Language of document : ECLI:EU:T:2011:157

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 avril 2011 (*)

« Marque communautaire – Demandes de marques communautaires verbales BEHAVIOURAL INDEXING et BEHAVIOURAL INDEX – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans les affaires T‑310/09 et T‑383/09,

Fuller & Thaler Asset Management, Inc., établie à San Mateo (États‑Unis), représentée par M. S. Malynicz, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet, dans l’affaire T-310/09, un recours formé contre la décision de la grande chambre de recours de l’OHMI du 28 avril 2009 (affaire R 323/2008‑G), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal BEHAVIOURAL INDEXING comme marque communautaire et, dans l’affaire T-383/09, un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 11 juin 2009 (affaire R 138/2009‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal BEHAVIOURAL INDEX comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 4 août (affaire T‑310/09) et le 28 septembre 2009 (affaire T‑383/09),

vu les mémoires en réponse déposés au greffe du Tribunal le 27 novembre (affaire T‑310/09) et le 7 décembre 2009 (affaire T‑383/09),

vu l’ordonnance du 20 octobre 2010 portant jonction des affaires T‑310/09 et T‑383/09 aux fins de la procédure orale,

vu la réponse de l’OHMI du 25 octobre 2010 à la question du Tribunal du 22 octobre 2010,

à la suite de l’audience du 30 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 mars 2007, la requérante, Fuller & Thaler Asset Management, Inc., a présenté deux demandes d’enregistrement de marques communautaires à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont les signes verbaux BEHAVIOURAL INDEXING et BEHAVIOURAL INDEX.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement des marques a été demandé relèvent des classes 9 et 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels pour la gestion d’actifs financiers, gestion financière, gestion de portefeuilles financiers, gestion d’investissements et gestion de fonds ; logiciels pour la gestion et l’administration de portefeuilles de titres et de fonds communs de placement basés sur des indices » ;

–        classe 36 : « Fourniture de services de gestion d’actifs financiers, de gestion financière, de gestion de portefeuilles financiers, de gestion d’investissements et de gestion de fonds ; fourniture de services de gestion de portefeuilles de titres et de fonds communs de placement basés sur des indices ».

4        S’agissant du signe BEHAVIOURAL INDEXING, l’examinateur a refusé son enregistrement en tant que marque communautaire par décision du 29 août 2007, pour l’ensemble des produits et des services énumérés au point précédent, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009]. Par lettre du 29 octobre 2007, la requérante a demandé le retrait de la décision de l’examinateur du 29 août 2007. Dans ladite lettre, elle a admis que les produits et les services concernés se rapportaient à un indice d’information et a insisté sur le fait que les données étaient compilées en « examinant et en évaluant les actes accomplis par les investisseurs sur le marché et en utilisant les erreurs cognitives qu’ils [commettaient] en raison de l’existence de préjugés comportementaux ». Enfin, dans cette lettre, elle a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 [devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009], contre la décision de l’examinateur du 29 août 2007.

5        Par décision du 28 avril 2009 (ci-après la « première décision attaquée »), la grande chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

6        S’agissant du signe BEHAVIOURAL INDEX, la requérante a, par lettre du 2 novembre 2007 adressée à l’OHMI, admis que les produits et les services concernés se rapportaient à un indice d’information et a insisté sur le fait que les données étaient compilées en « examinant et en évaluant les actes accomplis par les investisseurs sur le marché et en utilisant les erreurs cognitives qu’ils [commettaient] en raison de l’existence de préjugés comportementaux ». Par décision du 25 novembre 2008, l’examinateur a refusé l’enregistrement dudit signe en tant que marque communautaire, pour l’ensemble des produits et des services énumérés au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

7        Le 23 janvier 2009, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinateur du 25 novembre 2008,.

8        Par décision du 11 juin 2009 (ci-après, la « seconde décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

9        Dans la première décision attaquée, la grande chambre de recours a considéré que le public pertinent était un public spécialisé, que le terme « indexing » était descriptif des produits et des services en cause et que le terme « behavioural » était également doté d’une signification dans le secteur concerné. Ensuite, elle a considéré que l’association de ces deux termes présentait une structure grammaticalement correcte, dotée d’une signification qui était descriptive des produits et des services en cause. Elle en a déduit que la marque demandée, considérée dans son ensemble, donnait une indication immédiate, directe et aisément compréhensible de la nature et de la destination des produits et des services en cause. Enfin, elle a précisé qu’il était indifférent que la requérante fût la seule à commercialiser un système protégé permettant d’analyser et d’anticiper les performances des marchés financiers sous la marque demandée.

