Language of document : ECLI:EU:T:2013:241

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

14 mai 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale CA’ MARINA – Marque communautaire verbale antérieure MARINA ALTA – Motif relatif de refus – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑393/11,

Masottina SpA, établie à Cornegliano (Italie), représentée par Me N. Schaeffer, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Bodegas Cooperativas de Alicante, Coop. V., établie à Petrel (Espagne),

ayant pour objet un recours en annulation formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 4 mai 2011 (affaire R 518/2010‑1), relative à une procédure d’opposition entre Bodegas Cooperativas de Alicante, Coop. V. et Masottina SpA,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 24 octobre 2011,

à la suite de l’audience du 20 février 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 octobre 2007, la requérante, Masottina SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CA’ MARINA. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcooliques, en particulier, vins, mousseux, spiritueux, liqueurs ».

3        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 10/2008, du 3 mars 2008.

4        Le 3 juin 2008, Bodegas Cooperativas de Alicante, Coop. V. a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 2 ci-dessus. Cette opposition était fondée notamment sur la marque communautaire verbale antérieure MARINA ALTA. Cette marque est enregistrée notamment pour des produits relevant de la classe 33, qui correspondent à la description suivante : « Boissons alcooliques à l’exception des bières ».

5        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

6        Le 12 février 2010, la division d’opposition a accueilli l’opposition fondée sur la marque reprise au point 4 ci-dessus au motif que les produits en cause étaient identiques et les signes comparés présentaient des similarités plus importantes que leurs dissimilitudes.

7        Le 6 avril 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

8        Par décision du 4 mai 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante. Elle a notamment considéré que les consommateurs qui étaient mis en présence de vins, entre autres boissons, vendus sous la marque MARINA ALTA et qui se verraient proposer des vins, entre autres boissons, sous le nom de CA’ MARINA croiraient très probablement que CA’ MARINA est une nouvelle ligne de vins créée par le titulaire de la marque antérieure ou qu’il doit y avoir un lien commercial entre les parties.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que la décision de la division d’opposition ayant précédé l’adoption de la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition et autoriser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner Bodegas Cooperativas de Alicante aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des annexes A 1 à A 6 de la requête

11      Dans son mémoire en réponse, l’OHMI a contesté la recevabilité des pièces jointes en annexes A 1 à A 5 à la requête au motif que ces pièces étaient produites pour la première fois devant le Tribunal. Ces pièces contenaient respectivement une liste des marques communautaires contenant le terme « marina », une liste des marques communautaires contenant le terme « marina » enregistrées pour des produits relevant de la classe 33, une liste de marques communautaires enregistrées contenant le terme « ca », un extrait du site Internet du magasin spécialisé Gall&Gall et des photographies dudit magasin spécialisé. Elles ont été invoquées par la requérante à l’appui de ses griefs à l’encontre de la décision attaquée. À la suite d’une question posée lors de l’audience par le Tribunal à la requérante, cette dernière a indiqué que ces pièces n’avaient pas été produites au cours de la procédure devant l’OHMI.

12      Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence y citée].

13      Dans son mémoire en réponse, l’OMHI a également estimé que la production pour la première fois devant le Tribunal d’un compte rendu de l’assemblée ordinaire du 25 novembre 2009 de Masottina conférant à M. A. B. la capacité de représentant légal de ladite société, joint en annexe A 6 à la requête, était irrecevable. Toutefois, à la suite d’une question du Tribunal, l’OHMI a déclaré ne plus contester la recevabilité de cette annexe. Étant donné que ladite annexe n’a pas été produite afin de contester la légalité de la décision attaquée, mais afin de préciser la représentation du demandeur de marque, elle doit être considérée comme recevable.

 Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

 Introduction

14      La requérante estime que la décision attaquée viole l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en ce que la chambre de recours a conclu à un risque de confusion entre les marques en cause.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

16      En outre, ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Conformément à cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence y citée].

 Sur les produits pertinents

17      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits en cause étaient identiques (voir point 13 de la décision attaquée).

18      La requérante estime qu’il n’existe aucune identité entre les produits. Elle invoque à cet égard le fait que le secteur du vin comprend plusieurs catégories et types de vins.

19      En réponse à cet argument de la requérante, le Tribunal observe que tant la marque demandée que la marque antérieure visent des boissons alcooliques parmi lesquelles figure notamment du vin, de sorte que les marques en cause doivent être considérées comme couvrant des produits identiques.

