Language of document : ECLI:EU:C:2004:379

Arrêt de la Cour

ARRÊT DE LA COUR (assemblée plénière)
22 juin 2004 (1)


«Contrôle communautaire des opérations de concentration entre entreprises – Article 21, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil – Protection par les États membres des intérêts légitimes – Compétence de la Commission»

Dans l'affaire C-42/01,

République portugaise, représentée par M. L. I. Fernandes et Mme L. Duarte, en qualité d'agents, assistés de Me M. Marques Mendes, advogado, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Oliver et M. França, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision nº C(2000) 3543 final-PT de la Commission, du 22 novembre 2000, relative à une procédure au titre de l'article 21 du règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (Affaire n° COMP/M.2054 – Secil/Holderbank/Cimpor),



LA COUR (assemblée plénière),



composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, C. Gulmann, J.-P. Puissochet et J. N. Cunha Rodrigues, présidents de chambre, MM. A. La Pergola et R. Schintgen, Mme N. Colneric et M. S. von Bahr (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 9 septembre 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 22 janvier 2004,

rend le présent



Arrêt



1
Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er février 2001, la République portugaise a introduit, en vertu de l’article 230, premier alinéa, CE, un recours visant à l’annulation de la décision nº C(2000) 3543 final-PT de la Commission, du 22 novembre 2000, relative à une procédure au titre de l’article 21 du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (Affaire n° COMP/M.2054 − Secil/Holderbank/Cimpor, ci-après la «décision attaquée»).


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2
L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1, ci-après le «règlement sur les concentrations»), dispose:

«Les opérations de concentration de dimension communautaire visées par le présent règlement doivent être notifiées à la Commission dans un délai d’une semaine à compter de la conclusion de l’accord ou de la publication de l’offre d’achat ou d’échange ou de l’acquisition d’une participation de contrôle. Le délai commence à compter de la survenance du premier de ces événements.»

3
Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, la Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception.

4
Il résulte de l’article 10, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations que la Commission dispose d’un délai d’un mois pour décider d’engager ou non la procédure formelle d’examen de la compatibilité de l’opération de concentration avec le marché commun. Conformément au paragraphe 3 de ce même article, une décision déclarant la concentration notifiée incompatible avec le marché commun doit intervenir dans un délai maximal de quatre mois à compter de l’engagement de la procédure formelle.

5
L’article 21 du règlement sur les concentrations prévoit:

«1.Sous réserve du contrôle de la Cour de justice, la Commission a compétence exclusive pour arrêter les décisions prévues au présent règlement.

2.Les États membres n’appliquent pas leur législation nationale sur la concurrence aux opérations de concentration de dimension communautaire.

[…]

3.Nonobstant les paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prendre les mesures appropriées pour assurer la protection d’intérêts légitimes autres que ceux qui sont pris en considération par le présent règlement et compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire.

Sont considérées comme intérêts légitimes au sens du premier alinéa, la sécurité publique, la pluralité des médias et les règles prudentielles.

Tout autre intérêt public doit être communiqué par l’État membre concerné à la Commission et reconnu par celle-ci après examen de sa compatibilité avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire avant que les mesures visées ci-dessus puissent être prises. La Commission notifie sa décision à l’État membre concerné dans le délai d’un mois à dater de ladite communication.»

La réglementation nationale

6
Le régime légal des privatisations dans l’ordre juridique portugais comporte, aux fins de la présente procédure, la loi nº 11/90, du 5 avril 1990, loi-cadre sur les privatisations (Diário da República I, série A, n° 80, du 5 avril 1990, p. 1664), et le décret-loi n° 380/93, du 15 novembre 1993 (Diário da República I, série A, n° 267, du 15 novembre 1993, p. 6362), qui a été pris en application de ladite loi-cadre. Le décret-loi n° 380/93 institue et réglemente une procédure spéciale de suivi par l’État de l’évolution des structures actionnariales des entreprises qui sont en cours de privatisation. En vertu de l’article 1er de ce décret-loi, l’acquisition avec droits de vote de plus de 10 % du capital social d’entreprises n’ayant pas encore été entièrement privatisées requiert une autorisation du ministre des Finances.


