Language of document : ECLI:EU:T:2024:401

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

19 juin 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative représentant un cercle interrompu – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑304/23,

Coinbase, Inc., établie à Oakland, Californie (États-Unis), représentée par Mes M. Zintler, N. Schmidt-Hamkens et F. Stoll, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. E. Markakis et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et E. Tichy‑Fisslberger (rapporteure), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 29 février 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Coinbase, Inc., demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 mars 2023 (affaire R 2001/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 15 mai 2021, la requérante a désigné l’Union européenne pour l’enregistrement international no 1629156 du signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels la protection de l’enregistrement international a été demandée relevaient des classes 9, 35, 36, 41, 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, après modification, le 28 janvier 2022, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels téléchargeables utilisés pour la négociation, le stockage, l’envoi, la réception, l’acceptation et la transmission par voie électronique de devises numériques, et pour la gestion d’opérations de paiement et de change en monnaies numériques ; logiciels téléchargeables pour le traitement de paiements électroniques et le transfert de fonds de et vers des tiers ; logiciels d’authentification téléchargeables pour le contrôle de l’accès à des ordinateurs et réseaux informatiques et de la communication avec ceux-ci ; cartes d’identité magnétiques et cartes de crédit à codage magnétique à utiliser en rapport avec le paiement de services ; logiciels d’applications mobiles téléchargeables pour faciliter les transactions financières ; logiciels d’applications mobiles téléchargeables à utiliser dans la gestion d’informations commerciales et de négociation ; logiciels téléchargeables permettant à des investisseurs d’immobiliser leurs actifs numériques susceptibles de générer un rendement dans un réseau de preuve d’enjeu, de voter pour soutenir des événements de gouvernance de réseau, de créer des actifs numériques et d’exécuter des opérations portant sur des actifs numériques » ;

–        classe 35 : « Services de négociation en ligne permettant à un vendeur de mettre en ligne des produits destinés à être mis aux enchères et aux enchérisseurs de faire des enchères par le biais de l’internet » ;

