Language of document : ECLI:EU:T:2021:441

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Obtentions végétales – Demande de protection communautaire des obtentions végétales pour la variété de pommes Gala Perathoner – Examen technique – Lieu des essais – Égalité de traitement – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑182/20,

Griba Baumschulgenossenschaft landwirtschaftliche Gesellschaft, établie à Terlano (Italie), représentée par Me G. Würtenberger, avocat,

partie requérante,

contre

Office communautaire des variétés végétales (OCVV), représenté par M. M. Ekvad, Mme O. Lamberti et M. F. Mattina, en qualité d’agents, assistés de Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la chambre de recours de l’OCVV du 17 janvier 2020 (affaire A 004/2016), concernant une demande de protection communautaire des obtentions végétales pour la variété de pommes Gala Perathoner,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg (rapporteur) et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mars 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 6 du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO 1994, L 227, p. 1, ci-après le « règlement de base »), la protection communautaire des obtentions végétales est accordée par l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV) pour des variétés qui sont distinctes, homogènes, stables et nouvelles.

2        En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base, une variété est considérée comme distincte si elle se distingue nettement, par référence à l’expression des caractères qui résultent d’un génotype ou d’une combinaison de génotypes donnés, de toute autre variété dont l’existence est notoirement connue à la date de dépôt de la demande d’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales.

3        La question de savoir si les critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité sont remplis dans un cas d’espèce est examinée dans le cadre d’un examen technique mené conformément aux articles 55 et 56 du règlement de base (ci-après « l’examen technique »).

4        En vertu de l’article 55, paragraphe 1, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 1. Si, à la suite de l’examen [quant aux conditions de forme et de fond prévues par les] articles 53 et 54, l’[OCVV] constate qu’aucun obstacle ne s’oppose à l’octroi d’une protection communautaire des obtentions végétales, il prend les dispositions voulues pour que l’examen technique visant à contrôler le respect des [critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité] soit effectué, dans au moins un des États membres, par le ou les organismes compétents qui ont été chargés par le conseil d’administration [de l’OCVV] de l’examen technique des variétés de l’espèce concernée (offices d’examen). »

5        Aux termes de l’article 56 du règlement de base, les examens techniques sont menés conformément aux principes directeurs formulés par le conseil d’administration et aux instructions données par l’OCVV. Ces principes directeurs décrivent, notamment, le matériel végétal exigé pour l’examen technique, les modalités des tests, les méthodes à appliquer, les observations à présenter, le regroupement des variétés incluses dans le test ainsi que le tableau des caractères à examiner. Dans le cadre de l’examen technique, les plantes de la variété concernée sont cultivées à côté de celles des variétés que l’OCVV et l’office d’examen désigné tiennent comme étant les variétés dont la variété candidate est la plus proche, selon la description de celle-ci dans la description technique qui fait partie de la demande d’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales.

6        L’article 57, paragraphes 1 à 3, du règlement de base prévoit ce qui suit :

« 1. À la demande de l’[OCVV], ou si lui-même estime que les résultats de l’examen technique suffisent pour apprécier la variété, l’office d’examen adresse à l’[OCVV] un rapport d’examen et, s’il estime que les conditions énoncées aux articles 7, 8 et 9 sont remplies, une description de la variété.

2. L’[OCVV] communique au demandeur les résultats de l’examen technique et la description de la variété et l’invite à faire connaître ses observations à ce sujet.

3. S’il estime que le rapport d’examen ne permet pas de décider en connaissance de cause, l’[OCVV] peut, de sa propre initiative après avoir consulté le demandeur ou à la demande de ce dernier, prévoir un examen complémentaire. Pour l’évaluation des résultats, tout examen complémentaire effectué avant qu’une décision visée conformément aux articles 61 et 62 ne devienne définitive est considéré comme faisant partie de l’examen visé à l’article 56, paragraphe 1. »

7        Aux termes du point I du protocole TP/14/2 final de l’OCVV, du 14 mars 2006, relatif aux examens de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité (Pomme) (ci-après le « protocole OCVV-TP/14/2 »), il est prévu ce qui suit :

