Language of document : ECLI:EU:T:2020:490

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

15 octobre 2020 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Rémunération – Décision refusant le droit à l’indemnité de dépaysement, à l’indemnité journalière, à l’indemnité d’installation et le remboursement des frais de déménagement et de voyage à l’occasion de l’entrée en fonctions – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Statut diplomatique – Période quinquennale de référence – Notion de résidence habituelle »

Dans l’affaire T‑249/19,

Marina Karpeta-Kovalyova, demeurant à Woluwe-Saint-Pierre (Belgique), représentée par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 14 juin 2018 refusant à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, de l’indemnité journalière, de l’indemnité d’installation et le remboursement des frais de voyage à l’entrée en fonctions ainsi que des frais de déménagement,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et Mme T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Marina Karpeta-Kovalyova, a la nationalité ukrainienne depuis sa naissance et a acquis la nationalité grecque par le mariage.

2        En août 2009, la requérante a déménagé de l’Ukraine à Bruxelles (Belgique) avec sa famille, à la suite de la nomination de son conjoint à la délégation permanente de la République hellénique auprès de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). En août 2016, à la fin du mandat de son conjoint, la requérante a déménagé à Athènes (Grèce), mais est retournée à Bruxelles afin de travailler en tant qu’intérimaire entre novembre 2016 et février 2017 puis entre avril 2017 et juin 2017.

3        À la suite d’une procédure de recrutement, la requérante a reçu de la Commission européenne une proposition d’emploi datée du 7 juillet 2017 pour un poste d’agent contractuel au sein de la direction générale (DG) du voisinage et des négociations d’élargissement pour la période du 1er août 2017 au 31 juillet 2018.

4        Le 1er août 2017, la requérante est entrée en fonctions comme agent contractuel de la Commission pour la DG « Voisinage et négociations d’élargissement ». Dans le formulaire « Entrée en fonctions – détermination des droits individuels en vertu du statut des fonctionnaires » daté du 8 août 2017, la requérante a fait état des résidences et activités suivantes:

–        du 1er août 2007 au 20 août 2009, économiste à Marioupol (Ukraine) ;

–        du 1er septembre 2009 au 20 août 2016, sans emploi à Bruxelles ;

–        du 1er septembre 2016 au 1er novembre 2016, sans emploi à Athènes ;

–        du 7 novembre 2016 au 3 février 2017, intérimaire à Bruxelles, pour la Commission au sein de la DG « Voisinage et négociations d’élargissement » ;

–        du 18 avril 2017 au 30 juin 2017, intérimaire à Bruxelles, pour le Conseil de résolution unique (CRU).

5        Le 23 mars 2018, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission l’a informée que, sur la base des documents qu’elle avait présentés, il était confirmé qu’elle ne satisfaisait pas aux conditions ouvrant droit à l’indemnité de dépaysement, à l’indemnité journalière et à l’indemnité d’installation, ainsi qu’au remboursement des frais de voyage à l’occasion de l’entrée en fonctions, à compter du 1er août 2017, car certains documents et informations faisaient défaut. Afin que son dossier soit réexaminé, la requérante a été invitée à fournir les informations et les documents décrits dans la note qui lui a été adressée.

6        Par note datée du 14 juin 2018 (ci-après la « décision attaquée »), le PMO a informé la requérante que, après analyse de son dossier et des documents qu’elle avait transmis, son lieu d’origine et de recrutement avait été fixé à Bruxelles et qu’elle n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement, à l’indemnité journalière, à l’indemnité d’installation, ni au remboursement des frais de voyage à l’occasion de l’entrée en fonctions et des frais de déménagement. Elle a été informée qu’elle pouvait faire modifier le lieu d’origine en introduisant une demande et en présentant des preuves documentaires pertinentes dans un délai d’un an à partir de son entrée en fonction.

7        Le 12 septembre 2018, la requérante a introduit une réclamation contre la décision du PMO.

8        Cette réclamation a été rejetée par une décision de l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement de la Commission (ci-après l’« AHCC »), le 10 janvier 2019. L’AHCC a identifié la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), comme étant celle allant du 1er février 2012 au 1er février 2017 (ci-après la « période de référence »). Selon l’AHCC, la requérante n’avait pas produit de documents démontrant à suffisance que sa résidence habituelle, pendant cette période de référence, n’était pas à Bruxelles, considérant que sa famille y habitait pendant presque toute la période de référence et que les absences sporadiques n’affectent pas la résidence habituelle. En outre, l’information fournie par la requérante n’indiquait pas que le centre de ses intérêts était à Athènes, mais que, en revanche, le centre de ses intérêts se trouvait à Bruxelles et qu’elle n’avait pas changé de résidence à l’occasion de son entrée en fonctions.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 12 avril 2019, la requérante a introduit le présent recours.

10      La Commission a déposé le mémoire en défense le 4 juillet 2019.

11      Le 3 septembre 2019, la requérante a déposé la réplique.

12      Le 16 octobre 2019, la Commission a déposé la duplique.

13      Le 15 mai 2020, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Les parties ont répondu à ces questions par lettres déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 15 et le 16 juin 2020.

14      Aucune partie n’ayant demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a, au titre de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, décidé de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et la décision du 10 janvier 2019 portant rejet de sa réclamation contre la décision attaquée, afin que la Commission réévalue son statut et lui accorde l’indemnité de dépaysement, l’indemnité journalière, l’indemnité d’installation et le remboursement des frais de voyage à l’entrée en fonctions ainsi que des frais de déménagement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      À titre liminaire, nonobstant la référence dans la requête à l’article 263 TFUE, il convient de considérer que le présent recours a été introduit sur le fondement de l’article 270 TFUE et de le requalifier en ce sens.

