Language of document : ECLI:EU:T:2009:466

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL

25 novembre 2009 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑383/03 DEP,

Hynix Semiconductor Inc., établie à Icheon-si (Corée du Sud), représentée par Me J.-F. Bellis, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop, en qualité d’agent, assisté de MG. Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par la partie requérante au Conseil de l’Union européenne à la suite de l’ordonnance du Tribunal du 17 novembre 2008, Hynix Semiconductor/Conseil (T-383/03, non publié au Recueil),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, T. Tchipev et M. L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2003, Hynix Semiconductor Inc. (ci-après « Hynix »), société de droit coréen établie à Icheon-si (Corée du Sud), a introduit un recours visant à l’annulation du règlement (CE) n° 1480/2003 du Conseil, du 11 août 2003, instituant un droit compensateur définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains microcircuits électroniques dits « DRAM » (dynamic random access memories – mémoires dynamiques à accès aléatoire) originaires de la République de Corée (JO L 212, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

2        Par lettres respectivement reçues au greffe du Tribunal les 28 janvier, 16 février et 11 mars 2004, Micron Europe Ltd, société de droit anglais établie à Berkshire (Royaume-Uni), et Micron Technology Italia, Srl, société de droit italien établie à Avezzano (Italie) (ci-après, ensemble, « Micron »), la Commission et Infineon Technologies AG, société de droit allemand établie à Munich (Allemagne), ont demandé à être admises à intervenir au litige au soutien des conclusions du Conseil.

3        Par lettres reçues au greffe du Tribunal le 11 mars 2004, Citibank, N.A. Seoul Branch et Korea Exchange Bank, sociétés de droit coréen établies à Séoul (Corée du Sud), ont demandé à être admises à intervenir au litige au soutien des conclusions de Hynix.

4        Par ordonnances du 14 juillet 2004, le président de la quatrième chambre a fait droit aux demandes d’intervention de la Commission, d’Infineon Technologies AG et de Micron.

5        Par ordonnance du 29 octobre 2004, le président de la quatrième chambre a fait droit aux demandes d’intervention de Citibank et de Korea Exchange Bank.

6        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2008, la requérante a informé le Tribunal qu’elle se désistait de son recours.

7        Par ordonnance du 17 novembre 2008, le président de la sixième chambre a rayé l’affaire du registre du Tribunal et condamné la requérante à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil et deux parties intervenantes, la Commission et Infineon Technologies AG.

8        Le 5 février 2009, le Conseil a remis au conseil de Hynix une demande de paiement des dépens, dont le montant total s’élève, selon lui, à 293 758,96 euros. Ce montant incluait les frais de justice, à hauteur de 291 945,35 euros, et les autres frais, à hauteur de 632,58 euros, que le Conseil avait payés à ses avocats, ainsi que les frais de poste et de photocopie propres au Conseil, d’un montant de 1 181,03 euros.

9        Par lettres du 6 février et du 27 mars 2009, Hynix a exprimé son désaccord sur le montant des dépens proposés par le Conseil.

10      À défaut d’accord entre ces deux parties sur les dépens récupérables, le Conseil a, par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juillet 2009, formé une demande de taxation des dépens en application de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 septembre 2009, Hynix a présenté ses observations sur cette demande.

12      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal fixer à 293 758,96 euros le montant des dépens récupérables et mettre les dépens afférents à la présente demande de taxation, à hauteur de 8 000 euros, à la charge de Hynix, ce qui porterait le montant total des frais récupérables à verser au Conseil à 301 758,96 euros.

13      Hynix conclut à ce qu’il plaise au Tribunal fixer à 28 063,61 euros le montant des dépens récupérables.

 En droit

 Arguments des parties

14      Le Conseil fait valoir que les honoraires des avocats auxquels il a eu recours s’élèvent à un montant de 291 945,35 euros et constituent des frais indispensables aux fins de la procédure, donc des dépens récupérables.