Les faits à l’origine du litige

7
Le 15 juin 2000, Secilpar SL, société de droit espagnol (ci-après «Secilpar»), contrôlée à 100 % par Secil-Companhia Geral de Cal e Cimento, SA, société de droit portugais (ci-après «Secil»), a publié l’annonce préliminaire de lancement d’une offre publique d’achat portant sur Cimpor-Cimentos de Portugal SGPS, SA, société de droit portugais (ci-après «Cimpor»). Cimpor est une ancienne entreprise publique, privatisée au début de l’année 1994, dans laquelle l’État portugais, ayant progressivement vendu ses parts, possédait, au moment de la publication de l’annonce préliminaire, 12,7 % des actions, dont 10 % correspondaient à des droits spéciaux. L’annonce préliminaire indiquait que Holderbank Financière Glaris, SA, société de droit suisse (ci-après «Holderbank»), agissait de concert avec Secilpar et Secil.

8
Selon ladite annonce préliminaire, les conditions applicables à l’offre publique d’achat étaient notamment:

l’acceptation de l’offre par des actionnaires qui détenaient au moins 67 % de l’ensemble des actions dans Cimpor,

la cessation des droits spéciaux dont l’État portugais jouissait en tant qu’actionnaire de Cimpor,

l’élimination des limitations de l’exercice du droit de vote prévues au contrat de société de Cimpor.

9
Le 16 juin 2000, conformément au décret-loi nº 380/93, Secilpar et Holderbank ont demandé au ministre des Finances portugais l’autorisation d’acquérir, par offre publique d’achat, une participation jusqu’à 100 % du capital social avec droit de vote de Cimpor dans les termes précisés et sous les conditions indiquées, notamment, dans l’annonce préliminaire.

10
La demande précisait que l’offre publique d’achat visait, dans une première phase, l’acquisition jusqu’à 100 % des actions de Cimpor par l’intermédiaire de Secilpar spécialement constituée à cet effet. Dans une seconde phase, Secil et Holderbank allaient partager les actifs de Cimpor, avec pour résultat final que Secil acquerrait les activités de Cimpor en Espagne et en Egypte ainsi qu’une partie de ses activités au Brésil et que Holderbank acquerrait les activités de Cimpor au Portugal, au Maroc, en Tunisie et au Mozambique ainsi que l’autre partie de ses activités au Brésil.

11
Le 4 juillet 2000, la Commission a reçu notification, conformément à l’article 4 du règlement sur les concentrations, du projet de concentration par lequel Holderbank et Secil allaient acquérir, au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b), dudit règlement, le contrôle en commun de Cimpor par l’offre publique d’achat annoncée le 15 juin 2000 (voir avis de notification préalable d’une opération de concentration, JO C 198, p. 5, ci-après la «notification du 4 juillet 2000»).

12
Par arrêté du 5 juillet 2000, le ministre des Finances a rejeté la demande du 16 juin 2000 et a indiqué que l’État portugais n’avait pas l’intention de renoncer à ses droits spéciaux dont il jouissait en tant qu’actionnaire de Cimpor et qu’il s’opposait à l’élimination des limitations de l’exercice du droit de vote prévues au contrat de société de Cimpor.

13
Par lettre du 7 juillet 2000, en réponse à une lettre du jour précédent, Secil a informé la Comissão do Mercado de Valores Mobiliários (commission du marché des valeurs mobilières, ci-après la «CMVM») de ses intentions concernant l’offre publique d’achat. Le même jour, Secilpar et Holderbank ont adressé une nouvelle demande au ministre des Finances en vue d’acquérir, conformément au décret-loi n° 380/93, plus de 10 % des actions de Cimpor, notamment sur le marché. Dans cette demande, elles renonçaient notamment à soumettre l’offre publique d’achat à la condition de la cessation des droits spéciaux de l’État portugais en qualité d’actionnaire de Cimpor.

14
Le 20 juillet 2000, la Commission, estimant que la notification du 4 juillet 2000 était incomplète, a accordé aux parties un délai allant jusqu’au 28 août 2000 pour la compléter. Ce délai a été prorogé jusqu’au 15 septembre 2000 à la demande des parties. Celles-ci n’ayant cependant pas communiqué à la Commission les informations demandées, cette dernière a suspendu l’analyse de la concentration.

