Language of document : ECLI:EU:T:2024:33

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

24 janvier 2024 (*) (1)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution bancaire unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 – Obligation de motivation – Égalité de traitement – Principe de proportionnalité – Marge d’appréciation du CRU – Exception d’illégalité – Base juridique du règlement (UE) no 806/2014 – Marge d’appréciation de la Commission »

Dans l’affaire T‑405/21,

Dexia Crédit Local, établie à Paris (France), représentée par Mes H. Gilliams et J.-M. Gollier, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par M. J. Kerlin et Mme C. De Falco, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, P. Gey et V. Del Pozo Espinosa de los Monteros, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. J. Etienne et O. Denkov, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes E. d’Ursel et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 1er mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Dexia Crédit Local, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est un établissement de crédit français et fait partie du groupe Dexia (ci-après « Dexia »), lequel a été constitué en 1996 par la fusion du Crédit Local de France avec le Crédit communal de Belgique. À la tête de Dexia se trouvait Dexia SA, une société holding belge, le groupe étant constitué de trois filiales, à savoir la requérante, Dexia Banque Belgique SA et Dexia Banque Internationale à Luxembourg, respectivement situées en France, en Belgique et au Luxembourg. En 2008, Dexia a connu une crise de liquidité à la suite de laquelle les autorités publiques belges et françaises ont souscrit à une augmentation de capital de Dexia SA. Par ailleurs, le Royaume de Belgique, la République française et le Grand-Duché de Luxembourg ont octroyé des garanties financières en ce qui concernait certains éléments du passif de Dexia.

3        À la suite de nouveaux problèmes de liquidité, l’État belge a racheté, en octobre 2011, la totalité des actions de Dexia Banque Belgique à Dexia SA. En décembre 2011, le Royaume de Belgique, la République française et le Grand-duché de Luxembourg ont notifié à la Commission européenne un projet de garantie temporaire pour assurer le refinancement de Dexia SA et de la requérante. Le 21 décembre 2011, la Commission a décidé d’autoriser temporairement cette garantie.

4        En mars 2012, les États garants ont notifié à la Commission un plan de restructuration de Dexia, qui a abouti, après des discussions entre ces derniers, à un plan de résolution ordonnée de Dexia, lequel a été approuvé par la décision 2014/189/UE de la Commission, du 28 décembre 2012, concernant l’aide d’État SA.33760 (12/N-2, 11/C, 11/N) ; SA.33763 (12/N-2, 11/C, 11/N) ; SA.33764 (12/N-2, 11/C, 11/N) ; SA.30521 (MC 2/10) ; SA.26653 (C9/09) ; SA.34925 (12/N-2, 12/C, 12/N) ; SA.34927 (12/N-2,12/C, 12/N) ; SA.34928 (12/N-2, 12/C, 12/N) mise à exécution par le Royaume de Belgique, la République française et le Grand-Duché de Luxembourg en faveur de Dexia, DBB/Belfius et DMA [notifiée sous le numéro C(2012) 9962] (JO 2014, L 110, p. 1). Ce plan est régi par les règles de résolution nationales. Ledit plan prévoit, notamment, la cession d’entités viables du groupe et la gestion extinctive des entités résiduelles de Dexia sans production nouvelle (gestion dite « en run off »).

5        Par ses décisions C(2017) 6265 final, du 19 septembre 2017, relative à l’aide d’État SA.49039 (2017/N) ; SA.49064 (2017/N) mise à exécution par le Royaume de Belgique et la République française, concernant le plan de conversion des actions préférentielles de Dexia en actions ordinaires, et C(2019) 6974 final, du 27 septembre 2019, relative à l’aide d’État SA.53592 (2019/N) ; SA.53554 (2019/N) mise à exécution par le Royaume de Belgique et la République française, concernant le renouvellement de la garantie de refinancement de Dexia au-delà du 31 décembre 2021, la Commission a approuvé les aides d’État supplémentaires en cause au profit de Dexia et a relevé que la procédure de résolution ordonnée de Dexia, telle qu’elle avait été entamée en 2012, devait continuer à être régie par les règles de résolution nationales.

6        Par la décision attaquée, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2021 (ci-après la « période de contribution 2021 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

7        Par avis de perception du 28 avril 2021, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, France), en sa qualité d’autorité de résolution nationale (ci-après l’« ARN »), au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.

II.    Décision attaquée

8        La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de trois annexes.

9        Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2021, qui est applicable à tous les établissements.

10      Plus particulièrement, dans la section 5 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2021 (ci-après le « niveau cible annuel »).

11      Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,35 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2020 (ci-après le « montant moyen des dépôts couverts en 2020 »), tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

12      Dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021. À cet égard, il a précisé, au considérant 59 de ladite décision, que, pour cette période, 13,33 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 86,67 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participants »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

13      Dans cette même section 6 de la décision attaquée, le CRU a également expliqué qu’il existait, en substance, deux catégories d’établissements assujettis aux contributions ex ante. La première catégorie comprend les établissements qui doivent verser une contribution forfaitaire eu égard à leurs caractéristiques particulières, telles que leur taille ou la nature de leurs activités. Le calcul de la contribution ex ante de ces établissements est régi par les articles 10 et 11 du règlement délégué 2015/63.

14      Les établissements relevant de la seconde catégorie doivent verser une contribution ex ante ajustée à leur profil de risque, que le CRU a fixée en suivant les phases principales suivantes.

15      Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts (ci-après le « passif net »), rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif net de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

16      Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2021 – des bins  (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

17      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

18      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

19      L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement soumis au versement des contributions ex ante, dont la requérante, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements (ci-après la « fiche individuelle »). Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été assigné. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

20      L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

21      L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des commentaires soumis dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante au Fonds de résolution unique pour 2021 », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre les 5 et 19 mars 2021 en vue de l’adoption de la décision attaquée.

III. Conclusions des parties

22      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant qu’elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

23      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de cette dernière jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

24      Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur l’exception d’illégalité du règlement no 806/2014 soulevée dans les cinquième et sixième moyens ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

27      À l’appui de son recours, la requérante soulève six moyens, tirés :

–        le premier, d’une violation de l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 par la décision attaquée en ce que cette dernière fixe le niveau cible annuel à un huitième de 1,35 % des dépôts couverts dans les États membres participants ;

–        le deuxième, d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement par le règlement délégué 2015/63 ;

–        le troisième, à titre subsidiaire, d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement par la décision attaquée ;

–        le quatrième, d’un défaut de motivation et d’une violation du principe de transparence par la décision attaquée ;

–        le cinquième, d’une exception d’illégalité des articles 5, 69 et 70 du règlement no 806/2014 en ce que l’article 114 TFUE constituerait une base juridique inadéquate pour ces dispositions ;

–        le sixième, d’une exception d’illégalité des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 en raison du prétendu caractère fiscal des contributions ex ante qui remettrait en cause l’article 114 TFUE en tant que base juridique de ces dispositions.

28      Pour apprécier le bien-fondé du recours, il convient d’examiner d’abord les moyens par lesquels la requérante excipe de l’illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, puis les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée elle-même.

A.      Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63

1.      Sur les cinquième et sixième moyens, tirés dexceptions d’illégalité de dispositions du règlement no 806/2014 au regard des traités

29      En premier lieu, la requérante fait valoir que les articles 5, 69 et 70 du règlement no 806/2014, sur la base desquels le niveau cible annuel et sa contribution ex ante ont été déterminés par le CRU, sont illégaux. Ces dispositions auraient été adoptées sur le fondement de l’article 114 TFUE, alors qu’elles substituent une agence européenne indépendante, le CRU, instituée par ce règlement, aux ARN compétentes pour la détermination du niveau cible annuel et des contributions ex ante.

30      En second lieu, selon la requérante, les dispositions dont la légalité est contestée au titre du sixième moyen, à savoir les articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, comme cette dernière l’a précisé dans sa réponse aux questions écrites que le Tribunal lui a posées, constituent des « dispositions fiscales » au sens de l’article 114, paragraphe 2, TFUE, de sorte qu’elles ne pouvaient être adoptées sur le fondement du paragraphe 1 de cet article. En effet, en ce qu’elles prévoient l’imposition de l’obligation de verser des contributions ex ante, ces contributions auraient une nature fiscale, puisqu’elles ne constitueraient pas la rémunération réelle et proportionnelle d’un service déterminé. En effet, la requérante ne pourrait attendre aucune contrepartie de leur versement, eu égard au fait, confirmé par la Commission et le CRU, que sa situation serait régie par les dispositions en vigueur au moment de son placement en résolution, avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/59, et qu’aucun outil de résolution ne serait susceptible d’être utilisé à son égard en cas de défaillance.

31      De même, les contributions ex ante ne poursuivraient que des objectifs d’intérêt public, comme le Tribunal l’aurait jugé dans l’arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU (T‑758/18, EU:T:2021:28, points 70 et 71). Or, l’objectif d’intérêt public consistant à assurer la stabilité financière du système bancaire ne profiterait pas aux seuls établissements soumis à l’obligation de paiement des contributions ex ante, mais à tous les acteurs économiques de l’Union.

32      Il en résulterait que seul l’article 352 TFUE aurait pu constituer une base légale pour l’adoption des articles 5, 69 et 70 du règlement no 806/2014.

33      Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

34      À titre liminaire, il convient de rappeler que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de l’acte [voir avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 76 et jurisprudence citée ; arrêt du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C‑244/17, EU:C:2018:662, point 36].

35      Les actes législatifs adoptés sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, TFUE doivent, d’une part, comporter des mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres et, d’autre part, avoir pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 100).

36      Dans un premier temps, afin d’examiner si les articles 5, 69 et 70 du règlement no 806/2014 pouvaient être adoptés sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, TFUE, il convient d’examiner si ces dispositions satisfont aux deux conditions mentionnées au point 35 ci-dessus.

37      En premier lieu, il importe de rappeler que l’article 114 TFUE ne saurait être utilisé en tant que base juridique que lorsqu’il ressort objectivement et effectivement de l’acte juridique que ce dernier a pour objectif d’améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur (voir arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 113 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il découle, notamment, des considérants 1 et 3 du règlement no 806/2014 ainsi que du considérant 1 de la directive 2014/59 que ce règlement a été adopté dans un contexte de crise économique et financière, lequel a révélé, s’agissant de l’Union, un manque d’instruments permettant de faire face efficacement au risque présenté par les établissements ayant des difficultés financières, ce qui contraignait les États membres à utiliser les moyens financiers publics pour soutenir de tels établissements.

