Language of document : ECLI:EU:T:2010:288

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre) 

7 juillet 2010 (*)

« Clause compromissoire – Programme concernant la promotion de technologies énergétiques pour l’Europe (Thermie) – Contrat concernant le projet de réalisation à Umbertide (Italie) d’une centrale de production d’énergie électrique au moyen d’une technologie innovante de combustion de la biomasse agroforestière – Modification substantielle des conditions d’exécution du contrat – Résiliation – Remboursement des sommes versées – Intérêts »

Dans l’affaire T‑51/09,

Commission européenne, représentée par M. V. Joris, en qualité d’agent, assisté de MA. dal Ferro, avocat,

partie requérante,

contre

Antiche Terre Soc. coop. rl Società Agricola Cooperativa, établie à Arezzo (Italie), représentée par Mes L. Defalque et P. Van Leynseele, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé par la Commission au titre de l’article 238 CE, en vue d’obtenir la condamnation d’Antiche Terre à rembourser des sommes versées par la Communauté européenne en exécution du contrat BM/188/96, du 23 décembre 1996, conclu avec trois sociétés, dont Antiche Terre, dans le cadre du programme Thermie,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, E. Moavero Milanesi (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 février 2010,

rend le présent

Arrêt

 Contrat litigieux

1        Le 23 décembre 1996, la Communauté européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, a conclu avec la défenderesse, Antiche Terre Soc. coop. rl Società Agricola Cooperativa, établie en Italie, Kvaerner Pulping Oy, établie en Finlande, et Powertec Española, SA, établie en Espagne (ces trois sociétés étant ci-après dénommées ensemble les « contractants »), le contrat BM/188/96 (ci‑après le « contrat »), par lequel les contractants se sont engagés, moyennant un soutien financier de la Communauté, à produire de l’énergie électrique en utilisant une technologie de combustion innovante de la biomasse. Antiche Terre était le coordinateur du projet en cause. 

2        Les coûts du projet qui faisait l’objet du contrat ainsi que les financements communautaires qui y étaient prévus étaient exprimés en écus. En application de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l’introduction de l’euro (JO L 162, p. 1), les références à l’écu ont été remplacées par des références à l’euro au taux d’un euro pour un écu. 

3        Le contrat, rédigé en italien, était régi, en vertu de son article 10, par le droit italien. Il comportait trois annexes, qui en faisaient partie intégrante. L’annexe I du contrat contenait une description du programme dans le cadre duquel le projet en cause s’inscrivait, son annexe II les conditions générales du contrat et son annexe III un modèle de garantie bancaire.

4        Aux termes de l’article 7 des conditions générales du contrat, « le Tribunal de première instance des Communautés européennes et, en cas de pourvoi, la Cour de justice des Communautés européennes » étaient seuls compétents pour connaître des litiges entre la Commission et les contractants relatifs à la validité, à l’application et à l’interprétation de ce contrat.

5        En vertu du point 2.1 du contrat, la durée de réalisation du projet était fixée à 25 mois à compter du 1er septembre 1996 et la date de fin de contrat au 31 octobre 1998.

6        Selon le point 3.1 du contrat, les coûts prévisionnels du projet s’élevaient à 5 133 101 euros et, en vertu du point 3.2 du contrat, la Commission s’engageait à contribuer au projet à raison de 30 % de cette somme, soit à hauteur de 1 539 930 écus.

7        L’article 4 du contrat, précisant les modalités de la participation financière, prévoyait notamment l’octroi par la Commission d’une avance égale à 461 979 euros, qui devait être versée dans les deux mois suivant la signature du contrat. Les paiements devaient être effectués régulièrement à la défenderesse, dans les deux mois suivant la communication par celle-ci des rapports techniques et des états financiers.

8        En vertu du point 5.1 des conditions générales du contrat, les contractants comme la Commission pouvaient résilier le contrat, moyennant un préavis de deux mois, pour des raisons techniques ou économiques majeures qui affecteraient substantiellement l’exécution du projet.

9        Le point 5.3, sous a), des conditions générales du contrat prévoyait à cet égard :

« 5.3 La Commission peut immédiatement résilier le contrat, intégralement ou vis-à-vis d’un seul contractant, par notification écrite :

a) i) si elle a demandé au contractant, dans un délai raisonnable qui aura été indiqué par écrit (mais qui ne pourra être inférieur à un mois), de remplir ses obligations contractuelles et s’il n’a pas satisfait à cette demande de manière satisfaisante, ou

ii) en cas d’irrégularités financières graves. »

10      Aux termes du point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du contrat, dans le cas d’une résiliation du contrat en vertu du point 5.3, sous a), des conditions générales, des intérêts pouvaient, sur demande écrite, être ajoutés à tout montant à rembourser, au taux appliqué par l’Institut monétaire européen (IME) pour ses opérations en écus, majoré de 2 %, pour la période allant de la réception des fonds à leur remboursement.

 Faits à l’origine du litige

11      Dans le cadre du programme Thermie adopté par le Conseil de l’Union européenne, la Commission a lancé, en 1995-1996, un appel d’offres relatif, notamment, à la conception et à la réalisation d’installations de production d’énergie utilisant la combustion de la biomasse.

12      Cet appel d’offres précisait que le programme Thermie « s’articule autour de deux axes principaux », dont le premier consiste dans « le partage des coûts des projets mettant en œuvre des technologies énergétiques innovantes ». En ce qui concerne le critère d’innovation, il était indiqué que les projets éligibles étaient ceux destinés à promouvoir ou à mettre en œuvre des techniques, des processus ou des produits innovants et que tout soumissionnaire devait contribuer tant au financement qu’au caractère novateur du projet.