15
Par arrêté du 11 août 2000, le ministre des Finances a, d’une part, indiqué que l’assemblée générale de Cimpor avait rejeté la proposition d’éliminer les limitations de l’exercice du droit de vote de sorte que l’offre publique d’achat semblait être devenue sans effet. D’autre part, il a de nouveau rejeté la demande de Secilpar et de Holderbank, en précisant que les objectifs des parties étaient, en général, contraires aux objectifs de la reprivatisation. L’arrêté du 11 août 2000 relevait que les motifs du rejet résidaient: i) dans le fait que l’acquisition aurait entraîné le retrait de Cimpor du marché portugais des capitaux; ii) dans l’incompatibilité du projet industriel des demanderesses avec les stratégies du gouvernement portugais relatives à la restructuration du secteur; iii) dans le fait que l’acquisition aurait empêché la cession de la participation de l’État portugais dans Cimpor à des bonnes conditions économiques et financières, ainsi que iv) dans le fait que l’acquisition aurait entraîné une violation du principe d’égalité de traitement dans le cadre de la dernière phase du processus de privatisation de Cimpor.

16
Toujours le 11 août 2000, Secilpar a communiqué à la CMVM certaines modifications de l’annonce préliminaire d’offre publique d’achat d’actions de Cimpor, visant à répondre à des préoccupations exprimées par les autorités portugaises.

17
Par lettre du même jour, la CMVM, prenant en compte l’arrêté du 11 août 2000 et considérant que les modifications de l’annonce préliminaire étaient devenues sans pertinence, a informé Secilpar de sa décision d’ordonner le retrait de l’offre publique d’achat préalablement annoncée par cette société.

18
Par lettre du 16 août 2000, le chef de cabinet du ministre des Finances a remis, à titre privé, une copie de l’arrêté du 11 août 2000 au chef de cabinet du commissaire responsable pour la politique de concurrence.

19
Par lettre du 21 septembre 2000, ce dernier a informé le ministre des Finances de la notification du 4 juillet 2000 et a indiqué que la première réaction de la Commission était que la République portugaise avait manqué à l’obligation, en vertu des règles communautaires en matière de contrôle des concentrations, d’informer préalablement la Commission de son intention de refuser une opération de concentration ainsi que des intérêts qu’elle cherche à protéger par cette mesure.

20
Ladite lettre précisait encore qu’il semblait que la République portugaise avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 21, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, en décidant de s’opposer à la proposition d’acquisition de Cimpor par Secil et Holderbank, sans avoir informé la Commission de ses motifs et sans lui avoir permis d’apprécier la compatibilité des motifs d’intérêt public avec la législation communautaire avant l’adoption des mesures en cause. Au cas où la Commission parviendrait à la conclusion que les motifs invoqués par la République portugaise ne correspondaient à aucune des trois conditions mentionnées à l’article 21, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, la Commission pourrait prendre les mesures qui s’imposaient en vertu de ladite disposition. Il a été demandé à la République portugaise de transmettre ses observations sur cette question au plus tard le 5 octobre 2000.

21
Enfin, cette lettre du 21 septembre 2000 indiquait que, si elle devait conclure que les arrêtés du ministre des Finances ne trouvaient pas de justification dans la protection d’autres intérêts légitimes au sens de l’article 21, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, la Commission prendrait les mesures adéquates. La République portugaise était invitée à présenter ses observations à ce sujet également au plus tard le 5 octobre 2000.

22
Par lettre du 3 octobre 2000, le ministre des Finances a répondu qu’il n’avait pas appliqué la législation portugaise sur la concurrence, mais le décret-loi n° 380/93, à l’offre publique d’achat de Secilpar et de Holderbank. Il a également indiqué que la dernière phase de la reprivatisation aurait lieu à brève échéance, ce qui aurait pour effet que cesseraient les droits spéciaux dont l’État portugais jouissait en tant qu’actionnaire de Cimpor et que l’acquisition de participations dans Cimpor ne relèverait plus du décret-loi nº 380/93.

23
Le 22 novembre 2000, la Commission a adopté la décision attaquée.

24
Le 11 janvier 2001, la notification du 4 juillet 2000 a été retirée.

25
Par arrêt du 4 juin 2002, Commission/Portugal (C-367/98, Rec. p. I‑4731), la Cour a fait droit à un recours en manquement introduit par la Commission, le 14 octobre 1998, en ce qu’il visait une violation de l’article 73 B du traité CE (devenu article 56 CE). La Cour a constaté que, en adoptant et en maintenant en vigueur, notamment, la loi n° 11/90 et le décret-loi n° 380/93, la République portugaise avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu dudit article.


La décision attaquée

26
Il résulte des points 1 et 2 des motifs de la décision attaquée que celle-ci vise la compatibilité des arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000 avec l’article 21 du règlement sur les concentrations.

