Language of document : ECLI:EU:T:2020:630

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

16 décembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale BIKOR EGYPTIAN EARTH – Motif absolu de refus – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001]»

Dans l’affaire T‑438/18,

Pareto Trading Co., Inc., établie à Carlstadt, New Jersey (États-Unis), représentée par Mes I. Sempere Massa, C. Martínez-Tercero Molina et V. Balaguer Fuentes, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Gája, H. O’Neill, V. Ruzek et S. Hanne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Elżbieta Korbut Bikor, demeurant à Gdańsk (Pologne),

et

Bikor Professional Color Cosmetics Małgorzata Wedekind, établie à Gdańsk,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 24 avril 2018 (affaire R 1826/2015‑1), relative à une procédure de nullité entre Pareto Trading, d’une part, et Mme Bikor et Bikor Professional Color Cosmetics Małgorzata Wedekind, d’autre part,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. B. Berke (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 2018,

vu la décision du 9 avril 2019 de suspendre la procédure,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 3 décembre 2019 et les réponses de l’EUIPO et de la requérante déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 11 et le 13 décembre 2019,

à la suite de l’audience du 17 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 novembre 2010, Elżbieta Korbut Bikor et Bikor Professional Color Cosmetics Małgorzata Wedekind ont présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        Le 22 août 2012, la marque de l’Union européenne verbale BIKOR EGYPTIAN EARTH, qui est contestée en l’espèce, a été enregistrée.

3        Les produits et les services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée relèvent des classes 3 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits cosmétiques pour traitement de beauté et correction non à usage médical ; produits cosmétiques de soin du corps ; produits de bronzage, autres que huiles de bronzage ; huiles à usage cosmétique ; huiles et produits de bronzage ; non à usage médical ; toniques à usage cosmétique ; produits pour le rasage ; produits anti-transpiration, non à usage médical ; produits dépilatoires, non à usage médical ; laits de toilette ; conditionneurs cosmétiques non à usage médical ; mousses (cosmétiques) ; laques pour les ongles ; dentifrices ; déodorants liquides, solides et gazeux à usage personnel ; produits nettoyants cosmétiques et produits démaquillants pour maquillage de théâtre ; encens cosmétiques pour salons de beauté et à usage ménager ; crayons cosmétiques, autres que crayons pour les sourcils et les cils, non à usage médical ; crayons pour les sourcils et les cils ; crayons spéciaux pour maquillage de théâtre ; ombres à paupières ; blush (fards) ; ambre en poudre et solutions solvantes à base d’ambre naturel à usage cosmétique ; huiles et essences essentielles pour produits cosmétiques ; non à usage médical ; additifs calmants et anti-allergiques pour produits dépilatoires, non à usage médical ; détergents pour cosmétiques, non à usage médical ni de blanchisserie ; solvants et extraits lyophilisés de fleurs et racines pour cosmétiques ; dessiccations ; décoctions et infusions d’herbes ; racines et fleurs, à savoir ingrédients cosmétiques ; aluns, non à usage médical ; transferts cosmétiques autres que pour tatouages secs ; adhésifs pour fixation de cils et sourcils, non à usage médical ; vaseline (gelée de pétrole) à usage cosmétique ; crèmes et pommades non médicinales à usage cosmétique ; fonds de teint cosmétiques liquides et bases de maquillage solides à appliquer et à frotter ; poudres sous forme de pâtes et solides ; poudres cosmétiques à vaporiser et essuyer ; poudres de type “pierre humide” à frotter ; décolorants à usage dermatologique, non médical ; usage ; rouges à lèvres ; baumes pour les lèvres ; brillants à lèvres (gloss) ; pommades cosmétiques de théâtre ; emplâtres à usage cosmétique ; cils postiches ; talc pour la toilette ; mascara ; teintures pour les lèvres ; préparations de graisse spécialement conçues à usage cosmétique ; sprays pour rafraîchir l’haleine ; cires cosmétiques pour moustaches et sourcils ; trousses à cosmétiques non à usage médical destinées à certains groupes, tels que personnes souffrant d’allergies, personnes ayant une peau particulièrement sensible, diabétiques, bébés, élèves en âge préscolaire, écoliers, personnes âgées présentant des changements dermatologiques liés à l’âge » ;

