes HRM 5, 7, 11 et 21, lesquelles, selon elle, contiendraient un aperçu de l’offre sur le marché, il doit être relevé que lesdites annexes ne corroborent pas la thèse de la requérante. Les annexes HRM 5 et 7 contiennent des coupures de presse montrant différents produits cosmétiques, de beauté ou de mode et ne fournissent aucun aperçu du marché des produits concernés relevant des classes 3 et 5, sachant que, d’ailleurs, hormis quelques exceptions, les produits de la requérante sont souvent les seuls produits de soin pour les lèvres représentés dans chaque coupure de presse. Si l’annexe HRM 11 contient une compilation d’images de produits pour les lèvres dont aucun n’a une forme sphérique ou ovoïdale, cette compilation a été préparée par la requérante elle-même aux fins de la procédure devant l’EUIPO, ainsi que la requérante l’a confirmé lors de l’audience, et, en l’absence de toute précision sur la sélection de l’échantillon utilisé pour sa réalisation, elle ne saurait être considérée comme étant suffisamment objective, dès lors que d’autres pièces du dossier font état de formes sphériques ou ovoïdales (voir points 71 et 73 ci-après).

71      Quant aux tableaux comparatifs des caractéristiques des baumes à lèvres contenus à l’annexe HRM 21, il apparaît s’agir de tableaux préparés par des organismes tiers et pour des fins autres que la procédure d’enregistrement de la marque demandée. En particulier, ladite annexe contient trois tableaux comparant les composants des baumes à lèvres et incluant l’image de l’emballage de chaque produit. Toutefois, ces tableaux ne présentent pas tous la même représentativité et pertinence dans le cadre de la présente procédure. En effet, dès lors que le premier tableau est tiré d’un article publié sur Internet en mai 2015 et qu’il compare seulement trois produits pour les lèvres, il ne saurait être considéré comme étant suffisamment représentatif des formes des emballages des produits concernés relevant des classes 3 et 5 et chronologiquement pertinent pour apprécier le caractère distinctif de la marque demandée à la date de la demande d’enregistrement en octobre 2016. En revanche, les deux autres tableaux sont tirés de deux articles de revues et sont davantage représentatifs et pertinents, dès lors qu’ils comparent respectivement 35 et 24 produits pour les lèvres et que, s’ils ont été publiés en 2017 et en 2018, ainsi que cela ressort des informations détaillant les modalités de réalisation des comparaisons et figurant en marge des tableaux, ils comparent des produits achetés en octobre 2016, s’agissant du deuxième tableau, et en août 2017, s’agissant du troisième tableau. Or, ces derniers tableaux incluent tous les deux, en sus de celui de la requérante, d’autres produits de soin pour les lèvres ayant un emballage sphérique ou ovoïdale, à savoir un autre produit dans le deuxième tableau et deux autres produits dans le troisième tableau. Par ailleurs, le deuxième tableau qualifie expressément lesdits emballages comme étant en forme de « balle ».

72      En d’autres termes, non seulement la plupart des documents invoqués par la requérante ne sont pas probants, mais le document qui apparaît fournir un aperçu objectif et pertinent des formes usuelles existantes sur le marchés, à savoir l’annexe HRM 21, contredit manifestement la thèse de la requérante, en faisant expressément état de l’existence, en octobre 2016, à tout le moins de deux produits de soin pour les lèvres, dont un est celui commercialisé par la requérante, ayant un emballage sphérique ou ovoïdale qualifié comme étant simplement en forme de « balle ».

73      Enfin, il doit être relevé que, ainsi que cela ressort de la décision attaquée et que l’indique la requérante elle-même dans la requête, lorsque l’examinatrice avait émis des objections sur le caractère enregistrable de la marque demandée, elle s’était appuyée sur des images montrant des baumes à lèvres ne provenant pas de la requérante et ayant un emballage sphérique ou ovoïdale. En particulier, quelques jours après le dépôt de la demande d’enregistrement, l’examinatrice avait attiré l’attention de la requérante, en renvoyant à quatre sites Internet, sur l’existence de baumes à lèvres ayant un emballage en forme, notamment, de sphère, de balle de golf ou de myrtille (voir la communication de l’examinatrice du 17 octobre 2016 visée au point 2 de la décision attaquée). De même, en réponse aux observations de la requérante à cet égard, l’examinatrice avait attiré l’attention de la requérante, en renvoyant à quatre autres sites Internet, sur l’existence d’autres baumes à lèvres ayant un emballage de forme ovale plus ou moins aplati ou mi-ovale-mi-cylindre (voir la communication de l’examinatrice du 23 mai 2017 visée au point 4 de la décision attaquée).