15      Le Conseil souligne la complexité du litige. Il estime que les enquêtes antisubventions et les procédures contentieuses qui en découlent soulèvent souvent des questions économiques complexes et techniques. Il rappelle qu’Hynix elle-même a reconnu, dans un courrier du 12 février 2004 adressé au Tribunal concernant la version abrégée de sa requête, la complexité exceptionnelle des questions de fait et de droit soulevées par son recours. Ledit recours comprenait 17 moyens soulevant, selon le Conseil, des questions complexes en droit et en fait, y compris des questions concernant la notion d’ordre des pouvoirs publics et la définition d’un avantage conféré au titre du règlement (CE) n° 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288, p. 1), pour lesquelles il n’existait pas de précédent en droit communautaire. Ces questions auraient nécessité une analyse du fonctionnement de l’ensemble du système bancaire coréen et des cinq programmes financiers conçus par les banques coréennes pour soutenir Hynix à la suite de la crise financière de 1997 en Corée.

16      S’agissant de l’importance du litige sous l’angle du droit communautaire, le Conseil expose que ce litige aurait donné des orientations importantes concernant les deux questions évoquées au point précédent ainsi que sur la question des droits de la défense en liaison avec le rejet d’éléments de preuve de parties intéressées auxquels le plein d’accès avait été refusé aux institutions. La contestation par la requérante des conclusions des institutions sur le préjudice et le lien de causalité, en se référant à des facteurs tels que la production, les salaires, le volume et la part de marché des importations faisant l’objet de subventions, la sous-cotation, l’incidence du ralentissement de l’économie sur le marché des ordinateurs individuels et des télécommunications et le moment choisi pour la période d’enquête, soulèverait également des questions importantes pour le droit communautaire.

17      En ce qui concerne les difficultés de la cause et l’ampleur du travail requis, le Conseil souligne, premièrement, que la longueur de la requête (129 pages et 3 945 pages d’annexes) et de la réplique (153 pages et 225 pages d’annexes) ont requis un travail considérable de la part de ses avocats. Il fait valoir, deuxièmement, qu’il y avait six parties intervenantes, dont les seuls mémoires en intervention, annexes comprises, comptaient 634 pages. En outre, l’intervention de cinq parties privées aurait entraîné des demandes de traitement confidentiel. Troisièmement, il aurait été nécessaire de développer une argumentation minutieuse et fondée sur une recherche des principes analogues dans le cadre des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et du droit communautaire des aides d’État. Quatrièmement, l’affaire aurait requis une analyse considérable de faits complexes, relatifs notamment au mécanisme d’assurance-crédit à l’exportation accordé à Hynix ainsi qu’au programme d’obligations de la Korea Development Bank et aux instruments financiers conçus pour le plan de recapitalisation de Hynix en 2001. Cinquièmement, le recours fréquent de Hynix à la dénaturation des faits, à la minimisation de leur importance ou à l’inversion des termes employés par le Conseil aurait nécessité un travail supplémentaire de la part des avocats de ce dernier, afin de corriger ces déformations. Sixièmement, l’affaire aurait soulevé des questions importantes concernant les relations entre les règles communautaires et celles de l’OMC, une procédure parallèle ayant conduit à l’adoption d’un rapport par l’Organe de règlement des différends de l’OMC sur lequel les parties ont été invitées par le Tribunal à présenter leurs observations écrites. Septièmement, la proposition de Hynix de se désister si le Conseil convenait que chaque partie supporte ses propres dépens aurait requis une évaluation précise des possibilités qu’avait Hynix de faire aboutir les 17 moyens qu’elle invoquait.

18      Le Conseil considère que le nombre d’heures prestées par ses avocats est raisonnable. La répartition du travail entre les trois avocats concernés, un associé et deux collaborateurs, aurait évité tout risque de double emploi. Un nombre important d’heures prestées n’aurait pas été facturé au Conseil, à la suite d’un geste commercial. Le Conseil précise le nombre d’heures consacrées à chacun des éléments les plus importants de sa défense : 589,35 heures pour la rédaction de son mémoire en défense, auxquelles s’ajoutent 199 heures supplémentaires non facturées au Conseil ; 48,25 heures pour les demandes de traitement confidentiel et l’élaboration des versions non confidentielles du mémoire en défense et des annexes ; 435,5 heures pour la duplique, qui aurait nécessité un nombre d’heures relativement important en raison notamment de la longueur de la réplique que Hynix aurait refusé d’abréger, 137,5 heures supplémentaires n’ayant par ailleurs pas été facturées et une remise de 5 % ayant été déduite du montant total ; 23 heures pour les négociations menées en vue de trouver une solution au litige ; dix heures pour assister le Conseil à la suite de la demande de désistement, principalement pour rédiger les observations sur la question des dépens.