10      Dans la seconde décision attaquée, la première chambre de recours a considéré que le public pertinent était un public anglophone dont le niveau d’attention était élevé, que le terme « index », était descriptif des produits et des services en cause et que le terme « behavioural » était également doté d’une signification dans le secteur concerné. Elle a, par ailleurs, indiqué qu’il était raisonnable de supposer qu’un indice capable d’expliquer, d’interpréter ou même de prédire la conduite des opérateurs financiers constituerait un atout précieux. Puis, elle a considéré que l’association des termes « behavioural » et « index » présentait une structure grammaticalement correcte dotée d’une signification intellectuelle, qui était descriptive des produits et des services en cause. Selon elle, le fait que le mot « behaviour » était susceptible de diverses interprétations était sans pertinence, dès lors que la combinaison de ce terme avec le terme « index » revêtait une signification claire qui se rapportait aux produits et aux services visés. Elle en a déduit, d’une part, que la marque demandée, considérée dans son ensemble, donnait une indication immédiate, directe et aisément compréhensible de la nature et de la destination des produits et des services en cause et qu’elle ne créait pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple combinaison des significations véhiculées par les éléments qui la composaient et que, d’autre part, compte tenu du niveau élevé de vigilance du public pertinent, le signe en cause serait perçu immédiatement et sans autre réflexion comme une référence directe et manifeste au processus de compilation de l’indice.

 Conclusions des parties

11      Dans l’affaire T‑310/09, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      Dans l’affaire T‑383/09, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la seconde décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      Tant dans l’affaire T‑310/09 que dans l’affaire T‑383/09, l’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      Il y a lieu, les parties ayant été entendues sur ce point, de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt en application de l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

 Arguments des parties

15      À l’appui de chacun de ses deux recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Ce moyen unique se divise en trois branches.

16      Premièrement, la requérante soutient que l’OHMI a erronément apprécié la signification des signes verbaux en cause, le respect par lesdits signes de la syntaxe de la langue anglaise et l’aptitude de ces signes à constituer une expression immédiate et directement descriptive des produits et des services en cause. En substance, elle fait valoir que la juxtaposition des termes « behavioural » et « indexing », d’une part, et des termes « behavioural » et « index », d’autre part, aboutit à une structure qui ne constitue pas, du point de vue du public concerné, une expression connue dans la langue et le secteur pertinents en l’espèce. Ladite juxtaposition ferait surgir des connotations qui seraient nouvelles ou fantaisistes dans le domaine des logiciels et de la finance. En outre, le terme « behavioural » serait, en lui-même, « une expression inhabituelle » dans le contexte des produits ou des services en cause.

17      Deuxièmement, la requérante invoque l’absence d’éléments de preuve dans la première décision attaquée et dans la seconde décision attaquée permettant de démontrer le caractère descriptif des marques demandées pour le public pertinent. En tout état de cause, l’OHMI n’aurait pas motivé à suffisance de droit lesdites décisions quant au caractère descriptif des marques demandées.

18      Troisièmement, la requérante conteste le bien-fondé du refus de l’OHMI d’interpréter le motif de refus d’enregistrement dudit article à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend.

19      L’OHMI conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

20      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

21      Selon la jurisprudence constante, il convient d’interpréter les différents motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’eux (voir arrêt de la Cour du 19 avril 2007, OHMI/Celltech, C‑273/05 P, Rec. p. I‑2883, point 74, et la jurisprudence citée).

22      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 62, et la jurisprudence citée).

23      Pour qu’une marque constituée d’un signe résultant d’une combinaison d’éléments soit considérée comme descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il ne suffit pas qu’un éventuel caractère descriptif soit constaté pour chacun de ces éléments. Un tel caractère doit être constaté pour l’ensemble des éléments [voir, par analogie, et à propos de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), disposition qui est identique, en substance, à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, arrêts de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619 point 96, et Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 37].

