Language of document : ECLI:EU:T:2002:72

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 mars 2002 (1)

«Concurrence - Entente - Conduites de chauffage urbain - Article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) - Boycottage - Accès au dossier - Amende - Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes - Non-rétroactivité - Confiance légitime»

Dans l'affaire T-16/99,

Lögstör Rör (Deutschland) GmbH, établie à Fulda (Allemagne), représentée par Mes H.-J. Hellmann et T. Nägele, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. W. Mölls et É. Gippini Fournier, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d'annulation de la décision 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction de l'amende infligée par cette décision à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 24 octobre 2000,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    La requérante est une société allemande, produisant des conduites destinées au chauffage urbain, qui s'appelait, jusqu'au milieu de l'année 1998, Pan-Isovit GmbH. Elle a été rachetée, à la fin de l'année 1996, par la société danoise Løgstør Rør A/S (ci-après «Løgstør»).

2.
    Dans les systèmes de chauffage urbain, l'eau chauffée dans un site central est acheminée, par des conduites souterraines, vers les locaux à chauffer. Étant donné que la température de l'eau (ou de la vapeur) transportée est très élevée, les conduites doivent être calorifugées pour assurer une distribution économique et sans risque. Les conduites utilisées sont précalorifugées et, à cette fin, sont généralement constituées d'un tube d'acier enveloppé d'un tube de plastique, avec une couche de mousse isolante entre les deux.

3.
    Les conduites de chauffage urbain font l'objet d'un commerce important entre les États membres. Les plus grands marchés nationaux de l'Union européenne sont l'Allemagne, avec 40 % de la consommation communautaire, et le Danemark, avec 20 %. Avec 50 % de la capacité de fabrication de l'Union européenne, leDanemark est le principal centre de production de l'Union qui approvisionne tous les États membres où est utilisé le chauffage urbain.

4.
    Par une plainte datée du 18 janvier 1995, l'entreprise suédoise Powerpipe AB a signalé à la Commission que les autres fabricants et fournisseurs de conduites de chauffage urbain s'étaient réparti le marché européen dans le cadre d'une entente et qu'ils avaient pris des mesures concertées pour nuire à son activité, ou confiner cette activité au marché suédois, ou encore l'évincer purement et simplement du secteur.

5.
    Le 28 juin 1995, agissant en vertu d'une décision de la Commission du 12 juin 1995, des fonctionnaires de cette dernière et des représentants des autorités de la concurrence des États membres concernés, ont procédé, simultanément et sans préavis, à des vérifications dans dix entreprises ou associations présentes dans le secteur du chauffage urbain, y inclus la requérante.

6.
    Ensuite, la Commission a adressé des demandes de renseignements à la requérante et à la plupart des entreprises concernées par les faits litigieux, en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204).

7.
    Le 20 mars 1997, la Commission a adressé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées. Ensuite, une audition des entreprises concernées a eu lieu les 24 et 25 novembre 1997.

8.
    Le 21 octobre 1998, la Commission a adopté la décision 1999/60/CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision du 6 novembre 1998 [C(1998) 3415 final] (ci-après la «décision» ou la «décision attaquée»), constatant la participation de diverses entreprises, et, notamment, de la requérante, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) (ci-après l'«entente»).

9.
    Selon la décision, un accord a été conclu, à la fin de l'année 1990, entre les quatre producteurs danois de conduites de chauffage urbain sur le principe d'une coopération générale sur leur marché national. Cet accord aurait réuni ABB IC Møller A/S, la filiale danoise du groupe helvético-suédois ABB Asea Brown Boveri Ltd (ci-après «ABB»), Dansk Rørindustri A/S, aussi connue sous le nom de Starpipe (ci-après «Dansk Rørindustri»), Løgstør et Tarco Energi A/S (ci-après «Tarco») (ci-après, les quatre pris ensemble, les «producteurs danois»). L'une des premières mesures aurait consisté à coordonner une augmentation des prix tant pour le marché danois que pour les marchés à l'exportation. Aux fins de partager le marché danois, des quotas auraient été fixés puis appliqués et contrôlés par un «groupe de contact» réunissant les responsables des ventes des entreprisesconcernées. Pour chaque projet commercial (ci-après un «projet»), l'entreprise à laquelle le groupe de contact avait attribué le projet aurait informé les autres participants du prix qu'elle avait l'intention de proposer et ces derniers auraient alors fait une offre plus élevée de façon à protéger le fournisseur désigné par l'entente.

10.
    Selon la décision, la requérante et le groupe Henss/Isoplus (ci-après «Henss/Isoplus»), se sont joints aux réunions régulières des producteurs danois à partir de l'automne de 1991. Dans le cadre de ces réunions se seraient tenues des négociations en vue de la répartition du marché allemand. Celles-ci auraient abouti, en août 1993, à des accords fixant des quotas de vente pour chaque entreprise participante.

11.
    Toujours selon la décision, il a été convenu d'un accord entre tous ces producteurs, en 1994, afin de fixer des quotas pour l'ensemble du marché européen. Cette entente européenne aurait comporté une structure à deux niveaux. Le «club des directeurs», réunissant les présidents ou les directeurs généraux des entreprises participant à l'entente, aurait attribué des quotas à chacune de ces entreprises tant sur l'ensemble du marché que sur chacun des marchés nationaux, notamment l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède. Pour certains marchés nationaux, un «groupe de contact» aurait été institué, composé de responsables locaux des ventes, qui se seraient vu confier la tâche de gérer les accords en attribuant les projets et en coordonnant les soumissions aux appels d'offres.

12.
    En ce qui concerne le marché allemand, la décision mentionne que, à la suite d'une réunion des six principaux producteurs européens (ABB, Dansk Rørindustri, Henss/Isoplus, Løgstør, Tarco et la requérante) et de Brugg Rohrsysteme GmbH (ci-après «Brugg») le 18 août 1994, une première réunion du groupe de contact pour l'Allemagne s'est tenue le 7 octobre 1994. Les réunions de ce groupe se seraient poursuivies longtemps après les vérifications de la Commission, à la fin de juin 1995, bien que, à partir de ce moment-là, elles se soient tenues à l'extérieur de l'Union européenne, à Zurich. Les réunions à Zurich se seraient poursuivies jusqu'au 25 mars 1996.

13.
    Comme élément de l'entente, la décision cite, notamment, l'adoption et la mise en oeuvre de mesures concertées visant à éliminer la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe. La Commission précise que certains participants à l'entente ont recruté des «salariés clés» de Powerpipe et ont fait comprendre à cette dernière qu'elle devait se retirer du marché allemand. À la suite de l'attribution à Powerpipe d'un important projet allemand, en mars 1995, une réunion se serait tenue à Düsseldorf, à laquelle auraient participé les six producteurs susvisés et Brugg. Selon la Commission, il a été décidé, lors de cette réunion, d'instituer un boycottage collectif des clients et des fournisseurs de Powerpipe. Ce boycottage aurait ensuite été mis en oeuvre.

14.
    Dans sa décision, la Commission expose les motifs pour lesquels non seulement l'arrangement exprès de partage des marchés conclu entre les producteurs danois à la fin de 1990, mais également les arrangements conclus à compter d'octobre 1991, visés ensemble, peuvent être considérés comme formant un «accord» prohibé par l'article 85, paragraphe 1, du traité. De plus, la Commission souligne que les ententes «danoise» et «européenne» ne constituaient que l'expression d'une seule entente qui a débuté au Danemark mais qui avait, dès le départ, pour objectif, à plus long terme, d'étendre le contrôle des participants à tout le marché. Selon la Commission, l'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre États membres.

15.
    Pour ces motifs, la décision a pour dispositif:

«Article premier

ABB Asea Brown Boveri Ltd, Brugg Rohrsysteme GmbH, Dansk Rørindustri A/S, le groupe Henss/Isoplus, KE KELIT Kunststoffwerk GmbH, Oy KWH Tech AB, Løgstør Rør A/S, Pan-Isovit GmbH, Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.L. et Tarco Energi A/S ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant, de la manière et dans la mesure indiquées dans la motivation à un ensemble d'accords et de pratiques concertées qui a été mis en place, vers novembre ou décembre 1990, entre les quatre producteurs danois, qui a ensuite été étendu à d'autres marchés nationaux, auquel se sont ralliées Pan-Isovit et Henss/Isoplus, et qui a fini par constituer, fin 1994, une entente générale couvrant l'ensemble du marché commun.

La durée de l'infraction était la suivante:

-    dans le cas [de] [...] Pan-Isovit [...]: plus ou moins à partir de novembre-décembre 1990, et au moins jusqu'en mars ou avril 1996

[...]

Les principales caractéristiques de l'entente étaient:

-    la répartition entre producteurs des différents marchés nationaux, puis de l'ensemble du marché européen, grâce à un système de quotas,

-    l'attribution de marchés nationaux à certains producteurs et l'organisation du retrait des autres producteurs,

-    la fixation des prix du produit et de chaque projet,

-    l'attribution de projets à des producteurs désignés à cet effet et la manipulation des procédures de soumission, afin que les marchés en question soient attribués à ces producteurs,

-    pour protéger l'entente de la concurrence de la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe AB, l'adoption et la mise en oeuvre de mesures concertées visant à entraver son activité commerciale, à nuire à la bonne marche de ses affaires ou à l'évincer purement et simplement du marché.

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l'article 1er, en raison de l'infraction constatée audit article:

[...]

h) Pan-Isovit GmbH, une amende de 1 500 000 écus

[...]»

16.
    La décision a été notifiée à la requérante par lettre du 12 novembre 1998, reçue par celle-ci le lendemain.

Procédure et conclusions des parties

17.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 janvier 1999, la requérante a introduit le présent recours.

18.
    Sept des neuf autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont également introduit un recours contre la décision (affaires T-9/99, T-15/99, T-17/99, T-21/99, T-23/99, T-28/99 et T-31/99).

19.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d'organisation de la procédure, a demandé aux parties de répondre à des questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

20.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 24 octobre 2000.

21.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

-    subsidiairement, réduire le montant de l'amende;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

22.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

23.
    La requérante invoque, en substance, cinq moyens. Le premier moyen est tiré d'erreurs de fait et de droit dans l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits de la défense. Le troisième moyen est tiré de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de principes généraux et d'erreurs d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende. Le quatrième moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du montant de l'amende. Enfin, le cinquième moyen est tiré d'un niveau excessif du taux d'intérêt appliqué à l'amende en cas de non-paiement immédiat.

I - Sur le moyen tiré d'erreurs de fait et de droit dans l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité

A - Sur la durée de l'infraction

1. Arguments des parties

24.
    La requérante nie avoir rejoint, à partir d'octobre 1991, les producteurs danois dans la coopération que ceux-ci avaient organisée pour le marché danois et ensuite étendue au marché allemand. La Commission n'aurait pas révélé à quel moment et par quels actes ou déclarations la requérante était censée avoir adhéré à un «plan commun» pour réglementer le marché allemand sur la base de l'entente danoise. En outre, si un tel plan commun avait déjà existé entre les opérateurs du marché, en 1990, la raison pour laquelle les producteurs danois, dès 1993, auraient encore tenté d'étendre leurs accords à d'autres marchés, comme il est constaté dans le considérant 48 de la décision, ne pourrait pas être comprise.

25.
    La requérante n'aurait jamais pris part à l'entente danoise et n'en aurait d'ailleurs pas eu connaissance. Le fait que la requérante n'est pas mentionnée dans unetélécopie d'ABB IC Møller d'août 1991, figurant en annexe 34 de la communication des griefs, démontrerait que les accords ne concernaient que les producteurs danois. Jusqu'en 1994, la requérante n'aurait exercé aucune activité sur le marché danois. De plus, elle n'aurait jamais pris part aux réunions concernant l'entente danoise avant la fin de 1994.

26.
    La Commission semblerait déduire l'adhésion de la requérante à un plan commun de deux rencontres bilatérales avec ABB à la fin de 1990 et au début de 1991. Or, d'après les indications concordantes de la requérante et d'ABB, ces discussions auraient porté essentiellement sur une coopération dans le domaine technique et n'auraient pas abouti aux accords ou pratiques concertées allégués par la Commission. En tout état de cause, il ne saurait être déduit de ces discussions que la requérante se serait jointe à l'entente danoise. Elles n'auraient été que de simples rencontres bilatérales dont les autres opérateurs de marché n'avaient pas eu connaissance.

27.
    Ce serait à tort que la Commission soutient que la pénétration de la requérante sur le marché danois avait pour objectif d'acquérir plus de poids pour les négociations au sein de l'entente. En effet, étant donné que les producteurs danois utilisaient les profits acquis sur le marché danois grâce à leur entente afin de gagner des parts du marché allemand en pratiquant des prix peu élevés, leur tentative d'étendre leurs accords à d'autres marchés, dès 1993, aurait eu des conséquences pour les producteurs allemands comme la requérante. Ce serait dans ce contexte que celle-ci a décidé de manière autonome d'étendre ses activités au marché danois.

28.
    Il n'y aurait pas eu non plus d'accord concernant les prix en Allemagne en 1992. À cet égard, la Commission se fonderait sur des renseignements fournis par ABB qui sont en contradiction avec les réponses données par les autres entreprises ayant participé à l'infraction. En outre, comme la Commission l'admet également, il n'y aurait pas eu d'augmentation effective des prix.

29.
    En outre, toutes les entreprises en cause auraient unanimement déclaré qu'il n'y avait pas eu d'entente au niveau européen avant la fin de l'année 1994. Même si, avant la fin de 1994, des discussions bilatérales ou multilatérales entre concurrents avaient eu lieu de manière répétée à propos de la façon de remédier à la situation économique déplorable, au cours desquelles il aurait été évoqué la situation préoccupante du marché et envisagé différentes possibilités, telles que des coopérations, des fusions et des accords, il n'y aurait pas eu d'accord sur les prix ou sur les quotas ni de pratiques concertées, sauf au Danemark, du fait des quatre producteurs danois.

30.
    De tout cela, la requérante conclut que la Commission a commis une erreur en partant, dans la décision, d'une durée de l'infraction pour la requérante qui se serait étalée entre décembre 1990 et mars ou avril 1996, c'est-à-dire 65 mois. En fait, cette période n'aurait compris tout au plus que 16 mois, à savoir de décembre 1994 à mars 1996.

31.
    La défenderesse soutient qu'elle a reproché à la requérante à juste titre sa participation à une entente à partir de la fin de 1990, comme elle est évoquée aux considérants 38 à 56 de la décision.

2. Appréciation du Tribunal

32.
    Selon l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision, la durée de l'infraction reprochée à la requérante s'étend «plus ou moins à partir de novembre-décembre 1990, et au moins jusqu'en mars ou avril 1996».

33.
    Plus précisément, au considérant 153, quatrième alinéa, sous b), de la décision, la Commission a estimé que la requérante a participé à l'entente, dans un premier temps, en association avec ABB, plus ou moins à partir de décembre 1990, puis, avec ABB, Dansk Rørindustri, Løgstør, Tarco et Henss/Isoplus, à partir d'octobre 1991 jusqu'en mars ou avril 1996 au moins, en ne tenant pas compte d'une période allant d'octobre 1993 à mars 1994 environ pendant laquelle les arrangements ont été suspendus.

34.
    Il convient d'apprécier la participation de la requérante, d'abord, pendant la période antérieure à octobre 1993 et, ensuite, en ce qui concerne la suspension de l'entente et la période ultérieure.

- Sur la participation de la requérante avant octobre 1993

35.
    Selon une jurisprudence bien établie, dès lors qu'une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu'elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu'elle souscrit au résultat des réunions et qu'elle s'y conformera, il peut être considéré comme établi qu'elle participe à l'entente résultant desdites réunions (voir arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 232, du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, point 98, et du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141/89, Rec. p. II-791, points 85 et 86).

36.
    Dans ce contexte, il convient d'apprécier, en ce qui concerne la période allant de décembre 1990 à octobre 1993, les preuves rassemblées par la Commission et les conclusions qu'elle en a tirées, aux considérants 38 et suivants de la décision.

37.
    En premier lieu, il convient de rappeler que la Commission a soutenu, aux considérants 38 et 39 de sa décision, que, à la fin de 1990 ou au début de 1991, des initiatives ont été prises pour étendre la coopération danoise en matière de partage de marché à d'autres marchés et y associer les producteurs allemands. Dans ce cadre, la Commission a évoqué, comme une manoeuvre relativement isolée, les discussions bilatérales entre la requérante et ABB au sujet d'une alliance stratégique informelle.

38.
    À cet égard, il y a lieu de constater que c'est à bon droit que la Commission a affirmé, au même endroit, que les discussions entre la requérante et ABB ont concerné, outre la coopération technique, les modalités d'une répartition du marché allemand entre elles et que la requérante s'est déclarée en faveur des augmentations de prix de 6 à 8 % dont ABB et les autres producteurs danois étaient convenus pour leurs marchés à l'exportation, Allemagne comprise. En effet, il ressort des notes prises par le directeur général d'ABB IC Møller à la suite des réunions des 12 décembre 1990 et 4 janvier 1991 (figurant en annexes 30 et 31 de la communication des griefs) que les discussions entre la requérante et ABB ne se limitaient pas à une coopération technique, mais s'étendaient à une éventuelle coopération sur le marché. Selon les notes prises à la suite de la réunion du 4 janvier 1991 (annexe 30 de la communication des griefs), les deux entreprises entendaient examiner comment leur position sur le marché pouvait être coordonnée informellement tandis que la requérante souhaitait répartir différents clients entre les deux sociétés et maintenir la position de l'époque sur le marché au cours des années suivantes. De plus, il ressort de la note qui faisait suite à la réunion du 12 décembre 1990 (annexe 31 de la communication des griefs) que la requérante soutenait les augmentations de prix évoquées par ABB et voulait - si cela lui était demandé - «s'en tenir à 6 à 8 %» d'augmentation.

39.
    Même si les discussions sur une coopération entre la requérante et ABB visaient à renforcer la position de celles-ci sur le marché allemand contre les autres producteurs danois plutôt qu'à coopérer avec ces derniers, c'est à juste titre que la Commission a considéré l'adhésion de la requérante aux augmentations de prix annoncées par ABB comme une «manoeuvre isolée» dans le cadre de l'association des producteurs allemands à l'entente danoise.

40.
    En effet, la note prise par ABB à la suite de la réunion du 12 décembre 1990 doit être lue à la lumière de l'ensemble des preuves réunies par la Commission et dont il ressort, notamment, que, lors d'une réunion, le 22 novembre 1990, ABB et les autres producteurs danois sont convenus de coordonner une augmentation de leurs prix pour les marchés à l'exportation, variant de 6 % pour Dansk Rørindustri à 7 ou 8 % pour ABB et 10 % pour Løgstør et Tarco (annexe 19 de la communication des griefs; réponse de Tarco du 26 avril 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996). Or, étant donné que, lors de la même réunion du 12 décembre 1990 dans laquelle la requérante a exprimé son accord sur la reproduction des augmentations de prix d'ABB, cette dernière a également fourni à la requérante des informations «sur [leurs] récentes relations de collaboration stratégique au Nord ainsi que sur [leur] situation en Allemagne» et qu'il a été question également de la politique de prix de chacun des autres producteurs danois (annexe 31 de la communication des griefs), la requérante n'a pas pu ignorer que les augmentations de prix évoquées par ABB résultaient d'une collaboration sur les prix entre les producteurs danois. Étant donné que la requérante connaissait les augmentations de prix coordonnées par les producteurs danois, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à accepter le risque qu'entraîne un tel comportement infractionnel, son accord sur ces augmentations de prix peut êtreconsidéré comme une adhésion, bien que partielle et temporaire, à l'accord mis en oeuvre par ces autres producteurs (voir arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 203). Il n'est pas pertinent, à ce propos, d'avancer que les autres producteurs danois n'auraient pas eu connaissance de l'accord convenu entre la requérante et ABB.

41.
    Par conséquent, la Commission a pu affirmer à juste titre, au considérant 135 de la décision, que la requérante a été amenée à participer à l'entente dès le départ, même si cette alliance n'a duré que quelques mois.

42.
    Il convient d'observer, à cet égard, que la réponse d'ABB du 4 juin 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996 (ci-après la «réponse d'ABB») ne conduit pas à une autre appréciation des preuves. En effet, la réponse d'ABB selon laquelle cette dernière n'a trouvé aucune preuve d'un accord entre elle-même et la requérante ne saurait contredire la valeur probante de ses propres notes figurant en annexes 30 et 31 de la communication des griefs.

43.
    En deuxième lieu, il convient d'observer que le considérant 40 de la décision évoque un accord entre les producteurs danois, en octobre 1991, en ce qui concerne l'attribution d'un marché à Turin. Il suffit d'observer, à cet égard, que l'existence d'un tel accord ressort des déclarations concordantes d'ABB (réponse d'ABB) et de Løgstør (observations de Løgstør sur la communication des griefs). Or, eu égard au fait que la requérante est mentionnée dans les correspondances des 16 et 25 juillet 1991 entre Løgstør et sa filiale allemande sur le projet en question (documents complémentaires de la communication des griefs nos 1 à 3) ainsi que dans une note interne d'ABB IC Møller du 15 octobre 1991 relative au même projet (annexe 32 de la communication des griefs), la Commission a été en droit de conclure, au considérant 40 de la décision, que la requérante a participé, en juillet 1991, à des discussions avec ses concurrents danois au sujet du partage dudit projet.

44.
    En troisième lieu, il convient d'examiner si la Commission a correctement estimé, aux considérants 34 et 44 de sa décision, que la requérante était partie, avec Henss/Isoplus, à l'accord convenu entre les producteurs danois sur une augmentation des prix pour 1992 en dehors du Danemark, en automne 1991.

45.
    À cet égard, il y a lieu d'observer que l'existence d'un accord sur l'augmentation des prix bruts pour 1992 a été reconnue tant par ABB, dans sa réponse, que par Løgstør, dans ses observations sur la communication des griefs, même si la première déclare qu'un tel accord a été conclu lors de la réunion du 9 ou 10 octobre 1991 à Francfort, tandis que la seconde situe sa conclusion lors de la réunion du 10 décembre 1991 à Hambourg. Il s'avère, de plus, que les éléments cruciaux de l'accord, évoqués par ABB dans sa réponse et mentionnés au considérant 44 de la décision, se retrouvent dans les brèves notes manuscrites relatives à la réunion du 10 décembre 1991, prises par Løgstør (annexe 36 de lacommunication des griefs), qui font mention, notamment, de «Liste de prix minimaux pour les clients», de «Prix départ usine + 7 %», de «Réunion(s) mensuelle(s)» et de «Liste 13.1.92». Dès lors, sur la base de l'ensemble des éléments susmentionnés, la Commission a été en droit d'estimer que, au plus tard vers le 10 décembre 1991, un accord a été conclu, au moins, sur l'augmentation des prix bruts.

46.
    En ce qui concerne la participation de la requérante à cet accord, celle-ci est suffisamment établie par les déclarations concordantes de Løgstør, qui affirme que la réunion du 9 ou 10 octobre 1991 a été la première réunion à laquelle participaient également les «producteurs allemands» (observations de Løgstør sur la communication des griefs) et d'ABB, qui mentionne la présence de représentants de la requérante lors des réunions du 9 ou 10 octobre 1991 et du 10 décembre 1991 (réponse d'ABB). Eu égard au contenu des discussions du 9 ou 10 octobre 1991 et du 10 décembre 1991, il y a lieu d'estimer que la Commission a correctement déduit la participation de la requérante à l'accord sur l'augmentation des prix de sa représentation lors desdites réunions.

47.
    Il convient d'observer que cette conclusion n'est pas contredite par la télécopie figurant en annexe 34 de la communication des griefs, dans laquelle le directeur général d'ABB IC Møller annonçait au directeur de la filiale allemande ABB Isolrohr, le 26 août 1991, qu'il s'était accordé avec Løgstør et Tarco afin d'augmenter les prix de 6 % à partir du 1er janvier 1992. En effet, une déclaration d'août 1991, selon laquelle un accord sur les prix aurait été conclu entre ABB, Tarco et Løgstør, ne peut permettre d'exclure que, en octobre ou en décembre 1991, un accord équivalent a été conclu dans une enceinte plus large à laquelle la requérante appartenait. En tout état de cause, il est peu probable que, en août 1991, un tel accord ait effectivement été conclu entre les trois producteurs mentionnés, étant donné que, selon l'explication donnée par ABB, dans sa réponse, qui n'est pas contredite par la Commission, une fausse annonce d'un accord sur les prix a été communiquée à ABB Isolrohr pour lui faciliter l'imposition d'une augmentation des prix à ses agents allemands.

