Language of document : ECLI:EU:T:2014:812

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

25 septembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE – Marque communautaire verbale antérieure VIÑA SOL – Motif relatif de refus – Article 75 du règlement (CE) n° 207/2009 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑605/13,

Alma-The Soul of Italian Wine LLLP, établie à Bal Harbour, Floride (États-Unis), représentée par Me F. Terrano, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Miguel Torres, SA, établie à Vilafranca del Penedès (Espagne), représentée par Me J. Güell Serra, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 10 septembre 2013 (affaire R 18/2013-2), relative à une procédure d’opposition entre Miguel Torres, SA et Alma-The Soul of Italian Wine LLLP,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mmes I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 novembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 11 mars 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 mars 2014,

vu la décision du 16 mai 2014 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 mars 2011, la requérante, Alma-The Soul of Italian Wine LLLP, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vins ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 64/2011, du 1er avril 2011.

5        Le 30 juin 2011, l’intervenante, Miguel Torres, SA, a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009 à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition, ayant pour motifs ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque communautaire verbale VIÑA SOL, déposée le 12 février 1997, enregistrée le 29 octobre 1998 sous le numéro 462523 et renouvelée le 5 mars 2007, pour les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33 ;

–        la marque espagnole verbale VIÑA SOL, déposée le 9 mai 1944, enregistrée le 13 janvier 1947 sous le numéro 152231 et renouvelée le 11 septembre 2007, pour « toute classe de vins, à l’exception du vin blanc de table, extra sec, ayant des caractéristiques analogues à celles des vins du Rhin », relevant de la classe 33 ;

–        la marque espagnole verbale VIÑA SOL, déposée le 25 mai 1973, enregistrée le 21 mars 1977 sous le numéro 715524 et renouvelée le 25 mars 2003, pour le « brandy », relevant de la classe 33.

7        L’opposition ayant seulement pour motif celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque espagnole figurative, déposée le 26 octobre 2007 et enregistrée le 6 mai 2008 sous le numéro 2796505, pour les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33, reproduite ci-après :

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–        la marque communautaire verbale SOL, déposée le 17 octobre 2007 et enregistrée le 2 mai 2010 sous le numéro 6373971, pour les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33.

8        Par décision du 30 octobre 2012, la division d’opposition, prenant en compte la marque communautaire verbale antérieure SOL, a fait droit à l’opposition au motif qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Le 21 décembre 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 10 septembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision de la division d’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement dans son intégralité. La chambre de recours a indiqué que, pour des raisons d’économie de la procédure, elle examinerait le motif d’opposition de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 en prenant en compte la marque communautaire verbale antérieure VIÑA SOL. Elle a estimé que le public pertinent était composé du consommateur moyen de l’Union européenne, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Elle a considéré, d’une part, que, pour les consommateurs de langues espagnole, française et portugaise, les marques en conflit présentaient un degré de similitude moyen, étant donné que l’élément dominant de la marque antérieure « sol » et l’élément dominant de la marque demandée « sole » étaient extrêmement similaires, et, d’autre part, que, pour le consommateur italien, les marques en conflit ne présentaient qu’un faible degré de similitude. Selon la chambre de recours, la marque antérieure jouissait d’une renommée dans l’Union pour les vins. Prenant en compte la similitude des signes en conflit, le caractère distinctif et la renommée de la marque antérieure ainsi que l’identité des produits visés par les marques en conflit, la chambre de recours a estimé qu’il existait un lien entre les signes en conflit pour une partie substantielle des consommateurs pertinents, à savoir les consommateurs de langues espagnole, italienne, française et portugaise. Elle a considéré qu’il existait un risque de dilution, c’est-à-dire un risque que l’usage de la marque demandée porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure sans juste motif, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. La chambre de recours a conclu que le respect des conditions posées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 en ce qui concernait les consommateurs de langues espagnole, italienne, française et portugaise suffisait pour faire droit à l’opposition.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 64 du règlement n° 207/2009, deuxièmement, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, troisièmement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, quatrièmement, de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

14      Il convient d’examiner tout d’abord le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

15      Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé son obligation de motivation en ce qu’elle n’a pas pris en compte des éléments de preuve qu’elle avait fournis à l’OHMI. Ces éléments de preuve consistaient, d’une part, en des pages extraites de sites Internet relatives à des bouteilles de vin sur lesquelles étaient apposées des marques contenant les mots « sol », « sole », « soleil » ou « sun » ou des représentations du soleil et, d’autre part, en des exemples de marques communautaires enregistrées pour les produits relevant de la classe 33, contenant les mots « sol », « sole », « soleil » ou « sun » ou des représentations du soleil.