27
Au point 11 des motifs de la décision attaquée, la Commission constate que l’opération notifiée consiste en l’acquisition de Cimpor par Secil et Holderbank dans le but de partager immédiatement les actifs acquis. Cette acquisition viserait donc deux concentrations, à travers lesquelles chaque entreprise acquerrait une partie de Cimpor.

28
Sous le titre «Compatibilité des mesures adoptées par les autorités portugaises avec l’article 21 du règlement [sur les concentrations]», la Commission relève, au point 49 des motifs de la décision attaquée, que les autorités portugaises ne lui ont communiqué aucun intérêt public qu’elles considéraient nécessaire de protéger par les arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000.

29
Au point 50 des motifs de la décision attaquée, la Commission observe que «[l]’évolution des structures de l’actionnariat dans des entreprises en cours de privatisation en vue de renforcer la capacité entrepreneuriale et l’efficacité de l’appareil productif national d’une manière compatible avec les orientations de la politique économique du Portugal a été mentionnée dans les arrêtés [des 5 juillet et 11 août 2000] en tant qu’objectif notoire du décret-loi n° 380/93».

30
La Commission constate, au point 55 des motifs de la décision attaquée, que cet objectif ne fait pas partie des intérêts (sécurité publique, pluralité des médias et règles prudentielles) considérés comme légitimes en tant que tels au sens de l’article 21, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations.

31
Aux points 56 et 57 des motifs de la décision attaquée, la Commission constate que, en ne lui communiquant pas l’intérêt concerné, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 21 du règlement sur les concentrations. Elle constate toutefois que les raisons qui sont à la base des arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000 ressortent clairement du texte des arrêtés eux-mêmes.

32
À cet égard, la Commission relève, au point 58 des motifs de la décision attaquée, «que les arguments sur lesquels sont fondées les deux décisions d’opposition à la concentration sont mentionnés dans les textes du second arrêté selon lequel il est nécessaire de protéger l’évolution des structures de l’actionnariat des sociétés en cours de privatisation en vue de renforcer la capacité entrepreneuriale et l’efficacité de l’appareil productif national d’une manière compatible avec les orientations de la politique économique du Portugal. Les deux décisions constituent des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux consacrées dans le traité et ne peuvent être considérées comme justifiées par des raisons d’ordre public reconnues par la jurisprudence de la Cour de justice; en tout état de cause, la République portugaise n’a pas avancé de raisons de cette nature. En outre, le principe général d’égalité de traitement sur la base duquel la République portugaise a adopté sa première décision n’ajouterait aucun élément pertinent aux arguments susmentionnés».

33
La Commission en conclut, au point 59 des motifs de la décision attaquée, que, «indépendamment du fait que la République portugaise a omis de communiquer en temps utile à la Commission les motifs de ses décisions conformément à l’article 21, paragraphe 3, du règlement [sur les concentrations], la Commission devra refuser de reconnaître la légitimité de ceux-ci».

34
Au point 60 des motifs de la décision attaquée, figurant dans la partie intitulée «Conclusion», la Commission indique que, en adoptant les décisions refusant d’autoriser l’acquisition de plus de 10 % des actions de Cimpor, la République portugaise a, en fait, interdit l’acquisition du contrôle de Cimpor par les parties notifiantes.

35
Au point 61 des motifs de la décision attaquée, la Commission observe que, dès lors que l’arrêté du 5 juillet 2000, tel que reformulé le 11 août 2000, portant refus d’autoriser l’acquisition de plus de 10 % des actions de Cimpor, ne semble pas se fonder sur la sécurité publique, la pluralité des médias et les règles prudentielles, «les autorités portugaises ne pouvaient pas intervenir et interdire une concentration de dimension communautaire sans communiquer à la Commission tout autre intérêt public qu’elles souhaitaient protéger, aux termes de l’article 21, paragraphe 3, du règlement [sur les concentrations], avant d’adopter les mesures faisant l’objet de la présente décision».

36
La Commission relève, au point 62 des motifs de la décision attaquée, que «[l]’article 21, paragraphe 3, [du règlement sur les concentrations] serait dépourvu de tout effet utile si, en raison de l’absence de communication, la Commission ne pouvait pas examiner la question de savoir si une mesure adoptée par un État membre est justifiée par l’un des intérêts expressément considérés comme légitimes à l’article 21, paragraphe 3. Les États membres pourraient facilement éviter l’appréciation de la Commission en ne communiquant pas de telles mesures. La structure de l’article 21 repose sur l’équilibre entre, d’une part, l’obligation incombant aux États membres de communiquer au préalable à la Commission l’intérêt qu’ils prétendent être légitime et, d’autre part, l’obligation imposée à la Commission de rendre une décision sur la compatibilité de l’intérêt allégué avec le droit communautaire dans le délai d’un mois».