13      En ce qui concerne l’utilisation obligatoire du processus de combustion dans la réalisation du projet, il était précisé que, s’agissant du « Secteur 1 » de l’appel d’offres, intitulé « Combustion de la biomasse », les projets devaient porter sur la production d’électricité, de chaleur ou la production combinée de chaleur et d’électricité par la combustion de la biomasse, que certaines technologies étaient considérées comme des aspects non éligibles et que, en pareille circonstance, la proposition ne serait pas évaluée. Il était en particulier prévu que tel serait le cas d’une proposition fondée sur les technologies de conversion autres que la combustion et d’une proposition dans laquelle la technologie de combustion est fondée sur des fours rotatifs, des réacteurs à lit entraîné, des réacteurs cyclones, des gazogènes dans un projet de combustion en deux étapes.

14      La défenderesse a participé à l’appel d’offres en présentant un projet dans le cadre du « Secteur 1 » de celui-ci, un tel projet utilisant une « technologie de combustion innovante ». Le projet de la défenderesse a été sélectionné. Le contrat devait s’achever le 31 octobre 1998. Par lettre de la Commission du 26 janvier 1999, la défenderesse a cependant obtenu que le délai d’achèvement du contrat soit prorogé une première fois de deux ans, jusqu’au 31 octobre 2000, puis, par lettre du 8 août 2001, une nouvelle fois de deux ans, jusqu’au 31 octobre 2002.

15      Le 4 décembre 1997, la Commission a émis en faveur de la défenderesse l’ordre de paiement relatif à l’avance convenue d’un montant de 461 979 euros. Le 18 décembre 1997, elle lui a également versé la somme de 17 353,40 écus à titre de paiement intermédiaire.

16      Par lettre du 8 juillet 2002, la défenderesse a informé la Commission qu’elle avait, en vertu de l’article 8 du contrat, apporté des modifications au projet initial concernant son site de réalisation, les participants et l’approche technique utilisée.

17      Par lettre du 21 novembre 2002, la Commission a adressé à la défenderesse une lettre lui notifiant la résiliation du contrat. Dans cette lettre, elle a invoqué le retard important accumulé dans l’exécution du projet et demandé à la défenderesse de lui fournir, en application du point 5.6 des conditions générales du contrat, le rapport technique et le relevé des coûts.

18      Par lettre du 22 janvier 2003, la défenderesse a contesté la résiliation du contrat par la Commission et lui a fait parvenir le rapport technique. Le 30 janvier 2003, elle a également adressé à la Commission l’état financier relatif à la période allant du mois de septembre 1996 au mois d’octobre 2002.

19      Par lettre du 27 mars 2003, la Commission a confirmé à la défenderesse la teneur de sa lettre précédente et, plus particulièrement, son intention de mettre un terme au contrat à la date du 1er avril 2003.

20      Par lettre du 30 avril 2003, la défenderesse a contesté les interprétations et les prises de position de la Commission et relevé le retard important que cette dernière avait mis pour répondre à sa lettre du 8 juillet 2002. Elle a aussi mis en cause l’attitude de la Commission dans le cadre de l’examen de l’ensemble des éléments techniques, économiques et environnementaux très positifs contenus dans le nouveau projet. Par lettre du 7 juillet 2003, la Commission a confirmé sa décision de mettre un terme au contrat, à la date du 1er avril 2003. Par lettre du 24 juillet 2003, elle a adressé à la défenderesse un ordre de recouvrement de la somme avancée, d’un montant de 479 332,40 euros, majorée des intérêts échus, d’un montant de 167 690,26 euros. Elle a, par ailleurs, invité la défenderesse à lui indiquer les modalités de répartition du paiement de cette somme entre les contractants.

21      En l’absence de réponse de la défenderesse, la Commission lui a fait parvenir une lettre de mise en demeure en date du 19 novembre 2003, en lui confirmant qu’elle devait restituer, outre le principal encore en sa possession, les intérêts prévus au point 5.4 du contrat. Le 21 novembre 2003, une note de débit n° 3240505658, dont l’échéance était fixée au 4 janvier 2004 et qui concernait la somme de 582 337,74 euros, a été envoyée à la défenderesse. L’envoi de cette note de débit a été suivi de celui de la note de débit n° 3241700199, du 26 septembre 2005, dont l’échéance était fixée au 10 novembre 2005, concernant un montant de 41 487,41 euros, relative à l’actualisation des intérêts exigibles en vertu du point 9.1.2 du contrat.

22      Le non-paiement des notes de débit nos 3240505658 et 3241700199 a entraîné, le 25 janvier 2005, la mise à exécution, par la Commission, de la garantie bancaire d’un montant de 461 979 euros octroyée par la Banca Nazionale del Lavoro d’Arezzo, conformément à l’article 4, premier tiret, du contrat. La Commission a ensuite sommé la défenderesse de payer le reliquat dû, augmenté des intérêts, par une lettre datée du 17 août 2005. Cette mise en demeure ainsi que la suivante envoyée le 3 octobre 2007 et reçue par la défenderesse le 5 octobre 2007 n’ont pas été suivies d’effet.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 février 2009, la Commission a introduit le présent recours.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la défenderesse à rembourser la somme de 479 332,40 euros, majorée des intérêts exigibles au taux visé au point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du contrat (taux appliqué par l’IME pour ses opérations en écus, majoré de 2 %) au titre de la période allant de la date de réception des fonds (c’est-à-dire à partir du 4 décembre 1997 pour le montant de 461 979 euros et à partir du 18 décembre 1997 pour le montant de 17 353,40 euros) jusqu’au 1er avril 2003, plus les intérêts exigibles au même taux au titre de la période allant du 4 janvier 2004 jusqu’au règlement effectif, après déduction de la somme de 461 979 euros payée le 25 janvier 2005 ;

–        à titre subsidiaire, condamner la défenderesse au remboursement de la somme de 479 332,40 euros, majorée des intérêts exigibles au taux légal italien à compter du 4 janvier 2004 jusqu’au règlement effectif, après déduction de la somme de 461 979 euros payée le 25 janvier 2005 ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