39      Il découle également du considérant 1 du règlement no 806/2014 que cette crise a mis en évidence les menaces pesant sur le fonctionnement du marché intérieur des services bancaires et le risque croissant de fragmentation financière. Cela constituait une véritable source de préoccupation au sein du marché intérieur dans lequel les banques auraient dû être en mesure d’exercer des activités transfrontalières importantes, alors qu’un repli de ces activités était constaté, lié à une crainte de contagion.

40      Par ailleurs, le législateur de l’Union a souligné, aux considérants 2 à 4 et 12 du règlement no 806/2014, que les divergences entre les réglementations nationales en matière de résolution et entre les pratiques administratives correspondantes ainsi que l’absence de processus décisionnel unifié pour la résolution dans l’union bancaire alimentaient une défiance des systèmes bancaires nationaux envers ceux des autres États membres, y compris les États membres ne participant pas au MRU, et contribuaient à l’instabilité du marché en ne garantissant aucune prévisibilité quant à l’issue d’une défaillance d’une banque. Ces divergences pouvaient également entraîner des coûts d’emprunts plus élevés pour certaines banques et leurs clients en raison uniquement du lieu d’établissement de ces banques, indépendamment de leur solvabilité réelle.

41      Enfin, le législateur de l’Union a mis en exergue, aux considérants 9 et 19 du règlement no 806/2014, le fait que tant que les réglementations et les pratiques en matière de résolution ainsi que les modalités de partage des charges ne dépasseraient pas le niveau national et que les ressources financières nécessaires au financement des procédures de résolution seraient collectées et dépensées au niveau national, le lien entre les États membres et le secteur bancaire ne serait pas totalement brisé et le marché intérieur resterait fragmenté. Cette situation restreindrait les activités transfrontalières des banques, créerait des obstacles à l’exercice des libertés fondamentales et fausserait la concurrence dans le marché intérieur.

42      C’est au regard de ces considérations que le règlement no 806/2014 vise à desserrer le lien existant entre la situation budgétaire de chaque État membre, telle qu’elle est perçue, et les coûts de financement des banques et des entreprises qui y sont implantées ainsi qu’à faire peser la responsabilité du financement de la stabilisation du système financier sur le secteur financier dans son ensemble.

43      Ainsi, comme l’indique son article 1er, le règlement no 806/2014 établit, notamment, des règles uniformes et une procédure uniforme pour la résolution des établissements, qui devraient être appliquées par le CRU, et ce afin de pallier les menaces évoquées aux points 38 à 41 ci-dessus.

44      Un élément essentiel de ces règles et de cette procédure est le FRU, qui permet, ainsi qu’il ressort des articles 67 et 76 du règlement no 806/2014 et du considérant 107 de ce règlement, d’assurer l’exercice efficient des pouvoirs de résolution et de contribuer au financement des instruments de résolution en assurant leur application efficiente.

45      Afin de garantir des moyens financiers suffisants dans le FRU, ce dernier est financé, au regard des considérations énoncées aux points 38 à 41 ci-dessus, notamment, par les contributions ex ante versées par les établissements et dont le montant dépend du niveau cible final et des modalités principales de calcul établies par les articles 69 et 70 du règlement no 806/2014.

46      Par conséquent, le versement de ces contributions, tel qu’il est déterminé en conformité avec les articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, assure l’application efficiente des règles uniformes et de la procédure uniforme de résolution des établissements. Les règles fixant lesdites contributions permettent, à leur tour, comme cela ressort des considérants 12 et 19 du même règlement, d’éviter que des pratiques nationales divergentes n’entravent l’exercice des libertés fondamentales ou ne faussent la concurrence dans le marché intérieur. 

47      Par ailleurs, le législateur de l’Union a souligné, aux considérants 11, 31 et 39 du règlement no 806/2014, que l’application uniforme du régime de résolution dans les États membres participants se trouverait renforcée grâce aux missions confiées au CRU, lequel a été conçu spécifiquement pour garantir un processus décisionnel rapide et efficace en matière de résolution et devrait également veiller à ce que la stabilité financière nationale, la stabilité financière de l’Union et le marché intérieur soient dûment pris en compte. Dans ce contexte, l’article 5 de ce règlement prévoit que le CRU doit être considéré comme une ARN, au sens de la directive 2014/59, lorsqu’il exécute des tâches et exerce des pouvoirs dévolus à une telle ARN. Cette disposition permet ainsi au CRU d’agir pleinement en tant qu’organe décisionnel dans le domaine de la résolution au sein de l’union bancaire et a, dès lors, compte tenu également des considérations énoncées aux points 38 à 41 ci-dessus, pour objet d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur.

48      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que le règlement no 806/2014, notamment ses articles 5, 69 et 70, a pour objectif d’améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur.

49      En second lieu, il convient de rappeler que, par l’expression « mesures relatives au rapprochement » figurant à l’article 114 TFUE, les auteurs du traité FUE ont voulu conférer au législateur de l’Union, en fonction du contexte général et des circonstances spécifiques de la matière à harmoniser, une marge d’appréciation quant à la technique de rapprochement la plus appropriée afin d’aboutir au résultat souhaité, notamment dans des domaines qui se caractérisent par des particularités techniques complexes (voir arrêt 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 102 et jurisprudence citée).

50      Partant, le législateur de l’Union, dans son choix de la technique de rapprochement et compte tenu de la marge d’appréciation dont il bénéficie quant aux mesures visées à l’article 114 TFUE, peut déléguer à un organe ou à un organisme de l’Union des compétences visant à la mise en œuvre de l’harmonisation recherchée. Tel est, notamment, le cas lorsque les mesures à prendre doivent s’appuyer sur une expertise professionnelle et technique particulière ainsi que sur une capacité réactive d’une telle entité (arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 105).

51      Dans ce contexte, d’une part, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 38 à 42 ci-dessus, les mesures à prendre dans le domaine de la résolution doivent s’appuyer sur une expertise professionnelle et technique particulière. D’autre part, ainsi qu’il découle des considérations énoncées au point 47 ci-dessus, le CRU a été établi afin de garantir et de renforcer l’application des règles uniformes et de la procédure uniforme de résolution des établissements. Dans ces conditions, le législateur de l’Union pouvait prévoir, à l’article 5 du règlement no 806/2014, que le CRU devait être considéré comme une ARN, au sens de la directive 2014/59, lorsqu’il exécutait des tâches et exerçait des pouvoirs dévolus à une telle ARN et il pouvait lui confier les compétences pour fixer, en application des articles 69 et 70 de ce règlement, le montant des contributions ex ante ainsi que pour gérer les moyens financiers du FRU en conformité avec l’article 67, paragraphes 2 et 3, dudit règlement.

52      En outre, ainsi qu’il ressort des points 45 et 46 ci-dessus, les articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 constituent un élément essentiel des règles et de la procédure de résolution des établissements, qui contribue à éviter que des pratiques nationales divergentes n’entravent l’exercice des libertés fondamentales ou ne faussent la concurrence dans le marché intérieur.

53      De même, ainsi qu’il ressort du point 47 ci-dessus, l’article 5 du règlement no 806/2014 comporte une mesure relative au rapprochement des législations en matière de résolution, qui renforce l’application uniforme des règles et de la procédure de résolution des établissements.

54      Dans ces conditions, les articles 5, 69 et 70 du règlement no 806/2014 peuvent être considérés comme des dispositions relatives au rapprochement des dispositions des États membres en matière de résolution des établissements dans l’union bancaire.

55      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la création du CRU par le règlement no 806/2014 ne répond pas aux exigences énoncées dans l’arrêt du 2 mai 2006, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑217/04, EU:C:2006:279, points 44 et 45).

56      Dans l’arrêt du 2 mai 2006, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑217/04, EU:C:2006:279), la Cour a relevé que les missions confiées à un organisme chargé de contribuer à la réalisation d’un processus d’harmonisation devaient se rattacher étroitement aux matières qui faisaient l’objet des actes de rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres, tel étant, « notamment », le cas lorsque l’organisme ainsi institué fournissait des prestations aux autorités nationales ou aux opérateurs qui avaient une incidence sur la mise en œuvre homogène des instruments d’harmonisation et qui étaient susceptibles de faciliter leur application (arrêt du 2 mai 2006, Royaume‑Uni/Parlement et Conseil, C‑217/04, EU:C:2006:279, point 45).

57      En apportant ces dernières précisions, la Cour a mis en avant les caractéristiques de l’affaire dont elle était saisie qui permettaient, dans les circonstances de cette affaire, de considérer que les missions de l’organisme alors en cause se rattachaient étroitement aux matières faisant l’objet de l’acte de rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en cause dans cette affaire.

58      Un tel rattachement étroit entre les missions confiées au CRU et la matière faisant l’objet du règlement no 806/2014 existe également dans la présente affaire. En effet, les missions confiées au CRU par ce règlement, telles qu’elles sont décrites au point 51 ci-dessus, s’inscrivent dans le contexte de la création de l’union bancaire, laquelle nécessitait un règlement uniforme, complet et détaillé relatif aux services financiers, comme l’a indiqué le législateur de l’Union au considérant 5 de ce règlement. Dans ce contexte, ainsi qu’il ressort du considérant 35 dudit règlement, le CRU joue un rôle important en assurant la cohérence entre les pratiques de surveillance et de résolution dans l’ensemble de l’Union. De plus, conformément à l’article 31, paragraphe 1, et à l’article 70, paragraphe 2, de ce même règlement, dans le cadre de l’exercice de ses missions, le CRU collabore étroitement avec les ARN, y compris aux fins du calcul des contributions ex ante. Les missions qui sont confiées au CRU par le règlement no 806/2014 ont dès lors une incidence sur la mise en œuvre homogène des instruments d’harmonisation et sont susceptibles de faciliter leur application.

59      Dans ces circonstances, la requérante ne saurait prétendre que les missions confiées au CRU ne se rattachent pas étroitement aux matières qui font l’objet des actes de rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres dans la matière en cause.