74      À cet égard, il doit être rappelé que, compte tenu de la continuité fonctionnelle entre l’examinatrice et la chambre de recours, la décision de l’examinatrice ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, contexte qui est connu de la requérante et qui permet au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité [voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2021, Apologistics/EUIPO – Peikert (discount-apotheke.de), T‑844/19, non publié, EU:T:2021:25, point 119]. En l’espèce, dans sa décision du 18 juillet 2019 mentionnée au point 4 ci-dessus, l’examinatrice s’est expressément fondée sur les objections émises dans la phase préalable de la procédure pour conclure que la marque demandée représentait une forme ronde ressemblant à un œuf et ne présentait pas de divergence significative par rapport aux habitudes du secteur. Par conséquent, la requérante ne saurait soutenir qu’une référence concrète fait défaut quant à l’existence de formes rondes.

75      Certes, il ressort de la requête que, selon la requérante, ces exemples de « produits concurrents » mentionnés par l’examinatrice ne constituaient pas un obstacle à la reconnaissance du caractère distinctif de la marque demandée, soit parce qu’ils s’en distinguaient de manière significative, soit parce qu’il s’agissait de produits imités visant à profiter de la forme sphérique ou ovoïdale de la requérante. Toutefois, d’une part, sous réserve de l’examen des éléments qui, selon la requérante, permettraient à la forme représentée dans la marque demandée de se différencier significativement des autres emballages du secteur (voir les points 76 à 81 ci-après), force est de constater que, ce faisant, la requérante ne remet nullement en cause l’existence desdits emballages sphériques ou ovoïdaux. D’autre part, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle les formes concurrentes seraient des imitations de celle de la requérante, en sus du fait qu’un tel argument n’est nullement étayé, il doit être souligné que, dans le cadre de la présente procédure, le Tribunal n’est pas compétent pour statuer sur une allégation d’imitation ou de contrefaçon (voir, par analogie, arrêt du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 56). En tout état de cause, il convient de rappeler que la présence sur le marché de formes dont la requérante allègue qu’elles seraient pour certaines des contrefaçons est sans incidence sur l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée au regard de sa perception par le public pertinent [arrêt du 28 juin 2019, Gibson Brands/EUIPO – Wilfer (Forme d’un corps de guitare), T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, point 40].

76      En troisième lieu, la requérante soutient que la forme représentée dans la marque demandée se distingue des formes traditionnelles et des formes récentes plus fantaisistes. En particulier, outre la sobriété de sa forme sphérique ou ovoïdale, ladite forme se caractériserait, en substance, par la ligne la divisant en deux, par sa surface lisse et par l’encoche en creux sur un côté rappelant, selon la requérante, la forme d’une empreinte digitale.

77      Toutefois, les caractéristiques invoquées par la requérante ne permettent pas de distinguer la forme représentée dans la marque demandée des normes ou des habitudes du secteur.

78      Tout d’abord, si les baumes à lèvres sont généralement commercialisés dans de petits emballages ayant la forme de tubes rigides télescopiques (sticks à lèvres), voire de tubes souples aplatis sur une extrémité ou de pots plus ou moins cylindriques, il n’est pas inusuel, ainsi qu’il a été relevé aux points 71 et 73 ci-dessus, que lesdits produits soient également commercialisés dans des emballages ayant d’autres formes, y compris des formes ovoïdales ou sphériques, et ce déjà à la date de la demande d’enregistrement en octobre 2016. Au demeurant, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, une forme sphérique ou ovoïdale n’est pas plus sobre ou épurée qu’une forme cylindrique, toutes ces formes correspondant à des figures géométriques tridimensionnelles simples et usuelles. En tout état de cause, il convient de relever que, en l’espèce, la forme représentée dans la marque demandée ne constitue ni une sphère ni un ovale, mais dispose d’une base aplatie, ayant la fonction de permettre à l’objet représenté de tenir debout, ce qui le rapproche des emballages classiques en forme de tube ou de pot plus ou moins cylindriques.

79      Ensuite, la ligne horizontale séparant en deux la forme représentée dans la marque demandée ne caractérise nullement cette dernière, mais est également typique de certains autres emballages des produits concernés, tels que les tubes télescopiques et les pots cylindriques. Il en va de même pour la surface lisse de la forme, étant au contraire plus inusuel qu’un tel emballage ait une surface rugueuse.

