Language of document : ECLI:EU:T:2024:404

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

19 juin 2024 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Contrat à durée déterminée – Résiliation du contrat – Article 47, sous b), ii, du RAA – Rupture du lien de confiance – Droit d’être entendu – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Détournement de pouvoir – Erreur manifeste d’appréciation – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire T‑831/22,

TO, représentée par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), représentée par Mmes P. Eyckmans, M. Stomatopoulou et C. Allante, en qualité d’agents, assistées de Mes T. Bontinck, A. Guillerme et L. Burguin, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. L. Madise et P. Nihoul (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, TO, demande, d’une part, l’annulation de la décision de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) du [confidentiel] (1) portant résiliation de son contrat d’agent temporaire à durée déterminée (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la réparation des préjudices matériel et moral qu’elle aurait subis à la suite de cette décision.

I.      Antécédents du litige

2        Le [confidentiel], la requérante a été recrutée en tant qu’agent temporaire par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), devenu l’AUEA le 19 janvier 2022, à un poste d’assistante administrative de grade AST 1, pour une durée de cinq ans renouvelable.

3        Entre le [confidentiel] et le [confidentiel], la requérante a travaillé à[confidentiel], en tant qu’assistante administrative, dans le secteur [confidentiel], au sein du département [confidentiel] de l’EASO.

4        À compter du [confidentiel], la requérante a été transférée à [confidentiel] au sein du même secteur du même département, renommé ensuite [confidentiel], où elle s’est vu confier le poste d’[confidentiel] sous la direction de [confidentiel], chef de ce centre. Son travail consistait à vérifier et à confirmer les factures reçues par les prestataires de services externes de l’EASO ainsi qu’à introduire des demandes de remboursement de frais de mission.

5        En décembre 2019, la requérante a participé avec succès à la procédure de sélection [confidentiel] visant à constituer une liste de réserve pour le poste d’assistant administratif (agent temporaire, AST 3). Son nom a été inscrit sur la liste de réserve valable jusqu’au [confidentiel].

6        Le [confidentiel], la requérante a reçu un courriel contenant des propos qu’elle a estimés injurieux de la part de [confidentiel], assistante [confidentiel] dans le secteur [confidentiel] de l’EASO.

7        Le [confidentiel], la requérante a rejeté une demande de remboursement d’une note de frais portant le numéro [confidentiel], transmise par une autre collègue du secteur [confidentiel], [confidentiel].

8        En raison de ces incidents, la requérante a, au cours des années 2020 et 2021, sollicité, à de nombreuses reprises, l’intervention de son supérieur hiérarchique, de la cheffe du secteur [confidentiel], [confidentiel], du service des ressources humaines et de la directrice exécutive de l’EASO.

9        En ce qui concerne la note de frais [confidentiel], la requérante a, notamment, adressé, le [confidentiel], au secteur de contrôle interne de l’EASO, avec copie à son supérieur hiérarchique, une note reprenant plusieurs incidents démontrant les faiblesses constatées au cours du processus de vérification de la demande concernée et émettant des suggestions pour améliorer cette procédure.

10      Le [confidentiel], la directrice exécutive de l’EASO a décidé de ne pas proroger la validité de la liste de réserve établie à la suite de la procédure de sélection [confidentiel]. Cette décision a été publiée le [confidentiel].

11      Le 31 mars 2021, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre la décision de non-prorogation. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 29 juillet 2021. Le 9 novembre 2021, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal, qui a été rejeté par arrêt du 15 mars 2023, TO/AUEA (T‑727/21, non publié, EU:T:2023:136). Par ordonnance du 7 décembre 2023, TO/AUEA (C‑317/23 P, non publiée, EU:C:2023:977), la Cour a rejeté le pourvoi formé par la requérante contre ledit arrêt du Tribunal comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, non fondé.

12      En juin 2021, le rapport d’évaluation de la requérante pour l’année 2020 (ci-après le « rapport d’évaluation 2020 ») a été finalisé. Ce rapport concluait à une prestation générale « insatisfaisante » au cours de la période d’évaluation, en raison de problèmes de communication persistants et d’une conduite inappropriée dans le service.

13      Le 26 août 2021, la requérante a fait appel du rapport d’évaluation 2020. Par la décision [confidentiel] du [confidentiel], la directrice exécutive de l’EASO, en tant qu’évaluatrice d’appel, a confirmé les conclusions de l’évaluateur. Le 21 janvier 2022, la requérante a introduit une réclamation contre le rapport d’évaluation 2020, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, laquelle a été rejetée par une décision du conseil d’administration de l’AUEA du 18 mai 2022, notifiée à la requérante par courriel le jour même.

14      Le 27 août 2021, la requérante a introduit une demande d’assistance, au titre de l’article 24 du statut (ci-après la « demande d’assistance »), pour des faits de harcèlement moral allégués à l’encontre de [confidentiel] et de [confidentiel] ainsi qu’une demande de mobilité. Le 22 décembre 2021, la demande d’assistance a été rejetée par la directrice exécutive de l’EASO au motif que la requérante n’avait pas produit d’élément constituant un commencement de preuve d’un harcèlement. Par une lettre du 21 mars 2022, la requérante a introduit une réclamation contre la décision de rejet de sa demande d’assistance, laquelle a été rejetée par le conseil d’administration le 18 juillet 2022.

15      Le 25 octobre 2021, la requérante a introduit une réclamation contre l’avis de vacance concernant la procédure [confidentiel] visant à recruter des agents temporaires de grade AST 3 et contre la décision de ne pas retenir sa candidature dans le cadre de cette procédure. Cette réclamation a été rejetée par le conseil d’administration par une décision du 23 février 2022.

16      Le 22 novembre 2021, la requérante a introduit une réclamation contre, d’une part, un nouveau mode de communication institué par un courriel adressé le 6 septembre 2021 par [confidentiel], cheffe du secteur [confidentiel] et supérieure hiérarchique de [confidentiel], aux membres du personnel concernés, y compris la requérante, concernant le traitement des missions du personnel de l’EASO et, d’autre part, la décision du 9 novembre 2021 par laquelle [confidentiel] avait été proposée pour un reclassement. Cette réclamation a été rejetée par le conseil d’administration comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondée par une décision du 16 mars 2022, notifiée à la requérante par courriel le 18 mars suivant.

17      Par une lettre du [confidentiel], notifiée par courriel à la requérante le même jour, la directrice exécutive de l’EASO, agissant en qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a informé la requérante de son intention de résilier son contrat et l’a invitée à présenter ses observations écrites dans un délai de deux semaines (ci-après la « lettre d’intention »).

18      Cette lettre était motivée dans les termes suivants :

« La résiliation de votre contrat est fondée sur une rupture totale de la relation de confiance entre vous et l’EASO en raison des problèmes constatés en relation avec votre conduite au sein du service, qui non seulement affectent de manière significative le niveau de vos prestations en tant que titulaire d’un poste, avec un impact préjudiciable sur l’intérêt du service, mais constituent également une indication forte d’un manquement à une série d’obligations qui vous incombent en tant que membre du personnel de l’EASO en vertu du [statut] et du [régime applicable aux autres agents de l’Union européenne]. Ces problèmes peuvent être classés selon les motifs suivants, qui ne sont pas exhaustifs :

a)      des problèmes de communication récurrents dans les interactions avec les collègues, y compris la hiérarchie ;

b)      une conduite inappropriée visant de façon persistante certains membres du personnel de l’EASO ;

c)      le recours fréquent à des techniques d’intimidation dans la communication écrite ;

d)      le refus persistant et injustifié de se conformer aux instructions de votre hiérarchie ;

e)      l’exposition de l’EASO au risque de subir une perte financière en raison de votre insubordination et de votre comportement d’obstruction ;

f)      le manque de respect pour les lignes hiérarchiques établies et la transmission inutile de questions insignifiantes à l’encadrement supérieur, y compris la directrice exécutive de l’[EASO] ; 

g)      la transmission non indispensable et continue de problèmes à de multiples acteurs, entraînant une charge de travail considérable et un risque sérieux d’atteinte à la réputation de l’[EASO] ;

h)      la violation du devoir de confidentialité et du respect des règles applicables en matière de protection des données à caractère personnel. »

19      Par un courriel du [confidentiel], la requérante a soumis ses observations écrites sur la lettre d’intention. À sa demande, une réunion a également eu lieu à distance le [confidentiel], réunissant son avocat, la directrice exécutive de l’AUEA, la responsable du service juridique de l’AUEA et elle-même, à l’occasion de laquelle elle a pu soumettre ses observations orales.

20      Par la décision attaquée, la directrice exécutive de l’AUEA a résilié le contrat d’agent temporaire de la requérante, sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), pour rupture irrémédiable de la relation de confiance entre elle et l’AUEA, en reprenant et en complétant les motifs indiqués dans la lettre d’intention, avec un préavis de trois mois, tout en la dispensant d’exécuter ce préavis.

21      Le 13 mai 2022, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 13 septembre 2022.

II.    Conclusions des parties

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’AUEA au paiement de dommages et intérêts évalués, ex æquo et bono et à titre provisionnel, à un montant de 45 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi ;

–        condamner l’AUEA aux dépens.

23      L’AUEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la demande en annulation

24      Dans la requête, la requérante invoque trois groupes de moyens, tirés :

–        le premier, de la violation des articles 1er quinquies, 12, 12 bis et de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, de l’article 31, paragraphe 1, et de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et du devoir de sollicitude ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation, de la violation des principes d’égalité et de bonne administration et de l’excès et du détournement de pouvoir ;

–        le deuxième, de la violation de l’article 8, de l’article 31, paragraphe 1, et de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, de l’article 17, paragraphe 1, de l’article 22 bis et de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, de l’article 10 du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), notamment de ses articles 4, 5 et 14, de l’article 16, paragraphe 2, sous b) et e), et paragraphe 3, de l’article 17, paragraphe 1, sous e) et g), des articles 18 et 19, du principe du respect des droits de la défense, des règles et du principe de confidentialité ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation ;

–        le troisième, de la violation de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, du principe de proportionnalité et d’erreurs manifestes d’appréciation.

25      Comme l’a relevé l’AUEA, dans son argumentation relative au premier groupe de moyens, la requérante n’expose pas en quoi elle aurait violé l’article 1er quinquies du statut, relatif à l’interdiction de discrimination, l’article 12 du statut, relatif au devoir d’un membre du personnel de s’abstenir de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction, l’article 25, deuxième alinéa, du statut, relatif à l’obligation de motivation de l’administration, son devoir de sollicitude et le principe d’égalité.

26      De même, dans son argumentation relative au deuxième groupe de moyens, la requérante n’explicite pas en quoi l’AUEA a méconnu l’article 25, deuxième alinéa, du statut.

27      Enfin, dans son argumentation relative au troisième groupe de moyens, la requérante n’explique pas quelles seraient les erreurs manifestes d’appréciation commises par l’AUEA autres que celle concernant l’existence de problèmes de communication lorsqu’elle occupait son poste précédent en son sein.

28      Or, selon une jurisprudence constante, conformément à l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête (voir ordonnance du 15 septembre 2010, Marcuccio/Commission, T‑157/09 P, EU:T:2010:403, point 27 et jurisprudence citée).

