Language of document : ECLI:EU:C:2021:447

ORDONNANCE DE LA COUR (première chambre)

3 juin 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Politique d’immigration et d’asile – Protection internationale – Directive 2013/33/UE – Article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d) – Placement en rétention des demandeurs de protection internationale – Demandeur placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE et pour lequel il existe des motifs raisonnables de penser qu’il a présenté la demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour – Critères objectifs permettant de fonder de tels motifs – Demandeur ayant déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile »

Dans l’affaire C‑186/21 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Upravno sodišče (Tribunal administratif, Slovénie), par décision du 15 mars 2021, parvenue à la Cour le 25 mars 2021, dans la procédure

J.A.

contre

Republika Slovenija,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader, MM. M. Safjan (rapporteur) et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant J.A. à la Republika Slovenija (République de Slovénie) au sujet de son placement en rétention administrative dans le cadre d’une demande de protection internationale.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2008/115/CE

3        L’article 1er de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98), dispose :

« La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu’au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme. »

4        L’article 6, paragraphe 1, de cette directive est libellé de la manière suivante :

« Les État membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5. »

5        Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, de ladite directive :

« À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque :

a)      il existe un risque de fuite, ou

b)      le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. »

 La directive 2013/33

6        Les considérants 15 et 20 de la directive 2013/33 énoncent :

« (15) Le placement en rétention des demandeurs devrait respecter le principe sous-jacent selon lequel nul ne doit être placé en rétention pour le seul motif qu’il demande une protection internationale, conformément, notamment, aux obligations des États membres au regard du droit international et à l’article 31 de la convention de Genève. Les demandeurs ne peuvent être placés en rétention que dans des circonstances exceptionnelles définies de manière très claire dans la présente directive et dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité en ce qui concerne tant la forme que la finalité de ce placement en rétention. Lorsqu’un demandeur est placé en rétention, il devrait bénéficier effectivement des garanties procédurales nécessaires, telles qu’un droit de recours auprès d’une autorité judiciaire nationale.

[...]

(20)      En vue de mieux garantir l’intégrité physique et psychologique des demandeurs, le placement en rétention devrait être une mesure de dernier recours et ne peut être appliquée qu’après que toutes les autres mesures, non privatives de liberté, ont été dûment envisagées. Toute mesure autre que le placement en rétention doit respecter les droits humains fondamentaux des demandeurs. »

7        L’article 8 de cette directive, intitulé « Placement en rétention », dispose :

« 1.      Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur conformément à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [(JO 2013, L 180, p. 60)].

2.      Lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

3.      Un demandeur ne peut être placé en rétention que :

[...]

d)      lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive [2008/115], pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement, et lorsque l’État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ;

[...]

Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national.

[...] »

 Le droit slovène

8        Il ressort de l’article 84, paragraphe 1, troisième tiret, du Zakon o mednarodni zaščiti (loi sur la protection internationale), du 4 mars 2016 (Uradni list RS, no 16/17, ci-après le « ZMZ-1 »), que l’autorité compétente peut adopter contre un demandeur de protection internationale une mesure de rétention obligatoire dans les locaux d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile lorsque le demandeur fait l’objet d’une rétention administrative conformément au Zakon o tujcih (loi sur les étrangers), du 16 juin 2011 (Uradni list RS, no 1/18), aux fins de la mise en œuvre et de l’exécution d’une procédure de retour ou d’éloignement, et qu’il existe des motifs raisonnables de penser que ce demandeur a présenté sa demande à la seule fin de retarder ou d’empêcher l’éloignement alors qu’il a déjà eu, à un stade antérieur, la possibilité d’introduire une telle demande.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        J.A. est un ressortissant de Bosnie-Herzégovine qui, à une date non précisée, a introduit en Slovénie une demande de protection internationale, laquelle a été rejetée par décision du 24 février 2020 devenue définitive le 11 janvier 2021 et exécutoire le 11 février 2021.