 Sur le public pertinent

20      Il ressort de la décision attaquée ainsi que des pièces du dossier que les produits visés par les marques en cause sont les boissons alcooliques et que la marque antérieure est une marque communautaire. La chambre de recours en a conclu que le public pertinent se composait des consommateurs moyens, raisonnablement attentifs et avisés, de boissons alcooliques, le vin inclus, dans l’ensemble de l’Union européenne (voir point 12 de la décision attaquée).

21      La requérante fait cependant grief à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération le caractère spécifique du secteur du vin impliquant l’existence d’un certain type de consommateurs extrêmement attentifs et capables de choisir par eux-mêmes, qu’il s’agisse de la catégorie de vin ou de son prix. Selon la requérante, l’acheteur du vin choisira le canal de distribution, le prix, le type de vin et la marque selon le type de produit qu’il souhaite acquérir.

22      À cet égard, le Tribunal rappelle que, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, qui est en principe normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Toutefois, il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence y citée].

23      Or, en l’espèce, au vu de la catégorie de produits en cause, le consommateur pertinent ne se limite pas au consommateur de vins, mais comprend également le consommateur d’autres boissons alcooliques telles que le mousseux, les spiritueux et les liqueurs. De plus, il n’appartient pas à la chambre de recours de prendre en compte un type spécifique de consommateurs au sein d’une catégorie plus large de produits, mais bien le consommateur moyen de ladite catégorie. Par conséquent, il n’appartenait pas à la chambre de recours de définir, en l’espèce, le public pertinent sur la base d’un certain type de consommateurs, extrêmement attentifs et capables de choisir eux-mêmes la catégorie de vins et son prix.

24      En outre, s’agissant des consommateurs de vins, il y a lieu d’observer que, comme cela a été constaté par une jurisprudence bien établie, les vins sont destinés au grand public de l’Union. En effet, les vins faisant normalement l’objet d’une distribution généralisée, allant du rayon alimentation des grands magasins aux restaurants et aux cafés, sont des produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen des produits de grande consommation. [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 mars 2012, Ella Valley Vineyards/OHMI – HFP (ELLA VALLEY VINEYARDS), T‑32/10, non encore publié au Recueil, point 25, et la jurisprudence y citée]. Ce consommateur, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, fera preuve d’un niveau d’attention raisonnable à l’égard des vins et des autres boissons alcooliques.

25      Partant, la circonstance que les marques en cause visent notamment du vin n’implique pas que le public pertinent doive se définir comme se composant de consommateurs extrêmement attentifs. Par conséquent, il y a lieu de confirmer le constat repris dans la décision attaquée selon lequel le public pertinent en l’espèce se compose des consommateurs moyens raisonnablement attentifs et avisés dans l’ensemble de l’Union.

 Sur la comparaison des signes en cause

–       Introduction

26      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence y citée).

27      En l’espèce, la chambre de recours a estimé en substance que les signes en cause avaient certaines similarités visuelle et phonétique en raison du terme « marina », qui est reproduit à l’identique dans les deux signes. En outre, ce terme sera, selon la chambre de recours, compris comme ayant trait à la mer, de sorte que le public pertinent percevra une similitude conceptuelle entre les signes (voir points 19 à 23 de la décision attaquée). La chambre de recours a, dès lors, estimé que, même si les deux signes doivent être considérés comme un tout, l’élément « marina » a un impact plus important dans chacun desdits signes car beaucoup de consommateurs de l’Union l’associeront au plaisir, alors que les éléments qui l’accompagnent sont soit bref et sans signification (CA’), soit un simple qualificatif (ALTA) (voir point 24 de la décision attaquée). La requérante conteste cette appréciation.

–       Sur la comparaison visuelle

28      La requérante estime que le terme « marina » est un terme générique, d’usage courant, apparaissant dans plus de 190 marques communautaires enregistrées, dont quatre couvrant des produits de la classe 33, de sorte qu’il ne peut constituer le « noyau distinctif » des marques en conflit. La requérante déduit du faible caractère distinctif dudit terme que les autres éléments des signes en cause permettent d’établir une distinction parfaite entre les signes en question. Elle reproche dès lors à la chambre de recours de ne pas avoir « déterminé » et analysé la marque antérieure, à tout le moins de manière suffisante.