–        classe 41 : « Organisation, préparation et tenue d’expositions et représentations en tous genres de cosmétiques, concours de maquillage, concours de beauté dans différentes catégories, symposiums cosmétiques, conventions de spécialistes dans le secteur cosmétique ; cours de formation interne professionnelle et cours à distance de cosméticiens et dermatologues professionnels ; organisation et tenue de conférences de spécialistes dans le secteur cosmétique, du remodelage et de la dermatologie ; organisation de démonstrations éducatives en cosmétique ; enregistrement de séquences audio et vidéo pour présentation de nouveaux produits et techniques cosmétiques ; préparation de programmes pour tous les types d’évènements précités ; publication de textes (autres que textes publicitaires éducatifs) relatifs aux techniques cosmétiques ».

4        Le 23 décembre 2013, la requérante, Pareto Trading Co., Inc., a introduit auprès de l’EUIPO une demande en nullité de la marque contestée, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et sous e), ii), du règlement n207/2009 [devenus article 59, paragraphe 1, sous b), et article 7, paragraphe 1, sous b) et sous e), ii), du règlement 2017/1001] au motif que l’enregistrement de ladite marque avait été demandé de mauvaise foi, car cette marque comprend la marque EGYPTIAN EARTH qu’elle a enregistrée aux États-Unis et au Canada et utilisée comme marque non enregistrée en Europe.

5        Par décision du 17 juillet 2015, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité de la marque contestée en considérant que les titulaires de ladite marque avaient agi de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

6        Le 14 septembre 2015, les titulaires de la marque contestée ont formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision du 24 avril 2018 (affaire R 1826/2015‑1, ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’annulation.

8        En substance, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas prouvé que les titulaires de la marque contestée étaient de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        confirmer la demande d’annulation déposée par la requérante contre l’enregistrement de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux relatifs à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 30 novembre 2010, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40 et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

12      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par la requérante dans l’argumentation soulevée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 52, paragraphe 1, sous b), d’une teneur identique, du règlement n° 207/2009.

13      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

14      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en concluant que les titulaires de la marque contestée n’ont pas agi de mauvaise foi lorsqu’ils ont sollicité l’enregistrement de la marque contestée.

15      Premièrement, la requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’elle ne disposait d’aucun droit sur la marque EGYPTIAN EARTH. En outre, la marque contestée aurait pu être demandée de mauvaise foi même si elle était considérée comme descriptive.

16      Deuxièmement, la requérante soutient que la chambre de recours est parvenue à une conclusion erronée en refusant de reconnaître la mauvaise foi des titulaires de la marque contestée, car elle avait prouvé qu’ils connaissaient ou devaient connaître sa marque et qu’ils entendaient la contraindre à ne pas l’utiliser au motif d’une violation de leur marque.

17      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

18      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que le régime d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne repose sur le principe du « premier déposant », inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001). En vertu de ce principe, un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle, qu’il s’agisse d’une marque de l’Union européenne, d’une marque enregistrée dans un État membre ou par l’Office Benelux de la propriété intellectuelle (OBPI), d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ou encore d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union européenne. En revanche, sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001), la seule utilisation par un tiers d’une marque non enregistrée ne fait pas obstacle à ce qu’une marque identique ou similaire soit enregistrée en tant que marque de l’Union européenne, pour des produits ou des services identiques ou similaires [voir arrêt du 9 juillet 2015, CMT/OHMI – Camomilla (CAMOMILLA), T‑100/13, non publié, EU:T:2015:481, point 30 et jurisprudence citée]. Le même constat vaut, en principe, en ce qui concerne l’utilisation par un tiers d’une marque enregistrée en dehors de l’Union [arrêt du 28 janvier 2016, Davó Lledó/OHMI – Administradora y Franquicias América et Inversiones Ged (DoggiS), T‑335/14, EU:T:2016:39, point 43].

19      Toutefois, l’application de ce principe est nuancée, notamment par l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en vertu duquel la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. Il convient de rappeler qu’il incombe au demandeur en nullité, qui entend se fonder sur ce motif, d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière, et que la bonne foi est présumée jusqu’à preuve du contraire [voir arrêt du 8 mars 2017, Biernacka-Hoba/EUIPO – Formata Bogusław Hoba (Formata), T‑23/16, non publié, EU:T:2017:149, point 45 et jurisprudence citée].