48.
    En quatrième lieu, il y a lieu d'observer que la Commission a dûment établi que la requérante a participé, au cours des années 1992 et 1993, à des échanges d'informations sur les parts de marché qui ont abouti, à la fin de 1993, à un accord sur la répartition du marché allemand.

49.
    D'abord, il ressort d'une note rédigée par Dansk Rørindustri lors d'une réunion en 1992 (annexe 37 de la communication des griefs) et de sa réponse du 23 mai 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996 que des informations ont été échangées sur les parts du marché existantes en 1992 et celles attendues pour l'année suivante des producteurs danois, de la requérante et de Henss/Isoplus. Quant à la réunion du 10 novembre 1992, lors de laquelle, selon les notes prises par Tarco lors de cette réunion (annexe 44 de la communication des griefs), des chiffres sur les parts de marché ont été échangés, la présence de la requérante estattestée par les lettres d'invitation à la réunion (annexes 42 et 43 de la communication des griefs) et confirmée par Tarco, dans sa réponse du 31 mai 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996. De même, il ressort de cette réponse de Tarco que des chiffres représentant les parts de marché des entreprises sur les divers marchés nationaux, y inclus les parts de marché de la requérante, figurant en annexe 49 de la communication des griefs, ont été échangés le 19 avril 1993, donc la veille de la réunion du 20 avril 1993, à laquelle la présence de la requérante n'est pas contestée.

50.
    Puis, en ce qui concerne la répartition du marché allemand, il convient d'observer qu'ABB a reconnu que, à la suite d'un audit établissant les recettes de chaque producteur en 1992, les producteurs sont parvenus, le 18 août 1993, à un accord sur la répartition du marché allemand conformément aux parts obtenues en 1992, sur la préparation d'un nouveau barème uniforme et sur l'élaboration ultérieure d'un système de sanctions (réponse d'ABB). D'après ABB, une négociation sur l'attribution des parts de marché s'est poursuivie lors des réunions tenues, le 8 ou le 9 septembre 1993, à Copenhague et, par la suite, à Francfort (réponse d'ABB).

51.
    Or, force est de constater que, en ce qui concerne l'audit établissant les recettes de 1992, l'exposé d'ABB correspond aux conclusions qui doivent être tirées d'une note d'ABB IC Møller du 19 août 1993 (annexe 53 de la communications des griefs), présentant un tableau qui mentionne, pour les producteurs danois ainsi que pour la requérante et Henss/Isoplus, le chiffre d'affaires et la part de marché pour 1992 ainsi que, sous le titre «Objectif 1994», un chiffre représentant la part de marché. Selon ABB, les données sur les chiffres d'affaires et les parts de marché des entreprises concernées auraient été fournies par un cabinet d'audit suisse (réponse d'ABB). Or, l'existence d'un audit des ventes effectué par un cabinet d'audit suisse est confirmée par Løgstør dans ses observations sur la communication des griefs. En effet, bien que cette dernière prétende avoir seulement demandé un audit des ventes de son distributeur en Allemagne afin de fournir des données fiables concernant la taille totale du marché allemand, il est difficilement envisageable qu'une entreprise collabore avec une société d'audit à laquelle elle procure ses chiffres de ventes dans le seul but de pouvoir, ensuite, déterminer sa propre part de marché par rapport au marché global, alors que les autres entreprises ayant accepté le même audit entendent que leur soient communiquées l'ensemble des informations relatives aux parts de marché.

52.
    Quant à la conclusion d'un accord de principe sur la répartition du marché allemand, la thèse d'ABB, figurant dans sa réponse, selon laquelle les entreprises s'étaient accordées, en août 1993, sur le partage du marché allemand, même si les parts de marché exactes de chaque participant faisaient encore l'objet d'une négociation qui se poursuivait d'une réunion à l'autre, est confirmée non seulement par les indications des parts de marché pour 1994 dans la note d'ABB IC Møller susvisée, mais également par une note du 18 août 1993 provenant de la requérante (annexe 52 de la communication des griefs) et par une proposition avancée, àl'époque, par ABB, figurant à l'annexe 7 des observations de Løgstør sur la communication des griefs (ci-après la «proposition d'ABB»), qui démontrent, dans leur ensemble, que, en août et en septembre 1993, une négociation se poursuivait sur une attribution des parts de marché en Allemagne.

53.
    D'une part, l'existence d'une telle négociation est confirmée par la note du 18 août 1993 susvisée, établie par la requérante pour sa société mère et relative à une visite effectuée chez Løgstør, le 3 août 1993, dont il ressort que la requérante a été informée de ce que Løgstør était «en principe intéressée par des accords sur les prix mais uniquement si [sa] part de marché [...] [était] adéquate» et du fait que «L[øgstør] s'efforç[ait], en accord avec ABB, de mettre Tarco sous contrôle au Danemark et en Allemagne».

54.
    D'autre part, il est confirmé par la proposition d'ABB que, en ce qui concerne la répartition du marché, il ne restait à discuter, en septembre 1993, que du montant des quotas individuels. À cet égard, il convient d'observer que la proposition d'ABB, portant sur un système de partage du marché allemand basé sur l'audit concernant les recettes, sur des paiements à effectuer en cas de dépassement des quotas attribués et sur un barème de prix commun, a été reçue par Løgstør, selon les observations de cette dernière sur la communication des griefs, en septembre 1993 et était soutenue par la requérante et Henss/Isoplus. En ce qui concerne les parts de marché, il y a lieu d'observer que les pourcentages cités dans cette proposition correspondent aux chiffres figurant dans la note d'ABB IC Møller, susvisée («26» pour la requérante, «25» pour ABB Isolrohr, «12» pour Løgstør, «4» pour Dansk Rørindustri), sauf pour Tarco et Henss/Isoplus, auxquelles sont attribués, dans ce document, respectivement, «17» et «16», tandis que la proposition d'ABB mentionne «17,7 %» et «15,3 %». Or, en ce qui concerne l'augmentation de la part de Tarco, il convient de noter qu'il est déclaré par ABB, dans sa réponse, que les chiffres pour 1994 figurant dans la note d'ABB IC Møller «reflètent l'accord conclu lors de la réunion du 18 août [1993] en vertu duquel ces parts de marché seraient maintenues pour 1994, avec de légers ajustements à la suite des discussions lors de cette réunion» et que, lors de la réunion du 8 ou 9 septembre 1993, «l'objet de la réunion semble avoir été la poursuite de la négociation des allocations de parts de marché à la suite du rapport du [cabinet d'audit suisse]: Tarco a apparemment insisté pour se voir attribuer 18 % du marché allemand». Eu égard à la concordance entre les déclarations d'ABB, d'une part, et l'augmentation de la part de Tarco proposée par ABB, la requérante et Henss/Isoplus en septembre 1993 par rapport à la part mentionnée en août 1993 dans la note d'ABB IC Møller, d'autre part, il y a lieu de conclure que, au terme des réunions tenues aux mois d'août et de septembre 1993, il existait un accord visant à se répartir le marché allemand, même si la discussion sur les quotas se poursuivait encore.

55.
    En effet, la succession de réunions lors desquelles les entreprises se sont rencontrées pour discuter de la répartition des parts de marché n'aurait pas été possible s'il n'y avait pas eu, à l'époque, une volonté commune, parmi lesparticipants à ces réunions, de restreindre les ventes sur le marché allemand par la voie d'une attribution de parts de marché à chaque opérateur.

56.
    Dans ces circonstances, la Commission a correctement déduit de la continuation de réunions sur l'attribution des parts de marché, en août et en septembre 1993, l'existence d'un accord entre les participants à ces réunions portant, au moins, sur le principe d'une répartition du marché allemand.

57.
    Eu égard à la présence non contestée de la requérante aux réunions du 18 ou 19 août 1993 et du 8 ou 9 septembre 1993 et au fait que les négociations sur la répartition du marché allemand comprenaient une part de marché pour celle-ci, comme il ressort de l'annexe 53 de la communication des griefs, il doit être considéré comme établi que la requérante a participé aux négociations qui ont abouti, vers septembre 1993, à un consensus sur le principe de la répartition du marché allemand.

58.
    Par conséquent, il y a lieu de conclure que, en ce qui concerne la période avant octobre 1993, la Commission a conclu à bon droit que la participation de la requérante a commencé, dans un premier temps en association avec ABB, à compter plus ou moins de décembre 1990, puis à partir d'octobre 1991.

- Sur la suspension de l'entente à partir d'octobre 1993

59.
    En ce qui concerne la période suivant la déliquescence de l'accord sur la répartition du marché allemand, en septembre et octobre 1993, il convient de préciser que la Commission elle-même a reconnu, dans la décision, que, pendant une certaine période, les activités anticoncurrentielles sur le marché n'ont pas été significatives et n'ont pas pu, en tout état de cause, être démontrées.

60.
    En effet, la Commission a affirmé, au considérant 52 de sa décision, qu'il y a eu, à cette époque, en quelques mois, une baisse des prix de 20 % sur les principaux marchés nationaux. La Commission a observé que les producteurs ont, toutefois, continué à se réunir, même si, pendant un certain temps, les réunions multilatérales ont été remplacées par des contacts bi- et trilatéraux. Selon la Commission, il semble très probable qu'ABB ait, lors de ces contacts, cherché à négocier un nouvel arrangement, afin de ramener l'«ordre» sur ces marchés (considérant 52, cinquième alinéa, de la décision). Selon la décision, une série de réunions bilatérales a eu lieu à cette époque, dont notamment une réunion entre la requérante et Tarco, le 22 février 1994, au sujet desquelles aucun détail ne serait disponible (considérant 52, septième alinéa, de la décision).

61.
    Ensuite, la Commission a relevé, au considérant 53 de sa décision, que les réunions entre les six producteurs ont repris les 7 mars, 15 avril et 3 mai 1994. Au cours des réunions de mars et d'avril, les discussions auraient notamment porté sur des augmentations de prix, mais elles ne semblent pas avoir abouti. Néanmoins, aprèsla réunion du 3 mai 1994, à laquelle ont participé la requérante, ABB, Henss/Isoplus et Løgstør, un barème de prix aurait été établi qui devait servir de base pour l'ensemble des livraisons sur le marché allemand (considérant 54, premier alinéa, de la décision). Selon la Commission, il est probable que, lors d'une réunion entre les six plus grandes entreprises et Brugg, le 18 août 1994, il a été convenu d'élaborer un nouveau barème commun et de limiter les rabais à un certain niveau (considérant 56, troisième alinéa, de la décision).

62.
    Il en résulte que, en ce qui concerne la période débutant après septembre et octobre 1993, la Commission a reconnu que, même si les contacts entre les entreprises se sont poursuivis, il n'y a pas de preuve d'un accord ou d'une pratique concertée au sens de l'article 85 du traité jusqu'à la négociation sur une augmentation des prix pour le marché allemand. Quant à cette dernière négociation, il est reconnu, dans la décision, qu'elle n'a abouti à un accord qu'à la suite de la réunion du 3 mai 1994.

63.
    De même, la Commission a considéré, dans la partie de la décision relative à l'appréciation juridique des faits, qu'il y a eu une «suspension» des arrangements de l'entente. D'abord, lors de l'appréciation de la nature de l'infraction en l'espèce, la Commission a reconnu que, même s'il y avait une continuité entre les ententes danoise et européenne, de sorte qu'il s'agissait d'une infraction unique et continue, les arrangements ont été suspendus pendant une courte période (considérant 145, troisième alinéa, de la décision). Plus précisément, la Commission a mentionné, à cet égard, au considérant 141, troisième alinéa, de la décision que, en ce qui concerne la période allant de septembre 1993 à mars 1994, «[t]oute interruption pouvait être considérée comme une suspension des arrangements et relations habituels: les producteurs n'ont pas tardé à reconnaître qu'une lutte de pouvoir prolongée était contraire à leur intérêts et à retourner à la table des négociations». Également lors de l'appréciation de la durée de l'infraction, la Commission a constaté que «[p]endant les six mois qui se sont écoulés entre octobre 1993 et mars 1994, on peut considérer que les arrangements ont été suspendus, même si (au dire d'ABB) les réunions bilatérales et trilatérales se sont poursuivies» et que «[d]ès le mois de mai 1994, la collusion était rétablie en Allemagne avec l'application du barème pour toute l'Europe» (considérant 152, premier alinéa, de la décision).

64.
    Par ailleurs, la prise en compte par la Commission d'une telle suspension est confirmée lors de l'appréciation de la durée de l'infraction reprochée à la requérante dans le cadre du calcul du montant de l'amende. En effet, il s'avère que la requérante s'est vu majorer le point de départ de son amende, en fonction de la durée de l'infraction, pour avoir participé de décembre 1990 jusqu'à mars ou avril 1996, de x 1,33, tandis qu'une majoration de x 1,4 est applicable pour ABB, Løgstør, Tarco et Dansk Rørindustri, en raison de leur participation à l'entente dès novembre ou décembre 1990 jusqu'à la même date. Même si la décision ne donne aucune explication spécifique sur ce point en ce qui concerne l'amende infligée à la requérante, il ressort des considérants 170, 175 et 178 de la décision, lus ensemble, que, si la période de la suspension n'avait pas été prise en compte, unemajoration supérieure aurait été imposée tant à la requérante qu'à Løgstør, Tarco et Dansk Rørindustri. En effet, il ressort des considérants 175 et 178 de la décision que la durée retenue pour toutes ces entreprises a été déterminée par rapport à celle retenue pour ABB. Or, en ce qui concerne la durée retenue pour ABB, il est précisé, au considérant 170 de la décision, que la suspension des arrangements entre la fin de 1993 et le début de 1994 fait partie des facteurs dont la Commission a tenu compte pour fixer la majoration en fonction de la durée.

65.
    Dès lors, il y a lieu de constater que la Commission, dans sa décision, n'a pas reproché à la requérante d'avoir participé à une activité anticoncurrentielle pour la période allant d'octobre 1993 jusqu'à mars 1994.

- Sur la participation de la requérante à partir de mai 1994

66.
    En ce qui concerne la reprise de l'activité de l'entente, il convient d'observer que c'est à juste titre que la Commission a constaté que la requérante a participé à un accord sur un barème de prix pour le marché allemand, à la suite de la réunion tenue le 3 mai 1994, et, ensuite, dès l'automne 1994, à un accord sur un régime de quotas pour le marché européen.

67.
    En effet, il y a lieu de noter que la requérante ne conteste pas le fait d'avoir été représentée lors de la réunion du 3 mai 1994. À cet égard, la déclaration d'ABB, selon laquelle il existait un barème de prix qui, à la suite de cette réunion, devait être utilisé pour toutes les livraisons aux fournisseurs allemands (réponse d'ABB), est confirmée par la lettre du 10 juin 1994 par laquelle M. Henss et les directeurs de la requérante, d'ABB, de Dansk Rørindustri, de Løgstør et de Tarco ont été invités par le coordinateur de l'entente à une réunion devant se tenir le 18 août 1994 (annexe 56 de la communication des griefs) et qui énonce:

«La réunion sur la situation du marché en RFA est maintenant fixée à la date suivante:

Jeudi 18 août 1994 à 11 heures

[...]

Étant donné que la liste du 9 mai 1994 est incomplète en ce qui concerne certains postes et que, de ce fait, les comparaisons d'offres ont entraîné des confrontations et des différences d'interprétation importantes, je me permets de compléter les postes manquants par la liste ci-jointe.»

68.
    Or, il ressort de cette lettre qu'il existait une liste de prix devant être appliqués lors des soumissions d'offres et dont la mise en oeuvre avait déjà débuté, quoique de manière problématique. L'existence d'une telle liste est confirmée par Tarco, dans sa réponse du 31 mai 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996, quimentionne une liste de prix communiquée par le coordinateur de l'entente aux directeurs «probablement en mai 1994». Selon la réponse d'ABB, des mesures visant à «améliorer» le niveau de prix en Allemagne ont été discutées, ensuite, lors de la réunion du 18 août 1994, à laquelle la requérante ne conteste pas avoir été représentée. Or, dans ces circonstances, la Commission a pu déduire la participation de la requérante au barème de prix du fait d'avoir été représentée lors des réunions des 3 mai et 18 août 1994.

69.
    Enfin, en ce qui concerne la répartition globale du marché européen, il y a lieu de rappeler que la Commission a affirmé, au considérant 59 de la décision, que, lors de la réunion du 30 septembre 1994, un accord de principe concernant l'instauration d'un régime de quotas globaux pour le marché européen a été conclu, des chiffres précis devant être fixés pour chaque marché national et leur mise en oeuvre confiée, à un échelon inférieur, à des groupes de contact (considérant 59, quatrième alinéa, de la décision).

70.
    Il doit être observé, à cet égard, que la requérante reconnaît avoir participé à une réunion le 12 octobre 1994 lors de laquelle, d'une part, ABB a proposé de répartir le marché européen et, d'autre part, les participants étaient d'accord sur le fait que des mesures devaient être prises contre la concurrence sur les prix, sans que les participants se soient mis d'accord, et qu'elle reconnaît également que, lors d'une réunion le 16 novembre 1994, un accord de base sur la répartition du marché européen a été conclu (réponse de la requérante du 17 juin 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996). Or, à la lumière du fait que la réunion du 12 octobre 1994 n'était pas la première réunion sur la répartition du marché européen, comme le prétend la requérante, la discussion sur la répartition du marché européen qui s'y est tenue doit être considérée comme ayant confirmé l'accord de principe convenu entre les participants à la réunion du 30 septembre 1994, d'autant plus que la date retenue par la requérante en ce qui concerne la conclusion d'un accord, à savoir le 16 novembre 1994, correspond à la date à laquelle, d'après la déclaration d'ABB, l'accord de principe a été consolidé par un accord sur la fixation des parts individuelles (réponse d'ABB) et que la requérante attribue le défaut d'«accord» lors de la réunion du 12 octobre 1994 au seul fait que les parts de marché réclamées par les participants n'aient pas été réalisables (réponse de la requérante du 17 juin 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996). Dans ces circonstances, la participation de la requérante à un accord de principe sur la répartition du marché européen doit être considérée comme établie dès la participation de celle-ci, sans distanciation ultérieure, à la réunion du 12 octobre 1994.

71.
    Étant donné que la requérante reconnaît avoir participé à l'entente de décembre 1994 à mars 1996, il convient d'estimer que la Commission a établi à suffisance de droit, en ce qui concerne la période postérieure à octobre 1993, que la participation de la requérante s'est étendue jusqu'en mars ou avril 1996 au moins, en retranchant la période d'octobre 1993 à mars 1994 environ, pendant laquelle les arrangements ont été suspendus.

72.
    Il convient d'observer, à cet égard, que le fait que la reprise de la participation de la requérante à l'entente doit être située en mai 1994 alors que la décision n'a tenu compte d'une suspension que jusqu'à «mars 1994 environ» n'est pas de nature à invalider l'appréciation de la durée de l'infraction par la Commission, étant donné qu'il ressort du considérant 170 de la décision que, en tout état de cause, la suspension de l'entente pendant un certain nombre de mois n'a été qu'un facteur parmi d'autres pour déterminer les conséquences de la durée de l'infraction à retenir lors du calcul du montant de l'amende, de sorte que lesdites conséquences n'ont pas dépendu du nombre précis de mois pendant lesquels les arrangements de l'entente ont été suspendus.

73.
    À la lumière des constatations précédentes, les affirmations de la requérante selon lesquelles elle n'aurait, à cette époque, exercé aucune activité sur le marché danois ni pris part aux réunions concernant l'entente danoise sont dénuées de pertinence étant donné que la décision attaquée lui reproche uniquement, pour la période antérieure à fin de 1994, d'avoir adhéré à l'entente existante en ce qui concerne le marché allemand. Dans ce contexte, il n'est pas pertinent de savoir si la tentative de la requérante de pénétrer sur le marché danois aurait été motivée ou non par une volonté d'acquérir plus de poids dans les négociations ayant pour objet une augmentation des prix sur le marché allemand.

74.
    Il n'est pas non plus pertinent d'avancer qu'aucun accord sur les prix n'a été suivi d'une augmentation effective des prix. En effet, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a eu pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496, Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 99, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C-199/92 P, Rec. p. I-4287, point 178; arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49, point 87). D'ailleurs, le fait qu'une entreprise participant avec d'autres à des réunions au cours desquelles sont prises des décisions en matière de prix ne respecte pas les prix convenus n'est pas de nature à infirmer l'objet anticoncurrentiel de ces réunions et, dès lors, la participation de l'entreprise intéressée aux ententes, mais tendrait tout au plus à démontrer qu'elle n'a pas mis en oeuvre les accords en question (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec. p.II-1063, point 79).

75.
    Enfin, il n'est pas pertinent non plus de souligner que d'autres entreprises ayant participé à l'infraction ont déclaré qu'il n'y avait pas, avant la fin de 1994, d'entente en dehors du marché danois, étant donné que l'existence d'une telle entente et la participation de la requérante à celle-ci s'appuie sur l'ensemble des preuves mentionnées ci-dessus, et notamment sur plusieurs documents trouvés chez les entreprises concernées et sur les témoignages de certaines d'entre elles.

76.
    Pour toutes ces raisons, il convient de rejeter le grief tiré d'une appréciation erronée de la durée de l'infraction reprochée à la requérante.

B - Sur l'appréciation juridique de l'infraction pour la période antérieure à la fin de 1994

1. Arguments des parties

77.
    La requérante soutient que, pour la période antérieure à la fin de l'année 1994, la Commission n'a prouvé ni l'existence d'une entente durable reposant sur un plan commun ni celle d'un comportement parallèle reposant sur une pratique concertée. Au cours des rencontres dont la requérante admet l'existence, seules des tentatives de rapprochement auraient eu lieu.

78.
    La requérante conteste l'affirmation, exprimée au considérant 132 de la décision, selon laquelle il n'était pas nécessaire de qualifier les faits en fonction des deux catégories visées à l'article 85, paragraphe 1, du traité, c'est-à-dire de distinguer les accords des pratiques concertées. De même, la Commission serait partie d'un point de vue erroné en soutenant, au considérant 134 de la décision, qu'«il n'est pas nécessaire, pour établir la matérialité d'un accord, que chaque participant présumé ait pris part à tous les aspects et à toutes les manifestations de l'entente, y ait consenti de manière expresse ou même ait eu connaissance de leur existence, pendant toute la durée de son adhésion au système commun».

79.
    En effet, eu égard aux constatations faites dans la décision à l'égard de la requérante, à savoir que, au départ, les manoeuvres pour étendre la coopération danoise étaient restées relativement isolées et que la durée de la participation de la requérante était moindre que celles des principaux participants à l'entente, la Commission n'aurait pu renoncer au classement de l'infraction en fonction des deux éléments constitutifs visés à l'article 85 du traité. À cet égard, la jurisprudence exigerait tant l'existence d'une entente durable sur la base d'un plan commun que la preuve que l'entreprise concernée a pris part, au moins, aux aspects essentiels de cette entente et qu'elle a contribué au plan commun. Si la Commission avait apprécié séparément les critères de fond de l'article 85, elle aurait constaté que les éléments constitutifs n'étaient pas réunis en ce qui concerne la période antérieure à la fin de 1994.

80.
    En premier lieu, il n'y aurait pas eu d'accord au sens de l'article 85 du traité, étant donné qu'il n'y avait ni plan commun ni arrangement en vertu duquel les parties s'engageaient à agir ou à s'abstenir d'agir. Même si on estimait que, pour qu'il y ait un accord, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée, il faudraitreconnaître que, en l'espèce, il n'y a pas eu de volonté commune ni de plan commun, ainsi que le démontrerait notamment la guerre des prix ayant sévi entre 1991 et 1994.

81.
    En second lieu, il n'y aurait pas eu de pratique concertée au sens de l'article 85 du traité, exigeant notamment un lien de causalité entre un parallélisme de comportements et une concertation. Or, dans le cas d'espèce, il manquerait déjà un parallélisme entre les comportements des entreprises sur le marché, eu égard à la forte concurrence par les prix qui a eu lieu jusqu'à fin de 1994.