80      Enfin, en ce qui concerne l’encoche en creux sur un côté, d’une part, même si la chambre de recours a pu considérer que tel était le cas, il n’est nullement démontré qu’elle serait perçue par le public pertinent comme représentant une empreinte digitale, dès lors que notamment elle ne présente pas les rainures typiques d’une empreinte digitale, et, d’autre part, en tout état de cause, elle évoquera plutôt une caractéristique fonctionnelle de l’objet représenté, à savoir une encoche permettant de le manipuler plus facilement avec les doigts.

81      Il en découle que la forme représentée dans la marque demandée ne se différencie pas de manière significative, dans son ensemble, de la norme ou des habitudes du secteur, où les produits de soin pour les lèvres sont contenus dans des emballages cylindriques plus ou moins arrondis ou aplatis. En outre, les caractéristiques de ladite forme, telles que la base aplatie, la ligne horizontale et l’encoche en creux ne ressortent pas dans sa perception d’ensemble et se confondent plutôt avec ses caractéristiques fonctionnelles, de sorte qu’elles ne sont pas susceptibles de lui conférer un caractère distinctif.

82      Au demeurant, comme le suggère la requérante elle-même en mettant l’accent sur le caractère prétendument sobre et épuré de la forme représentée dans la marque demandée, celle-ci est dépourvue de tout élément susceptible d’attirer l’attention du consommateur et de lui permettre d’être perçue comme étant indicative d’une origine commerciale donnée.

83      En outre, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 42 de la décision attaquée et que le reconnaît la requérante elle-même dans la requête, il n’existe pas de limites aux formes possibles dans le secteur. Or, il résulte de la jurisprudence que la présence sur le marché d’un nombre important de formes auxquelles le consommateur est confronté rend peu probable que ce dernier considère un type particulier de forme comme relevant d’un fabricant spécifique plutôt que de la diversité caractérisant ledit marché. En effet, l’importante diversité des formes ayant un aspect original ou fantaisiste déjà présentes sur le marché restreint la probabilité qu’une forme particulière soit considérée comme divergeant significativement de la norme qui prévaut sur ce marché et soit dès lors identifiée par les consommateurs sur la seule base de sa particularité ou de son originalité (arrêts du 28 juin 2019, Forme d’un corps de guitare, T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, point 36, et du 25 novembre 2020, Forme d’une bouteille foncée, T‑862/19, EU:T:2020:561, point 40). Ainsi, dès lors que les produits pour les lèvres peuvent se présenter dans une grande variété de formes d’emballage, y compris des emballages sphériques ou ovoïdaux, à forme notamment d’œuf aplati, de fruit ou de balle de sport, la forme représentée dans la marque demandée ne saurait être considérée comme divergeant significativement des normes ou des habitudes du secteur.

84      Par conséquent, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, le public pertinent, même en faisant preuve d’un niveau d’attention à tout le moins moyen, ne percevra pas, en l’absence de tout autre élément, la forme représentée dans la marque demandée comme étant indicative de l’origine commerciale des produits concernés.

85      En quatrième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a indûment écarté le caractère probant de certains documents, d’une part, en se focalisant sur le fait que les commentaires qui y étaient contenus mettaient en exergue la couleur des produits de la requérante alors qu’ils mettaient en relief la forme inhabituelle desdits produits et, d’autre part, en niant, à tort, toute objectivité de plusieurs de ces commentaires en fonction de leur provenance.

86      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’économie du règlement no 207/2009, l’enregistrement d’une marque ne peut avoir lieu que sur le fondement et dans les limites de la demande d’enregistrement présentée à l’EUIPO par le demandeur [arrêt du 25 novembre 2015, Jaguar Land Rover/OHMI (Forme d’une voiture), T‑629/14, non publié, EU:T:2015:878, point 34]. Il s’ensuit que, lors de l’examen du caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle, les commentaires parus dans la presse ou sur Internet afférents aux produits commercialisés par le demandeur sous une forme correspondant à celle représentée dans la demande d’enregistrement se rapportent, le cas échéant, à l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, et ne sauraient être considérés comme pertinents dans le cadre de l’examen du caractère distinctif intrinsèque au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement [voir, par analogie, arrêts du 7 février 2002, Mag Instrument/OHMI (Forme de lampes de poche), T‑88/00, EU:T:2002:28, point 39, et du 25 septembre 2014, Peri/OHMI (Forme d’un tendeur à vis), T‑171/12, EU:T:2014:817, point 47].

87      Or, il convient de rappeler que, en l’espèce, la requérante n’a pas contesté l’application que la chambre de recours a faite de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (voir le point 12 ci-dessus).