60      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que les articles 5, 69 et 70 du règlement no 806/2014 satisfont aux conditions énoncées à l’article 114, paragraphe 1, TFUE.

61      Dans un deuxième temps, la requérante soutient que les articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, en ce qu’ils prévoient l’obligation de verser des contributions ex ante, ont une nature fiscale au sens de l’article 114, paragraphe 2, TFUE et ne peuvent dès lors pas être adoptés sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, TFUE.

62      L’article 114, paragraphe 2, TFUE prévoit que le paragraphe 1 de cette disposition ne s’applique pas, notamment, aux « dispositions fiscales ».

63      En ce qui concerne l’interprétation de l’expression « dispositions fiscales », il y a lieu de constater que le traité FUE ne contient pas de définition de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Commission/Conseil, C‑338/01, EU:C:2004:253, point 63).

64      Cela étant, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un prélèvement versé par les opérateurs économiques d’un secteur particulier n’a pas de nature fiscale dans une situation où, en particulier, il est directement affecté au seul financement des dépenses de ce secteur et où ces dépenses sont nécessaires au fonctionnement de ce dernier afin, notamment, de le stabiliser (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, EU:C:1989:303, points 9 et 10).

65      Or, ce raisonnement s’applique également dans le cas des contributions ex ante, qui suivent une logique d’ordre assurantiel et qui sont versées par les opérateurs économiques d’un secteur particulier en vue de financer exclusivement les dépenses de ce secteur.

66      Ainsi, s’agissant de la nature des contributions ex ante, il a déjà été relevé au point 38 ci-dessus que le règlement no 806/2014 avait été adopté dans un contexte de crise économique et financière qui avait révélé, s’agissant de l’Union, un manque d’instruments permettant de faire face efficacement au risque présenté par les établissements ayant des difficultés financières, ce qui contraignait les États membres à utiliser les moyens financiers publics pour soutenir de tels établissements. Le MRU vise à éviter les conséquences dommageables des défaillances des établissements survenues lors de telles crises, dès lors que la défaillance des établissements dans un seul État membre peut compromettre la stabilité des marchés financiers dans leur ensemble, ainsi que cela ressort des considérants 8 et 12 de ce règlement.

67      Dans ce contexte, le législateur de l’Union a considéré qu’il incombait au secteur financier dans son ensemble de financer la stabilisation du système financier, ainsi que cela ressort, notamment, du considérant 100 du règlement no 806/2014.

68      Dans cette optique, la nature spécifique des contributions ex ante consiste, comme le confirment les considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et le considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

69      Par conséquent, conformément à l’article 67, paragraphes 2 et 4, et au considérant 61 du règlement no 806/2014, les contributions ex ante sont collectées auprès des opérateurs économiques du secteur financier afin d’alimenter le FRU, auquel il est permis d’avoir recours uniquement aux fins de l’application efficiente des instruments de résolution et de l’exercice efficient des pouvoirs de résolution lorsque de telles mesures s’avèrent nécessaires pour atteindre l’objectif de stabilité financière de ce secteur.

70      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il découle de l’article 1er du règlement n° 806/2014, les mesures mentionnées au point 69 ci-dessus ne sont appliquées qu’au profit des établissements qui sont tenus de verser les contributions ex ante.

71      Certes, le règlement no 806/2014 n’établit aucun lien automatique entre le versement de la contribution ex ante et la résolution de l’établissement concerné. C’est la raison pour laquelle les contributions ex ante ne sauraient être considérées comme des primes d’assurance dont la mensualisation et le remboursement seraient possibles (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, points 70 et 73).

72      Il n’en demeure pas moins que les établissements profitent à double titre du FRU, lequel est financé précisément par leurs contributions ex ante.

73      D’une part, lorsque la défaillance des établissements est avérée ou prévisible, leur situation financière peut être régularisée dans le cadre d’une procédure de résolution qui peut être entamée en leur faveur si les autres conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 sont également remplies. Une telle procédure permet ainsi d’utiliser des moyens financiers du FRU au profit de tels établissements, étant entendu que ces moyens ont été alimentés par les contributions de ces derniers.

74      D’autre part, tous les établissements bénéficient de leurs contributions ex ante au travers de la stabilité du système financier, laquelle est assurée par le FRU.

75      En effet, le risque couvert par le FRU est celui que l’ensemble du secteur financier fait courir à la stabilité du système financier (arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 72).

76      Il s’ensuit que le FRU vise, dans une optique d’ordre non pas fiscal, mais assurantiel, à garantir la stabilité du secteur financier dans son ensemble, en ayant pour objectif d’assurer une protection contre sa propre crise au bénéfice de tous les établissements.

77      Cette finalité d’ordre assurantiel se reflète d’ailleurs également dans le calcul des contributions ex ante, étant donné que celles-ci ne résultent pas de l’application d’un taux déterminé à une assiette, mais, en application des articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi que des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, de la définition d’un niveau cible final, puis d’un niveau cible annuel, lequel est ensuite réparti entre les établissements (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). Cette répartition du niveau cible annuel est fondée, notamment, ainsi qu’il découle également du considérant 109 du règlement no 806/2014, sur le risque que représente chaque établissement pour la stabilité du système financier, ce qui incite les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

78      Il découle de ce qui précède que les établissements versent les contributions ex ante dans une logique d’ordre assurantiel, étant entendu que ces contributions sont directement affectées au seul financement des dépenses du secteur financier dont ces établissements relèvent et que ces dépenses s’avèrent nécessaires pour le fonctionnement de ce secteur afin, notamment, de le stabiliser en cas de défaillance de certains établissements et de limiter des effets de contagion.

79      Par conséquent, les dispositions du règlement no 806/2014 qui obligent les établissements à verser des contributions ex ante et précisent les modalités de leur calcul, notamment ses articles 69 et 70, ne constituent pas des « dispositions fiscales » au sens de l’article 114, paragraphe 2, TFUE.

80      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante.

81      D’une part, pour les motifs énoncés aux points 72 à 74 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel elle ne recevrait aucune contrepartie à la suite du versement des contributions ex ante.

82      D’autre part, l’argument de la requérante selon lequel la stabilité financière est un objectif d’intérêt public ne profitant pas seulement aux personnes soumises à l’obligation de paiement des contributions ex ante ne saurait non plus prospérer. En effet, une telle circonstance n’a pas d’incidence sur la logique d’ordre assurantiel des contributions ex ante, étant entendu que ces contributions versées par les établissements sont directement affectées au seul financement des dépenses du secteur financier dont ces établissements relèvent et que ces dépenses s’avèrent nécessaires pour le fonctionnement de ce secteur.

83      Dans un troisième temps, la requérante soutient que le règlement no 806/2014 aurait dû être adopté sur le fondement de l’article 352 TFUE, qui est une disposition équivalente à l’article 127, paragraphe 6, TFUE, lequel constituait la base juridique du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

84      L’article 352 TFUE vise à suppléer l’absence de pouvoirs d’action conférés expressément ou de façon implicite aux institutions de l’Union par des dispositions spécifiques des traités dans la mesure où de tels pouvoirs apparaissent néanmoins nécessaires pour que l’Union puisse exercer ses fonctions en vue d’atteindre l’un des objectifs fixés par ces traités [avis 2/94 (Adhésion de la Communauté à la CEDH), du 28 mars 1996, EU:C:1996:140, point 29 ; voir, également, arrêt du 3 septembre 2009, Parlement/Conseil, C‑166/07, EU:C:2009:499, point 41 et jurisprudence citée].

85      Il en résulte que, lorsqu’une base juridique spécifique existe pour l’adoption d’un acte de l’Union, le recours à l’article 352 TFUE est exclu.

86      Or, d’une part, il découle des points 38 à 54 ci-dessus que les dispositions dont la légalité est contestée, à savoir les articles 5, 69 et 70 du règlement no 806/2014, remplissent les conditions prévues par l’article 114, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’ils comportent, chacun, une mesure relative au rapprochement des législations et des réglementations en matière de résolution et en ce qu’ils ont pour objet d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur. D’autre part, il ressort des points 62 à 79 ci-dessus que les articles 69 et 70 de ce règlement, dont la légalité est contestée, ne constituent pas des « dispositions fiscales » au sens de l’article 114, paragraphe 2, TFUE.

87      Dès lors, de telles mesures peuvent être rattachées aux compétences accordées aux institutions de l’Union pour légiférer sur le fondement de l’article 114 TFUE afin d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur.

88      Dans ces conditions, l’article 352 TFUE ne constitue pas une base juridique appropriée pour l’adoption des articles 5, 69 et 70 du règlement no 806/2014.

89      Eu égard à tout ce qui précède, les cinquième et sixième moyens doivent être écartés.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63 au regard des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement 

90      Le deuxième moyen s’articule autour de deux branches, relatives, la première, à la violation du principe de proportionnalité par le règlement délégué 2015/63 et, la seconde, à la violation du principe d’égalité de traitement par ce règlement délégué.

91      Le CRU et la Commission considèrent que ce moyen est irrecevable et, en tout état de cause, dénué de fondement.

a)      Sur la recevabilité 

92      Le CRU et la Commission font valoir, en substance, que l’exception d’illégalité est dirigée à tort contre le règlement délégué 2015/63, étant donné que ce sont le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 qui établissent l’obligation de contribuer au FRU, sans accorder de pouvoir délégué à Commission à cet égard. Ainsi, la Commission n’aurait pas été compétente pour modifier le champ d’application fixé par le législateur de l’Union. De plus, il n’existerait aucun lien juridique entre la décision attaquée et le texte visé par l’exception d’illégalité. La requérante n’expliquerait pas en quoi ce règlement délégué serait applicable, directement ou indirectement, aux contributions faisant l’objet de la décision attaquée. Par ailleurs, selon le CRU, la requérante n’a aucun intérêt à agir, étant donné que l’exception d’illégalité ne peut, par son résultat, lui procurer aucun bénéfice, puisqu’elle demeure redevable d’une contribution au FRU en vertu du règlement no 806/2014.

93      Enfin, la Commission soutient que les allégations de la requérante manquent de précision, car elle n’avance aucun argument susceptible de mettre en cause la légalité du règlement délégué 2015/63 dans son ensemble ni celle de dispositions spécifiques qui seraient illégales en raison de la violation des principes en cause.