19      Les critiques de Hynix concernant le nombre total d’heures prestées par ses avocats seraient dénuées de fondement. Selon le Conseil, toute critique concernant la longueur de ses mémoires ne peut être dirigée que contre Hynix, dont la requête et la réplique étaient particulièrement longues. Il avance que les 10,5 heures consacrées à abréger la duplique ne sauraient être considérées comme irrécupérables au motif qu’elles seraient dues à l’incapacité du Conseil à respecter les limites en nombre de pages fixées dans les instructions pratiques aux parties. La longueur de la version initiale de la duplique (146 pages) découlerait de la longueur de la réplique de Hynix (153 pages), que le Tribunal avait acceptée et qui n’aurait pas laissé d’autre possibilité au Conseil que de dépasser lui aussi la limite fixée à 25 pages afin de pouvoir se défendre de manière adéquate.

20      Le Conseil conteste également les critiques de Hynix concernant l’utilisation des connaissances acquises au cours de l’enquête antisubventions. Il indique, premièrement, que c’est la Commission qui effectue l’enquête, et non le Conseil, et que les connaissances que cette dernière acquiert au cours de l’enquête ne visent pas à répondre à toute allégation juridique pouvant éventuellement être avancée ultérieurement contre le Conseil. Deuxièmement, c’est le service juridique du Conseil et non la Commission qui serait chargé de préparer la défense du Conseil dans une procédure contentieuse. Troisièmement, les avocats du Conseil auraient régulièrement consulté la direction générale du commerce de la Commission, avec laquelle trois réunions auraient notamment été organisées.

21      Le Conseil conteste l’allégation de Hynix selon laquelle les frais exposés à la suite du désistement seraient irrécupérables. Il souligne que les négociations en vue de trouver une solution au litige ont été engagées par Hynix et non par le Conseil. Les dépenses afférentes à ces négociations seraient des frais nécessaires, car des négociations visant à mettre fin à un litige constituent une partie intégrante de la procédure. La proposition de transaction de Hynix aurait rendu indispensable d’évaluer et de déterminer les possibilités qu’avait Hynix de faire aboutir son recours. Les frais relatifs aux observations du Conseil sur la demande de désistement de Hynix, à la suite de l’échec des négociations en vue d’une transaction, seraient également des frais nécessaires, Hynix ayant demandé que le Conseil soit condamné à payer les dépens ou, à titre subsidiaire, que chaque partie supporte ses propres dépens.

22      S’agissant du tarif horaire pratiqué par les avocats du Conseil, le Conseil expose qu’il a fait l’objet d’importantes réductions, de 15 % au début de la procédure, puis de 20 % eu égard à l’importance de l’affaire. Il fait valoir que les tarifs moyens pondérés, qui s’élevaient à 363,43 euros pour l’associé en charge de l’affaire, 226,33 euros pour l’un de ses collaborateurs et 200,95 euros pour l’autre, soit un tarif horaire moyen pondéré global de 259,51 euros, sont raisonnables. Les augmentations pratiquées au cours de la procédure, qui a duré quatre ans et demi, correspondraient aux pratiques habituelles et résulteraient de la prise en compte d’éléments tels que l’ancienneté et l’inflation. Le Conseil souligne que le Tribunal a jugé, dans son ordonnance du 29 octobre 2004, Schneider Electric/Commission (T‑77/02 DEP, non publiée au Recueil, points 62 à 64), que le tarif horaire de 400 euros était récupérable en ce qui concerne une procédure en matière de concentration. En l’espèce, une analyse économique complexe aurait également été requise. Les questions juridiques complexes soulevées et l’importance de l’affaire pour le droit communautaire justifieraient également des honoraires élevés.

23      Le Conseil souligne l’importance économique du litige pour les parties. Le règlement attaqué a institué un droit compensateur de 34,8 % sur des importations qui représenteraient, avant l’institution de ce droit, un montant supérieur à un milliard d’euros.

24      Le Conseil fait observer que Hynix n’a émis aucune objection concernant ses frais propres et ceux exposés par ses avocats extérieurs.

