Language of document : ECLI:EU:T:2021:596

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 septembre 2021 (*)

« Recours en annulation – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” (2014-2020) – Note de débit émise par l’EASME – Identification de la partie défenderesse – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑654/20,

Silex Ipari Automatizálási Zrt. (Silex Zrt.), établie à Budapest (Hongrie), représentée par Me Á. Baratta, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Béres et Mme M. Ilkova, en qualité d’agents,

et

Agence exécutive pour le Conseil européen de l’innovation et les PME (EISMEA), représentée par Mmes G. Niddam et A. Galea, en qualité d’agents, assistées de Me A. Duron, avocate,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la note de débit no 3242009492, du 18 août 2020, émise par l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (EASME), demandant à la requérante le paiement de la somme de 55 454,44 euros ainsi que de la lettre Ares(2020) 4309529 envoyant cette note de débit, par laquelle l’EASME a notamment qualifié certains coûts de personnels et certains coûts indirects de non éligibles,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et  T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Silex Ipari Automatizálási Zrt. (Silex Zrt.), la requérante, est une entreprise de droit hongrois, établie à Budapest (Hongrie), qui développe et fabrique des dispositifs de commandes pour des véhicules utilitaires.

2        Le 17 octobre 2016, l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (EASME) a signé avec la requérante la convention de subvention « 739280 – Electric axle for commercial vehicles – ELECTRIC_AXLE » (ci-après la « convention de subvention »), prévoyant un financement par l’Union européenne en vue de développer un prototype d’appareillage de roulement électrique pour autobus électriques au titre du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) établi par le règlement (UE) no 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 (JO 2013, L 347, p. 104).

3        Le 20 novembre 2017, la requérante a présenté à l’EASME son rapport sur la première année du projet. Par lettre du 22 décembre 2017, l’EASME a informé la requérante qu’elle rejetait le rapport intermédiaire et qu’elle suspendait le financement de l’aide.

4        Le 18 janvier 2018, la requérante a présenté un rapport révisé à l’EASME. Par lettre du 21 février 2018, l’EASME a rejeté le rapport modifié au motif que le projet n’avait pas atteint les objectifs fixés et souffrait d’un retard considérable. La requérante, estimant que l’EISMEA n’avait pas suffisamment pris en compte le contenu technique des rapports, a demandé une inspection sur place qui a eu lieu le 28 mars 2018.

5        Le 15 juin 2018, l’EASME a notifié à la requérante son intention de résilier la convention de subvention pour manquement grave aux obligations contractuelles. Par une lettre Ares(2018) 5146555 du 8 octobre 2018, l’EASME a notifié à la requérante la résiliation de la convention de subvention.

6        Par lettre Ares(2020) 4309529 du 18 août 2020 (ci-après la « lettre attaquée »), l’EASME a, premièrement, notifié à la requérante la note de débit no 3242009492 pour un montant de 55 454, 44 euros (ci-après la « note de débit attaquée »), deuxièmement, qualifié certains coûts de personnels et certains coûts indirect de non éligibles et, troisièmement, indiqué à la requérante que, dans la mesure où elle avait perçu une somme plus élevée que le montant final de la subvention, elle allait recouvrer la différence, d’une part, en utilisant la contribution de la requérante au fond de garantie pour un montant de 48 238,75 euros et, d’autre part, en adoptant la note de débit attaquée.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 octobre 2020, la requérante a introduit le présent recours.

8        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 1er février 2021, la Commission européenne a déposé une exception d’irrecevabilité du recours, en ce qu’il est dirigé contre elle, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

9        Par acte séparé déposé au greffe le 2 avril 2021, la requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité de la Commission.

10      Par décision du président du Tribunal du 3 septembre 2021, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la neuvième chambre.

11      Par décision de la présidente de la neuvième chambre du 3 septembre 2021, une nouvelle juge assesseure a été désignée pour compléter la formation.