24      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que si, en règle générale, la simple combinaison d’éléments dont chacun est descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, reste elle-même descriptive des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, une telle combinaison peut ne pas être descriptive, au sens de ladite disposition, à condition qu’elle crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion desdits éléments (arrêts Koninklijke KPN Nederland, point 23 supra, points 98 et 99, et Campina Melkunie, point 23 supra, points 39 et 40).

25      Dès lors, si, s’agissant d’une marque composée de mots, un éventuel caractère descriptif peut être examiné, en partie, pour chacun de ses éléments, pris séparément, il doit, en tout état de cause, dépendre d’un examen de l’ensemble qu’ils composent (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 28, et du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 29).

26      S’il résulte de ce qui précède que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, il n’en demeure pas moins que son application ne dépend pas de l’existence d’un impératif de disponibilité concret, actuel et sérieux au profit des tiers [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 39 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 35].

27      Ainsi, pour que l’OHMI oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 32).

28      Partant, il convient uniquement d’examiner, sur la base de la signification pertinente de la marque demandée, s’il existe un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits ou des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques [arrêts du Tribunal STREAMSERVE, point 26 supra, point 40, et du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II‑1961, point 27].

29      Par ailleurs, selon la jurisprudence, aux termes de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, les examinateurs de l’OHMI et, sur recours, les chambres de recours de l’OHMI doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque demandée relève ou non d’un des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 du même règlement. Il s’ensuit que les organes compétents de l’OHMI peuvent être amenés à fonder leurs décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 50).

30      Ensuite, si, en principe, il appartient à ces organes d’établir, dans leurs décisions, l’exactitude de tels faits, tel n’est pas le cas lorsqu’ils allèguent des faits notoires (arrêt Storck/OHMI, point 29 supra, point 51), c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles [arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 29]. À cet égard, il y a lieu de souligner qu’un demandeur de marque à qui les organes compétents de l’OHMI opposent de tels faits notoires est en mesure de contester l’exactitude de ces faits devant le Tribunal (arrêt Storck/OHMI, point 29 supra, point 52).

31      En l’espèce, il convient de remarquer d’emblée que plusieurs éléments factuels pertinents ne sont pas contestés par les parties, à savoir :

–        que, ainsi que l’ont relevé la grande chambre de recours et la première chambre de recours, le public pertinent est composé d’investisseurs, d’opérateurs économiques, d’établissements financiers ou d’autres entreprises et que, partant, ce public se caractérise par un niveau d’attention élevé ;

–        que le public pertinent est un public anglophone ;

–        que, d’une part, dans le secteur de la finance, dont relèvent les produits et les services concernés, le public pertinent comprend le terme « indexing » comme désignant un acte ou un processus qui consiste à compiler un indice et le terme « index » comme désignant un outil indiciaire et que, d’autre part, lesdits termes sont descriptifs des produits et des services concernés en ce qu’ils sont spécifiquement décrits comme se rapportant à un indice d’information.

32      Ainsi, la question principale qui se pose en l’espèce est celle de savoir, en substance, si, dans la perception du public pertinent, les expressions « behavioural indexing » et « behavioural index », prises dans leur ensemble, sont descriptives par rapport aux services et aux produits concernés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

33      À cet égard, il convient de constater que le fait que le public pertinent se compose d’investisseurs, d’opérateurs économiques, d’établissements financiers ou d’autres entreprises et qu’il se caractérise par un niveau d’attention élevé ne permet pas de le qualifier de public composé de spécialistes. En effet, ainsi que l’OHMI l’a fait valoir lors de l’audience, dès lors que la grande chambre de recours et la première chambre de recours ont, à juste titre, considéré que le public concerné se composait en particulier d’investisseurs, c’est-à-dire de personnes qui pouvaient disposer d’une certaine connaissance des marchés, sans pour autant être des professionnels du secteur de la finance, ledit public concerné, tout en disposant d’un niveau d’attention élevé, ne se limitait pas à un public spécialisé.