29      À cet égard, le Tribunal observe que les signes en cause se composent chacun de deux termes, à savoir, d’une part, « ca’ » et « marina » et, d’autre part, « marina » et « alta ».

30      Compte tenu du fait que les signes en cause ont en commun le terme « marina », qui, ainsi que l’indique le défendeur, est le terme le plus long des termes le composant, la chambre de recours pouvait considérer sans commettre d’erreur que les signes en cause jouissaient d’un certain degré de similitude visuelle, qui retiendrait l’attention du public pertinent (voir point 19 de la décision attaquée). En outre, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les autres éléments des signes en cause qui les distinguent, à savoir « ca’ » et « alta », ne permettaient pas de réduire la similitude entre lesdits signes en raison du terme « marina ».

31      Les arguments de la requérante repris au point 28 ci-dessus ne remettent pas en cause l’appréciation qui précède. En effet, la chambre de recours n’a nullement limité sa comparaison des signes en cause à leur prétendu « noyau distinctif », constitué du terme « marina » dans chacun desdits signes. Elle a constaté à juste titre une similitude visuelle entre les signes en cause, en raison de la présence commune dans lesdits signes du terme « marina », et observé, sans commettre d’erreur, que la présence des autres éléments différenciant lesdits signes ne permettait pas de réduire cette similitude de manière significative.

32      Même s’il devait être admis que le terme « marina » est un terme d’usage courant apparaissant dans un grand nombre de marques communautaires enregistrées, ce que la requérante n’a pas démontré en l’espèce (voir point 12 ci-dessus), il ne s’ensuivrait pas que ce terme devienne négligeable dans la perception par le public pertinent desdites marques. Par conséquent, les termes « alta » et « ca’ » ne peuvent être considérés comme dominants de façon à restreindre l’appréciation de la similitude visuelle entre les signes en cause à ces deux seuls termes. En effet, ainsi qu’il a déjà été jugé, ce n’est que lorsque un élément d’une marque complexe est dominant au point de rendre tous les autres éléments négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir, en ce sens, arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 26 supra, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque cet élément est susceptible de dominer à lui seul l’image de la marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres éléments de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43). C’est dès lors à tort que la requérante considère que la marque demandée consiste « premièrement » dans le mot « ca’ ».

33      Contrairement à ce qu’avance la requérante, la chambre de recours n’a nullement considéré que l’apostrophe dans la marque demandée était négligeable. Elle a estimé à juste titre que l’argument de la requérante selon lequel ladite apostrophe serait visuellement frappante est peu convaincant (voir point 22 de la décision attaquée). En effet, étant donné la taille et le positionnement de ladite apostrophe, la chambre de recours pouvait rejeter l’argument selon lequel cette apostrophe serait visuellement frappante pour le public pertinent.

–       Sur la comparaison phonétique

34      La chambre de recours a considéré que les signes en question jouissaient d’une certaine similitude phonétique, qui attirerait l’attention du public pertinent en raison de la présence dans chacun des signes en cause du terme « marina », et que ce degré de similitude n’était pas affecté de manière significative par les autres éléments des signes en cause (voir point 19 de la décision attaquée).

35      La requérante estime que la prononciation des deux signes en cause est tout à fait différente et ne saurait entraîner un risque de confusion eu égard à la différence quant au nombre de syllabes entre les signes en cause et au fait que, dans chacun desdits signes, l’accent est mis sur le deuxième mot, à savoir « alta » pour la marque antérieure et « marina » pour la marque demandée. Il s’ensuit, selon la requérante, que le « rythme sonore » des deux signes en cause est totalement différent et que l’élément dominant dans la marque de l’opposante est sans le moindre doute le terme « alta ».

36      À cet égard, le Tribunal estime que, s’il est exact que les signes en cause ont un nombre de syllabes différent et que, dans un certain nombre de langues de l’Union, l’accent puisse être mis sur le dernier terme de chacun des signes en cause, ces différences ne permettent pas de remettre en question l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle il existe un certaine similitude phonétique entre les signes en cause en raison du terme « marina » existant dans chacun d’eux. Contrairement à ce qu’avance la requérante, les différences phonétiques qu’elle a identifiées ne permettent pas de faire du terme « alta » l’élément phonétiquement dominant de la marque antérieure au point que le consommateur ne perçoive pas le terme « marina ».