 Sur la recevabilité

 Sur l’objet du recours

18      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 72 et jurisprudence citée).

19      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, il y a lieu de constater que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci, même si, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 22 et jurisprudence citée).

20      Par conséquent, c’est bien la légalité de la décision attaquée  qui sera examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.

 Sur la recevabilité des conclusions en tant qu’elles concernent l’indemnité journalière, l’indemnité d’installation ainsi que le remboursement des frais de voyage à l’entrée en fonctions et des frais de déménagement

21      En ce qui concerne les avantages autres que l’indemnité de dépaysement, à savoir l’indemnité journalière, l’indemnité d’installation ainsi que le remboursement des frais de voyage à l’entrée en fonctions et des frais de déménagement, la Commission fait valoir que la requérante n’aurait pas présenté d’arguments spécifiques concernant ces avantages, ce qui ne respecterait pas l’exigence établie à l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

22      Dans la réplique, la requérante fait valoir, en ce qui concerne l’indemnité d’installation et l’indemnité journalière, que le terme « résidence », utilisé dans le contexte des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, devrait être compris comme désignant le centre des intérêts du fonctionnaire ou de l’agent. Par conséquent, en prouvant que le centre de ses intérêts se trouvait non à Bruxelles, mais à Athènes, la requérante remplirait l’unique condition à laquelle était subordonné l’octroi de ces indemnités, à savoir le fait d’avoir changé de lieu de résidence.

23      La requérante relève de la même manière, en ce qui concerne le remboursement des frais de voyage et de déménagement visés aux articles 7 et 9 l’annexe VII du statut, que, étant donné que les frais de voyages sont remboursés depuis le lieu de recrutement, lequel s’entendrait comme l’endroit où le fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de son recrutement, en soutenant que sa résidence habituelle se trouvait à Athènes, elle établirait son droit au remboursement de ces frais.

24      Selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête visée à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne contient l’objet du litige, les moyens ainsi que les arguments invoqués.

25      Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle, le cas échéant, sans autre information à l’appui. En outre, il est nécessaire que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Corporación Empresarial de Materiales de Construcción/Commission, T‑250/12, EU:T:2015:749, point 101 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, la requérante a présenté un chef de conclusions, exposé au point 15 ci-dessus, tendant à l’annulation de la décision attaquée afin que la Commission réévalue son statut et lui accorde l’indemnité de dépaysement, l’indemnité journalière, l’indemnité d’installation et le remboursement des frais de voyage à l’entrée en fonctions ainsi que des frais de déménagement. En outre, pour soutenir ce chef de conclusions, elle a présenté, dans la requête, des faits et des arguments qui peuvent être considérés comme étant suffisamment clairs et précis pour évaluer ce chef de conclusions sur les motifs présentés par la requérante. Il convient de noter que la Commission, même si elle a conclu à l’irrecevabilité à cet égard, a en tout état de cause répondu de manière détaillée à la requête en ce qui concerne les autres avantages, notamment l’indemnité journalière, l’indemnité d’installation et le remboursement des frais de déménagement.

27      Il en résulte que le recours est recevable en ce qui concerne l’indemnité journalière, l’indemnité d’installation ainsi que le remboursement des frais de voyage à l’entrée en fonctions et des frais de déménagement.

 Sur la recevabilité des annexes de la réplique

28      Dans la duplique, la Commission soutient que les trois documents présentés par la requérante en annexe à la réplique devraient être considérés comme irrecevables, étant donné que la requérante aurait pu présenter ces documents à un stade antérieur de la procédure et, au plus tard, dans le cadre de la requête. Par conséquent, ils n’auraient pas été produits dans le respect de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure.

29      Invitée par le Tribunal à présenter ses observations à cet égard, la requérante relève qu’elle a fourni ces documents comme réponse aux doutes de la Commission, présentés dans le mémoire en défense, en ce qui concerne son logement à Bruxelles pour la période débutant en novembre 2016.

30      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que « les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires ».

31      L’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que « les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

32      Deux de ces documents constituent des déclarations sur l’honneur selon lesquelles la requérante a été hébergée par son amie à son domicile situé à Woluwe-Saint-Lambert (Belgique) pour la période de 1er novembre 2016 au 1er juin 2017. Les déclarations sur l’honneur sont datées du 3 septembre 2019, date du dépôt de la réplique. Le troisième document est un nouveau certificat de résidence historique délivré, le 17 juin 2019, par la commune de Woluwe-Saint-Pierre (Belgique).

33      Il convient de constater que la Commission a déjà demandé à la requérante, à deux reprises durant la procédure précontentieuse, de fournir un contrat de bail à Bruxelles (le 23 novembre 2017 et le 23 mars 2018), ainsi que l’attestation de sa radiation de la commune en août 2016 (dans son courriel du 23 novembre 2017). Il faut également constater que, selon la Commission, la requérante avait déjà produit un certificat de résidence historique, daté du 6 juin 2018, dans sa réclamation, et que la Commission a produit ce certificat de résidence en annexe au mémoire en défense.