 Sur la première branche du moyen unique, soulevé dans chacun des deux recours, tirée de l’appréciation erronée de la signification des signes verbaux en cause, du respect par lesdits signes de la syntaxe de la langue anglaise et de l’aptitude de ces signes à constituer une expression immédiate et directement descriptive des produits et des services en cause

34      Il convient de rappeler que, en anglais, l’adjectif « behavioural » vise à caractériser ou à désigner l’analyse d’un comportement objectif et notamment de celui d’êtres humains. Par ailleurs, ainsi que l’ont relevé la grande chambre de recours, au point 39 de la première décision attaquée, et la première chambre de recours, aux points 16 et 17 de la seconde décision attaquée, une telle analyse psychologique des facteurs humains, sociaux et cognitifs peut être effectuée dans le secteur de la finance afin de comprendre, d’expliquer, d’interpréter ou de prédire les décisions prises par les consommateurs, les emprunteurs, les directeurs ou les investisseurs, lesquelles affectent les prix sur le marché des valeurs mobilières, les rendements et l’affectation des ressources.

35      Ainsi, d’une manière générale, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, même si l’analyse comportementale relève des sciences sociales, elle est notamment appliquée dans le secteur financier où les facteurs humains, sociaux et cognitifs peuvent avoir une influence sur les décisions prises par les consommateurs, les emprunteurs, les directeurs ou les investisseurs.

36      Par conséquent, c’est à tort que la requérante soutient que le terme « behavioural » est inhabituel dans le contexte des produits et des services en cause. En effet, cet adjectif peut être utilisé, dans l’ensemble des secteurs dans lesquels l’analyse comportementale est appliquée. Cela apparaît d’autant plus avéré lorsque, comme c’est le cas en l’espèce et sans que cela soit contesté par la requérante, le secteur concerné, à savoir celui de la finance, se caractérise par son exposition directe aux comportements des acteurs dudit secteur.

37      En outre, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la grande chambre de recours et la première chambre de recours ont considéré que le terme « behaviour » et le terme « behavioural » étaient interchangeables, force est de constater qu’elle manque en fait. En effet, il ne ressort ni de la première décision attaquée ni de la seconde décision attaquée que les chambres de recours ont considéré que lesdits mots étaient interchangeables.

38      Partant, c’est à bon droit que la grande chambre de recours et la première chambre de recours ont considéré que, au regard des produits et des services concernés, le terme « behavioural », en ce qu’il renvoie à des facteurs humains, sociaux et cognitifs, revêt une signification dans le secteur financier.

39      Par ailleurs, au regard de la jurisprudence citée aux points 24 à 25 ci-dessus, il convient d’apprécier si, prises dans leur ensemble, les expressions « behavioural indexing » et « behavioural index » sont descriptives des produits et des services concernés.

40      À cet égard il convient d’examiner si, ainsi que le fait valoir la requérante, la juxtaposition des termes « behavioural » et « indexing », d’une part, et des termes « behavioural » et « index », d’autre part, fait surgir des connotations qui sont nouvelles ou fantaisistes dans le domaine des logiciels et de la finance.

41      Tout d’abord, ainsi que cela ressort des points 34 à 38 ci-dessus s’agissant du terme « behavioural » et ainsi que le reconnaît la requérante s’agissant des termes « indexing » et « index », ces trois termes, pris séparément, sont parfaitement compréhensibles par le public pertinent.

42      Ensuite, il convient de relever que les termes « behavioural », « indexing » et « index », pris séparément, sont descriptifs des produits et des services concernés. En effet, s’agissant du terme « behavioural », dès lors que le comportement des acteurs du secteur financier a une influence directe sur les prix des valeurs mobilières, la dimension comportementale à laquelle renvoie ledit terme est nécessairement prise en compte dans le cadre des logiciels et des services de gestion desdites valeurs. Quant aux termes « indexing » et « index », comme cela a été relevé au point 31 ci-dessus, ils se rapportent à un indice d’information, ce que la requérante ne conteste pas.

43      En outre, il convient de rappeler que, en anglais, tant du point de vue grammatical que de celui de la syntaxe de la langue anglaise, la juxtaposition des mots « behavioural » et « indexing », d’une part, et « behavioural » et « index », d’autre part, est parfaitement correcte. Partant, dans la mesure où le terme « behavioural » est un adjectif, il entretient un lien étroit avec les substantifs auxquels il se rapporte, à savoir, en l’espèce, les mots « indexing » et « index ».