« Le protocole décrit les procédures techniques à suivre afin de satisfaire au [règlement de base]. Les procédures techniques ont été approuvées par le Conseil d’administration et sont fondées sur le document général TG/1/3 de l’[Union internationale pour la protection des obtentions végétales] et sur les lignes directrices de l’[Union internationale pour la protection des obtentions végétales] TG/14/9 du 6 avril 2005 pour la conduite des tests [des critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité]. Ce protocole s’applique aux variétés de fruits Malus domestica Borkh. »

 Antécédents du litige

8        Le 27 février 2009, la requérante, Griba Baumschulgenossenschaft landwirtschaftliche Gesellschaft, a déposé une demande de protection communautaire des obtentions végétales à l’OCVV, en vertu du règlement de base. L’obtention végétale pour laquelle la protection a ainsi été demandée est la variété Gala Perathoner, appartenant au fruit de l’espèce Malus domestica Borkh (ci-après la « variété candidate »).

9        Le conseil d’administration de l’OCVV a chargé le Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (GEVES), site d’examen de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), situé à Angers-Beaucouzé (France), de procéder à l’examen technique de la variété candidate, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement de base.

10      Selon le rapport d’examen établi par le GEVES le 16 avril 2015, la variété candidate n’était pas nettement distincte des variétés de référence Simmons et Annaglo, utilisées afin d’apprécier le caractère distinct de la variété candidate, au sens de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base.

11      Ce rapport a été communiqué à la requérante. Après avoir reçu les observations de cette dernière, l’OCVV a rejeté la demande d’octroi de la protection communautaire par décision du 21 mars 2016 (ci-après la « décision de 21 mars 2016 »).

12      La requérante a formé un recours contre la décision du 21 mars 2016. Elle a allégué que, du fait que les fruits de la variété candidate n’avaient pas été récoltés au moment approprié, cela avait faussé les appréciations comparatives du caractère « couleur » de la variété candidate. En outre, les experts du GEVES auraient dû tenir compte de la régression de l’amidon aux fins de l’appréciation de la période de maturité des pommes de la variété candidate. Enfin, le fait d’examiner la variété candidate dans un climat océanique, alors qu’elle avait été développée dans un climat continental, aurait eu pour effet que l’examen technique aboutît au développement de caractéristiques pertinentes qui ne ressemblaient pas à l’image de celles inscrites dans sa structure génétique.

13      Ce recours contre la décision du 21 mars 2016 a été rejeté comme non fondé par la chambre de recours de l’OCVV par décision du 17 janvier 2020 (ci-après la « décision attaquée »).

14      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que le lieu d’examen, à savoir Angers-Beaucouzé, contesté par la requérante, était le site où devait être effectué l’examen technique. Elle a ajouté que le groupe d’experts du conseil d’administration de l’OCVV, dans sa décision de centralisation des examens, avait désigné le GEVES comme seul site des examens pour cette catégorie de variétés, afin d’assurer l’égalité de traitement, la sécurité juridique et la transparence entre les variétés candidates. La chambre de recours a également considéré, quant à l’examen technique, que celui-ci s’était déroulé selon le protocole applicable et que la régression de l’amidon ne constituait qu’une méthode complémentaire pour déterminer le moment optimal de maturité.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OCVV aux dépens.

16      L’OCVV conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      La requérante soulève en substance quatre moyens à l’appui de son recours, tirés, respectivement, le premier, de ce que l’examen technique serait entaché d’erreurs, le deuxième, de la détermination du lieu des essais et de la prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement qui en résulterait, le troisième, de la méconnaissance du droit d’être entendu et, le quatrième, d’un défaut allégué de motivation. Ces moyens seront examinés successivement ci-après. Néanmoins, dans la mesure où les griefs de la requérante tirés de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée se rapportent à des considérations afférentes à certains des moyens susmentionnés, il convient de les examiner dans le cadre de chaque moyen concerné.