10      Au cours de la procédure relative à cette demande, J.A. a été condamné, par arrêt du 6 novembre 2018 de l’Okrožno sodišče v Ljubljani (tribunal régional de Ljubljana, Slovénie), à une peine privative de liberté d’un an pour actes de menace, agression et dégradation de biens d’autrui. En appel, le Višje sodišče v Ljubljani (cour d’appel de Ljubljana, Slovénie) a, par arrêt du 23 mai 2019, condamné J.A. à une peine privative de liberté d’un an et trois mois ainsi qu’à une peine accessoire d’interdiction du territoire national pour une période de trois ans. J.A. purgeait encore sa peine privative de liberté dans un établissement pénitentiaire lorsque la décision de rejet de sa demande de protection internationale est devenue exécutoire le 11 février 2021.

11      Au terme de l’exécution de sa peine privative de liberté, J.A. a été pris en charge par les autorités policières slovènes et leur a exprimé le souhait d’introduire une nouvelle demande de protection internationale. Selon la fiche d’enregistrement établie par ces autorités le 27 février 2021, J.A. a évoqué, dans ce contexte, les menaces de mort dont il ferait l’objet dans son pays d’origine.

12      J.A. a été emmené au centre d’accueil des demandeurs d’asile de Ljubljana (Slovénie) et s’est vu notifier oralement, après l’introduction de sa nouvelle demande de protection internationale, son placement en rétention administrative.

13      Le 1er mars 2021, le Ministrstvo za notranje zadeve Republike Slovenije (ministère de l’Intérieur de la République de Slovénie, ci-après le « ministère de l’Intérieur ») a formellement adopté, sur le fondement de l’article 84, paragraphe 1, troisième tiret, du ZMZ-1, une décision ordonnant la rétention de J.A. dans les locaux du centre de rétention pour étrangers de Postojna (Slovénie) pour la période allant du 27 février 2021 jusqu’à la date de cessation des motifs de rétention, la rétention devant cependant cesser le 27 mai 2021, sans préjudice de la possibilité d’une prolongation d’un mois. Cette décision était motivée par le fait que J.A. faisait déjà l’objet, au titre de la loi sur les étrangers, d’une rétention en raison de la procédure de retour initiée contre lui et qu’il existait des motifs raisonnables de penser que la nouvelle demande de protection internationale avait été présentée à la seule fin de retarder ou d’empêcher son éloignement, alors que J.A. avait eu la possibilité de présenter une telle demande à un stade antérieur.

14      À ce dernier égard, le ministère de l’Intérieur a considéré que J.A. n’avait exprimé son intention de soumettre une nouvelle demande de protection internationale qu’à partir du moment où il était devenu évident que la procédure visant à son éloignement du territoire slovène allait être déclenchée aux fins de l’exécution de la sanction accessoire d’interdiction du territoire national. En effet, J.A. aurait déjà pu exprimer, auprès des agents présents dans l’établissement pénitentiaire dans lequel il exécutait sa peine privative de liberté, son intention de présenter une telle demande dès que la décision de rejet de sa première demande de protection internationale était devenue exécutoire. Le ministère de l’Intérieur en a ainsi conclu que J.A. avait introduit sa demande à la seule fin de retarder ou d’empêcher la mise en œuvre de son éloignement du territoire slovène, ce qui serait corroboré par le fait que J.A. n’aurait indiqué, à l’appui de sa nouvelle demande, aucun fait ou élément de preuve nouveau par rapport à ceux invoqués dans le cadre de la première demande de protection internationale.

15      J.A. a introduit un recours contre la décision du ministère de l’Intérieur devant l’Upravno sodišče (Tribunal administratif, Slovénie). Il considère que sa rétention ne saurait être fondée sur l’article 84, paragraphe 1, troisième tiret, du ZMZ-1, car cette disposition ne fixerait pas de critères objectifs permettant d’apprécier s’il a exprimé son intention d’introduire une nouvelle demande de protection internationale à la seule fin de retarder l’exécution de son éloignement du territoire slovène.