94      Tout d’abord, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui (arrêt du 21 décembre 2021, Apostolopoulou et Apostolopoulou-Chrysanthaki/Commission, T‑721/18 et T‑81/19, EU:T:2021:933, point 62).

95      Force est de constater que le CRU et la Commission ont pu comprendre à suffisance la portée des arguments de la requérante, ce dont témoigne le fait qu’ils ont répondu au fond à ces arguments.

96      En outre, il est possible d’identifier dans les écritures de la requérante certaines dispositions du règlement délégué 2015/63 qu’elle conteste. À cet égard, la requérante reproche explicitement à la Commission de ne pas avoir prévu de dispositions permettant de prendre en considération sa situation d’établissement en résolution. Elle relève, notamment, que, par les articles 10 et 11 de ce règlement délégué, la Commission a, pourtant, établi des régimes spéciaux de contributions pour les petits établissements et les établissements de crédit hypothécaire.

97      Dès lors, le deuxième moyen est suffisamment précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer.

98      Ensuite, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une exception d’illégalité, soulevée de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE à l’occasion de la contestation à titre principal de la légalité d’un acte tiers, n’est recevable que dès lors qu’il existe un lien de connexité entre cet acte et la norme dont l’illégalité prétendue est excipée. Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (arrêts du 30 avril 2019, Wattiau/Parlement, T‑737/17, EU:T:2019:273, point 56, et du 16 juin 2021, Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji/Commission, T‑126/19, EU:T:2021:360, point 33).

99      Toutefois, il ressort également d’une jurisprudence constante que l’article 277 TFUE doit être interprété d’une manière suffisamment large pour que soit assuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions de caractère général en faveur des personnes exclues du recours direct contre de tels actes. Ainsi, le champ d’application de l’article 277 TFUE doit s’étendre aux actes des institutions qui ont été pertinents pour l’adoption de la décision qui fait l’objet du recours en annulation, en ce sens que ladite décision repose essentiellement sur ceux-ci, même s’ils n’en constituent pas formellement la base juridique. En outre, aux fins de l’examen d’une exception d’illégalité, les règles d’un seul et même régime ne sauraient être scindées artificiellement (arrêts du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 76, et du 16 juin 2021, Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji/Commission, T‑126/19, EU:T:2021:360, point 34).

100    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que le CRU a appliqué le règlement délégué 2015/63 afin de calculer les contributions ex ante, y compris celle de la requérante.

101    En outre, s’il est vrai que le champ d’application de l’obligation de contribuer au FRU est déterminé par le règlement no 806/2014, notamment son article 2, le règlement délégué 2015/63 a été adopté dans le but de préciser la méthode de calcul des contributions ex ante et a eu pour effet, notamment, de prévoir des régimes spéciaux de contribution pour certaines catégories d’établissements inclus dans le champ d’application de ces contributions. Or, dans le cadre du deuxième moyen, la requérante conteste essentiellement le fait que sa situation spécifique n’a pas été prise en compte par ce règlement délégué, et non le principe même des contributions ex ante.

102    Enfin, si le CRU et la Commission considèrent que cette dernière n’était pas compétente pour modifier le champ d’application des contributions ex ante fixé par le législateur de l’Union et, en particulier, pour exonérer les établissements qui, comme la requérante, faisaient l’objet d’un plan de résolution ordonnée, une telle considération relève de l’examen au fond de l’exception d’illégalité. En outre, il résulte de ce qui a été relevé au point 101 ci-dessus que la requérante soutient qu’il aurait été possible de prendre en considération sa situation spécifique afin d’aménager le régime de contributions ex ante auquel elle est soumise, et non qu’elle aurait dû être exclue du champ d’application des contributions ex ante.

103    Par conséquent, les fins de non-recevoir soulevées par le CRU et la Commission doivent être écartées. L’exception d’illégalité de la requérante est ainsi recevable pour autant qu’elle conteste la conformité du règlement délégué 2015/63 avec les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en ce que ce règlement délégué n’instituerait pas de régime spécial permettant de prendre en compte la situation spécifique des établissements qui font l’objet d’une résolution ordonnée, tels que la requérante.

b)      Sur le fond

1)      Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

104    La requérante fait valoir que le règlement délégué 2015/63 viole le principe d’égalité de traitement, puisqu’il traite d’une manière équivalente, d’une part, un établissement sous contrôle et garantie publics, qui fait l’objet d’un plan de résolution ordonnée approuvé par la Commission et qui ne développe plus aucune production nouvelle, et, d’autre part, un établissement en activité. Un tel traitement ne serait aucunement justifié, dès lors que le premier établissement ne serait plus en concurrence avec les autres acteurs sur le marché.

105    L’obligation pour la requérante de s’acquitter de la même contribution ex ante que les établissements en activité serait même contraire aux objectifs de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014. Elle fragiliserait un établissement dont la résolution ordonnée est assurée par un mécanisme et des charges autonomes. La contribution ex ante de la requérante financerait en réalité le risque de résolution des établissements en activité.

106    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

107    Le principe d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).

108    La requérante ayant invoqué la violation du principe d’égalité de traitement, c’est à elle qu’il incombe d’identifier avec précision les situations comparables dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière identique [arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311].

109    En l’espèce, en premier lieu, la requérante soutient, en substance, que les établissements qui font l’objet d’un plan de résolution ordonnée au niveau national (ci-après le « plan de résolution ordonnée »), tels que la requérante, doivent faire l’objet d’un traitement différent de celui des autres établissements soumis à l’obligation de contribuer au FRU, puisqu’ils ne se trouvent pas dans une situation comparable.

110    Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de telles situations s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

111    En ce qui concerne l’objet et le but du règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que ce règlement délégué a été adopté par la Commission en application d’une délégation de pouvoir que le législateur de l’Union lui a accordée par l’article 103, paragraphes 7 et 8, de la directive 2014/59, afin, notamment, de préciser la notion d’« adaptation des contributions au profil de risque des établissements ».

112    Quant aux principes et aux objectifs du domaine dont relève le règlement délégué 2015/63, ainsi que la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 qui sont mis en œuvre par ce même règlement délégué, il convient de rappeler que ces actes relèvent du domaine du MRU, dont la création vise, conformément au considérant 12 du règlement n° 806/2014, à garantir une approche neutre dans le traitement des établissements défaillants, à renforcer la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres ne participant pas à ce mécanisme, afin de faciliter le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble.

113    En vue d’assurer un financement des activités du MRU, la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 ont instauré les contributions ex ante, dont la nature spécifique consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de cette directive et du considérant 41 de ce règlement, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

114    Eu égard à ces principes et à ces objectifs, la requérante soutient à tort que les établissements qui font l’objet d’un plan de résolution ordonnée se trouvent, en raison de l’existence de ce plan, dans une situation différente de celle des autres établissements assujettis aux contributions ex ante.

115    Premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il découle du considérant 102 du règlement no 806/2014, les contributions ex ante sont collectées auprès des établissements préalablement à toute opération de résolution et indépendamment de celle-ci.

116    Deuxièmement, conformément à l’article 67, paragraphe 4, et à l’article 70 du règlement no 806/2014 ainsi qu’à l’article 103 de la directive 2014/59, l’obligation de verser des contributions ex ante s’applique à tous les établissements titulaires d’un agrément bancaire en tant qu’établissements au sens des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 3, paragraphe 1, point 13, de ce règlement ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de cette directive.

117    Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que les établissements faisant l’objet d’un plan de résolution ordonnée, tels que la requérante, peuvent opérer avec un agrément bancaire au sens des dispositions mentionnées au point 116 ci-dessus. Ainsi, à titre d’exemple, pendant la période de contribution concernée, la requérante conservait bel et bien son agrément bancaire, indépendamment de son plan de résolution ordonnée, et continuait à exercer certaines activités bancaires (voir point 4 ci-dessus).

118    Dès lors, de tels établissements continuent à présenter un certain risque pour la stabilité du système financier.

119    Troisièmement, la méthode de calcul des contributions ex ante, telle qu’elle a été instaurée par le règlement délégué 2015/63, est à même de refléter – de la même façon que pour les autres établissements – les spécificités du profil de risque des établissements faisant l’objet d’un plan résolution ordonnée.

120    En effet, la méthode de calcul des contributions ex ante prend en compte la taille des établissements par le biais du calcul de la contribution annuelle de base, cette dernière étant fondée sur un montant proportionnel du passif net de l’établissement concerné, rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Ainsi, la contribution annuelle de base d’un établissement diminue en comparaison de celle des autres établissements et reflète ainsi sa situation spécifique si, dans le cadre d’une résolution ordonnée, cet établissement réduit le montant de son passif net. En outre, les différents piliers et indicateurs de risque prévus à l’article 6 du règlement délégué 2015/63 permettent de tenir compte, d’une manière ciblée, de diverses caractéristiques des établissements, y compris des établissements faisant l’objet d’un plan de résolution ordonnée, de sorte qu’un tel établissement se voit imposer une contribution ex ante moins élevée lorsque son profil de risque diminue en raison d’une telle résolution.

121    Quatrièmement, contrairement à ce que la requérante soutient, les établissements soumis à un plan de résolution ordonnée ne sont pas exclus de tout bénéfice que procure le FRU.

122    En effet, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 74 ci-dessus, la seule existence de ce fonds contribue à la stabilité du secteur financier, laquelle profite à tous les établissements concernés, y compris les établissements qui font l’objet d’un plan de résolution ordonnée.

123    À cet égard, il convient de souligner que la possibilité non seulement de déclencher la résolution d’un établissement dont la défaillance est prévisible ou avérée, mais également de la faciliter, correspond à l’objectif poursuivi par la création du FRU. Or, la stabilité du secteur financier contribue à faciliter une telle résolution, puisqu’elle accroît la prévisibilité et l’efficacité de cette dernière.

124    Il en va d’autant plus ainsi qu’un tel établissement peut continuer à disposer, indépendamment des procédures de résolution ordonnée déclenchées au niveau national, comme c’est le cas pour la requérante, d’un agrément bancaire et à effectuer certaines activités bancaires, tout en ayant un bilan significatif.