34      La requérante a ainsi eu la possibilité de fournir des preuves sur sa résidence à Bruxelles non seulement dans la requête, mais également lors de la procédure administrative. La Commission lui avait d’ailleurs explicitement demandé de le faire.

35      À la lumière de ce qui précède, les trois documents présentés par la requérante en annexe à la réplique doivent être regardés comme étant des documents qui auraient pu être produits dans le cadre du premier échange de mémoires et, par conséquent, ces annexes doivent être considérées comme irrecevables.

 Sur le fond

36      À l’appui de son recours, la requérante avance deux moyens tirés, le premier, d’une violation de la réglementation applicable et d’une qualification erronée des faits ayant donné lieu à la décision attaquée et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de la réglementation applicable et de la qualification erronée des faits ayant donné lieu à la décision attaquée

–       Sur l’indemnité de dépaysement

37      La requérante fait valoir que l’interprétation faite par la Commission de l’article 4, paragraphe 1, sous a) de l’annexe VII du statut serait incorrecte. En outre, la Commission aurait qualifié erronément des faits ayant donné lieu à la définition de la résidence habituelle. Elle relève qu’elle n’aurait pas habité de façon habituelle à Bruxelles pendant la totalité de la période de référence et que, par conséquent, elle répondrait aux critères d’éligibilité relatifs au bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévus à l’article 4 de l’annexe VII du statut.

38      La requérante fait valoir que, entre le 22 août 2009 et le 30 août 2016, elle avait le statut diplomatique, dont la conséquence juridique n’aurait pas été prise en considération dans la décision attaquée.

39      Elle soutient que la seconde phrase de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret de l’annexe VII du statut, selon laquelle « les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération » devrait lui être appliquée directement. Selon la requérante, aucun membre de la famille ne pouvait être considéré comme résidant de manière habituelle au lieu d’affectation au cours de la mission diplomatique de son conjoint, notamment parce qu’aucun de ceux-ci n’y avait exercé d’activité professionnelle. En revanche, tous les membres de sa famille auraient eu le centre de leurs intérêts en Grèce et ils auraient dû être considérés comme résidents permanents en Grèce.

40      En outre, la requérante soutient que cette disposition pourrait lui être appliquée par analogie. Elle se serait vu accorder le statut diplomatique en vertu de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1961, et aurait joui des mêmes immunités et privilèges que son conjoint. Elle fait valoir que ce statut créerait, par lui‑même, un obstacle qui empêche que l’intéressée puisse nouer un lien de rattachement durable avec l’État d’affectation.

41      La requérante note que l’appréciation individuelle de sa situation n’empêcherait pas de prendre en compte le fait que son conjoint est un agent diplomatique. En procédant autrement, la Commission ne déterminerait pas de manière adéquate le lieu de résidence habituelle de la requérante et violerait le droit au respect de sa vie privée et familiale, consacré à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

42      Invitée par le Tribunal à présenter ses observations sur les conséquences éventuelles à tirer de l’arrêt du 28 novembre 2019, Wywiał-Prząda/Commission (T‑592/18, EU:T:2019:820), la requérante fait valoir que sa situation différerait de celle de la requérante dans l’affaire susmentionnée, notamment par le fait qu’elle n’avait pas travaillé pendant la mission de son mari à Bruxelles et qu’elle avait déménagé en Grèce directement après la fin de son statut diplomatique. Par conséquent, à l’inverse de la partie requérante dans ladite affaire susmentionnée, elle n’aurait pas établi sa résidence habituelle à Bruxelles.

43      La requérante continue en relevant que, après la fin du mandat de son conjoint à Bruxelles à la fin du mois d’août 2016, toute la famille aurait déménagé en Grèce, où ce dernier avait été assigné par le ministère des Affaires étrangères grec. La requérante fait valoir qu’elle serait rentrée en Grèce sans aucune certitude qu’ils puissent tous revenir à Bruxelles par la suite.

44      La requérante relève que la période du 1er septembre 2016 au 1er février 2017, durant laquelle elle n’avait pas d’activité stable, mais a seulement travaillé au titre de contrats de travail intérimaire, ne pourrait en aucun cas permettre de qualifier son séjour à Bruxelles d’habituel. Elle soutient que ses contrats de travail intérimaire devraient être assimilés à un stage pratique professionnel, qui ne peut pas contribuer à une résidence habituelle. Elle note qu’elle aurait décidé d’accepter ces contrats de court terme pour aider sa famille pendant la crise économique en Grèce et pour enrichir son curriculum vitæ.

45      La nature provisoire de son séjour à Bruxelles serait également attestée par le fait qu’elle n’a pas loué d’appartement, mais a été hébergée par des amis. En outre, le certificat de résidence délivré par l’État grec conforterait la nature provisoire de son séjour à Bruxelles. Ce certificat serait particulièrement probant, notamment parce qu’il n’est délivré qu’après vérification par l’administration du lieu de la résidence effective. À cet égard, la requérante explique que, afin de pouvoir travailler en tant qu’intérimaire, elle aurait dû s’inscrire auprès d’une commune en Belgique et obtenir son numéro de registre national belge.

46      Enfin, la requérante fait valoir que, après le dernier contrat de travail intérimaire en juillet 2017, elle aurait décidé de retourner définitivement en Grèce pour rejoindre sa famille, alors même qu’elle venait de recevoir une proposition d’engagement auprès de la DG « Voisinage et négociations d’élargissement », comprenant un contrat allant du 1er août 2017 au 31 juillet 2018. Toutefois, compte tenu du fait que son conjoint a été prié par le ministère des Affaires étrangères grec de retourner à Bruxelles, auprès de l’ambassade de Grèce, elle aurait décidé d'accepter le contrat qui lui avait été proposé. Elle se serait inscrite à nouveau auprès de sa commune en Belgique et [confidentiel](1).