–        classe 36 : « Services de change de devises ; opérations sur devises en ligne et en temps réel ; gestion de trésorerie, à savoir transferts électroniques de fonds sous forme d’équivalents de trésorerie électroniques ; transfert électronique de fonds avec une devise numérique pour unités d’équivalents de trésorerie électroniques transférables ayant une valeur en numéraire spécifiée ; services d’opérations d’échange de monnaies numériques pour unités d’équivalents de trésorerie électroniques transférables ayant une valeur en numéraire spécifiée ; services financiers, à savoir services de bourse des valeurs et des dérivés ; services financiers, à savoir services de courtage d’actions, services de courtage d’investissements, services financiers de courtiers-négociants dans le domaine des fonds communs de placement, et fourniture d’informations dans les domaines des investissements financiers et de la finance par le biais de réseaux informatiques et de réseaux mondiaux de communication ; services financiers, à savoir transfert électronique de fonds ; compensation et rapprochement de transactions financières par le biais d’un réseau informatique mondial ; prestation d’un large éventail de services financiers et de paiement, à savoir services de traitement de paiements par carte de crédit, services d’autorisation de cartes de crédit, mise à disposition de lignes de crédit et prêts personnels, services de paiement électronique impliquant le traitement électronique et la transmission ultérieure de données de paiement de factures, services de paiement de factures proposant la livraison de paiements garantie, tous réalisés par le biais d’un réseau de communications mondial ; services de traitement de transactions effectuées par carte de crédit et carte à débit immédiat ; gestion financière de paiements de remboursement pour des tiers proposant des fonds pour éléments litigieux dans le domaine des achats par paiement électronique ; services d’assurances, à savoir souscription d’assurances de biens et risques divers pour des produits et services achetés par des tiers par le biais d’un réseau informatique mondial et de réseaux sans fil ; services de traitement de transactions par carte de crédit ; services d’émission de crédit proposant des comptes de crédit renouvelables ; services de paiement de factures ; services de paiement de factures fournis par le biais d’applications mobiles ; services de traitement de paiements par carte de crédit ; traitement de paiements d’opérations de change électroniques ; services marchands, à savoir services de traitement de paiements à l’aide de monnaies virtuelles ; affaires financières, à savoir gestion financière, planification financière, prévisions financières, gestion de portefeuilles financiers et analyses et services de conseillers financiers ; services bancaires ; informations financières fournies par voie électronique ; services financiers, à savoir fourniture d’informations dans le domaine de la finance par le biais de l’internet et mise à disposition de comptes à valeur stockée en ligne dans un environnement électronique ; services bancaires électroniques par le biais d’un réseau informatique mondial ; services de courtage d’actions proposant la négociation de titres, produits dérivés et monnaies ; opérations de change ; services de bourses de marchandises ; échanges financiers ; informations financières concernant des taux de change ; services de marché à terme ; opérations de change et prestation de conseils s’y rapportant ; courtage dans le domaine des marchandises, investissements ; services de conseillers financiers dans le domaine des systèmes de paiement ; services de gestion d’investissements proposant la gestion d’actifs ; services de conseillers dans le domaine de la planification financière et de la gestion financière ; services de conseillers financiers dans le domaine de la planification financière, de la gestion financière et des systèmes de paiement ; gestion d’investissements et gestion de risques financiers ; gestion financière dans le domaine des portefeuilles d’investissement d’actifs numériques ; gestion financière dans le domaine des fonds de placement d’actifs numériques ; gestion financière dans le domaine des fonds de couverture d’actifs numériques ; gestion financière dans le domaine des fonds indiciels d’actifs numériques ; gestion financière dans le domaine des fonds d’actifs numériques négociés en bourse ; gestion financière de portefeuilles d’actifs numériques et prestation de conseils sur des actifs numériques financiers ; gestion financière d’actifs numériques ; gestion financière dans les domaines des fonds communs de placement, titres et actions ; gestion financière dans le domaine des services de garde financière de fonds communs de placement d’actifs numériques, à savoir conservation de la possession d’actifs financiers pour des tiers à des fins de gestion financière pour des institutions financières et des fonds ; services de courtage de placements financiers proposant des taux de prêt préférentiels ; services financiers, à savoir fourniture d’informations et services de négociation de cryptomonnaies, tous incluant des produits financiers dérivés sur des cryptomonnaies ; administration financière d’échanges boursiers d’actions et autres sécurités financières sur les marchés financiers ; échanges financiers ; services d’informations et conseils financiers ; traitement d’informations financières ; informations financières fournies par voie électronique dans le domaine des actifs alternatifs ; services financiers, à savoir, services de négociation financière électroniques, compensation et rapprochement de transactions financières par le biais de l’internet et de réseaux de communications électroniques, gestion d’actifs financiers, gestion de portefeuilles d’investissement, fonds d’investissement, fonds indiciels et fonds négociés en bourse, services de conseil en investissements concernant les véhicules de placement collectif, placement de fonds, services de conseillers en investissements et placement de fonds pour des tiers ; services financiers, à savoir négociation d’instruments financiers pour des tiers sous forme de titres, options, contrats à terme, produits dérivés, titres de créance et marchandises ; services de négociation de cryptomonnaies ; services d’échange de cryptomonnaies ; services de conseillers financiers dans le domaine des actifs numériques, à savoir cryptomonnaies, monnaies virtuelles, jetons numériques, monnaies numériques, jetons d’applications décentralisées et actifs basés sur des chaînes de blocs ; traitement de paiements par cryptomonnaies ; services de courtage financier pour la négociation de cryptomonnaies ; services de négociation financière électronique sous forme de services de négociation algorithmique ; services de distribution d’actifs numériques ; mise à disposition de prêts à des fins de négociation financière ; mise à disposition de prêts commerciaux ; services de facilitation de paiement entre pairs ; mise à disposition d’informations dans les domaines de la finance, des monnaies numériques, des cryptomonnaies et des actifs numériques par l’intermédiaire d’un site Web ; services d’exécution de négociations relatifs aux monnaies virtuelles » ;

–        classe 41 : « Services pédagogiques, à savoir mise à disposition en ligne de cours, travaux dirigés, séminaires et ateliers dans les domaines de la finance, des monnaies numériques, des cryptomonnaies et des actifs numériques » ;