26      La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que les conditions visées au point 5.1 des conditions générales du contrat, au titre duquel la Commission a résilié ce dernier, ne sont pas réunies en l’espèce et que cette résiliation, exercée sur le seul fondement de la modification technique du projet, est, dès lors, illégale ;

–        à titre subsidiaire, désigner avant dire droit un expert chargé d’examiner le processus technique mentionné dans le contrat ainsi que les modifications apportées à ce processus en 2001, afin de déterminer s’il s’agit d’une amélioration de la technique de base ou, au contraire, d’une modification substantielle des conditions contractuelles ;

–        constater et déclarer la violation, par la Commission, de ses obligations contractuelles sur la base des dispositions, des motifs et des principes du code civil italien ainsi que des principes généraux du droit communautaire et, partant, déclarer non fondée la résiliation du contrat ;

–        prononcer, en conséquence, la résolution du contrat en raison d’un manquement de la Commission à ses obligations contractuelles et condamner cette dernière à lui verser, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 703 091,15 euros (soit 30 % de la somme totale de 5 109 273,45 euros engagée par le consortium), à laquelle elle aurait eu droit si la Commission n’avait pas illégalement résilié le contrat, ou, à titre subsidiaire, la somme de 461 979 euros, récupérée par la Commission à la suite de la mise à exécution de la garantie bancaire, le 25 janvier 2005, octroyée par la Banca Nazionale del Lavoro d’Arezzo et remboursée à cette dernière par la défenderesse, majorée des intérêts légaux ainsi que moyennant « réévaluation monétaire du montant dû et jusqu’à paiement du solde » ;

–        à titre plus subsidiaire, au cas où les différentes exceptions et demandes reconventionnelles seraient rejetées, dire que la responsabilité contractuelle de la défenderesse est limitée à un tiers des sommes éventuellement dues ;

–        à défaut, et dans l’hypothèse où la résiliation du contrat serait néanmoins tenue pour justifiée, déclarer que les intérêts devraient être calculés selon le taux des intérêts légaux prévus à l’article 1284 du code civil italien à compter de la mise en demeure ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, ordonner la compensation des dépens.

 En droit

27      Par le présent recours, la Commission demande en substance au Tribunal de condamner la défenderesse à lui rembourser la somme de 479 332,40 euros, majorée des intérêts exigibles au taux visé au point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du contrat ou, à titre subsidiaire, majorée des intérêts exigibles au taux légal italien.

 Sur la résiliation unilatérale du contrat par la Commission 

 Arguments des parties

28      La Commission rappelle les termes du point 5.1 des conditions générales du contrat, concernant le droit de résiliation unilatérale du contrat. Elle soutient que la défenderesse a apporté au projet initialement proposé des modifications concernant des aspects fondamentaux de ce dernier, tels que le type de technologie utilisée, qui avaient été déterminants dans la décision de la Commission de prendre en considération le projet et de le financer dans le cadre du programme Thermie.

29      Selon la Commission, alors que le programme Thermie et le projet initial, annexé au contrat, concernaient la production d’énergie grâce à une technologie innovante de combustion de la biomasse, sur la base d’une chaudière à lit fluidisé circulant, le projet modifié de la défenderesse prévoit l’utilisation du processus de gazéification en recourant à un gazogène à lit basé sur une technologie obsolète. En outre, selon elle, cette modification relative à la technologie utilisée affecte également la capacité de l’installation, car la capacité initialement prévue était de 10 mégawatts électriques, alors que celle qui résulterait du processus de gazéification serait inférieure à 0,50 mégawatt électrique.

30      La Commission allègue que, si la défenderesse lui avait présenté le projet reposant sur le processus de la gazéification, et non exclusivement sur celui de la combustion, elle aurait estimé que ce projet n’entrait pas dans le cadre du champ d’application du programme Thermie et ne l’aurait donc pas pris en considération aux fins d’un éventuel financement.

31      La Commission souligne que le projet modifié de la défenderesse ne constitue pas une évolution par rapport à celui qui avait été initialement proposé et qu’il est même dépourvu de tout caractère novateur. En particulier, le système innovant « CYMIC » que la défenderesse avait elle-même mis en évidence dans la présentation du projet initial comme étant l’élément caractéristique de sa technologie innovante aurait été complètement abandonné à la suite des modifications apportées au projet initial.

32      La Commission relève que la défenderesse a aussi apporté d’autres changements au projet. Comme il ressortirait de sa lettre du 8 juillet 2002, la localisation du projet a été modifiée, ce dernier ayant été transféré d’Umbertide (province de Perugia) à Civitella in Val di Chiana (province d’Arezzo), et les parties contractantes elles-mêmes ont changé, la société française Martezo, établie à Poitiers, s’étant substituée à la société finlandaise Kvaerner Pulping.

33      La Commission fait valoir que les modifications en question ont été apportées unilatéralement et sans autorisation préalable. Elles violeraient ainsi l’article 8 du contrat, aux termes duquel « [l]es clauses du présent contrat ne peuvent être modifiées que par voie d’accord écrit conclu par les représentants, dûment autorisés, des parties contractantes ». Elle rappelle que la défenderesse n’a pas non plus respecté le délai contractuel prévu pour la réalisation du projet. Alors que la construction de l’installation aurait dû s’achever au mois de septembre 1997, ainsi qu’il ressort de la lettre de la Commission du 21 novembre 2002, la phase de construction n’avait même pas commencé à cette époque. Ce manquement de la défenderesse à ses obligations contractuelles serait d’autant plus grave que la Commission avait, à la demande de celle-ci, prorogé à deux reprises le contrat en reportant sa date d’expiration.

34      La Commission souligne enfin que c’est à la suite de ces modifications, apportées unilatéralement par la défenderesse, qu’elle a exercé le droit de résiliation prévu au point 5.1 des conditions générales du contrat. Elle précise que c’est après avoir reçu le dernier rapport technique et l’état financier de la défenderesse et les avoir jugés « inacceptables », parce qu’ils concernaient un « projet substantiellement différent » de celui qui avait été présenté et approuvé, qu’elle a confirmé à la défenderesse la résiliation avec effet à compter du 1er avril 2003.