12      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la note de débit attaquée dans la mesure où elle lui ordonne le paiement de 55 454,44 euros ;

–        annuler la lettre attaquée, dans la mesure où elle lui ordonne le remboursement de 48 238,75 euros par voie de libération de la contribution de la requérante au fonds de garantie ;

–        annuler la lettre attaquée, dans la mesure où le décompte financier final (financial statement assessment sheet) qu’elle contient qualifie de non éligibles ses coûts de personnel directs pour un montant de 210 423,11 euros ;

–        annuler la lettre attaquée, dans la mesure où le décompte financier final (financial statement assessment sheet) qu’elle contient qualifie de non éligibles ses coûts indirects pour un montant de 52 605,78 euros ;

–        condamner l’EASME et la Commission aux dépens.

13      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation irrecevable en ce qu’il est dirigé contre elle ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

15      En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond.

16      En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sans ouvrir la procédure orale.

17      Le règlement no 1291/2013 a créé un instrument dédié aux petites et moyennes entreprises (ci-après les « PME ») qui cible tous les types de PME présentant un potentiel d’innovation.

18      L’Agence exécutive pour le Conseil européen de l’innovation et les PME (EISMEA) a été instituée, à compter du 1er avril 2021, par la décision d’exécution (UE) 2021/173 de la Commission, du 12 février 2021, instituant l’Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l’environnement, l’Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique, l’Agence exécutive européenne pour la recherche, l’EISMEA, l’Agence exécutive du Conseil européen de la recherche et l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture, et abrogeant les décisions d’exécution 2013/801/UE, 2013/771/UE, 2013/778/UE, 2013/779/UE, 2013/776/UE et 2013/770/UE (JO 2021, L 50, p. 9).

19      Conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous c), et à l’article 15 de la décision d’exécution 2021/173, l’EISMEA a succédé de façon universelle à l’EASME, qui a été instituée, à compter du 1er janvier 2014, par la décision d’exécution 2013/771/UE de la Commission, du 17 décembre 2013 (JO 2013, L 341, p. 73), conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 58/2003 du Conseil, du 19 décembre 2002, portant statut des agences exécutives chargées de certaines tâches relatives à la gestion de programmes communautaires (JO 2003, L 11, p. 1). En vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 58/2003, cette agence est dotée de la personnalité juridique.

20      Il résulte de l’article 3, paragraphe 1, sous d), de la décision d’exécution 2013/771, en vigueur à la date de la note de débit attaquée et de la lettre attaquée (ci-après, prises ensemble, les « actes attaqués »), que l’EASME est chargée de la mise en œuvre de certaines parties du programme-cadre « Horizon 2020 ».

21      La Commission excipe de l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre elle, aux motifs, en substance, que, s’agissant du recours en annulation, elle n’est pas l’auteure des actes attaqués et que, s’agissant d’un recours en responsabilité contractuelle, si le recours de la requérante devait être requalifié par le Tribunal, elle n’est pas, n’étant pas le signataire de la convention en cause, partie à cette dernière.

22      En premier lieu, la Commission fait valoir qu’un recours introduit au titre de l’article 263 TFUE doit être dirigé contre l’auteur de l’acte attaqué et que seule l’EASME est l’auteure des actes attaqués dans le cadre du présent recours.

23      À cet égard, la Commission indique, en substance, que les actes attaqués ont été adoptés par l’EASME, sans contrôle préalable de la Commission, dans le cadre de compétences d’exécution déléguées au titre de l’article 3 de la décision d’exécution 2013/771, conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 58/2003.

24      En réponse à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, la requérante rappelle que, selon elle, il est clair que l’EASME est l’auteure des actes attaqués. Toutefois, à la lumière de la jurisprudence selon laquelle, dans certains cas, des actes adoptés en vertu de pouvoirs délégués sont imputables à l’institution délégante, à laquelle il appartient de défendre l’acte en cause, la requérante considère, en substance, qu’il est possible pour le Tribunal d’interpréter le droit en ce sens que c’est à la Commission qu’il appartient de défendre la légalité des actes attaqués.