37
Selon le point 63 des motifs de la décision attaquée, la Commission considère qu’il s’ensuit que «l’article 21 doit être interprété en ce sens que, indépendamment du fait qu’une mesure ait ou non été communiquée, la Commission a le droit d’arrêter une décision par laquelle elle détermine si cette mesure est contraire au principe de la compétence exclusive établi dans le règlement [sur les concentrations]».

38
La Commission conclut, au point 64 des motifs de la décision attaquée, que «les mesures adoptées par les autorités portugaises relativement à l’opération notifiée et, notamment, [les arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000] ne peuvent être considérés comme des mesures destinées à protéger les intérêts légitimes compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire. Par conséquent, ces mesures étaient contraires au droit communautaire, notamment à l’article 21 du règlement [sur les concentrations]».

39
Le point 65 des motifs de la décision attaquée précise que, «[a]insi, la République portugaise est obligée d’adopter les mesures nécessaires pour respecter la législation communautaire, retirant les arrêtés en question».

40
L’article 1er de la décision attaquée dispose:

«Les intérêts sous-jacents à l’arrêté du ministre portugais des [F]inances du [5] juillet 2000, tel que reformulé le 11 août 2000, qui n’ont pas été notifiés à la Commission, contrairement aux dispositions de l’article 21, paragraphe 3, du règlement [sur les concentrations], sont incompatibles avec le droit communautaire».


Sur le recours

41
La République portugaise soulève à titre liminaire une question portant sur la caducité de la décision attaquée. Elle invoque ensuite six moyens à l’appui de son recours, tirés respectivement de:

la violation de l’article 253 CE en raison de l’absence d’indication précise et suffisante de la base juridique de la décision attaquée;

la violation de l’article 253 CE en raison de l’absence de motivation de la prétendue incompatibilité des mesures nationales avec le droit communautaire;

la violation des articles 7, paragraphe 1, CE et 21, paragraphes 1 et 3, troisième alinéa, du règlement sur les concentrations, en ce que la Commission n’était pas compétente pour adopter la décision attaquée en l’absence de la communication par la République portugaise des intérêts protégés par les mesures nationales;

la violation des articles 220 CE et 21, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, en ce que la Commission a enfreint la réserve du contrôle juridictionnel en adoptant la décision attaquée en l’absence de ladite communication;

la violation de l’article 5, troisième alinéa, CE et du principe de proportionnalité, d’une part, en ce que la Commission n’a pas limité son appréciation à la seule concentration de dimension communautaire, à savoir Holderbank/Cimpor, et, d’autre part, en ce qu’elle a adopté une mesure définitive et irréversible malgré l’inaction des parties notifiantes;

un détournement de procédure, en ce que, malgré l’absence de la communication susmentionnée par la République portugaise, la Commission a adopté la décision attaquée au lieu d’introduire un recours en manquement en vertu de l’article 226 CE.

Sur la question liminaire portant sur la caducité de la décision attaquée

42
La République portugaise fait valoir que la décision attaquée a été prise à la suite, et dans le cadre, de la procédure qui a débuté par la notification du 4 juillet 2000. Or, le retrait de celle-ci, le 11 janvier 2001, après l’adoption de la décision attaquée, aurait mis fin à la procédure de sorte que la base juridique sur laquelle la Commission pouvait prétendre fonder sa compétence pour agir en vertu de l’article 21 du règlement sur les concentrations aurait disparu. Dès lors, la décision attaquée serait devenue caduque.

43
À cet égard, il suffit de constater que, pour les motifs relevés par M. l’avocat général aux points 32 et 33 de ses conclusions, le retrait de la notification après l’adoption de la décision attaquée ne saurait en aucun cas rendre cette décision caduque. La décision attaquée continue donc d’exister et de faire l’objet du recours introduit par la République portugaise.

Sur les troisième, quatrième et sixième moyens

44
Par ses troisième, quatrième et sixième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble et en premier lieu, le gouvernement portugais soutient, en substance, que, en l’absence de communication par la République portugaise des intérêts protégés par les arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000, la Commission n’était pas compétente pour adopter la décision attaquée.