29      Il y a donc lieu de considérer que les groupes de moyens indiqués au point 24 ci-dessus en tant qu’ils concernent les dispositions, les principes ou les erreurs manifestes d’appréciation mentionnés aux points 25 à 27 ci-dessus sont irrecevables.

30      Par ailleurs, s’agissant de l’article 17, paragraphe 1, du statut, il n’y a pas lieu de retenir l’objection de l’AUEA selon laquelle le moyen tiré de cette disposition serait irrecevable à défaut pour la requérante de l’avoir invoqué dans sa réclamation.

31      L’article 17, paragraphe 1, du statut se rapporte en effet à l’argumentation relative à la violation du principe de confidentialité, qui a bien été invoquée par la requérante dans sa réclamation.

32      Au vu de ce qui précède et de la substance de la requête, il convient de restructurer l’argumentation de la requérante en six moyens, tirés :

–        le premier, de la violation du droit d’être entendu ;

–        le deuxième, de la violation du principe de confidentialité des enquêtes de l’OLAF et de l’article 22 bis du statut ;

–        le troisième, de la violation du droit à une bonne administration et du devoir d’impartialité ;

–        le quatrième, de la violation de l’article 12 bis du statut, d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’origine de la rupture du lien de confiance alléguée ;

–        le cinquième, d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation du principe de proportionnalité et de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut ;

–        le sixième, de la violation des règles relatives à la protection des données à caractère personnel.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

33      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient que son droit d’être entendue a été méconnu, en violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, au motif que la décision attaquée contient des allégations qui ne figuraient pas dans la lettre d’intention et sur lesquelles elle n’a pas pu, dès lors, faire valoir ses observations. Il en irait ainsi :

–        des doutes exprimés quant à la véracité de ses allégations concernant son état de vulnérabilité médicale ;

–        de l’affirmation selon laquelle la prolongation de ses congés de maladie démontrait qu’elle n’était ni capable de reprendre ses fonctions au sein de l’AUEA ni volontaire pour le faire ;

–        des doutes émis quant à sa bonne foi lorsqu’elle a rejeté la demande de remboursement de frais de mission [confidentiel], compte tenu des résultats de l’investigation préliminaire de l’OLAF ayant conclu à l’absence de preuve d’une quelconque irrégularité.

34      L’AUEA conteste cette argumentation.

35      Selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement soit prise à son égard.

36      Conformément à une jurisprudence bien établie, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 39 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il n’est pas contesté que la décision attaquée, par laquelle l’AUEA a résilié, de manière anticipée, le contrat d’agent temporaire de la requérante sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, constitue une mesure individuelle, prise à l’encontre de cette dernière et l’affectant défavorablement, au sens de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux.

38      La requérante bénéficiait donc du droit d’être entendue avant l’adoption de la décision attaquée, et ce même si l’article 47, sous b), ii), du RAA, sur le fondement duquel cette décision a été adoptée, ne prévoit pas spécifiquement un tel droit.

39      Or, il ressort des pièces du dossier que la requérante a été, avant l’adoption de la décision attaquée, non seulement informée par l’AUEA de son intention de mettre fin à son contrat de travail, mais également mise en mesure à deux reprises de faire valoir ses observations sur la décision envisagée.

40      En effet, par la lettre d’intention, l’AUEA a notifié à la requérante son intention de résilier son contrat sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, en raison d’une rupture totale du lien de confiance. Dans cette lettre, l’AUEA faisait état, d’une part, de huit motifs et circonstances factuelles justifiant la rupture du lien de confiance invoquée et, d’autre part, de la possibilité pour la requérante de présenter ses observations écrites sur ce courrier dans un délai de deux semaines.

41      À la suite de la réception de la lettre d’intention, la requérante a, le [confidentiel], transmis ses observations écrites sur la décision envisagée. En outre, le [confidentiel], elle a présenté ses observations orales au cours d’une réunion organisée à sa demande et réunissant son avocat, la directrice exécutive de l’AUEA, la responsable du service juridique de l’AUEA et elle-même.

42      Ainsi, conformément à la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, la requérante a pu prendre position sur la rupture irrémédiable du lien de confiance alléguée par l’AUEA ainsi que sur les motifs et circonstances factuelles invoqués au soutien de cette rupture préalablement à l’adoption de la décision attaquée, de sorte que son droit d’être entendue a été pleinement respecté.

43      Le fait que les allégations mentionnées au point 33 ci-dessus ne figuraient pas dans la lettre d’intention ne saurait remettre en cause cette conclusion.

44      En effet, les allégations en cause ne se fondent sur aucun fait nouveau dont la requérante n’aurait pas eu connaissance et sur lequel elle n’aurait pas été entendue, mais reposent toutes, au contraire, sur des faits évoqués par elle dans ses observations sur la lettre d’intention.

45      Dans la lettre d’intention, l’AUEA n’a évoqué ni le congé de maladie ni l’état de vulnérabilité médicale de la requérante. Elle n’a pas non plus fait référence au rejet de la demande de remboursement de frais de mission [confidentiel] ni même à l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF à cet égard.

46      C’est la requérante elle-même qui, dans ses observations écrites et orales sur la lettre d’intention, a mentionné ces faits.

47      Ainsi, dans ses observations écrites transmises par courriel le [confidentiel], la requérante a évoqué son état de vulnérabilité médicale ainsi que son congé de maladie. Elle a également précisé que son état de vulnérabilité médicale avait débuté à la suite du rejet de la demande de remboursement de frais de mission [confidentiel] qui lui avait été soumise par une de ses collègues du secteur [confidentiel] ainsi que du signalement qu’elle avait effectué à cet égard, faisant valoir que, à la suite de cet évènement, elle avait commencé à recevoir des messages de menace et d’intimidation de la part de son supérieur hiérarchique.

48      De même, dans ses observations écrites, la requérante a fait valoir que, pour étayer le motif tiré de son refus persistant et injustifié de se conformer aux instructions de sa hiérarchie, l’AUEA ne pouvait pas se fonder sur son comportement lors de la gestion du dossier relatif à la demande de remboursement de frais de mission [confidentiel] au motif qu’elle avait signalé des irrégularités concernant ce dossier auprès du secteur de contrôle interne de l’EASO, lequel lui aurait suggéré de contacter l’OLAF. Elle a ajouté que, ce faisant, elle n’avait fait qu’agir de bonne foi et dans le seul intérêt de l’EASO.

49      Dans ses observations orales, émises lors de la réunion organisée à sa demande le [confidentiel], la requérante a de nouveau évoqué elle-même son congé de maladie. Plus particulièrement, la requérante a indiqué qu’elle était « frustrée d’être en congé de maladie » et qu’elle « aimerait recommencer à travailler dans un environnement sain ». Enfin, interrogée sur son état de vulnérabilité, elle a indiqué qu’elle ne souhaitait pas fournir davantage d’informations à ce sujet pour des raisons de confidentialité, mais a toutefois précisé que cet état n’était pas lié à la pandémie de COVID-19.

50      Ainsi, premièrement, c’est pour répondre aux remarques formulées par la requérante sur son état de vulnérabilité médicale dans ses observations sur la lettre d’intention et à la suite de son refus de transmettre le moindre élément de preuve à cet égard que l’AUEA a mentionné, dans la décision attaquée, son état de vulnérabilité médicale et indiqué qu’elle nourrissait des doutes quant à la réalité de celui-ci.

51      Deuxièmement, tenant compte de la remarque formulée par la requérante dans ses observations orales sur la lettre d’intention, relative à sa frustration d’être en congé de maladie, l’AUEA a répondu qu’elle considérait que la prolongation de son congé de maladie démontrait au contraire que la requérante n’était ni capable de reprendre ses fonctions en son sein ni volontaire pour le faire.

52      Troisièmement, c’est pour répondre aux allégations de la requérante sur sa prétendue bonne foi lors du rejet et du signalement de la demande de remboursement de frais de mission [confidentiel] que l’AUEA a mentionné l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF concernant cette demande et indiqué que la bonne foi alléguée de la requérante pouvait être mise en question dès lors que l’OLAF avait conclu, aux termes de cette investigation, qu’il n’existait pas de preuve suffisante justifiant l’ouverture d’une enquête interne et qu’aucune irrégularité n’avait pu être constatée.

53      Les allégations contestées ne constituent donc pas des motifs nouveaux sur lesquels la requérante n’a pas été entendue, mais des éléments de réponse apportés par l’AUEA quant à des faits que la requérante avait elle-même évoqués dans ses observations écrites et orales sur la lettre d’intention.

54      Par ailleurs, il importe de souligner que, ainsi que l’a fait valoir à juste titre l’AUEA, le droit d’être entendu n’équivaut pas à un droit d’avoir « le dernier mot » (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, IN/Eismea, T‑119/20, non publié, EU:T:2021:427, point 73).

55      Plus particulièrement, il ressort de la jurisprudence que le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter (ordonnance du 25 juin 2021, OM/Commission, T‑728/20, non publiée, EU:T:2021:409, point 33).

56      La jurisprudence établit ainsi une distinction entre, d’une part, les éléments de droit et de fait sur lesquels l’administration a choisi de fonder sa décision et, d’autre part, l’appréciation des éléments de fait et de droit effectuée par l’administration dans sa décision.

57      Or, en l’espèce, les allégations contestées constituent une appréciation d’éléments de fait évoqués par la requérante elle-même au cours de la procédure.

58      Il résulte de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus que le droit d’être entendu n’exigeait pas d’entendre la requérante sur l’appréciation portée par l’AUEA sur ces éléments de fait et donc sur sa position finale quant à ces éléments.

59      Il y a donc lieu de rejeter le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de confidentialité des enquêtes de l’OLAF et de l’article 22 bis du statut

60      Le deuxième moyen, qui est contesté par l’AUEA, est constitué de deux branches.

a)      Sur la première branche, tirée de la violation du principe de confidentialité des enquêtes de l’OLAF

61      Dans la première branche du deuxième moyen, la requérante estime que la référence faite, dans la décision attaquée, à une enquête conduite par l’OLAF à la suite d’informations qu’elle avait transmises constitue une violation du principe de confidentialité propre aux enquêtes de l’OLAF, tel qu’issu de l’article 10 du règlement no 883/2013.

62      En premier lieu, la requérante reproche, en substance, à l’OLAF d’avoir révélé à l’AUEA qu’elle était à l’origine de l’ouverture d’une enquête relative à une prétendue fraude en ce qui concernait des notes de frais de mission.

63      À cet égard, il convient de préciser que, ainsi que l’a justement fait valoir l’AUEA, aucune enquête n’a été à proprement parler ouverte par l’OLAF à la suite des informations reçues de la requérante. L’OLAF s’est effectivement contenté, au terme d’une investigation préliminaire, de considérer que les éléments transmis étaient insuffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête interne.

64      Or, s’agissant des investigations préliminaires, l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 883/2013 prévoit la possibilité pour le directeur général de l’OLAF, dans le cas où celui-ci décide de ne pas ouvrir d’enquête interne à l’issue de ces investigations, de transmettre sans délai les informations pertinentes à l’institution concernée afin que les suites utiles puissent être données.