16      Le 11 mars 2021, la juridiction de renvoi a ordonné en référé, à la demande de J.A., que, jusqu’au prononcé d’une décision définitive au fond sur le recours ou, au plus tard, à l’expiration du délai visé dans la décision du ministère de l’Intérieur, la rétention de l’intéressé soit effectuée au centre d’accueil des demandeurs d’asile de Ljubljana.

17      Tout en demandant à la Cour d’appliquer la procédure préjudicielle d’urgence au titre de l’article 107 du règlement de procédure, la juridiction de renvoi explique que l’issue du recours de J.A. dépend de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33, dont l’article 84, paragraphe 1, troisième tiret, du ZMZ-1 est la transposition en droit national.

18      À cet égard, la juridiction de renvoi se demande si, en disposant qu’une personne dans la situation de J.A. doit déjà avoir eu la possibilité de demander la protection internationale, l’article 84, paragraphe 1, troisième tiret, du ZMZ-1 prévoit un « critère objectif » au sens de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33.

19      Dans ce cadre, la juridiction de renvoi indique que, compte tenu de l’expression « tels que » utilisée à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33, il pourrait être soutenu que « le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile », visé à cette disposition, constitue un « critère objectif », au sens de ladite disposition, lequel correspondrait au critère prévu à l’article 84, paragraphe 1, troisième tiret, du ZMZ-1. Dans ces conditions, le fait que le législateur slovène n’a pas fixé, à cette dernière disposition, d’autres critères objectifs ne pourrait avoir une quelconque incidence dans une affaire où, comme en l’occurrence, les autorités nationales ont invoqué exclusivement l’existence de ce critère objectif pour motiver la décision de rétention.

20      Si une telle interprétation ne devait pas être retenue, la juridiction de renvoi se demande si, lors de la transposition de la directive 2013/33, le législateur national n’aurait pas dû, pour des raisons de prévisibilité juridique et de respect des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement ainsi qu’au regard du considérant 15 de cette directive, établir, dans le cadre d’une disposition contraignante, claire et générale, les critères objectifs sur la base desquels, en plus de la constatation préalable selon laquelle la personne concernée a eu la possibilité d’introduire une demande de protection internationale, les autorités nationales peuvent conclure à l’existence de motifs raisonnables permettant de penser que le demandeur a introduit une demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d’empêcher la décision de retour. La juridiction de renvoi souligne que, conformément à cette approche, la décision du ministère de l’Intérieur en cause au principal devrait être annulée en raison du fait que le ZMZ-1 ne définit pas spécifiquement les critères objectifs que les autorités nationales doivent prendre en compte.

21      Dans ce contexte, l’Upravno sodišče (Tribunal administratif) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 8, paragraphe 3, [premier alinéa], sous d), de la directive [2013/33] doit-il être interprété en ce sens que l’expression “tels que” classe expressément parmi les critères objectifs la circonstance que “le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile” ?

2)      En cas de réponse négative à cette question, l’article 8, paragraphe 3, [premier alinéa], sous d), de la directive [2013/33] doit-il être interprété en ce sens que, dans les circonstances décrites, la mise en rétention n’est admissible que sur la base de critères objectifs préétablis et de la constatation préalable que le demandeur a déjà eu la possibilité d’introduire une demande de protection internationale et sur la base de laquelle il pourrait être conclu qu’il existe des motifs raisonnables de penser que ladite demande a été introduite à la seule fin de retarder ou d’empêcher une décision de retour ? »

 Sur la procédure préjudicielle d’urgence

22      La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

23      À l’appui de cette demande, cette juridiction fait valoir que J.A. se trouve en rétention administrative et que le maintien de la rétention dépend de l’issue du litige au principal.

24      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que le renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation de la directive 2013/33, qui relève du titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ce renvoi est, par conséquent, susceptible d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence.

25      S’agissant, en second lieu, de la condition relative à l’urgence, il importe de souligner que cette condition est notamment remplie lorsque la personne concernée est actuellement privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal. À cet égard, la situation de la personne concernée est à apprécier telle qu’elle se présente à la date de l’examen de la demande visant à obtenir que le renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure d’urgence (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 99 ainsi que jurisprudence citée).