20      En vertu de la jurisprudence, aux fins d’appréciation de la mauvaise foi du demandeur au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne et, notamment, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe, ainsi que le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53).

21      Cela étant, il ressort de la formulation retenue par la Cour dans l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361), que les facteurs énumérés ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte à l’effet de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne au moment du dépôt de la demande de marque. À cet égard, il y a lieu de considérer que, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de l’origine du signe et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne, ainsi que de la chronologie des évènements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt [voir arrêts du 26 février 2015, Pangyrus/OHMI – RSVP Design (COLOURBLIND), T‑257/11, non publié, EU:T:2015:115, point 68 et jurisprudence citée, et du 9 juillet 2015, CAMOMILLA, T‑100/13, non publié, EU:T:2015:481, points 35 et 36 et jurisprudence citée].

22      En outre, aux fins d’apprécier l’existence de la mauvaise foi, il convient également de prendre en considération l’intention du demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce (voir arrêt du 8 mars 2017, Formata, T‑23/16, non publié, EU:T:2017:149, point 44 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 19 à 26 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’existence de droits de marque enregistrés ou non enregistrés sur les termes « egyptian earth » dans l’Union. Ces termes seraient descriptifs de cosmétiques et il n’existerait aucune preuve d’un caractère distinctif acquis par l’usage qui démontrerait que les consommateurs les reconnaissent comme une marque distinctive de telle sorte qu’ils ne bénéficieraient pas d’une protection en tant que marque distinctive dans l’Union. Ladite chambre a également considéré que lesdits termes étaient le nom d’un produit cosmétique, à savoir d’une poudre bronzante, et qu’ils étaient, par conséquent, descriptifs des produits et des services en cause, qui étaient tous liés aux cosmétiques et pouvaient, partant, inclure de la poudre bronzante.

24      Par ailleurs, la chambre de recours a estimé, au point 27 de la décision attaquée, que la requérante ne pouvait déduire la mauvaise foi des titulaires de la marque contestée lors du dépôt de la demande de marque de l’inclusion de l’expression « egyptian earth » dans ladite marque, étant donné que cette expression est descriptive et que cette marque est également composée d’un terme distinctif, à savoir « bikor ».

25      Tout d’abord, la requérante affirme que la chambre de recours a commis une erreur en constatant qu’elle ne disposait d’aucun droit sur la marque EGYPTIAN EARTH et en méconnaissant les preuves qu’elle avait présentées à cette fin ainsi que pour l’utilisation de cette marque la première tant dans le monde que dans l’Union. En outre, elle prétend que ladite chambre a commis une erreur en écartant les enregistrements et l’usage de ladite marque dans d’autres pays en dehors de l’Union en tant qu’indications de sa bonne foi et de la renommée dont jouirait cette marque.

26      Ensuite, la requérante fait valoir que la marque EGYPTIAN EARTH n’est pas descriptive pour les cosmétiques, mais une marque suggestive et distinctive dans son secteur commercial. La chambre de recours se serait fondée de manière erronée sur l’ordonnance du 1er mars 2017, Ikos/EUIPO (AEGYPTISCHE ERDE) (T‑76/16, non publiée, EU:T:2017:140), pour conclure que ladite marque était descriptive, car les produits et les services pour lesquels cette marque aurait été enregistrée ne seraient pas les mêmes que dans la présente affaire. En outre, l’appréciation du risque de confusion serait inutile en l’espèce.

27      Enfin, la requérante souligne que, en vertu de l’arrêt du 31 mai 2018, Flatworld Solutions/EUIPO – Outsource Professional Services (Outsource 2 India) (T‑340/16, non publié, EU:T:2018:314, point 47), quand bien même la marque contestée serait considérée comme étant descriptive, il n’en demeure pas moins que son enregistrement a pu être demandé de mauvaise foi. La chambre de recours aurait donc exclu de manière erronée l’absence de mauvaise foi des titulaires de ladite marque en raison du « caractère descriptif présumé » d’une partie de cette marque.

28      En vertu de la jurisprudence, l’éventuel caractère descriptif d’un élément verbal qui compose une marque n’empêche pas de décider que le titulaire de cette marque a agi de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2019, Outsource Professional Services/EUIPO, C‑528/18 P, non publié, EU:C:2019:961, point 69).