47      La Commission, pour sa part, relève que, premièrement, la requérante ne pourrait invoquer son statut diplomatique pour éviter l’établissement d’une résidence habituelle à Bruxelles et la création de liens étroits avec la Belgique. La dérogation visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, seconde phrase de l’annexe VII du statut ne bénéficierait qu’aux personnes ayant été au service d’un autre État ou d’une organisation internationale avant leur entrée en fonctions.

48      Deuxièmement, la Commission estime que la résidence habituelle de la requérante se trouvait à Bruxelles même après le mandat diplomatique de son conjoint. Elle considère que la requérante aurait quitté la Belgique pendant une brève période de deux mois uniquement (septembre et octobre 2016), une absence sporadique et de brève durée qui ne saurait être considérée comme étant suffisante pour faire perdre à la résidence de la requérante à Bruxelles son caractère habituel, et que, ensuite, elle y est revenue pour louer un appartement et travailler à Bruxelles. La Commission estime que le contrat d’intérim serait un contrat de travail exécuté à Bruxelles, où la requérante travaillait à temps plein, fournissait un soutien administratif à la Commission et était rémunérée et qu’il ne saurait donc être assimilé à un stage.

49      La Commission fait valoir que, même si la requérante fait appel au certificat de résidence historique de l’État grec, le certificat de résidence de la Belgique indique qu’elle vivait à Bruxelles depuis le 1er novembre 2016, à une adresse utilisée dans un contrat d’intérimaire en juin 2017 ainsi que dans la proposition d’engagement envoyée en juillet 2017.

50      À titre liminaire, il convient de rappeler, que selon une jurisprudence constante, l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 69 du statut et dont les modalités d’octroi sont précisées à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du même statut, rendu applicable aux agents contractuels par les articles 20 et 92 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, a pour objet de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès de l’Union européenne pour les fonctionnaires qui sont, de ce fait, obligés de transférer leur résidence de l’État de leur domicile à l’État d’affectation et de s’intégrer dans un nouveau milieu. La notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir de son degré d’intégration dans le nouveau milieu résultant, par exemple, de sa résidence habituelle ou de l’exercice d’une activité professionnelle principale (arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2008, Adam/Commission, C‑211/06 P, EU:C:2008:34, point 38 et jurisprudence citée).

51      La notion de résidence habituelle est interprétée de manière constante par la jurisprudence comme étant le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. En outre, la notion de résidence implique, indépendamment de la donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et du déroulement de rapports sociaux normaux (voir arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 48 et jurisprudence citée).

52      Il a également été noté, dans la jurisprudence, que l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut comporte deux parties. La première définit les deux conditions cumulatives que le fonctionnaire doit, en principe, remplir pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement : n’avoir jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et ne pas avoir, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État ; la deuxième partie prévoit, par exception à ce principe, que les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération. Les périodes correspondant à ces services sont ainsi neutralisées (arrêt du 28 novembre 2019, Wywiał-Prząda/Commission, T‑592/18, EU:T:2019:820, point 22).

53      Par ailleurs, l’indemnité de dépaysement est uniquement refusée au fonctionnaire ou à l’agent concerné au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut si c’est durant la totalité de la période de référence qu’il a eu sa résidence habituelle ou a exercé son activité professionnelle principale dans le pays du lieu de son affectation (voir arrêt du 28 novembre 2019, Wywiał-Prząda/Commission, T‑592/18, EU:T:2019:820, point 23 et jurisprudence citée).

54      Enfin, selon une jurisprudence bien établie, il appartient au fonctionnaire concerné de démontrer que les conditions visées à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut sont remplies (voir arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 51 et jurisprudence citée). En outre, les dispositions du droit de l’Union qui donnent droit à des prestations financières, telles que celles en cause en l’espèce, doivent être interprétées strictement (arrêts du 8 mars 1990, Schwedler/Parlement, T‑41/89, EU:T:1990:19, point 23, et du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 36).

55      En l’espèce, des conditions rappelées au point 52, celle de la nationalité n’est pas contestée. En revanche, la requérante fait valoir qu’elle avait sa résidence habituelle en Grèce pendant toute la période de référence.

56      Elle relève que la période allant d’août 2009 à août 2016 ne peut pas être prise en compte dans la période pertinente pour apprécier si elle avait résidé de manière habituelle à Bruxelles, en raison de son statut diplomatique.

57      À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que le dépaysement d’une personne, ouvrant le droit à une indemnité de dépaysement, est indépendant du statut diplomatique dont elle bénéficie en vertu du droit international. Il en va a fortiori ainsi lorsque, comme la requérante en l’espèce, cette personne bénéficie de ce statut sans être membre du personnel d’une organisation internationale ou de la représentation d’un État autre que l’État d’affectation (arrêt du 28 novembre 2019, Wywiał-Prząda/Commission, T‑592/18, EU:T:2019:820, point 47).

58      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’intégration fonctionnelle au sein de la représentation permanente constitue un élément déterminant pour considérer qu’une recrue a effectué des services pour un autre État dans le sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, seconde phrase, de l’annexe VII du statut (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, Wywiał-Prząda/Commission, T‑592/18, EU:T:2019:820, point 31 et jurisprudence citée).