45
Tout d’abord, en admettant que les intérêts sous-jacents aux arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000 ne correspondent à aucune des catégories d’intérêts légitimes expressément prévues à l’article 21, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations, le gouvernement portugais relève que le troisième alinéa dudit paragraphe autorise la protection nationale d’autres intérêts publics en mettant à la charge de l’État membre une obligation de communication à la Commission.

46
Ce serait uniquement dans le cas où un État membre communique à la Commission sa volonté d’invoquer de tels autres intérêts publics que celle-ci pourrait notifier sa décision à l’État membre concerné. Tant que l’État membre n’a pas effectué une telle communication, la Commission n’aurait pas non plus compétence pour se prononcer sur les intérêts visés à l’article 21, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations.

47
Le gouvernement portugais soutient en outre que, en l’absence de communication, la Commission risque de se prononcer sur un intérêt public qui ne correspond pas à celui effectivement poursuivi par l’auteur de la décision nationale.

48
Ensuite, le gouvernement portugais fait valoir que, étant donné que, en l’absence de communication de la part de l’État membre concerné, la Commission ne peut pas adopter de décision en vertu de l’article 21, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement sur les concentrations, la fonction de contrôle et de garantie de la légalité incombe à la Cour ou aux juridictions nationales dans le cadre des voies de procédure internes. En adoptant la décision attaquée, la Commission aurait donc empiété sur la compétence de ces dernières en violation de l’article 21, paragraphe 1, dudit règlement et de l’article 220 CE.

49
Enfin, le gouvernement portugais soutient que, sous réserve de la compétence de la Commission pour arrêter une décision dans les conditions prévues à l’article 21, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement sur les concentrations, tel qu’interprété par ce gouvernement, toute situation de violation potentielle par les États membres de l’obligation de communication ou des limites matérielles de la conformité des intérêts publics doit, le cas échéant, faire l’objet d’un recours en manquement en vertu de l’article 226 CE. Partant, en adoptant la décision attaquée, la Commission aurait directement violé ledit article et commis un détournement de procédure.

50
Il convient, d’une part, de rappeler que le règlement sur les concentrations repose sur le principe d’une répartition précise des compétences entre les autorités nationales et communautaires de contrôle. Le vingt-neuvième considérant de son préambule dispose que «les opérations de concentration qui ne sont pas visées par le présent règlement relèvent en principe de la compétence des États membres». Inversement, la Commission est seule compétente pour prendre toutes les décisions relatives aux opérations de concentration de dimension communautaire (arrêt du 25 septembre 2003, Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission, C‑170/02 P, non encore publié au Recueil, point 32).

51
D’autre part, le règlement sur les concentrations comporte également des dispositions dont l’objectif est de limiter, pour des raisons de sécurité juridique et dans l’intérêt des entreprises concernées, la durée des procédures de vérification des opérations qui incombent à la Commission. C’est ainsi que la notification à la Commission d’une opération de dimension communautaire doit intervenir, en vertu de l’article 4 dudit règlement, dans un délai d’une semaine. Les articles 6 et 10, paragraphe 1, de ce règlement prévoient que la Commission procède immédiatement à son examen et qu’elle dispose d’un délai égal, en règle générale, à un mois pour décider d’engager ou non la procédure formelle d’examen de la compatibilité de l’opération avec le marché commun. Selon l’article 10, paragraphe 3, du même texte, la Commission doit statuer sur le dossier au terme d’un délai de quatre mois en principe, qui court à compter de la décision d’ouverture de la procédure. Le même article dispose, à son paragraphe 6, que, «[s]i la Commission n’a pas pris de décision […] dans les délais […], l’opération de concentration est réputée déclarée compatible avec le marché commun» (arrêt Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission, précité, point 33).

52
C’est également ainsi que, en vertu de l’article 21, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement sur les concentrations, tout intérêt public autre que les trois intérêts énumérés au deuxième alinéa du même paragraphe doit être communiqué par l’État membre concerné à la Commission et celle-ci doit notifier sa décision dans le délai d’un mois à dater de ladite communication.

53
Il y a lieu d’en conclure que le législateur communautaire a entendu définir une répartition claire des interventions des autorités nationales et communautaires et qu’il a souhaité assurer un contrôle des opérations de concentration dans des délais compatibles à la fois avec les exigences d’une bonne administration et celles de la vie des affaires (voir, en ce sens, arrêt Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission, précité, point 34).

54
Dès lors, l’interprétation de l’article 21, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement sur les concentrations soutenue par le gouvernement portugais, selon laquelle, en l’absence de communication des intérêts protégés par les arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000, la Commission ne pouvait pas se prononcer par voie de décision sur la compatibilité desdits intérêts avec le droit communautaire, ne saurait être accueillie.