–        classe 42 : « Mise à disposition, pour utilisation temporaire, de logiciels non téléchargeables en ligne à utiliser dans la négociation, le stockage, l’envoi, la réception, l’acceptation et la transmission électroniques de monnaies numériques, et la gestion d’opérations de change et de paiement en monnaies numériques ; mise à disposition temporaire de logiciels en ligne non téléchargeables pour le traitement de paiements électroniques ; mise à disposition temporaire de logiciels d’authentification en ligne non téléchargeables permettant de contrôler l’accès à des ordinateurs et réseaux informatiques ainsi que de contrôler les communications avec ceux-ci ; services de conseillers technologiques dans le domaine des actifs numériques, à savoir cryptomonnaies, monnaies virtuelles, jetons numériques, monnaies numériques, jetons d’applications décentralisées et actifs basés sur des chaînes de blocs ; services de cryptomonnaie et d’actifs numériques, à savoir services de garde de technologie sous forme de stockage électronique de cryptomonnaies et d’actifs numériques pour la sauvegarde, le stockage, et pour permettre aux utilisateurs d’accéder à des cryptomonnaies et autres actifs numériques pour investisseurs institutionnels ; mise à disposition, pour utilisation temporaire, de logiciels non téléchargeables en ligne permettant à des investisseurs d’immobiliser leurs actifs numériques susceptibles de générer un rendement dans un réseau de preuve d’enjeu, de voter pour soutenir des événements de gouvernance de réseau, de créer des actifs numériques et d’exécuter des opérations portant sur des actifs numérique ».

4        Par décision du 18 août 2022, l’examinateur a rejeté la demande de protection d’enregistrement international dans l’Union, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 13 octobre 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (point 33 de ladite décision).

7        En substance, la chambre de recours a considéré que la marque demandée constituerait une forme géométrique banale et serait, à première vue, perçue par le public pertinent comme un cercle interrompu sur le côté droit. Ledit cercle ne comporterait aucun élément ni aucune caractéristique mémorisable et ne produirait pas d’impression particulière sur ledit public (point 23 de la décision attaquée). Par conséquent, cette marque ne permettrait pas de distinguer les produits et services en cause et ne pourrait pas fonctionner en tant qu’indication de l’origine commerciale (point 30 de ladite décision).

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, ne s’oppose pas à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services en cause ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de tenue d’une audience.

10      En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a relevé que son deuxième chef de conclusions doit être compris comme visant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 En droit

11      La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et le second, de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

12      La requérante soutient que la marque demandée possède un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, dans la mesure où cette marque est abstraite et équivoque et permet une variété suffisamment large d’interprétations possibles, qui sont toutes mémorisables, dont notamment l’interprétation comme une représentation inhabituelle de la lettre majuscule « C ». Dans ce contexte, elle fait valoir que la chambre de recours, d’une part, n’a pas tenu compte de la pratique du marché selon laquelle des signes simples mais stylisés sont utilisés comme indication d’origine, notamment dans le secteur numérique (financier), et, d’autre part, a méconnu qu’un degré minimal de caractère distinctif est suffisant pour permettre l’enregistrement d’une marque. La requérante relève que ladite chambre a également utilisé des arguments fondés sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, alors que cette disposition n’a pas été soulevée comme motif d’objection. En outre, cette chambre n’aurait pas pris en considération la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO et l’enregistrement de marques de l’Union européenne similaires.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

15      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

16      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

17      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, les parties ne contestent pas le constat de la chambre de recours, figurant au point 18 de la décision attaquée, selon lequel les produits et services visés par la marque demandée, liés à la négociation, aux devises et aux cryptomonnaies, sont destinés aux clients professionnels et aux professionnels dans ce domaine dans l’ensemble de l’Union, dont le degré d’attention est supérieur à la moyenne. Ce constat est dépourvu d’erreur.

18      À cet égard, il convient d’observer que, comme l’a relevé la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée, le fait que le public pertinent soit spécialisé ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère descriptif ou distinctif d’un signe [arrêts du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 14, et du 23 novembre 2022, General Wire Spring/EUIPO (GENERAL PIPE CLEANERS), T‑151/22, non publié, EU:T:2022:721, point 25].

19      En second lieu, il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit (voir arrêts du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, EU:C:2005:422, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, point 39 et jurisprudence citée).

20      La chambre de recours a considéré, au point 23 de la décision attaquée, que la marque demandée était une marque figurative représentant un cercle interrompu sur le côté droit, de couleur noire et avec un tracé épais ou en gras. Selon elle, outre l’interruption légère du cercle du côté droit, cette marque ne comportait aucun élément ni aucune caractéristique mémorisable que le public pertinent pourrait garder en mémoire et percevoir comme distinctif. Ladite marque serait d’une simplicité et d’une banalité excessive et donc incapable, en soi, de transmettre un message dont les consommateurs pourraient se souvenir et qu’ils pourraient reconnaître comme indication d’origine commerciale. Cette simplicité ferait apparaître la marque en question comme impropre à fonctionner en tant que marque.