26      Or, selon une jurisprudence constante, le placement d’un ressortissant d’un pays tiers dans un centre de rétention, que ce soit au cours de sa demande de protection internationale ou en vue de son éloignement, constitue une mesure privative de liberté (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 100 ainsi que jurisprudence citée).

27      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le requérant au principal est privé de liberté depuis son placement en rétention ordonné en relation avec sa demande de protection internationale et que son maintien en rétention dépend de la solution du litige au principal en ce que l’annulation de la décision du ministère de l’Intérieur serait susceptible d’y mettre fin.

28      Au vu de ces considérations, il convient de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence.

 Sur les questions préjudicielles

29      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

30      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

 Sur la première question

31      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33 doit être interprété en ce sens que le fait qu’un demandeur de protection internationale a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile constitue un critère objectif, au sens de cette disposition.

32      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2013/33, les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle a présenté une demande de protection internationale.

33      En outre, l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive prévoit que le placement en rétention ne peut intervenir que lorsque cela s’avère nécessaire, sur la base d’une appréciation au cas par cas et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. Il s’ensuit que les autorités nationales ne peuvent placer en rétention un demandeur de protection internationale qu’après avoir vérifié, au cas par cas, si une telle rétention est proportionnée aux fins qu’elle poursuit, cette vérification requérant de s’assurer, notamment, que le recours à la rétention n’est utilisée qu’en dernier ressort [voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale), C‑808/18, EU:C:2020:1029, point 175 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 258 et jurisprudence citée].

34      Par ailleurs, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour que l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33 énumère de manière exhaustive les différents motifs susceptibles de justifier un placement en rétention et que chacun de ces motifs répond à un besoin spécifique et revêt un caractère autonome [arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale), C‑808/18, EU:C:2020:1029, point 168 et jurisprudence citée].

35      S’agissant, plus particulièrement, du motif de rétention visé à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33, cette disposition prévoit qu’un demandeur de protection internationale peut être placé en rétention sur le fondement de cette directive lorsqu’il se trouve déjà en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive 2008/115, en vue de préparer son retour et/ou de procéder à son éloignement, et lorsque l’État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour.

36      Le motif de rétention visé à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33 est ainsi soumis à deux conditions cumulatives distinctes. Il est nécessaire, d’une part, que le demandeur de protection internationale fasse déjà l’objet d’une rétention à des fins d’éloignement au titre du chapitre IV de la directive 2008/115 et, d’autre part, qu’il existe des motifs raisonnables, fondés sur des critères objectifs, de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour.

37      En ce qui concerne les critères objectifs sur la base desquels les autorités compétentes des États membres doivent fonder leurs motifs raisonnables en vertu de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33, il convient de constater que cette disposition, bien que ne définissant pas la notion de « critères objectifs », fournit un exemple de critère qui peut être invoqué par ces autorités, à savoir le fait que le demandeur de protection internationale a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile.

38      En effet, l’emploi, dans cette disposition, de l’expression « tels que », laquelle, dans le langage courant, est synonyme de « comme », « par exemple », « notamment », « en particulier », « à l’instar de » ou « à l’image de », indique sans ambiguïté que le législateur de l’Union a souhaité donner un exemple de critère objectif que les autorités nationales compétentes peuvent invoquer pour justifier qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour.

39      Dès lors, il y a lieu de considérer que le fait que le demandeur de protection internationale a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile constitue l’un des critères objectifs que les autorités nationales compétentes peuvent invoquer pour justifier qu’il existe des motifs raisonnables de penser que l’intéressé a présenté la demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour.

40      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33 doit être interprété en ce sens que le fait qu’un demandeur de protection internationale a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile constitue un critère objectif, au sens de cette disposition.

 Sur la seconde question

41      La seconde question étant posée dans le cas où il serait répondu par la négative à la première question, il n’y a pas lieu d’y répondre.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, doit être interprété en ce sens que le fait qu’un demandeur de protection internationale a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile constitue un critère objectif, au sens de cette disposition.

Signatures


*      Langue de procédure : le slovène.