59      En outre, et comme cela a été relevé par la Commission, la Cour a jugé que la disposition de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, seconde phrase, de l’annexe VII du statut ne visait que les situations résultant de services effectués par le fonctionnaire lui-même qui entrait en fonctions et qu’elle ne saurait être étendue à une autre personne (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 246/83, EU:C:1985:165, point 14).

60      De plus, et comme la Commission l’a correctement soutenu, le fait même que l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, seconde phrase, de l’annexe VII du statut ne s’applique pas à un tiers qui ne fournit pas lesdits services exclut qu’il puisse être appliqué par analogie, comme le soutient la requérante, au conjoint de la personne qui accomplit les services pour un autre État ou une organisation internationale.

61      Même si, dans la jurisprudence citée à cet égard par la requérante (arrêt du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier, C‑424/05 P, EU:C:2007:367, point 43), la Cour a évoqué les privilèges, les immunités et le statut particulier dont bénéficiait l’intéressée, c’est d’une série d’éléments que la Cour a déduit le lien de rattachement spécifique avec un autre État faisant obstacle à son intégration dans le pays d’affectation. Elle a considéré que le statut particulier de l’intéressée ne saurait être compris comme découlant des seuls privilèges et immunités dont elle avait bénéficié. Au contraire, la Cour a davantage mis l’accent sur le fait que celle-ci avait accompli des services pour la République d’Autriche au sein de sa représentation permanente (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, Wywiał-Prząda/Commission, T‑592/18, EU:T:2019:820, point 30).

62      En l’espèce, la requérante a bénéficié du statut diplomatique sans être membre du personnel d’une organisation internationale ou de la représentation d’un État autre que l’État d’affectation. Par conséquent, il ne saurait être admis que la requérante se trouvait dans une situation « résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. En outre, cette conclusion ne saurait être affectée par le fait qu’elle a travaillé ou non pendant cette période.

63      Par ailleurs, à la lumière de ce qui précède, la requérante et son mari ne se trouvaient pas dans la même situation juridique et factuelle et il ne saurait être conclu que l’appréciation individuelle de la situation de la requérante, dans le cadre d’un octroi éventuel d’un bénéfice salarial, violerait le droit au respect de sa vie privée et familiale, consacré à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux.

64      Dès lors qu’il a été constaté que la dérogation dans la seconde phrase de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut ne s’appliquait pas à la requérante, il y a lieu d’apprécier désormais si celle-ci a réussi à démontrer qu’elle n’avait pas eu sa résidence habituelle ou exercé son activité professionnelle à Bruxelles, au sens de la première phrase de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, durant la période de référence.

65      La requérante fait valoir que sa résidence habituelle se trouvait à Athènes pendant toute la période de référence. Toutefois, durant la période allant jusqu’à août 2016, elle a justifié cette conclusion par son statut diplomatique et le travail de son conjoint sans donner d’autres éléments qui soutiendraient son degré d’intégration en Grèce plutôt qu’à Bruxelles pendant cette période.

66      Quant au fait qu’elle n’a pas travaillé pendant cette période, il ne saurait être perdu de vue qu’une activité professionnelle est un critère certes objectif cité par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut pour appréhender la situation des fonctionnaires et des agents nouvellement recrutés (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Pozza/Parlement, T‑216/18, non publié, EU:T:2019:118, point 25), mais que celui-ci ne vaut qu’à titre d’exemple (voir, en ce sens, arrêts du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier, C‑424/05 P, EU:C:2007:367, point 35, et du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 44).

67      En ce qui concerne la période allant de septembre 2016 à février 2017, la requérante relève que, après la fin du mandat de son conjoint, à la fin du mois d’août 2016, elle est rentrée en Grèce. Son travail à Bruxelles, d’une brève durée de trois mois, en tant qu’intérimaire, n’aurait eu aucune influence sur sa résidence habituelle en Grèce.

68      À cet égard, l’AHCC de la Commission a, dans la décision attaquée, considéré que la requérante avait conservé, pendant la période de référence, sa résidence habituelle à Bruxelles et que, contrairement à ce que celle-ci indiquait, sa brève absence de deux mois pendant lesquels elle avait séjourné en Grèce n’avait eu aucune incidence.

69      Sur ce point, il est incontesté que, après la mission diplomatique de son conjoint à Bruxelles, la famille de la requérante a déménagé en Grèce et que, environ deux mois plus tard, la requérante est retournée à Bruxelles pour y travailler comme intérimaire de novembre 2016 à février 2017 et d’avril 2017 à juin 2017.

70      À cet égard, il est certes de jurisprudence constante qu’une absence du pays d’affectation, sporadique et de brève durée, ne saurait être considérée comme suffisante pour faire perdre à la résidence d’un fonctionnaire dans l’État d’affectation son caractère habituel (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 1984, Witte/Parlement, 188/83, EU:C:1984:309, point 11, et du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, EU:T:1993:78, point 29). En outre, la conservation du caractère habituel de la résidence au lieu d’affectation a été reconnue, y compris pour des absences de plusieurs mois du pays d’affectation (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Salvador García/Commission, T‑205/02, EU:T:2005:368, point 76 et jurisprudence citée).