21      La requérante critique cette appréciation de la chambre de recours en faisant valoir que la marque demandée est abstraite et équivoque et donne lieu à une grande variété d’interprétations, qui ne font pas référence à une forme circulaire courante. L’interruption ou l’intersection intentionnelle serait visible, même à une distance éloignée. Celle-ci ainsi que la ligne non continue seraient également gardées en mémoire par le public pertinent, lequel serait susceptible, compte tenu de la nature des produits et des services en cause, de voir ladite marque sur un écran d’ordinateur ou de téléphone portable.

22      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage [voir arrêt du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, EU:T:2009:364, point 26 et jurisprudence citée].

23      Cela étant, la constatation du caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, n’est pas subordonnée à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services qu’elle vise et de les distinguer de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 27 et jurisprudence citée).

24      Il ressort également de la jurisprudence que les cas d’une grande simplicité d’un signe, au sens de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, ne se limitent pas aux cas des figures géométriques de base et que la circonstance selon laquelle un signe ne représente pas une figure géométrique ne suffit pas, en tant que telle, pour considérer que ledit signe dispose du minimum de caractère distinctif nécessaire à son enregistrement [voir arrêt du 4 avril 2019, Stada Arzneimittel/EUIPO (Représentation de deux arches opposées), T‑804/17, non publié, EU:T:2019:218, point 23 et jurisprudence citée].

25      En l’espèce, comme la chambre de recours l’a correctement relevé, au point 23 de la décision attaquée, la marque demandée représente un cercle interrompu sur le côté droit, de couleur noire et avec un tracé épais ou en gras. Partant, ainsi que ladite chambre l’a constaté au point 20 de cette décision, ladite marque est une forme géométrique banale.

26      Comme l’a également rappelé la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, la circonstance qu’il pourrait être soutenu que la marque demandée ne représente pas purement une figure géométrique de base ne suffit toutefois pas, en tant que telle, pour considérer qu’elle dispose du minimum de caractère distinctif nécessaire pour pouvoir être enregistrée en tant que marque de l’Union européenne. En effet, encore faut-il que le signe présente des caractéristiques facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent, qui lui permettraient d’être appréhendée immédiatement comme une indication de l’origine commerciale des produits et services en cause [voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Novartis/EUIPO (Représentation d’une courbe grise et représentation d’une courbe verte), T‑678/15 et T‑679/15, non publié, EU:T:2016:749, points 40 et 41 et jurisprudence citée].

27      En ce que la requérante soutient que l’interruption du cercle ainsi que la ligne non continue fonctionnaient comme de telles caractéristiques facilement et immédiatement mémorisables, il suffit de constater que, d’une part, la ligne non continue est la conséquence inévitable de l’interruption du cercle. Il s’agit donc de la même caractéristique, décrite de deux manières différentes. D’autre part, le fait que l’interruption soit visible ne signifie pas que cela constitue aussi une caractéristique facilement et immédiatement mémorisable au sens de la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus. Au contraire, étant donné qu’il est comparable à une forme géométrique de base, le cercle légèrement interrompu ne comporte aucun élément ni aucune caractéristique susceptible d’être gardé en mémoire par le public pertinent. L’argument de la requérante selon lequel l’interruption du cercle sert de point de départ à de multiples interprétations n’est pas non plus convaincant, dès lors que ladite interruption n’est en aucun cas susceptible d’attirer l’attention du public. En effet, quels que soient la distance et le moyen d’observation, cette interruption est toujours perçue comme un élément mineur du signe, car elle est minime par rapport à l’ensemble du cercle.