–       Sur la comparaison conceptuelle

37      En ce qui concerne la marque demandée, la chambre de recours a estimé que l’élément « ca’ » est pratiquement sans signification partout dans l’Union excepté dans la région de Venise (Italie), où il est l’équivalent en dialecte du terme « casa » signifiant maison ou palais. Pour cette raison, la chambre de recours a considéré que cet élément serait moins facilement retenu que le terme « marina », qui est un terme familier dans de nombreuses parties de l’Union et qui serait fortement associé à la mer, aux ports de plaisance ou aux plages par, à tout le moins, les consommateurs de l’Union parlant italien, espagnol, français, allemand ou anglais. La chambre de recours souligne que la notion de mer implique en général des suggestions plaisantes pour la majorité des consommateurs et qu’elle est distinctive par rapport aux vins (voir point 20 de la décision attaquée).

38      La requérante estime que le terme « ca’ » de la marque demandée est un terme archaïque, qui signifie en vénitien une maison située dans une ville sur le littoral de Venise ou parfois de Vénétie. Elle estime que, compte tenu de la renommée de la ville de Venise, le consommateur, de l’Union et dans le monde, comprendra immédiatement l’origine sémantique de « ca’ ». En effet, selon la requérante, ce terme est récurrent. Elle invoque à cet égard l’université de Ca’ Foscari, la Ca’ Rizzonico, siège de la Fondazione Musei Civici di Venezia, et les palais vénitiens Ca’ d’oro, Ca’ Dario, Ca’ Frasetti, Ca’ Cirvan et Ca’ del Duca. Enfin, elle invoque également l’usage important de ce terme dans les marques communautaires et renvoie à cet égard au contenu de l’annexe A 3 de la requête.

39      Le Tribunal estime que cette argumentation de la requérante doit être rejetée et l’appréciation de la chambre de recours confirmée. Il ne peut en effet être déduit de la renommée mondiale de Venise que le consommateur moyen de l’Union autre que consommateur ayant une connaissance du dialecte vénitien puisse comprendre la signification du mot « ca’ ». Le recours aux noms d’une université, d’un musée et de palais de Venise ne suffit pas à démontrer une telle compréhension par l’ensemble des consommateurs moyens de l’Union. Quant à l’argument tiré des marques invoquées par la requérante, il est irrecevable pour les motifs invoqués au point 12 ci-dessus.

40      Il s’ensuit que, à l’exception des consommateurs comprenant le vénitien, pour qui la marque demandée signifie la « maison marine », les autres consommateurs comprendront la marque demandée comme ayant trait à une « marina », terme qui se réfère, à tout le moins pour le public pertinent maîtrisant le français, l’anglais, l’italien, l’allemand ou l’espagnol, à la marine ou à un site aménagé en bordure de mer ou à un port de plaisance. Il associera donc ce terme à la mer, à la plage et aux ports de plaisance, comme l’a indiqué la chambre de recours.

41      En ce qui concerne la marque antérieure, la chambre de recours a estimé que l’élément « alta », qui accompagne l’élément « marina », sera compris, par exemple, par les consommateurs italiens et espagnols comme l’adjectif « alta » signifiant « haut ». Il s’agit donc, selon la chambre de recours, d’un qualificatif du nom « marina », qui n’affectera pas substantiellement le pouvoir évocateur fort que possède ce nom, et ce d’autant plus qu’il s’agit du deuxième élément, ce qui constitue, selon la chambre de recours, une raison supplémentaire justifiant que le terme « marina » laisse une impression plus forte de la marque antérieure (voir point 23 de la décision attaquée). De plus, la chambre de recours a indiqué que l’expression « haute marine » n’a pas beaucoup de sens. Elle a donc considéré qu’il était déraisonnable de présumer que les consommateurs espagnols attribueraient cette signification à la marque antérieure. Selon la chambre de recours, les consommateurs espagnols considéreront cette expression comme étant le nom commercial de l’opposante pour des vins (voir point 21 de la décision attaquée).

42      La requérante estime que la marque antérieure pourrait tout au plus être comprise par le consommateur moyen comme « haute marine ». Cela étant, la requérante ne conteste pourtant pas l’appréciation faite par la chambre de recours quant à la portée conceptuelle de la marque antérieure et reprise au point précédant.

43      Au vu des éléments de la présente affaire, le Tribunal estime que cette appréciation de la chambre de recours doit être confirmée pour les motifs repris dans la décision attaquée.