44      C’est donc à bon droit que la grande chambre de recours et la première chambre de recours ont considéré que les expressions « behavioural indexing » et « behavioural index », prises dans leur ensemble, informaient clairement le public pertinent du fait que les produits et les services concernés se rapportaient à la compilation d’un indice tenant compte de facteurs humains, sociaux et cognitifs qui influencent des aspects clés de la gestion financière des entités et des décisions d’investissement concernant par exsemple les prix, le rendement et l’affectation des ressources.

45      Dans ces conditions, c’est à tort que la requérante se prévaut du caractère prétendument nouveau et fantaisiste dans le domaine des logiciels et de la finance de ladite juxtaposition, de sorte qu’elle revêtirait un caractère inhabituel.

46      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la première branche du moyen unique, soulevé dans chacun des deux recours, comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, soulevé dans chacun des deux recours, tirée de l’absence d’éléments de preuve dans la première décision attaquée et dans la seconde décision attaquée permettant de démontrer le caractère descriptif des marques demandées pour le public pertinent

47      À titre liminaire, il y a lieu de constater que deux affirmations de la requérante sont manifestement erronées.

48      D’une part, c’est à tort qu’elle soutient que la définition du public pertinent de public spécialisé entraîne un report sur l’OHMI de « certaines obligations procédurales ». En effet, outre le fait que, ainsi qu’il a été relevé au point 33 ci-dessus, le public pertinent ne se réduit pas à un public spécialisé, en tout état de cause, la définition du public pertinent a pour objet de déterminer le niveau d’attention dudit public. Ladite définition n’entraîne donc pas une modification de « certaines obligations procédurales » qui lient l’OHMI et ce, en particulier, s’agissant de la charge de la preuve qui pèse sur ce dernier.

49      D’autre part, c’est également à tort que la requérante soutient que, conformément aux dispositions de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, l’OHMI est tenu de procéder à un examen d’office des faits autres que ceux notoires, afin de déterminer si les marques demandées relèvent d’un des motifs absolus de refus. En effet, il ressort tant des dispositions dudit article que de la jurisprudence constante citée au point 29 ci-dessus, que l’OHMI est tenu d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer un motif absolu de refus. Partant, cette obligation qui lie l’OHMI porte sur tout fait pertinent, y compris celui qui est notoire.

50      À titre principal, en premier lieu, il convient de relever ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, que la requérante cite elle-même dans chacune de ses requêtes, l’OHMI n’est pas tenu d’établir l’exactitude de faits qu’il considère comme notoires.

51      En second lieu, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà considéré que les chambres de recours devaient pouvoir fonder leurs décisions sur des arguments non débattus devant l’examinateur pour autant que la partie intéressée ait pu faire valoir ses observations sur les faits ayant une incidence sur l’application de la disposition juridique en cause. En vertu du principe de la continuité fonctionnelle entre l’examinateur et les chambres de recours, celles-ci peuvent reprendre l’examen de la demande sans être limitées par le raisonnement de l’examinateur [arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec. p. II‑265, point 27, et du 5 juin 2002, Hershey Foods/OMHI (Kiss Device with plume), T‑198/00, Rec. p. II‑2567, point 25].

52      Enfin, premièrement, il convient de rappeler qu’il est constant que le public pertinent est un public anglophone qui fait preuve d’un niveau d’attention élevé. En outre, il n’est pas contesté par la requérante que ni la grande chambre de recours ni la première chambre de recours ne s’est fondée sur des éléments nouveaux par rapport à ceux retenus par l’examinateur. Tout au plus, la requérante reproche aux chambres de recours d’avoir invoqué un seul élément de preuve retenu par l’examinateur sans pour autant avoir repris les résultats des recherches effectuées sur Internet par ce dernier. Or, un tel reproche ne saurait, au regard de la jurisprudence citée au point 51 ci-dessus, prospérer.