82.
    La défenderesse rétorque qu'il y avait, au cours de la période contestée, plusieurs comportements qui suffisent déjà en soi pour constituer des accords. Premièrement, il y aurait lieu d'y inclure l'«alliance stratégique» entre la requérante et ABB, qui comprenait un accord sur les conditions de base d'une répartition du marché allemand, de la formation d'une structure destinée à la mise en oeuvre de la répartition et d'une politique de prix de la requérante permettant d'appliquer une augmentation de prix en Allemagne décidée peu avant par les producteurs danois. Deuxièmement, il y aurait lieu d'y inclure les accords sur l'augmentation de prix décidée en octobre et en décembre 1991, le régime des quotas adopté en août et en septembre 1993 et le barème de prix adopté en mai et en août 1994. Troisièmement, en ce qui concerne la répartition du marché européen, la qualification d'accord ne semblerait pas être contestée par la requérante, qui ne conteste que la date de référence.

83.
    Enfin, il s'agirait en tout état de cause de pratiques concertées en ce qui concerne l'échange d'informations relatives au marché pendant la période allant d'octobre 1991 à août 1993, étant donné que les participants ne pouvaient pas, au moment de déterminer leur comportement sur le marché, ne pas en tenir compte. En plus, la notion de pratique concertée ne supposerait pas que la concertation ait abouti à un parallélisme de comportements.

84.
    Selon la défenderesse, il existait depuis la fin de 1990 une infraction unique, commise conformément à un plan commun et continu. Quant à la réflexion visée dans le considérant 134 de la décision, celle-ci concernerait uniquement le caractère unitaire de l'entente et non pas le degré de participation des entreprises considérées individuellement.

2. Appréciation du Tribunal

85.
    Les arguments avancés par la requérante doivent être compris en ce sens qu'elle conteste le fait que son comportement antérieur à la fin de 1994 puisse être apprécié comme constituant une participation à des accords ou à des pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, d'une part, et comme une participation à une infraction unique et continue, d'autre part.

- Sur la participation à des accords ou à des pratiques concertées avant la fin de 1994

86.
    Il est de jurisprudence constante que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 112, et du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 86; arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T-1/89, Rec. p. II-867, point 120).

87.
    Dans ce cadre, il convient d'observer que la Commission a retenu, au considérant 135 de la décision, que, à la fin de 1990, il existait entre les quatre producteurs danois un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui portait notamment sur des augmentations de prix concertées sur les marchés à l'exportation, que la coopération entre les producteurs danois s'est également étendue à d'autres marchés, quoique sous une forme plus fragmentaire et inachevée, et que, «[à] cause du système de verrouillage des marchés mis en place avec ABB, Pan-Isovit a aussi été amenée à participer à l'entente dès le départ, même si cette alliance n'a duré que quelques mois».

88.
    À cet égard, il y a lieu de renvoyer aux points 39 à 41 ci-dessus, où il a été constaté que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a, en approuvant les augmentations de prix annoncées par ABB, adhéré, bien que de façon partielle et temporaire, à l'accord sur les prix à l'exportation convenu entre les producteurs danois.

89.
    Ensuite, en ce qui concerne la participation ultérieure de la requérante à des accords, il faut rappeler que la Commission a estimé, au considérant 137 de la décision, que, en ce qui concerne les arrangements en dehors du marché danois, avant l'année 1994, un accord exprès a été conclu, au moins, sur l'augmentation des prix en Allemagne à compter du 1er janvier 1992, sur la fixation des prix et le partage des projets en Italie et sur le régime de quotas en termes de parts de marché en août 1993.

90.
    À cet égard, il convient de renvoyer aux points 44 à 57 ci-dessus, où il a été constaté que la Commission, sur la base de l'ensemble des preuves qu'elle a réunies, a pu estimer que la requérante était partie à l'accord conclu, au plus tard, le 10 décembre 1991 sur, au moins, l'augmentation des prix bruts, et à un accord sur la répartition du marché allemand convenu, au plus tard, en septembre 1993. En ce qui concerne le partage des projets en Italie, il faut remarquer que la Commission a correctement établi la participation de la requérante à des discussions sur la répartition du projet de Turin (voir point 43 ci-dessus). Or, dès lors que la requérante a participé, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel, sans s'être distanciée publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autresparticipants qu'elle souscrivait au résultat des réunions et qu'elle s'y conformerait, il peut être considéré comme établi qu'elle a participé à l'entente résultant desdites réunions (voir la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus).

91.
    De plus, il y a lieu d'observer, ainsi que cela a été fait aux points 66 à 68 ci-dessus, qu'il ressort des preuves réunies par la Commission que la requérante a participé à un accord sur un barème de prix, adopté lors des réunions tenues en mai et en août 1994.

92.
    Dès lors, la Commission a établi à suffisance de droit la participation de la requérante, avant la fin de 1994, aux accords susmentionnés sur les prix et sur la répartition du marché. Il n'est pas pertinent, à cet égard, d'avancer qu'il y a eu, sur le marché, à cette époque, une baisse des prix, étant donné que la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a eu pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (voir la jurisprudence citée au point 74 ci-dessus).

93.
    Ensuite, en ce qui concerne l'existence de pratiques concertées, avant la fin de 1994, il faut observer que, selon une jurisprudence constante, la notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26, et Hüls/Commission, précité, points 158).

94.
    Il résulte de cette jurisprudence que les critères de coordination et de coopération doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 173 et 174, Hüls/Commission, précité, points 159 et 160, et Rhône-Poulenc/Commission, précité, point 121).

95.
    De plus, il résulte des termes mêmes de l'article 85, paragraphe 1, du traité qu'une pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (voir arrêts Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 118, et Hüls/Commission, précité, point 161).

96.
    Dans ce contexte, il convient d'apprécier les observations de la Commission, au considérant 138, deuxième alinéa, de la décision, selon laquelle «même si la notion d''accord' n'englobe pas les étapes du processus de négociation qui a conduit à la conclusion d'un accord général, le comportement en cause tombe encore sous le coup de l'interdiction posée par l'article 85 en tant que pratique concertée». Il y a lieu d'observer que, à ce sujet, la Commission désigne la structure des réunions régulières comme «un lieu d'échange d'informations commerciales normalement considérées comme sensibles [...] [qui] a dû impliquer un certain degré d'entente et de réciprocité et une certaine forme d'accord conditionnel ou partiel quant au comportement à adopter» et souligne que «les participants ne pouvaient pas, de toute façon, ne tenir aucun compte, que ce fût directement ou indirectement, des informations obtenues au cours de ces réunions périodiques».

97.
    À cet égard, il convient de constater que, pour la période antérieure à octobre 1994, plusieurs documents attestent que, en 1992 et 1993, la requérante a participé, à diverses reprises, à un échange d'informations sur les parts de marché. Cela est le cas, ainsi que cela a été constaté, aux points 49 et 51 ci-dessus, pour les documents en annexes 37, 44, 49 et 53 de la communication des griefs.

98.
    Or, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 121, et Hüls/Commission, précité, point 162). Il en est d'autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période, comme c'était le cas en l'espèce (voir arrêts Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 121, et Hüls/Commission, précité, point 162).

99.
    De plus, il ressort de la jurisprudence qu'une pratique concertée relève de l'article 85, paragraphe 1, du traité, même en l'absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché. D'abord, il découle du texte même de ladite disposition que, comme dans le cas des accords entre entreprises et des décisions d'associations d'entreprises, les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu'elles ont un objet anticoncurrentiel. Ensuite, si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n'implique pas nécessairement que ce comportement produise l'effet concret de restreindre, d'empêcher ou de fausser la concurrence (voir arrêts Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 122 à 124, et Hüls/Commission, précité, points 163 à 165).

100.
    Il en résulte que la requérante ne saurait soutenir qu'il y aurait seulement eu, avant la fin de 1994, des tentatives de rapprochement et que la Commission n'aurait prouvé ni l'existence d'une entente durable reposant sur un plan commun ni celle d'un comportement parallèle reposant sur une pratique concertée.

101.
    Dès lors, les arguments de la requérante doivent être rejetés pour autant que celle-ci reproche à la Commission d'avoir erré en droit en considérant le comportement de la requérante avant la fin de 1994 comme une participation à des accords ou à des pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

- Sur la participation de la requérante à une infraction unique et continue

102.
    La requérante reproche à la Commission d'avoir erré en droit en estimant, dans les considérants 132 et 134 de la décision, qu'elle a participé à une infraction unique et continue.

103.
    À cet égard, il y a lieu de préciser que les passages visés font partie des considérations exposées, dans la décision, sous le titre «Accords et pratiques concertées», dans lesquelles la Commission a, d'abord, exposé son interprétation des notions d'accord et de pratiques concertées (considérants 129 et 130 de la décision) et, ensuite, expliqué les raisons pour lesquelles elle s'estimait en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique et continue, sans qu'il soit besoin de qualifier l'infraction en la faisant entrer dans une seule des deux catégories d'accord ou de pratique concertée (considérants 131 à 133 de la décision). Par la suite, la Commission a observé, au considérant 134 de la décision, qu'il se peut qu'il n'ait pas existé un consensus sur tous les éléments de l'entente, que les aspects de l'entente ne soient pas tous réglés dans le cadre d'un accord formel et que les participants soient impliqués dans l'entente à différents degrés, mais qu'aucun de ces éléments n'empêche un tel arrangement de constituer un accord ou une pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité lorsque les parties s'entendent en vue d'un objectif unique, commun et permanent. Après le passage visé du considérant 134 de la décision, il est encore noté que de nouveaux membres peuvent se rallier à l'entente et d'anciens membres la quitter, le cas échéant, sans que l'entente doive être considérée, à chaque modification de sa composition, comme un nouvel accord.

104.
    Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d'une infraction complexe, qui a impliqué plusieurs producteurs pendant plusieurs années poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, il ne saurait être exigé de la Commission qu'elle qualifie précisément l'infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné, d'accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l'une et l'autre de ces formes d'infraction sont visées à l'article 85 du traité. La Commission est ainsi en droit de qualifier une telle infraction unique comme étant «un accord et une pratique concertée» ou, encore, d'accord «et/ou»de pratique concertée, dans la mesure où cette infraction comporte des éléments devant être qualifiés d'«accord» et des éléments devant être qualifiés de «pratique concertée» (arrêt Hercules Chemicals/Commission, précité, point 264). En effet, il serait artificiel de subdiviser un comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes (arrêt Hercules Chemicals/Commission, précité, point 263).

105.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission était en droit d'affirmer que, dans un tel cas, il n'est pas nécessaire de qualifier l'infraction en la faisant entrer dans une seule des deux catégories, à savoir les accords et les pratiques concertées.

106.
    En effet, la comparaison entre les notions d'accord et de pratique concertée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, fait apparaître que, du point de vue subjectif, elles appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent. Il s'ensuit que, si ces notions comportent des éléments constitutifs partiellement différents, elles ne sont pas réciproquement incompatibles. Partant, la Commission n'est pas tenue de qualifier chacun des comportements constatés d'accord ou de pratique concertée, mais peut qualifier certains de ces comportements, à titre principal, d'accords et d'autres, à titre subsidiaire, de pratiques concertées (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 131 et 132).

107.
    Une telle interprétation n'aboutit pas à des conséquences inacceptables en matière de preuve. D'une part, la Commission reste tenue d'établir que chaque comportement constaté relève de l'interdiction édictée à l'article 85, paragraphe 1, du traité au titre d'accord, de pratique concertée ou de décision d'association d'entreprises. D'autre part, les entreprises auxquelles il est fait grief d'avoir participé à l'infraction ont la possibilité de contester, pour chacun de ces comportements, la qualification ou les qualifications retenues par la Commission en faisant valoir que celle-ci n'a pas apporté la preuve des éléments constitutifs des différentes formes d'infractions alléguées (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 134 à 136).

108.
    Ensuite, en ce qui concerne l'affirmation de la Commission, au considérant 134 de la décision, selon laquelle il n'était pas nécessaire, pour établir la matérialité d'un accord, que chaque participant présumé ait pris part à tous les aspects et à toutes les manifestations de l'entente, y ait consenti de manière expresse ou même ait eu connaissance de leur existence, pendant toute la durée de son adhésion au système commun, il ressort du contexte de ce passage, décrit ci-dessus, que ce dernier ne peut être lu autrement que dans le cadre d'une clarification des conditions sous lesquelles une entente peut être considérée, d'après la Commission, comme une infraction unique et continue, sans concerner, toutefois, la question de l'imputation de la responsabilité pour une telle infraction aux entreprises ayant participé à celle-ci.

109.
    Cette interprétation de la décision est confirmée, par ailleurs, au considérant 148 de la décision, où il est mentionné expressément que «[l]a Commission ne prétend nullement que chacun des destinataires de la présente décision ait participé à tous les volets des arrangements anticoncurrentiels décrits ni qu'il l'ait fait pendant toute la durée de l'infraction» et que «[l]e rôle de chaque participant et son degré d'implication sont exposés en détail dans la présente décision» [considérant 148, deuxième alinéa, sous b), de la décision].

110.
    Enfin, pour autant que la requérante soutient que la Commission n'a pas prouvé l'existence d'une entente continue, il suffit de renvoyer à l'ensemble des constatations évoquées ci-dessus, selon lesquelles la Commission a correctement apprécié la durée de la participation de la requérante, eu égard, notamment, à la prise en compte de la période pendant laquelle les activités de l'entente ont été suspendues.

111.
    Il s'ensuit que la Commission n'a pas erré en droit dans sa qualification de l'entente en cause d'infraction unique et continue.

112.
    Dès lors, il convient de rejeter le grief tiré d'erreurs dans l'appréciation juridique de l'infraction pour la période antérieure à la fin de 1994.

C - Sur la participation aux actions concertées contre Powerpipe

1. Arguments des parties

113.
    La requérante soutient que la Commission devait tenir compte du fait qu'elle-même n'a pris part à aucune action contre Powerpipe. Cette dernière n'aurait d'ailleurs pas prétendu, dans sa plainte, que la requérante eût participé à une des mesures dirigées contre elle ni les eût encouragées ou soutenues d'une quelconque manière. Les autres participants à l'entente n'auraient pas non plus évoqué la requérante en ce qui concerne les mesures de boycottage de Powerpipe.

114.
    Dans sa décision, la Commission n'aurait pas mentionné la requérante en ce qui concerne les mesures prises contre Powerpipe lors de la période allant de 1992 jusqu'au milieu de 1995. Toutefois, la Commission lui aurait attribué à tort le comportement d'autres entreprises en ce qui concerne les mesures prises sur la base d'un projet soi-disant conçu lors de la réunion du 24 mars 1995. En effet, la simple présence de la requérante à cette réunion ne prouverait pas qu'elle ait participé à des mesures adoptées par d'autres entreprises, ni qu'elle les ait encouragées ou approuvées d'une quelconque manière. La Commission n'aurait apporté aucune preuve de ce que la requérante aurait approuvé les mesures prétendument adoptées lors de cette réunion. Néanmoins, la Commission déduirait de cette «approbation non existante» que la requérante aurait également endossé la responsabilité des actions prises pour leur mise en oeuvre.

115.
    En ce qui concerne la prétendue mise en oeuvre des mesures contre Powerpipe qui auraient été adoptées le 24 mars 1995, la Commission se fonderait sur les documents complémentaires à la communications des griefs nos 8 et 16 à 18, qui ne pourraient être pris en considération du fait qu'ils ont été invoqués après la communication des griefs et qui, de toute façon, ne prouveraient pas la participation de la requérante à de telles mesures.

116.
    D'une part, le refus de la requérante de livrer à l'entreprise Dillinger Stahlbau GmbH (ci-après «DSD»), évoqué dans le document complémentaire à la communication des griefs n° 8, ne constituerait en aucune façon une mesure prise à l'encontre de Powerpipe. Il s'agirait d'une demande d'offre de DSD pour des conduites destinées à la réalisation du projet de Leipzig-Lippendorf, que la requérante aurait dû refuser en raison du fait que les produits demandés n'étaient, partiellement, pas fabriqués par elle ou qu'ils n'étaient, en tout cas, pas disponibles dans les diamètres requis. La réponse de DSD du 1er octobre à une demande de renseignements du 16 septembre 1997 confirmerait que les commandes avaient été refusées oralement en raison du diamètre nominal trop grand des conduites.

117.
    D'autre part, les documents complémentaires à la communication des griefs nos 16 à 18, évoquant l'acquisition de Powerpipe, ne constitueraient pas non plus la preuve d'une participation à une action contre Powerpipe. En effet, on aurait envisagé à différents moments la possibilité de prendre des participations dans d'autres entreprises ou de les racheter, eu égard à la situation catastrophique du marché à l'époque. Ces réflexions n'auraient donc pas été le résultat d'un plan commun ou d'autres accords anticoncurrentiels et n'auraient pas visé exclusivement Powerpipe.

118.
    La défenderesse observe que c'était à juste titre que, dans la décision, elle a rendu la requérante responsable des actions de boycottage contre Powerpipe. Les décisions qui, incontestablement, ont été prises lors de la réunion du 24 mars 1995 devraient être imputées à la requérante, du fait qu'elle a pris part à ladite réunion et ne s'est pas distanciée expressément desdites décisions. En approuvant les décisions du 24 mars 1995, la requérante aurait naturellement endossé la responsabilité des actions prises pour leur exécution.

119.
    En effet, les notes manuscrites apposées sur le document complémentaire à la communication des griefs n° 8 démontreraient que la requérante n'a pas été seulement un observateur neutre dans l'exécution de la décision. De plus, les documents complémentaires à la communication des griefs nos 16 à 18 montreraient que, pratiquement au même moment, un éventuel rachat de Powerpipe par la requérante ainsi qu'une contribution d'ABB, de Tarco et de Henss à ce rachat étaient en discussion, ce qui ne pourrait s'expliquer que par l'intention d'éliminer Powerpipe en tant que concurrent.

2. Appréciation du Tribunal

120.
    Il convient de préciser, d'abord, que, en ce qui concerne les actions concertées contre Powerpipe, la Commission, dans la décision, ne reproche pas à la requérante d'avoir été impliquée, avant 1995, dans le plan stratégique visant à éliminer Powerpipe ni dans le recrutement de salariés clés de cette dernière, ni d'avoir été impliquée dans les menaces à l'encontre de cette dernière lors de la soumission pour le projet de Neubrandenburg.

121.
    Ensuite, il n'est pas contesté que la requérante a assisté à la réunion de Düsseldorf du 24 mars 1995 et que, lors de cette réunion, une discussion s'est tenue sur l'attribution du marché de Leipzig-Lippendorf à Powerpipe. La requérante ne conteste pas non plus qu'il y a eu un accord, au sein de l'entente, selon lequel le projet de Leipzig-Lippendorf était destiné au consortium constitué par elle-même, ABB et Henss/Isoplus.

122.
    Enfin, il ressort des notes prises par Tarco relatives à la réunion du 24 mars 1995 (annexe 143 de la communication des griefs) que le fait que Powerpipe a obtenu le projet de Leipzig-Lippendorf a donné lieu à la discussion d'une série de mesures. Selon ces notes:

«[Powerpipe] a apparemment décroché le [projet de] Leipzig-Lippendorf.

-    Aucun producteur ne devra fournir le moindre produit à L-L, IKR, Mannesmann-Seiffert, VEAG.

-    Toutes les demandes de renseignement relatives au projet doivent être communiquées à [X].

-    Aucun de nos sous-traitants ne devra travailler pour [Powerpipe]; dans le cas contraire, il sera mis fin à toute collaboration.

-    Nous essaierons d'empêcher [Powerpipe] de se fournir en plastiques par exemple, etc.

-    L'EuHP cherchera à déterminer si nous pouvons nous plaindre de l'attribution du contrat à une entreprise non qualifiée.»

123.
    Le caractère anticoncurrentiel des mesures discutées lors de cette réunion est encore confirmé par la déclaration de Løgstør, dans ses observations sur la communication des griefs, selon laquelle Henss a insisté sur la question des «actions collectives» contre Powerpipe.

124.
    Il convient de rappeler que la participation d'une entreprise à une réunion dont l'objet est manifestement anticoncurrentiel, sans qu'elle se soit distanciée publiquement de son contenu, donne à penser aux autres participants qu'elle souscrit au résultat de la réunion et qu'elle s'y conformera (voir la jurisprudencecitée au point 35 ci-dessus). Dans de telles circonstances, il suffit qu'une concertation illicite ait été évoquée dans la réunion à laquelle participe l'entreprise en question pour établir la participation de cette dernière à la concertation en cause.

125.
    Étant donné que des mesures anticoncurrentielles ont été évoquées lors de la réunion du 24 mars 1995, toutes les entreprises ayant participé à cette réunion sans avoir pris leurs distances publiquement doivent être considérées comme ayant participé à l'accord constitué par de telles mesures.

126.
    Il s'ensuit que la Commission a établi, à juste titre, la participation de la requérante à un accord visant à nuire à Powerpipe, dès lors que la requérante est restée en défaut de prouver sa distanciation vis-à-vis du résultat de la réunion en question.

127.
    Une telle conclusion s'impose d'autant plus à la lumière de la télécopie figurant en tant que document complémentaire à la communication des griefs n° 8, qui fait partie intégrante de la communication des griefs, nonobstant son envoi postérieur à celui de cette dernière aux parties intéressées. Sur cette télécopie, dans laquelle DSD, choisie par l'adjudicataire du projet de Leipzig-Lippendorf comme fournisseur de certaines gaines, demandait des livraisons à la requérante pour la mise en oeuvre du projet de Leipzig-Lippendorf, il y avait les notes manuscrites suivantes:

«Messieurs Feldmann

    Dr. Henss

. Votre réaction à ce fax? :)

    lehmann

    Pan-Isovit

En parler également à Henss s.v.p.

En ai parlé à M. Henss

Sera soumis à discussion 4[?].5.95

M. Feldmann non joignable

[illisible] 2.5.95.»

Or, il ressort de ces notes que la requérante, à tout le moins, se satisfaisait des difficultés d'approvisionnement de DSD et qu'elle a considéré utile de communiquer cette demande de livraisons aux deux autres entreprises désignées,au sein de l'entente, comme «favorites» pour le projet en question. De plus, selon la déclaration de Løgstør, une réunion du club des directeurs a eu lieu le 5 mai 1995, lors de laquelle ces deux entreprises ont insisté pour qu'une action concertée soit entreprise contre Powerpipe, dans le but de lui rendre tout approvisionnement difficile (observations de Løgstør sur la communication des griefs).

128.
    Eu égard à tous ces éléments et même s'il est vrai que la requérante a refusé oralement les commandes de DSD en raison du diamètre trop grand des conduites demandées, il faut constater que la requérante a adopté un comportement qui facilitait, vis-à-vis des autres membres de l'entente, la mise en oeuvre des mesures discutées lors de la réunion du 24 mars 1995 plutôt que de prendre ses distances à leur égard.

129.
    En tout état de cause, la requérante ne saurait tirer un argument de la circonstance selon laquelle elle n'aurait pas été en mesure de mettre en oeuvre un boycottage, étant donné qu'un boycottage peut être imputé à une entreprise sans qu'il soit besoin que celle-ci participe effectivement ou même puisse participer à sa mise en oeuvre. En effet, la position contraire mènerait au résultat que les entreprises qui ont approuvé des mesures de boycottage, mais qui n'ont pas trouvé l'occasion d'adopter elles-mêmes une mesure pour le mettre en oeuvre, échapperaient à toute forme de responsabilité pour leur participation à l'accord.

130.
    À cet égard, il convient d'observer qu'une entreprise ayant participé à une infraction multiforme aux règles de la concurrence par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d'accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité et qui visent à contribuer à la réalisation de l'infraction dans son ensemble peut être également responsable des comportements mis en oeuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction, lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaît les comportements infractionnels des autres participants, ou qu'elle peut raisonnablement les prévoir et qu'elle est prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 203).

131.
    Il n'est pas pertinent, à ce propos, d'avancer que Powerpipe n'aurait pas mentionné la requérante en ce qui concerne le boycottage évoqué dans sa plainte, étant donné que cette plainte, datant du 18 janvier 1995, est antérieure aux mesures de boycottage évoquées ci-dessus. De même, vu les preuves sur lesquelles s'est basée la Commission, il n'est pas non plus pertinent d'avancer qu'une autre entreprise ayant participé à la réunion du 24 mars 1995 ait affirmé que, en dehors d'ABB et de Henss/Isoplus, aucune autre entreprise n'aurait, à sa connaissance, mis en oeuvre un accord contre Powerpipe.