88      Par conséquent, les arguments de la requérante s’appuyant sur des commentaires parus dans la presse ou sur Internet mettant en exergue les caractéristiques de ses produits doivent être écartés comme étant dépourvus de pertinence dans le cadre du présent moyen.

89      En tout état de cause, force est de constater que lesdits arguments de la requérante sont dépourvus de fondement. Tout d’abord, il est constant que la forme représentée dans la marque demandée est dépourvue de couleur, tandis que les documents invoqués par la requérante représentent ses produits sous une forme colorée. La chambre de recours n’a donc commis aucune erreur d’appréciation à cet égard. Ensuite, la chambre de recours n’a pas nié que lesdits documents mettaient en exergue la forme ronde des produits de la requérante, mais elle a uniquement souligné qu’ils visaient non seulement la forme, mais aussi la couleur desdits produits. Ainsi, la requérante s’appuie sur une lecture erronée de la décision attaquée. En outre, les annexes HRM 5 et 15 auxquelles la requérante se réfère dans la requête sont, en fait, dépourvus de pertinence afin d’établir si la forme représentée dans la marque demandée diverge des normes ou des habitudes du secteur, dès lors que la première visait à démontrer la renommée de la marque demandée et que la seconde contenait des extraits de blogs concernant les produits de la requérante. Enfin, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les commentaires émanant de rédactrices ou bloggeuses de mode ne reflétaient pas nécessairement la perception du public pertinent, dans la mesure où ils émanaient de professionnels ou étaient réalisés dans un contexte publicitaire. Au demeurant, les commentaires invoqués par la requérante ne sauraient réfuter l’existence d’autres formes sphériques ou ovoïdales dans le secteur concerné.

90      En cinquième lieu, la requérante s’appuie sur des décisions nationales reconnaissant, selon elle, une caractéristique concurrentielle à la marque demandée, ce qui témoignerait en faveur de son caractère inusuel et distinctif.

91      À cet égard, il doit être rappelé que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47]. Certes, quand bien même les décisions des autorités nationales ne sont pas contraignantes aux fins de l’application du droit des marques de l’Union européenne, elles peuvent être prises en considération [arrêt du 24 septembre 2019, Crédit Mutuel Arkéa/EUIPO – Confédération nationale du Crédit mutuel (Crédit Mutuel), T‑13/18, EU:T:2019:673, point 60].

92      Toutefois, en l’espèce, la jurisprudence nationale à laquelle la requérante se réfère porte sur des actions en contrefaçon concernant ses produits. Par conséquent, à supposer même avéré que les juridictions allemandes aient reconnu une caractéristique concurrentielle aux produits de la requérante dans le cadre d’actions en contrefaçon, une telle circonstance, par elle-même et à elle seule, ne saurait aucunement affecter la légalité de la décision attaquée en ce qu’elle conclut à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

93      En sixième lieu, s’agissant des produits concernés relevant de la classe 5, à savoir les produits médicamenteux pour les lèvres, la requérante fait valoir que les emballages sphériques ou ovoïdaux étaient inconnus et qu’elle a été la première à employer la forme représentée dans la marque demandée comme emballage original pour ces produits.

94      À titre liminaire, il doit être relevé qu’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas examiné séparément la perception de la marque demandée en relation aux produits concernés relevant de la classe 5. En revanche, il ressort de la décision attaquée qu’elle a considéré, en substance, que les produits concernés relevant des classes 3 et 5 relevaient d’un même secteur de produits dans la perspective de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée au sens de la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus. En effet, en se référant tant aux produits concernés relevant de la classe 3 qu’aux produits concernés relevant de la classe 5, la chambre de recours a indiqué que ces produits étaient tous des produits de soin cosmétique ou médical pour les lèvres, que lesdits produits étaient tous commercialisés dans des emballages et que la marque demandée représentait la forme d’un emballage pour de tels produits (points 29, 41 et 42 de la décision attaquée). Ainsi, dès lors que les produits concernés avaient la même fonction de soin pour les lèvres, qu’ils étaient commercialisés dans les mêmes emballages et qu’ils étaient destinés au grand public, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer qu’ils relevaient d’un même secteur et les examiner conjointement dans le cadre de l’appréciation dont au point 43 ci-dessus. Au demeurant, il n’apparaît pas que la requérante, au cours de la procédure devant les instances de l’EUIPO, ait opéré une distinction entre les produits relevant de la classe 3 et ceux relevant de la classe 5. Au contraire, la requête confirme notamment que le prétendu aperçu du marché soumis à l’examinatrice en tant qu’annexe HRM 11 (voir le point 70 ci-dessus) visait indistinctement les produits de soin pour les lèvres non-médicamenteux et médicamenteux. De surcroît, la requérante ne critique pas le fait que la chambre de recours ait opéré une telle appréciation d’ensemble.