35      La défenderesse soutient que, même à supposer que les sommes réclamées par la Commission soient contractuellement dues, elle n’a assumé qu’un rôle de coordinateur dans l’exécution du contrat. Selon elle, aucune disposition du contrat n’établit la responsabilité solidaire des contractants, pas plus que la responsabilité exclusive de la défenderesse en qualité de coordinateur du projet. Elle indique que la Commission devrait mettre en cause les deux autres contractants et que sa responsabilité se limite à un tiers de l’engagement contracté.

36      Selon la défenderesse, la Commission a manqué à l’obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats au sens de l’article 1375 du code civil italien en suscitant chez elle une confiance légitime, à savoir celle de pouvoir compter sur une prorogation du contrat. Elle fait valoir que la Commission est restée en défaut de réagir, à l’instar du créancier visé à l’article 1206 du code civil italien, en n’accomplissant pas ce qu’il fallait au moment nécessaire pour qu’elle puisse « satisfaire à l’obligation ».

37      La défenderesse souligne que, dans sa lettre du 21 novembre 2002, la Commission déclare résilier, sur le fondement du point 5.1 des conditions générales du contrat, le contrat au motif que la modification apportée au processus technique constituerait une modification substantielle dudit contrat, mais elle ne lui fait pas grief d’avoir modifié l’implantation du projet.

38      La défenderesse prétend que le remplacement du contractant finlandais par un contractant français n’a pas été effectué comme prévu et que ce grief ne pouvait dès lors pas servir à la Commission de motif de résiliation. La seule modification qui pourrait justifier cette dernière serait celle apportée au processus technique du projet, à condition toutefois que cette modification s’avère substantielle.

39      La défenderesse allègue que la modification apportée au processus technique n’était pas substantielle, mais qu’il s’agissait simplement d’une amélioration de la technique proposée dans le contrat, de manière à la rendre plus efficace, moins coûteuse et meilleure pour l’environnement. Ce serait donc à tort que la Commission a estimé que les contractants avaient unilatéralement apporté des modifications substantielles aux conditions contractuelles et, en particulier, à la technologie utilisée. Il en résulte, selon elle, que les conditions prévues au point 5.1 des conditions générales du contrat, aux fins de l’exercice du droit de résiliation, n’étaient pas et ne sont toujours pas remplies en l’espèce. À titre subsidiaire, la défenderesse demande au Tribunal d’ordonner, conformément à l’article 65, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la désignation d’un expert chargé notamment d’apprécier si les modifications apportées au cours de l’année 2001 au processus technique constituent simplement une amélioration de la technologie décrite dans le contrat ou s’il s’agit d’une modification substantielle des conditions de ce contrat.

40      La défenderesse estime que, dans la présente espèce, la Commission a violé un principe du code civil italien et un principe général du droit communautaire en vertu desquels tout contrat doit être exécuté de bonne foi par les parties contractantes.

41      La défenderesse relève que plus de cinq mois se sont écoulés avant que la Commission ne donne, par lettre du 21 novembre 2002, une réponse négative à la lettre du 8 juillet 2002 qui faisait état d’une amélioration des processus techniques utilisés. Elle considère que ce retard « injustifié » constitue un défaut d’exécution des obligations découlant dudit contrat et, partant, un manquement de la part de la Commission. Elle fait valoir que la Commission l’a ainsi amenée à considérer qu’il y avait un « accord implicite » de cette dernière en ce qui concerne une prorogation du contrat, la Commission, en tardant à répondre, ayant provoqué des retards dans l’activité de la défenderesse pour ce qui est des délais d’exécution du contrat lui‑même. Elle précise que le retard avec lequel la Commission a répondu à sa lettre du 8 juillet 2002 constitue, en outre, une « multirécidive », la Commission ayant déjà, en d’autres occasions, mis plusieurs mois pour répondre, et cela en violation de l’obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats. La défenderesse souligne que, à sa demande motivée d’une prorogation du contrat en date du 30 novembre 2000, réitérée le 22 mai 2001, la Commission n’a donné suite que le 8 août 2001, soit plus de huit mois après, par un « avis négatif ». Ce retard serait injustifié et méconnaîtrait les obligations de loyauté et de coopération avec le cocontractant ainsi que celle d’exécution de bonne foi des contrats.

42      Une violation de l’obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats serait, selon la défenderesse, aussi constituée par la décision de la Commission de résilier le contrat sans qu’ait été offerte aux contractants la possibilité d’avoir un débat contradictoire s’agissant de l’amélioration apportée au processus technologique et celle de renégocier ledit contrat à la lumière de circonstances nouvelles que représenterait le non-renouvellement des autorisations administratives par la commune d’Umbertide. Selon la défenderesse, la Commission n’a pas tenu compte de plusieurs éléments importants, dont l’amélioration apportée au projet sans augmentation de son coût et la réalisation de ce projet dans son intégralité. Elle fait observer que la production d’électricité au moyen du procédé développé s’est avérée être un grand succès et a rencontré la faveur des autorités ainsi que des populations locales.

43      La défenderesse soutient que le principe de bonne foi dans l’exécution des contrats est un principe général prévu par le code civil italien, qu’il est, en outre, prévu à l’article 10 CE et qu’il est un principe général du droit communautaire. Selon elle, puisque la bonne foi « est en substance synonyme de correction », c’est à la lumière de ces règles qu’il convient d’interpréter l’article 1175 du code civil italien, aux termes duquel « [l]e débiteur et le créancier doivent avoir dans leurs relations un comportement conforme aux règles de la correction », et, dans des contextes autres que celui afférent à l’exécution du contrat, les règles relatives à la négociation (article 1337 du code civil italien) et à l’interprétation du contrat (article 1366 du code civil italien) renvoient également à la bonne foi.