132.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, la conclusion de la Commission selon laquelle elle a participé aux mesures communes visant à nuire aux activitésde Powerpipe est encore confirmée par l'implication de la requérante dans les tentatives pour acquérir Powerpipe. En effet, il ressort clairement des documents complémentaires à la communication des griefs nos 16 à 18, qui font également partie intégrante de cette dernière, qu'ABB, Henss/Isoplus et Tarco se sont engagés, le 21 avril 1995, à contribuer à l'acquisition éventuelle de Powerpipe par la requérante. À la lumière des résultats de la réunion du 24 mars 1995 et eu égard au fait qu'une acquisition de Powerpipe était facilitée par l'affaiblissement de sa position sur le marché, la Commission a été en droit d'estimer que les engagements des trois entreprises concurrentes de contribuer à un éventuel rachat de Powerpipe étaient compatibles avec le plan commun d'éliminer cette dernière en tant que concurrent sur le marché, d'autant plus qu'une telle conclusion est corroborée par les observations de Oy KWH Tech AB (ci-après «KWH») sur la communication des griefs.

133.
    Pour toutes ces raisons, le moyen de la requérante doit être également rejeté en ce qui concerne sa participation aux actions concertées contre Powerpipe.

II - Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

A - Sur l'accès au dossier

1. Arguments des parties

134.
    La requérante soutient que la Commission a violé son droit d'accès au dossier, tout en omettant également de respecter la communication relative aux règles de procédure interne pour le traitement des demandes d'accès au dossier dans les cas d'application des articles 85 et 86 du traité CE, des articles 65 et 66 du traité CECA et du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (JO 1997, C 23, p. 3, ci-après la «communication sur l'accès au dossier»).

135.
    Selon la requérante, la Commission a obligé les conseils des entreprises participant à la présente procédure à échanger entre eux les documents trouvés dans les entreprises concernées et les observations de chacune des entreprises sur la communication des griefs, y compris les annexes qui étaient jointes, dans la mesure où il ne s'agissait pas de secrets d'affaires. Néanmoins, un tel échange de documents entre les entreprises concernées n'aurait pas garanti que ces dernières soient effectivement entrées en possession de tous les documents et moyens de preuve pertinents, y inclus les preuves à décharge. Cela serait démontré par le fait que la Commission n'a pas joint à la communication des griefs tous les documents déterminants pour l'administration de la preuve, étant donné qu'elle lui a envoyé, par lettre du 9 octobre 1997, de nombreuses autres pièces à charge qui n'avaient pas été annexées à la communication des griefs. Or, ce ne serait qu'à travers une comparaison des documents échangés avec le dossier d'instruction qu'une entreprise aurait pu constater si elle était entrée en possession de tous les documents pertinents.

136.
    Dans le but d'exercer effectivement son droit à l'accès au dossier, le conseil de la requérante se serait adressé par téléphone à la Commission, le 17 juillet 1997, pour lui présenter une demande d'accès au dossier. Cependant, au cours de cet entretien, la Commission aurait indiqué que la requérante disposait déjà de l'ensemble des documents et moyens de preuve et qu'il n'était pas possible de lui donner accès au dossier lui-même. Dès lors, la requérante n'aurait pas pu exercer son droit à l'accès au dossier, sans avoir volontairement renoncé à ce droit. Le conseil de la requérante en aurait informé la Commission en lui communiquant le contenu de l'entretien téléphonique dans une lettre du 31 juillet 1997.

137.
    La défenderesse fait observer qu'elle a accordé un accès suffisant au dossier. Elle fait valoir que toutes les entreprises ont accepté le procédé de l'échange des documents entre elles, qui a entièrement rempli les fonctions d'un accès au dossier au sens de la communication sur l'accès au dossier. En effet, les entreprises auraient été en mesure, sur la base de tous les documents qui composent le dossier, d'émettre leurs observations sur les conclusions tirées par la Commission dans sa communication des griefs. Aucune entreprise ne lui aurait demandé l'autorisation de consulter tout ou partie des documents qualifiés de confidentiels par une autre entreprise.

138.
    Par ailleurs, la requérante n'aurait pas établi qu'elle aurait pu se défendre plus efficacement si elle avait consulté les documents en question dans les locaux de la Commission. Rien ne permettrait de penser que les listes établies par les autres entreprises n'étaient pas complètes.

139.
    En tout état de cause, même si l'on admettait l'existence d'une violation du droit d'accès au dossier, cette seule circonstance ne suffirait pas pour justifier une annulation de la décision. À cet égard, la Commission soutient que, eu égard au raisonnement de la requérante dans ses mémoires, le dossier de la Commission n'a pas pu contenir des documents à sa décharge.

2. Appréciation du Tribunal

140.
    L'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 89, et du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C-51/92 P, Rec. p. I-4235, point 75; arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, Rec. p. II-1775, point 59, et ICI/Commission, T-36/91, Rec. p. II-1847, point 69). L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu, prévu aux articles 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17, et 2 du règlementn° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268) (arrêt du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/89, Rec. p. II-389, point 30).

141.
    Selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue, afin de permettre aux entreprises et associations d'entreprises en cause de se défendre utilement contre les griefs formulés contre elles dans la communication des griefs, de leur rendre accessible l'intégralité du dossier d'instruction, à l'exception des documents contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises ou d'autres informations confidentielles et des documents internes de la Commission (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, précité, point 54, et du 19 mai 1999, BASF/Commission, T-175/95, Rec. p. II-1581, point 45).

142.
    En effet, dans le cadre de la procédure contradictoire organisée par le règlement n° 17, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les documents utiles à la défense (arrêt du 29 juin 1995, Solvay/Commission, précité, point 81, et arrêt ICI/Commission, précité, point 91). Eu égard au principe général d'égalité des armes, il ne saurait être admis que la Commission puisse décider seule d'utiliser ou non des documents contre les entreprises, alors que celles-ci n'y ont pas eu accès et n'ont donc pas pu prendre la décision correspondante de les utiliser ou non pour leur défense (arrêt du 29 juin 1995, Solvay/Commission, précité, point 83, et arrêt ICI/Commission, précité, point 93).

143.
    À la lumière de ces règles, il y a lieu de vérifier si, en l'espèce, la Commission a respecté son obligation de donner accès à l'intégralité du dossier d'instruction.

144.
    Tout d'abord, il y a lieu d'observer que la Commission a déclaré dans sa lettre du 20 mars 1997, jointe à la communication des griefs, notifiée à la requérante:

«En vue d'aider les entreprises à préparer leurs observations en ce qui concerne les griefs qui leur ont été adressés, la Commission peut leur permettre de consulter le dossier les concernant. En l'espèce, la Commission a joint à la communication des griefs toute la documentation pertinente (y compris liste de l'ensemble des annexes). Ces annexes incluent également la correspondance pertinente échangée conformément à l'article 11 du règlement [n° 17]. Les références à des faits complètement étrangers à l'objet de l'affaire ont été effacées des documents joints à la communication des griefs.

Au cas où vous souhaiteriez examiner les pièces susceptibles d'être consultées dans les bureaux de la Commission, il vous est loisible de contacter [...] dans les trois semaines suivant la réception de la présente lettre, pour convenir d'un rendez-vous.»

145.
    Il est constant que, en avril et en mai 1997, la Commission a suggéré aux entreprises destinataires de la communication des griefs d'organiser un échange detous les documents saisis chez elles lors des vérifications. Il n'est pas contesté que toutes les entreprises concernées, à l'exception de Dansk Rørindustri, ont accepté d'effectuer un tel échange de documents. Par la suite, toutes les entreprises participant à l'échange de documents, dont la requérante, ont reçu de chacune des autres entreprises les documents saisis chez elle, accompagnés d'une liste établie soit par l'entreprise en cause, soit, dans les cas de la requérante et d'ABB, à leur demande, par la Commission. Quant aux documents saisis chez Dansk Rørindustri, une partie de ces documents a été communiquée par cette dernière aux autres entreprises, le 18 juin 1997, à la demande de la Commission, tandis qu'une autre partie a été envoyée par la Commission elle-même, le 24 septembre 1997.

146.
    Quant aux observations des entreprises sur la communication des griefs, il y a lieu de préciser que c'est la Commission qui les a envoyées à toutes les entreprises concernées.

147.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, il n'est pas démontré que la Commission lui aurait refusé l'accès au dossier d'instruction lorsqu'elle s'est, à cette fin, adressée à la Commission.

148.
    D'abord, en ce qui concerne la réaction de la Commission à la demande d'accès au dossier qui aurait été formulée par la requérante lors d'un entretien téléphonique le 16 avril 1997, la requérante elle-même ne soutient pas que la Commission aurait exclu l'accès au dossier et se borne à évoquer, dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal, que le fonctionnaire chargé de l'enquête l'a informée de ce que la Commission entendait remplacer la consultation du dossier par un procédé spécifique sur lequel les conseils des parties devraient se mettre d'accord.

149.
    Ensuite, en ce qui concerne un deuxième entretien téléphonique, le 17 juillet 1997, la requérante n'apporte pas d'éléments de preuve susceptibles de confirmer que la Commission aurait rejeté une demande d'accès au dossier. En particulier, la lettre envoyée par le conseil de la requérante à la Commission, le 31 juillet 1997, ne démontre pas que la Commission aurait, lors de l'entretien du 17 juillet 1997, refusé au conseil de la requérante l'accès au dossier d'instruction général. En effet, selon cette lettre, la Commission aurait, lors de cet entretien, informé la requérante de ce que l'accès au dossier dans les locaux de la Commission ne serait pas d'une utilité supérieure à l'accès aux documents dont elle disposait déjà. En plus, il ressort clairement de cette lettre que la requérante acceptait, à l'époque, à travers son conseil, de se limiter à l'accès au dossier qui lui était donné par la voie de l'échange de documents entre les entreprises, étant donné qu'elle supposait avoir déjà vu toutes les pièces utiles à sa défense. Cette lettre énonce, notamment:

«Au cours de notre entretien téléphonique, je vous avais dit que notre mandante n'était pas disposée à renoncer à son droit d'accès au dossier. Vous avez répondu que notre mandante disposait de toutes les pièces et moyens de preuve et qu'unaccès au dossier allant au-delà de ces pièces et moyens de preuve ne lui serait pas accordé. Il ne lui serait pas non plus donné accès au dossier d'instruction général de la Commission. Dès lors, nous partons du principe qu'une consultation du dossier sur place ne nous apportera aucune information supplémentaire et que nous disposons déjà, dans leur entièreté, de toutes les pièces et de tous les moyens de preuve pertinents de sorte qu'à cet égard également, un accès au dossier est superflu. Pour cette raison, nous ne consulterons pas le dossier sans que cela n'implique une quelconque renonciation au droit d'accès au dossier.»

150.
    Il s'ensuit qu'il est peu probable qu'il ait été question, lors de l'entretien du 17 juillet 1997, d'une demande d'accès au dossier d'instruction qui ait été refusée par la Commission. Par ailleurs, la requérante, en ajoutant qu'elle ne renonçait pas à son droit d'accès au dossier, faisait comprendre à la Commission qu'elle n'hésiterait pas d'introduire une demande d'accès au dossier d'instruction dès qu'elle le souhaiterait.

151.
    Or, il est constant que, à la suite de l'entretien téléphonique du 17 juillet 1997, la requérante n'a pas contacté les services de la Commission au sujet de l'accès au dossier.

152.
    Par conséquent, il y a lieu de supposer que la requérante a entendu ne pas utiliser la possibilité d'avoir accès à la totalité du dossier d'instruction.

153.
    Quant à l'affirmation de la requérante selon laquelle la Commission l'aurait obligée à accepter le procédé d'échange de documents entre les entreprises, il suffit de constater que la requérante n'en apporte aucun élément de preuve.

154.
    En tout état de cause, il convient d'estimer que la Commission, en ayant prévu et organisé l'accès au dossier dans ses locaux tel qu'annoncé dans sa lettre jointe à la communication des griefs, s'est acquittée de son obligation d'accorder aux entreprises, de sa propre initiative et sans attendre une démarche de la part de ces dernières, l'accès au dossier de l'instruction.

155.
    Dans ces circonstances, il ne saurait non plus être reproché à la Commission d'avoir voulu faciliter l'accès au dossier d'instruction en invitant les entreprises concernées à effectuer, entre elles et à travers leurs conseils, un échange des documents saisis chez chacune d'elles lors des vérifications.

156.
    Il convient d'observer, à cet égard, que la requérante ne saurait invoquer un défaut d'accès au dossier en raison du fait que la Commission lui a envoyé, par lettre du 9 octobre 1997, certains documents qui n'étaient pas annexés à la communication des griefs. D'une part, en effet, il s'agissait en partie des réponses de Powerpipe, de DSD et de Løgstør, envoyées respectivement à la Commission le 29 septembre et les 1er et 2 octobre 1997, à la suite d'une demande de renseignements en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. D'autre part, il s'agissait pour l'autre partie de documents auxquels certaines entreprises impliquées dans la procédureadministrative s'étaient référées et qui, selon la Commission, faisaient déjà l'objet de l'échange de documents entre les entreprises. Étant donné que le courrier du 9 octobre 1997 visait donc à assurer, d'un côté, que les entreprises aient accès aux informations qui venaient compléter le dossier d'instruction et, de l'autre côté, que la Commission ait communiqué tous les documents à charge aux entreprises concernées, même si elle estimait que certains desdits documents étaient déjà en leur possession, ce courrier confirme que la Commission a garanti les droits de la défense des entreprises concernées plutôt que de démontrer une violation de ceux-ci.

157.
    Il ressort de tout ce qui précède que la Commission, ayant suggéré aux entreprises concernées de faciliter l'accès au dossier par un échange mutuel de documents, tout en garantissant elle-même le droit d'accès au dossier d'instruction dans sa totalité, a dûment tenu compte des exigences énoncées par la jurisprudence, selon laquelle un échange de documents entre les entreprises ne peut en aucun cas éliminer le devoir de la Commission de garantir elle-même, pendant l'instruction d'une infraction au droit de la concurrence, le respect des droits de la défense des entreprises concernées. En effet, la défense d'une entreprise ne peut dépendre de la bonne volonté d'une autre entreprise qui est censée être sa concurrente, contre laquelle des reproches similaires ont été soulevés par la Commission et dont les intérêts économiques et procéduraux sont souvent opposés (arrêt du 29 juin 1995, Solvay/Commission, précité, points 85 et 86, et arrêt ICI/Commission, précité, points 95 et 96).

158.
    Quant à la communication de la Commission sur l'accès au dossier, il suffit d'observer que la requérante n'a pas précisé dans quelle mesure celle-ci n'aurait pas été respectée par la Commission.

159.
    Il s'ensuit que le grief tiré d'un défaut d'accès au dossier doit être rejeté.

B - Sur la violation du droit d'être entendu en ce qui concerne l'invocation de nouveaux moyens de preuve

1. Arguments des parties

160.
    La requérante fait observer que la Commission a invoqué des moyens de preuve présentés après la communication des griefs et sans en informer les entreprises concernées, sous la forme d'une communication des griefs complémentaire, en violation du droit fondamental d'être entendu qui suppose que tous les moyens de preuve à la disposition de la Commission au moment de la rédaction de la communication des griefs et sur lesquels elle fonde ses reproches doivent être communiqués aux entreprises concernées dans leur totalité, formant un tout avec les considérations juridiques qui en découlent.

161.
    Dans ses lettres du 22 mai et du 9 octobre 1997, la Commission aurait cependant communiqué de nouveaux moyens de preuve, qui étaient déjà en sa possession au moment de la rédaction de la communication des griefs. La Commission n'aurait pas fait connaître aux entreprises concernées la signification juridique et matérielle qu'elle attribuait aux documents envoyés le 9 octobre 1997 en ce qui concerne les griefs contenus dans la communication des griefs. Dans sa décision, elle se serait fondée sur certains de ces moyens de preuve, notamment les documents complémentaires à la communication des griefs nos 8 et 16 à 18, en ce qui concerne la prétendue participation de la requérante à des mesures prises à l'encontre de Powerpipe.

162.
    De plus, la Commission n'aurait pas donné un délai raisonnable aux entreprises concernées pour présenter des observations au sujet de ces moyens de preuve. En ce qui concerne la lettre du 22 mai 1997, la requérante aurait demandé à la Commission de prolonger le délai pour les observations sur la communication des griefs, expirant le 1er juillet 1997, étant donné que des moyens de preuve avaient été invoqués a posteriori et, de plus, dans des langues qui rendaient leur traduction nécessaire. La Commission aurait toutefois refusé une prolongation du délai. En ce qui concerne la lettre du 9 octobre 1997, la requérante n'aurait pas non plus disposé d'un délai suffisant pour examiner les nombreux moyens de preuve communiqués par cette lettre avant l'audition qui, à cette époque, était prévue pour la fin d'octobre, d'autant plus qu'un grand nombre de ces documents était également rédigé en langues étrangères.

163.
    La défenderesse souligne, d'abord, qu'il n'est pas contesté que les lettres du 22 mai et du 9 octobre 1997 n'ont pas introduit de nouveaux griefs, mais seulement communiqué certains documents à l'appui de griefs déjà existants et définis avec précision. Or, il serait tout à fait compatible avec les droits de la défense qu'une communication des griefs soit complétée de cette façon.

164.
    Ensuite, la défenderesse conteste que les lettres des 22 mai et 9 octobre 1997 n'expliquaient pas assez clairement la portée des documents qui y sont mentionnés au regard des reproches exprimés dans la communication des griefs.

165.
    Enfin, la défenderesse expose que la requérante ne saurait soutenir ne pas avoir disposé de délais suffisants pour rédiger des observations sur les documents communiqués après la communication des griefs.

2. Appréciation du Tribunal

166.
    Il résulte d'une lecture combinée de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et des articles 2 et 4 du règlement n° 99/63 que la Commission doit communiquer les griefs qu'elle fait valoir contre les entreprises et les associations intéressées et ne peut retenir dans ses décisions que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue (arrêt CB et Europay/Commission, précité, point 47).

167.
    De même, le respect des droits de la défense, qui constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être observé en toutes circonstances, notamment dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, même s'il s'agit d'une procédure administrative, exige que les entreprises et les associations d'entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 11; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11/89, Rec. p. II-757, point 39).

168.
    Toutefois, aucune disposition n'interdit à la Commission de communiquer aux parties, après l'envoi de la communication des griefs, de nouvelles pièces dont elle estime qu'elles soutiennent sa thèse, sous réserve de donner aux entreprises le temps nécessaire pour présenter leur point de vue à ce sujet (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 29).

169.
    En l'espèce, il n'est pas contesté que les lettres de la Commission du 22 mai et du 9 octobre 1997 n'ont pas introduit de nouveaux griefs à l'encontre des entreprises concernées, mais qu'elles contiennent certains documents qui constituent des preuves supplémentaires à l'appui de griefs exposés dans la communication des griefs.

170.
    Dès lors, à la lumière des principes énoncés ci-dessus, il convient de vérifier, d'abord, si la requérante a été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission, dans la mesure où ceux-ci se fondent sur les moyens de preuve envoyés après la communication des griefs.

171.
    En ce qui concerne la lettre du 22 mai 1997, il y a lieu d'observer que la Commission y a signalé, pour les documents joints en annexes X1 à X9, leur portée au regard de la communication des griefs du 20 mars 1997, en indiquant la section de la communication des griefs concernée par chacun des documents. Il s'ensuit que la requérante a été suffisamment informée de la pertinence desdits documents par rapport aux griefs déjà communiqués.

172.
    En ce qui concerne les documents annexés à la lettre du 9 octobre 1997, il convient de préciser qu'il s'agit d'une série de documents complémentaires à la communication des griefs numérotés de 1 à 18 et d'une série de réponses données par certaines entreprises à la suite des demandes de renseignements, envoyées avec des tableaux indiquant, pour chaque document, le sujet concerné ainsi qu'une référence au passage pertinent de la communication des griefs et aux passages dans les observations sur la communication des griefs de certaines entreprises.

173.
    Vu les références contenues dans ces tableaux, la requérante ne saurait soutenir que la Commission s'est fondée sur certains des documents annexés à la lettre du 9 octobre 1997 sans lui avoir indiqué la signification matérielle et juridique attribuée à ces documents.

174.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, cela est vrai, en particulier, en ce qui concerne les documents complémentaires à la communication des griefs nos 8 et 16 à 18. En effet, il s'avère que, pour le document n° 8, tout comme pour les documents nos 9 à 14, le tableau annexé à la lettre du 9 octobre 1997 mentionne «Pratique concertée pour éliminer Powerpipe; boycott du projet [de]Leipzig-Lippendorf» et renvoie aux pages 42 à 44 de la communication des griefs ainsi qu'à certains passages contenus dans les observations sur la communication des griefs de Dansk Rørindustri, de «Henss», d'«Isoplus», de KWH, de Løgstør et de la requérante. De même, pour les documents complémentaires à la communication des griefs nos 16 à 18, le tableau concerné mentionne «Pratique concertée pour éliminer Powerpipe» et renvoie à la page 39 de la communication des griefs et à la page 24 des observations de KWH sur la communication des griefs. Or, compte tenu des corrélations entre les documents en question et les mesures évoquées aux endroits indiqués dans le tableau concerné, en premier lieu, en ce qui concerne le document n° 8 et les mesures concertées afin de rendre difficile à Powerpipe de s'approvisionner et, en second lieu, en ce qui concerne les documents nos 16 à 18 et les tentatives de racheter Powerpipe, la requérante n'a pu ignorer la pertinence desdits documents par rapport à la participation aux mesures prises à l'encontre de Powerpipe qui lui est reprochée.

175.
    Par ailleurs, il s'avère que, lors de l'audition, la requérante a eu l'occasion d'exprimer son point de vue, tant sur le document complémentaire à la communication des griefs n° 8, lors d'une question posée par la Commission sur les remarques inscrites sur ce document, que sur les éventuelles contributions au rachat de Powerpipe, telles qu'évoquées dans les documents complémentaires à la communication des griefs nos 16 à 18. Par conséquent, la requérante ne saurait soutenir qu'elle n'a pas eu l'occasion de s'exprimer utilement à l'égard desdits documents.

176.
    Ensuite, la requérante ne saurait non plus prétendre qu'elle n'a pas disposé de délais suffisants pour exprimer son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission.

177.
    En premier lieu, en ce qui concerne les documents annexés à la lettre de la Commission du 22 mai 1997, force est de constater qu'il s'agit de pièces qui, d'après cette lettre, pouvaient avoir une certaine pertinence par rapport aux faits discutés dans la communication des griefs du 20 mars 1997. Étant donné que la Commission avait imparti un délai de quatorze semaines, c'est-à-dire jusqu'au 1er juillet 1997, pour la présentation d'observations sur la communication des griefs, la requérante disposait encore, lors de la réception du courrier du 22 mai 1997, de plus d'un mois pour rédiger son point de vue sur les documents en question.

178.
    À cet égard, il convient d'observer que l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, qui vise à garantir aux destinataires de la communication des griefs un délai suffisant pour l'exercice utile de leurs droits de la défense, dispose que la Commission, en fixant ce délai, d'une durée minimale de deux semaines, doit prendre en considération le temps nécessaire à l'établissement des observations ainsi que l'urgence de l'affaire. Or, le délai accordé doit être apprécié concrètement en fonction de la difficulté du cas d'espèce. Ainsi, le juge communautaire a constaté, dans certaines affaires, pourtant, volumineuses, qu'un délai de deux mois était suffisant pour la présentation d'observations sur la communication des griefs (arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 272 et 273; arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 94 à 99).

179.
    Un délai de plus d'un mois a donc dû suffire pour présenter des observations sur les documents envoyés le 22 mai 1997, étant donné qu'il s'agissait d'un nombre réduit de neuf documents (annexes X1 à X9), dont la pertinence était, de plus, expliquée dans la lettre d'accompagnement. En ce qui concerne la plainte de Powerpipe qui était jointe également, avec ses annexes, au courrier du 22 mai 1997, il faut observer, de même, que les passages les plus accusateurs étaient cités dans la communication des griefs.

180.
    S'agissant des documents annexés à la lettre du 22 mai 1997, il faut ajouter encore que la requérante, même si elle s'était réservée, à la page 42 de ses observations sur la communication des griefs, la possibilité de communiquer des observations complémentaires sur ces documents, n'a toutefois pas jugé utile de le faire par la suite.