28      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation de l’impression d’ensemble de la marque demandée en considérant que cette dernière était d’une simplicité excessive ne présentant aucun aspect facilement et immédiatement mémorisable par le public pertinent qui lui permettrait d’être appréhendée immédiatement comme une indication de l’origine commerciale des produits et services en cause. Contrairement à ce que soutient la requérante, il y a donc lieu de constater que ladite marque ne possède pas le minimum de caractère distinctif suffisant à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

29      Aucun des autres arguments de la requérante n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

30      Premièrement, en ce que la requérante soutient qu’une partie du public pertinent interprète aussi la marque demandée comme une représentation très inhabituelle de la lettre majuscule « C » qui est aussi la lettre initiale de sa dénomination sociale, il suffit d’observer que, par rapport à ladite lettre majuscule, le cercle interrompu dont est composée la marque en question est plus ronde et son espace vide beaucoup plus petit. Eu égard au fait qu’aucun autre élément de cette marque n’incite à sa perception directe comme étant cette lettre majuscule, il convient de considérer qu’il n’est pas probable que ce public puisse assimiler ladite marque à une telle lettre majuscule. Le nom de la requérante commençant par la lettre majuscule en question n’étant pas inclus dans cette marque, il est encore moins probable que cette dernière soit associée à la même lettre majuscule.

31      Deuxièmement, dans la mesure où la requérante estime que, aux points 26 et 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a indûment étendu la portée du recours en utilisant un argument concernant l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, qui n’a pas été soulevé par l’examinateur et qui ne devrait pas être utilisé dans le cadre d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, il convient de relever que la chambre de recours a, d’une part, uniquement fondé sa décision sur cette dernière disposition (point 33 de ladite décision), et, d’autre part, refusé l’enregistrement de la marque demandée au motif qu’il s’agissait d’un cercle interrompu et donc d’une marque d’une simplicité excessive (points 23, 25 et 30 de cette décision).

32      En revanche, ainsi que le fait valoir l’EUIPO à juste titre, les observations de la chambre de recours aux points 26 et 30 de la décision attaquée relatives au caractère descriptif de la marque demandée concernent uniquement l’hypothèse où cette dernière serait perçue en tant que lettre majuscule « C ». Il ne s’agit donc que d’observations surabondantes.

33      Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence établie, un motif, même dans l’hypothèse où s’il s’avérerait erroné, ne saurait justifier l’annulation de l’acte qui en est entaché s’il revêt un caractère surabondant et s’il existe d’autres motifs qui suffisent à fonder cet acte. Selon une jurisprudence également constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants. [voir arrêt du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, non publié, EU:T:2013:225, point 27 et jurisprudence citée]. Il y a donc lieu de rejeter comme étant inopérants les arguments de la requérante contestant le caractère descriptif de la marque demandée.

34      Troisièmement, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la marque demandée permet une « variété suffisamment large d’interprétations possibles », notamment comme étant l’« anneau de Landolt », une clé, une spatule, une cuillère ou une épingle, respectivement blanche et sur fond noir, ou même une rue en-cul-de-sac, il y a lieu de constater que ladite marque, telle qu’elle est représentée au point 2 ci-dessus, ne présente, en l’absence d’autres éléments, aucun indice permettant d’affirmer qu’elle donnera lieu à de telles interprétations pour lesquelles la requérante n’a, d’ailleurs, fourni aucun élément de preuve. Au contraire, il y a lieu de considérer que le public pertinent n’attribuera pas de telles significations à un signe qu’il percevra immédiatement comme la simple représentation d’un cercle interrompu du côté droit.

35      Quatrièmement, en ce que la requérante fait valoir que les consommateurs des produits et des services en cause sont habitués à percevoir des signes simples, mais stylisés comme étant des marques, notamment dans le secteur numérique (financier), il convient de relever que la requérante se contente de présenter à l’appui de son argument des affirmations tirées de quelques décisions antérieures de l’EUIPO et des captures d’écrans du site Internet « crypto.com » montrant des logos d’autres entreprises du secteur qui ne sont pas enregistrés comme marques de l’Union européenne. Or, il ne ressort ni de ces décisions et logos, ni du dossier que le public pertinent sera capable de répéter son achat grâce au signe en cause [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 avril 2017, Anta (China)/EUIPO (Représentation de deux lignes formant un angle aigu), T‑291/16, non publié, EU:T:2017:253, point 42].