44      Selon la défenderesse, la bonne foi oblige chacune des parties à coopérer de manière à permettre l’exécution du contrat, mais aussi à se comporter de manière à ne pas porter préjudice au cocontractant, voire à sauvegarder son « intérêt raisonnable », lorsque cela n’entraîne pas un « sacrifice appréciable et injuste » à la charge de cette partie. De l’avis de la défenderesse, le principe de bonne foi joue un rôle très important, y compris lorsque des événements surviennent en cours d’exécution de contrats d’une certaine durée. Selon elle, ce principe peut engendrer, à l’égard des parties, même si elles ne l’ont pas prévue, une obligation de renégocier, pour adapter leur relation contractuelle aux événements qui se sont produits. Elle précise que des clauses de « renégociation » peuvent avoir été stipulées et que, selon le cas, un contrat modificatif du contrat initial est conclu ou, si une des parties refuse de renégocier, lesdites clauses sont violées et il s’agit donc d’un manquement contractuel.

45      La défenderesse considère enfin que la résiliation du contrat par la Commission est illégale et constitue un manquement contractuel de cette dernière, justifiant la déclaration de résolution dudit contrat ainsi que la condamnation de la Commission à la réparation du dommage subi à concurrence du montant du financement prévu et non utilisé ou, à titre subsidiaire, à concurrence du montant avancé et récupéré par la Commission à la suite de la mise à exécution de la garantie bancaire octroyée par la Banca Nazionale del Lavoro d’Arezzo, celui-ci ayant été remboursé à la Commission par la défenderesse.

 Appréciation du Tribunal

46      À titre liminaire, il convient de rappeler que la compétence des juridictions de l’Union pour connaître, en vertu d’une clause compromissoire, d’un contrat s’apprécie, selon la jurisprudence, au vu des seules dispositions de l’article 238 CE et des stipulations de la clause elle-même (arrêt de la Cour du 8 avril 1992, Commission/Feilhauer, C‑209/90, Rec. p. I‑2613, point 13, et ordonnance du Tribunal du 17 février 2006, Commission/Trends e.a., T‑449/04, non publiée au Recueil, point 29). Cette compétence est dérogatoire du droit commun et doit, partant, être interprétée restrictivement (arrêt de la Cour du 18 décembre 1986, Commission/Zoubek, 426/85, Rec. p. 4057, point 11).

47      En ce qui concerne d’abord la responsabilité de la défenderesse, il convient de relever que le point 1.1 du contrat précise que « [l]es contractants s’engagent conjointement et solidairement à exécuter le présent contrat à l’égard de la Commission » et que le point 1.2 dudit contrat stipule que, « [à] l’exception des cas de force majeure (en particulier les grèves, les fermetures et les autres événements échappant au contrôle raisonnable des contractants), les contractants s’efforcent, dans la limite du raisonnable, de parvenir aux résultats prévus par le projet et de s’acquitter des obligations des contractants défaillants (qui ne remplissent pas leurs obligations) ». Le même point du contrat précise qu’« [a]ucun cocontractant ne sera tenu d’entreprendre des activités qui échappent à son contrôle raisonnable, ni à rembourser des sommes d’argent en raison de la défaillance d’un autre cocontractant, à moins qu’il n’ait contribué à la défaillance ». Il en résulte que les contractants sont solidairement responsables de l’exécution et/ou de la non-exécution du contrat, sauf à démontrer qu’ils n’ont pas contribué à cette non-exécution. Or, la défenderesse n’établit pas ni même n’allègue qu’elle n’aurait aucune responsabilité dans la non-exécution du contrat en sa qualité de coordinateur du projet. En outre, il ne ressort pas du contrat que la responsabilité contractuelle de la défenderesse devrait être limitée à un tiers des sommes éventuellement dues.

48      La Commission a résilié le contrat en application du point 5.1 des conditions générales du contrat. Il convient donc d’apprécier dans quelle mesure la défenderesse a manqué à ses obligations contractuelles et, partant, si la Commission était en droit de résilier le contrat sur le fondement de ladite clause.

49      La Commission soutient que la défenderesse a apporté des modifications au contrat, en ce qui concerne, en particulier, la technologie utilisée, qui s’analysent comme une modification substantielle des conditions d’exécution du contrat. La défenderesse conteste cette allégation, car elle considère que la modification apportée à la technologie utilisée n’est pas substantielle, mais doit être regardée comme une simple amélioration de la technologie proposée dans le contrat.

50      Il convient, dès lors, de déterminer si le changement de technologie opéré par la défenderesse a modifié substantiellement ou non les conditions d’exécution du contrat.

51      Il résulte des pièces du dossier que les projets présentés au titre du « Secteur 1 » de l’appel d’offres, intitulé « Combustion de la biomasse », devaient porter sur la production d’électricité, de chaleur ou la production combinée de chaleur et d’électricité par la combustion de la biomasse. En outre, il était précisé explicitement que ne seraient pas considérées comme éligibles les propositions fondées sur les technologies de conversion autres que la combustion et les propositions dans lesquelles la technologie de combustion est fondée sur des fours rotatifs, des réacteurs à lit entraîné, des réacteurs cyclones, des gazéificateurs avec un procédé de combustion en deux étapes.

52      En ce qui concerne le projet initial soumis par la défenderesse à la Commission, il y a lieu de constater qu’il est indiqué au point 2 de l’annexe I du contrat que « [l]a technologie choisie consiste en une chaudière à lit fluidisé de haute technologie pour la production de vapeur – turbogénérateur – ayant pour but une conception simple et économe en espace, de faibles émissions, des temps de démarrage et d’arrêt rapides et des coûts d’entretien réduits ».