125    D’autre part, les conditions prévues à l’article 18 du règlement no 806/2014, aux fins de l’adoption des dispositifs de résolution à l’égard des établissements, n’excluent pas qu’un établissement faisant l’objet d’un plan de résolution ordonnée puisse faire l’objet d’une résolution au titre de ce règlement, comme le fait valoir le CRU.

126    Dans ces circonstances, la requérante n’a pas démontré qu’elle se trouvait dans une situation différente de celle des établissements soumis au régime général, compte tenu des principes et des objectifs énoncés aux points 111 à 113 ci-dessus.

127    En second lieu, la requérante ne saurait soutenir que la violation du principe d’égalité de traitement découle du fait que les articles 10 et 11 du règlement délégué 2015/63 prévoient des régimes spéciaux en faveur des petits établissements et des établissements de crédit hypothécaire.

128    Dans la mesure où ce grief devrait être compris en ce sens que, par celui-ci, la requérante soutient qu’elle devrait être traitée de la même manière que les petits établissements et les établissements de crédit hypothécaire, il convient de relever ce qui suit.

129    En ce qui concerne les petits établissements, ceux-ci n’ont pas, en général, ainsi qu’il ressort du considérant 15 du règlement délégué 2015/63, un profil de risque élevé, dans la mesure où, eu égard au seuil maximal de passif net prévu par l’article 10 de ce règlement délégué pour bénéficier de ce régime, à savoir 300 millions d’euros, leur éventuelle défaillance n’affecterait pas l’économie de l’Union de la même manière que celle d’un grand établissement. C’est pour cette raison que de tels établissements bénéficient d’une méthode de calcul simplifiée par laquelle ils sont assujettis à une contribution ex ante forfaitaire.

130    En outre, comme il a été relevé au point 113 ci-dessus, le système des contributions ex ante est régi par une logique d’ordre assurantiel, dans laquelle le secteur financier doit procurer des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions. Dans ces conditions, la circonstance selon laquelle les établissements de grande taille, qui ont, en règle générale, une capacité plus élevée de contribution, versent des contributions ex ante plus élevées afin de garantir des ressources financières suffisantes au FRU, est révélatrice du fait que ceux-ci ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des petits établissements.

131    Tel est d’ailleurs également le cas de la requérante, dont le passif total s’élève [confidentiel] (2), soit [confidentiel] que le seuil maximal prévu pour bénéficier du régime spécial des petits établissements.

132    Par ailleurs, s’agissant du régime spécial des établissements de crédit hypothécaire, visés à l’article 11 du règlement délégué 2015/63, il ressort de l’article 45 bis de la directive 2014/59, dans sa version applicable au moment de l’adoption de la décision attaquée, auquel renvoie l’article 11 de ce règlement délégué pour fixer le champ d’application de ce régime, que les établissements de crédit hypothécaire présentent des caractéristiques particulières, en ce sens qu’ils sont financés par l’émission d’obligations garanties, qu’ils ne peuvent pas recevoir de dépôts aux termes du droit national et qu’ils peuvent se voir dispenser de l’obligation de respecter l’exigence de fonds propres et d’engagements éligibles.

133    Or, la requérante n’a pas démontré qu’elle présentait des caractéristiques particulières qui seraient comparables à celles des établissements de crédit hypothécaire.

134    Partant, la requérante n’a pas démontré qu’elle se trouvait dans une situation comparable à celle des établissements soumis à un régime spécial prévu par le règlement délégué 2015/63, compte tenu des principes et des objectifs énoncés aux points 111 à 113 ci-dessus.

135    Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter la seconde branche du deuxième moyen.

2)      Sur la première branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

136    La requérante soutient que les dispositions du règlement délégué 2015/63, notamment ses articles 5 et 6, ne sont pas de nature à permettre de réaliser les objectifs de ce règlement délégué, étant donné qu’aucune disposition dudit règlement délégué n’identifierait la situation exceptionnelle de la requérante, qui fait déjà l’objet d’une procédure de résolution ordonnée, ni ne conférerait au CRU le pouvoir de déterminer, sur la base de ses spécificités propres, son profil de risque. Or, en revanche, les articles 10 et 11 de ce même règlement délégué, notamment, énonceraient des règles particulières pour les petits établissements et les établissements de crédit hypothécaire. De même, le règlement délégué 2015/63 aurait pris en compte d’une manière erronée le fait qu’un établissement aurait déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel, car un tel soutien public diminuerait le risque que fait courir un établissement et ne l’augmenterait pas.

137    De manière générale, imposer à un établissement tel que la requérante une obligation de verser des contributions ex ante serait contraire aux objectifs de la directive 2014/59, qui sont d’éviter l’utilisation des moyens financiers des contribuables pour venir en aide aux établissements en situation de défaillance. En effet, la contribution ex ante de la requérante serait assumée par le Royaume de Belgique et la République française en tant qu’ils sont ses actionnaires et ferait double emploi avec son plan de résolution ordonnée. D’ailleurs, la requérante ne bénéficierait d’aucun service du CRU.

138    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

139    Il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient susceptibles de permettre de réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 165 et jurisprudence citée ; arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 142).

140    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point 139 ci-dessus, il convient de rappeler que, dans le contexte d’un pouvoir délégué au sens de l’article 290 TFUE, la Commission dispose, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée, notamment, à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53 et jurisprudence citée).

141    Tel est le cas en ce qui concerne la fixation des critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

142    À cet égard, il convient de rappeler que la nature spécifique de ces contributions consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). Afin d’atteindre cet objectif, le législateur de l’Union a prévu que, au terme d’une période initiale de huit ans, les moyens financiers disponibles du FRU atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de tous les établissements agréés dans tous les États membres participants (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 143).

143    Dans ce contexte, et ainsi qu’il ressort du considérant 114 de la directive 2014/59, le législateur de l’Union a chargé la Commission de préciser, par acte délégué, la façon d’ajuster les contributions des établissements aux dispositifs de financement pour la résolution en proportion de leur profil de risque.

144    Dans cette même optique, le considérant 107 de cette directive précise que, pour assurer un calcul équitable des contributions ex ante aux dispositifs de financement nationaux et encourager l’adoption de modes de fonctionnement moins risqués, il convient que ces contributions soient fonction du risque de crédit, de liquidité et de marché encouru par les établissements.

145    Il découle de ce qui précède que la Commission devait élaborer des règles d’ajustement des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements en poursuivant deux objectifs liés, à savoir, d’une part, assurer la prise en compte des différents risques que génèrent les activités des établissements, bancaires ou plus largement financières, et, d’autre part, encourager ces mêmes établissements à suivre des modes de fonctionnement moins risqués.

146    Or, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment les documents « JRC technical work supporting Commission second level legislation on risk based contributions to the (single) resolution fund » [Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au fonds de résolution (unique), ci-après l’« étude technique du JRC »], et « Commission Staff Working Document: estimates of the application of the proposed methodology for the calculation of contributions to resolution financing arrangements » (Document de travail des services de la Commission : estimations de l’application de la méthode proposée pour le calcul des contributions aux dispositifs de financement des résolutions), l’élaboration de telles règles impliquait des appréciations et des évaluations complexes de la part de la Commission dans la mesure où celle-ci devait examiner les différents éléments au vu desquels les divers types de risque étaient appréhendés dans les secteurs bancaire et financier.

147    Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, points 80, 81 et 91 ; du 30 novembre 2022, Trasta Komercbanka e.a./BCE, T‑698/16, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:737, points 221 et 222 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2022, Firearms United Network e.a./Commission, T‑187/21, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:848, points 122 et 123 et jurisprudence citée), le contrôle par le Tribunal du respect du principe de proportionnalité doit se limiter à examiner si la mesure concernée est manifestement inappropriée par rapport à l’objectif poursuivi, si elle ne va pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ou si elle n’entraîne pas d’inconvénients manifestement disproportionnés par rapport à l’objectif poursuivi.

148    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela ressort du point 142 ci-dessus, l’objectif poursuivi par la perception annuelle des contributions ex ante des établissements, telle qu’elle est prévue par la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63, est d’assurer, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions et d’encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

149    En premier lieu, en ce qui concerne le caractère approprié de la soumission des établissements faisant l’objet d’un plan de résolution ordonnée, tels que la requérante, au régime général de perception des contributions ex ante, il convient de relever que cette soumission contribue à réaliser l’objectif rappelé au point 142 ci-dessus en procurant des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions.

150    Il en va d’autant plus ainsi que, comme cela ressort des considérations énoncées aux points 115 à 134 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré qu’elle ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle des établissements soumis au régime général ou qu’elle se trouvait dans une situation comparable à celle des établissements soumis à un régime spécial.

151    Par conséquent, la soumission des établissements faisant l’objet d’un plan de résolution ordonnée au régime général de perception des contributions ex ante peut être considérée comme permettant d’atteindre l’objectif mentionné au point 142 ci-dessus.

152    Cette constatation n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel le règlement délégué 2015/63 a pris en compte uniquement de façon pénalisante le fait qu’un établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel.

153    En effet, l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 oblige la Commission – afin de déterminer les modalités d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements – à prendre en compte, notamment, l’exposition au risque des établissements, la diversité de leurs ressources ainsi que leur stabilité et la mesure dans laquelle ils ont reçu une aide publique exceptionnelle. À cet égard, le règlement délégué 2015/63, notamment son article 6, paragraphe 8, sous a), retient que la restructuration d’un établissement ou d’un groupe à l’aide d’un financement public est considérée comme un facteur qui augmente le risque que présente l’établissement en question, ce qui, par conséquent, augmente également la mesure dans laquelle la contribution annuelle de base de l’établissement en question est adaptée au profil de risque de celui-ci.

154    Or, comme le soutient le CRU, l’octroi d’un financement public atteste des difficultés de l’établissement en cause à obtenir un financement sur le marché financier, ce qui a nécessairement un impact sur le profil de risque de cet établissement.

155    Il s’ensuit que la prise en compte du fait qu’un établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel, tel qu’il est prévu par le règlement délégué 2015/63, n’est pas manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif mentionné au point 142 ci-dessus, dès lors que cette prise en compte vise à refléter le profil de risque de l’établissement concerné.