44      Enfin, s’agissant de la comparaison conceptuelle des signes en cause, la chambre de recours a estimé qu’il était improbable que la différence de sens entre les signes en cause, à savoir la « maison marine » et « haute marine », serait comprise par des consommateurs qui n’étaient pas familiarisés avec l’italien ou l’espagnol. En outre, elle a considéré que les consommateurs non espagnols se rendraient compte que les deux signes avaient trait à la mer. Elle a estimé que, dans cette perspective, les signes étaient conceptuellement similaires (voir point 21 de la décision attaquée).

45      La requérante estime que l’image qu’évoque la marque demandée d’un point de vue conceptuel est totalement différente de l’image évoquée par la marque antérieure.

46      Le Tribunal considère que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public pertinent percevrait dans les deux signes le terme « marina » comme ayant trait à la mer. Par conséquent, c’est également à juste titre que la chambre de recours a considéré que les signes en cause jouissaient d’une similitude conceptuelle. Les autres éléments des signes en question ne permettent pas de remettre en cause cette appréciation. En effet, pour une grande partie du public pertinent, les éléments « ca’ » et « alta » n’ont aucune signification de sorte qu’ils ne sont pas susceptibles d’affecter la perception de similitude conceptuelle forte entre les signes en cause en raison du terme commun « marina ». Quant à la petite partie du public pertinent pour laquelle les termes « ca’ » et « alta » ont une signification, elle associera les deux signes conceptuellement, dès lors que tous les deux se réfèrent à une « marina ». En effet, comme l’a indiqué la chambre de recours aux points 21 et 24 de la décision attaquée, puisque l’expression « haute marina » n’a pas réellement de sens, ledit public comprendra cette marque comme se référant à un type de « marina » et la marque demandée comme se référant à une maison de la « marina ». De même, comme l’observe à juste titre la chambre de recours (voir point 25 de la décision attaquée), il est probable que les deux signes en cause soient compris comme désignant deux différentes lignes ou variétés de produits issues d’une même entreprise ou de deux entreprises économiquement liées.

–       Conclusion

47      Au vu des appréciations qui précèdent, il y a lieu de considérer globalement que les signes en cause présentent un degré important de similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle, en raison de la présence dans chacun d’eux du terme « marina ». Bien que ce terme ne soit pas dominant au point de rendre les autres éléments des signes en cause négligeables, la similitude entre lesdits signes en raison de ce terme prévaut sur les différences entre eux dues aux éléments « ca’ » et « alta ».

48      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a estimé qu’il ressort de l’appréciation globale des signes en cause que l’impression la plus forte est laissée par l’élément commun auxdits signes, à savoir le terme « marina », qui, pour une grande partie du public pertinent, sera associé aux plaisirs que procure la mer, alors que l’élément « ca’ » est bref et sans signification pour la majorité des consommateurs, et que l’élément « alta » n’est qu’un qualificatif du terme « marina ».

 Sur le risque de confusion

49      S’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, le Tribunal rappelle qu’une telle appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

50      Compte tenu de l’identité des produits en cause et de l’importante similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, pour à tout le moins une partie du public pertinent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause. En effet, le consommateur mis en présence de vins vendus sous la marque antérieure pourra croire que des vins offerts sous la marque demandée proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées (voir point 25 de la décision attaquée).

51      Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours, le terme « marina » n’aurait pas de caractère distinctif, parce qu’il s’agirait d’un terme d’usage courant, apparaissant dans un grand nombre de marques communautaires dont des marques enregistrées pour des produits de la classe 33.

52      En effet, le fait qu’une marque ait été enregistrée implique que ladite marque jouit d’un minimum de caractère distinctif intrinsèque, puisque l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 exclut l’enregistrement d’une marque qui est dépourvue de caractère distinctif. Ainsi, l’enregistrement de la marque antérieure implique que celle-ci jouit d’un minimum de caractère distinctif. La contestation de ce minimum de caractère distinctif de la marque antérieure ne fait toutefois pas l’objet de la présente affaire, qui a uniquement trait à une opposition. En effet, ainsi qu’il ressort des articles 41 et 42 du règlement n° 207/2009, il n’y a pas lieu d’examiner les motifs absolus de refus visés à l’article 7 du même règlement dans le cadre d’une procédure d’opposition. Les motifs sur lesquels une opposition peut être fondée, tels qu’énoncés à l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, sont uniquement les motifs relatifs de refus, visés à l’article 8 dudit règlement. Or, c’est sur l’opposition ainsi circonscrite que l’OHMI est appelé à statuer en vertu de l’article 42, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2012, Caixa Geral de Depósitos/OHMI – Caixa d’Estalvis i Pensions de Barcelona (la Caixa), T‑255/09, non publié au Recueil, point 86, et la jurisprudence y citée]. Si la requérante considérait que la marque communautaire antérieure avait été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du règlement n° 207/2009, elle aurait dû présenter une demande en nullité en vertu de l’article 52 de ce règlement [voir arrêt du Tribunal du 13 avril 2011, Bodegas y Viñedos Puerta de Labastida/OHMI – Unión de Cosecheros de Labastida (PUERTA DE LABASTIDA), T‑345/09, non publié au Recueil, point 65].