55
En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, si, en l’absence de communication de l’État membre concerné, la Commission était réduite à pouvoir introduire un recours en manquement au sens de l’article 226 CE, il serait impossible d’obtenir une décision communautaire dans les brefs délais visés par le règlement sur les concentrations avec, comme conséquence, une augmentation du risque qu’une telle décision n’intervienne qu’après que les mesures nationales ont déjà définitivement compromis l’opération de concentration de dimension communautaire.

56
En outre, l’interprétation du gouvernement portugais priverait l’article 21, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement sur les concentrations de son effet utile en offrant aux États membres la possibilité de se soustraire aisément aux contrôles prévus par cette disposition.

57
Il en résulte que, pour que le contrôle des intérêts publics autres que ceux prévus à l’article 21, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations, confié à la Commission par le troisième alinéa dudit paragraphe, soit efficace, il faut reconnaître à cette institution le pouvoir de se prononcer par voie de décision sur la compatibilité de ces intérêts avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire, que lesdits intérêts lui aient été communiqués ou non.

58
S’il est vrai que le défaut de communication par l’État membre concerné peut rendre plus incertaine et complexe la tâche de la Commission, en ce que celle-ci pourrait avoir des difficultés à établir les intérêts protégés par les mesures nationales, il n’est pas moins vrai que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 55 de ses conclusions, la Commission a toujours la possibilité de demander des informations à l’État membre concerné. Si, nonobstant cette demande, celui-ci ne fournit pas les informations demandées, la Commission peut prendre une décision sur la base des éléments dont elle dispose (voir, par analogie, en ce qui concerne les aides d’État, arrêt du 14 février 1990, France/Commission, dit «Boussac Saint Frères», C-301/87, Rec. p. I‑307, point 22).

59
Par ailleurs, dans une situation telle que celle en l’espèce, où l’État membre n’a pas communiqué les intérêts protégés par les mesures nationales concernées, il est inévitable que la Commission examine d’abord si lesdites mesures sont justifiées par un des intérêts prévus à l’article 21, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations. En effet, si, ce faisant, elle constate que l’État membre a adopté les mesures en question pour assurer la protection d’un des intérêts légitimes énumérés audit alinéa, elle n’aura pas à pousser plus avant son examen et à vérifier si lesdites mesures sont justifiées au regard de tout autre intérêt public visé au troisième alinéa.

60
Dès lors, étant donné que, ainsi qu’il résulte du point 57 du présent arrêt, la Commission est compétente, en vertu de l’article 21, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement sur les concentrations, pour adopter une décision relative à la compatibilité avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire des intérêts public protégés par un État membre autres que ceux énumérés au deuxième alinéa dudit paragraphe, même en l’absence de la communication de l’État membre concerné de ces intérêts, il convient de conclure que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’a pas empiété sur les compétences de la Cour ou des juridictions nationales et n’a donc pas violé l’article 21, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations ni l’article 220 CE. Elle n’a pas non plus violé l’article 226 CE ou commis de détournement de procédure.

61
Il en résulte que les troisième, quatrième et sixième moyens doivent être rejetés comme non fondés.

Sur le premier moyen

62
Par son premier moyen, le gouvernement portugais fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE en n’indiquant pas de manière suffisamment précise la base juridique de la décision attaquée.

63
Il suffit de constater qu’il ressort clairement de la lettre de la décision attaquée, notamment des points 60 à 64 de ses motifs, qu’elle est fondée sur l’article 21, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement sur les concentrations.

64
Le premier moyen invoqué par le gouvernement portugais doit donc également être rejeté comme non fondé.

Sur le deuxième moyen

65
Par son deuxième moyen, le gouvernement portugais fait grief à la Commission d’avoir insuffisamment motivé la prétendue incompatibilité des mesures nationales avec le droit communautaire. En particulier, la décision attaquée ne contiendrait aucune évaluation matérielle spécifique des intérêts sous-jacents aux mesures adoptées par les autorités portugaises, reposant sur des raisons de fait et de droit, dûment explicitées à la lumière du cadre communautaire pertinent.

66
Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C-301/96, non encore publié au Recueil, point 87).

67
Il est vrai que la décision attaquée comporte un exposé sommaire des motifs pour lesquels la Commission a considéré les intérêts sous-jacents aux arrêtés du 5 juillet et du 11 août 2000 incompatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire.