53      En ce qui concerne la nouvelle technologie proposée par la suite par la défenderesse, il résulte des pièces du dossier, et notamment de sa lettre en date du 8 juillet 2002 adressée à la Commission ainsi que du descriptif du procédé technique figurant en annexe à la requête, que celle-ci s’analyse en une gazéification de la biomasse qui se décompose en deux phases : premièrement, une gazéification de la biomasse, aux fins d’extraire le gaz combustible, séparé du goudron et des poussières de carbone, et, deuxièmement, une combustion interne du seul gaz combustible, afin de produire en cogénération de l’énergie thermique et électrique.

54      Or, il convient de relever que l’appel d’offres mentionnait exclusivement des processus de génération d’énergie par combustion et présentait comme inéligibles les projets fondés sur des technologies autres que la combustion ainsi que ceux dans lesquels la technologie de combustion serait fondée sur des gazéificateurs avec un procédé de combustion en deux étapes. Force est donc de constater que la nouvelle technologie proposée par la défenderesse ne répondait pas aux prescriptions de l’appel d’offres et ne pouvait, par conséquent, bénéficier du financement communautaire au titre du « Secteur 1 ».

55      Dès lors, l’argumentation de la défenderesse tendant à faire valoir les avantages de cette nouvelle technologie par rapport à l’ancienne, qui fait l’objet du contrat, est inopérante. À cet égard, il suffit de constater que, si cette technologie, fondée sur la gazéification, avait été présentée en lieu et place de celle fondée sur la combustion, elle n’aurait pas été retenue par la Commission, au motif qu’elle ne répondait pas aux exigences clairement spécifiées dans l’appel d’offres, et n’aurait donc pas pu bénéficier d’un soutien financier au titre du « Secteur 1 ».

56      Concernant le prétendu manquement de la Commission à ses obligations contractuelles de loyauté, de bonne foi et de coopération dans l’exécution du contrat, premièrement, il convient de relever, s’agissant, en particulier, du temps mis par la Commission pour répondre à la lettre de la défenderesse du 30 novembre 2000 demandant une prorogation du contrat, que, pour regrettable que soit le retard avec lequel la Commission a répondu à cette lettre, ce délai n’a pu faire naître, au sens de la jurisprudence, une confiance légitime.

57      En effet, le principe de protection de la confiance légitime, qui constitue un principe général du droit communautaire, s’étend à toute personne qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Selon une jurisprudence constante, constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises de la part de l’administration (arrêt du Tribunal du 8 mai 2007, Citymo/Commission, T‑271/04, Rec. p. II‑1375, point 138). Or, la défenderesse n’établit pas qu’elle aurait reçu de la Commission des assurances sur la prorogation du contrat.

58      Deuxièmement, s’agissant du grief tiré de ce que la possibilité n’aurait pas été donnée à la défenderesse d’avoir un débat contradictoire avec la Commission en ce qui concerne la nouvelle technologie proposée et la renégociation du contrat du fait du non renouvellement des autorisations par la commune d’Umbertide, il importe de souligner qu’aucune clause du contrat ne fait obligation à la Commission de susciter ce débat et que, si la Commission pouvait le faire, elle n’y était nullement tenue.

59      Troisièmement, s’agissant du manquement invoqué à l’obligation de coopération, il suffit de constater que, pour prendre en compte précisément des difficultés rencontrées par la défenderesse dans l’exécution du contrat, la Commission a accueilli à deux reprises sa demande de proroger le contrat.

60      Il résulte de ce qui précède que la défenderesse n’a pas établi que la Commission avait manqué à ses obligations contractuelles de respect de la confiance légitime, de bonne foi et de coopération. Partant, la Commission était en droit, du seul fait que la nouvelle technologie proposée ne répondait pas aux spécifications de l’appel d’offres, de résilier le contrat, sur le fondement du point 5.1 des conditions générales du contrat.

 Sur la demande de remboursement des sommes versées

 Arguments des parties

61      La Commission souligne que, en vertu du point 5.4 des conditions générales du contrat, « [e]n cas de résiliation, la participation communautaire ne portera que sur les coûts qui concernent les éléments livrables du projet, acceptés par la Commission, et sur les autres coûts raisonnables et acceptables, y compris sur les engagements de nature financière ». Elle soutient que la défenderesse lui a soumis des éléments livrables qui n’auraient pas été acceptés, car ils concernaient un « projet substantiellement différent » de celui que prévoyait le contrat et n’étaient donc pas compatibles avec les objectifs de ce dernier. Ce serait la raison pour laquelle la Commission a résilié le contrat, en vertu du point 5.1 de ses conditions générales.

62      La Commission considère donc que la défenderesse doit lui rembourser toutes les sommes qui ont été reçues à titre de contribution financière, à la fois celles constituant le principal, qui s’élèveraient à un montant total de 479 332,40 euros (461 979 euros + 17 353,40 euros), et celles correspondant aux intérêts.

63      S’agissant des intérêts, la Commission se réfère à la lettre du contrat, qui, outre l’obligation de restitution du principal, ne prévoit pas, pour les cas de résiliation effectuée, comme en l’espèce, conformément au point 5.1 des conditions générales, le « versement d’intérêts compensatoires à compter de la date de réception des fonds par le débiteur jusqu’à celle de la résiliation ». Elle précise que le contrat prévoit toutefois le versement de ces intérêts dans les cas de résiliation régis par le point 5.3, sous a), dudit contrat (point 5.4 du contrat).

64      La Commission affirme cependant que la défenderesse devrait être condamnée à verser également les intérêts exigibles durant la période de référence concernée, soit depuis la réception des contributions financières jusqu’à la résiliation du contrat. Elle souligne, en effet, que la simple restitution par la défenderesse de la somme obtenue à titre de financement constituerait un mode d’enrichissement sans cause, celle-ci ayant disposé de cette somme durant plus de six ans pour un « projet substantiellement différent » de celui initialement retenu. À cet égard, la Commission rappelle les termes du point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du contrat ainsi que ceux de leur point 5.3, sous a). Elle soutient que le taux d’intérêt visé au point 5.4 des conditions générales du contrat, repris au point 9.1.2 de ce même contrat, est aussi applicable, par analogie, à la présente espèce. Elle estime que cette application par analogie est justifiée par le fait que, parmi les cas prévus au point 5.3, sous a), des conditions générales du contrat, figurent des comportements du bénéficiaire qui peuvent raisonnablement être comparés à ceux visés au point 5.1 de ces mêmes conditions générales.