36      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant en partie inopérant et en partie non fondé, à l’exception du grief relatif à la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO, qui sera examiné dans le cadre du second moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration

37      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a violé les principes d’égalité de traitement et de bonne administration compte tenu, d’une part, de la décision de l’EUIPO relatif à l’enregistrement international désignant l’Union européenne no 1696415 pour des produits et des services compris dans les classes 9, 38 et 41 concernant une marque identique, et, d’autre part, du fait qu’elle a enregistré avec succès le signe en cause pour des produits et des services compris dans les classes 9, 35, 36, 41 et 42 dans deux États membres, à savoir en Lettonie et en Lituanie, ainsi que dans plusieurs pays tiers, à savoir, en Argentine, en Arménie, au Royaume-Uni, en Indonésie, en Israël, au Kazakhstan, à Monaco, au Mexique, en Mongolie, en Norvège, en Nouvelle-Zélande, à Oman, en Suisse, aux Philippines, en Ukraine, en Uruguay, aux États-Unis, au Chili, en Équateur, à Aruba, à Curaçao, à Andorre, aux Émirats arabes unis, auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle, à Hong Kong, à Macao et à Taïwan.

38      En outre, par un grief soulevé dans le cadre du premier moyen, la requérante invoque une série de décisions des examinateurs et des chambres de recours de l’EUIPO pour démontrer que la décision attaquée est contraire à la pratique antérieure de l’EUIPO. Selon elle, ces décisions concernant des signes similaires démontrent que le raisonnement de ladite chambre ne se fonde pas sur un critère clair et univoque relatif au caractère distinctif des marques figuratives.

39      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

40      En premier lieu, s’agissant des enregistrements du signe en cause dans d’autres pays, il convient de rappeler que le régime de la marque de l’Union européenne est un système juridique autonome poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, EU:T:2000:283, point 47, et du 3 décembre 2015, Infusion Brands/OHMI (DUALTOOLS), T‑648/14, non publié, EU:T:2015:930, point 36]. Par conséquent, le caractère enregistrable ou protégeable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente de l’Union. Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque nationale [voir arrêt du 24 novembre 2016, Azur Space Solar Power/EUIPO (Représentation de lignes et de briques noires), T‑614/15, non publié, EU:T:2016:675, point 44 et jurisprudence citée].

41      En second lieu, s’agissant de l’enregistrement international désignant l’Union européenne no 1696415 concernant une marque identique à la marque demandée auprès de l’EUIPO pour des produits et des services relevant des classes 9, 38 et 41, il convient de relever qu’il est constant que cette marque identique n’a pas été invoquée devant la chambre de recours et que la requérante ne prétend même pas que ladite marque identique aurait dû être prise en compte par cette dernière.

42      En outre, il y a lieu de rappeler que d’une part, les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement 2017/1001 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 3 juillet 2013, Warsteiner Brauerei Haus Cramer/OHMI – Stuffer (ALOHA 100% NATURAL), T‑243/12, non publié, EU:T:2013:344, point 43].

43      D’autre part, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77 ; du 14 décembre 2018, Dermatest/EUIPO (ORIGINAL excellent dermatest), T‑803/17, non publié, EU:T:2018:973, point 59, et du 14 septembre 2022, Lotion/EUIPO (BLACK IRISH), T‑498/21, non publié, EU:T:2022:543, point 75].

44      Ces considérations sont valables même si le signe dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne est demandé est composé de manière identique à une marque dont l’EUIPO a déjà accepté l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé [voir arrêt du 13 mai 2020, Global Brand Holdings/EUIPO (XOXO), T‑503/19, non publié, EU:T:2020:183, point 59 et jurisprudence citée].

45      Dans ces conditions, compte tenu du fait que la chambre de recours a conclu, à l’issue d’un examen strict et complet, à juste titre que la marque demandée se heurtait au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (voir point 28 ci-dessus), c’est en vain que la requérante invoque, aux fins d’infirmer cette conclusion, l’enregistrement d’une marque identique par l’EUIPO et l’enregistrement du signe en cause dans plusieurs pays différents.

46      Pour les mêmes raisons, il convient de rejeter le grief, soulevé dans le cadre du premier moyen, par lequel la requérante invoque une série de décisions antérieures des examinateurs et des chambres de recours de l’EUIPO pour démontrer que la décision attaquée est contraire à la pratique antérieure de l’EUIPO. Il en est a fortiori ainsi dans la mesure où les signes faisant l’objet desdites décisions, d’une part, possèdent un degré de stylisation plus élevé comparé à la marque demandée, et, d’autre part, ne sont pas d’une simplicité comparable à celle des figures géométriques de base.

47      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le second moyen et le grief relatif à la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO comme étant non fondés.

48      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé et une audience ayant eu lieu, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO qui a demandé la condamnation de la requérante aux dépens en cas de tenue d’une audience.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Coinbase, Inc., est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.