156    En deuxième lieu, s’agissant de la nécessité de cette soumission des établissements faisant l’objet d’un plan de résolution ordonnée au régime général de perception des contributions ex ante, il convient de relever, comme cela est exposé au point 150 ci-dessus, que la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui démontrerait qu’un régime spécifique pour les établissements faisant l’objet d’une résolution ordonnée, tels que la requérante, serait une mesure aussi efficace que la soumission de ces établissements au régime général, mais moins contraignante pour ces établissements, pour atteindre l’objectif mentionné au point 142 ci-dessus.

157    Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre que la soumission au régime général des établissements qui font l’objet d’une résolution ordonnée irait manifestement au-delà de ce qui est nécessaire afin de procurer des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions.

158    Cette constatation n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les établissements qui bénéficient de garanties étatiques et font l’objet d’un plan de résolution ordonnée, tels que la requérante, ne devraient pas être soumis au régime général de perception des contributions ex ante, puisqu’ils ne bénéficieraient d’aucun service de la part du CRU. D’une part, la requérante a soulevé cet argument sans avoir précisé les raisons pour lesquelles une telle circonstance serait pertinente pour examiner si la soumission au régime général des établissements qui font l’objet d’une résolution ordonnée était manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif rappelé au point 142 ci-dessus.

159    D’autre part, et en tout état de cause, ainsi qu’il a été relevé aux points 74 à 76 ci-dessus, bien qu’il n’y ait aucun lien automatique entre, d’un côté, le versement de la contribution ex ante et, de l’autre, la résolution de l’établissement concerné (arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 70), il n’en demeure pas moins que tous les établissements, y compris la requérante, bénéficient de leurs contributions ex ante au travers de la stabilité du système financier, laquelle est assurée par le FRU.

160    En troisième lieu, la requérante n’a pas présenté au Tribunal d’éléments suffisants pour démontrer que la soumission des établissements faisant l’objet d’un plan de résolution ordonnée, tels que la requérante, au régime général de perception des contributions ex ante entraînerait des inconvénients manifestement démesurés par rapport à l’objectif poursuivi. En particulier, la requérante ne démontre pas comment le paiement de sa contribution ex ante ferait double emploi avec son plan de résolution ordonnée et pourrait affecter sa solidité financière au point de compromettre ou de rendre impossible sa résolution ordonnée.

161    Eu égard aux considérations qui précèdent, la requérante ne saurait prétendre que les modalités de perception des contributions ex ante prévues par le règlement délégué 2015/63 méconnaissent le principe de proportionnalité.

162    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la charge de ses contributions ex ante est assumée, en définitive, par les autorités publiques, en leur qualité d’actionnaires majoritaires, et va ainsi à l’encontre des objectifs de la directive 2014/59, qui visent à éviter l’utilisation des moyens financiers des contribuables pour venir en aide aux établissements en situation de défaillance.

163    Il est vrai que, ainsi que cela ressort du considérant 109 de la directive 2014/59, celle-ci vise à atteindre l’objectif selon lequel l’essentiel du financement des procédures de résolution des établissements concernés devrait provenir des actionnaires et des créanciers des établissements soumis à de telles procédures, puis des entités du secteur, et non des budgets publics.

164    Cependant, dans la mesure où une autorité publique est actionnaire, créancière ou garante d’un tel établissement, il n’est pas incompatible avec cet objectif qu’elle participe au financement du FRU et qu’elle contribue ainsi à assurer la solidité du système de l’Union prévoyant des dispositifs de financement pour la résolution.

165    Dès lors, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen et, avec elle, ce moyen dans son ensemble.

B.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement par la décision attaquée

166    La requérante fait valoir que, même si le règlement no 806/2014 n’impose pas au CRU de résultat déterminé en matière de contribution ex ante à verser par chaque établissement, le CRU a omis d’utiliser son pouvoir d’appréciation pour prendre en considération les caractéristiques spécifiques de la requérante et la traiter en respectant les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. La violation de ces principes par la décision attaquée résulterait ainsi de l’absence totale de motif qui indiquerait la raison pour laquelle le CRU n’a pas tenu compte, de façon adéquate, des caractéristiques spécifiques de la requérante, lesquelles ont été consacrées dans la décision de la Commission mentionnée au point 4 ci-dessus et confirmées par les décisions subséquentes de la Commission, mentionnées au point 5 ci-dessus.

167    Le CRU conteste cette argumentation.

168    Tout d’abord, il convient de souligner que la requérante ne conteste pas que, pendant la période de contribution 2021, elle était un établissement au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014. Elle ne conteste pas non plus qu’il en était de même lors de la période de référence, prévue à l’article 14, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, dont les données ont été utilisées pour calculer sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021.

169    Par ailleurs, la requérante n’explique pas comment le CRU aurait dû appliquer la méthode de détermination des contributions ex ante, telle qu’elle est prévue par le règlement no 806/2014 et par le règlement délégué 2015/63, de manière différente en ce qui la concerne.

170    En effet, bien que la réglementation applicable n’impose pas au CRU de résultat déterminé s’agissant de chaque établissement concerné, il n’en reste pas moins, premièrement, que cette réglementation fixe, à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le niveau cible final au terme de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale »). Deuxièmement, le paragraphe 2 de cette disposition prévoit que, afin d’atteindre le niveau cible final, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible au cours de la période initiale. Troisièmement, l’obligation pour tout établissement au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 13, de ce même règlement de verser les contributions ex ante découle des dispositions combinées de l’article 2, de l’article 3, paragraphe 1, point 13, et de l’article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014. Dès lors, chaque établissement relevant de ce champ d’application est obligé de verser lesdites contributions, quel que soit son profil de risque et sans que la Commission ou le CRU disposent d’une marge d’appréciation pour exclure, soit dans le règlement délégué 2015/63, soit dans les décisions portant détermination des contributions ex ante, certaines catégories d’établissements dudit champ d’application.

171    Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel le CRU aurait dû utiliser sa marge d’appréciation afin d’adapter les dispositions applicables à sa situation ne saurait prospérer.

172    Cette constatation n’est pas infirmée par le fait qu’un établissement, tel que la requérante, est soumis à un plan de résolution ordonnée, pour autant que cet établissement soit toujours un établissement au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014.

173    Il en va d’autant plus ainsi que, bien qu’il n’existe aucun lien automatique entre, d’une part, le versement de la contribution ex ante et, d’autre part, la résolution de l’établissement concerné (arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 70), il n’en demeure pas moins que tous les établissements, y compris la requérante, bénéficient de leurs contributions ex ante à travers la stabilité du système financier, laquelle est assurée par le FRU, ainsi qu’il a été relevé aux points 74 à 76 ci-dessus.

174    Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté.

2.      Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’une violation du principe de transparence concernant le calcul des contributions ex ante

175    La requérante soutient que la décision attaquée viole le principe de transparence énoncé à l’article 15, paragraphe 3, troisième alinéa, TFUE ainsi que l’obligation de motivation prévue par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, puisque les informations figurant dans cette décision ne permettent pas de garantir l’absence d’erreur, de discrimination ou d’arbitraire dans l’application par le CRU de la méthodologie de calcul des contributions ex ante. En effet, les annexes de ladite décision ne fourniraient pas les résultats du calcul des différents indicateurs de risque de la requérante. Ainsi, cette dernière ne pourrait que déduire les fourchettes dans lesquelles ses indicateurs se trouvent, et ce en fonction des numéros de bins qui lui ont été attribués. De plus, les valeurs limites de ces fourchettes auraient été diminuées ou augmentées par le CRU d’un montant aléatoire.

176    Le calcul du nombre de bins et le classement par bin seraient également opaques au motif qu’ils dépendraient des résultats du calcul effectué pour chaque établissement concerné, lesquels ne seraient pas fournis. En outre, aucune indication ne serait donnée quant au dénominateur de la formule de calcul de la contribution ex ante exposée à l’annexe I, sous le titre « Étape 6 », point 2, du règlement délégué 2015/63, ce règlement délégué se contentant de préciser que « p, q indexe les établissements ». Il serait donc impossible pour la requérante de vérifier l’intégrité du calcul de sa contribution ex ante ainsi que la conformité de celui-ci avec la réglementation applicable.

177    Le CRU conteste cette argumentation.

178    À titre liminaire, il convient de rappeler que les articles 4 à 9 du règlement délégué 2015/63 énoncent les règles que le CRU est tenu d’appliquer pour déterminer la contribution annuelle de base et pour ajuster cette dernière en fonction du profil de risque des établissements. Ces règles sont ensuite mises en œuvre, de manière plus concrète, à l’annexe I de ce règlement délégué.

179    En application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de calculer, dans un premier temps, un nombre de bins afin de comparer les établissements eu égard aux différents indicateurs et sous-indicateurs de risque. Dans un deuxième temps, il incombe au CRU d’assigner, en principe, le même nombre d’établissements à chaque bin, en commençant par assigner au premier bin les établissements pour lesquels les valeurs de l’indicateur brut sont les plus faibles. Dans un troisième temps, il appartient au CRU d’assigner à tous les établissements figurant dans un bin donné le même score, dénommé « indicateur discrétisé », dont il doit tenir compte pour le reste du calcul de leur multiplicateur d’ajustement.

180    En outre, il convient de relever que l’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.

181    La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

182    Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

183    Afin d’examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant les contributions ex ante, il convient de rappeler, premièrement, qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).

184    Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est notamment concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).

185    Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant notamment d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

186    Quatrièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).

187    Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).

188    S’agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l’obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

189    Dans un tel cas, ces personnes sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).

190    Il résulte de ce qui précède que le CRU n’est pas, notamment, tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

191    En revanche, il incombe au CRU de publier ou de transmettre aux établissements concernés, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives à ces établissements, utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 166).

192    Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante des établissements a été adaptée au profil de risque de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).

193    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

194    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 19 ci-dessus, l’annexe I de la décision attaquée contient la fiche individuelle de la requérante, qui expose non seulement les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données de tous les établissements, mais aussi toutes les données individuelles de la requérante utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante, telles que le montant de sa contribution annuelle de base, les valeurs de ses indicateurs de risque ainsi que son classement dans les bins respectifs en fonction de ces valeurs. En outre, il ressort de l’annexe II de cette décision que la requérante était informée du nombre de bins correspondant à chaque indicateur de risque ainsi que des valeurs limites de ces bins. Conformément à la jurisprudence citée au point 192 ci-dessus, la requérante était donc, notamment, en mesure de vérifier, au regard des données de l’annexe I de ladite décision, lues conjointement avec les données de l’annexe II de cette même décision, si elle avait été placée dans les bins corrects par rapport à l’ensemble des autres établissements.