25      Le Conseil précise que son offre, formulée durant les négociations engagées afin de trouver une solution au litige, de limiter sa demande de dépens à 120 000 euros si Hynix se désistait de l’affaire, était subordonnée au fait qu’Hynix s’abstienne de conclure à la condamnation du Conseil aux dépens dans sa demande de désistement. Cette offre ne saurait être assimilée à une reconnaissance que les dépens récupérables ne dépasseraient pas ce montant.

26      Hynix soutient que le montant demandé par le Conseil au titre des dépens récupérables est excessif en termes absolus ainsi qu’au regard des montants accordés dans d’autres affaires concernant des mesures de défense commerciale ou des montant accordés aux institutions dans tout type de procédure. Dans les procédures concernant des mesures de défense commerciale, le montant le plus élevé accordé par le juge communautaire pour les dépens s’élèverait à 58 031 euros. Le montant le plus élevé accordé à une institution s’élèverait à 22 290 euros et les dépens habituellement demandés par les institutions se situeraient entre 15 000 et 20 000 euros. Le Conseil lui-même, durant les négociations avec Hynix ayant précédé le désistement, était d’ailleurs disposé à limiter sa demande relative aux dépens à 120 000 euros.

27      Le temps passé par les avocats extérieurs du Conseil pour se familiariser avec le dossier, soit environ 300 heures, ne serait pas récupérable. Le Conseil était représenté au cours de la procédure par un membre expérimenté de son service juridique. Selon Hynix, le service juridique du Conseil disposait déjà d’une connaissance du dossier, acquise lors de la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué. Le dossier aurait également été connu des agents de la Commission en charge de la procédure administrative. Le Tribunal aurait jugé, dans l’ordonnance du 15 mars2000, Enso-Gutzeit/Commission (T‑337/94 DEP, Rec. p. II‑479, point 21), que le temps passé par un avocat pour se familiariser avec le dossier ne serait pas récupérable.

28      Selon Hynix, le litige ne serait pas particulièrement important sous l’angle du droit communautaire. Les questions soulevées par les 17 moyens du recours ne concerneraient que l’analyse factuelle et technique des mesures financières accordées à Hynix dans le contexte d’une procédure antisubventions. Leur portée serait limitée à l’espèce et l’affaire ne soulèverait aucune question importante pour le droit communautaire. En tout état de cause, la procédure principale n’ayant pas conduit à un arrêt du Tribunal, aucune évaluation concrète de l’importance de l’affaire au regard du droit communautaire ne pourrait être opérée. De plus, le Conseil aurait finalement admis que les moyens concernant les mesures adoptées en mai 2001 étaient bien fondés, dès lors qu’il a reconnu expressément que le règlement attaqué était partiellement illégal, en adoptant le règlement n° 584/2006 du Conseil, du 10 avril 2006 (JO L 103, p.1), modifiant le règlement attaqué et abaissant le taux du droit compensateur définitif à 32,9 %.

29      L’intérêt économique que le litige a représenté pour les parties serait relativement limité. Il s’élèverait à 4 748 238 euros et 678  253 livres sterling, c’est-à-dire au montant net des droits compensateurs payés par Hynix qui aurait dû être remboursé en cas d’annulation du règlement attaqué. Ce montant net résulterait de la soustraction des montants remboursés par la Commission à la suite des demandes de remboursements introduites par Hynix en vertu de l’article 21 du règlement n° 2026/97 du montant des droits initialement perçus. Ce montant serait plus pertinent que l’évaluation avancée par le Conseil, car l’intérêt financier du litige se limiterait aux droits compensateurs réellement versés, les mesures litigieuses ayant été supprimées.