65      La Commission fait valoir que le fait que la défenderesse a conservé les fonds destinés au financement d’un projet déterminé simplement pour essayer de réaliser un projet différent pourrait être assimilé à un manquement aux obligations contractuelles régi par le point 5.3, sous a), des conditions générales du contrat. Elle considère donc que l’application par analogie à l’espèce du taux d’intérêt prévu par le contrat dans les cas de résiliation visés au point 5.3, sous a), des conditions générales serait entièrement justifiée.

66      Selon la Commission, la période de référence en matière de calcul des intérêts contractuels courrait, en ce qui concerne la somme de 461 979 euros, à compter du 4 décembre 1997 et, en ce qui concerne la somme de 17 353,40 euros, du 18 décembre 1997 jusqu’au 1er avril 2003, date à laquelle la lettre de résiliation du 27 mars 2003 serait parvenue à la défenderesse.

67      La Commission précise, en outre, que des intérêts de retard seraient également dus. Quoiqu’ils ne soient pas expressément prévus dans le contrat, selon l’article 1224, premier alinéa, du code civil italien, en matière d’obligations ayant pour objet une somme d’argent, les intérêts légaux seraient exigibles à compter de la mise en demeure, même s’ils n’étaient pas dus précédemment et même si le créancier n’a subi aucune perte. Cette même disposition précise que, si des intérêts étaient dus à un taux supérieur au taux légal avant la mise en demeure, les intérêts de retard seraient dus au même taux. La Commission est d’avis que le taux des intérêts de retard à compter de la date d’échéance de la note de débit jusqu’au règlement final devrait être égal à celui des intérêts compensatoires fixés conventionnellement.

68      À titre subsidiaire, la Commission demande l’application des seuls intérêts de retard. Elle soutient que, si le Tribunal ne devait pas suivre son raisonnement concernant l’application par analogie des intérêts compensatoires à compter de la date de réception des fonds par la défenderesse jusqu’à la résiliation du contrat, le taux des intérêts de retard applicable à l’espèce devrait être, en vertu de l’article 1224, premier alinéa, première phrase, du code civil italien, le taux légal italien.

69      La Commission fait observer que, durant la période pertinente, ce taux était de 2,5 % du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007 et de 3 % du 1er janvier 2008 à la date d’introduction de la requête et qu’il devrait s’appliquer « à compter de la mise en demeure », soit à partir du 4 janvier 2004 jusqu’au jour du règlement effectif. Elle demande, en outre, que soit intégrée dans le calcul des intérêts la somme d’un montant de 461 979 euros ayant fait l’objet de la mise à exécution de la garantie bancaire, le 25 janvier 2005.

70      La défenderesse soutient, en prenant pour hypothèse que la résiliation exercée par la Commission au titre du point 5.1 des conditions générales du contrat serait illégale et que les prétendus manquements qui lui sont reprochés feraient défaut en droit, que le calcul des intérêts effectué par la Commission serait, selon elle, tout aussi erroné.

71      La défenderesse conteste l’argument de la Commission selon lequel la détermination du taux des intérêts serait fixée par le point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du contrat, qui serait applicable en l’espèce. Elle fait observer que la résiliation du contrat a été notifiée en vertu du point 5.1 des conditions générales du contrat.

72      La défenderesse considère que le point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du contrat devrait être interprété à la lumière des dispositions des articles 1362 à 1370 du code civil italien, lesquels poseraient comme « critère prioritaire d’interprétation » le critère subjectif selon lequel il est « présumé » ou « acquis en principe » que la « commune intention des parties » est celle résultant de la lettre du contrat, à moins que des données extérieures au texte, mais claires, précises, univoques et concordantes, n’établissent le contraire. Elle souligne que, parmi ces données, figure le comportement des parties. Or, dans le cas d’espèce, il n’existe pas, selon elle, de comportements des parties qui pourraient être interprétés comme constituant une exception à la règle énoncée au contrat, selon laquelle, « [e]n cas de résiliation du contrat en vertu du point 5.3, sous a), des conditions générales du contrat, des intérêts peuvent être ajoutés à tout montant à rembourser ». Elle estime que le point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du contrat ne fait pas référence de manière générale à la résiliation, mais qu’il fait expressément et exclusivement référence au cas de résiliation visé au point 5.3, sous a), des conditions générales.

73      La défenderesse considère qu’il n’est pas possible de raisonner par analogie en l’espèce. Elle fait valoir que, dans le cas visé au point 5.3, sous a), des conditions générales du contrat, il s’agirait d’un manquement justifiant la résiliation d’un contrat et donc la « sanction » constituée par l’application d’un taux d’intérêt élevé, ce qui ne serait pas le cas au point 5.1 des conditions générales du contrat.

74      La défenderesse rappelle que les dispositions des articles 1362 à 1370 du code civil italien posent comme « critère prioritaire d’interprétation » la commune intention des parties résultant de la lettre du contrat. L’« interprétation objective » n’aurait qu’une valeur subsidiaire et ne pourrait être utilisée que, premièrement, en cas d’obscurité du texte faisant l’objet de l’interprétation et, deuxièmement, en cas d’échec de l’« interprétation subjective ». Or, selon elle, aucune de ces deux conditions n’est remplie en l’espèce.