 Sur le premier moyen, tiré de ce que l’examen technique serait entaché d’erreurs

18      Le premier moyen se divise en deux branches. Dans la première branche, la requérante fait, en substance, valoir que, si les fruits de la variété candidate avaient été récoltés au moment approprié, ils auraient présenté des différences suffisantes pour conclure que cette variété candidate était distincte des variétés de référence. S’il avait été tenu compte de la régression de l’amidon aux fins de l’appréciation de la période de maturité des pommes de la variété candidate, et si l’OCVV avait fait dépendre ladite maturité de cette caractéristique, le résultat obtenu n’aurait pas été faussé. Dans la seconde branche, la requérante fait, en substance, valoir que les différences quant aux porte-greffes utilisés pour la variété candidate, par rapport aux variétés de référence, ont eu une influence sur le développement des pommiers et sur leur production de fruits.

19      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le Tribunal, à qui il appartient seulement de statuer dans les limites imparties à l’article 73, paragraphe 2, du règlement de base, n’est pas tenu de procéder à un contrôle entier pour déterminer si la variété candidate était ou non dépourvue de caractère distinct par rapport aux variétés de référence Simmons et Annaglo, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base. En effet, le Tribunal peut, eu égard à la complexité scientifique et technique de ladite condition, dont le respect doit d’ailleurs être contrôlé au moyen d’un examen technique à confier par l’OCVV à l’un des organismes nationaux compétents ainsi qu’il ressort de l’article 55 du règlement de base, s’en tenir à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 77).

 Sur l’erreur alléguée consistant à ne pas utiliser la régression de l’amidon dans la détermination du temps de récolte

20      La requérante fait valoir que, si les fruits de la variété candidate avaient été récoltés au moment approprié, ils auraient présenté des différences suffisantes pour conclure que cette variété candidate était distincte des variétés de référence. Or, les examinateurs ont déterminé la maturité sur la base de la couleur, c’est‑à‑dire sur la base d’impressions subjectives engendrées par l’expérience. Cependant, selon la requérante, une appréciation de la régression de l’amidon est un moyen scientifique reconnu et donc un outil objectif pour déterminer si la récolte a été faite à la maturité optimale.

21      Selon la requérante, la chambre de recours admet que la régression de l’amidon a une fonction de soutien. Même si les experts décident de la période de récolte en fonction de l’évolution de la couleur de base au moyen d’appréciations visuelles, la mesure de la régression de l’amidon peut ainsi être utilisée comme confirmation de l’appréciation visuelle. Ainsi, la régression de l’amidon peut être prise en compte lorsque l’examinateur considère que cela s’avère approprié. Le fait d’exclure la régression de l’amidon lors de l’appréciation de la maturité dans chaque cas individuel constituerait une violation manifeste du principe d’égalité de traitement, étant donné l’importance donnée par l’OCVV aux mesures de régression de l’amidon dans certaines affaires, et ce notamment dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 février 2019, Mema/OCVV [Braeburn 78 (11078)] (T‑177/16, EU:T:2019:57).

22      L’OCVV conteste l’argumentation de la requérante.

23      Le Tribunal constate que le protocole OCVV‑TP/14/2 décrit les procédures techniques à suivre afin de satisfaire au règlement de base. Aux termes du point III.5, dernier alinéa, du protocole OCVV‑TP/14/2, il est prévu ce qui suit :

« Les observations sur le fruit doivent être faites […] au moment de la maturité alimentaire. »

24      Conformément au point Ad 56 du protocole OCVV‑TP/14/2, il est prévu ce qui suit :

« Temps de récolte

Le temps de récolte est le temps de cueillette optimal pour atteindre un fruit en condition maximale pour être mangé […] »

25      Le point Ad 57 du protocole OCVV‑TP/14/2 prévoit ce qui suit :

« Temps de maturité alimentaire

Le temps de maturité alimentaire est la période pendant laquelle le fruit a atteint une couleur, une fermeté, une texture, un arôme et une saveur optimaux pour la consommation. Selon le type de fruit, cette période peut survenir directement après la cueillette sur l’arbre (p. ex. pour des variétés précoces) ou après une période de stockage ou un conditionnement (p. ex. pour des variétés tardives). »

26      Il y a lieu de constater qu’il est constant que l’office d’examen a suivi le protocole applicable lors de la détermination du moment optimal pour la récolte des fruits et le moment optimal pour la maturité alimentaire.

27      C’est ainsi sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la chambre de recours a conclu que les données de mesures quantitatives ne pouvaient pas être utilisées pour prouver le caractère distinct, dès lors qu’elles ne faisaient pas partie du protocole technique applicable, et a ainsi rejeté les arguments de la requérante selon lesquels l’examen technique aurait dû être réalisé en utilisant la régression de l’amidon pour la détermination du temps optimal de récolte.