65      Il résulte de ce qui précède que l’argument de la requérante doit être écarté comme étant non fondé.

66      En second lieu, la requérante reproche à l’AUEA d’avoir fait état, dans la décision attaquée, de l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF à la suite d’informations qu’elle avait transmises. Une telle mention constituerait une violation du principe de confidentialité des enquêtes de l’OLAF, tel qu’issu de l’article 10 du règlement no 883/2013 et de l’article 17, paragraphe 1, du statut.

67      Cette argumentation ne saurait être accueillie.

68      En effet, premièrement, ainsi que cela ressort des points 45 et 46 ci-dessus, l’AUEA n’a donné, de sa propre initiative, aucune publicité à l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF à la suite de la transmission par la requérante d’informations relatives à des frais de mission. Il ressort en revanche du courriel de la requérante du [confidentiel] que c’est elle-même qui, au cours de la procédure, a évoqué en premier lieu l’existence d’une prétendue fraude relative à ces frais de mission et le signalement effectué à cet égard.

69      Deuxièmement, les informations contenues dans la décision attaquée se limitent aux conclusions de l’investigation préliminaire de l’OLAF, sans mentionner d’autres informations, telles que la source de celle-ci.

70      En effet, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’AUEA n’a pas indiqué, dans la décision attaquée, qu’elle avait été à l’origine de cette investigation préliminaire, mais s’est limitée à indiquer que l’OLAF avait été informé d’une prétendue fraude relative à des frais de mission par un « Agency Field Coordinator » (coordinateur de l’AUEA sur le terrain), puis que, à l’issue d’une analyse préliminaire des éléments de preuve reçus, il avait été décidé de ne pas ouvrir d’enquête interne.

71      Or, il a déjà été admis qu’une institution qui avait connaissance de l’existence d’une enquête conduite par l’OLAF et qui s’était vu transmettre le rapport établi à l’issue de cette enquête pouvait évoquer la principale conclusion de ce rapport (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2022, KN/Parlement, T‑401/21, EU:T:2022:736, point 67 et jurisprudence citée). Une telle position peut être appliquée par analogie aux résultats des investigations préliminaires, et ce d’autant plus que, s’agissant de ces investigations, l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 883/2013 prévoit précisément la possibilité pour le directeur général de l’OLAF, dans le cas où il décide de ne pas ouvrir d’enquête interne à l’issue d’une telle investigation, de transmettre sans délai les informations pertinentes à l’institution concernée afin que les suites utiles puissent être données.

72      En mentionnant les conclusions de l’investigation préliminaire menée par l’OLAF concernant la prétendue fraude relative aux frais de mission alléguée par la requérante, l’AUEA n’a fait que, conformément à l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 883/2013, tirer les conséquences des informations transmises par l’OLAF à l’issue de l’investigation préliminaire menée et donner les suites utiles à cette investigation, en répondant aux allégations de la requérante qui insistait sur sa bonne foi dans le traitement de la demande de remboursement, sans pour autant compromettre la source de ces informations.

73      Troisièmement, l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF n’a fait l’objet d’aucune divulgation au public, mais a été uniquement mentionnée dans une décision individuelle adressée à la requérante, qui pouvait, même avant la lecture de la décision attaquée, se douter de l’existence d’une telle investigation, dès lors que c’était elle-même qui avait transmis à l’OLAF les informations ayant mené à son ouverture.

74      Des considérations qui précèdent, il résulte que, dans les circonstances de l’espèce, en mentionnant, dans la décision attaquée, l’existence d’une investigation préliminaire de l’OLAF concernant une prétendue fraude relative à la note de frais de mission [confidentiel], l’AUEA n’a pas violé l’article 10 du règlement no 883/2013 ni, en tout état de cause, l’article 17, paragraphe 1, du statut.

75      La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, tirée d’une méconnaissance du statut de lanceur d’alerte et de la protection accordée à ce titre par l’article 22 bis du statut

76      Dans la seconde branche, la requérante estime que la référence faite, dans la décision attaquée, à l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF à la suite d’informations qu’elle avait transmises concernant la demande de remboursement de frais de mission no 28259 ainsi que les doutes émis quant à sa bonne foi lors du rejet de celle-ci compte tenu des résultats de cette investigation méconnaissent son statut de lanceur d’alerte et la protection accordée à ce titre par l’article 22 bis du statut.

77      Il convient de rappeler que l’article 22 bis du statut énonce ce qui suit :

« 1. Le fonctionnaire qui, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, a connaissance de faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle, notamment une fraude ou une corruption, préjudiciable aux intérêts de l’Union, ou une conduite en rapport avec l’exercice de ses fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires de l’Union, en informe immédiatement son supérieur hiérarchique direct ou son directeur général ou encore, s’il le juge utile, le secrétaire général, ou toute personne de rang équivalent, ou directement l’[OLAF]. 

Toute information mentionnée au premier alinéa est transmise par écrit.

[…]

3. Le fonctionnaire qui a communiqué l’information visée aux paragraphes 1 et 2 ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi. »

78      En l’espèce, il convient d’emblée de relever que, dans le cadre de la présente branche, la requérante se fonde sur la prémisse selon laquelle elle devait bénéficier du statut de lanceur d’alerte et de la protection accordée à ce titre par l’article 22 bis du statut.

79      Toutefois, il ressort de la jurisprudence qu’un fonctionnaire ou agent communiquant des informations au titre de l’article 22 bis du statut ne saurait s’affranchir de ses autres obligations et devoirs, notamment de ses obligations d’objectivité et d’impartialité, de son devoir de loyauté ainsi que de son obligation de respecter l’honneur et la présomption d’innocence des personnes visées (arrêt du 8 octobre 2014, Bermejo Garde/CESE, T‑530/12 P, EU:T:2014:860, point 128).

80      Plus particulièrement, la protection accordée par l’article 22 bis du statut est conditionnée à la bonne foi de celui qui a fait usage du droit de divulgation. À ce titre, le mobile du fonctionnaire ou agent qui dénonce des illégalités est un facteur à prendre en compte. Une dénonciation motivée par un grief ou une animosité personnels, ou encore par la perspective d’un avantage personnel, ne saurait être considérée comme une dénonciation de bonne foi. Enfin, un fonctionnaire ou agent a l’obligation de faire preuve de la plus grande prudence et de la plus grande retenue dans la publicité donnée à des allégations relevant de la compétence de l’OLAF (voir arrêt du 13 janvier 2011, Nijs/Cour des comptes, F‑77/09, EU:F:2011:2, point 80 et jurisprudence citée).

81      Or, en l’espèce, ainsi que l’a justement souligné l’AUEA, la requérante ne s’est pas contentée de signaler ce qu’elle estimait être une fraude, mais a divulgué ces informations à de nombreuses personnes et s’en est servie pour menacer la directrice exécutive de l’AUEA et lui demander de rouvrir une liste de réserve sur laquelle elle était inscrite et dont la durée de validité était arrivée à expiration.

82      En toute hypothèse, l’article 22 bis du statut n’offre pas au fonctionnaire une protection contre toute décision susceptible de lui faire grief, mais seulement contre les décisions liées aux dénonciations qu’il a effectuées (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, PL/Commission, T‑790/21, EU:T:2023:724, point 56 et jurisprudence citée).

83      Ainsi, à supposer que la requérante ait bénéficié effectivement du statut de lanceur d’alerte et de la protection accordée à ce titre par l’article 22 bis du statut, il lui incombait d’établir, en l’espèce, l’existence d’un lien entre son signalement et la décision attaquée.

84      Or, une telle preuve n’a pas été apportée, la requérante n’ayant pas fourni d’éléments permettant de considérer que la décision attaquée avait été adoptée en raison de son signalement ou que l’AUEA l’aurait exposée à des représailles à la suite de ce signalement.

85      Au contraire, la décision attaquée se fonde sans ambiguïté sur des manquements de la requérante à ses obligations à l’égard de l’AUEA, qui sont sans rapport avec le signalement qu’elle a pu effectuer quant à une prétendue fraude concernant la demande de remboursement de frais de mission no 28259, et sur la rupture irrémédiable du lien de confiance qui en a découlé (voir points 180 à 201 ci-après).

86      Par ailleurs, si l’AUEA a mentionné l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF et émis des doutes quant à la bonne foi de la requérante lorsqu’elle a rejeté ladite demande de remboursement compte tenu des résultats de cette investigation, c’est uniquement, ainsi que cela a déjà été indiqué au point 50 ci-dessus, dans le but de répondre aux observations de la requérante qui avait insisté sur sa bonne foi lors dudit rejet, et non dans le but de lui faire subir des représailles à la suite de ce signalement.

87      Par conséquent, il convient d’écarter la seconde branche du deuxième moyen et, avec elle, le deuxième moyen dans son intégralité.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit à une bonne administration et du devoir d’impartialité

88      Dans le cadre de son troisième moyen, qui est contesté par l’AUEA, la requérante fait valoir que la décision attaquée a été adoptée en violation du droit à une bonne administration, au sens de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, ainsi que du devoir d’impartialité subjective et objective que ce droit comporte.

89      Aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, organes et organismes de l’Union européenne.

90      Ce devoir d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 22 mars 2023, NY/Commission, T‑21/22, non publié, EU:T:2023:153, point 32 et jurisprudence citée). Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que l’impartialité subjective est présumée jusqu’à preuve du contraire (voir arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés/Parlement, T‑829/16, EU:T:2018:840, point 49 et jurisprudence citée).

91      En l’espèce, en premier lieu, pour établir une violation du devoir d’impartialité subjective, la requérante indique que la décision attaquée se fonde sur un ensemble de préjugés à son égard. En particulier, elle évoque le fait que la décision attaquée, d’une part, la présente comme « une personne littéralement invivable et de mauvaise foi, doublé[e] d’un sens aigu de la victimisation et dénuée de crédibilité dans les plaintes qu’elle formule » et, d’autre part, la pénalise à tort pour avoir introduit plusieurs demandes, appels, réclamations et recours contre l’AUEA ainsi que pour n’avoir fourni aucune explication au sujet de ses congés de maladie ou de sa vulnérabilité médicale.

92      Une telle argumentation ne saurait être accueillie.

93      De telles affirmations s’apparentent en effet à des allégations générales reflétant l’interprétation subjective de la requérante de la décision attaquée, mais ne fournissent aucun élément tangible permettant de conclure à l’existence de préjugés personnels ou d’idées préconçues de la part des personnes impliquées dans la présente affaire, dont la directrice exécutive de l’AUEA, qui, en sa qualité d’AHCC, a adopté la décision attaquée.

94      Certes, dans la décision attaquée, l’image qui résulte du comportement de la requérante est, dans son ensemble, négative. Toutefois, celle-ci ne saurait déduire de cette seule image une preuve de la partialité de la directrice exécutive de l’AUEA qui a adopté la décision attaquée. En effet, une décision de licenciement prise par une institution suppose, par nature, que le comportement global du fonctionnaire ou de l’agent concerné ait été jugé insatisfaisant.

95      En second lieu, sur le plan de l’impartialité objective, la requérante reproche, en substance, à la directrice exécutive de l’AUEA, en sa qualité d’AHCC, d’avoir adopté la décision attaquée sans avoir examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce et après avoir systématiquement rejeté les arguments et preuves qu’elle avait avancés, y compris dans le cadre de demandes et de procédures antérieures.