53      Deuxièmement, il y a lieu de relever que, ainsi que la grande chambre de recours, au point 40 de la première décision attaquée, et la première chambre de recours, au point 18 de la seconde décision attaquée, l’ont considéré, les expressions « behavioural indexing » et « behavioural index » informent clairement le public pertinent que les produits et les services en cause se rapportent à la compilation d’un indice tenant compte de facteurs humains, sociaux et cognitifs.

54      Troisièmement, force est de constater que tant la grande chambre de recours, au point 41 de la première décision attaquée, que la première chambre de recours, au point 19 de la seconde décision attaquée, ont considéré que les marques demandées prises dans leur ensemble donnaient une indication immédiate, directe et aisément compréhensible de la nature et de la destination des produits et des services en cause. Les marques demandées seront donc perçues immédiatement et sans autre réflexion comme une référence directe et manifeste à ces produits et ces services. Ainsi, tant la grande chambre de recours que la première chambre de recours ont, en substance, fait état du caractère notoire des faits sur lesquels elles ont fondé leur décision.

55      Dès lors, ainsi que le fait valoir l’OHMI dans chacune de ses réponses, il ressort de la première décision attaquée et de la seconde décision attaquée, d’une part, que tant la grande chambre de recours que la première chambre de recours ont constaté que l’importance des facteurs comportementaux est notoirement connue du public pertinent sur les marchés financiers et boursiers et, d’autre part, que lesdites chambres ont étayé à suffisance de droit ledit constat.

56      Partant, au regard du caractère notoire des faits ainsi constatés à juste titre par la grande chambre de recours et la première chambre de recours, et sans qu’il puisse leur être reproché de ne pas avoir repris à leur compte les éléments de preuve retenus par l’examinateur, c’est à tort que la requérante reproche à l’OHMI de ne pas en avoir établi l’exactitude.

57      Enfin, quatrièmement, en ce qui concerne la prétendue violation, par la grande chambre de recours et par la première chambre de recours, de l’obligation de motivation de leurs décisions, quant au caractère descriptif des marques demandées, il y a lieu de rappeler que ladite obligation a le double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité des décisions de l’OHMI [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 18, et la jurisprudence citée].

58      Or, en l’espèce, force est de constater que, dans la première décision attaquée et dans la seconde décision attaquée, la grande chambre de recours et la première chambre de recours ont suffisamment exposé les faits et les considérations juridiques quant au caractère descriptif des marques demandées pour permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité desdites décisions à ce sujet. Partant le grief tiré de la violation de l’obligation doit être rejeté comme non fondé.

59      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la deuxième branche du moyen unique, soulevé dans chacun des deux recours, comme non fondée.

 Sur la troisième branche du moyen unique, soulevé dans chacun des deux recours, tirée du refus de l’OHMI d’interpréter le motif de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend

60      Il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 22 et 26 ci-dessus, que les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 poursuivent un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou les indications descriptives des catégories de produits ou de services pour lesquelles l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous.

61      Partant, il suffit que l’OHMI constate l’existence d’un des motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 pour que, au regard du but d’intérêt général qui les sous-tend, l’enregistrement des marques demandées puisse être refusé.

62      Ainsi, la protection d’un tel but d’intérêt général étant inhérente auxdits motifs absolus de refus, c’est manifestement à tort que la requérante reproche à l’OHMI de ne pas avoir identifié un but d’intérêt général susceptible d’être protégé en l’espèce.

63      Par conséquent, il convient d’écarter la troisième branche du moyen unique, soulevé dans chacun des deux recours, comme non fondée.

64      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des arguments exposés par la requérante à l’appui des trois branches qui soutiennent le moyen unique, soulevé dans chacun des deux recours, n’étant fondé, il y a lieu, dans chacune des affaires, T‑310/09 et T‑383/09, de rejeter ledit moyen et, partant, les demandes d’annulation dans leur intégralité.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, tant dans l’affaire T‑310/09 que dans l’affaire T‑383/09, il y a lieu de la condamner aux entiers dépens exposés dans chacune de ces deux affaires, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑310/09 et T‑383/09 sont jointes aux fins du présent arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Fuller & Thaler Asset Management, Inc. est condamnée, dans les affaires T‑310/09 et T‑383/09, à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 avril 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.