68
Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a observé aux points 66 et 67 de ses conclusions, après avoir identifié les intérêts protégés par les mesures nationales et constaté que ceux-ci n’étaient pas parmi ceux considérés comme légitimes en tant que tel au sens de l’article 21, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations, la Commission a fourni au point 58 des motifs de la décision attaquée une motivation qui, bien qu’extrêmement succincte, permet de comprendre les constatations sur lesquelles elle fonde son raisonnement.

69
En outre, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 68 de ses conclusions, la décision attaquée a été adoptée dans un contexte bien connu du gouvernement portugais, à savoir dans le cadre de la procédure en manquement ayant mené à l’arrêt Commission/Portugal, précité, et le gouvernement portugais n’a pas fourni la moindre indication à la Commission quant à la compatibilité avec le droit communautaire des intérêts publics protégés par les mesures concernées, pas même en réponse à la lettre de la Commission du 21 septembre 2000.

70
Eu égard à ce contexte, il convient de constater que la décision attaquée pouvait être motivée d’une manière sommaire (voir, à cet égard, arrêts du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31, et du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156/98, Rec. p. I-6857, point 105) et qu'elle était donc suffisamment motivée (voir arrêt du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, précité, points 92 et 93).

71
Il en découle que le troisième moyen invoqué par le gouvernement portugais n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen

72
Par son cinquième moyen, qui est tiré de la violation du principe de proportionnalité, le gouvernement portugais fait valoir, dans une première branche, que la Commission est allée au-delà de ce qui est nécessaire pour faire respecter le droit communautaire en déclarant dans la décision attaquée que la République portugaise doit retirer les arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000 dans leur totalité et en affirmant de manière générale dans le dispositif de cette décision que les intérêts sous-jacents auxdits arrêtés ne sont pas compatibles avec le droit communautaire en dépit du fait qu’il résulte de la décision attaquée que l’opération notifiée aurait donné lieu à deux concentrations, à savoir Secil/Cimpor et Holderbank/Cimpor, et que seule la seconde aurait eu une dimension communautaire.

73
Dans une seconde branche de ce moyen, le gouvernement portugais soutient que, étant donné que, en raison de l’absence des informations demandées aux parties notifiantes, la procédure d’évaluation de la concentration notifiée était suspendue au moment où la décision attaquée a été adoptée et que celle-ci a donc été adoptée pendant une période qui est caractérisée par une incertitude sur la poursuite ou non de la procédure, la Commission aurait dû faire preuve de prudence en choisissant des injonctions qui n’étaient pas définitives. L’obligation de retirer les arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000 ne serait ni adaptée à la poursuite des objectifs visés ni compatible avec ceux-ci et constituerait donc une violation du principe de proportionnalité.

74
S’agissant de la première branche de ce moyen, il convient de constater que, ainsi que l’a observé la Commission, les deux opérations de concentration étaient indissociablement liées, l’offre publique d’achat du capital social de Cimpor, par le biais de Secilpar, ayant été lancée dans le but de partager les actifs de Cimpor entre Secil et Holderbank. Il n’était donc pas possible de limiter les effets de la décision attaquée à la concentration Holderbank/Cimpor. Partant, c’est à bon droit que, dans la décision attaquée, la Commission a relevé que la République portugaise était obligée de retirer les arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000 dans leur totalité et a déclaré de manière générale que les intérêts sous-jacents auxdits arrêtés étaient incompatibles avec le droit communautaire.

75
Quant à la seconde branche du même moyen, il suffit de constater, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 74 de ses conclusions, que la Commission a pu estimer que l’inertie des parties notifiantes était, du moins en partie, due à l’adoption des arrêtés des 5 juillet et 11 août 2000 et que, par conséquent, il était particulièrement important et urgent qu’elle intervienne de manière définitive.

76
Il résulte des considérations qui précèdent que le cinquième moyen du recours n’est pas non plus fondé.

77
Le recours n’étant dès lors fondé en aucun de ses moyens, il y a lieu de le rejeter.


Sur les dépens

78
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.


Par ces motifs,

LA COUR (assemblée plénière)

déclare et arrête:

1)
Le recours est rejeté.

2)
La République portugaise est condamnée aux dépens.

Skouris

Jann

Timmermans

Rosas

Gulmann

Puissochet

Cunha Rodrigues

La Pergola

Schintgen

Colneric

von Bahr

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 juin 2004.

Le greffier

Le président

R. Grass

V. Skouris


1
Langue de procédure: le portugais.