16      La requérante soutient que la chambre de recours, sans aucune justification, a ignoré ces éléments de preuve visant à établir que les consommateurs de l’Union sont habitués à des marques de vin contenant les mots « sol », « sole », « soleil » ou « sun » ou des représentations du soleil et visant à démontrer que le mot « sol » ou ses traductions disposent d’un très faible caractère distinctif dans le secteur du vin.

17      L’OHMI prétend que la chambre de recours a implicitement pris en compte ces éléments de preuve lorsqu’elle a indiqué dans la décision attaquée que, « contrairement à ce que soutient la [requérante], le mot ‘sol’ n’a pas de lien direct avec les produits en cause, puisqu’il n’est pas descriptif ». Selon l’OHMI, ce raisonnement succinct de la chambre de recours indiquait que l’examen des preuves produites par la requérante ne l’avait pas convaincue du caractère distinctif très faible allégué des mots « sol », « sole », « soleil » ou « sun » ou des représentations du soleil.

18      En vertu de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Il est de jurisprudence constante que cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, et que la motivation exigée par ledit article doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. En effet, l’obligation de motivation des décisions de l’OHMI a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêts du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec, EU:C:2004:649, points 64 et 65, et du 28 novembre 2013, Herbacin cosmetic/OHMI – Laboratoire Garnier (HERBA SHINE), T‑34/12, EU:T:2013:618, point 42].

19      Certes, comme le soutient l’OHMI, il ressort également de la jurisprudence qu’il ne saurait toutefois être exigé des chambres de recours qu’elles fournissent un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [arrêts du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec, EU:T:2008:268, point 55, et HERBA SHINE, point 18 supra, EU:T:2013:618, point 42].

20      Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, force est de constater que ni la division d’opposition, ni la chambre de recours ne mentionnent ces éléments de preuve fournis par la requérante. Ainsi, dans la décision attaquée, l’appréciation par la chambre de recours de la similitude des signes en conflit ne contient aucune référence à ces éléments de preuve.

21      Il ne saurait être considéré qu’il ressort, même implicitement, de la décision attaquée que la chambre de recours a analysé ces éléments de preuve pour répondre aux arguments de la requérante concernant le faible caractère distinctif des mots « sol », « sole », « soleil » ou « sun », ou des représentations du soleil dans le secteur du vin.

22      À cet égard, contrairement à ce que soutient l’OHMI, l’affirmation de la chambre de recours sur l’absence de caractère descriptif du mot « sol » ne permet pas de supposer qu’elle aurait pris en compte des éléments de preuve visant à démontrer l’absence de caractère distinctif des mots « sol », « sole », « soleil » ou « sun », ou des représentations du soleil, du fait de leur utilisation fréquente dans le secteur du vin.

23      Il y a lieu de considérer que la décision attaquée ne contient aucun développement permettant de déterminer si la chambre de recours a pris en compte les éléments de preuve fournis par la requérante ou de comprendre pour quelle raison elle aurait éventuellement estimé que ces éléments de preuve n’étaient pas pertinents. Partant, la chambre de recours a violé son obligation de motivation.

24      Du fait de ce défaut de motivation et étant donné que ces éléments de preuve visaient à établir le faible caractère distinctif des mots « sol » et « sole » contenus dans les marques en conflit, il n’est pas possible de déterminer si la chambre de recours a tenu compte de ces éléments dans son appréciation selon laquelle ces mots constituaient les éléments dominants de ces marques et, partant, dans sa conclusion selon laquelle ces marques étaient similaires.

25      Dès lors, la violation de l’obligation de motivation constatée au point 23 ci-dessus a pour conséquence que le Tribunal doit faire droit à la demande d’annulation de la requérante.

26      Il ressort de ce qui précède que le quatrième moyen doit être accueilli et, partant, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante.

 Sur les dépens

27      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

28      L’intervenante, ayant succombé en ses conclusions, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 10 septembre 2013 (affaire R 18/2013‑2) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Alma-The Soul of Italian Wine LLLP.

3)      Miguel Torres, SA supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.