181.
    Quant aux documents annexés à la lettre du 9 octobre 1997, soit après l'échéance du délai accordé pour présenter des observations sur la communication des griefs, il y a lieu de constater que, étant donné que l'audition de la requérante a eu lieu le 25 novembre 1997, celle-ci a disposé de plus d'un mois pour la préparation de ses observations sur les documents annexés à cette lettre. Il en ressort que la requérante a été suffisamment en mesure d'exprimer son point de vue sur les documents en question, d'autant plus que la portée de chacun des documents par rapport aux reproches exprimés dans la communication des griefs était clairement expliquée.

182.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par la circonstance selon laquelle, au moment de la réception du courrier du 9 octobre 1997, elle ne savait pas encore qu'elle aurait le temps, jusqu'aux 24 et 25 novembre 1997, pour préparer ses observations. En effet, même si la requérante a préparé ses observations vis-à-vis de tels documents en supposant qu'elle disposait de moins de temps, elle a finalement disposé d'un délai supplémentaire pour remanier et approfondir ses observations.

183.
    En outre, la requérante n'a pas indiqué à l'égard de quels documents elle aurait présenté des observations encore plus élaborées, si des délais plus longs lui avaient été accordés.

184.
    Par conséquent, il y a lieu de conclure que la requérante a disposé du temps nécessaire pour présenter son point de vue sur les faits, griefs et circonstances allégués par la Commission.

185.
    Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré d'une violation du droit d'être entendu en ce qui concerne l'invocation de nouveaux moyens de preuve doit être rejeté.

C - Sur la violation du droit d'être entendu en ce qui concerne le calcul du montant de l'amende

1. Arguments des parties

186.
    La requérante reproche à la défenderesse d'avoir fondé le calcul du montant de l'amende sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3) (ci-après les «nouvelles lignes directrices» ou les «lignes directrices»), publiées après la communication des griefs et après l'audition, et cela sans lui avoir donné la possibilité de présenter ses observations sur l'application rétroactive de ces lignes directrices. La Commission n'aurait même pas indiqué qu'elle allait appliquer de nouveaux principes pour le calcul et l'évaluation du montant des amendes.

187.
    Ensuite, la requérante n'aurait pas été en mesure de présenter des observations sur l'application de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la «communication sur la coopération»), publiée après l'ouverture de la procédure administrative et après le déroulement de phases importantes de celle-ci. Dans sa communication des griefs, la Commission n'aurait pas indiqué si et dans quelle mesure elle avait l'intention de récompenser la requérante pour sa coopération suivant les critères énoncés dans la communication sur la coopération, par le biais de laquelle la Commission se serait écartée de sa pratique décisionnelle antérieure.

188.
    Lors de la communication des griefs, la défenderesse n'aurait pas précisé les critères individuels à la base desquels l'amende à infliger à la requérante allait être calculée. Cette violation des droits de la défense constituerait également une discrimination non justifiée vis-à-vis de tous les autres participants à la procédure auxquels la Commission avait communiqué ces critères individuels dans la communication des griefs, en leur donnant ainsi la possibilité de présenter des observations.

189.
    La défenderesse fait valoir que, lorsqu'il s'agit d'imposer éventuellement une amende, le respect des droits de la défense ne suppose pas que la Commission indique déjà au cours de la procédure administrative les critères et les considérations qu'elle fera intervenir dans son calcul. Il suffirait que la Commission indique lors de la procédure administrative qu'elle envisage d'infliger une amende en raison de la gravité et de la durée de l'infraction.

190.
    Quant à la communication sur la coopération, la requérante ne saurait prétendre ne pas avoir eu l'occasion de présenter ses observations, étant donné que cette communication a été publiée avant la communication des griefs et que la requérante s'y est expressément référée dans ses observations sur la communication des griefs.

191.
    Enfin, la requérante n'aurait pas indiqué quelles particularités individuelles auraient dû être prises en compte à son sujet dans la communication des griefs quant au calcul du montant de l'amende.

2. Appréciation du Tribunal

192.
    Il convient d'observer, au préalable, qu'il n'est pas contesté que la Commission a déterminé le montant de l'amende imposée à la requérante conformément à la méthode générale pour le calcul du montant des amendes annoncée dans les lignes directrices.

193.
    Selon une jurisprudence constante, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu'elle va examiner s'il convient d'infliger des amendes aux entreprises concernées et qu'elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d'entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l'infraction supposée et le fait d'avoir commis celle-ci «de propos délibéré ou par négligence», elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d'être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l'infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 21).

194.
    Il s'ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission à travers la possibilité de faire des observations sur la durée, la gravité et le caractère anticoncurrentiel des faits reprochés. Par ailleurs, les entreprises bénéficient d'une garantie supplémentaire, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, dans la mesure où le Tribunal statue avec une compétence de pleine juridiction et peut notamment supprimer ou réduire l'amende, en vertu de l'article 17 du règlement n° 17 (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 235).

195.
    À cet égard, il convient de constater que la Commission a expliqué, aux pages 60 et 61 de la communication des griefs envoyée à la requérante, la durée de l'infraction qu'elle envisageait de retenir à son égard.

196.
    Ensuite, la Commission a exposé, aux pages 64 et 65 de la communication des griefs, les raisons pour lesquelles elle estimait que la présente infraction était une infraction très grave ainsi que les éléments constituant des circonstances aggravantes, à savoir la manipulation des procédures de soumissions, la mise en oeuvre agressive de l'entente afin d'assurer l'obéissance de tous les participants aux accords et d'exclure le seul concurrent important qui n'y participait pas et la poursuite de l'infraction après les vérifications.

197.
    Au même endroit, la Commission a précisé que, dans la détermination du montant de l'amende à imposer à chaque entreprise individuelle, elle tiendrait compte, notamment, du rôle joué par chacune d'elles dans les pratiques anticoncurrentielles, de toutes les différences substantielles en ce qui concerne la durée de leur participation, de leur importance dans l'industrie du chauffage urbain, de leur chiffre d'affaires dans le secteur du chauffage urbain, de leur chiffre d'affaires global, le cas échéant, pour tenir compte de la taille et du pouvoir économique de l'entreprise en question et afin d'assurer un effet suffisamment dissuasif, et, enfin, de toutes les circonstances atténuantes (communication des griefs, p. 65).

198.
    Ce faisant, la Commission a indiqué, dans sa communication des griefs, les éléments de fait et de droit sur lesquels elle allait se baser dans le calcul du montant de l'amende à infliger à la requérante, de sorte que, à cet égard, le droit d'être entendu de cette dernière a été dûment respecté.

199.
    Dans ces circonstances, il n'est pas pertinent d'avancer que la Commission n'a pas mentionné, à son égard, contrairement à ce qui était le cas pour d'autres entreprises, des éléments individuels dont elle tiendrait compte lors de la détermination du montant de son amende. Par ailleurs, la requérante n'a pas précisé quels éléments particuliers à son cas auraient dû être mentionnés dans la communication des griefs.

200.
    Ensuite, il faut observer que la Commission n'était pas obligée, dès lors qu'elle avait indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle baserait son calcul du montant des amendes, de préciser la manière dont elle se servirait de chacun de ces éléments pour la détermination du niveau de l'amende. En effet, donner des indications concernant le niveau des amendes envisagées, aussi longtemps que les entreprises n'ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations sur les griefs retenus contre elles, reviendrait à anticiper de façon inappropriée la décision de la Commission (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 21; arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 19).

201.
    Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission de n'avoir pas précisé, au cours de la procédure administrative, la manière dont chacune des entreprises concernées pouvait se voir accorder une réduction du montant de son amende en raison de sa coopération suivant les critères énoncés dans la communication sur la coopération.

202.
    Pour la même raison, la Commission n'était pas non plus tenue, au cours de la procédure administrative, de communiquer aux entreprises concernées son intention d'appliquer une nouvelle méthode de calcul pour le montant des amendes.

203.
    En particulier, la Commission n'était pas tenue d'indiquer, dans la communication des griefs, la possibilité d'un changement éventuel de sa politique en ce qui concerne le niveau des amendes, possibilité qui dépend de considérations générales de politique de concurrence sans rapport direct avec les circonstances particulières des affaires en cause (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 22). En effet, la Commission n'a pas l'obligation de mettre des entreprises en garde en les prévenant de son intention d'augmenter le niveau général du montant des amendes (arrêt du 10 mars 1992, Solvay/Commission, précité, point 311).

204.
    Il s'ensuit que le droit d'être entendu de la requérante n'obligeait pas la Commission à lui annoncer son intention d'appliquer, au cas de la requérante, les nouvelles lignes directrices.

205.
    En outre, en ce qui concerne la communication sur la coopération, force est de constater que la requérante s'y est référée à la page 2 de ses observations sur la communication des griefs, de sorte qu'elle ne saurait prétendre ne pas avoir eu l'occasion de s'exprimer sur l'application éventuelle, à son cas, de cette communication.

206.
    Pour toutes ces raisons, le moyen relatif à la violation du droit d'être entendu doit également être rejeté en ce qui concerne le calcul du montant de l'amende.

III - Sur le moyen tiré de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de la violation de principes généraux et d'erreurs d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende

A - Sur la violation du principe de non-rétroactivité

1. Arguments des parties

207.
    La requérante reproche à la Commission d'avoir violé le principe de non-rétroactivité en appliquant ses nouvelles lignes directrices ainsi que sa communication sur la coopération à des faits qui avaient pris fin avant la publication desdits textes.

208.
    À cet égard, la requérante observe que le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales est un principe commun à tous les ordres juridiques, consacré par l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), dont la Cour assure le respect. Selon la requérante, les amendes infligées en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 constituent des sanctions analogues à des peines auxquelles s'appliquent les garanties fondamentales du droit pénal. Il s'agirait en fait de normes ayant une fonction tant répressive que préventive. En se référant, dans ses lignes directrices, au principe d'égalité de sanction, la Commission elle-même estimerait que les amendes constituent des sanctions à caractère pénal.

209.
    L'interdiction de l'effet rétroactif concernerait l'application tant des lignes directrices que de la communication sur la coopération. En posant des principes généraux abstraits applicables pour le calcul du montant de l'amende dans les procédures relatives aux ententes, tant les lignes directrices que ladite communication devraient être considérées en tant que normes matérielles auxquelles s'appliquent les mêmes principes que ceux qui valent pour les instruments de droit communautaire ayant le caractère formel de norme juridique.

210.
    Les lignes directrices n'auraient pas seulement entraîné une augmentation du niveau des amendes, mais auraient également abouti à une réforme fondamentale du calcul du montant des amendes, constituant une modification fondamentale de la pratique administrative antérieure exercée dans le cadre de l'article 15 du règlement n° 17. Même si la Commission est en droit d'élever le niveau des amendes en deçà de la limite définie par l'article 15 du règlement n° 17, pour autant que ce soit nécessaire, cela ne légitimerait en rien la révision fondamentale du système de calcul du montant des amendes ni l'application rétroactive de ce nouveau système à des faits antérieurs et à des procédures administratives en cours.

211.
    Dans ce contexte, il faudrait rappeler que la communication sur la coopération a été publiée le 18 juillet 1996, tandis que les lignes directrices ont été publiées le 14 janvier 1998, c'est-à-dire, dans les deux cas, après les faits litigieux. En appliquant dans sa décision tant les lignes directrices que ladite communication, la Commission aurait violé le principe de non-rétroactivité visant à éclairer la personne passible d'une sanction déterminée sur les aspects que la sanction en question revêtira et à éviter que des situations de fait qui ont déjà pris fin ne produisent des effets juridiques qui n'étaient pas prévisibles au moment de la réalisation des faits en question.

212.
    La défenderesse expose, en premier lieu, que ni les lignes directrices ni la communication ne constituent des textes pouvant enfreindre le principe de non-rétroactivité. L'interdiction de la rétroactivité en droit pénal ne concernerait que des dispositions qui modifient la base juridique des sanctions de telle façon que certains faits sont soumis pour la première fois à des sanctions ou que la sanction déjà existante est rendue plus sévère. Or, cela ne serait le cas ni des lignes directrices ni de la communication sur la coopération.

213.
    L'unique base juridique pour infliger des amendes serait l'article 15 du règlement n° 17, qui établit le cadre dans lequel la Commission fixe le montant des amendes selon la gravité et la durée de l'infraction. La pratique décisionnelle antérieure en tant que telle ne servirait pas de base juridique à des sanctions et ne limiterait en aucune manière les pouvoirs de la Commission. Les lignes directrices et la communication sur la coopération ne formeraient pas non plus une base juridique, ni pour les sanctions ni pour leur aggravation.

214.
    En second lieu, ni les lignes directrices ni la communication sur la coopération, en tant que telles, ne comporteraient d'aggravation de la pratique existante en matière de sanctions. Les changements apportés dans les lignes directrices par rapport à la pratique existante ne concerneraient que la méthode de détermination des amendes et la structure de leur calcul et non pas leur niveau général, voire leur montant dans un cas particulier. Par conséquent, toute critique dirigée contre le montant de l'amende devrait porter non pas sur les lignes directrices elles-mêmes, mais seulement sur leur application dans le cas concret. La communication sur la coopération ne pourrait pas non plus être critiquée dans la mesure où elle concerne la présente affaire.

2. Appréciation du Tribunal

215.
    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (voir, notamment, avis de la Cour 2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, point 33, et arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 14). À cet effet, le juge communautaire s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres, ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme, auxquels les États membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (arrêt Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne (devenu, après modification, article 6, paragraphe 2, UE), «l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire».

216.
    Selon l'article 7, paragraphe 1, de la CEDH, «[n]ul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international» et «il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise».

217.
    Il convient d'observer que le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales, consacré par l'article 7 de la CEDH comme un droit fondamental, est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres et fait partie intégrante desprincipes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (arrêt de la Cour du 10 juillet 1984, Kirk, 63/83, Rec. p. 2689, point 22).

218.
    Même s'il ressort de l'article 15, paragraphe 4, du règlement n° 17 que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n'ont pas un caractère pénal (arrêt Tetra Pak/Commission, précité, point 235), il n'en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de non-rétroactivité, dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en application des règles de la concurrence du traité (voir, par analogie, arrêt Michelin/Commission, précité, point 7).

219.
    Ce respect exige que les sanctions infligées à une entreprise pour une infraction aux règles de la concurrence correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise.

220.
    À cet égard, il y a lieu de préciser que les sanctions pouvant être imposées par la Commission pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence sont définies par l'article 15 du règlement n° 17, adopté antérieurement à la date à laquelle l'infraction a été commise. Or, d'une part, il convient de rappeler que la Commission n'a pas le pouvoir de modifier le règlement n° 17 ou de s'en écarter, fût-ce par des règles de nature générale qu'elle s'impose à elle-même. D'autre part, s'il est constant que la Commission a déterminé le montant de l'amende imposée à la requérante conformément à la méthode générale pour le calcul du montant des amendes annoncée dans les lignes directrices, il y a lieu de constater que, ce faisant, elle est restée dans le cadre des sanctions définies par l'article 15 du règlement n° 17.

221.
    En effet, aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, «[l]a Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes de mille écus au moins et de un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence [...] elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, [...] du traité». Il est prévu, dans la même disposition, que, «[p]our déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci».

222.
    Or, les lignes directrices disposent, au point 1, premier alinéa, que, pour le calcul du montant des amendes, le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, seuls critères retenus à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

223.
    Selon les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ, dans le calcul du montant des amendes, un montant déterminé en fonction de la gravitéde l'infraction. L'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les «infractions peu graves», pour lesquelles le montant des amendes envisageable est compris entre 1 000 et 1 million d'écus, les «infractions graves», pour lesquelles le montant des amendes envisageable peut varier entre 1 et 20 millions d'écus et les «infractions très graves», pour lesquelles le montant des amendes envisageable va au-delà de 20 millions d'écus (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tirets). À l'intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites «graves» et «très graves», l'échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu'il convient d'appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises (point 1 A, troisième alinéa). Il est, en outre, nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

224.
    Ensuite, il peut être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps d'infrastructures suffisantes pour posséder des connaissances «juridico-économiques» qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence (point 1 A, cinquième alinéa).

225.
    À l'intérieur de chacune des trois catégories retenues ci-dessus, il peut convenir de pondérer, dans certains cas, le point de départ général, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature, et d'adapter en conséquence le point de départ général selon le caractère spécifique de chaque entreprise (ci-après le «point de départ spécifique») (point 1 A, sixième alinéa).

226.
    Quant au facteur relatif à la durée de l'infraction, les lignes directrices établissent une distinction entre les infractions de courte durée (en général inférieures à un an), pour lesquelles le montant retenu pour la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré jusqu'à 50 %, et les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré pour chaque année de 10 % (point 1 B, premier alinéa, premier à troisième tirets).

227.
    Ensuite, les lignes directrices citent, à titre d'exemple, une liste de circonstances aggravantes et atténuantes qui peuvent être prises en considération pour augmenterou diminuer le montant de base puis se réfèrent à la communication sur la coopération.

228.
    En tant que remarque générale, il est précisé que le résultat final du calcul du montant de l'amende selon ce schéma (montant de base affecté des pourcentages d'aggravation et d'atténuation) ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial des entreprises conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 [point 5, sous a)]. De plus, les lignes directrices prévoient qu'il convient, selon les circonstances, après avoir effectué les calculs décrits ci-dessus, de prendre en considération certaines données objectives telles que le contexte économique spécifique, l'avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction, les caractéristiques propres des entreprises en cause ainsi que leur capacité contributive réelle dans un contexte social particulier pour adapter, in fine, le montant des amendes envisagé [point 5, sous b)].

229.
    Il s'ensuit que, suivant la méthode énoncée dans les lignes directrices, le calcul du montant des amendes continue d'être effectué en fonction des deux critères mentionnés dans l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, à savoir la gravité de l'infraction et la durée de celle-ci, tout en respectant la limite maximale par rapport au chiffre d'affaires de chaque entreprise, établie par la même disposition.

230.
    Par conséquent, les lignes directrices ne peuvent pas être considérées comme allant au-delà du cadre juridique des sanctions tel que défini par cette disposition.

231.
    Il en va de même pour la communication sur la coopération qui, elle non plus, ne sort pas du cadre juridique établi par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. En effet, le règlement n° 17 n'impose aucune obligation, ni n'interdit à la Commission de récompenser de quelque façon que ce soit un comportement coopératif des entreprises concernées.

232.
    Par ailleurs, dans la mesure où l'adoption par la Commission de la communication sur la coopération constitue un engagement de sa part de tenir compte du comportement coopératif des entreprises concernées, cela ne peut aucunement être considéré comme une altération du cadre juridique en cause susceptible d'affecter négativement la position de la requérante, par rapport à celle qui aurait été la sienne avant l'adoption de ladite communication.

233.
    En outre, le changement qu'entraîneraient les lignes directrices ou la communication sur la coopération par rapport à la pratique administrative existante de la Commission ne constitue pas non plus une altération du cadre juridique déterminant le montant des amendes pouvant être infligée et n'est donc pas contraire aux principes contenus dans l'article 7, paragraphe 1, de la CEDH.

234.
    En effet, d'une part, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est, uniquement, défini dans le règlement n° 17.

235.
    D'autre part, au regard de la marge d'appréciation laissée par le règlement n° 17 à la Commission, l'introduction par celle-ci d'une nouvelle méthode de calcul du montant des amendes, pouvant entraîner, dans certains cas, une augmentation du montant des amendes, sans pour autant excéder la limite maximale fixée par le même règlement, ne peut être considérée comme une aggravation, avec effet rétroactif, des amendes telles qu'elles sont juridiquement prévues par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 contraire aux principes de légalité et de sécurité juridique.

236.
    Il est sans pertinence, à cet égard, d'avancer que le calcul du montant des amendes suivant la méthode exposée dans les lignes directrices, notamment à partir d'un montant déterminé, en principe, en fonction de la gravité de l'infraction, peut amener la Commission à infliger des amendes plus élevées que dans sa pratique antérieure. En effet, selon une jurisprudence bien établie, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54; arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, point 33; voir également arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Buchmann/Commission, T-295/94, Rec. p. II-813, point 163). En outre, il ressort d'une jurisprudence constante que la Commission dispose, dans le cadre du règlement n° 17, d'une marge d'appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de la concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59, du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 53, et du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229/94, Rec. p. II-1689, point 127).

237.
    De plus, il ressort de la jurisprudence que le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées au règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 109; arrêt du 10 mars 1992, Solvay/Commission, précité, point 309; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Europa Carton/Commission, T-304/94, Rec. p. II-869, point 89). L'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige, au contraire, que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 109).

238.
    Par conséquent, le grief tiré d'une violation du principe de non-rétroactivité doit être rejeté.

B - Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

1. Arguments des parties

239.
    La requérante soutient que la Commission, en appliquant les nouvelles lignes directrices ainsi que la communication sur la coopération, s'est écartée de sa pratique administrative antérieure en violation du principe de protection de la confiance légitime.

240.
    Selon la requérante, les décisions en matière de concurrence, et comportant un calcul du montant de l'amende et la récompense d'une coopération des entreprises, rendues par la Commission dans des procédures antérieures ont créé une pratique administrative dont les entreprises concernées pouvaient légitimement s'attendre à ce qu'elle soit poursuivie et appliquée de manière conforme. Dans l'affaire ayant conduit à la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 - Carton) (JO L 243, p. 1, ci-après la «décision Carton»), notamment, au cours de la procédure administrative et de la procédure subséquente devant le Tribunal, la Commission aurait expliqué pour la première fois de façon complète et transparente comment elle détermine les amendes et récompense une coopération des entreprises.

241.
    La requérante rejette l'argument de la Commission selon lequel il ne serait pas question d'une pratique antérieure uniforme. Même si la Commission, dans ses décisions antérieures, n'a pas toujours mentionné les calculs arithmétiques utilisés lors du calcul du montant de l'amende, il faudrait reconnaître que, dans le passé, c'était le chiffre d'affaires réalisé avec le produit concerné qui a servi de base pour ce calcul. Dans son communiqué de presse relatif à la décision Carton, la Commission elle-même aurait indiqué que, normalement, c'est le chiffre d'affaires réalisé dans la Communauté avec le produit concerné qui sert de base.

242.
    Dans la présente procédure, la Commission se serait écartée de sa pratique administrative d'une manière qui allait au-delà du pouvoir d'appréciation dont elle dispose en vertu de l'article 15 du règlement n° 17. En créant une méthode entièrement nouvelle tant pour le calcul du montant des amendes à infliger que pour la récompense de la coopération des entreprises, la Commission aurait créé des normes abstraites à caractère général qui doivent être appréciées à l'aune des principes applicables aux normes juridiques formelles.

243.
    En l'espèce, les lignes directrices auraient été appliquées non seulement à une situation de fait antérieure et dans le cadre d'une procédure administrative déjà engagée avant leur publication, mais également sans que les entreprises en cause soient entendues à ce sujet au cours de la procédure administrative et, de ce fait, sans aucun avertissement préalable. La requérante et les autres entreprises n'auraient pas pu et n'auraient pas dû s'attendre à l'application des lignes directrices.

244.
    S'agissant de la communication sur la coopération, la Commission n'aurait pas non plus, ni dans la communication des griefs ni par la suite, informé les entreprises concernées quant à la question de savoir si et dans quelle mesure elle avait l'intention de l'appliquer. La requérante aurait coopéré avec la Commission en plaçant sa confiance dans la pratique administrative existante. L'application de la nouvelle communication n'aurait pas été rendue suffisamment transparente et la requérante et les autres entreprises n'auraient, en tout cas, pas pu s'attendre à ce qu'en vertu de cette communication elles soient traitées d'une manière discriminatoire par rapport à la pratique administrative suivie jusque-là, tout particulièrement illustrée par la décision Carton. De ce fait, la Commission aurait trompé la confiance de la requérante en une juste récompense de sa coopération.

245.
    La défenderesse fait observer qu'il ne pouvait pas exister de confiance légitime dans le maintien de sa pratique administrative antérieure. Le fait que la Commission eût accepté la coopération proposée par la requérante n'aurait pas pu avoir fondé une confiance dans le fait que la pratique de la Commission doive continuer en ce qui concerne la méthode de détermination du montant qui constitue la juste sanction de l'infraction en tant que telle et qui intervient, dans le calcul du montant de l'amende, avant la réduction pour la coopération.