195    Il en va d’autant plus ainsi que le CRU a transmis à la requérante, avant l’adoption de la décision attaquée, un outil de calcul des contributions ex ante afin qu’elle puisse effectuer à l’avance le calcul de sa contribution ex ante. Cet outil contenait, d’une part, les algorithmes utilisés par le CRU pour effectuer les calculs préliminaires et, d’autre part, les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous les établissements concernés. Ainsi, la requérante, en insérant ses données individuelles dans les champs appropriés dudit outil, a pu calculer, étape par étape, sa contribution ex ante individuelle, conformément aux calculs préliminaires effectués par le CRU sur les contributions ex ante pour la période de contribution 2021.

196    Il est vrai que, en ce qui concerne les données des autres établissements utilisées par le CRU dans le cadre des étapes de calcul des contributions ex ante, telles qu’elles sont définies à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, portant sur la « discrétisation des indicateurs » (étape 2), l’« intégration du signe affecté » (étape 4) et le « calcul des contributions annuelles » (étape 6), les annexes I et II de la décision attaquée ne contiennent que les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous les établissements concernés. Cependant, il découle de la jurisprudence citée au point 190 ci-dessus que le CRU n’est pas tenu de fournir aux établissements le calcul complet utilisé pour obtenir ces données communes, dès lors que cela supposerait de divulguer des données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés.

197    Eu égard à ce qui précède, la requérante ne saurait prétendre que la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qu’elle ne fournit pas de données individuelles des autres établissements permettant de vérifier le calcul de sa contribution ex ante.

198    Pour les mêmes motifs, le principe de transparence tel qu’il est invoqué par la requérante n’est pas davantage méconnu.

199    S’agissant, plus concrètement, de la circonstance selon laquelle les valeurs limites minimale et maximale de chaque bin ont été, aux fins de leur communication aux établissements concernés, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, il suffit de relever que la requérante n’a pas expliqué en quoi ladite circonstance serait contraire aux exigences de motivation découlant de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), telles que rappelées aux points 181 à 192 ci-dessus, et ce alors qu’elle avait été invitée par le Tribunal à prendre position sur cet arrêt dans sa réplique.

200    Enfin, c’est à tort que la requérante soutient qu’« aucune indication » n’est donnée quant au sens du dénominateur de la formule de calcul de la contribution ex ante exposée à l’annexe I, sous le titre « Étape 6 », point 2, du règlement délégué 2015/63. En effet, le CRU a expliqué toutes les composantes de ce dénominateur au considérant 120 de la décision attaquée et la requérante a donc pu comprendre le sens de cette formule de calcul.

201    Dans ces conditions, le quatrième moyen doit être écarté.

3.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 par la décision attaquée

202    La requérante estime que le CRU a violé l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 en fixant le niveau cible annuel à un huitième de 1,35 % du montant moyen des dépôts couverts en 2020. L’augmentation de 16,5 % du niveau cible annuel de la période de contribution 2021 par rapport à la période précédente résulterait d’une application linéaire d’une augmentation des dépôts couverts sur la base de l’évolution constatée entre 2015 et 2020, ce qui serait hypothétique. Ladite augmentation du niveau cible annuel serait d’autant plus injustifiée que les contributions ex ante payées ne sont pas remboursées. Ainsi, si elle n’avait plus le statut d’établissement en 2022 ou en 2023, la requérante financerait tout de même une part plus importante que celle qu’elle aurait payée en cas d’application d’un niveau cible rigoureusement uniforme d’année en année, surtout si le niveau cible des dépôts couverts se réduisait au cours des années suivantes.

203    Par ailleurs, en fixant dans la décision attaquée le niveau cible annuel à 1,35 % des dépôts couverts, alors que le niveau cible final est de 1 % des dépôts couverts, le CRU aurait contourné l’application de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, en empêchant que les contributions ex ante soient perçues de manière uniforme au cours de la période initiale. Aucune disposition de ce règlement ne permettrait au CRU de décider d’autorité, quand bien même cette décision serait justifiée par une tendance constatée, de fixer le niveau cible au-delà de 1 % des dépôts couverts. En outre, rien n’indiquerait dans ledit règlement qu’il faudrait prendre en compte le niveau cible final, car il s’agirait d’une cible mouvante qui serait encore modifiée après la période initiale. Si les moyens étaient insuffisants au terme de cette période, le CRU pourrait continuer à percevoir les contributions ex ante nécessaires auprès des établissements.

204    En outre, le considérant 105 du règlement no 806/2014 suggérerait que le critère des dépôts couverts pourrait ne pas être approprié et qu’un montant absolu pourrait être fixé afin de maintenir des conditions équitables, conformément à la directive 2014/59. La référence du CRU à un niveau cible final au-delà de 1 % des dépôts couverts serait donc d’autant plus injustifiée si, à terme, il était remplacé par la Commission par un montant absolu en application de l’article 94 de ce règlement, qui imposerait à cette dernière d’évaluer si le point de référence pour la fixation du niveau cible final est approprié.

205    Le CRU conteste cette argumentation.

206    La requérante conteste, dans le cadre de son premier moyen, les modalités de détermination du taux d’accroissement des dépôts couverts qui sert à déterminer le niveau cible annuel, ce qui augmenterait sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021 par rapport à celles des années précédentes. Ainsi, elle critique le choix de la méthode suivie par le CRU à cet égard, alors que l’évolution de ce taux a un impact très important sur le montant des contributions ex ante.

207    Afin d’apprécier si le CRU a méconnu l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 lorsqu’il a déterminé le niveau cible annuel dans la décision attaquée, le Tribunal doit d’abord examiner d’office si cette décision est suffisamment motivée en ce qui concerne la détermination dudit niveau.

208    À cet égard, il convient de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée). Par conséquent, le Tribunal peut, voire doit, prendre en compte également d’autres défauts de motivation que ceux invoqués par la requérante, et ce, notamment, lorsque ceux-ci se révèlent au cours de la procédure.

209    À cette fin, les parties ont été entendues, par une mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience, sur tous les éventuels défauts de motivation dont serait entachée la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

210    Cela étant précisé, il convient de rappeler que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

211    Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 210 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

212    L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 précise que, chaque année, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final.

213    En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

214    De même, selon l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le CRU calcule la contribution ex ante pour chaque établissement sur la base du niveau cible annuel, qui doit être établi au regard du niveau cible final et conformément à la méthode exposée dans le règlement délégué 2015/63.

215    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 48 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2021, le montant du niveau cible annuel à 11 287 677 212,56 euros.

216    Aux considérants 36 et 37 de la décision attaquée, le CRU a expliqué, en substance, que le niveau cible annuel devait être déterminé sur la base d’une analyse portant sur l’évolution des dépôts couverts au cours des années précédentes, sur toute évolution pertinente de la situation économique ainsi que sur une analyse portant sur les indicateurs relatifs à la phase du cycle d’activité et sur les effets que des contributions procycliques auraient sur la situation financière des établissements. Par la suite, le CRU a considéré approprié de fixer un coefficient qui était fondé sur cette analyse et sur les moyens financiers disponibles dans le FRU (ci-après le « coefficient »). Le CRU a appliqué ce coefficient à un huitième du montant moyen des dépôts couverts en 2020, aux fins d’obtenir le niveau cible annuel.

217    Le CRU a exposé la démarche suivie pour fixer le coefficient aux considérants 38 à 47 de la décision attaquée.

218    Au considérant 38 de la décision attaquée, le CRU a constaté une tendance constante à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participants. En particulier, le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2020 à 6,689 billions d’euros.

219    Aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée, le CRU a présenté l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les trois années restantes de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Il a estimé que les taux annuels de croissance des dépôts couverts jusqu’à la fin de la période initiale se situeraient entre 4 % et 7 %.

220    Aux considérants 42 à 45 de la décision attaquée, le CRU a présenté une évaluation de la phase du cycle d’activité et de l’effet procyclique potentiel que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements. Pour ce faire, il a indiqué avoir tenu compte de plusieurs indicateurs, tels que la prévision de croissance du produit intérieur brut de la Commission et les projections de la Banque centrale européenne (BCE) à cet égard ou le flux de crédit du secteur privé en pourcentage du produit intérieur brut.

221    Au considérant 46 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, s’il était raisonnable de s’attendre à la poursuite de la croissance des dépôts couverts au sein de l’union bancaire, le rythme de cette croissance serait inférieur à celui de l’année 2020. À cet égard, le CRU a indiqué, au considérant 47 de la décision attaquée, avoir adopté une « approche prudente » en ce qui concernait les taux de croissance des dépôts couverts pour les années à venir jusqu’à 2023.

222    Au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 48 de la décision attaquée, la valeur du coefficient à 1,35 %. Il a ensuite calculé le montant du niveau cible annuel, en multipliant le montant moyen des dépôts couverts en 2020 par ce coefficient et en divisant le résultat de ce calcul par huit, conformément à la formule mathématique suivante, figurant au considérant 48 de ladite décision :

« Cible0 [montant du niveau cible annuel] = Total dépôts couverts2020 * 0,0135 * ⅛ = EUR 11 287 677 212,56 ».

223    Il ressort, en substance, des explications du CRU lors de l’audience qu’il a déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 comme suit.

224    Premièrement, sur la base d’une analyse prospective, le CRU a fixé le montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, pronostiqué pour la fin de la période initiale, à environ 7,5 billions d’euros. Pour aboutir à ce montant, le CRU a pris en compte le montant moyen des dépôts couverts en 2020, à savoir 6,689 billions d’euros, un taux de croissance annuel des dépôts couverts de 4 % ainsi que le nombre de périodes de contribution restantes jusqu’à la fin de la période initiale, à savoir trois.

225    Deuxièmement, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé 1 % de ces 7,5 billions d’euros pour obtenir le montant estimé du niveau cible final devant être atteint le 31 décembre 2023, à savoir environ 75 milliards d’euros.