96      Cette argumentation doit être comprise en ce sens que la requérante estime que la directrice exécutive de l’AUEA n’était plus objectivement impartiale, compte tenu de sa participation à diverses procédures antérieures au cours desquelles elle se serait déjà forgé une opinion à son égard et aurait systématiquement refusé de donner une suite favorable à ses demandes.

97      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une connaissance préalable des faits par ceux qui sont appelés à participer à l’adoption d’une décision ne constitue pas, à elle seule, une circonstance susceptible d’entacher cette décision d’un vice de procédure revêtant la forme d’un défaut d’impartialité. En effet, une telle connaissance préalable se révèle parfois inévitable, compte tenu de la profession exercée. Il est ainsi nécessaire d’établir s’il existe dans le cas particulier un élément objectif, tel un conflit d’intérêts chez les fonctionnaires et agents agissant pour le compte des institutions, des organes et des organismes, de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l’impartialité de la procédure en cause (arrêt du 21 octobre 2021, Parlement/UZ, C‑894/19 P, EU:C:2021:863, point 55).

98      Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante reste en défaut d’apporter la preuve d’éléments objectifs de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l’impartialité de la procédure en cause.

99      Ainsi, premièrement, la requérante soutient qu’elle n’a pas pu bénéficier d’une mesure de mobilité interne de la part de la directrice exécutive de l’AUEA.

100    À cet égard, il convient de rappeler que les institutions jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services et que, au regard de l’existence de ce pouvoir, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces questions ne sauraient à eux seuls fournir la preuve d’un comportement abusif ou d’une partialité (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 121 et jurisprudence citée).

101    Deuxièmement, la requérante estime que sa demande visant à obtenir le statut de lanceur d’alerte et la protection accordée à ce titre par l’article 22 bis du statut a été rejetée à tort.

102    Sur ce point, il convient de relever que, dans la requête, la requérante ne fait état d’aucune décision lui refusant explicitement le bénéfice du statut de lanceur d’alerte et de la protection octroyée à ce titre par l’article 22 bis du statut. En tout état de cause, ainsi que cela a été relevé aux points 76 à 86 ci-dessus, elle n’est pas parvenue à établir en quoi son statut de lanceur d’alerte, à supposer qu’elle ait rempli les conditions pour en bénéficier, avait été méconnu.

103    Troisièmement, la requérante reproche à la directrice exécutive de l’AUEA de ne pas avoir donné une suite favorable à sa demande d’assistance introduite au titre de l’article 24 du statut ni à ses contestations formulées relativement au rapport d’évaluation 2020.

104    À ce sujet, il convient tout d’abord de rappeler que, si la requérante estimait que ces procédures étaient entachées d’irrégularités et qu’elles avaient abouti à des actes lui faisant grief, il lui appartenait d’engager des procédures de contestation selon les voies de recours prévues à cet effet. Or, si les décisions de la directrice exécutive rejetant son appel contre le rapport d’évaluation 2020 et sa demande d’assistance ont fait l’objet de réclamations auprès du conseil d’administration de l’AUEA, les décisions de celui-ci n’ont pas été remises en cause devant le Tribunal dans le cadre de recours en annulation.

105    Quatrièmement, la requérante soutient que la décision attaquée a été adoptée par la directrice exécutive de l’AUEA sans un examen soigné et impartial de tous les éléments pertinents du cas d’espèce et que cette dernière n’a retenu que les éléments à charge, sans même prendre en compte les éléments à décharge.

106    Une telle affirmation n’est démontrée par aucun élément du dossier.

107    Au contraire, il résulte de celui-ci que, dès la lettre d’intention, envoyée à la requérante le [confidentiel], la directrice exécutive de l’EASO, en sa qualité d’AHCC, a procédé à un examen approfondi et précis de sa situation.

108    Ainsi, dans cette lettre, l’EASO a, sous le point 1, indiqué les huit motifs sous-tendant la rupture du lien de confiance constatée. Sous le point 2, l’AUEA s’est ensuite livrée à une analyse détaillée de ces huit motifs et a précisé, pour chacun d’eux, les circonstances factuelles et les exemples concrets retenus.

109    À cela il convient d’ajouter que, dans la décision attaquée elle-même, l’AUEA ne s’est pas contentée de reproduire les reproches formulés dans la lettre d’intention, mais a, d’une part, complété ses propos par des éléments de preuve afin d’étayer encore davantage les faits reprochés et, d’autre part, répondu de manière circonstanciée et systématique aux observations faites par la requérante sur la lettre d’intention, que ce soit par écrit, le [confidentiel], ou lors de l’entretien lui ayant été accordé le [confidentiel]. Enfin, l’AUEA a procédé à une mise en balance de l’intérêt du service et de celui de la requérante et expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait qu’une résiliation de son contrat était la seule solution possible, le lien de confiance ayant été rompu de manière irrémédiable.

110    Il ne saurait donc être constaté que l’AUEA n’a pas examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents de la situation en cause lorsqu’elle a adopté la décision attaquée.

111    De l’ensemble des considérations qui précèdent, il résulte que la requérante n’a pas apporté d’élément permettant de douter de l’impartialité objective de l’AUEA.

112    Le troisième moyen doit donc être rejeté.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 1bis du statut, d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’origine de la rupture du lien de confiance alléguée 

113    Le quatrième moyen est composé de trois branches dans lesquelles la requérante fait valoir, respectivement, que la décision attaquée s’inscrit dans un contexte de harcèlement moral, qu’elle est entachée de détournement de pouvoir et qu’elle comporte une erreur manifeste d’appréciation dans l’origine de la rupture du lien de confiance alléguée.

114    L’AUEA conteste ce moyen.

a)      Sur la première branche, tirée de l’existence d’un contexte de harcèlement moral

115    Dans la première branche, la requérante fait valoir que la décision attaquée est la conséquence d’un harcèlement moral « institutionnalisé » de la part de l’AUEA, de sorte qu’elle devrait être annulée en vertu de l’article 12 bis du statut.

1)      Sur le harcèlement moral

116    L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut définit le harcèlement moral comme une « conduite abusive » qui requiert, pour être établie, que deux conditions cumulatives soient satisfaites.

117    La première condition est relative à l’existence de comportements, de paroles, d’actes, de gestes ou d’écrits qui se manifestent « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont « intentionnels » par opposition à « accidentels ».

118    La seconde condition exige que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 101 et jurisprudence citée).

119    À cet égard, il n’est pas nécessaire d’établir que les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits en cause ont été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. Il peut y avoir harcèlement moral sans qu’il soit démontré que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader intentionnellement ses conditions de travail. Il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 102 et jurisprudence citée).

120    Par ailleurs, pour être qualifiés de « harcèlement », les agissements doivent revêtir une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, les considérerait comme étant excessifs et critiquables (voir arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 103 et jurisprudence citée).

2)      Sur la possibilité d’invoquer un harcèlement moral

121    En raison de sa nature, l’existence d’un harcèlement moral ne peut, par principe, être invoquée qu’au soutien de conclusions aux fins d’annulation dirigées contre le rejet d’une demande d’assistance (voir arrêt du 12 janvier 2022, MW/Parlement, T‑630/20, non publié, EU:T:2022:3, point 92 et jurisprudence citée).

122    En l’espèce, le 27 août 2021, la requérante a introduit à ce sujet une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut qui a été rejetée le 22 décembre 2021 par la directrice exécutive de l’EASO, en sa qualité d’AHCC, sans l’ouverture d’une enquête, au motif que la requérante n’avait pas apporté de commencement de preuve de la réalité dudit harcèlement. Le 21 mars 2022, la requérante a introduit contre cette décision une réclamation qui, par une décision du 18 juillet 2022, a également été rejetée par le conseil d’administration de l’AUEA. La requérante n’a pas introduit de recours devant le Tribunal à la suite du rejet de sa réclamation.

123    Par exception à la jurisprudence citée au point 121 ci-dessus, un moyen tiré d’un prétendu harcèlement peut être invoqué à l’encontre d’une décision de résiliation de contrat pour rupture du lien de confiance s’il apparaît qu’un lien existe entre le harcèlement en cause et les motifs de cette décision. L’existence d’un tel lien signifierait en effet que l’AHCC, par l’entremise de ses fonctionnaires et de ses agents hiérarchiquement élevés, aurait usé de son pouvoir en vue d’atteindre un but illégal au regard de l’article 12 bis du statut, lequel prévoit que « [t]out fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel » (voir arrêt du 12 janvier 2022, MW/Parlement, T‑630/20, non publié, EU:T:2022:3, point 92 et jurisprudence citée).

124    Selon la jurisprudence, la personne concernée doit démontrer l’incidence, sur la teneur de l’acte attaqué, des agissements qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral ou, plus généralement, le lien entre le harcèlement en cause et les motifs de cet acte. Un tel lien peut notamment résulter du fait que l’agent n’a pas pu démontrer son aptitude à exercer ses fonctions du fait de l’existence d’un harcèlement moral. Il peut aussi être déduit de la circonstance selon laquelle l’acte attaqué a été adopté dans le but de nuire à l’agent, par exemple à titre de représailles, et est, par suite, entaché d’un détournement de pouvoir (voir arrêt du 12 janvier 2022, MW/Parlement, T‑630/20, non publié, EU:T:2022:3, point 93 et jurisprudence citée).

125    C’est sur cette jurisprudence que se fonde la requérante en faisant valoir, sans avoir contesté devant le Tribunal la décision de rejet de sa réclamation sur sa demande d’assistance, qu’un lien existe entre la décision attaquée et le harcèlement moral dont elle aurait été victime.

126    Toutefois, si la requérante se prévaut d’un contexte de harcèlement moral et énumère à cet égard plusieurs éléments, force est de constater qu’elle ne met pas précisément ce contexte en rapport avec la décision attaquée et les motifs de celle-ci.

127    En tout état de cause, les éléments fournis par la requérante n’apportent pas la preuve d’un harcèlement moral qu’elle aurait subi. Ainsi, dans la requête, pour démontrer le contexte de harcèlement moral qui aurait contribué à l’adoption de la décision attaquée, la requérante renvoie à la manière dont se sont comportés plusieurs de ses collègues, son supérieur hiérarchique ou encore la directrice exécutive de l’AUEA.

i)      Propos blessants de [confidentiel] et réaction du supérieur hiérarchique de la requérante

128    La requérante estime qu’elle a fait l’objet de propos blessants de la part de [confidentiel], assistante dans le secteur [confidentiel], et dénonce la passivité de son supérieur hiérarchique dans la résolution de ce conflit interpersonnel ainsi que les menaces qui auraient été émises par celui-ci à cette occasion.

129    À cet égard, il convient de rappeler que le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec des collègues ou des supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 128 et jurisprudence citée).

130    Conformément aux principes énoncés aux points 116 à 120 ci-dessus, pour qu’ils soient constitutifs d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, les attitudes et les agissements de collègues et de supérieurs hiérarchiques doivent présenter un caractère durable, répétitif ou systématique, franchissant la frontière de la critique désobligeante ou blessante envers la personne concernée ou d’un acte pouvant la discréditer ou dégrader ses conditions de travail, de nature à entraîner objectivement, par leur contenu, une atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique.