246.
    Par ailleurs, en ce qui concerne la période antérieure à l'application des lignes directrices, il ne pourrait être question d'une pratique uniforme de la Commission. S'agissant de la décision Carton, la méthode précise appliquée pour le calcul du montant de l'amende n'aurait pas été exposée dans la décision même, mais uniquement pendant la procédure judiciaire. Dans les décisions antérieures, il aurait été rare que des calculs arithmétiques ou la renonciation à de tels calculs soient mentionnés. En effet, souvent d'autres facteurs que le chiffre d'affaires auraient été utilisés. Ainsi, certaines amendes auraient été calculées en tenant largement compte du profit obtenu. Dans certains cas, un montant global aurait été fixé pour l'ensemble de l'entente, puis réparti selon toute une série de critères entre les différents participants. Dans d'autres cas encore, une amende forfaitaire aurait été fixée au même niveau pour chacune des entreprises d'une catégorie déterminée. La défenderesse cite, à cet égard, plusieurs décisions en matière de concurrence, dont certaines ont donné lieu à l'intervention du juge communautaire. Par conséquent, même si le communiqué de presse relatif à la décision Carton indiquait que c'est le chiffre d'affaires obtenu avec le produit concerné qui servait «normalement» de base, comme cela s'est fait pour les dernières décisions, on ne saurait parler d'une pratique «uniforme».

247.
    En ce qui concerne la coopération, la Commission n'aurait pas été obligée d'accorder une réduction au simple motif qu'elle l'avait déjà fait dans l'un ou l'autre cas précédent. La requérante n'aurait donc pu escompter légitimement que la Commission procède de la même façon que dans la décision Carton. Par ailleurs, cette dernière décision n'aurait indiqué aucun taux concret de minoration, de sorte qu'une confiance légitime était également impossible pour cette raison.

2. Appréciation du Tribunal

248.
    Il y a lieu d'observer que, en ce qui concerne la fixation des amendes pour infraction aux règles de la concurrence, la Commission exerce son pouvoir dans les limites de la marge d'appréciation qui lui est octroyée par le règlement n° 17. Or, il est de jurisprudence constante que les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situation existante pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation des institutions communautaires (voir arrêts de la Cour du 15 juillet 1982, Edeka, 245/81, Rec. p. 2745, point 27, et du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 33).

249.
    Au contraire, la Commission est en droit d'élever le niveau général des amendes, dans les limites indiquées au règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de concurrence (voir la jurisprudence citée au point 237 ci-dessus).

250.
    Il s'ensuit que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne peuvent acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement.

251.
    Dans la mesure où la requérante s'appuie sur le niveau des amendes imposées par la Commission dans la décision Carton, il y a lieu de souligner que, au moment même de l'adoption de cette décision, l'entente qui fait objet de la décision attaquée a continué ses activités, et cela bien que la décision Carton ait infligé des amendes dont le niveau avait subi une hausse sensible par rapport à plusieurs décisions antérieures. Il s'ensuit que la Commission, afin d'assurer l'effet dissuasif des amendes, aurait effectivement été en droit, lors de l'adoption de la décision attaquée, d'infliger des amendes d'un niveau encore plus élevé que le niveau choisi dans la décision Carton.

252.
    En ce qui concerne la méthode de calcul utilisée dans la pratique antérieure, il convient de préciser encore que la requérante n'a pu se fier à ce que la Commission lui inflige une amende dont le montant est calculé sur la base du chiffre d'affaires réalisé avec le produit concerné.

253.
    En effet, il ressort de la jurisprudence que la Commission est en droit de calculer le montant d'une amende en fonction de la gravité de l'infraction et sans tenir compte des divers chiffres d'affaires des entreprises concernées. Ainsi, le juge communautaire a constaté la licéité d'une méthode de calcul selon laquelle la Commission détermine d'abord le montant global des amendes à imposer, pour répartir ensuite ce total entre les entreprises concernées, selon leurs activités dans le secteur concerné (arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec.p. 3369, points 48 à 53) ou selon leur niveau de participation, leur rôle dans l'entente et leur importancerespective sur le marché, calculée sur la base de la part de marché moyenne au cours d'une période de référence.

254.
    Étant donné que la Commission, dans sa pratique antérieure, ne s'est pas servie exclusivement d'une méthode basée sur le chiffre d'affaires relatif au produit concerné, la requérante n'a donc légitimement pu s'attendre à ce qu'une telle méthode lui soit appliquée.

255.
    S'agissant de la confiance légitime en matière de coopération, il y a lieu de relever que le seul fait que la Commission ait accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n'implique pas qu'elle est tenue d'accorder la même réduction proportionnelle lors de l'appréciation d'un comportement similaire dans le cadre d'une procédure administrative ultérieure (voir, en ce qui concerne une circonstance atténuante, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347/94, Rec. p. II-1751, point 368).

256.
    En tout état de cause, au moment où la requérante a exprimé sa volonté de coopérer avec la Commission, cette dernière avait déjà publié un projet de communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes (JO 1995, C 341, p. 13), invitant tous les intéressés à présenter leurs observations. Dès lors, la requérante aurait dû savoir que la Commission envisageait de réviser sa politique au sujet de la récompense d'un comportement coopératif en la matière.

257.
    Il s'ensuit que le grief doit être écarté pour autant qu'il est tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime.

C - Sur la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, sur l'abus de pouvoir et la violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité

1. Arguments des parties

258.
    La requérante expose, d'abord, qu'il n'existe pas de base légale pour l'application par la Commission de nouvelles lignes directrices qui ne sont pas couvertes par l'habilitation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Dans ses lignes directrices, la Commission aurait déterminé des points de départ pour le calcul du montant de l'amende tellement élevés qu'ils privent la Commission de la marge d'appréciation qui lui est octroyée pour prendre en considération tous les facteurs pertinents, y compris d'éventuelles circonstances atténuantes.

259.
    Dans ce contexte, la requérante conteste la manière suivant laquelle les lignes directrices ont schématisé le degré de gravité de l'infraction, en classant les infractions en trois catégories. Dans le cas de petites et moyennes entreprises, le classement de l'infraction dans les catégories «graves» et «très graves» aboutirait,en effet, régulièrement à ce que le point de départ calculé en considération du seul critère matériel de la gravité atteigne déjà la limite supérieure de l'amende pouvant être infligée conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ou même la dépasse considérablement. Ainsi, dans le cas de la requérante, le point de départ aurait été fixé à 5 millions d'écus, alors que, selon les calculs de la Commission, le plafond admissible en vertu du règlement n° 17 aurait été de 1 910 000 écus.

260.
    Dès lors, cette schématisation de la gravité de l'infraction aboutirait à ce que, dans le cas des petites et moyennes entreprises, de par la prise en compte de leur chiffre d'affaires, la durée de l'infraction n'entre pratiquement plus en ligne de compte. Cependant, conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la durée de l'infraction constituerait un critère matériel impératif pour la détermination du montant de l'amende. En reconnaissant qu'on ne pourrait établir des amendes supérieures au plafond fixé par le règlement n° 17, même dans les cas où la gravité et la durée justifieraient une telle sanction, la Commission elle-même admettrait que les lignes directrices ne sont plus couvertes par la disposition d'habilitation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui prescrit qu'il y a lieu de prendre en considération outre la gravité de l'infraction, également la durée de celle-ci. Dans un grand nombre de cas, ce serait seulement la gravité de l'infraction qui déterminerait l'amende, ce qui serait contraire au texte et à l'esprit de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. De plus, cette méthode de calcul conduirait à un traitement discriminatoire à l'égard des entreprises à l'encontre desquelles on ne retient qu'une infraction de moindre durée que celles d'autres participants à celle-ci, comme ce serait le cas de la requérante.

261.
    De même, dans les cas des petites et moyennes entreprises, les circonstances atténuantes ne se répercuteraient pas non plus sur le montant de l'amende, ce qui aboutirait également à un traitement discriminatoire à l'égard des entreprises pour lesquelles les circonstances atténuantes existent, mais ne peuvent plus influencer le résultat final du calcul du montant de l'amende. En revanche, s'agissant d'entreprises pour lesquelles le montant de base n'atteint pas le plafond admissible de 10 % du chiffre d'affaires conformément au règlement n° 17, comme c'était le cas d'ABB, les circonstances atténuantes se répercuteraient sur le montant de l'amende.

262.
    Contrairement à l'opinion exprimée par la Commission, le procédé inscrit dans les lignes directrices ne correspondrait pas à la jurisprudence de la Cour selon laquelle, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, il convient de tenir compte d'un nombre important de facteurs et de prendre en considération tous les éléments déterminants du cas d'espèce. L'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne conférerait pas à la Commission la possibilité de créer une pratique administrative dans laquelle, pour un nombre indéterminé de cas, les points de départ de l'amende sont définis de manière générale et abstraite à la manière d'une codification.

263.
    Si, nonobstant cela, le Tribunal devait estimer que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 constitue une base suffisante pour la réforme de la pratique de la Commission en matière d'amendes conformément aux lignes directrices, la requérante soutient que la Commission, en appliquant les lignes directrices, a commis un abus de pouvoir et violé les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité.

264.
    Dans ce contexte, la requérante expose que l'application des lignes directrices a eu pour conséquence que les entreprises de la deuxième et de la troisième catégorie, définies dans la décision, se sont vu infliger des points de départ supérieurs à la limite de 10 % du chiffre d'affaires fixée par le règlement n° 17. En effet, le point de départ fixé dans le cas de la requérante aurait dépassé de près de 200 % le plafond maximal admissible et même, après les majorations appliquées sur la base de la durée de l'infraction, de près de 300 %. Il ne saurait être question d'une amende adéquate dans le cas où la fixation d'un montant abstrait ne se réfère en aucune façon au chiffre d'affaires des entreprises concernées, comme cela serait exigé par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

265.
    Selon la requérante, le fait que la Commission n'a pas pris en considération les différences individuelles quant à la durée de l'infraction et aux circonstances aggravantes et atténuantes en ce qui concerne toutes les entreprises concernées constitue en soi un abus de pouvoir et aboutit à un traitement discriminatoire. Dans la détermination du montant de l'amende qui a été fixée en définitive, la Commission aurait dû tenir compte du degré de participation et du rôle individuel de la requérante dans le cadre de l'entente.

266.
    À cet égard, la requérante fait observer que le fait de ne pas prendre en considération la durée de l'infraction constitue, dans la présente affaire, une discrimination de la requérante par rapport aux autres entreprises. Pour les entreprises de la troisième catégorie, la Commission aurait en effet estimé, lors de la pondération de l'amende en fonction de la durée, qu'une majoration de x 1,4 était applicable à Tarco et à Dansk Rørindustri, tandis qu'une majoration de x 1,33 était applicable à la requérante en raison de la moindre durée et du caractère sporadique de sa participation avant 1994. Or, eu égard au plafond maximal admissible conformément au règlement n° 17, la durée différente et le caractère sporadique de la participation retenus en faveur de la requérante par rapport à Tarco et à Dansk Rørindustri n'auraient pas influencé le montant final de l'amende.

267.
    Ce faisant, la Commission se serait écartée de sa pratique administrative, notamment illustrée par sa décision Carton, dans laquelle elle a apprécié les amendes de manière individuelle, en prenant en considération la durée différente de la participation de chaque entreprise à l'infraction. Dans la décision Carton, une durée moindre de l'infraction aurait entraîné un pourcentage moins élevé et, de ce fait, une amende inférieure.

268.
    La méthode appliquée par la Commission aurait également conduit à ce que les «chefs de file» de l'entente se soient vu infliger des amendes inférieures au plafond de 10 % du chiffre d'affaires fixé par le règlement n° 17, tandis qu'une sanction maximale de 10 % du chiffre d'affaires serait prononcée à l'encontre d'un des «membres ordinaires». Dans la présente affaire, en effet, le rôle moins important de la requérante dans l'entente n'aurait pas mené à un traitement moins sévère que celui appliqué au groupe Henss/Isoplus, dont le rôle de chef de file a été reconnu par la Commission, étant donné que tant la requérante que le groupe Henss/Isoplus se seraient vu infliger une amende qui atteint la limite supérieure de 10 % du chiffre d'affaires fixé par le règlement n° 17. Par rapport à une entreprise comme ABB, pour laquelle, eu égard au chiffre d'affaires plus élevé, le plafond maximal de 10 % n'était pas atteint, le niveau de l'amende infligée à la requérante serait, en pourcentage, bien plus élevé, et ce alors même que la Commission considérait ABB également comme chef de file de l'entente. De fait, l'amende finalement infligée à la requérante atteindrait presque 8 % de son chiffre d'affaires, tandis que l'amende infligée à ABB s'élèverait à 0,25 % du chiffre d'affaires de cette dernière.

269.
    La requérante fait observer que la Commission estime avoir pris en considération son rôle lors de la différenciation du point de départ pour le calcul du montant de l'amende. Cependant, la Commission méconnaîtrait ainsi le fait qu'en invoquant le moyen tiré de l'abus de pouvoir la requérante attaque la nouvelle méthode des lignes directrices dans son ensemble. En effet, lorsque le point de départ est supérieur au montant maximal de l'amende défini par le règlement n° 17, ce serait, malgré la série d'opérations arithmétiques effectuées, en définitive, ce point de départ qui détermine le niveau de l'amende.

270.
    En infligeant l'amende maximale d'un montant de 10 % du chiffre d'affaires pertinent conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission serait allée au-delà du niveau de toutes les amendes infligées à ce jour. Dans la décision Carton, par exemple, le montant de base maximal qui a été infligé n'aurait représenté que 9 % du chiffre d'affaires pertinent et n'aurait d'ailleurs été utilisé qu'à l'égard des chefs de file de l'entente, tandis que le montant de base de l'amende infligée aux membres ordinaires se situait entre 5 et 7,5 % dudit chiffre d'affaires. Bien qu'il soit reconnu que la Commission est en droit d'augmenter le niveau général des amendes lorsqu'elle l'estime nécessaire afin de renforcer l'effet dissuasif de celles-ci, le fait d'infliger l'amende maximale dans la présente affaire ne serait pas motivé par une élévation générale du niveau des amendes. Dans la décision attaquée, la Commission n'aurait ni allégué ni justifié une telle considération. Au contraire, l'amende maximale serait la conséquence de l'application schématique du critère matériel de la gravité de l'infraction de l'article 15 du règlement n° 17 dans le cadre des lignes directrices.

271.
    La défenderesse conteste que la méthode de calcul indiquée dans les lignes directrices dépasse le cadre des pouvoirs qui lui sont attribués par le règlement n° 17.

272.
    Selon la défenderesse, la détermination, en fonction du degré de gravité de l'infraction, d'un montant absolu comme point de départ général pour le calcul du montant de l'amende correspond à la jurisprudence selon laquelle la gravité de l'infraction doit être appréciée en fonction d'un certain nombre de facteurs, parmi lesquels le chiffre d'affaires auquel ne peut être donné une importance exagérée.

273.
    En effet, la méthode énoncée dans les lignes directrices partirait de la constatation que, conformément à la jurisprudence, il faudrait tenir compte, pour assurer une dissuasion suffisante des amendes, du dommage causé par l'infraction ainsi que du gain obtenu grâce à elle. À cet égard, le seul chiffre d'affaires d'une entreprise participant à l'entente ne donnerait que des indications inexactes. En fixant un point de départ absolu correspondant au type d'infraction telle qu'elle se présente en tant qu'ensemble, la méthode énoncée dans les lignes directrices permettrait de refléter les dommages causés par l'entente, qui doivent être imputés à celle-ci dans son ensemble. Quant au profit qu'une entreprise aurait pu tirer de sa participation à une entente, il ne serait pas non plus nécessairement proportionnel à son chiffre d'affaires. De plus, les lignes directrices indiqueraient qu'il peut convenir d'établir une pondération pour chaque entreprise concernée, surtout lorsque les entreprises ayant participé à l'infraction sont de dimensions très différentes. En l'espèce, la Commission aurait fait usage de cette possibilité dans une mesure appropriée, en retenant, dans le cas de la requérante, au lieu du montant minimal de 20 millions d'écus prévu pour les «infractions très graves», un montant de 5 millions d'écus.

274.
    La requérante ne saurait contester la légalité des lignes directrices en soutenant que la détermination d'un montant élevé comme point de départ du calcul conduise à ce que, dans de nombreux cas, d'autres éléments tels que la durée de la participation à l'infraction et les circonstances atténuantes n'aient plus aucune influence effective sur le montant final de l'amende. Un tel argument mélangerait l'étude in abstracto des lignes directrices et l'analyse du calcul effectué in concreto par la Commission. Toutefois, il serait impossible de calculer le montant précis de l'amende à partir des lignes directrices qui auraient pour objet la méthode de détermination des amendes et non pas leur niveau général, voire leur montant dans un cas particulier. À ce propos, la Commission disposerait d'un large pouvoir d'appréciation pour fixer le montant approprié (arrêt Buchmann/Commission, précité, point 164).

275.
    De plus, un tel argument ne pourrait en aucun cas entraîner la réduction de l'amende, étant donné que, dans le cas de la requérante, l'aspect de la durée a justifié une majoration de l'amende par rapport au point de départ et que des circonstances atténuantes n'étaient pas présentes.

276.
    Par ailleurs, la méthode critiquée par la requérante serait parfaitement conforme aux dispositions de l'article 15 du règlement n° 17. Alors qu'il est vrai que la durée de l'infraction doit être prise en considération elle aussi, cela ne pourrait toutefois pas s'effectuer d'une façon qui conduise à modifier l'appréciation de la gravité del'infraction pour permettre que la prise en compte de certaines différenciations, par exemple en termes de durée, n'entraîne pas un montant final de l'amende allant au-delà de la limite de 10 % de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. L'appréciation de la gravité et de la durée se baserait sur les circonstances de l'infraction et n'aurait rien à voir avec l'application de la limite de 10 %, dont le seul but est de ménager la solvabilité des entreprises.

277.
    Ensuite, il faudrait également rejeter l'argument selon lequel l'application des lignes directrices dans le cas d'espèce constitue un abus de pouvoir de la Commission. À ce propos, la requérante chercherait à transposer au cas d'espèce les doutes à caractère général qu'elle soulève contre les lignes directrices du point de vue de leur légalité. La Commission expose qu'elle n'a pas outrepassé en l'espèce le cadre de ses pouvoirs défini à l'article 15 du règlement n° 17.

278.
    À propos de la limite de 10 % du chiffre d'affaires, fixé par l'article 15 du règlement n° 17, la Commission précise que celle-ci se rapporte au montant final de l'amende et non pas aux montants qui figurent comme étapes intermédiaires du calcul. Cette limite ne viserait pas à faire abaisser, de manière à laisser encore de la place pour une différenciation, une sanction qui a été déterminée correctement au regard de la gravité de l'infraction, même si elle semble très élevée par rapport au chiffre d'affaires global.

279.
    En ce qui concerne le grief selon lequel la Commission a fixé un montant de départ abstrait qui ne se réfère en aucune façon aux chiffres d'affaires des entreprises concernées, comme l'exigerait l'article 15 du règlement n° 17, la Commission réitère qu'il n'était pas nécessaire de prendre en considération les chiffres d'affaires globaux au sens du règlement n° 17 pour fixer le point de départ général de 20 millions d'écus, basé sur le caractère extrêmement grave de l'infraction. La Commission souligne qu'elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la détermination du montant des amendes. Pour que ce pouvoir ait un sens, il faudrait que la Commission soit en droit de pondérer les différents facteurs en fonction des constatations qu'elle a faites et de la situation du cas d'espèce. Il ressortirait de la jurisprudence que, dans la détermination du montant de l'amende, on ne pourrait attribuer une importance disproportionnée à une donnée déterminée, telle que le chiffre d'affaires. Dans le cas de la requérante, il n'existerait aucune raison de tenir compte, pour la fixation du point de départ de l'amende, du chiffre d'affaires global ou de la limite de 10 % de ce chiffre d'affaires prévue par le règlement n° 17.

280.
    Par ailleurs, la Commission aurait aussi tenu compte, dans son appréciation, de l'importance relative des entreprises sur le marché concerné, ce qui aurait abouti à ce que le point de départ de 20 millions d'écus soit ramené à un quart dans le cas de la requérante et des trois autres entreprises de la même catégorie.

281.
    Quant à la prétendue discrimination, la Commission rappelle que les quatre entreprises de la troisième catégorie se trouvaient en réalité dans la même situation au regard du règlement n° 17. Pour toutes les quatre, la gravité de l'infractionréclamait, en principe, une sanction dépassant le maximum prévu par le règlement n° 17, et cela même si l'on prend une période de référence d'une seule année, si l'on tient compte de leur position sur le marché et si l'on fait abstraction de circonstances aggravantes supplémentaires. La rigidité que la requérante reproche au système de la Commission résiderait en fait dans la limite même de 10 %, pour laquelle le règlement ne tolère aucune exception. En outre, ce système se serait répercuté d'une façon très favorable pour la requérante si on compare le montant de son amende au montant de 8 millions d'écus ayant été réellement justifié.

282.
    Selon la défenderesse, la requérante ne peut donc soutenir qu'il existe une discrimination dans la pondération de l'amende en fonction de la durée. Il ne pourrait être question de situations différentes qui auraient été traitées de manière égale, puisque tant la requérante que Tarco et Dansk Rørindustri ont dû payer l'amende maximale admissible selon le règlement n° 17, alors que le coefficient de la durée était moins élevé pour la requérante que pour ces deux autres entreprises. En réalité, toutes ces entreprises auraient été dans une situation semblable au regard de l'économie du règlement n° 17. Étant donné que pour chacune des entreprises concernées le montant qui était en principe approprié dépassait le montant maximal admissible selon le règlement n° 17 et que toutes les entreprises ont payé ce montant maximal, le principe d'égalité de traitement aurait été respecté.

283.
    À cet égard, la requérante prétendrait à tort que, contrairement aux lignes directrices, la méthode appliquée dans la décision Carton, qui se basait sur le chiffre d'affaires «pertinent», aurait permis dans tous les cas d'effectuer la différenciation nécessaire en fonction des facteurs individuels comme la durée de la participation. En effet, une telle méthode n'exclurait pas de fixer une amende d'un montant dépassant 10 % du chiffre d'affaires pertinent. D'ailleurs, lorsque le chiffre d'affaires pertinent est identique au chiffre d'affaires global, une telle méthode ne permettrait pas non plus d'assurer la différenciation demandée.

284.
    De même, on ne saurait constater une discrimination dans le fait que l'amende infligée à la requérante soit proportionnellement plus élevée que celle infligée à ABB. En effet, les même critères auraient été appliqués à ABB et à la requérante, mis à part des facteurs supplémentaires basés sur la situation particulière d'ABB, qui a justement conduit à une augmentation du montant de l'amende infligée à cette dernière. À partir du point de départ de 20 millions d'écus, il aurait d'abord été tenu compte, comme pour la requérante, de la capacité économique d'ABB à porter gravement atteinte à la concurrence ainsi que de son importance relative sur le marché concerné. Vu la position d'ABB en tant que l'un des principaux groupes industriels européens, la Commission aurait ajusté le montant de départ vers le haut, afin d'assurer un effet suffisamment dissuasif. En plus de ces pondérations, qui ont abouti à un montant de départ pour le calcul du montant de l'amende à infliger à ABB de 50 millions d'écus, le coefficient de la durée ainsi que lescirconstances aggravantes auraient pleinement contribué à la majoration effective du montant de l'amende, ce qui n'aurait pas été le cas pour la requérante.

285.
    Enfin, la comparaison avec la décision Carton serait dénuée de toute pertinence étant donné que, en l'espèce, la Commission n'aurait pas suivi la même méthode de calcul que dans cette décision. Plusieurs éléments de la présente affaire ne permettraient pas non plus de la comparer directement avec l'affaire ayant donné lieu à la décision Carton, notamment les caractéristiques de l'infraction décrites au considérant 165 de la décision, à savoir le système frauduleux des soumissions concertées ainsi que l'application rigoureuse du système commun. Par ailleurs, si la Commission avait conservé la méthode de calcul de la décision Carton, elle aurait été en droit de considérer le niveau de 7,5 % du chiffre d'affaires concerné comme manifestement insuffisant pour assurer l'effet dissuasif des amendes dans la présente affaire. En effet, même après l'adoption et la publication de la décision Carton, la requérante aurait continué à participer aux activités de l'entente.