71      Toutefois, le Tribunal a également considéré que des absences relativement courtes du pays d’affectation peuvent constituer, lorsqu’elles sont combinées à d’autres éléments, un indice que le fonctionnaire n’a pas maintenu sa résidence habituelle dans le lieu d’affectation pendant la totalité de la période de référence (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Koistinen/Commission, T‑259/04, EU:T:2006:279, points 41 à 43).

72      Il convient de noter que les documents fournis par la requérante à cet égard confortent le fait qu’elle a déménagé avec sa famille en Grèce, où son conjoint, salarié constant de la famille, avait été affecté par son employeur et où il était propriétaire d’une maison.

73      Cependant, il n’est pas clairement démontré que la requérante avait l’intention d’établir en Grèce sa résidence habituelle. Son intention de rester en Grèce est contestée par la Commission, qui a souligné qu’elle avait fait le choix de revenir à Bruxelles, lieu où elle avait déjà habité pendant les sept années précédentes, pour y travailler après une absence d’environ deux mois seulement, bien que sa famille soit restée en Grèce.

74      La requérante a expliqué qu’elle était retournée à Bruxelles pour aider sa famille pendant la crise économique et pour enrichir son curriculum vitæ. Elle relève qu’elle avait l’intention de rejoindre sa famille après la fin des contrats.

75      Cet argument conforte son allégation concernant sa volonté de résider en Grèce de manière habituelle. Toutefois, cela ne peut, en tant que tel, démontrer de manière suffisante son intention de s’installer en Grèce et d’y maintenir le centre de ses intérêts, étant donné qu’elle a fait le choix personnel de retourner à Bruxelles après seulement deux mois.

76      En ce qui concerne l’activité professionnelle de la requérante, elle n’a pas indiqué avoir travaillé ou cherché du travail dans un autre lieu qu’à Bruxelles pendant la période de référence.

77      Pourtant, la requérante relève que les contrats de travail intérimaire devraient être assimilés à un stage pratique professionnel et ne peuvent permettre de conclure qu’elle a établi sa résidence permanente à Bruxelles.

78      À cet égard, le Tribunal a constaté que, même si, en principe, le fait de séjourner dans un pays afin notamment de compléter ses études universitaires et de réaliser des stages pratiques professionnels, tous deux par définition temporaires et parties complémentaires de la formation d’un individu, ne présume pas la volonté de ce dernier de déplacer le centre de ses intérêts dans ce pays (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2007, Asturias Cuerno/Commission, T‑473/04, EU:T:2007:184, point 74 et jurisprudence citée), il n’est cependant pas exclu qu’un tel séjour constitue une résidence habituelle dans ce pays, si, pris en considération avec d’autres faits pertinents, il démontre l’existence de liens sociaux et professionnels durables de la personne concernée avec le pays en question (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2000, Lemaître/Commission, T‑317/99, EU:T:2000:218, point 51, et du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, EU:T:2001:129, points 55 et 56).

79      En l’espèce, comme l’indique la Commission, bien que de courte durée, les périodes de travail de la requérante à Bruxelles n’ont pas été effectuées dans le cadre de stages pratiques ou ayant comme objectif de compléter ses études universitaires. Même si ses deux contrats en tant qu’intérimaire ont été de durée déterminée, seulement de quelques mois, il s’agissait d’un travail pour lequel elle a perçu une rémunération en contrepartie de prestations professionnelles ne relevant pas d’un stage pratique.

80      En ce qui concerne son logement à Bruxelles pendant cette période, il y a lieu de rappeler que la requérante a expliqué que, pendant la période du travail intérimaire, elle avait été hébergée chez des amis et n’avait pas loué un appartement à Bruxelles, ce qui pourrait attester la nature provisoire de son séjour dans cette ville.

81      Toutefois, la Commission a constaté que ce n’est que dans la requête que la requérante a indiqué qu’elle avait été hébergée chez des amis, même si la Commission lui avait demandé à deux reprises de fournir son contrat de location à Bruxelles.

82      À cet égard, dans sa réclamation, la requérante a mentionné avoir déménagé à Bruxelles en novembre 2016. Le certificat de résidence daté du 6 juin 2018 indiquait que la requérante était inscrite à une adresse à Woluwe-Saint-Lambert depuis le 22 août 2008, puis à une autre adresse, dans la même commune, depuis le 1er novembre 2016. Le certificat n’indique pas que la requérante aurait été radiée du registre entre ces deux périodes.

83      Alors que c’est à la requérante qu’il appartient de prouver que les conditions visées à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut sont remplies, il y a lieu de constater qu’elle n’a pas démontré qu’elle n’a pas disposé d’une habitation stable à Bruxelles pendant cette période. Même si elle n’a pas loué d’appartement, elle aurait pu indiquer et fournir des preuves de son hébergement lors de la procédure administrative pendant laquelle la Commission lui a demandé de produire les documents additionnels justifiant sa situation de logement.

84      En ce qui concerne le certificat de résidence et l’attestation fiscale, délivrés par l’État grec, il convient de noter que, selon la jurisprudence, l’inscription au registre d’une localité est un élément purement formel qui ne permet pas d’établir la résidence effective de l’intéressé dans ladite localité (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, EU:T:2001:129, point 62).