29      Ainsi, indépendamment de la question de l’éventuel caractère descriptif des termes « egyptian earth » de la marque contestée, ou de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de ces termes, la mauvaise foi éventuelle des titulaires de ladite marque lors du dépôt de la demande de marque doit être examinée à l’aide des critères retenus par la jurisprudence citée aux points 20 et 21 ci-dessus.

30      Il convient donc d’apprécier les motifs avancés par la chambre de recours à cet égard sans qu’il soit besoin de se prononcer, en l’espèce, sur les arguments de la requérante concernant le degré de protection juridique dont jouit la marque EGYPTIAN EARTH étant donné la jurisprudence de la Cour rappelée au point 28 ci-dessus.

31      Au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas prouvé que les titulaires de la marque contestée étaient de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

32      En ce qui concerne, en premier lieu, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, il ressort des éléments du dossier que la requérante avait confié la distribution de ses produits en Europe à un intermédiaire, et l’avait autorisé à utiliser le signe EGYPTIAN EARTH à certaines conditions, et que ledit intermédiaire a également entretenu une relation d’affaires avec les titulaires de la marque contestée, puisque ces derniers étaient les clients de cet intermédiaire.

33      La requérante en déduit que les titulaires de la marque contestée devaient savoir qu’elle utilisait, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec la marque contestée.

34      Toutefois, ainsi que l’a considéré, en substance, la chambre de recours, les éléments avancés par la requérante ne démontrent pas à suffisance de droit la connaissance, par les titulaires de la marque contestée, de l’utilisation de la marque EGYPTIAN EARTH.

35      En effet, la mauvaise foi des titulaires de la marque contestée ne saurait être présumée du seul fait de leur relation d’affaires avec un intermédiaire qui connaissait l’existence de la marque EGYPTIAN EARTH.

36      Au demeurant, il est constant que les titulaires de la marque contestée n’entretenaient pas de relations avec la requérante.

37      De même, l’envoi après l’enregistrement de la marque contestée, à un client européen de la requérante, par les titulaires de ladite marque, d’une lettre lui enjoignant de cesser d’utiliser la marque EGYPTIAN EARTH, n’est pas de nature à démontrer leur mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque, ainsi que l’a considéré, en substance, la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2012, Peeters Landbouwmachines/OHMI – Fors MW (BIGAB), T‑33/11, EU:T:2012:77, point 33].

38      Eu égard à ce qui précède, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas de conclure que, lors du dépôt de la demande de marque, les titulaires de la marque contestée savaient ou auraient dû savoir que la requérante utilisait la marque EGYPTIAN EARTH pour la commercialisation de produits similaires à ceux visés par la marque contestée.

39      S’agissant, en deuxième lieu, de l’intention des titulaires de la marque contestée, la requérante reste en défaut de démontrer que les titulaires de la marque contestée avaient pour seule intention de l’empêcher d’utiliser sa marque et n’entendaient pas faire usage de la marque contestée.

40      En effet, ainsi que la chambre de recours l’a constaté au point 30 de la décision attaquée, le fait que les titulaires de la marque contestée sont également titulaires d’autres marques reprenant les mêmes termes dans des versions linguistiques différentes tend à démontrer que l’enregistrement de ladite marque n’est pas artificiel et dénué de logique commerciale.

41      La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur en considérant que l’enregistrement de la marque contestée poursuivait un objectif légitime.

42      En troisième lieu, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, en substance, au point 29 de la décision attaquée, la marque contestée se distingue de la marque EGYPTIAN EARTH en raison de l’ajout du terme distinctif « bikor ».

43      Un tel élément tend à confirmer l’absence de mauvaise foi des titulaires de la marque contestée lors du dépôt de la demande de marque.

44      Les éléments présentés par la requérante ne sont donc pas de nature à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle celle-ci n’avait pas prouvé que les titulaires de la marque contestée étaient de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

45      Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la requérante n’avait pas prouvé que les titulaires de la marque contestée étaient de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

46      Il convient donc de rejeter le moyen unique et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

48      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pareto Trading Co., Inc. est condamnée aux dépens.

Costeira

Berke

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.