226    Troisièmement, le CRU a déduit de ce dernier montant les ressources financières déjà disponibles dans le FRU en 2021, c’est-à-dire environ 42 milliards d’euros, pour obtenir le montant qu’il restait à percevoir pendant les périodes de contribution restantes avant la fin de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Ce montant s’élevait à environ 33 milliards d’euros.

227    Quatrièmement, le CRU a divisé ce dernier montant par trois pour le répartir uniformément entre lesdites trois périodes de contribution restantes. Le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 a été ainsi fixé au montant mentionné au point 215 ci-dessus, à savoir environ 11,287 milliards d’euros.

228    Le CRU a également affirmé, lors de l’audience, qu’il avait rendu publics des éléments d’information sur lesquels avait été fondée la méthode décrite aux points 224 à 227 ci-dessus et qui auraient permis à la requérante de comprendre la méthode par laquelle le niveau cible annuel avait été déterminé. En particulier, il a précisé qu’il avait publié sur son site Internet, en mai 2021, c’est-à-dire après l’adoption de la décision attaquée, mais avant l’introduction du présent recours, une fiche descriptive dénommée « Fact Sheet 2021 » (ci-après la « fiche descriptive »), qui indiquait le montant estimé du niveau cible final. De même, le CRU a affirmé que le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU était également disponible sur son site Internet ainsi que par le biais d’autres sources publiques, et ce bien avant l’adoption de la décision attaquée.

229    Afin d’examiner si le CRU a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, il convient de rappeler que, en ce qui concerne le contenu de l’obligation de motivation, il ressort de la jurisprudence que la motivation d’une décision prise par une institution ou un organe de l’Union doit être, notamment, dépourvue de contradictions pour permettre aux intéressés de connaître les motifs réels de cette décision, en vue de défendre leurs droits devant la juridiction compétente, et à cette dernière d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée ; du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 20 et 45 à 47, et du 16 décembre 2015, Grèce/Commission, T‑241/13, EU:T:2015:982, point 56).

230    De même, lorsque l’auteur de la décision attaquée fournit certaines explications concernant les motifs de celle-ci au cours de la procédure devant le juge de l’Union, ces explications doivent être cohérentes avec les considérations exposées dans cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 45 à 47, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 54 et 55).

231    En effet, si les considérations exposées dans la décision attaquée ne sont pas cohérentes avec de telles explications fournies lors de la procédure juridictionnelle, la motivation de la décision concernée ne remplit pas les fonctions rappelées aux points 181 à 182 ci-dessus. En particulier, une telle incohérence empêche, d’une part, les intéressés de connaître les motifs réels de la décision attaquée, avant l’introduction du recours, et de préparer leur défense à leur égard et, d’autre part, le juge de l’Union d’identifier les motifs ayant servi de véritable support juridique à cette décision et d’examiner leur conformité aux règles applicables.

232    Enfin, il y a lieu de rappeler que, lorsque le CRU adopte une décision fixant les contributions ex ante, il doit porter à la connaissance des établissements concernés la méthode de calcul de ces contributions (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

233    Il doit en aller de même pour la méthode de détermination du niveau cible annuel, ce montant revêtant une importance essentielle dans l’économie d’une telle décision. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le mode de calcul des contributions ex ante consiste en la répartition dudit montant entre tous les établissements concernés, de sorte qu’une augmentation ou une réduction de ce même montant entraîne une augmentation ou une réduction correspondante de la contribution ex ante de chacun de ces établissements.

234    Il ressort de ce qui précède que, si le CRU est tenu de fournir aux établissements, par le biais de la décision attaquée, des explications concernant la méthode de détermination du niveau cible annuel, ces explications doivent être cohérentes avec les explications fournies par le CRU pendant la procédure juridictionnelle et portant sur la méthode réellement appliquée.

235    Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

236    En effet, il convient tout d’abord de relever que la décision attaquée a exposé, au considérant 48, une formule mathématique qu’elle a présentée comme étant à la base de la détermination du niveau cible annuel. Or, il s’avère que cette formule n’intègre pas les éléments de la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des points 224 à 227 ci-dessus, le CRU a obtenu le montant du niveau cible annuel, dans le cadre de cette méthode, en déduisant du niveau cible final les moyens financiers disponibles dans le FRU, en vue de calculer le montant qu’il restait à percevoir jusqu’à la fin de la période initiale et en divisant ce dernier montant par trois. Or, ces deux étapes du calcul ne trouvent aucune expression dans ladite formule mathématique.

237    Par ailleurs, cette constatation ne saurait être remise en cause par l’affirmation du CRU selon laquelle il a publié, en mai 2021, la fiche descriptive, qui contenait une fourchette indiquant les éventuels montants du niveau cible final et, sur son site Internet, le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU. En effet, indépendamment de la question de savoir si la requérante avait effectivement connaissance de ces montants, ces derniers n’étaient pas, à eux seuls, de nature à lui permettre de comprendre que les deux opérations mentionnées au point 236 ci-dessus avaient été effectivement appliquées par le CRU, étant précisé, au surplus, que la formule mathématique prévue au considérant 48 de la décision attaquée ne les mentionnait même pas.

238    Des incohérences similaires affectent également la manière dont a été fixé le coefficient de 1,35 %, qui joue pourtant un rôle primordial dans la formule mathématique mentionnée au point 237 ci-dessus. En effet, ce coefficient pourrait être compris en ce sens qu’il est fondé, parmi d’autres paramètres, sur la croissance pronostiquée des dépôts couverts pendant les années restantes de la période initiale. Or, cela est incohérent avec les explications fournies par le CRU lors de l’audience, dont il découle que ce coefficient a été fixé de manière à pouvoir justifier le résultat du calcul du montant du niveau cible annuel, c’est-à-dire après que le CRU a calculé ce montant en application des quatre étapes exposées aux points 224 à 227 ci-dessus et, notamment, par la division par trois du montant issu de la déduction des moyens financiers disponibles dans le FRU du niveau cible final. Or, cette démarche ne ressort aucunement de la décision attaquée.

239    En outre, il convient de rappeler que, selon la fiche descriptive, le montant du niveau cible final estimé se situait dans une fourchette comprise entre 70 et 75 milliards d’euros. Or, cette fourchette s’avère incohérente avec la fourchette du taux de croissance des dépôts couverts comprise entre 4 % et 7 % figurant au considérant 41 de la décision attaquée. En effet, le CRU a indiqué à l’audience que, aux fins de la détermination du niveau cible annuel, il avait tenu compte du taux de croissance des dépôts couverts de 4 % – qui était le taux le plus bas de la seconde fourchette – et qu’il avait ainsi obtenu le niveau cible final estimé de 75 milliards d’euros – qui constituait la valeur la plus élevée de la première fourchette. Il s’avère ainsi qu’il existe une discordance entre ces deux fourchettes. En effet, d’une part, la fourchette portant sur le taux d’évolution des dépôts couverts comprend également des valeurs supérieures au taux de 4 %, dont l’application aurait pourtant abouti à un montant estimé du niveau cible final supérieur à ceux inclus dans la fourchette relative à ce niveau cible. D’autre part, il est impossible pour la requérante de comprendre la raison pour laquelle le CRU a inclus dans la fourchette afférente audit niveau cible des montants inférieurs à 75 milliards d’euros. En effet, pour y aboutir, il aurait été nécessaire d’appliquer un taux en deçà de 4 %, qui n’est pourtant pas compris dans la fourchette relative au taux de croissance des dépôts couverts. Dans ces conditions, la requérante n’était pas en mesure de déterminer la manière dont le CRU avait utilisé la fourchette portant sur le taux d’évolution de ces dépôts pour aboutir au calcul du niveau cible final estimé.

240    Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience, ne correspond pas à celle décrite dans la décision attaquée, de sorte que les motifs réels, au regard desquels a été fixé ce niveau cible, ne pouvaient être identifiés sur la base de la décision attaquée ni par les établissements ni par le Tribunal.

241    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

242    Partant, il convient d’annuler la décision attaquée pour ce motif, un tel défaut de motivation empêchant le Tribunal d’examiner le bien-fondé du premier moyen.

C.      Conclusion

243    À la suite de l’examen d’office effectué par le Tribunal dans le cadre du premier moyen, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. Ces vices étant, à eux seuls, de nature à fonder l’annulation de cette décision, il y a lieu d’annuler cette dernière, en ce qu’elle concerne la requérante.

V.      Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

244    Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt est devenu définitif.

245    La requérante soutient qu’elle ne s’oppose pas à cette demande dans la mesure où la décision attaquée serait annulée sur la base d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de transparence. Elle a précisé lors de l’audience, à la suite d’une question du Tribunal, qu’elle ne s’opposerait pas à ladite demande dans la mesure où la décision attaquée serait annulée sur la base de la violation d’une forme substantielle.

246    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs.

247    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un tel acte peuvent être maintenus, notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs de violation des formes substantielles (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 175 et jurisprudence citée).

248    En l’espèce, la décision attaquée a été prise en violation des formes substantielles. En revanche, le Tribunal n’a pas constaté, dans la présente procédure, d’erreur affectant la légalité au fond de cette décision.

249    En outre, à l’instar de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 177), il convient de constater que prononcer l’annulation de la décision attaquée sans prévoir le maintien de ses effets jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par un nouvel acte serait de nature à porter atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, qui constituent une partie essentielle de l’union bancaire, laquelle contribue à la stabilité de la zone euro.

250    Dans ces circonstances, il y a lieu de maintenir les effets de la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au FRU de la requérante pour la période de contribution 2021.

 Sur les dépens

251    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

252    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement, le Conseil et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique est annulée en ce qu’elle concerne Dexia Crédit Local.

2)      Les effets de la décision SRB/ES/2021/22, en ce qu’elle concerne Dexia Crédit Local, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au Fonds de résolution unique de cet établissement pour la période de contribution 2021.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Dexia Crédit Local.

4)      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2024.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Décision attaquée

III. Conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63

1. Sur les cinquième et sixième moyens, tirés d’exceptions d’illégalité de dispositions du règlement no 806/2014 au regard des traités

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63 au regard des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

a) Sur la recevabilité

b) Sur le fond

1) Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

2) Sur la première branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1. Sur le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement par la décision attaquée

2. Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’une violation du principe de transparence concernant le calcul des contributions ex ante

3. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 par la décision attaquée

C. Conclusion

V. Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

VI. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2 Données confidentielles occultées.