85      À cet égard, la requérante a relevé que cette jurisprudence ne s’appliquerait pas à elle, car les autorités grecques vérifieraient la résidence effective. Il suffit de constater que, en effet, le certificat précise que le conjoint, la requérante [confidentiel] habitent à Athènes depuis 2 ans, ainsi qu’il ressort de l’attestation fiscale, des charges d’électricité et d’eau. Toutefois, et ainsi que le soutient la Commission, il est établi que la requérante a été physiquement présente à Bruxelles entre novembre 2016 et juin 2017. En outre, l’attestation fiscale et les paiements d’électricité et d’eau sont liés au travail du conjoint de la requérante comme agent diplomatique et à sa propriété immobilière à Athènes, qu’il a acquis dès 1999.

86      À la lumière de ce qui précède, étant donné que c’est à la requérante de démontrer que les conditions visées à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII sont remplies, il y a lieu de constater que celle-ci n’a pas démontré que sa résidence habituelle ne se trouvait pas à Bruxelles pendant la période de référence.

87      Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a considéré que la requérante n’avait pas établi qu’elle avait, pendant la période de référence, sa résidence habituelle en dehors de l’État d’affectation, la Belgique. Par conséquent, la requérante n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement, de sorte que c’est à bon droit que, dans la décision attaquée, l’AHCC lui a refusé le bénéfice de cette prestation.

–       Sur l’indemnité d’installation, l’indemnité journalière ainsi que le remboursement des frais de déménagement et de voyage à l’entrée en fonctions

88      La requérante fait valoir que la Commission aurait confondu l’indemnité de dépaysement avec l’indemnité d’installation et le remboursement des frais de voyage au sens de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 7 de l’annexe VII du statut. Selon la requérante, ces articles font référence au lieu de résidence ou au lieu où le fonctionnaire a été recruté, qui seraient considérés tous deux comme étant identiques.

89      Dans la réplique, la requérante estime que, en ce qui concerne l’indemnité d’installation et l’indemnité journalière, le terme « résidence », utilisé dans le contexte des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, devrait être compris comme désignant le centre des intérêts du fonctionnaire ou de l’agent. La requérante relève, en outre, que le fait d’avoir eu sa résidence temporaire à Bruxelles, notamment pour des raisons professionnelles, ne s’opposerait pas à l’octroi de l’indemnité d’installation ni à celui de l’indemnité journalière. La requérante soutient qu’elle aurait résidé en Grèce en juillet 2017 et qu’elle aurait été embauchée en août 2017. Elle ajoute que, même s’il est constaté qu’elle aurait résidé à Bruxelles au moment où elle a été embauchée, cette circonstance ne saurait la priver du droit aux indemnités susmentionnées, compte tenu de l’objectif que poursuivent ces indemnités.

90      En ce qui concerne les frais de voyage à l’entrée en fonctions depuis le lieu de recrutement jusqu’au lieu d’affectation, la requérante relève, dans la réplique, qu’ils auraient pour objectif de faire supporter par l’Union, en tant qu’employeur, les frais de voyage occasionnés au fonctionnaire pour rejoindre son futur lieu d’affectation. Étant donné que le lieu de recrutement s’entendrait comme l’endroit où le fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de son recrutement, et que la requérante avait sa résidence habituelle à Athènes et non à Bruxelles, celle‑ci aurait droit au remboursement des frais de voyage et de déménagement.

91      La Commission, pour sa part, relève que le terme « résidence » au sens des articles 5, 9 et 10 de l’annexe VII du statut correspond au centre des intérêts de la personne concernée, qui renvoie au lieu où cette personne a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts.

92      La Commission estime que la requérante n’a pas déplacé son lieu de résidence à l’occasion de son entrée en fonctions. La Commission rappelle qu’elle a considéré que la requérante résidait à Bruxelles pendant la période précédant son recrutement. En déménageant à Bruxelles pour sa mission d’intérimaire et en acceptant, immédiatement après, le poste d’agent contractuel au sein de la DG « Voisinage et négociations d’élargissement », la requérante a maintenu le centre de ses intérêts à Bruxelles. Le fait que la requérante ait vécu un certain temps à Athènes avant de commencer ses fonctions n’altérerait en rien ce fait. Par ailleurs, elle aurait déjà vécu auparavant à Bruxelles, à savoir depuis le mois de septembre 2009.

93      La Commission soutient que la requérante a reçu la proposition d’engagement de la DG « Voisinage et négociations d’élargissement » avant de quitter Bruxelles pour la Grèce en juillet 2017. Par conséquent, elle savait déjà qu’elle reviendrait à Bruxelles pour son nouvel emploi au sein de cette DG. On ne saurait conclure que, en passant l’été à Athènes, la requérante avait l’intention de mettre un terme à sa résidence à Bruxelles. En outre, la Commission relève que la requérante n’a pas indiqué qu’elle était retournée régulièrement en Grèce.

94      À titre liminaire, il convient de rappeler que les articles 5, 7, 9 et 10 de l’annexe VII du statut sont rendus applicables aux agents contractuels par les articles 22 à 25 et 92 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne.

95      Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut qu’a droit respectivement à l’indemnité d’installation et à l’indemnité journalière le fonctionnaire ou l’agent qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut, notamment celle de résider sur le lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions.

96      Il est de jurisprudence constante que le terme « résidence » employé dans les dispositions prévoyant les conditions d’octroi des indemnités prévues par les articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut doit être compris comme désignant le centre des intérêts du fonctionnaire ou l’agent concerné (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1996, Lozano Palacios/Commission, T‑33/95, EU:T:1996:196, point 47 ; du 12 décembre 1996, Monteiro Da Silva/Commission, T‑74/95, EU:T:1996:197, point 47, et du 9 juillet 2019, XF/Commission, T‑482/18, non publié, EU:T:2019:487, point 23).