 Sur l’erreur alléguée tirée de l’utilisation de porte-greffes différents pour la variété candidate, par rapport à ceux utilisés pour les variétés de référence

28      La requérante fait valoir que le fait que la variété candidate ait été greffée sur des porte-greffes différents de ceux des variétés de référence a compromis la bonne appréciation du caractère distinct de la variété candidate, notamment en ce qui concerne la colorisation et la maturation des fruits. Selon la requérante, l’affirmation de l’OCVV selon laquelle la différence quant aux porte-greffes utilisés n’aurait eu aucune conséquence sur l’appréciation du caractère distinct de la variété candidate manque de base scientifique et est contraire au protocole applicable.

29      L’OCVV conteste l’argumentation de la requérante.

30      Le Tribunal constate que le protocole applicable ne fait aucune référence aux clones de porte-greffes et, partant, que l’affirmation de la requérante selon laquelle l’utilisation de porte-greffes différents pour les variétés en cause serait contraire au protocole applicable est dénuée de fondement. En d’autres termes, le choix des porte-greffes est, comme le fait valoir à juste titre l’OCVV, effectivement fondé sur l’expertise des examinateurs de l’office d’examen. Ce choix n’a pas eu d’incidence sur le résultat de l’examen technique.

31      En outre, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours, quant aux porte-greffes différents utilisés, a conclu qu’il « n’[était] pas très probable » que cette différence ait eu une incidence substantielle sur la couleur des pommes. Même si cette expression n’est pas totalement dépourvue d’ambiguïté, il n’en demeure pas moins que la requérante n’a fourni aucune preuve ou élément permettant de faire regarder ce choix du clone du porte-greffes comme ayant eu effectivement un effet sur la coloration des fruits des arbres greffés sur celui-ci. Partant, l’affirmation selon laquelle cette pratique aurait compromis une appréciation correcte du caractère distinct de la variété candidate ne peut qu’être écartée.

32      C’est ainsi sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la chambre de recours a rejeté les arguments de la requérante selon lesquels l’examen technique aurait dû être réalisé en utilisant les mêmes porte-greffes pour toutes les variétés en cause.

33      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, portant sur la détermination du lieu des essais et sur la prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement qui en résulterait

34      La requérante fait valoir que les différences considérables existant entre le climat de l’Europe continentale et le climat d’Angers-Beaucouzé, qui est influencé par l’océan Atlantique, ont posé des difficultés considérables pour la réalisation de l’examen technique. Des examens techniques réalisés dans des conditions climatiques différentes auraient une influence sur l’expression de la structure génétique d’une variété dans le phénotype. En conséquence, il était, selon la requérante, logique d’exiger que la variété candidate fût examinée dans les mêmes conditions climatiques que celles dans lesquelles cette nouvelle variété avait été produite avec ses caractéristiques.

35      Selon la requérante, bien que l’OCVV savait depuis des années que le territoire d’Angers-Beaucouzé n’était pas la zone la plus appropriée pour l’examen des variétés de certains groupes mutants des variétés Gala et Red Delicious, il n’avait pas demandé au conseil d’administration de désigner des offices d’examen dans d’autres zones géographiques en tant que lieux d’examen de remplacement, en particulier lorsque ces variétés provenaient d’un environnement climatique complètement différent de celui qui déterminait la croissance et le développement des végétaux sur le territoire d’Angers-Beaucouzé.

36      En effet, offrir au demandeur la possibilité formelle d’indiquer dans le questionnaire technique un lieu d’examen différent ne constituerait pas une option qui permettrait à l’OCVV d’organiser l’examen technique dans un lieu autre qu’Angers-Beaucouzé selon la requérante. Ce dernier ne serait pas autorisé à procéder en ce sens tant que le conseil d’administration n’aurait pas accordé cette possibilité.