2. Appréciation du Tribunal

286.
    Il convient d'observer que la requérante invoque, en premier lieu, la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, dans la mesure où, par l'adoption de ses lignes directrices, la Commission s'est privée de la marge discrétionnaire octroyée par cette disposition, notamment pour tenir compte de la durée de l'infraction et d'éventuelles circonstances atténuantes. En second lieu, la requérante soutient que la Commission, en appliquant les lignes directrices, a commis un abus de pouvoir et violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

- Sur la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 par les lignes directrices

287.
    Il y a lieu d'observer, ainsi que cela a été relevé aux points 222 à 230 ci-dessus, que la méthode annoncée par la Commission, dans ses lignes directrices, du calcul du montant des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 est restée dans le cadre légal imposé par cette disposition.

288.
    De plus, il faut relever, comme il est évoqué aux points 223 à 227 ci-dessus, que les lignes directrices prévoient que, pour le calcul du montant des amendes, un montant de base soit déterminé en fonction tant de la gravité que de la durée de l'infraction, qui devra être pondéré, le cas échéant, pour tenir compte des circonstances aggravantes, des circonstances atténuantes et afin de prendre en considération la coopération de l'entreprise au cours de la procédure administrative. Dès lors, on ne saurait prétendre que la Commission n'a pas tenu compte, dans l'élaboration des lignes directrices, de la jurisprudence selon laquelle la gravité d'une infraction doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignanteou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir point 236 ci-dessus).

289.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, les lignes directrices ne privent pas la Commission de la marge discrétionnaire qui lui est octroyée par le règlement n° 17.

290.
    La requérante prétend que ces lignes directrices permettent à la Commission d'imposer, en fonction de la gravité de l'infraction, un point de départ pour le calcul du montant de l'amende tellement élevé que, eu égard au fait que, selon l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, le montant de l'amende ne peut en aucun cas dépasser le plafond de 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, il n'y a plus, dans certains cas, de possibilité pour d'autres facteurs, tels que la durée ou les circonstances atténuantes ou aggravantes, d'avoir encore un effet sur le niveau de l'amende.

291.
    À cet égard, il convient d'observer que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en disposant que la Commission peut infliger des amendes d'un montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, exige, en effet, que l'amende qui sera finalement imposée à une entreprise soit réduite au cas où elle dépasse 10 % de son chiffre d'affaires, indépendamment des opérations de calcul intermédiaires destinées à prendre en compte la gravité et la durée de l'infraction.

292.
    Par conséquent, l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n'interdit pas à la Commission de se référer, au cours de son calcul, à un montant intermédiaire dépassant 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, pour autant que l'amende finalement imposée à cette entreprise ne dépasse pas cette limite maximale.

293.
    Les lignes directrices vont, d'ailleurs, dans le même sens, en énonçant que «le résultat final du calcul de l'amende selon ce schéma (montant de base affecté des pourcentages d'aggravation et de diminution) ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial des entreprises conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17» [point 5, sous a)].

294.
    Dans un cas où la Commission se réfère, lors de son calcul, à un montant intermédiaire dépassant 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, il ne saurait lui être reproché le fait que certains facteurs pris en considération lors de son calcul ne se répercutent pas sur le montant final de l'amende, étant donné que cela est la conséquence de l'interdiction prévue par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 de dépasser 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée.

295.
    De plus, il faut observer que, contrairement à ce que prétend la requérante, les lignes directrices permettent à la Commission de prendre en considération, lorsque les circonstances l'exigent, la situation particulière dans laquelle se trouvent les petites et moyennes entreprises par rapport aux entreprises qui disposent, sur le marché en cause ou globalement, d'un chiffre d'affaires supérieur.

296.
    Il s'avère, en effet, que, dans l'application des lignes directrices, le chiffre d'affaires des entreprises concernées peut entrer en ligne de compte lors de la prise en considération de la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs et de la nécessité d'assurer à l'amende un caractère suffisamment dissuasif ou lors de la prise en considération du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps d'infrastructures «juridico-économiques» suffisantes pour posséder des connaissances qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence (voir point 224 ci-dessus). Le chiffre d'affaires des entreprises concernées peut également entrer en ligne de compte lors de la détermination du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature (voir point 225 ci-dessus). De même, le chiffre d'affaires des entreprises peut donner une indication de l'avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction ou d'autres caractéristiques propres à ceux-ci qu'il convient, selon les circonstances, de prendre en considération (voir point 228 ci-dessus).

297.
    De plus, les lignes directrices disposent que le principe d'égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l'exigent, à l'application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation obéisse à un calcul arithmétique (point 1 A, septième alinéa).

298.
    Pour autant que la requérante s'appuie sur la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, son grief doit donc être rejeté.

- Sur l'abus de pouvoir et la violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement

299.
    En ce qui concerne les arguments tirés d'un abus de pouvoir et d'une violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, il y a lieu d'observer, d'abord, que la Commission a estimé qu'il s'agissait, en l'espèce, d'une infraction très grave, pour laquelle l'amende normalement imposable est de 20 millions d'écus (considérant 165 de la décision).

300.
    Ensuite, la Commission, afin de tenir compte de la disparité dans la taille des entreprises ayant pris part à l'infraction, a fixé les points de départ spécifiques pour le calcul du montant des amendes, dans un premier temps, selon l'importance deces entreprises sur le marché concerné, sous réserve d'ajustements destinés à tenir compte de la nécessité d'assurer une dissuasion effective (considérant 166, deuxième à quatrième alinéa, de la décision). Il résulte des considérants 168 à 183 de la décision que les quatre catégories se sont vu imposer, dans l'ordre d'importance, pour le calcul du montant des amendes, des points de départ spécifiques de 20, 10, 5 et 1 millions d'écus.

301.
    Quant aux points de départ spécifiques, la Commission a expliqué, à la suite d'une question posée par le Tribunal, que ces montants reflètent l'importance de chaque entreprise dans le secteur des conduites précalorifugées compte tenu de sa taille et de son poids par rapport à ABB dans le contexte de l'entente. À cette fin, la Commission a tenu compte non seulement de leur chiffre d'affaires sur le marché concerné, mais également de l'importance relative que les membres de l'entente attribuaient à chacun d'eux, comme cela ressort des quotas convenus au sein de l'entente, figurant à l'annexe 60 de la communication des griefs, et des résultats obtenus et envisagés en 1995, figurant aux annexes 169 à 171 de la communication des griefs.

302.
    De plus, la Commission a encore augmenté le point de départ spécifique d'ABB, jusqu'à 50 millions d'écus, afin de tenir compte de sa position en tant qu'un des principaux groupes européens (considérant 168 de la décision).

303.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, il n'est pas question d'une discrimination de la requérante par rapport à ABB pour la seule raison que la requérante s'est vu imposer une amende qui est supérieure, en pourcentage de son chiffre d'affaires, à l'amende imposée à ABB.

304.
    En effet, il y a lieu d'observer que, pour l'amende à infliger à ABB, la Commission est partie d'un point de départ dix fois plus élevé que le point de départ de 5 millions d'écus imposé à la requérante. Or, eu égard à l'ensemble des facteurs pertinents pris en considération dans la fixation des points de départ spécifiques, il convient d'estimer que la différence entre le point de départ retenu pour la requérante, d'une part, et le point de départ retenu pour ABB, d'autre part, est objectivement justifiée. Étant donné que la Commission n'est pas tenue d'assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différence entre celles-ci quant à leurs chiffres d'affaires, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de lui avoir imposé un point de départ qui a conduit à une amende supérieure, en pourcentage de son chiffre d'affaires, à l'amende imposée à ABB.

305.
    Dans ces circonstances, la requérante ne saurait non plus reprocher à la Commission de n'avoir pas fixé son point de départ spécifique de telle manière que les différences individuelles quant à la durée de sa participation à l'infraction et aurôle joué par la requérante dans l'entente se répercutent sur le montant de son amende.

306.
    À cet égard, il faut remarquer encore que la requérante ne saurait prétendre que la Commission a commis une erreur dans l'appréciation de la durée de sa participation à l'infraction ou de son rôle dans l'entente. D'une part, en ce qui concerne la durée de l'infraction, il suffit de rappeler, ainsi que le Tribunal l'a constaté ci-dessus, que la Commission a retenu à juste titre une participation de la requérante s'étendant de décembre 1990 jusqu'à mars ou avril 1996, en tenant compte d'une période de suspension de l'entente, et qu'elle a, de plus, tenu compte, au point 178 de la décision, pour la requérante, d'une moindre durée de l'infraction et du caractère sporadique de sa participation avant 1994, pour lui imposer une majoration de x 1,33 au lieu de la majoration de x 1,4 applicable à ABB, Løgstør, Tarco et Dansk Rørindustri. D'autre part, en ce qui concerne le rôle joué par la requérante par rapport au rôle joué par ABB et Henss/Isoplus, il y a lieu d'observer que, pour ces dernières, la Commission a tenu compte de circonstances aggravantes conduisant à une majoration du montant de l'amende de 50 % et de 30 %, respectivement, alors que la requérante ne s'est vu accorder, comme circonstance aggravante, que la poursuite délibérée de l'infraction après l'enquête, conduisant à une seule majoration de 20 %. Or, la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure ces pondérations à la baisse et à la hausse auraient entraîné une discrimination à son détriment.

307.
    Pour toutes ces raisons, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante également dans la mesure où ils sont tirés d'un abus de pouvoir ou d'une violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

D - Sur l'appréciation erronée des circonstances atténuantes et aggravantes

1. Arguments des parties

308.
    La requérante reproche à la Commission de n'avoir reconnu aucune circonstance atténuante à son égard. Au cours de la procédure administrative, la requérante aurait toutefois exposé plusieurs circonstances qui devaient être prises en considération en tant que circonstances atténuantes.

309.
    Premièrement, la Commission aurait dû tenir compte de la situation difficile dans le secteur des conduites précalorifugées. Durant la période de référence, le marché aurait été caractérisé par des surcapacités. Les concurrents se seraient livrés à des guerres des prix acharnées, notamment sur le marché allemand, qui ont abouti à une baisse du niveau des prix telle que l'existence des petites et moyennes entreprises, comme celle de la requérante, aurait été menacée. Dans la décision 98/247/CECA de la Commission, du 21 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA (IV/35.814 - Extra d'alliage) (JO L 100, p. 55, ci-après la «décision Extra d'alliage»), les difficultés économiquesdu secteur auraient été retenues comme une circonstance atténuante justifiant une minoration pouvant atteindre 30 %.

310.
    Deuxièmement, la requérante expose que ses coûts salariaux étaient plus élevés que ceux de ses concurrents alors qu'elle était le seul producteur de conduites précalorifugées à avoir une capacité de production principalement située en Allemagne et en Suisse. En raison des pertes financières mettant en péril son existence, elle n'aurait pu se maintenir sur le marché que grâce à l'apport de moyens financiers complémentaires.

311.
    Troisièmement, la requérante n'aurait pas joué un rôle déterminant dans l'entente, ce qui paraît être admis par la Commission qui ne mentionne comme instigateurs qu'ABB, Løgstør et le groupe Henss/Isoplus.

312.
    Quatrièmement, la décision de la requérante d'étendre ses activités au marché danois aurait largement contribué à la dissolution de l'entente au Danemark, à laquelle elle n'a pas pris part.

313.
    Cinquièmement, la requérante n'aurait pas pris de mesures à l'encontre de Powerpipe, elle n'aurait pas participé à ce genre de mesures et ne les aurait pas davantage encouragées ni soutenues. Or, pour la non-participation au boycottage de Powerpipe, la Commission aurait accordé à KWH une réduction de 20 % de l'amende.

314.
    Sixièmement, à la suite de la dissolution de l'entente au début de 1996, la requérante aurait pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher la continuation de l'infraction ou de nouvelles infractions. Un programme de mise en conformité avec le droit communautaire aurait été mis en oeuvre avec ses collaborateurs importants, donnant à ces derniers des explications détaillées concernant les comportements illicites au regard du droit de la concurrence.

315.
    Septièmement, la présente affaire constituerait la première procédure dans laquelle l'article 85, paragraphe 1, du traité a été appliqué dans le secteur du chauffage urbain.

316.
    De plus, la requérante conteste aussi le fait que la Commission a retenu comme circonstance aggravante justifiant une majoration de l'amende la poursuite de l'infraction après l'enquête. En effet, il serait de pratique administrative constante de la part de la Commission de retenir la cessation d'une infraction après les vérifications en tant que circonstance atténuante justifiant une réduction de l'amende.

317.
    La défenderesse estime que tous les arguments relatifs à des prétendues circonstances atténuantes doivent être rejetés.

2. Appréciation du Tribunal

318.
    Il convient d'observer que, en l'espèce, la Commission a pu légitimement considérer qu'aucune circonstance atténuante ne devait être reconnue à la requérante.

319.
    D'abord, la requérante ne saurait tirer argument de la situation difficile dans laquelle se trouvait le secteur du chauffage urbain, notamment de la baisse des prix causée par les surcapacités de production de ses concurrents. En effet, contrairement à ce qui était le cas dans l'affaire ayant conduit à la décision Extra d'alliage, où une augmentation du prix des matières premières avait aggravé de manière déterminante la situation dans le secteur, les surcapacités évoquées par la requérante étaient dues aux entreprises elles-mêmes. Étant donné que la requérante ne conteste pas la constatation de la Commission selon laquelle les prix des matières premières ont baissé de 20 % pendant la période comprise entre 1990 et le milieu de 1994 (considérant 125, quatrième alinéa, de la décision), l'assertion de la requérante selon laquelle, vers la fin de cette période, il y a eu une augmentation de ces prix, à supposer qu'elle soit établie, ne saurait conduire à une réduction du montant de son amende.

320.
    En tout état de cause, le seul fait que la Commission a considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l'amende n'implique pas qu'elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (arrêt Mayr-Melnhof/Commission, précité, point 368).

321.
    De même, la requérante ne saurait invoquer sa situation financière particulière due notamment à des coûts salariaux supérieurs. En effet, il ressort d'une jurisprudence constante que la Commission n'est pas obligée, lors de la détermination du montant de l'amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d'une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d'une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt IAZ e.a./Commission, précité, points 54 et 55; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T-319/94, Rec. p. II-1331, points 75 et 76, et Enso Española/Commission, T-348/94, Rec. p. II-1875, point 316). Pour la même raison, on ne peut obliger la Commission à tenir compte de la situation financière dans laquelle se trouvait une entreprise lors de sa participation à l'infraction en cause.

322.
    Ensuite, la requérante ne saurait soutenir que le fait qu'elle n'était pas un des chefs de file de l'entente aurait dû conduire à une réduction du montant de son amende, étant donné que, ce faisant, elle ne fait valoir que l'absence d'une circonstance aggravante. En effet, il ressort des considérants 171, 176 et 179, troisième alinéa, de la décision que, en ce qui concerne les entreprises qui ont joué un rôle important dans l'entente, la Commission a tenu compte, à juste titre, d'un tel rôle en tant que circonstance aggravante entraînant une majoration du montant de leur amende.

323.
    Quant à l'entrée de la requérante sur le marché danois, il convient d'observer que celle-ci n'a pas été la seule cause, en 1993, de la déliquescence temporaire de l'entente sur le marché danois. En effet, il ressort des déclarations d'ABB et de Løgstør que les tensions qui, à cette époque, ont conduit à cette déliquescence étaient dues également au comportement agressif de Løgstør, qui demandait une part de marché supérieure (observations de Løgstør sur la communication des griefs et réponse d'ABB). Étant donné que, à la suite des désaccords intervenus entre elles en ce qui concerne le marché danois, les entreprises concernées, dont la requérante, ont entamé leurs négociations relatives à la répartition du marché allemand, ainsi que cela a été constaté aux points 50 à 57 ci-dessus, le comportement de la requérante ne pouvait constituer une circonstance atténuante.

324.
    La requérante ne peut non plus invoquer l'application d'une quelconque réduction du montant de l'amende en raison de sa non-participation au boycottage de Powerpipe. En effet, il a été jugé, aux points 120 à 133 ci-dessus, que la requérante a participé à l'accord visant au boycottage de Powerpipe.

325.
    À cet égard, la requérante ne saurait réclamer la même réduction que celle accordée à ce sujet à KWH, étant donné que cette dernière a fait preuve de désobéissance à l'égard de l'accord adopté le 24 mars 1995, assumant, de cette façon, le risque de conflits et de pressions qu'une telle désobéissance entraîne.

326.
    Ensuite, il ne saurait être reproché à la Commission de n'avoir pas considéré comme circonstance atténuante la mise en oeuvre par la requérante d'un programme interne de mise en conformité avec le droit communautaire. En effet, s'il est, certes, important que la requérante ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir par des membres de son personnel, ce fait ne change rien à la réalité de l'infraction qui a été constatée en l'espèce (arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, précité, point 357). En outre, il ressort de la jurisprudence que, si la mise en oeuvre d'un programme pour se conformer aux règles communautaires de la concurrence démontre la volonté de l'entreprise en cause de prévenir les infractions futures et constitue donc un élément permettant à la Commission de mieux accomplir sa mission consistant, notamment, à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens les entreprises, le seul fait que, dans certains cas, la Commission ait pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la mise en place d'un tel programme en tant que circonstance atténuante n'implique pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans un cas déterminé (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, précité, point 83, et Mo och Domsjö/Commission, T-352/94, Rec. p. II-1989, point 417). Il en est d'autant plus ainsi lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une infraction procédant d'un accord sur les prix et sur une répartition du marché constituant une violation manifeste de l'article 85, paragraphe 1, sous a) et c), du traité.

327.
    Étant donné que l'incompatibilité de l'entente en cause avec les règles de la concurrence est explicitement affirmée à l'article 85, paragraphe 1, sous a) et c), du traité et qu'elle est consacrée par une jurisprudence constante, la requérante ne saurait non plus invoquer le fait que l'article 85 du traité n'a pas encore été appliqué au secteur du chauffage urbain. Dans ces circonstances, en effet, la requérante a dû être informée de l'illégalité de ses comportements.

328.
    Enfin, en ce qui concerne la prise en compte de la poursuite de l'infraction après les vérifications de la Commission, il y a lieu d'observer, d'abord, que la requérante ne conteste pas avoir poursuivi sa participation à l'infraction après ces vérifications.

329.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, le fait que la cessation d'une infraction après les premières interventions de la Commission peut être retenue comme circonstance atténuante ne signifie pas que la poursuite d'une infraction dans une telle situation ne peut être considérée comme une circonstance aggravante. En effet, la réaction d'une entreprise à une enquête concernant ses activités ne peut être appréciée qu'en tenant compte du contexte particulier du cas d'espèce. Étant donné que la Commission ne peut donc être tenue, en règle générale, ni de retenir une poursuite de l'infraction comme circonstance aggravante, ni de considérer la cessation d'une infraction comme circonstance atténuante, la possibilité qu'elle qualifie une telle cessation, dans un cas particulier, de circonstance atténuante ne peut la priver de son pouvoir de retenir une telle poursuite, dans un autre cas, comme circonstance aggravante.

330.
    Partant, le grief tiré d'une appréciation erronée des circonstances atténuantes et aggravantes ne peut être accueilli.

E - Sur l'application erronée de la communication sur la coopération

1. Arguments des parties

331.
    La requérante observe que la réduction de 20 % de l'amende accordée pour sa coopération lors de la procédure administrative diverge considérablement de la pratique administrative suivie dans la décision Carton. De plus, la Commission aurait appliqué sa propre communication sur la coopération d'une manière erronée et discriminatoire.

332.
    La requérante expose d'abord que, pour sa coopération active, elle a été moins récompensée que les entreprises impliquées dans l'affaire Carton, dans laquelle des entreprises s'étaient vu accorder des réductions d'un tiers de l'amende pour ne pas avoir nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs à leur encontre et d'autres entreprises des réductions de deux tiers de l'amende du fait de leur reconnaissance spontanée de l'infraction et pour avoir fourni des preuves détaillées ou avoir remis volontairement à la Commission des documents importants. Cela serait incompatible avec la constatation contenue dans le considérant 180 de la décision selon laquelle la requérante se situe «peut-êtreà la frontière entre la coopération active avec la Commission et le simple fait d'admettre ce qui ne pouvait être nié dans [ses] réponses aux demandes de renseignements qui [lui] ont été adressées en vertu de l'article 11 du règlement n° 17».

333.
    Étant donné que la requérante n'a déjà plus contesté la matérialité des faits très précocement, à savoir dans sa réponse à la première demande de renseignements, la Commission n'aurait pu lui octroyer une réduction inférieure à la réduction d'un tiers de l'amende, accordée dans la décision Carton pour le simple fait de ne pas avoir nié les allégations de fait après la communication des griefs.

334.
    En outre, la requérante aurait coopéré avec la Commission dans une mesure plus importante et bien plus tôt que les entreprises qui, dans la décision Carton, ont obtenu une diminution de deux tiers de l'amende pour leur coopération active. La requérante se serait déjà déclarée disposée à coopérer après la demande de renseignements de la Commission du 13 mars 1996, elle aurait présenté des informations allant au-delà de la simple réponse aux questions, elle aurait même répondu aux questions illicites et aurait maintenu son attitude constructive jusqu'à l'audition. Elle se serait abstenue de contester les faits et les moyens de preuve que la Commission avait constatés, à bon droit, dans la communication des griefs. Elle n'aurait contesté que les conclusions fondées sur des faits inexacts et/ou sur une appréciation erronée des moyens de preuve, notamment en ce qui concerne la durée de l'infraction et le grief selon lequel elle aurait entravé l'activité commerciale de Powerpipe.

335.
    Ensuite, si le Tribunal devait toutefois estimer que c'est à bon droit que la Commission s'est, contrairement à sa pratique administrative antérieure, référée aux critères de la communication sur la coopération, la Commission aurait commis une erreur d'appréciation en ne réduisant son amende que de 20 %, étant donné que toutes les conditions du point D de ladite communication étaient remplies. En effet, la requérante aurait fourni à la Commission des informations et des moyens de preuve qui ont contribué à la constatation de l'existence de l'infraction avant la communication des griefs et, après avoir reçu cette dernière, n'aurait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. On ne saurait imaginer un cas dans lequel une coopération au sens du point D de la communication aurait pu être plus étendue. Étant donné que le point D prévoit une réduction de 10 à 50 % de l'amende, la Commission aurait donc commis une erreur d'appréciation en omettant d'appliquer le taux maximal de 50 % qui y est prévu.

336.
    En effet, dans sa décision Extra d'alliage, la Commission aurait octroyé, en application du point D de la communication, une réduction de 40 % de l'amende pour une coopération semblable à celle de la requérante de par son importance, mais qui était intervenue sensiblement plus tard.

337.
    La réduction de 20 % de l'amende qui lui a été accordée constituerait une discrimination, en premier lieu, par rapport à ABB, à Løgstør, à Tarco, à KWH et à Brugg, qui ont obtenu une réduction de 30 % pour une coopération qui ne diffère pas, par sa nature ou son importance, de celle de la requérante. Ces autres entreprises n'auraient collaboré avec la Commission ni plus tôt ni dans une plus grande mesure et n'auraient pas apporté une contribution plus importante à l'éclaircissement des faits et à l'accélération de la procédure. À cet égard, il ne serait pas pertinent de savoir si les faits concernés ont été révélés avec ou sans présentation d'autres moyens de preuve documentaires, étant donné que le fait pour une entreprise de joindre des documents additionnels à l'appui des faits qu'elle décrit dépendrait principalement de la question de savoir si la Commission a ou non déjà découvert de tels documents lors des vérifications.

338.
    En second lieu, le traitement accordé à la requérante constituerait une discrimination dans la mesure où une même réduction de 20 % a été accordée à KE KELIT Kunststoffwerk GmbH (ci-après «KE KELIT») pour ne pas avoir contesté, sur le fond, les faits qui lui sont reprochés. Le fait que la coopération de la requérante allait au-delà d'une simple non-contestation aurait été admis dans la décision elle-même, dans laquelle la coopération est décrite comme se situant à la frontière entre la coopération active et le simple fait d'admettre ce qui ne pouvait être nié. Une coopération active commencée en temps utile à la suite de la demande de renseignements de la Commission aurait facilité le travail de cette dernière et contribué davantage à l'avancement de la procédure que le simple fait de ne pas contester les reproches essentiels de la communication des griefs. Dès lors, la Commission aurait dû récompenser la coopération active de la requérante en accordant à cette dernière une minoration de l'amende plus importante que celle accordée à KE KELIT.