97      Il a été en particulier jugé que ce terme vise le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts et qu’il implique en outre, indépendamment de la donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et de déroulement de rapports sociaux normaux concerné (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2019, XF/Commission, T‑482/18, non publié, EU:T:2019:487, point 24 et jurisprudence citée).

98      Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut prévoit le remboursement des frais de voyage du lieu de recrutement au lieu d’affectation à l’occasion de l’entrée en fonctions. L’article 2, paragraphe 2, de la décision de la Commission du 16 décembre 2013 portant dispositions générales d’exécution de l’article 7, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut, relatif à la fixation du lieu d’origine, identifie le lieu de recrutement du fonctionnaire à sa résidence habituelle lors du recrutement.

99      En ce qui concerne les frais de déménagement prévus à l’article 9 de l’annexe VII du statut, il ressort du libellé de cette disposition que le remboursement de ceux-ci vise les fonctionnaires qui se trouvent obligés de déplacer leur résidence pour se conformer aux dispositions de l'article 20 du statut.

100    En l’espèce, après la période de référence, la requérante a travaillé à Bruxelles jusqu’au 3 février 2017, et à nouveau du 18 avril au 30 juin 2017. Entre ces périodes de travail, elle n’a pas démontré avoir résidé ou voyagé en Grèce et, en revanche, son séjour effectif à Bruxelles est conforté par [confidentiel]. En outre, il convient de rappeler que la requérante n’a pas, pendant la phase administrative, répondu aux invitations du PMO de fournir des preuves relatives à son logement à Bruxelles pendant cette période. Or, d’une part, il appartenait à la requérante de présenter les documents nécessaires au moment où elle sollicitait le bénéfice des prestations litigieuses. D’autre part et en tout état de cause, la légalité d’un acte de l’Union, tel que la décision attaquée, doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont l’institution pouvait disposer au moment où elle l’a arrêté, de sorte que nul ne saurait ainsi se prévaloir devant le juge de l’Union d’éléments de fait qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure administrative (voir arrêt du 3 octobre 2017, PM/ECHA, T‑656/16, non publié, EU:T:2017:686, point 36 et jurisprudence citée).

101    La requérante soutient que, après la fin de son contrat de travail, le 30 juin 2017, elle aurait résidé en Grèce au mois de juillet 2017. Il y a lieu d’observer, à cet égard, que les allégations de la requérante quant à son intention de retourner définitivement en Grèce ne se sont pas concrétisées. Elle n’a pas fourni de documents attestant de son déménagement ou même de son séjour en Grèce en juillet 2017. En revanche, la proposition d’emploi, datée du 7 juillet 2017 et précédée d’un processus de recrutement, a été envoyée à l’adresse de la requérante à Bruxelles, laquelle est également indiquée comme adresse de la requérante dans le certificat de résidence fourni par la commune de Woluwe-Saint-Pierre depuis le 1er novembre 2016 et jusqu’à ce qu’elle soit inscrite à une autre adresse à Bruxelles, le 31 août 2017.

102    À la lumière de ce qui précède, la requérante n’a pas démontré avoir été tenue de changer de résidence au sens des articles 5, 9 et 10 de l’annexe VII du statut. En outre, la Commission n’a pas commis d’erreur en fixant le lieu de recrutement de la requérante à Bruxelles au sens de l’article 7 de l’annexe VII du statut.

103    Il en résulte que c’est à bon droit que la Commission a constaté que la requérante n’avait pas droit à l’indemnité d’installation, à l’indemnité journalière et au remboursement des frais de déménagement et de voyage à l’entrée en fonctions.

104    Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

105    Dans le second moyen, la requérante soutient que la Commission a erronément apprécié des faits et des documents qu’elle a fournis et qui attestent sans équivoque de son déménagement définitif de Bruxelles. Même si la désinscription d’une commune belge ou l’inscription auprès d’une commune en Grèce pouvaient avoir une valeur indicative, le déménagement avec tout son mobilier, le rappel de son conjoint au siège de son employeur et encore la réaffectation de son conjoint à Bruxelles en septembre 2017 seraient incontestables.

106    La requérante soutient aussi que, dans la décision attaquée, la Commission fait plusieurs suppositions et tire des conclusions erronées. Elle relève que l’administration a fondé sa conclusion sur des suppositions et des interprétations erronées des preuves produites, ce qui aurait conduit à des erreurs manifestes. La Commission serait parvenue à sa conclusion sans vraiment examiner les pièces justificatives.

107    La Commission conteste les arguments de la requérante. Elle note qu’elle a déjà examiné les éléments factuels dans le cadre du premier moyen et renvoie aux arguments invoqués dans ce contexte. En outre, la Commission conclut qu’il est erroné d’affirmer que le PMO n’a pas essayé de définir la situation de manière détaillée. Au contraire, le PMO aurait contacté la requérante afin d’obtenir davantage de pièces justificatives, mais cette dernière n’aurait pas fourni les informations demandées.

108    Dans la mesure où le deuxième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et des documents produits par la requérante, et dans la mesure où le Tribunal a examiné la situation personnelle de la requérante dans le cadre du premier moyen, il convient, pour les mêmes motifs, de rejeter le second moyen comme étant non fondé.

109    À la lumière de ce qui précède, le recours doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur les dépens

110    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Marina Karpeta-Kovalyova est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Barents

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Données confidentielles occultées.