25      En particulier, la requérante indique qu’il ne ressort pas clairement des dispositions invoquées par la Commission ou de la convention de subvention que l’EASME agirait de manière autonome dans le cadre de la mise en œuvre du programme « Horizon 2020 » et des contrats d’aide financés par celui‑ci.

26      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en principe, les recours doivent être dirigés contre l’auteur de l’acte attaqué. Cependant, dans certains cas, le Tribunal a constaté que des actes adoptés en vertu de pouvoirs délégués étaient imputables à l’institution délégante, à laquelle il appartenait de défendre l’acte en cause. Il en va notamment ainsi lorsque l’auteur de l’acte n’exerce qu’une compétence consultative, ou bien lorsque l’adoption de la décision dont l’annulation est demandée était subordonnée à un accord préalable de l’institution délégante (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, non publié, EU:T:2010:442, point 34, et ordonnance du 23 octobre 2019, Universität Koblenz-Landau/Commission et EACEA, T‑108/18, non publiée, EU:T:2019:768, point 20).

27      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de rappeler que l’EASME est un organisme de l’Union doté de la personnalité juridique, responsable de la mise en œuvre de certaines parties du programme-cadre « Horizon 2020 ». À cet effet, l’acte de délégation, à savoir la décision d’exécution 2013/771, confie des tâches de gestion et d’exécution budgétaire à l’EASME.

28      Deuxièmement, selon l’article 3, paragraphe 3, sous b) de la décision d’exécution 2013/771, l’EASME est chargée d’« adopter les actes d’exécution budgétaire en recettes et en dépenses et [d’]exécuter toutes les opérations nécessaires à la gestion des programmes, en vertu de la délégation de la Commission définie dans l’acte de délégation ».

29      En conséquence, sur la base des compétences qui lui sont conférées par la Commission, l’EASME conclut et gère des conventions de subvention, assure le suivi de leur exécution par les bénéficiaires, effectue les paiements et procède au recouvrement des montants indûment versés.

30      Troisièmement, il ressort de l’article 44.1.2 des conditions générales de la convention de subvention que l’EASME doit adopter les décisions nécessaires lorsque le bénéficiaire ne verse pas les montants à rembourser dans le délai fixé dans la note de débit sans qu’aucun accord préalable de la Commission ne soit prévu.

31      Quatrièmement, il y a lieu de constater que la note de débit attaquée a été émise par l’EASME et que la lettre attaquée a été signée par le chef d’unité de l’EASME.

32      Il résulte de ce qui précède que, ainsi que le fait valoir la Commission et ainsi que la requérante l’affirme également, l’auteure des actes attaqués est l’EASME.

33      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours en annulation contre les actes attaqués en tant qu’il est dirigé contre la Commission comme étant irrecevable.

34      En deuxième lieu, si le recours devait être interprété comme un recours en responsabilité contractuelle, la Commission considère qu’il est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre elle, car, en substance, elle n’est pas partie à la convention en cause.

35      À cet égard, il y a lieu de relever que la convention a été signée par l’EASME seule.

36      En outre, il ressort clairement de la convention que l’EASME est seule titulaire des droits et obligations nés de ses stipulations.

37      Il s’ensuit que l’EASME a conclu la convention en son nom propre et pour son compte, et qu’elle est, dès lors, seule titulaire des droits et des obligations en découlant.

38      Il résulte des considérations qui précèdent que, si le recours devait être requalifié comme recours en responsabilité contractuelle, il y aurait lieu de le rejeter comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la Commission.

39      Le présent recours est donc irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la Commission.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la Commission européenne.

2)      Silex Ipari Automatizálási Zrt. (Silex Zrt.) supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens de la Commission afférents à la procédure sur l’exception d’irrecevabilité.

Fait à Luxembourg, le 14 septembre 2021.

Le greffier

 

La présidente

E. Coulon

 

M. J. Costeira


*      Langue de procédure : le hongrois.