339.
    La défenderesse rétorque que le fait qu'elle ait, dans une décision antérieure, accordée une certaine réduction ne l'obligeait pas à accorder la même réduction en l'espèce. Il ne saurait lui être reproché d'avoir appliqué sa nouvelle communication sur la coopération sans retard après sa publication.

340.
    Conformément à la communication, il lui aurait été impossible d'accorder une réduction équivalant à deux tiers de l'amende à une entreprise dans la présente affaire. En tout état de cause, la situation de la requérante n'aurait pas été comparable à celle des entreprises qui, dans la décision Carton, s'étaient vu accorder une réduction de deux tiers de l'amende.

341.
    L'octroi d'une réduction de 20 % de l'amende à la requérante n'aurait pas constitué une erreur d'appréciation au regard de la communication sur la coopération. Ainsi, aucun des documents que la requérante a envoyés à la Commission ne lui aurait apporté une aide additionnelle dans ses investigations sur l'entente ou sur la participation de la requérante. Tous ces documents auraient d'ailleurs été demandés par la Commission dans le cadre de sa demande de renseignements. Or, on ne saurait accorder une réduction de l'amende pourrécompenser une entreprise qui a simplement rempli ses obligations découlant de l'article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17. Dès lors, la situation de la requérante ne pourrait être comparée à celle des entreprises qui, dans la décision Extra d'alliage, s'étaient vu accorder des réductions de 40 % de l'amende.

342.
    Enfin, il ne serait pas question d'une discrimination de la requérante par rapport à la réduction de 30 % de l'amende accordée à ABB, à Brugg, à Løgstør, à KWH et à Tarco, ni à la réduction de 20 % que s'est vu accorder KE KELIT.

2. Appréciation du Tribunal

343.
    Il y a lieu d'observer, au préalable, que la Commission, dans sa communication sur la coopération, a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de l'amende qu'elles auraient autrement dû acquitter (voir point A 3 de la communication sur la coopération).

344.
    Comme cela est mentionné au point E 3 de la communication sur la coopération, celle-ci a créé des attentes légitimes sur lesquelles se fondent les entreprises souhaitant informer la Commission de l'existence d'une entente. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant coopérer avec la Commission ont pu tirer de cette communication, la Commission était donc obligée de s'y conformer lors de l'appréciation, dans le cadre de la détermination du montant de l'amende imposée à la requérante, de sa coopération.

345.
    Il n'est pas contesté que le cas de la requérante ne tombe pas dans le champ d'application du point B de ladite communication, visant le cas où une entreprise a dénoncé une entente secrète à la Commission avant que celle-ci n'ait procédé à une vérification (cas pouvant amener à une réduction d'au moins 75 % du montant de l'amende), ni dans celui du point C de cette communication, concernant une entreprise qui a dénoncé une entente secrète après que la Commission a procédé à une vérification sans que cette dernière ait pu donner une base suffisante pour justifier l'engagement de la procédure en vue de l'adoption d'une décision (cas pouvant amener à une réduction de 50 à 75 % du montant de l'amende).

346.
    En ce qui concerne le point D de la communication sur la coopération, il y a lieu de relever que, aux termes de cette disposition, «[l]orsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 à 50 % de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération». Cette communication précise:

«Tel peut notamment être le cas si:

-    avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

-    après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations.»

347.
    Force est de constater que la requérante n'a pas démontré que la Commission, ayant reconnu qu'elle n'a pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses allégations (considérant 180, troisième alinéa, de la décision), aurait dû lui accorder une réduction supérieure à celle de 20 % dont elle a bénéficié.

348.
    Il convient d'indiquer que, dans la partie de la décision concernant les amendes infligées à chaque entreprise, la Commission a noté, en ce qui concerne la coopération offerte par ABB, qu'il a fallu attendre, pour que cette dernière coopère, l'envoi des demandes de renseignements détaillées, et que, par conséquent, cette entreprise ne saurait bénéficier d'un taux de réduction de 50 % admissible en vertu du point D (considérant 174, troisième et quatrième alinéas). Cette précision, quoique non répétée au sujet de la requérante dans la décision, démontre que la Commission n'était pas prête à accorder une réduction du montant de l'amende de 50 % à une entreprise qui ne lui avait pas communiqué des informations avant la réception d'une demande de renseignements. Or, il est constant que la requérante n'a communiqué des documents à la Commission qu'après avoir reçu de celle-ci une telle demande de renseignements.

349.
    Quant à la comparaison avec les réductions de 30 % accordées à ABB, à Brugg, à KWH, à Løgstør et à Tarco, il ressort du dossier que, contrairement à la requérante, toutes ces entreprises ont fourni à la Commission des informations importantes complétant les preuves que celle-ci avait pu obtenir lors des vérifications. Or, il y a lieu de constater, comme cela est confirmé par les preuves écrites mentionnées dans la décision et dans le présent arrêt, que les aspects essentiels de l'entente, en particulier en ce qui concerne la participation de la requérante, n'ont pas été révélés par des informations ou des documents produits par la requérante après les vérifications, mais par d'autres éléments de preuve, dont notamment des documents fournis par ces autres entreprises.

350.
    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir accordé une réduction plus importante à ces autres entreprises. Même à supposer que la Commission ait accordé une réduction trop élevée du montant de l'amende infligée à une quelconque autre entreprise, il doit être rappelé que le respect du principe d'égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d'autrui (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297/98 P, Rec. p. I-10101, point 160, et Mayr-Melnhof/Commission, précité, point 334).

351.
    La requérante ne saurait non plus tirer argument du fait que KE KELIT s'est également vu accorder une réduction de 20 % du montant de son amende pour ne pas avoir contesté les faits qui lui sont reprochés, même si cette dernière ne s'est déclarée prête à coopérer qu'après la réception de la communication des griefs. En effet, il faut rappeler la jurisprudence constante selon laquelle une réduction du montant de l'amende au titre d'une coopération au cours de la procédure administrative n'est justifiée que si le comportement de l'entreprise incriminée a permis à la Commission de constater une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (arrêt SCA Holding/Commission, précité, point 36; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, point 393; du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T-310/94, Rec. p. II-1043, point 271, et BPB de Eendracht/Commission, T-311/94, Rec. p. II-1129, point 325). En effet, étant donné que la requérante n'a coopéré qu'après la réception d'une demande de renseignements, l'allégement de travail qu'elle a procuré à la Commission n'était pas sensiblement plus grand que celui procuré par KE KELIT.

352.
    Quant à la comparaison du cas d'espèce avec la pratique antérieure de la Commission, il convient d'observer que le seul fait que la Commission ait accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n'implique pas qu'elle est tenue d'accorder la même réduction proportionnelle lors de l'appréciation d'un comportement similaire dans le cadre d'une procédure administrative ultérieure (voir point 326 ci-dessus).

353.
    Dans ces circonstances, la Commission n'a commis aucune erreur de droit ou de fait dans l'application de la communication sur la coopération. Dès lors, le grief doit être rejeté.

F - Sur la détermination erronée du chiffre d'affaires de la requérante

1. Arguments des parties

354.
    La requérante expose que la Commission s'est fondée à tort sur un montant de 1 910 000 écus pour fixer, lors du calcul du montant de l'amende, la limite de 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chaque entreprise ayant participé à l'infraction.

355.
    La requérante explique que la Commission est partie d'un chiffre d'affaires total de 37 526 242 marks allemand (DEM), représentant, selon la Commission, environ 18,9 millions d'écus, c'est-à-dire le montant indiqué par la requérante dans sa réponse du 19 mars 1998 à la demande de renseignements du 24 février 1998. Dans cette lettre, la requérante aurait néanmoins souligné que le chiffre d'affaires total comprenait un chiffre d'affaires «interne», correspondant aux relations commerciales à l'intérieur du groupe, s'élevant à 5 211 500 DEM. Ce chiffre d'affaires interne ne pourrait entrer en ligne de compte, étant donné que le poids réel économique d'une entreprise découle de son chiffre d'affaires externe. Étant donné que ce chiffre d'affaires interne représente en réalité 5 363 850 DEM, le montant déterminant pour le plafond maximal de l'amende fixé par l'article 15 du règlement n° 17 s'élèverait donc à 32 162 392 DEM, soit environ 16,2 millions d'écus.

356.
    La différenciation entre le chiffre d'affaires interne et le chiffre d'affaires externe correspondrait à une pratique décisionnelle constante de la Commission. Ainsi, une telle distinction aurait été établie par la Commission dans sa communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1998 C 66, p. 25). Cette distinction aurait été confirmée également par le Tribunal dans l'arrêt du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission (T-77/92, Rec. p. II-549), dans lequel celui-ci se serait référé au chiffre d'affaires global pour déterminer le montant de l'amende.

357.
    La défenderesse fait observer que le chiffre d'affaires «interne» doit être pris en considération aux fins de l'application de la limite de 10 % de l'article 15 du règlement n° 17. Les livraisons faites à des sociétés filiales et à des sociétés soeurs seraient tout aussi importantes pour apprécier la capacité contributive de l'entreprise qui se reflète dans la limite du 10 % du règlement n° 17.

2. Appréciation du Tribunal

358.
    Il ressort de la jurisprudence que la Commission peut, lors de la détermination du montant de l'amende, retenir un chiffre d'affaires qui comprend non seulement le chiffre d'affaires réalisé par les ventes du produit concerné par l'infraction à des tierces personnes, mais aussi la valeur des livraisons internes dudit produit aux établissements qui, appartenant à l'entreprise, ne constituent pas des personnes juridiques distinctes de celle-ci (arrêt Europa Carton/Commission, précité, points 121 et 122).

359.
    D'une part, en effet, la prise en compte de la valeur des livraisons internes à une société, aux fins de la détermination du montant de l'amende, n'est prohibée par aucune disposition textuelle. D'autre part, la limite supérieure d'une amende, fixée à 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise, vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l'importance de l'entreprise et, comme seul le chiffre d'affaires global peut effectivement donner une indication approximative àcet égard, il convient de comprendre ce pourcentage comme se référant au chiffre d'affaires global (arrêt Europa Carton/Commission, précité, points 123 à 125).

360.
    Ne pas tenir compte de la valeur des livraisons internes reviendrait nécessairement à avantager, sans justification, les sociétés verticalement intégrées. Le profit tiré de l'entente pourrait, dans une telle situation, ne pas être pris en compte, et l'entreprise en cause échapperait à une sanction proportionnée à son importance sur le marché des produits faisant l'objet de l'infraction (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C-248/98 P, Rec. p. I-9641, point 62; arrêt Europa Carton/Commission, précité, point 128).

361.
    Quant à l'argument tiré de la réglementation applicable aux opérations de concentration entre entreprises, il suffit de relever que l'exclusion des éventuelles «ventes internes» dans le calcul du chiffre d'affaires global des entreprises en matière de concentrations, prévue par certaines dispositions de l'article 5 du règlement n° 4064/89, s'explique par le fait que la prise en compte de telles transactions aurait pour conséquence que le même chiffre d'affaires ferait l'objet d'une double prise en compte (arrêt Europa Carton/Commission, précité, point 130). Or, en l'espèce, une telle double prise en compte n'a pas eu lieu.

362.
    Enfin, l'arrêt Parker Pen/Commission, précité, ne conduit pas à une autre interprétation, étant donné qu'il ne se réfère aucunement à la question de la prise en compte des ventes internes à une société.

363.
    Dès lors, le moyen soulevé par la requérante doit être rejeté pour autant qu'il est tiré d'une détermination erronée de son chiffre d'affaires.

IV - Sur le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation dans la détermination du montant de l'amende

A - Arguments des parties

364.
    La requérante fait observer, d'abord, que la Commission n'a pas fait référence, dans sa décision, aux lignes directrices pour le calcul du montant de l'amende, alors qu'elle l'a expressément fait en ce qui concerne la communication sur la coopération. La Commission aurait également omis de donner sa motivation relative à l'application des lignes directrices de manière rétroactive.

365.
    Ensuite, la Commission n'aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles la requérante ne s'est vu accorder qu'une réduction de 20 % de l'amende en vertu de la communication sur la coopération, alors qu'ABB, Brugg, KWH, Løgstør et Tarco ont été récompensées par une réduction de 30 %. La Commission n'aurait pas indiqué la raison pour laquelle la requérante est censée se situer «peut-être à la frontière entre la coopération active avec la Commission et le simple fait d'admettre ce qui ne pouvait être nié dans [ses] réponses aux demandes derenseignements qui [lui] ont été adressées en vertu de l'article 11 du règlement n° 17». La décision ne serait pas non plus motivée en ce qui concerne le traitement inégal de la requérante par rapport à la décision Extra d'alliage.

366.
    Enfin, la Commission aurait dû exposer les raisons pour lesquelles elle a nié l'existence de circonstances atténuantes et méconnu en tant que telles les circonstances présentées par la requérante dans sa réponse à la demande de renseignements et, ensuite, dans ses observations sur la communication des griefs.

367.
    La défenderesse soutient qu'elle a bien rempli son obligation de motivation en ce qui concerne le calcul du montant de l'amende en indiquant, dans la décision, les critères appliqués ainsi que la méthode utilisée pour le calcul de ce montant.

B - Appréciation du Tribunal

368.
    Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63).

369.
    Pour ce qui est d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54).

370.
    En l'espèce, la Commission, dans sa décision, expose d'abord ses constatations générales concernant la gravité de l'infraction en question ainsi que les éléments particuliers de l'entente sur lesquels elle s'est basée pour conclure que, dans le présent cas, il s'agit d'une infraction très grave pour laquelle l'amende normalement imposable est d'au moins 20 millions d'écus (considérants 164 et 165 de la décision). Ensuite, elle explique que ce montant doit être modulé en tenant compte de la capacité économique effective des auteurs d'infraction à créer un dommage important à la concurrence et de la nécessité d'assurer un caractère suffisamment dissuasif à l'amende (considérant 166 de la décision). Puis, la Commission indique qu'elle a tenu compte, dans la détermination du montant de l'amende, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes ainsi que de la position dechaque entreprise au regard de la communication sur la coopération (considérant 167 de la décision).

371.
    En ce qui concerne l'amende à infliger à la requérante, la Commission explique que, pour la requérante ainsi que pour Dansk Rørindustri, Henss/Isoplus et Tarco, le point de départ spécifique doit être fixé à 5 millions d'écus étant donné leur poids sur le marché et l'effet de leur comportement sur la concurrence (considérant 178, premier alinéa, de la décision). Puis, la Commission expose les éléments relatifs à la pondération de l'amende à infliger à la requérante en fonction de la durée de l'infraction (considérant 178, deuxième et troisième alinéas, de la décision). En outre, la Commission indique, à l'égard de la requérante, qu'elle a tenu compte de la poursuite délibérée de l'entente après l'enquête en tant que circonstance aggravante et qu'aucune circonstance atténuante ne peut être retenue (considérant 179 de la décision). De plus, la Commission précise que, étant donné que le montant de l'amende qu'il conviendrait d'infliger dépasserait le plafond de 10 % du chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice précédant l'adoption de la décision, le montant de l'amende sera fixé de manière à ne pas dépasser le plafond admissible, soit 1 910 000 écus dans le cas de la requérante (considérant 179, septième et huitième alinéas, de la décision). Enfin, la Commission expose les raisons pour lesquelles la requérante doit bénéficier d'une minoration de 20 % du montant de son amende en vertu de la communication sur la coopération (considérant 180, troisième alinéa, de la décision).

372.
    Il y a lieu de considérer que, interprétés à la lumière des éléments factuels exposés dans la décision à l'égard de chaque destinataire de celle-ci, les considérants 164 à 167 et 178 à 180 contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par la requérante (voir, en ce sens, arrêt KNP BT/Commission, précité, point 42).

373.
    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission de n'avoir pas explicité le cadre juridique s'appliquant au cas d'espèce, en particulier l'application des nouvelles lignes directrices. En effet, il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, précité, point 63).

374.
    À cet égard, il faut observer que la Commission, en disposant, dans l'introduction de ses lignes directrices, que «la nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l'amende obéira dorénavant au schéma suivant», s'est engagée à appliquer celles-ci lors de la détermination du montant des amendes pour violation des règles de la concurrence. Or, eu égard à l'engagement contracté par la Commission, lors de la publication des lignes directrices, de s'y tenir lors du calcul du montant d'uneamende, elle n'était pas tenue d'expliciter si et pour quels motifs elle en faisait application dans le cas de la requérante.

375.
    En tout état de cause, il y a lieu de constater que, dans la partie de la décision relative à l'application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, notamment aux considérants 163 à 168, la Commission a expressément repris des considérations sur le calcul du montant de l'amende analogues aux considérants contenus dans les lignes directrices.

376.
    Quant à la réduction du montant de l'amende en raison de la coopération de la requérante, il suffit d'observer que la décision a défini, dans ses considérants 174, 177, 180 et 183, l'importance respective de la coopération fournie par toutes les entreprises concernées, en précisant tant les raisons pour lesquelles la requérante s'est vu accorder une réduction de 20 % du montant de son amende que la mesure dans laquelle chacune des entreprises qui se sont vu accorder une réduction de 30 % a fourni des informations utiles à l'établissement des faits sur lesquels se fonde la décision. Une telle motivation a également permis de vérifier s'il y avait discrimination par rapport à la décision Extra d'alliage.

377.
    La requérante ne saurait non plus reprocher à la Commission de ne pas avoir motivé son calcul du montant de l'amende par rapport aux facteurs invoqués par elle en tant que circonstances atténuantes.

378.
    En effet, dès lors que la Commission a expliqué, dans sa décision, qu'elle n'a pris en compte aucune circonstance atténuante à l'égard de la requérante, elle a fourni toutes les données nécessaires permettant à celle-ci de savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité.

379.
    Par ailleurs, si la Commission est tenue, en vertu de l'article 190 du traité, de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n'exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative (arrêts Michelin/Commission, précité, points 14 et 15, et Fiskeby Board/Commission, précité, point 127).

380.
    Par conséquent, le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation doit être rejeté.

V - Sur le moyen tiré d'un niveau excessif du taux d'intérêt

A - Arguments des parties

381.
    La requérante soutient que le taux d'intérêt de retard, fixé dans l'article 4 de la décision à 7,5 %, c'est-à-dire le taux pratiqué par la Banque centrale européennesur ses opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, devrait être ramené par le Tribunal à un niveau approprié. L'application d'un taux d'intérêt qui augmente de manière inappropriée le montant de l'amende forcerait les entreprises concernées à payer les amendes, même si ces entreprises attaquent la décision pour des motifs valables, comme ce serait le cas pour la requérante.

382.
    La défenderesse estime que la requérante n'a pas d'intérêt justifié à une correction du taux d'intérêt. En effet, en vertu de la lettre que la Commission lui a adressée, le 12 novembre 1998 un taux d'intérêt de 5,5 % lui serait applicable. Le même taux d'intérêt aurait été pris en considération dans la garantie bancaire fournie par la requérante conformément à cette lettre du 12 novembre 1998. En tout état de cause, le taux d'intérêt appliqué ne dépasserait pas la mesure nécessaire pour éviter les manoeuvres dilatoires.

B - Appréciation du Tribunal

383.
    L'application d'intérêts de retard aux amendes infligées aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 du traité assure l'effet utile du traité. À cet égard, ces intérêts de retard renforcent le pouvoir de la Commission dans la tâche, qui lui est dévolue par l'article 89 du traité CE (devenu, après modification, article 85 CE), de veiller à l'application des règles de concurrence et garantissent que ne soient déjouées les règles du traité par des pratiques mises unilatéralement en oeuvre par des entreprises tardant à payer les amendes auxquelles elles ont été condamnées. Si la Commission ne disposait pas du pouvoir d'assortir les amendes d'intérêts de retard, les entreprises tardant à payer leurs amendes seraient avantagées par rapport à celles qui s'acquittent du paiement de leurs amendes à l'échéance qui leur a été impartie (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, CB/Commission, T-275/94, Rec. p. II-2169, points 48 et 49).

384.
    Si le droit communautaire n'admettait pas des mesures visant à compenser l'avantage qu'une entreprise peut tirer de son retard lors du paiement d'une amende, cela faciliterait l'introduction de recours manifestement non fondés, dont le seul but serait de retarder le paiement (arrêt AEG/Commission, précité, point 141).

385.
    Dans ce contexte, force est de constater que la Commission, en imposant un taux d'intérêt de 7,5 %, constitué par le taux pratiqué par la Banque centrale européenne sur ses opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points, n'a pas dépassé la marge discrétionnaire dont la Commission jouit dans la fixation d'un taux d'intérêt de retard.

386.
    À cet égard, il est utile de rappeler que, si le taux d'intérêt ne doit pas être élevé au point d'obliger en fait les entreprises à payer les amendes même si elles estiment qu'elles ont de bonnes raisons pour contester la validité de la décision de la Commission, celle-ci peut, toutefois, prendre un point de référence situé à un niveau plus élevé que le taux proposé à l'emprunteur moyen, applicable sur le marché, dans la mesure nécessaire pour décourager les comportements dilatoires (conclusions de l'avocat général M. Fennelly sous l'arrêt de la Cour du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge e.a./Commission, C-395/96 P et C-396/96 P, Rec. p. I-1365, point 190).

387.
    La Commission n'ayant pas commis d'erreur d'appréciation dans la fixation du taux des intérêts de retard, le moyen tiré d'un niveau excessif dudit taux doit être rejeté.

388.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

389.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Mengozzi
Tiili
Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi

Table des matières

     Faits à l'origine du litige

II - 2

     Procédure et conclusions des parties

II - 6

     Sur le fond

II - 7

         I - Sur le moyen tiré d'erreurs de fait et de droit dans l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité

II - 7

             A - Sur la durée de l'infraction

II - 7

                 1. Arguments des parties

II - 7

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 8

                     - Sur la participation de la requérante avant octobre 1993

II - 9

                     - Sur la suspension de l'entente à partir d'octobre 1993

II - 15

                     - Sur la participation de la requérante à partir de mai 1994

II - 17

             B - Sur l'appréciation juridique de l'infraction pour la période antérieure à la fin de 1994

II - 20

                 1. Arguments des parties

II - 20

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 21

                     - Sur la participation à des accords ou à des pratiques concertées avant la fin de 1994

II - 21

                     - Sur la participation de la requérante à une infraction unique et continue

II - 25

             C - Sur la participation aux actions concertées contre Powerpipe

II - 27

                 1. Arguments des parties

II - 27

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 28

         II - Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

II - 32

             A - Sur l'accès au dossier

II - 32

                 1. Arguments des parties

II - 32

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 33

             B - Sur la violation du droit d'être entendu en ce qui concerne l'invocation de nouveaux moyens de preuve

II - 37

                 1. Arguments des parties

II - 37

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 38

            C - Sur la violation du droit d'être entendu en ce qui concerne le calcul du montant de l'amende

II - 42

                 1. Arguments des parties

II - 42

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 43

         III - Sur le moyen tiré de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de la violation de principes généraux et d'erreurs d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende

II - 45

             A - Sur la violation du principe de non-rétroactivité

II - 45

                 1. Arguments des parties

II - 45

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 47

             B - Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

II - 52

                 1. Arguments des parties

II - 52

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 54

             C - Sur la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, sur l'abus de pouvoir et la violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité

II - 55

                 1. Arguments des parties

II - 55

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 62

                     - Sur la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 par les lignes directrices

II - 62

                     - Sur l'abus de pouvoir et la violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement

II - 64

             D - Sur l'appréciation erronée des circonstances atténuantes et aggravantes

II - 66

                 1. Arguments des parties

II - 66

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 68

             E - Sur l'application erronée de la communication sur la coopération

II - 70

                 1. Arguments des parties

II - 70

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 73

             F - Sur la détermination erronée du chiffre d'affaires de la requérante

II - 75

                 1. Arguments des parties

II - 75

                 2. Appréciation du Tribunal

II - 76

         IV - Sur le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation dans la détermination du montant de l'amende

II - 77

             A - Arguments des parties

II - 77

             B - Appréciation du Tribunal

II - 78

         V - Sur le moyen tiré d'un niveau excessif du taux d'intérêt

II - 80

             A - Arguments des parties

II - 80

             B - Appréciation du Tribunal

II - 81

     Sur les dépens

II - 82


1: Langue de procédure: l'allemand.