30      Le nombre d’heures facturées par les avocats extérieurs du Conseil, soit 1 127,30 heures correspondant à 140 jours de travail d’une durée de huit heures, serait manifestement excessif. Premièrement, les avocats extérieurs du Conseil auraient dû s’appuyer sur la connaissance du dossier acquise par les agents du Conseil et de la Commission lors de la procédure administrative. En effet, la jurisprudence reconnaîtrait que la connaissance approfondie du dossier acquise pendant la procédure administrative est de nature à faciliter le travail des avocats pendant la procédure contentieuse et à réduire le temps consacré à la préparation de la requête. Deuxièmement, les 300 heures consacrées à se familiariser avec les éléments du dossier ne seraient pas récupérables. Troisièmement, le mémoire en défense reprendrait, pour une part importante, des éléments déjà présents dans le règlement attaqué. Quatrièmement, la longueur de ce mémoire ne serait pas indicative du travail qu’il a nécessité, compte tenu du fait qu’une partie importante de ce mémoire serait consacrée à la description des faits de l’affaire telle qu’elle est exposée dans le règlement attaqué. Cinquièmement, la duplique répèterait, à titre principal, des arguments déjà développés dans la défense, ce qui rendrait les 435 heures qui y ont été consacrées excessives. Sixièmement, l’affaire a été radiée avant qu’une audience de plaidoirie n’ait été fixée, ce qui est de nature à réduire les dépens. Hynix se réfère à l’ordonnance du Tribunal du 10 janvier 2002, Starway/Conseil (T‑80/97 DEP, Rec. p. II‑1), qui concernait également des mesures de défense commerciale, et souligne que le Tribunal, après avoir considéré que le litige était d’une relative complexité tant en droit qu’en fait, y avait fixé à 200 le nombre d’heures récupérables. Hynix estime qu’en l’absence d’audience de plaidoirie, le nombre d’heures récupérables dans la présente affaire ne devrait pas dépasser 150 heures.

31      Selon Hynix, le taux horaire pratiqué par les avocats extérieurs du Conseil serait manifestement excessif. Le taux horaire de l’associé aurait progressivement augmenté, de 335,75 euros pour la période allant de juin 2004 à février 2005, à 382,50 euros entre février et décembre 2005, puis à 475 euros en décembre 2005 et enfin à 523 euros en décembre 2008, soit un taux horaire moyen de 375 euros. Le taux horaire moyen des associés serait de 218 euros. Dans des affaires récentes, le Tribunal aurait considéré approprié un taux horaire de 150 euros et jugé que le taux horaire habituellement appliqué par le Tribunal n’excède en principe pas la somme de 250 euros. Un taux horaire de 300 euros n’aurait été considéré approprié que pour rémunérer les services d’un professionnel particulièrement expérimenté, capable de travailler de façon très efficace et rapide (ordonnance du Tribunal du 18 février 2008, Verizon Business Global LLC/Commission, T‑310/00, DEP, non publiée au Recueil, point 44). Dans une autre affaire, le Tribunal aurait jugé que des tarifs horaires situés entre 80 et 350 euros étaient appropriés (ordonnance du Tribunal du 4 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Conseil, T-303/04 DEP, non publiée au Recueil, point 41). Selon Hynix, le taux horaire moyen pondéré de 259 euros facturé serait excessif et devrait être réduit à 175 euros.

32      Certains des dépens demandés par le Conseil ne seraient pas récupérables. Premièrement, le temps passé par les avocats du Conseil à abréger la duplique ne serait pas récupérable, car il résulterait du dépassement par ces avocats du seuil de 25 pages fixé par les instructions pratiques aux parties. Deuxièmement, les heures consacrées aux négociations avec Hynix ayant précédé le désistement ainsi qu’à l’élaboration du mémorandum d’évaluation des chances de Hynix de faire aboutir son recours ne sauraient être considérées comme nécessaires à la procédure. Troisièmement, les 8 000 euros demandés au titre des dépens relatifs à la présente procédure seraient excessifs et cette demande ne serait accompagnée d’aucun justificatif. De plus, les dépens récupérables au titre de la procédure principale devant être inférieurs au montant demandé par le Conseil, les dépens relatifs à la présente procédure ne seraient pas récupérables.

33      Hynix n’émet aucune objection concernant le montant des frais des avocats du Conseil et des frais propres au Conseil.

 Appréciation du Tribunal

34      Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure :

« S’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations. »

35      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p.  I‑1785, point 13, et la jurisprudence citée).

36      Selon une jurisprudence constante, le juge communautaire n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance Airtours/Commission, précitée, point 17, et la jurisprudence citée).

37      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire applicables, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir ordonnance Airtours/Commission, précitée, point 18, et la jurisprudence citée).