131    Or, tel n’est pas le cas des agissements reprochés par la requérante à sa collègue du secteur [confidentiel].

132    En effet, la requérante n’a produit qu’un seul courriel faisant état de propos inappropriés tenus par cette collègue. Aussi regrettables que soient de tels propos, ceux-ci ne permettent pas d’établir une conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique à son égard, conformément à la jurisprudence.

133    De plus, la requérante n’a pas produit le reste de ses échanges avec ladite collègue, notamment les échanges antérieurs à l’envoi du courriel litigieux, de sorte qu’il ne peut être exclu que le ton adopté dans ledit courriel doive être rapporté à un contexte de tension, existant à l’époque entre les deux collègues, ayant pu provoquer une certaine irritation chez l’une et l’autre et ainsi le recours à un langage blessant. Or, l’appréciation objective d’un comportement critiqué ne saurait être effectuée de manière purement abstraite et, partant, hors contexte, mais nécessite au contraire d’être évaluée concrètement en tenant compte du cadre dans lequel il s’est manifesté (conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:44, point 107).

134    Quant à l’attitude adoptée par le supérieur hiérarchique de la requérante dans la gestion de ce conflit interpersonnel, il convient de relever que, contrairement à ce que la requérante fait valoir, celui-ci n’est pas resté passif face aux tensions l’opposant à sa collègue du secteur [confidentiel], mais est intervenu à deux reprises afin de tenter de remédier à la situation.

135    Ainsi, le 19 mars 2020, dans un courriel adressé à la requérante, à sa collègue et à la supérieure hiérarchique de cette dernière, le supérieur hiérarchique de la requérante a rappelé la nécessité de restaurer une ambiance de travail positive et respectueuse et a invité les deux intéressées à changer leur manière de communiquer.

136    En outre, compte tenu de la persistance des tensions, par un courriel du 16 décembre 2020, le supérieur hiérarchique de la requérante lui a indiqué qu’il avait été décidé qu’elle et sa collègue ne travailleraient plus ensemble à compter de l’année suivante.

137    Certes, ainsi que l’a relevé la requérante, dans son courriel du 16 décembre 2020, son supérieur hiérarchique ne s’est pas contenté d’indiquer le compromis trouvé afin de mettre fin aux tensions existantes entre sa collègue et elle, mais il lui a également conseillé de ne pas continuer à réclamer des excuses écrites et de ne pas aller plus loin dans ses revendications, ce que la requérante a pu percevoir comme des menaces.

138    Toutefois, à nouveau, ces propos ne permettent pas d’établir une conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique à l’égard de la requérante dès lors que celle-ci n’a apporté aucun autre indice de propos menaçants qu’aurait pu émettre son supérieur hiérarchique à son égard.

139    En outre, de tels propos doivent être replacés dans un contexte de pressions et de menaces émanant de la requérante elle-même ainsi que de sollicitations nombreuses, répétitives et insistantes de sa part.

140    En effet, il ressort du dossier que la requérante a envoyé de nombreux courriels à son supérieur hiérarchique pour dénoncer les tensions existant entre elle et sa collègue du secteur [confidentiel] et l’a menacé à plusieurs reprises de contacter la directrice exécutive de l’AUEA pour lui faire part de l’incident qui l’opposait à cette collègue.

141    Les sollicitations répétitives et insistantes de la requérante ainsi que ses menaces ont pu être à l’origine d’une certaine irritation de son supérieur hiérarchique et d’un souhait de sa part que soit mis un terme définitif à ce conflit persistant depuis plusieurs mois.

142    En tout état de cause, de tels propos démontrent tout au plus une gestion maladroite d’une situation conflictuelle, mais ne témoignent pas d’une conduite abusive du supérieur hiérarchique de la requérante se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique à l’égard de celle-ci.

143    En définitive, même si certains propos tenus à l’égard de la requérante, que ce soit par une de ses collègues du secteur [confidentiel] ou par son supérieur hiérarchique, peuvent être perçus comme étant inappropriés ou menaçants, ils ne sont pas suffisants pour caractériser un climat de harcèlement moral.

ii)    Abus de pouvoir commis par [confidentiel]

144    La requérante se prévaut d’un abus de pouvoir qui aurait été commis par [confidentiel], une autre assistante du secteur [confidentiel]. Durant l’été 2021, celle-ci aurait mis en place, à titre de représailles, un nouveau protocole de communication interne visant à exclure la requérante à la suite du rejet de la demande de remboursement de frais de mission [confidentiel] qui lui avait été transmis par cette collègue.

145    À cet égard, il convient de constater que la requérante n’a démontré ni que le nouveau protocole de communication interne allégué constituait un abus de pouvoir de la part de [confidentiel] ni qu’il avait été mis en place à titre de représailles par celle-ci, dans l’unique objectif de l’exclure.

146    En effet, d’une part, la requérante ne prouve pas que ce nouveau mode de communication a été effectivement initié par [confidentiel], et ce en abusant de ses fonctions, mais se borne à produire un courriel établissant qu’il a été, tout au plus, appliqué par celle-ci. De plus, il ressort des autres pièces du dossier que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce nouveau mode de communication ne résulte pas d’une prise d’initiative de la part de ladite collègue, mais s’inscrit dans une démarche récente et globale au sein de l’AUEA, qui consiste à utiliser des boîtes de messagerie électronique fonctionnelles à la place de boîtes de messagerie électronique personnelles. Dans un courriel du 6 septembre 2021, la responsable du secteur [confidentiel] elle-même a ainsi expressément expliqué en quoi consistait ce nouveau mode de communication ainsi que les raisons ayant justifié un tel changement.

147    D’autre part, la requérante ne démontre pas que ce nouveau protocole de communication interne a été mis en place à titre de représailles dans le seul objectif de l’exclure à la suite du rejet de la demande de remboursement de frais de mission [confidentiel] qui lui avait été transmise par sa collègue.

148    À cet égard, il convient de relever que ce nouveau mode de communication a eu un impact sur l’ensemble des correspondances relatives à des missions du personnel de l’AUEA et, notamment, sur l’ensemble de ses [confidentiel] qui ne se voyaient plus adresser les courriels relatifs à des missions directement dans leur boîte de messagerie électronique personnelle, mais dans une boîte de messagerie électronique fonctionnelle. Ainsi, la requérante ne saurait voir dans ce changement de mode de communication la manifestation d’une volonté délibérée de l’exclure personnellement, dès lors que la mise en place de ce nouveau mode de communication a eu des conséquences pour elle au même titre que pour tous les autres [confidentiel] de l’AUEA.

149    De plus, il ressort du dossier que ce nouveau mode de communication a été mis en place dans le but d’assurer la continuité des activités de l’AUEA et d’éviter tout retard dans l’exécution des tâches relatives à des missions en cas d’absence ou d’urgence, notamment pendant les périodes de congé. La mise en place de ce nouveau mode de communication était ainsi justifiée par des raisons objectives, étrangères à toute volonté de représailles contre de la requérante elle-même.

150    L’argument de la requérante relatif à la mise en place d’un nouveau protocole de communication interne ne permet donc pas non plus de caractériser un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut.

iii) Rapport d’évaluation 2020

151    La requérante estime que le rapport d’évaluation 2020, en ce qu’il conclut au caractère « insatisfaisant » du niveau de ses prestations pour la période en question, constitue un autre indice du harcèlement moral qu’elle a subi de la part de l’AUEA. Plus particulièrement, elle fait valoir que ce rapport négatif contraste avec le reste de sa carrière et est fondé sur des appréciations subjectives, ne reposant sur aucun élément de preuve tangible.

152    À cet égard, il convient tout d’abord de relever que, si le rapport d’évaluation 2020 conclut au caractère globalement « insatisfaisant » du niveau des prestations de la requérante pour la période concernée, il contient également des appréciations positives sur son travail, ses compétences et son engagement.

153    Quant aux appréciations négatives contenues dans ce rapport, il convient d’emblée de rappeler que, selon la jurisprudence, des notes et des appréciations, même négatives, figurant dans un rapport d’évaluation ne sauraient, en tant que telles, être considérées comme des indices de ce que le rapport aurait été établi dans un but de harcèlement moral (voir arrêt du 12 janvier 2022, MW/Parlement, T‑630/20, non publié, EU:T:2022:3, point 115 et jurisprudence citée). En particulier, la circonstance selon laquelle le rapport de notation contient des commentaires négatifs à l’égard du fonctionnaire ou de l’agent ne saurait révéler un harcèlement moral lorsque ces commentaires restent dans les limites du large pouvoir d’appréciation du notateur et, en particulier, ne franchissent pas la frontière de la critique désobligeante ou blessante envers la personne intéressée (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2010, N/Parlement, F‑26/09, EU:F:2010:17, point 86 et jurisprudence citée).

154    En l’espèce, force est de constater que, dans le rapport d’évaluation 2020, le supérieur hiérarchique de la requérante est resté, en tant qu’évaluateur, dans les limites de son large pouvoir d’appréciation et qu’il n’a pas franchi la frontière de la critique désobligeante ou blessante envers elle.

155    En effet, dans ledit rapport, le supérieur hiérarchique de la requérante a insisté sur les problèmes de communication persistants qu’elle avait rencontrés et indiqué que ces problèmes avaient eu un impact négatif sur le niveau de ses prestations et, partant, sur le fonctionnement du service lui-même. Les termes employés par le supérieur hiérarchique à cette occasion ne peuvent être assimilés à une critique désobligeante ou blessante envers la requérante, mais s’apparentent à des constats objectifs sur les raisons l’ayant conduit à considérer que le niveau global de ses prestations devait être considéré comme étant « insatisfaisant ».

156    S’agissant du bien-fondé des appréciations négatives contenues dans ledit rapport et, notamment, des problèmes de communication persistants constatés, il convient de rappeler que la requérante n’a pas, à la suite du rejet de son appel, puis de sa réclamation, introduit de recours devant le Tribunal dans les délais impartis contre le rapport d’évaluation 2020.

157    Or, s’il ne saurait être exclu que l’absence de recours dans le délai légal contre une décision de l’administration rejetant une demande puisse s’expliquer par d’autres raisons qu’un acquiescement de l’intéressé, il convient également de relever que les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut ont été institués, notamment, en vue d’assurer la clarté et la sécurité des relations juridiques. Permettre à un fonctionnaire qui a laissé s’écouler les délais péremptoires prévus aux articles 90 et 91 du statut sans contester, par la voie ouverte par ces articles, un acte lui faisant grief de remettre en cause celui-ci de manière incidente, à l’occasion d’un recours formé contre un autre acte, serait inconciliable avec les principes régissant les voies de recours instituées par le statut et porterait atteinte à la stabilité de ce système ainsi qu’au principe de sécurité juridique dont celui-ci s’inspire (arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 105).

158    Du fait de l’absence de recours de la requérante devant le Tribunal dans les délais impartis, le rapport d’évaluation 2020 est donc devenu définitif et les éléments figurant dans ledit rapport doivent être considérés comme étant établis.

159    Enfin, il importe de constater que les constats effectués par le supérieur hiérarchique de la requérante dans ledit rapport, notamment s’agissant des problèmes de communication persistants qu’elle avait rencontrés, sont corroborés par d’autres éléments du dossier. En effet, les rapports de fin de période d’essai et d’évaluation pour l’année 2019 font eux aussi état de problèmes d’intégration et de communication. Par ailleurs, ces problèmes de communication ont été confirmés ultérieurement par l’ancienne supérieure hiérarchique de la requérante, lorsque son lieu de travail était fixé en [confidentiel].

160    Le rapport d’évaluation 2020 ne peut donc être considéré comme un indice plausible de harcèlement moral.

iv)    Comportement de la directrice exécutive de l’AUEA

161    La requérante soutient que la directrice exécutive de l’AUEA s’est « toujours comportée de façon partiale » à son égard. La partialité de celle-ci ressortirait tant de la manière dont le rapport d’évaluation pour l’année 2020 aurait été élaboré, puis réexaminé que des décisions négatives prises à l’égard de la requérante concernant une éventuelle mesure de mobilité interne ou sa demande d’assistance. 

162    À cet égard, il convient de renvoyer aux considérations figurant aux points 88 à 111 ci-dessus dont il ressort que la requérante n’est pas parvenue à démontrer une quelconque partialité de la directrice exécutive de l’AUEA à son égard.

v)      Plainte collective et anonyme adressée à l’OLAF

163    La requérante se prévaut d’une plainte collective et anonyme adressée à l’OLAF qui mettrait en lumière plusieurs dysfonctionnements et actes frauduleux commis au sein de l’AUEA, y compris par la directrice exécutive.

164    Il y a lieu de constater que la plainte adressée à l’OLAF concerne principalement des procédures de recrutement irrégulières qui auraient été conduites par la directrice exécutive de l’AUEA. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas l’existence d’un lien entre cette plainte et sa situation personnelle. En particulier, en ce qui concerne l’allégation de mauvaise gestion des plaintes pour harcèlement moral au sein de l’AUEA figurant dans la plainte adressée à l’OLAF, il suffit de relever que la requérante n’a pas démontré, dans le cadre du présent recours ou dans le cadre d’un autre recours introduit devant le Tribunal, en quoi le traitement de sa demande d’assistance avait été irrégulier. En particulier, la partialité de la directrice exécutive de l’AUEA dans le cadre d’une telle procédure n’a pas été établie et un réexamen a eu lieu par une autorité distincte, à savoir le conseil d’administration de l’AUEA, dont l’impartialité n’a pas été remise en cause par la requérante.

165    Dès lors, la plainte adressée à l’OLAF ne permet pas d’établir l’existence d’un contexte de harcèlement moral dont la requérante aurait été elle-même victime au sein de l’AUEA.

vi)    Conclusion

166    En définitive, pris isolément, aucun des éléments allégués par la requérante n’est révélateur d’une situation de harcèlement moral. En effet, les incidents mis en avant révèlent certes des comportements parfois maladroits de la part de certains de ses collègues ou de ses supérieurs hiérarchiques à son égard, mais ne témoignent pas d’une « conduite abusive » au sens de l’article 12 bis du statut. En outre, lesdits comportements ne sont pas non plus de nature à avoir eu pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique de la requérante s’ils sont appréciés dans leur ensemble, de manière contextuelle.

167    Il y a donc lieu de conclure que les allégations de la requérante sur le prétendu harcèlement n’ont pas été mises en relation avec la décision attaquée et que, en tout état de cause, prises isolément ou dans leur ensemble, elles ne permettent pas d’établir l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, c’est-à-dire d’une conduite abusive de nature à porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique de la requérante.

168    Il y a donc lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen.

b)      Sur la deuxième branche, tirée d’un détournement de pouvoir

169    Dans la deuxième branche du quatrième moyen, la requérante soutient que, compte tenu du contexte de harcèlement moral, la décision attaquée est entachée d’un détournement de pouvoir.

170    Selon la jurisprudence, une décision n’est entachée d’un détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées. Il ne suffit pas à la partie requérante d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions. Il lui faut fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité de ses prétentions ou, à tout le moins, leur vraisemblance. Sans de tels indices, l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution ne saurait être remise en cause (voir arrêt du 21 décembre 2021, KS/Frontex, T‑409/20, non publié, EU:T:2021:914, point 134 et jurisprudence citée).

171    En l’espèce, force est de constater que la requérante n’établit pas dans quel objectif autre que celui de mettre fin à son contrat pour rupture du lien de confiance la décision attaquée aurait été adoptée. Les éléments mentionnés au point 57 de la requête qui ont été examinés aux points 128 à 162 ci-dessus ne sauraient être qualifiés d’indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité ou, à tout le moins, la vraisemblance du fait que la décision attaquée serait entachée d’un détournement de pouvoir. La requérante n’a d’ailleurs pas contesté la réalité des comportements reprochés sous chacun des huit motifs invoqués par l’AUEA au soutien de la rupture du lien de confiance constatée. Elle s’est contentée d’alléguer que les comportements qui lui étaient reprochés étaient justifiés par le contexte de harcèlement moral allégué. Dans le même temps, elle reconnaît elle-même la rupture du lien de confiance invoquée au soutien de la décision attaquée et elle accepte donc l’idée que cette décision poursuit bien le but qu’elle indique.

172    Pour ces raisons, il y a lieu de rejeter le grief tiré du détournement de pouvoir et partant, la deuxième branche du quatrième moyen.

c)      Sur la troisième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’origine de la rupture du lien de confiance

173    Dans la troisième branche, la requérante fait valoir que l’AUEA a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, que la rupture du lien de confiance lui était imputable. Si elle ne conteste pas la rupture du lien de confiance, elle estime que, compte tenu du harcèlement moral subi, elle doit être considérée non comme sa responsable, mais comme sa victime.

174    Il ressort de la jurisprudence que l’AHCC peut résilier un contrat d’agent temporaire à durée déterminée de façon anticipée au motif qu’un ou plusieurs manquements de l’agent concerné à ses devoirs professionnels ont provoqué une rupture du lien de confiance et qu’il est exclu de pouvoir rétablir ce lien. En effet, dans une telle situation, l’accomplissement des missions dévolues à l’Union en collaboration avec cet agent est rendue plus difficile, voire impossible (arrêt du 21 décembre 2021, KS/Frontex, T‑409/20, non publié, EU:T:2021:914, point 101).

175    Si une institution résilie un contrat en se fondant sur une perte de confiance, le juge de l’Union est tenu de vérifier si ce motif est plausible. Lorsqu’il effectue cette vérification, le juge ne peut substituer son appréciation à celle de l’autorité compétente, selon laquelle la perte de confiance est avérée. Il doit se limiter à contrôler si le motif à l’origine de la décision explicité par l’institution n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2019, L/Parlement, T‑59/17, EU:T:2019:140, point 30 et jurisprudence citée).

176    À cet égard, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être détectée de façon évidente, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation (arrêt du 6 juillet 2022, YF/AECP, T‑664/21, non publié, EU:T:2022:425, point 45).

177    Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise en conséquence suppose donc que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration (arrêt du 12 octobre 2022, Van Walle/ECDC, T‑83/21, non publié, EU:T:2022:626, point 34).

178    À l’inverse, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme étant justifiée et cohérente (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 95 et jurisprudence citée).

179    En l’espèce, la décision attaquée est fondée sur une rupture du lien de confiance du fait d’une série d’agissements inappropriés de la requérante.

180    Plus particulièrement, ainsi que cela résulte de la décision attaquée, huit comportements sont reprochés à la requérante et ont été invoqués au titre de la rupture du lien de confiance, à savoir :

–        des problèmes de communication récurrents dans ses interactions avec ses collègues, y compris sa hiérarchie ;

–        une conduite inappropriée visant de façon persistante certains membres du personnel de l’AUEA ;

–        le recours fréquent à des techniques d’intimidation dans sa communication écrite ;

–        le refus persistant et injustifié de se conformer aux instructions de sa hiérarchie ;

–        l’exposition de l’AUEA au risque de subir une perte financière en raison de son insubordination et de son comportement d’obstruction ;

–        le manque de respect pour les lignes hiérarchiques établies et la transmission inutile de questions insignifiantes à l’encadrement supérieur, y compris la directrice exécutive de l’AUEA;

–        la transmission non indispensable et continue de problèmes à de multiples acteurs, entraînant une charge de travail considérable et un risque sérieux d’atteinte à la réputation de l’AUEA ;

–        une violation du devoir de confidentialité et du respect des règles applicables en matière de protection des données à caractère personnel.

181    Il y a donc lieu d’examiner si les motifs de la décision attaquée sont plausibles et, partant, si l’appréciation de l’AUEA selon laquelle le lien de confiance entre les parties a été rompu procède d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les faits pris en considération pour aboutir au constat de cette rupture.

182    S’agissant du premier comportement reproché, mentionné au point 180 ci-dessus, il convient de relever que les problèmes de communication de la requérante évoqués dans la décision attaquée ont duré pendant plus de deux ans et sont attestés par plusieurs éléments du dossier, dont plusieurs de ses rapports d’évaluation devenus définitifs. De ces rapports, il ressort que les problèmes relationnels rencontrés par la requérante ont débuté lorsque son lieu de travail était fixé en [confidentiel] et ont été tels que son maintien dans ce pays était devenu impossible et qu’il n’existait pas d’autre choix que de la transférer à [confidentiel]. Par ailleurs, en dépit de son transfert à [confidentiel], ces problèmes ont persisté, ayant une incidence négative sur le niveau de ses prestations et, partant, sur le fonctionnement du service lui-même.

183    Parmi les éléments de preuve figurant au dossier et attestant desdits problèmes rencontrés par la requérante, celle-ci s’est limitée à remettre en cause, dans le cadre du présent recours, le rapport d’évaluation 2020 en ce qu’il contiendrait des appréciations négatives subjectives, ne reposant sur aucun élément de preuve tangible, notamment s’agissant des problèmes de communication évoqués.

184    Toutefois, ainsi que cela a été constaté au point 158 ci-dessus, du fait de l’absence de recours de la requérante devant le Tribunal dans les délais impartis, le rapport d’évaluation 2020 est devenu définitif et les éléments qu’il contient doivent être considérés comme étant établis. Par ailleurs, il importe de relever que les constats effectués par le supérieur hiérarchique de la requérante dans ledit rapport, notamment s’agissant des problèmes de communication persistants de cette dernière, sont corroborés par d’autres éléments du dossier. En effet, les rapports de fin de période d’essai et d’évaluation pour l’année 2019 font eux aussi état de problèmes d’intégration et de communication. Ces problèmes de communication ont également été confirmés ultérieurement par l’ancienne supérieure hiérarchique de la requérante, lorsque son lieu de travail était fixé en [confidentiel].

185    Dès lors, il y a lieu de constater que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que les problèmes de communication persistants qu’elle avait rencontrés procédaient d’une erreur manifeste d’appréciation et que l’AUEA pouvait tenir compte de cette circonstance, dans la décision attaquée, au titre des motifs de la rupture du lien de confiance.

186    S’agissant des deuxième et troisième comportements reprochés, mentionnés au point 180 ci-dessus, il convient de relever que, dans la décision attaquée, l’AUEA a produit neuf courriels attestant de l’utilisation répétée, par la requérante, d’un ton inapproprié et menaçant à l’égard de plusieurs collègues et supérieurs hiérarchiques, y compris la directrice exécutive.

187    Dans la requête, la requérante n’a pas remis en cause la réalité de ces courriels.

188    La requérante ne saurait faire valoir que ces courriels ainsi que le ton qu’elle y a employé étaient liés au contexte de harcèlement moral dont elle a fait l’objet, ce qui l’aurait poussée à réagir et à se défendre.

189    En effet, la requérante ne s’est pas seulement contentée de « réagir » à ce qu’elle estimait constituer un contexte de harcèlement moral, mais elle a, elle-même, fait usage d’un ton inapproprié et menaçant à plusieurs reprises à l’égard de plusieurs membres de l’EASO, puis de l’AUEA. À titre d’exemple, ainsi que cela a été relevé au point 81 ci-dessus, dans un courriel envoyé le 24 février 2021 à la directrice exécutive de l’EASO, s’agissant de l’absence de prolongation de la validité de la liste de réserve [confidentiel] sur laquelle son nom figurait, la requérante ne s’est pas contentée de faire valoir qu’elle contestait la décision adoptée par l’EASO à cet égard, mais elle a directement menacé ladite directrice exécutive de divulguer à l’OLAF les informations qu’elle détenait concernant une prétendue fraude relative à des notes de frais de mission dans le cas où celle-ci déciderait de ne pas proroger la validité de ladite liste de réserve.

190    Or, la portée des notions de « harcèlement moral » et d’« assistance », visées aux articles 12 bis et 24 du statut, ne saurait aller jusqu’à permettre à la victime supposée de remettre en cause systématiquement toute autorité hiérarchique, voire de s’estimer affranchie d’obligations prévues explicitement par le statut, telles que l’obligation de coopération loyale avec ses supérieurs.

191    Par conséquent, quand bien même la requérante aurait dû faire face à plusieurs comportements qu’elle estimait constitutifs de harcèlement moral, l’AUEA pouvait raisonnablement estimer que cette circonstance n’était pas de nature à justifier son comportement inapproprié ainsi que le recours, dans ses courriels, à un ton menaçant. Cette circonstance ne saurait justifier les manquements de la requérante à ses propres obligations professionnelles, justifiant par là même le fait que l’AHCC en tienne compte dans la décision attaquée, au titre de la rupture du lien de confiance.

192    S’agissant des quatrième et cinquième comportements reprochés, mentionnés au point 180 ci-dessus, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, l’AUEA a mis en évidence un refus répété, de la part de la requérante, de suivre les instructions de sa hiérarchie, en particulier s’agissant du nouveau protocole de communication interne, mis en place durant l’été 2021, ainsi que le risque de pertes financières encouru du fait de ce comportement.

193    À nouveau, il convient de constater que, dans le cadre du présent recours, la requérante ne remet pas en cause l’insubordination et l’obstruction constatées par l’AUEA dans la décision attaquée. Elle tente néanmoins de justifier son refus d’appliquer le protocole de communication interne par le fait que celui-ci constituerait une mesure de représailles d’une de ses collègues du secteur [confidentiel] à la suite de son rejet de la demande de remboursement de frais de mission [confidentiel].

194    Toutefois, à cet égard, il convient de renvoyer aux points 144 à 150 ci-dessus dont il ressort que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que ce nouveau mode de communication constituait une mesure de représailles prise à son égard. Par ailleurs, à supposer même qu’elle n’ait pas été convaincue par ce nouveau protocole de communication, elle était tenue de l’appliquer, au risque d’exposer l’AUEA à des pertes financières.

195    En effet, s’il peut être compréhensible et légitime qu’un agent cherche à faire la preuve de ses capacités professionnelles et à prendre des initiatives, y compris par le biais de propositions portant sur l’organisation du travail au sein de l’entité à laquelle il est rattaché, il n’en reste pas moins que son comportement doit respecter les compétences qui lui ont été attribuées et les instructions qui lui ont été données par ses supérieurs hiérarchiques, sous peine de rompre le lien de confiance avec ces derniers en ne se conformant pas à leurs décisions organisationnelles (arrêt du 12 janvier 2022, MW/Parlement, T‑630/20, non publié, EU:T:2022:3, point 78).

196    Sur ce point également, il convient donc de considérer que la perte de confiance à l’égard de la requérante paraît plausible à la lumière d’un comportement répété tel que celui mis en évidence au point 192 ci-dessus, en particulier lorsque l’agent agit à l’encontre des instructions de ses supérieurs hiérarchiques.

197    Enfin, s’agissant des sixième, septième et huitième comportements, mentionnés au point 180 ci-dessus, l’AUEA a souligné, dans la décision attaquée, que la requérante avait, à de multiples reprises, porté à l’attention d’acteurs, tant au sein de l’AUEA qu’à l’extérieur de celle-ci, des questions qui ne relevaient manifestement pas de leurs compétences et qui faisaient déjà l’objet de procédures en cours. À ce sujet, elle fait état de plusieurs exemples, tels que le fait que la requérante a contacté, plusieurs fois, la direction générale « Migration et affaires intérieures » de la Commission en évoquant son appel contre le rapport d’évaluation 2020 ainsi que sa demande d’assistance introduite au titre de l’article 24 du statut, alors que des procédures étaient déjà en cours devant la directrice exécutive de l’EASO, qui, en sa qualité d’AHCC, était seule compétente en la matière. Par ailleurs, l’AUEA souligne que la requérante n’a pas hésité à contacter le secteur de contrôle interne en ce qui concernait le nouveau mode de communication mis en place durant l’été 2020 ainsi que le rejet de sa candidature dans le cadre de la procédure de sélection EASO/2021/TA/007, alors que des réclamations étaient en cours et que ce secteur n’était pas compétent pour connaître de telles problématiques. L’AUEA a indiqué que, outre que ces sollicitations continues d’acteurs multiples, y compris extérieurs à elle, avaient engendré une importante charge de travail pour lesdits acteurs, elles l’avaient exposée à un risque sérieux d’atteinte à sa réputation. En outre, il apparaît que, dans le cadre de ces sollicitations nombreuses, la requérante a divulgué des informations personnelles sensibles à des destinataires qui n’avaient pas le droit d’y accéder.

198    Dans la requête, la requérante insiste sur le fait que, par ces sollicitations nombreuses, elle n’a fait que réclamer l’application du statut et de la réglementation et ainsi, en substance, faire valoir ses droits.

199    Toutefois, ainsi que cela a été rappelé à la requérante dans la décision attaquée, ce qui lui est reproché, en substance, n’est pas le fait d’avoir cherché à faire valoir ses droits, y compris en contactant à cet effet des acteurs extérieurs, mais le fait d’avoir sollicité dans un court laps de temps de nombreux acteurs, parfois non compétents pour connaître de ses contestations, en faisant valoir des accusations graves et dépourvues de fondement.

200    Or, à cet égard, il ressort de la jurisprudence que, s’il ne peut pas être fait grief à un fonctionnaire ou à un agent de chercher à assurer la défense de ses droits, y compris en se trompant sur la portée de ceux-ci, il ne peut pas non plus être considéré comme étant déraisonnable de percevoir comme un manquement au devoir de loyauté et de coopération à l’égard de l’administration le fait d’engager dans un très court laps de temps un nombre important de procédures formelles fondées sur des accusations graves qui ont pu, a posteriori, être légitimement considérées comme étant dépourvues de fondement [voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 90 (non publié)].

201    Partant, cet élément était lui aussi de nature à conforter la conviction de l’AUEA selon laquelle le lien de confiance avec la requérante était rompu, cette dernière ne faisant plus preuve envers elle de la coopération et de la loyauté nécessaires à toute relation contractuelle.

202    En définitive, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que les comportements reprochés dans la décision attaquée et invoqués au titre de la rupture du lien de confiance étaient privés de plausibilité. Il en résulte que l’AUEA a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, constater une rupture du lien de confiance du fait d’une série d’agissements inappropriés de la requérante révélant des manquements à ses devoirs et à ses obligations et, partant, adopter la décision attaquée.

203    En conséquence, il y a lieu de rejeter la troisième branche du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son intégralité.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité et de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut

204    Le cinquième moyen, qui est contesté par l’AUEA, est composé de deux branches.

a)      Sur la première branche du cinquième moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation commise lors de l’examen de l’opportunité d’une mesure alternative au licenciement

205    Dans la première branche du cinquième moyen, la requérante soutient que l’AUEA a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la décision attaquée en considérant qu’une mesure de mobilité interne n’était pas souhaitable en raison des problèmes de communication qu’elle avait rencontrés lorsque son lieu de travail était fixé en [confidentiel] et en présentant comme une « seconde chance » le transfert de son lieu de travail d’[confidentiel] à [confidentiel] le 1er novembre 2019.

206    À cet égard, il convient de relever que la réalité des problèmes d’intégration et de communication rencontrés par la requérante lorsque son lieu de travail était fixé en [confidentiel] est attestée par plusieurs éléments du dossier.

207    En effet, le rapport de fin de période d’essai de la requérante, établi à l’issue de ses dix premiers mois de travail au sein de l’EASO, évoque des problèmes d’intégration rencontrés lorsque son lieu de travail se trouvait en [confidentiel]. Ces problèmes d’intégration ont ensuite été à nouveau mentionnés dans le rapport d’évaluation de la requérante pour l’année 2019, lequel précise également qu’ils ont fait partie des raisons pour lesquelles elle était heureuse d’accepter un nouveau poste à [confidentiel]. Enfin, ces problèmes rencontrés à [confidentiel] ont été rappelés dans le rapport d’évaluation 2020. Ainsi, il a été précisé qu’ils avaient été tels qu’ils avaient atteint un niveau critique à un moment donné et qu’ils avaient abouti à la décision de transférer la requérante à [confidentiel] afin que toutes les parties concernées puissent prendre un nouveau départ (voir points 182 à 185 ci-dessus).

208    Parmi ces rapports, seul le rapport d’évaluation 2020 a été contesté par la requérante. Toutefois, ainsi que cela a été constaté aux points 158 et 184 ci-dessus, du fait de l’absence de recours devant le Tribunal dans les délais impartis, ce rapport d’évaluation est devenu définitif et les éléments qu’il contient doivent être considérés comme étant établis.

209    Les rapports d’évaluation mentionnés aux points 207 et 208 ci-dessus présentant tous un caractère définitif, les appréciations qu’ils comportent quant aux problèmes d’intégration et de communication rencontrés par la requérante lorsque son lieu de travail était fixé en [confidentiel] ne peuvent plus être remises en cause.

210    À cela s’ajoute le fait que, dans un courriel adressé à la requérante le 21 mars 2022, l’ancienne supérieure hiérarchique de celle-ci a confirmé les problèmes d’intégration et de communication rencontrés lorsque son lieu de travail se trouvait encore en [confidentiel].

211    De plus, il ressort du dossier que, outre les difficultés d’intégration et de communication évoquées ci-dessus, la requérante a rencontré des difficultés dans l’accomplissement de certaines de ses tâches lorsque son lieu de travail était fixé en [confidentiel] et avait elle-même émis le souhait d’être transférée à [confidentiel] pour se rapprocher de sa famille.

212    Ainsi, le rapport de fin de période d’essai et le rapport d’évaluation pour l’année 2019 de la requérante ont mis en évidence certaines difficultés ou faiblesses rencontrées dans l’accomplissement de certaines de ses tâches, et plus particulièrement dans les tâches financières qui lui avaient été confiées. Dans ces rapports, la requérante a d’ailleurs reconnu elle-même qu’elle rencontrait des difficultés dans l’accomplissement de tâches financières lorsqu’elle travaillait en [confidentiel] et a fait part de sa volonté d’occuper un poste comprenant davantage de tâches administratives, si possible à [confidentiel], pour se rapprocher de sa famille.

213    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que l’AUEA n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en évoquant, dans la décision attaquée, les problèmes de communication rencontrés par la requérante lorsque son lieu de travail était fixé en [confidentiel] et en qualifiant de « seconde chance » le transfert dont elle avait fait l’objet, dans la mesure où ledit transfert avait été décidé afin, précisément, de lui permettre de faire la preuve de ses qualités, nonobstant les réserves émises quant à son rendement, à ses compétences et à sa conduite dans le service.

214    La première branche du cinquième moyen doit donc être rejetée.

b)      Sur la seconde branche du cinquième moyen, tirée d’une violation du principe de proportionnalité et de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut

215    Dans la seconde branche, la requérante soutient que l’AUEA a méconnu le principe de proportionnalité en optant, dans la décision attaquée, pour la résiliation de son contrat plutôt que pour une mesure moins sévère.

216    À cet égard, il convient de constater que la requérante se limite à affirmer que des solutions autres qu’un licenciement étaient possibles, telles que la réaffectation à un autre poste de travail, mais qu’elle n’avance aucun élément ou argument démontrant que la mesure proposée aurait permis de remédier à la rupture du lien de confiance entre l’AUEA et elle.

217    Dans ces circonstances, le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut et, partant, le cinquième moyen doivent être écartés.

6.      Sur le sixième moyen, tiré de la violation des règles relatives à la protection des données à caractère personnel

218    Dans le cadre de son sixième moyen, la requérante fait valoir que l’AUEA a, à plusieurs égards, méconnu son droit à la protection de ses données à caractère personnel tel que consacré par l’article 8 de la charte des droits fondamentaux et par le règlement 2018/1725.

219    Il en irait ainsi :

–        d’appréciations négatives formulées dans le rapport d’évaluation 2020 et du refus de faire droit à ses demandes de rectification et d’effacement s’agissant de certaines de ces appréciations ;

–        de l’absence de délégué à la protection des données (DPD) au sein de l’EASO entre le 1er octobre et le 18 novembre 2021 et de la non-conformité du mandat confié à la DPD à partir du 19 novembre 2021 ;

–        des questions qui lui ont été posées lors de la réunion du [confidentiel] sur son état de santé, notamment sur les raisons de son congé de maladie ;

–        de la transmission par l’OLAF à l’AUEA de son identité ou d’éléments permettant de l’identifier et de la mention, dans la décision attaquée, de l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF à la suite d’informations qu’elle lui avait transmises ;

–        de l’encodage du motif de la fin de sa relation contractuelle avec l’AUEA dans le système informatique de gestion du personnel Sysper, auquel auraient accès les services des ressources humaines de toutes les institutions et agences de l’Union.

220    L’AUEA conteste cette argumentation.

221    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (ordonnance du 13 mai 2020, Lucaccioni/Commission, T‑308/19, non publiée, EU:T:2020:207, point 34, et arrêt du 8 décembre 2021, JP/Commission, T‑247/20, non publié, EU:T:2021:871, point 139).

222    Or, en l’espèce, au point 52 de la requête, la requérante cite, dans l’énoncé de l’intitulé de ses moyens, plusieurs dispositions du règlement 2018/1725, à savoir les articles 4, 5 et 14, l’article 16, paragraphe 2, sous b) et e), l’article 16, paragraphe 3, l’article 17, paragraphe 1, sous e) et g), et les articles 18 et 19, mais, dans l’exposé de son argumentation, elle se contente de faire état, de façon vague, de la violation de ses données personnelles ou de la violation du règlement 2018/1725 sans préciser les dispositions qui seraient concernées.

223    De plus, s’agissant, d’une part, du refus de faire droit à ses demandes de rectification et d’effacement de certaines des appréciations contenues dans le rapport d’évaluation 2020 et, d’autre part, de l’absence de DPD au sein de l’EASO entre le 1er octobre et le 18 novembre 2021 et de la non-conformité du mandat de la DPD actuelle, la requérante s’est limitée à des allégations générales sans établir de lien avec la décision attaquée. Ces allusions à de prétendues violations des règles relatives à la protection des données personnelles, faites sans aucune justification en lien avec la décision attaquée, ne sauraient suffire à répondre aux exigences de clarté et de précision des moyens avancés, telles que prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

224    De même, les allégations formulées par la requérante au sujet de la plateforme Sysper, concernant l’encodage sur ladite plateforme de la fin de sa relation de travail avec l’AUEA, ne peuvent affecter la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où il s’agit d’un acte postérieur à l’adoption de cette décision.

225    Enfin, comme la requérante le reconnaît elle-même au point 92 de sa requête, les allégations portées à l’encontre de l’OLAF ne sont pas recevables dans la présente procédure.

226    Il y a donc lieu de considérer que le moyen tiré de la violation du droit à la protection des données à caractère personnel de la requérante tel que consacré par l’article 8 de la charte des droits fondamentaux et par le règlement 2018/1725 est, en partie, irrecevable et, en partie, inopérant.

227    En toute hypothèse, les griefs invoqués par la requérante dans le cadre du présent moyen ne sont pas fondés.

228    En effet, s’agissant, premièrement, des questions posées lors de la réunion du [confidentiel] sur l’état de vulnérabilité médicale de la requérante et les raisons de son congé de maladie, il n’apparaît pas que des données pouvant être qualifiées de sensibles aient été évoquées ou traitées lors de ladite réunion par l’AUEA, cette dernière ayant simplement interrogé la requérante sur l’état de vulnérabilité médicale qu’elle avait elle-même revendiqué dans ses observations écrites sur la lettre d’intention ainsi qu’à nouveau mentionné lors de ladite réunion. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la requérante, une telle question ne saurait être qualifiée d’« inappropriée », mais se justifiait au contraire par le fait qu’elle avait transmis peu d’informations sur cet état, sans indiquer clairement la raison de cet état ni en produire de preuve, telle une attestation d’un médecin qui aurait corroboré ses propos.

229    À cet égard, il convient de rappeler, comme l’a fait l’AUEA, que les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsque est en cause la situation d’un agent dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée (arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 106).

230    Compte tenu de ce devoir, l’AUEA était tenue de vérifier si un tel état était avéré afin de pouvoir éventuellement en tenir compte dans la décision attaquée.

231    S’agissant, deuxièmement, de la mention des conclusions de l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF au sujet d’une prétendue fraude aux frais de mission, les informations litigieuses ne constituent pas des données à caractère personnel au sens de l’article 3, point 1, du règlement 2018/1725.

232    En effet, ce règlement définit les données à caractère personnel comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable » et indique qu’« est réputée être une “personne physique identifiable” une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

233    Or, en l’espèce, force est de constater que l’AUEA s’est contentée de mentionner dans la décision attaquée les conclusions de l’investigation préliminaire conduite par l’OLAF sans mentionner que la requérante était à la source de cette investigation (voir point 70 ci-dessus) ni fournir une quelconque information permettant de l’identifier comme telle.

234    Par ailleurs, la requérante ne saurait valablement soutenir qu’elle était identifiable comme étant à l’origine de cette investigation au seul motif que l’AUEA a également indiqué, dans la décision attaquée, que c’était elle qui avait rejeté la demande de remboursement des frais de mission concernés par ladite investigation. En effet, le rejet et le signalement sont deux choses distinctes et la requérante pouvait tout à fait se contenter de rejeter à son niveau une demande de remboursement de frais de mission et même en faire part au secteur de contrôle interne de l’AUEA sans pour autant ensuite informer l’OLAF d’une prétendue fraude.

235    S’agissant, troisièmement, des allégations formulées par la requérante au sujet de la plateforme Sysper, il convient de constater qu’elle n’a pas démontré l’incidence de cette prétendue violation sur la légalité de la décision attaquée.

236    En toute hypothèse, l’AUEA n’a violé aucune règle relative à la protection des données personnelles en encodant sur cette plateforme la fin de sa relation contractuelle avec la requérante.

237    En effet, ainsi que cela a été expliqué à la requérante, il incombe au service des ressources humaines de l’AUEA d’encoder sur ladite plateforme la fin de toute relation contractuelle avec un membre du personnel en effectuant un choix entre plusieurs options prédéfinies. Ainsi, s’agissant de la requérante, le service des ressources humaines de l’AUEA a dû opter pour l’option « Démission d’office du fonctionnaire (art. 49 du statut)/Résiliation du contrat par l’institution (art. 47 du RAA) ». Une telle option ne donne aucune indication sur le motif de la relation contractuelle avec la requérante ni sur les circonstances dans lesquelles elle s’inscrit.

238    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucune violation du droit à la protection des données personnelles de la requérante ne peut être constatée.

239    Il convient donc de rejeter le sixième moyen.

240    Eu égard à ce qui précède, la demande en annulation doit être rejetée dans son ensemble.

B.      Sur la demande en indemnité

241    Dans le cadre de ses conclusions indemnitaires, la requérante demande la réparation du préjudice matériel et moral subi qu’elle évalue, ex æquo et bono et à titre provisionnel, à 45 000 euros.

242    Au titre de son préjudice financier, la requérante fait valoir qu’elle a perdu son emploi et que ses perspectives de carrière sont limitées, spécialement en raison du dévoilement de la cause de la rupture contractuelle.

243    Son préjudice moral résulterait d’une perte d’estime de soi, qui aurait eu des effets sur sa santé.

244    L’AUEA estime que la demande en indemnité de la requérante doit être rejetée comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondée.

245    À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir arrêt du 12 janvier 2022, MW/Parlement, T‑630/20, non publié, EU:T:2022:3, point 137 et jurisprudence citée).

246    En l’espèce, force est de constater que les préjudices prétendument subis par la requérante résultent des manquements soulevés dans le cadre des conclusions en annulation. La requérante reconnaît d’ailleurs elle-même que les préjudices matériel et moral invoqués sont directement liés à la décision attaquée.

247    Dès lors que la demande d’annulation de la décision attaquée doit être rejetée, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires comme étant non fondées et, partant, le recours dans son ensemble.

248    En toute hypothèse, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 15 janvier 2019, HJ/EMA, T‑881/16, non publié, EU:T:2019:5, point 47 et jurisprudence citée).

249    S’agissant de la condition relative à la réalité du dommage, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si la partie requérante a effectivement subi un préjudice réel et certain. Il incombe à celle-ci d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (voir arrêt du 28 janvier 2016, Zafeiropoulos/Cedefop, T‑537/12, non publié, EU:T:2016:36, point 91 et jurisprudence citée).

250    Or, force est de constater que la requérante ne produit aucun élément de nature à démontrer l’existence et l’ampleur des préjudices qu’elle allègue.

251    Il y a donc lieu de rejeter la demande indemnitaire de la requérante, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de cette demande, et, partant, le recours dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

252    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

253    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de l’AUEA, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TO est condamnée aux dépens.

Porchia

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Données confidentielles occultées.