37      En ce qui concerne le moyen tiré d’une prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement, la requérante fait valoir, en substance, que ce principe oblige l’OCVV à tenir compte de toutes les circonstances qui peuvent conduire à fausser des résultats d’examen, en particulier si celles‑ci sont préjudiciables au demandeur. À cette fin, les variétés candidates doivent être testées dans un environnement climatique comparable à celui dans lequel elles ont été créées. Le fait de tester toutes les variétés dans un même climat, sensiblement différent de celui des autres zones climatiques, favoriserait les sélectionneurs qui créent de nouvelles variétés dans des conditions climatiques qui déterminent le développement des caractères phénotypiques propres à la zone de l’essai, au détriment des autres sélectionneurs.

38      L’OCVV conteste l’argumentation de la requérante.

39      Il y a lieu de relever que, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement de base et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) no 874/2009 de la Commission, du 17 septembre 2009, établissant les modalités d’application du règlement de base en ce qui concerne la procédure devant l’OCVV (JO 2009, L 251, p. 3), le conseil d’administration de l’OCVV est habilité à confier à un ou plusieurs organismes compétents d’un État membre la responsabilité de l’examen technique des variétés de l’espèce concernée.

40      Il ressort de l’avis no 2/2004, du 15 février 2004, publié au Bulletin officiel de l’Office communautaire des variétés végétales (ci-après, « l’avis no 2/2004 »), que le conseil d’administration de l’OCVV a décidé de confier l’examen technique des variétés de mutation du fruit de l’espèce Malus domestica Borkh appartenant, tout comme la variété candidate, au groupe de mutation de la variété Red Delicious exclusivement au GEVES.

41      Or, la Cour a déjà constaté que les conditions climatiques prévalant normalement sur le site d’examen du GEVES avaient dûment été prises en compte aux fins de sa désignation en tant que site d’examen pour les groupes de mutations concernés [voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2018, Schniga/OCVV (Gala Schnico), T‑445/16, EU:T:2018:95, point 49].

42      En outre, il est constant que l’OCVV n’est pas compétent pour effectuer l’examen technique en un lieu autre que celui déterminé par le conseil d’administration, en l’espèce le site du GEVES. Il s’ensuit que, dans le cas où la requérante aurait, dans sa demande à l’OCVV, demandé que l’examen technique soit réalisé sur un autre site d’examen, une telle demande n’aurait pas pu être accordée, le GEVES étant le seul site autorisé en ce sens par le conseil d’administration de l’OCVV.

43      Selon la jurisprudence, la désignation univoque et préalable de l’office d’examen responsable de l’examen technique de toute espèce ou variété appartenant au même groupe de mutation, telle que celle résultant de l’avis no 2/2004, est conforme à l’économie générale du système de protection communautaire des obtentions végétales instauré par le règlement de base, ainsi qu’aux principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique et de transparence qui sous-tendent ce règlement (arrêt du 23 février 2018, Gala Schnico, T‑445/16, EU:T:2018:95, point 52).

44      En effet, ladite économie générale et lesdits principes exigent que toutes les variétés candidates appartenant au même groupe de mutation végétale d’une espèce donnée soient évaluées dans les mêmes conditions (arrêt du 23 février 2018, Gala Schnico, T‑445/16, EU:T:2018:95, point 53).

45      Il découle de ces considérations que c’est à bon droit que l’OCVV a désigné, en l’espèce, le GEVES comme l’unique office d’examen technique de la variété végétale en question. Partant, les arguments de la requérante selon lesquels l’examen technique aurait dû être réalisé ailleurs ne peuvent qu’être écartés.

46      La première branche du deuxième moyen, portant sur la détermination du lieu des essais, doit en conséquence être rejetée.

47      La même conclusion vaut, pour les mêmes raisons, pour la seconde branche du deuxième moyen. En effet, pour que la désignation du GEVES comme l’unique office d’examen technique de la variété en question puisse constituer une violation du principe d’égalité de traitement, l’OCVV aurait dû avoir la possibilité de désigner un autre lieu pour les essais, ce qui n’était pas le cas.