38      C’est en fonction de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

Sur l’objet et la nature du litige, son importance sous l’angle du droit communautaire et les difficultés de la cause

39      Le Tribunal, bien qu’il n’ait pas tranché l’affaire au principal en raison du désistement de la requérante, considère que le litige était d’une relative complexité tant en droit qu’en fait. La requérante elle-même a d’ailleurs reconnu cette complexité, dans ses courriers au Tribunal du 12 février 2004 et du 29 juin 2005 ainsi que dans sa demande de désistement du 3 septembre 2008. En effet, l’affaire a soulevé plusieurs questions d’une relative complexité, concernant notamment la notion d’ordre des pouvoirs publics, la définition d’un avantage conféré au titre du règlement (CE) n° 2026/97 et les relations entre les règles communautaires et celles de l’OMC, qui soit n’avaient pas encore été tranchées par le juge communautaire, soit présentaient, en l’espèce, des aspects particuliers au regard des dispositions applicables. Le litige présentait donc certaines difficultés du point de vue du droit communautaire.

Sur l’intérêt économique que le litige a représenté pour les parties

40      Il convient de rappeler que le règlement attaqué a institué un droit compensateur définitif de 34,8 % sur les importations de certains types de microcircuits électroniques dits DRAM (dynamic randon access memories – mémoires dynamiques à accès aléatoire) originaires de la République de Corée et fabriqués par toutes les sociétés autres que Samsung Electronics Co. Ltd. Le taux de ce droit a été abaissé à 32,9 % par le règlement n° 584/2006. Ce droit compensateur a été supprimé, à compter du 31 décembre 2007, par le règlement (CE) n° 320/2008 du Conseil du 7 avril 2008 abrogeant le droit compensateur institué sur les importations de certains microcircuits électroniques dits « DRAM » (« dynamic random access memories », mémoires dynamiques à accès aléatoire) originaires de la République de Corée et clôturant la procédure (JO L 96, p. 1).

41      Compte tenu de ces circonstances, l’intérêt économique que le litige a représenté pour les parties doit être apprécié en tenant compte des droits compensateurs effectivement payés par Hynix, qui auraient dû lui être remboursés en cas d’annulation du règlement attaqué. Le montant net de ces droits s’élève, selon le dossier, à 4 748 238 euros et 678 253 livres sterling. L’importance financière de l’affaire au principal ne saurait donc être contestée.

Sur l’ampleur du travail fourni

42      S’agissant de l’appréciation de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer, il convient de rappeler que, si, en principe, la rémunération d’un seul avocat est recouvrable, il se peut que, suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats puisse être considérée comme entrant dans la notion de frais indispensables (ordonnance de la Cour du 6 janvier 2004, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 DEP, non publiée au Recueil, point 62 ; ordonnance du Tribunal du 15 septembre 2004, Fresh Marine/Commission, T‑178/98 DEP, Rec. p. II‑3127, point 35).

43      Il convient toutefois de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure contentieuse, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (ordonnance du Tribunal du 30 octobre 1998, Kaysersberg/Commission, T‑290/94 DEP, Rec. p. II‑4105, point 20).

44      Il ressort du relevé détaillé des dépens joint à la demande de taxation du Conseil que le nombre total d’heures de travail dont la rétribution est demandée, au taux horaire moyen pondéré global de 259 euros, s’élève à environ 1 127 heures.

45      Si ces heures de travail semblent dûment justifiées d’un point de vue comptable, il appartient cependant au juge communautaire de tenir compte principalement des critères rappelés au point 43.

46      Premièrement, s’agissant du temps consacré par les avocats du Conseil à abréger la duplique, il y a lieu de relever que le dépassement par le Conseil du nombre de pages maximal prescrit par les instructions pratiques aux parties ayant entraîné une régularisation découle du dépassement dudit seuil de 25 pages par la requérante, dont la réplique comportait 153 pages. La longueur de la réplique, que la requérante n’a pas réduite, en dépit d’une demande de régularisation du Tribunal, au motif que son volume était nécessaire afin d’exercer ses droits de la défense, a en effet conduit le Conseil à dépasser le nombre de pages maximal prescrit afin de répondre aux arguments soulevés par la requérante dans la réplique. Dans ces circonstances, le surcoût résultant du temps consacré à abréger la duplique est imputable à la requérante et fait partie des dépens récupérables en l’espèce.

