Language of document : ECLI:EU:C:2022:493

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

15 juin 2022 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑120/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 février 2022,

République de Chypre, représentée par Mme V. Marsland, solicitor, et Me C. Milbradt, Rechtsanwältin,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Fontana Food AB, établie à Tyresö (Suède),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. I. Jarukaitis et M. Ilešič (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. G. Pitruzzella, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, la République de Chypre, en tant que titulaire de deux marques de certification chypriotes verbales antérieures ΧΑΛΛΟΥΜΙ HALLOUMI, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 décembre 2021, Chypre/EUIPO – Fontana Food (GRILLOUMI BURGER) (T‑593/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:865), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 juin 2019 (affaire R 1297/2018‑4), confirmant le rejet de l’opposition que la République de Chypre avait formée contre la demande de Fontana Food AB, relative à l’enregistrement du signe verbal GRILLOUMI BURGER en tant que marque de l’Union européenne.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les quatre moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        Par le premier moyen du pourvoi, la requérante soutient que le Tribunal a omis d’identifier la fonction essentielle des marques de certification, qui consiste à distinguer les produits certifiés des autres produits et non à indiquer leur origine commerciale, en violant ainsi l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 83 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). Selon elle, aucune marque de certification ne constitue, eu égard à sa finalité, une indication de l’origine commerciale. À cet égard, elle reproche au Tribunal d’avoir apprécié de manière erronée, aux points 58 et 98 à 113 de l’arrêt attaqué, un risque de confusion par analogie avec les marques ordinaires. Si le Tribunal avait identifié correctement la fonction essentielle des marques de certification, il aurait, selon la requérante, conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

8        La requérante estime que ce premier moyen soulève donc la question de savoir quelle est la fonction essentielle d’une marque de certification et, en conséquence, comment définir le risque de confusion pour ces types de marques. Elle souligne que cette question va au-delà de son pourvoi puisqu’il n’existe aucune jurisprudence de la Cour à ce sujet. La Cour serait tenue de se prononcer à cet égard, les juridictions nationales et l’EUIPO étant dans l’incertitude quant à l’interprétation desdits éléments. Il serait nécessaire que la Cour détermine également si c’est à bon droit que le Tribunal a étendu la jurisprudence de la Cour sur les marques collectives aux marques de certification, en recourant à des critères de l’existence d’un risque de confusion fondés sur l’origine commerciale. Elle ajoute que cette question concerne des milliers d’utilisateurs de marques de certification et que le nombre de demandes de ces marques est en cours d’augmentation.

9        Par ses deuxième et troisième moyens, la requérante reproche au Tribunal d’avoir omis d’accorder aux marques de certification antérieures, d’une part, un caractère distinctif, eu égard à leur capacité de distinguer les produits certifiés, et, d’autre part, une validité reconnue, en ce qu’il a exigé, au point 68 de l’arrêt attaqué, d’attester de celle-ci au regard du droit national. Dans ce contexte, le Tribunal aurait erronément considéré ces marques comme un nom générique ou une indication du type de produit et aurait jugé à tort que le caractère distinctif pouvait avoir une incidence sur la comparaison des marques, contrairement notamment à l’arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO (C‑43/15 P, EU:C:2016:837, points 58 à 60). En outre, selon la requérante, le Tribunal s’est écarté de l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, point 40 à 47), selon lequel une marque nationale antérieure, invoquée à l’appui d’une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, doit se voir reconnaître un certain degré de caractère distinctif.

10      Par son quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré que le caractère distinctif des marques de certification doit être apprécié par référence à la capacité d’indiquer l’origine commerciale pour les marques individuelles et d’avoir, par conséquent, jugé, au point 69 de l’arrêt attaquée, comme étant pertinent le fait qu’il ait précédemment constaté, dans des affaires concernant des marques individuelles, que le terme « halloumi » était descriptif. Elle ajoute que le fait d’avoir retenu un critère erroné du caractère distinctif avait une incidence sur l’issue de la procédure.

11      Les deuxième à quatrième moyens soulèvent, selon la requérante, les questions de savoir comment aborder la notion et l’appréciation du « caractère distinctif » des marques de certification et si ce caractère distinctif peut avoir une incidence sur la comparaison des marques. En outre, elle souligne que toutes les marques de certification sont, en un sens, « descriptives » d’une caractéristique importante, par exemple, d’une méthode de fabrication, de matériaux ou, selon certaines législations nationales, de la provenance géographique et que, parfois, elles ont également la fonction supplémentaire d’indiquer le nom réel des produits.

12      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20 et jurisprudence citée).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21 et jurisprudence citée).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et jurisprudence citée).

15      Dès lors, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

16      En l’occurrence, en ce qui concerne, en premier lieu, l’argumentation évoquée aux points 7 et 8 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal aurait méconnu la fonction essentielle des marques de certification antérieures lors de l’appréciation du risque de confusion, il convient de relever que la requérante ne démontre pas, d’une manière respectant l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance, en quoi son pourvoi soulève une question importante au regard de ces critères qui justifierait l’admission du pourvoi.

17      En effet, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, le requérant au pourvoi doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’il invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Ainsi, cette démonstration implique d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement des arguments d’ordre général (ordonnance du 21 décembre 2021, Chypre/EUIPO, C‑538/21 P, non publiée, EU:C:2021:1053, point 20 et jurisprudence citée).

18      Or, les allégations formulées par la requérante et selon lesquelles le Tribunal aurait violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 83 du règlement 2017/1001, en méconnaissant la fonction essentielle d’une marque de certification, sont trop générales pour être de nature à constituer une telle démonstration.

19      En outre, le fait qu’une question de droit n’a pas encore fait l’objet d’un examen par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la requérante étant toujours tenue de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère nouveau de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard desdits critères (ordonnance du 21 décembre 2021, Chypre/EUIPO, C‑538/21 P, non publiée, EU:C:2021:1053, point 22 et jurisprudence citée). Or, une telle démonstration ne ressort pas de la présente demande, la requérante se limitant à exposer des arguments d’ordre général, tel que le fait que la question en cause concerne un nombre élevé d’utilisateurs de marques de certification, sans pour autant avancer d’arguments concrets et propres au cas d’espèce afin de prouver l’importance de cette question au regard de l’unité, de la cohérence ou du développement du droit de l’Union.

20      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation résumée aux points 9 à 11 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal aurait erronément apprécié le caractère distinctif des marques de certification antérieures, il convient de relever que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance (ordonnance du 21 décembre 2021, Chypre/EUIPO, C‑538/21 P, non publiée, EU:C:2021:1053, point 23).

21      Or, la requérante ne démontre pas, à suffisance de droit, en quoi l’analyse du Tribunal portant sur le caractère distinctif des marques de certification antérieures lors de l’appréciation du risque de confusion soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      En ce qui concerne, plus précisément, l’argumentation évoquée au point 9 de la présente ordonnance, tirée d’une méconnaissance de la jurisprudence de la Cour, force est de constater que si la requérante précise les points des arrêts qui auraient été méconnus, elle ne fournit toutefois pas d’explications suffisamment claires et précises afin de permettre à la Cour de comprendre en quoi consisteraient les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal à cet égard.

23      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      La République de Chypre supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.