48      À titre surabondant, en ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel l’OCVV aurait violé l’article 57, paragraphe 3, du règlement de base en ne tenant pas compte de sa demande de voir la variété candidate faire l’objet d’un examen dans un environnement climatique plus approprié que celui conditionnant la croissance des végétaux dans la région d’Angers-Beaucouzé, il y a lieu de constater, comme l’a fait valoir à juste titre l’OCVV, que cet article se limite à prévoir un « examen complémentaire » et ne peut être invoqué devant la chambre de recours au titre d’une mesure d’instruction pour demander que l’examen technique soit complété en un lieu totalement différent, simplement parce que le demandeur estime que l’office d’examen compétent n’est pas adapté pour des raisons climatiques.

49      Partant, le deuxième moyen, portant sur la détermination du lieu des essais et sur la prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement qui en résulterait, doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, portant sur une prétendue méconnaissance du droit d’être entendu

50      La requérante fait valoir, en substance, que le fait de ne pas communiquer les preuves scientifiques fondant l’affirmation selon laquelle les différents porte-greffes utilisés pour les variétés en cause n’auraient eu aucune incidence sur l’examen technique constitue une violation de son droit à être entendue.

51      L’OCVV conteste cette argumentation.

52      Le droit d’être entendu est aujourd’hui consacré non seulement par les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle, mais également par l’article 41 de celle-ci, qui assure le droit à une bonne administration. L’article 41, paragraphe 2, de la Charte prévoit que ce droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 29 et jurisprudence citée).

53      En vertu de ce principe, qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 30 et jurisprudence citée).

54      Enfin, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la violation du principe du respect du droit d’être entendu n’entraîne l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 76 et jurisprudence citée).

55      Or, il a déjà été constaté, au point 30 ci-dessus, que la décision attaquée ne se fondait pas sur des sources de littérature scientifique, mais effectivement sur le protocole applicable, selon lequel le choix de porte-greffes pouvait valablement être fondé sur l’expertise des examinateurs de l’office d’examen. L’absence de communication de preuves scientifiques fondant l’affirmation en cause n’a ainsi aucunement violé le droit d’être entendu de la requérante.

56      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’unprétendu défaut de motivation

57      La requérante fait valoir que l’obligation de motivation a été violée en raison du fait que la chambre de recours n’a pas tenu compte à suffisance de droit des faits et des éléments de preuve scientifiques qu’elle avait produits, sans néanmoins indiquer quels étaient ces faits ou éléments de preuve scientifiques dont la chambre de recours aurait omis de tenir compte.

58      L’OCVV conteste cette argumentation et fait valoir que cet argument n’est pas suffisamment étayé et doit être rejeté comme irrecevable ou, en tout état de cause, comme non fondé.

59      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T‑538/11, EU:T:2015:188, points 131 à 132 et jurisprudence citée).

60      Il y a lieu de constater que la requérante n’a fourni aucune autre précision sur la violation alléguée de l’obligation de motivation. Ainsi, il n’est pas possible, au vu de la requête, de savoir dans quelle mesure la possibilité pour la requérante de protéger ses intérêts aurait été compromise par le fait allégué que la chambre de recours n’aurait pas tenu compte de tels faits ou preuves scientifiques, ni même en quoi consisteraient ces faits ou preuves scientifiques.

61      Par ailleurs, dans la mesure où ce moyen concerne la première branche du premier moyen, portant sur l’erreur alléguée consistant à ne pas avoir utilisé la régression de l’amidon dans la détermination du temps de récolte, et plus précisément sur l’invocation de l’extrait du livre Postharvest Technology of Horticultural Crops (3e édition, 2002), consistant en une contribution de Michael S. Reid, intitulée « Maturation and Maturity Indices » (Indices de maturation et de maturité), qui souligne l’importance et la fiabilité de la mesure de régression de l’amidon dans la détermination de la maturité des pommes, force est de constater que la motivation fournie par la chambre de recours à cet égard satisfait aux conditions énoncées par la jurisprudence.

62      En effet, l’obligation de motivation prévue à l’article 75 du règlement de base a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, par analogie, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 65 et jurisprudence citée).

63      Or, il ressort clairement de l’argumentation de la requérante et de l’appréciation du Tribunal aux points 21 à 28 ci-dessus que la motivation de la décision attaquée à cet égard a fourni la requérante une indication suffisante pour savoir si l’acte était bien fondé ou s’il était éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte.

64      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

66      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OCVV.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Griba Baumschulgenossenschaft landwirtschaftliche Gesellschaft est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.