47      Deuxièmement, s’agissant du temps consacré aux négociations avec Hynix ayant précédé le désistement ainsi qu’à l’évaluation des chances que le recours de Hynix conduise à une annulation, il convient de rappeler que les honoraires d’avocat correspondant à des négociations en vue d’une conciliation extrajudiciaire ne sauraient être qualifiés de frais indispensables aux fins de la procédure, au sens de l’article 91 du règlement de procédure (ordonnances de la Cour du 16 décembre 1999, Hüls/Commission, C‑137/92 DEP, non publiée au Recueil, point 19, et du 6 janvier 2004, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 DEP, Rec. p. I‑1, point 48). Le temps facturé par les avocats du Conseil à ce titre ne fait donc pas partie des dépens récupérables.

48      Troisièmement, il convient de tenir compte du fait que les avocats du Conseil pouvaient bénéficier, au même titre que les membres de son service juridique, du soutien des agents chargés de la procédure administrative, experts en la matière, et que ces avocats ont été assistés par un agent du service juridique expérimenté, qui a également signé les mémoires du Conseil (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 6 mai 2008, Freistaat Thüringen/Commission, T‑318/00 DEP, non publiée au Recueil, point 45, et du 8 octobre 2008, CDA Datenträger Albrechts GmbH/Commission, T‑324/00 DEP, non publiée au Recueil, point 86).

49      Quatrièmement, si la complexité du litige justifiait, d’une part, des honoraires élevés et, d’autre part, la représentation de la requérante par plusieurs avocats (ordonnance du Tribunal du 10 janvier 2002, Starway SA/Conseil, T‑80/97 DEP, Rec. p. II‑1, point 29 et la jurisprudence citée), la répartition du travail de préparation des mémoires entre trois avocats implique nécessairement une certaine duplication des efforts entrepris (ordonnance du Tribunal du 8 octobre 2008, CDA Datenträger Albrechts GmbH/Commission, T‑324/00 DEP, non publiée au Recueil, point 91), de sorte que le Tribunal ne saurait reconnaître la totalité des heures de travail réclamées.

50      Cinquièmement, le Tribunal n’estime pas inapproprié le taux horaire moyen pondéré de 259 euros réclamé, dès lors qu’il s’agit de rémunérer les services de professionnels particulièrement expérimentés, capables de travailler de façon très efficace et rapide. Toutefois, la prise en compte d’une rémunération d’un tel niveau a pour contrepartie une évaluation nécessairement stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure contentieuse (ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2008, Infront WM/Commission, T‑33/01 DEP, non publiée au Recueil, point 31 et la jurisprudence citée).

51      Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal fixe le total du temps de travail des avocats du Conseil objectivement indispensable aux fins de la représentation de celui-ci durant la phase juridictionnelle à 600 heures.

52      Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des honoraires récupérables par le Conseil en fixant leur montant à 155 400 euros.

53      Il convient d’ajouter à ces montants celui, non contesté par Hynix, des frais et débours divers, qui s’élève, d’après le relevé détaillé fourni par le Conseil, à 632,58 euros, s’agissant des frais exposés par les avocats extérieurs du Conseil, et à 1 181,03 euros, s’agissant des frais propres au Conseil.

54      Le Tribunal estime qu’il convient d’admettre en tant que frais récupérables l’intégralité de ces frais de photocopie, de recherche informatique, de transports, de télécopie, de scannage, de poste et de communications téléphoniques, dès lors qu’ils apparaissent dûment justifiés par les relevés fournis et évalués de manière raisonnable.

55      En conséquence, le montant des frais et débours récupérables s’élève à 1 813,61 euros.

56      Quant aux dépens de 8 000 euros réclamés pour la conduite de la présente procédure de taxation, il y a lieu de constater que le Conseil n’a indiqué ni les heures de travail consacrées à cet égard ni la rétribution horaire qui leur serait applicable.

57      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par le Conseil en fixant leur montant à 157 213,61 euros.

58      Étant donné que ce montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à ce jour, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais exposés par les parties aux fins de la présente procédure de taxation des dépens (voir ordonnance du Tribunal du 15 septembre 2004, Fresh Marine/Commission, précitée, point 43, et la jurisprudence citée).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par Hynix Semiconductor Inc. au Conseil de l’Union européenne est fixé à la somme de 157 213,61 euros.

Fait à Luxembourg, le 25 novembre 2009 .

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij


* Langue de procédure : l’anglais.