53      En outre, il convient de rappeler que, ainsi qu’exposé au point 12 ci-dessus, toutes les preuves apportées par la requérante à l’appui de son allégation selon laquelle le terme « marina » serait dépourvu de caractère distinctif sont irrecevables. Par ailleurs, ce terme n’est nullement descriptif des produits en cause de sorte qu’il jouit d’un certain caractère distinctif par rapport aux produits en cause.

54      La requérante conteste également l’appréciation de la chambre de recours au motif que les produits en cause sont différents. Elle allègue à cet égard que la marque demandée a trait à des produits de haute qualité, vendus à un prix d’environ 13 euros, de sorte que le consommateur se tournera vers un canal de distribution spécialisé dans lequel les produits sont sélectionnés et où le consommateur trouvera une assistance auprès d’experts. La requérante considère que, en l’absence de conseil pour la sélection, le consommateur est attentif et accorde sa confiance aux produits qu’il a déjà goûtés et connaît et qu’il serait ainsi en mesure de comparer la « marque spéciale » avec une « marque générale » de vin, conformément à la garantie de qualité du produit.

55      Au vu de cet argument, il convient de rappeler que les consommateurs concernés des produits alcooliques en cause feront preuve d’une attention raisonnable (voir point 24 ci-dessus).

56      En outre, le fait que les vins commercialisés par la requérante sous la marque demandée soient, le cas échéant, des vins de qualité vendus à des prix relativement élevés n’est pas pertinent, dès lors que l’enregistrement a été demandé non seulement pour des vins, indépendamment de leur qualité mais également pour des mousseux, des spiritueux et des liqueurs [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié au Recueil, point 46].

57      Par ailleurs, il a déjà été jugé que les modalités de commercialisation particulières des produits désignés par les marques pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques [arrêts de la Cour du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, non publié au Recueil, point 59, et du Tribunal du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, Rec. p. II‑2217, point 63]. Ainsi, est sans pertinence dans ce contexte l’utilisation qu’entend faire la requérante de la marque demandée. En effet, dans le cadre de la procédure d’opposition, l’OHMI peut seulement prendre en compte la liste de produits demandés telle qu’elle découle de la demande de marque concernée, sous réserve des modifications éventuelles de cette dernière [arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Gillette/OHMI – Wilkinson Sword (RIGHT GUARD XTREME sport), T‑286/03, non publié au Recueil, point 33 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, Rec. p. II‑757, point 89].

58      Ainsi, la circonstance que la requérante veuille utiliser la marque demandée uniquement pour des boissons alcooliques de haute qualité d’un certain prix et veuille éventuellement distribuer ses produits par un canal de distribution précis est sans pertinence pour l’appréciation du risque de confusion. En outre, le fait que lesdits produits soient de qualités différentes ou soient distribués par des voies distinctes n’exclut pas l’existence d’un risque de confusion, dès lors que lesdits produits peuvent être perçus comme désignant des lignes de produits provenant d’un même producteur.

59      Au vu de ce qui précède, c’est à tort que la requérante prétend que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 a été violé au motif que la marque antérieure n’a pas été suffisamment analysée, qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les signes en conflit, qu’il n’y a pas d’identité entre les produits et qu’il n’a pas été tenu compte des canaux de distribution et du public visé.

60      Partant, le Tribunal estime que, pour les motifs qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours de la requérante dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des demandes de la requérante d’annuler la décision de la division d’opposition et d’autoriser l’enregistrement communautaire de la marque demandée.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Masottina SpA est condamnée aux dépens.

Azizi

Kancheva

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 2013.

Signatures



* Langue de procédure : l’anglais.