75      La défenderesse souligne qu’il n’y a pas dualité de projets et que la différence de localisation du projet en cause n’est que la conséquence du « factum principis » du decreto legislativo n° 79, attuazione della direttiva 96/92/CE recante norme comuni per il mercato interno dell’energia elettrica (décret législatif n° 79 portant transposition de la directive 96/92/CE, concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, GURI n° 75, du 31 mars 1999), et du comportement de la Commission, ce qui exclurait tout manquement de la défenderesse.

76      La défenderesse considère, en outre, que la référence à l’article 1224, premier alinéa, seconde phrase, du code civil italien, en vertu duquel, « [s]i des intérêts étaient dus à un taux supérieur au taux légal avant la mise en demeure, les intérêts de retard sont dus au même taux », est inopérante. Selon elle, dans l’hypothèse où il y aurait lieu de verser un intérêt, celui-ci ne pourrait être calculé et déterminé qu’en vertu de l’article 1224, premier alinéa, première phrase, et de l’article 1284 du code civil italien.

77      La défenderesse estime que la liquidité et l’exigibilité de la prétendue créance font défaut, la condition prévue par le contrat pour justifier la résiliation n’étant pas remplie en l’espèce, et donc que les intérêts n’ont pas commencé à courir.

 Appréciation du Tribunal

78      Ainsi qu’il ressort des points 15 et 60 ci-dessus, la demande de remboursement de la Commission doit être accueillie en ce qui concerne les sommes dues en principal, à savoir pour un montant de 479 332,40 euros.

79      S’agissant des sommes dues au titre des intérêts, il convient d’abord de relever que la Commission fonde, à titre principal, la demande de remboursement des sommes versées sur le point 5.1 des conditions générales du contrat et demande au Tribunal la condamnation de la défenderesse au paiement des intérêts sur le fondement du point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du même contrat.

80      Or, les intérêts n’ayant qu’un caractère accessoire à la somme due en principal – laquelle résulte en l’espèce de l’application du point 5.1 des conditions générales du contrat, stipulation contractuelle qui est invoquée par la Commission s’agissant de sa créance en principal –, la Commission ne peut se prévaloir d’une stipulation contractuelle, en l’occurrence le point 5.3, sous a), dont elle n’a pas réclamé l’application s’agissant de la détermination de la somme due en principal pour fonder sa demande d’intérêts contractuels. Il s’ensuit que la demande d’intérêts contractuels fondée sur le point 5.4, troisième alinéa, des conditions générales du contrat doit être rejetée comme non fondée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Commission/Trends e.a., T‑448/04, non publié au Recueil, point 186).

81      S’agissant ensuite de la demande d’intérêts présentée à titre subsidiaire, le contrat étant, en vertu de son article 10, régi par le droit italien, il y a lieu d’appliquer l’article 1224, premier alinéa, du code civil italien selon lequel, « [e]n matière d’obligations ayant pour objet une somme d’argent, les intérêts légaux sont exigibles à compter de la mise en demeure, même s’ils n’étaient pas dus précédemment et même si le créancier ne justifie d’aucune perte ». Cette même disposition précise en outre que, « [s]i des intérêts étaient dus à un taux supérieur au taux légal avant la mise en demeure, les intérêts de retard sont dus au même taux ».

82      Il y a lieu de constater qu’une mise en demeure a été adressée le 19 novembre 2003 à la défenderesse lui confirmant qu’elle devait restituer le principal et les intérêts, mais que les calculs n’ont été détaillés que dans la note de débit n° 3240505658 du 21 novembre 2003, dont l’échéance était fixée au 4 janvier 2004. C’est donc à compter de la date d’échéance de cette première note de débit, soit le 4 janvier 2004, jusqu’au jour du paiement complet de la dette que la Commission est fondée à réclamer des intérêts de retard au taux légal italien.

83      Selon l’article 1284 du code civil italien :

« Le taux des intérêts légaux est fixé à 3 % annuellement. À l’initiative du ministre du Trésor, moyennant un décret publié à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana avant le 15 décembre de l’année précédant l’application du taux, il est possible d’en modifier annuellement la valeur, en fonction du rendement moyen brut annuel des obligations d’État d’une durée inférieure à douze mois et compte tenu du taux d’inflation enregistré dans l’année. Si une nouvelle valeur du taux n’est pas fixée avant le 15 décembre, il reste inchangé durant l’année suivante […] »

84      Or, ce taux a été fixé à 2,5 % par le décret ministériel du 1er décembre 2003, publié à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n° 286, du 10 décembre 2003, et est demeuré applicable au cours des années 2004 à 2007. Il a été ensuite modifié par le décret ministériel du 2 décembre 2007, publié à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n° 291, du 15 décembre 2007, qui l’a fixé à 3 % à compter du 1er janvier 2008.

85      Partant, il y a lieu de condamner la défenderesse à payer à la Commission la somme de 479 332,40 euros, majorée des intérêts de retard au taux légal italien, calculés conformément aux taux susmentionnés à compter du 4 janvier 2004 et jusqu’au jour du paiement complet de la dette, après déduction de la somme de 461 979 euros récupérée par la Commission à la suite de la mise à exécution, le 25 janvier 2005, de la garantie bancaire octroyée par la Banca Nazionale del Lavoro d’Arezzo, ainsi que de rejeter le recours pour le surplus, et ce sans qu’il soit nécessaire de recourir à la désignation d’un expert demandée par la défenderesse.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Antiche Terre ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Antiche Terre Soc. coop. rl Società Agricola Cooperativa est condamnée à payer à la Commission européenne la somme de 479 332,40 euros, majorée des intérêts de retard au taux légal italien, calculés conformément aux taux en vigueur à compter du 4 janvier 2004 et jusqu’au jour du paiement complet de la dette, après déduction de la somme de 461 979 euros récupérée par la Commission à la suite de la mise à exécution, le 25 janvier 2005, de la garantie bancaire dont elle était bénéficiaire.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Antiche Terre est condamnée aux dépens.

Forwood

Moavero Milanesi

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juillet 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.