95      Premièrement, la requérante fait valoir qu’elle aurait été la première à utiliser un emballage original à forme sphérique ou ovoïdale pour les produits concernés relevant de la classe 5, lesquels se caractériseraient par la « sobriété clinique » de leurs présentations. Or, un tel argument ne saurait prospérer. En effet, ainsi qu’il ressort du point 45 ci-dessus, la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque. Au demeurant, ainsi qu’il a été relevé au point 81 ci-dessus, la forme représentée dans la marque demandée ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur des produits non-médicamenteux ou médicamenteux de soin pour les lèvres.

96      Deuxièmement, ainsi qu’il a été relevé au point 48 ci-dessus, il doit être rappelé que l’annexe A.6 à la requête et les images contenues dans le corps de la requête, présentées pour la première fois devant le Tribunal, ne sauraient être prises en compte dans le cadre de la présente procédure.

97      Troisièmement, dans la mesure où la requérante se réfère au point 56 de la décision attaquée et observe que sa gamme de produits inclut des produits ayant une fonction médicamenteuse, il convient de relever que ledit point de la décision attaquée fait partie de l’appréciation de la chambre de recours concernant l’absence de caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée. Or, il doit être rappelé que la requérante n’a pas soulevé de moyen à l’encontre de ladite appréciation faite au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009. En tout état de cause, dès lors que l’argument de la requérante vise à démontrer que sa gamme de produits inclurait des produits médicamenteux, un tel argument est dépourvu de pertinence s’agissant de l’examen du caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée.

98      Compte tenu de tout ce qui précède, dès lors que les arguments présentés par la requérante devant le Tribunal (voir les points 38 et 39 ci-dessus) afférents aux produits concernés relevant des classes 3 et 5 ne permettent pas de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours, force est de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour ces produits.

99      Par conséquent, les griefs de la requérante visant les produits concernés relevant des classes 3 et 5 doivent également être écartés.

100    Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 95 du règlement 2017/1001

101    La requérante fait valoir que la chambre de recours, en violation de l’article 95 du règlement 2017/1001, n’a pas pris en compte ou a pris en compte de manière erronée ses arguments concernant le niveau d’attention du public pertinent, la perception de ce public de la forme en cause comme étant inhabituelle et inattendue, les conditions particulières du marché, ainsi que la documentation qu’elle avait produite. La chambre de recours aurait été tenue de prendre en considération chaque argument avancé par les parties dans le délai imparti.

102    L’EUIPO réfute les arguments de la requérante.

103    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 95 du règlement 2017/1001 dispose :

« 1. Au cours de la procédure, l’[EUIPO] procède à l’examen d’office des faits ; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Dans les procédures de nullité engagées en vertu de l’article 59, l’[EUIPO] limite son examen aux moyens et arguments soumis par les parties.

2. L’[EUIPO] peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. »

104    Premièrement, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, il y a lieu de rappeler qu’il ne saurait être exigé des chambres de recours qu’elles fournissent un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles [arrêt du 14 février 2019, Torro Entertainment/EUIPO – Grupo Osborne (TORRO Grande MEAT IN STYLE), T‑63/18, non publié, EU:T:2019:89, point 74].

105    Ainsi, le prétendu défaut de mention dans la décision attaquée de certains éléments invoqués par la requérante ne permet pas, à lui seul, d’établir que ces éléments n’auraient pas été pris en compte par la chambre de recours.

106    Deuxièmement, d’une part, force est de constater que, en l’espèce, c’est à tort que la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte, en violation de l’article 95 du règlement 2017/1001, les arguments présentés ou la documentation produite à leur soutien. En effet, ainsi qu’il ressort des constatations opérées dans le cadre de l’examen du premier moyen, la chambre de recours a pris en compte les arguments et les éléments de preuve invoqués par la requérante, mais est parvenue à la conclusion, opposée à celle soutenue par la requérante, que la marque demandée ne disposait pas de caractère distinctif. Les défauts de prise en compte allégués par la requérante manquent donc en fait. D’autre part, si la requérante soutient également que des arguments et des documents n’auraient pas été correctement pris en compte, il suffit de rappeler que l’obligation de l’EUIPO qui découle de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 doit être distinguée du bien-fondé de la décision attaquée. Ladite critique de la requérante, qui se rattache au bien-fondé de la décision attaquée, ne peut donc révéler une méconnaissance de cette disposition.

107    Partant, il y a lieu de rejeter le second moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Eos Products Sàrl est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand