Language of document : ECLI:EU:T:2012:385

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 juillet 2012(*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Régime d’aides accordé par les Pays-Bas en faveur des sociétés de logement social – Aides existantes – Aide spécifique par projets au profit des sociétés de logement – Décision acceptant les engagements de l’État membre – Décision déclarant une aide nouvelle compatible – Défaut d’affectation individuelle – Défaut d’ouverture de la procédure de l’article 108, paragraphe 2, TFUE – Recours en partie irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑201/10,

Vereniging van Institutionele Beleggers in Vastgoed, Nederland (IVBN), établie à Voorburg (Pays-Bas), représentée par Me M. Meulenbelt, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet, S. Noë et S. Thomas, en qualité d’agents, assistés de Me H. Gilliams, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 9963 final de la Commission, du 15 décembre 2009, relative aux aides d’État E 2/2005 et N 642/2009 – (Pays-Bas – Aide existante et aide spécifique par projet au profit des sociétés de logement),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, la Vereniging van Institutionele Beleggers in Vastgoed, Nederland (IVBN, Association des investisseurs institutionnels en immobilier des Pays-Bas) est une association de droit néerlandais qui réunit trente investisseurs institutionnels néerlandais en immobilier, possédant 132 500 logements locatifs aux Pays-Bas.

2        En 2002, les autorités néerlandaises ont notifié à la Commission des Communautés européennes le système général d’aides d’État versées en faveur des sociétés de logement (woningcorporaties, ci-après les « wocos »). Les wocos sont des organismes à but non lucratif qui ont pour mission de procéder à l’acquisition, à la construction et à la mise en location d’habitations destinées essentiellement à des personnes défavorisées et à des groupes socialement désavantagés. Les wocos exercent également d’autres activités telles que la construction et la mise en location d’appartements à des loyers plus élevés, la construction d’appartements destinés à la vente et la construction et la mise en location d’immeubles d’intérêt général.

3        La Commission ayant estimé que les mesures de financement des wocos pouvaient être qualifiées d’aides existantes, les autorités néerlandaises ont par la suite retiré leur notification.

4        Le 14 juillet 2005, la Commission a transmis aux autorités néerlandaises une lettre au titre de l’article 17 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [107 TFUE] (JO L 83, p. 1), qualifiant le système général d’aides d’État versées en faveur des wocos d’aides existantes (aide E 2/2005) et exprimant des doutes quant à leur compatibilité avec le marché commun. À titre préliminaire, la Commission a indiqué que les autorités néerlandaises devaient modifier la mission de service public confiée aux wocos, de sorte que le logement social soit destiné à un groupe cible clairement défini de personnes défavorisées ou de groupes socialement désavantagés. Elle a relevé que toutes les activités commerciales des wocos devaient être réalisées aux conditions du marché et ne devaient pas bénéficier d’aides d’État. Enfin, elle a indiqué que l’offre de logements sociaux devait être adaptée à la demande des personnes défavorisées ou des groupes socialement désavantagés.

5        À la suite de l’envoi de cette lettre, la Commission et les autorités néerlandaises ont entamé des négociations afin de mettre le système général d’aides d’État versées en faveur des wocos en conformité avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

6        Les mesures contenues dans le système général d’aides d’État versées par le Royaume des Pays-Bas en faveur des wocos (aide E 2/2005) sont les suivantes :

a)      des garanties de l’État pour des prêts accordés par le Fonds de garantie pour la construction de logements sociaux ;

b)      des aides du Fonds central du logement, aides par projet ou aides à la rationalisation sous forme de prêts à taux préférentiels ou de subventions directes ;

c)      la vente par les municipalités de terrains à des prix inférieurs aux prix du marché ;

d)      le droit d’emprunter auprès de la Bank Nederlandse Gemeenten (BNG).

7        Le 16 avril 2007, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission concernant les aides accordées aux wocos. En juin 2009, Vesteda Groep BV s’est associée à cette plainte.

8        Par lettre du 3 décembre 2009, les autorités néerlandaises ont proposé à la Commission des engagements visant à modifier le système général d’aides d’État en faveur des wocos.

9        Par ailleurs, le 18 novembre 2009, les autorités néerlandaises ont notifié à la Commission un nouveau régime d’aides pour la rénovation des quartiers urbains en déclin, qualifié d’« aide spécifique par projet destinée à certains districts » (aide N 642/2009), dont les wocos intervenant dans les quartiers sélectionnés sont les bénéficiaires. Ce nouveau régime d’aides doit être accordé selon les mêmes conditions que celles prévues pour les mesures relevant du régime d’aides existant, tel que modifié à la suite des engagements pris par les autorités néerlandaises.

10      L’aide N 642/2009 prendra la forme de subventions directes versées par le Centraal Fonds Volkshuisvesting (Fonds central du logement) pour la réalisation de projets spécifiques relatifs à la construction et à la mise en location de logements dans des zones géographiques limitées correspondant aux communautés urbaines les plus démunies. Elle sera financée par une taxe nouvelle payée par les wocos exerçant leurs activités en dehors des zones urbaines sensibles.

11      Le 15 décembre 2009, la Commission a adopté la décision C (2009) 9963 final relative aux aides d’État E 2/2005 et N 642/2009 – Pays-Bas – Aide existante et aide spécifique par projet au profit des wocos (ci-après la « décision attaquée »).

12      Dans la décision attaquée, la Commission a qualifié chacune des mesures contenues dans le système général d’aides d’État en faveur des wocos (aide E 2/2005) d’aide d’État et a considéré que le système néerlandais de financement du logement social constituait une aide existante, celui-ci ayant été créé avant l’entrée en vigueur du traité CE aux Pays-Bas et les réformes postérieures n’ayant pas entraîné de changement substantiel.

13      Au considérant 41 de la décision attaquée, la Commission a indiqué :

« […] les autorités néerlandaises se sont engagées à modifier le fonctionnement des wocos et les mesures leur conférant des avantages. S’agissant de différentes modifications, les autorités néerlandaises ont présenté des projets de dispositions à la Commission. Les nouvelles règles font l’objet d’un nouveau décret ministériel entré en vigueur le 1er janvier 2010 et d’une nouvelle loi sur le logement qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011 […] »

14      La Commission a examiné la compatibilité avec le marché commun de l’aide E 2/2005 relative au système de financement des wocos tel que modifié à la suite des engagements pris par les autorités néerlandaises. Elle a conclu, au considérant 72 de la décision attaquée, que « les aides versées au titre des activités de logement social, i.e. liées à la construction et à la mise en location d’habitations destinées à des particuliers, y compris la construction et l’entretien d’infrastructures auxiliaires, [… étaient] compatibles avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE ». En conséquence, la Commission a pris acte des engagements pris par les autorités néerlandaises.

15      La Commission a considéré que l’aide N 642/2009 était compatible avec le marché commun. Elle a estimé que « [l]es aides versées au titre des activités de construction et de mise en location de logements destinés à des particuliers, y compris de construction et d’entretien des infrastructures annexes, et de construction et de mise en location d’immeubles d’intérêt général [étaient] compatibles avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE » (considérant 108 de la décision attaquée). En conséquence, elle a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard de cette nouvelle aide.

16      La Commission a adopté, le 30 août 2010, la décision C (2010) 5841 final, relative à l’aide d’État E 2/2005, modifiant les considérants 22 à 24 de la décision attaquée (ci-après la « décision modificative »). Dans cette décision modificative, la Commission a considéré que, sur la base des éléments de preuve disponibles, elle ne pouvait pas conclure que la mesure d) visée dans la décision attaquée (voir point 6 ci-dessus), c’est-à-dire le droit d’emprunter auprès de la BNG, remplissait tous les critères d’une aide d’État.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2010, la requérante a introduit le présent recours.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 novembre 2010, la requérante a demandé à pouvoir adapter ses conclusions de façon à ce qu’elles visent également la décision modificative. La Commission a déposé ses observations sur cette demande dans le délai imparti. Le Tribunal a autorisé la requérante à adapter ses conclusions.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée telle que modifiée par la décision modificative, ainsi que la décision modificative ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable, ou, à tout le moins, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal, statuant dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, du même règlement, peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public.

22      En outre, aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

24      La requérante soulève trois moyens à l’appui de son recours. Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé les articles 18 et 19 du règlement n° 659/1999, l’article 106, paragraphe 2, TFUE, et les articles 107 TFUE et 108 TFUE et son obligation de motivation de la décision attaquée en ce qu’elle a pris acte des engagements pris par le Royaume des Pays-Bas alors que ceux-ci n’offraient pas une solution adéquate à l’application aux marchés locatifs commerciaux des règles relatives aux aides d’État. La requérante affirme que ce moyen concerne tant l’aide E 2/2005 que l’aide N 642/2009. Par son deuxième moyen, elle fait valoir que la Commission a violé l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999 et l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 (JO L 140, p. 1) et l’obligation de motivation de la décision attaquée en qualifiant l’aide E 2/2005 d’aide existante. Par son troisième moyen, elle soutient que la Commission a violé l’article 106, paragraphe 2, TFUE et les articles 107 TFUE et 108 TFUE en omettant d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la privant ainsi de ses droits procéduraux en ce qui concerne tant l’aide existante E 2/2005 que l’aide nouvelle N 642/2009.

25      La Commission, sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité, fait valoir que le recours est, en grande partie, irrecevable pour plusieurs motifs. Premièrement, la Commission soutient que la décision attaquée, en ce qu’elle vise l’aide E 2/2005, n’est pas un acte susceptible de recours. Deuxièmement, elle fait valoir que la requérante n’a pas d’intérêt à agir. Troisièmement, elle soutient que les deux premiers moyens, visant le bien-fondé de la décision attaquée, sont irrecevables, la requérante n’étant pas individuellement concernée, et que le troisième moyen, visant le respect des droits procéduraux, n’est recevable que pour la partie de la décision attaquée qui concerne l’aide nouvelle N 642/2009. Dans la duplique, la Commission ajoute que le recours contre la décision modificative est irrecevable, celle-ci ne constituant pas un acte attaquable. En tout état de cause, la requérante et ses membres ne posséderaient pas un intérêt individuel leur permettant de soulever des arguments portant sur le fond de la décision modificative.

26      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

27      Ainsi, selon cette disposition, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est destinataire et contre les décisions adressées à une autre personne qui la concernent directement et individuellement.

28      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a pour unique destinataire le Royaume des Pays-Bas.

29      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, point 33, et du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 30).

30      Il y a lieu de relever que, par ses premier et deuxième moyens, la requérante conteste le bien-fondé de la décision attaquée et, par son troisième moyen, elle invoque la violation de ses droits procéduraux.

31      S’agissant de la contestation du bien-fondé de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, dans le domaine des aides d’État, les sujets autres que les destinataires mettant en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide sont considérés comme individuellement concernés par ladite décision au cas où leur position sur le marché est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt Espagne/Lenzing, point 29 supra, point 31, et la jurisprudence citée).

32      En vertu d’une jurisprudence constante, une association chargée de défendre les intérêts collectifs d’entreprises n’est en principe recevable à introduire un recours en annulation contre une décision finale de la Commission en matière d’aides d’État que si les entreprises en question le sont également à titre individuel ou si elle peut faire valoir un intérêt propre à la poursuite de l’action, notamment parce que sa position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (voir arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec. p. II‑3207, point 23, et la jurisprudence citée).

33      À propos de la recevabilité d’un recours en annulation à l’encontre d’un régime général d’aides, la Cour a notamment jugé qu’une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs d’une catégorie de justiciables, qui visait à obtenir l’annulation de la décision attaquée sur le fond, pouvait être regardée comme étant individuellement concernée pour autant que la position sur le marché de ses membres était substantiellement affectée par le régime d’aides faisant l’objet de la décision attaquée (arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 29 supra, point 70, et arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 33).

34      Est recevable un recours introduit par une association agissant aux lieu et place d’un ou de plusieurs de ses membres qui auraient pu eux-mêmes introduire un recours recevable (arrêt British Aggregates/Commission, point 33 supra, point 39).

35      En l’espèce, la requérante ne fait pas valoir un intérêt propre en qualité de négociatrice, mais agit comme représentante de l’intérêt collectif de ses trente membres qui exercent des activités de bailleurs commerciaux et d’investisseurs. Il convient donc de vérifier si, en l’espèce, les membres de la requérante, ou du moins certains d’entre eux, peuvent être considérés comme individuellement concernés par la décision attaquée.

36      S’agissant de la détermination d’une « affectation substantielle de la position » de la requérante sur le marché concerné, la Cour a précisé que la seule circonstance qu’un acte tel que la décision litigieuse est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouvait dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait en tout état de cause suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme individuellement concernée par ledit acte (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 décembre 1969, Eridania e.a./Commission, 10/68 et 18/68, Rec. p. 459, point 7 ; Espagne/Lenzing, point 29 supra, point 32, et British Aggregates/Commission, point 33 supra, point 47).

37      Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts de la Cour du 23 mai 2000, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, C‑106/98 P, Rec. p. I‑3659, point 41 ; Espagne/Lenzing, point 29 supra, point 33, et British Aggregates/Commission, point 33 supra, point 48).

38      Afin de démontrer que la position concurrentielle de ses membres est substantiellement affectée par le régime d’aides existant visé dans la décision attaquée, la requérante fait valoir, premièrement, qu’elle a donné dans sa plainte plusieurs exemples dans lesquels les wocos développaient des immeubles commerciaux, de sorte que ses membres « rataient certaines opportunités commerciales ». Elle fait valoir, deuxièmement, que les wocos réclament des loyers 30 % moins élevés que le loyer maximal raisonnable en raison des aides d’État qu’ils reçoivent et, troisièmement, que le nombre de logements locatifs commerciaux aux Pays-Bas a diminué de plus de la moitié depuis l’année 2000.

39      À cet égard, il y a lieu de relever que ces affirmations ne sont pas étayées et ne constituent que des considérations concernant l’ensemble du marché locatif aux Pays-Bas. Elles ne sont pas de nature à établir la particularité de la position concurrentielle des membres de la requérante sur ce marché.

40      De plus, les arguments soulevés par la requérante ne font que montrer que les trente entreprises qui sont ses membres et qui représentent 132 500 logements locatifs aux Pays-Bas sont directement en concurrence avec les wocos, bénéficiaires des régimes d’aides visés dans la décision attaquée. Toutefois, la requérante indique elle-même que, outre ses membres, il existe d’autres bailleurs particuliers possédant environ 350 000 logements locatifs aux Pays-Bas et ne présente aucun élément de nature à distinguer la situation de ses membres par rapport à celle de ces autres bailleurs particuliers qui sont également concurrents des wocos.

41      Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi à suffisance de droit que la position concurrentielle d’un ou de plusieurs de ses membres serait substantiellement affectée par les mesures d’aides visées dans la décision attaquée.

42      Il résulte de ce qui précède que les premier et deuxième moyens en ce qu’ils visent le bien-fondé de la décision attaquée doivent être rejetés comme irrecevables.

43      Quant à l’affirmation de la requérante, soulevée à titre subsidiaire dans la réplique, selon laquelle, les premier et deuxième moyens sont recevables dans la mesure où ils servent à étayer le troisième moyen tiré de la violation des droits procéduraux, elle ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle ces moyens sont irrecevables en ce qu’ils visent le bien-fondé de la décision attaquée.

44      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 106, paragraphe 2, TFUE et les articles 107 TFUE et 108 TFUE en omettant d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la privant ainsi de ses droits procéduraux. Ce moyen concerne à la fois l’aide existante E 2/2005 et l’aide nouvelle N 642/2009.

45      Selon la jurisprudence, dans le domaine des aides d’État, les règles de procédure que le traité établit varient selon que les mesures constituent des aides existantes ou des aides nouvelles. Tandis que les premières sont soumises à l’article 108, paragraphes 1 et 2, TFUE, les secondes sont régies par les paragraphes 2 et 3 de la même disposition (arrêt de la Cour du 30 juin 1992, Italie/Commission, C‑47/91, Rec. p. I‑4145, point 22, et arrêt du Tribunal du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, Rec. p. II‑471, point 62).

46      S’agissant du grief tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen en ce qui concerne l’aide existante E 2/2005, il convient de rappeler que la procédure relative aux aides existantes est régie par l’article 19 du règlement n° 659/1999 qui prévoit ce qui suit :

« 1. Si l’État membre concerné accepte les mesures proposées et en informe la Commission, cette dernière en prend acte et en informe l’État membre. L’État membre est tenu, par cette acceptation, de mettre en œuvre les mesures utiles.

2. Si l’État membre concerné n’accepte pas les mesures proposées et que la Commission, après examen des arguments qu’il présente, continue de penser que ces mesures sont nécessaires, elle ouvre la procédure visée à l’article 4, paragraphe 4. Les articles 6, 7 et 9 s’appliquent mutatis mutandis. »

47      Ainsi, il en ressort que ce n’est que dans l’hypothèse où l’État membre refuse de prendre des engagements afin de modifier le régime d’aides existant en cause que la Commission ouvre la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE. En revanche, lorsque l’État membre accepte les mesures utiles proposées par la Commission et adopte des engagements, le règlement n° 659/1999 ne prévoit pas la possibilité pour la Commission d’ouvrir la procédure formelle.

48      Or, en l’espèce, s’agissant de l’aide existante E 2/2005, par lettre du 14 juillet 2005, au titre de l’article 17 du règlement n° 659/1999, la Commission a proposé au Royaume des Pays-Bas de modifier le système général d’aides en faveur des wocos. Le 3 décembre 2009, les autorités néerlandaises ont proposé à la Commission des engagements visant à modifier le système général d’aides en faveur des wocos. Dans la décision attaquée, la Commission a pris acte des engagements des autorités néerlandaises sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

49      Prenant en compte que le règlement n° 659/1999 ne prévoit pas la possibilité pour la Commission d’ouvrir la procédure formelle dans le cas où l’État membre adopte des engagements à la suite de la proposition de mesures utiles et que, en l’espèce, le Royaume des Pays-Bas a adopté de tels engagements concernant l’aide existante E 2/2005, force est de constater que le reproche fait à la Commission d’avoir adopté la décision attaquée sans ouvrir la procédure formelle d’examen est manifestement non fondé.

50      Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’il ressort également de la jurisprudence que, lorsque la décision litigieuse a été adoptée à l’issue d’une proposition de mesures utiles acceptée par l’État membre concerné, c’est-à-dire dans le cadre de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, à ce stade de la procédure d’examen permanent des aides existantes, la Commission n’avait pas à inviter la requérante à lui transmettre ses observations (arrêt TF1/Commission, point 45 supra, points 102 et 103).

51      Il en ressort que le troisième moyen en ce qu’il concerne l’aide existante E 2/2005 est manifestement non fondé.

52      S’agissant du grief tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen en ce qui concerne l’aide nouvelle N 642/2009, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure de l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire de l’article 108, paragraphe 3, pour prendre une décision favorable à une mesure étatique que si elle est à même d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette mesure soit ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le marché commun. En revanche, si ce premier examen conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou s’il ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêts de la Cour du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 33 ; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 39, et arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec. p. II‑81, point 329).

53      Conformément à la jurisprudence, la notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun. La partie requérante supporte la charge de la preuve de l’existence de difficultés sérieuses, preuve qu’elle peut rapporter à partir d’un faisceau d’indices concordants, relatifs, d’une part, aux circonstances et à la durée de la procédure d’examen préliminaire et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée (voir arrêt du Tribunal du 3 mars 2010, Bundesverband deutscher Banken/Commission, T‑36/06, Rec. p. II‑537, point 127, et la jurisprudence citée).

54      Or, il y a lieu de relever que, dans le cadre de son troisième moyen, la requérante n’avance aucun argument visant à démontrer l’existence de difficultés sérieuses rencontrées par la Commission pour apprécier la compatibilité de l’aide nouvelle N 642/2009 avec le marché commun. Elle se contente d’indiquer que l’appréciation de l’aide N 642/2009 a été soustraite à toute possibilité de discussion, la décision attaquée ayant été adoptée dans le mois suivant la notification. À cet égard, il suffit de relever que, au contraire, selon la jurisprudence, c’est l’écoulement d’un délai excédant notablement ce qu’implique un premier examen dans le cadre des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE qui peut, avec d’autres éléments, conduire à reconnaître que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses d’appréciation exigeant que soit ouverte la procédure prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt Bundesverband deutscher Banken/Commission, point 53 supra, point 132, et la jurisprudence citée).

55      Quant à l’argument de la requérante, dans la réplique, selon lequel la Commission ne pouvait ignorer les faits et circonstances sur lesquels elle avait attiré son attention dans sa plainte, il suffit de relever que la plainte de la requérante, antérieure à la notification de l’aide nouvelle, ne visait que le régime d’aides existant avant l’adoption des engagements par le gouvernement des Pays-Bas et ne saurait donc contenir des éléments de nature à démontrer l’existence de difficultés sérieuses rencontrées par la Commission pour apprécier la compatibilité de l’aide nouvelle avec le marché commun.

56      Enfin, il y a lieu de rappeler que la requérante a affirmé, à titre subsidiaire, dans la partie de la réplique relative à la recevabilité du recours, que les premier et deuxième moyens étaient recevables dans la mesure où ils servaient à étayer le troisième moyen tiré de la violation des droits procéduraux (voir point 43 ci-dessus). Or, si la requérante devait estimer, au stade de la réplique, que certains arguments figurant dans les premier et deuxième moyens relatifs au bien-fondé de la décision attaquée étaient en réalité des arguments visant à démontrer l’existence de difficultés sérieuses exigeant l’ouverture de la procédure formelle d’examen, il lui appartenait d’identifier ces arguments par un renvoi explicite dans le troisième moyen. En l’espèce, en l’absence de tout renvoi opéré par la requérante dans le cadre du troisième moyen, il n’appartient ni au Tribunal ni à la Commission de rechercher parmi les arguments de la requérante visant à mettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée des éléments susceptibles de fonder le moyen tiré de la violation des droits procéduraux. Si le Tribunal devait identifier de tels arguments, il pourrait être amené à statuer sur des arguments auxquels la Commission n’a pas été en mesure de répondre, en violation des droits de la défense de celle-ci.

57      Il en ressort que le troisième moyen en ce qu’il concerne l’aide nouvelle N 642/2009 est manifestement non fondé.

58      Enfin, s’agissant du grief tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen en ce qui concerne l’adoption de la décision modificative, il suffit de relever que la requérante ne présente, dans la réplique, aucun argument visant à démontrer l’existence de difficultés sérieuses exigeant l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Dès lors, ce grief doit être rejeté comme manifestement non fondé.

59      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

60      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

61      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider qu’elle supportera, outre ses propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vereniging van Institutionele Beleggers in Vastgoed, Nederland (IVBN) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 13 juillet 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : le néerlandais.