Language of document : ECLI:EU:T:2014:1031

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

9 décembre 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des ronds à béton en barres ou en rouleaux – Décision constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) n° 1/2003 – Fixation des prix et des délais de paiement – Limitation ou contrôle de la production ou des ventes – Violation des formes substantielles – Incompétence – Base juridique – Violation des droits de la défense – Principe de bonne administration, proportionnalité et égalité des armes – Critères d’imputation – Définition du marché – Violation de l’article 65 CA – Amendes – Prescription – Gravité – Durée »

Dans l’affaire T‑70/10,

Feralpi Holding SpA, établie à Brescia (Italie), représentée par Mes G. Roberti et I. Perego, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. R. Sauer et B. Gencarelli, puis par M. Sauer, Mmes R. Striani et T. Vecchi et enfin par M. Sauer et Mme Vecchi, en qualité d’agents, assistés de Me P. Manzini, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption), telle que modifiée par la décision C (2009) 9912 final de la Commission, du 8 décembre 2009, par laquelle la Commission a infligé à la requérante une amende de 10,25 millions d’euros, pour violation de l’article 65, paragraphe 1, CA,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. G. Berardis et A. Popescu, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1.     Dispositions du traité CECA

1        L’article 36 CA prévoyait :

« La Commission, avant de prendre une des sanctions pécuniaires ou de fixer une des astreintes prévues au présent traité, doit mettre l’intéressé en mesure de présenter ses observations.

Les sanctions pécuniaires et les astreintes prononcées en vertu des dispositions du présent traité peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction.

Les requérants peuvent se prévaloir, à l’appui de ce recours, dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 33 du présent traité, de l’irrégularité des décisions et recommandations dont la méconnaissance leur est reprochée. »

2        L’article 47 CA se lisait comme suit :

« La Commission peut recueillir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle peut faire procéder aux vérifications nécessaires.

La Commission est tenue de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient. Sous cette réserve, elle doit publier les données qui sont susceptibles d’être utiles aux gouvernements ou à tous autres intéressés.

La Commission peut prononcer, à l’encontre des entreprises qui se soustrairaient aux obligations résultant pour elles des décisions prises en application des dispositions du présent article ou qui fourniraient sciemment des informations fausses, des amendes, dont le montant maximum sera de 1 % du chiffre d’affaires annuel, et des astreintes, dont le montant maximum sera de 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard.

Toute violation par la Commission du secret professionnel ayant causé un dommage à une entreprise pourra faire l’objet d’une action en indemnité devant la Cour, dans les conditions prévues à l’article 40. »

3        L’article 65 CA disposait :

« 1. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’association d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence et en particulier :

a)      à fixer ou déterminer les prix ;

b)      à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ;

c)      à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement.

[…]

4. Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.

La Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.

5. La Commission peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer, par voie d’arbitrage, dédit, boycott ou tout autre moyen, un accord ou une décision nuls de plein droit ou un accord dont l’approbation a été refusée ou révoquée, ou qui obtiendraient le bénéfice d’une autorisation au moyen d’informations sciemment fausses ou déformées, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique contraires aux dispositions du présent article, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause, en ce qui concerne l’amende, et de 20 % du chiffre d’affaires journalier, en ce qui concerne les astreintes. »

4        Conformément à l’article 97 CA, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002.

2.     Dispositions du traité CE

5        L’article 305, paragraphe 1, CE énonçait :

« Les dispositions du présent traité ne modifient pas celles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier. »

3.     Règlement (CE) n° 1/2003

6        Aux termes de l’article 4 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), « [p]our l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la Commission dispose des compétences prévues par le présent règlement ».

7        L’article 7 du règlement n° 1/2003, intitulé « Constatation et cessation d’une infraction », prévoit :

« 1. Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou [de l’article] 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée [...] Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé.

[...] »

8        L’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 dispose :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou [de l’article] 82 [CE …] »

4.     Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

9        Le 18 juin 2002, la Commission des Communautés européennes a adopté la communication sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA (JO C 152, p. 5, ci-après la « communication du 18 juin 2002 »).

10      Au paragraphe 2 de la communication du 18 juin 2002, il est précisé que l’objet de celle-ci est :

« […]

–        de récapituler, à l’intention des opérateurs économiques et des États membres dans la mesure où ils sont concernés par le traité CECA et son droit dérivé, les modifications les plus importantes du droit matériel et procédural découlant de la transition vers le régime du traité CE […],

–        d’expliquer comment la Commission entend régler les problèmes spécifiques posés par la transition du régime CECA au régime CE dans le domaine des ententes et des abus de position dominante […], du contrôle des concentrations […] et du contrôle des aides d’État. »

11      Le paragraphe 31 de la communication du 18 juin 2002, qui figure dans la subdivision consacrée aux problèmes spécifiques posés par la transition du régime du traité CECA au régime du traité CE, est libellé comme suit :

« Si, dans l’application des règles communautaires de la concurrence à des accords, la Commission constate une infraction dans un domaine relevant du traité CECA, le droit matériel applicable est, quelle que soit la date d’application, celui en vigueur au moment où les faits constitutifs de l’infraction se sont produits. En tout état de cause, sur le plan procédural, le droit applicable après l’expiration du traité CECA sera le droit CE […] »

 Objet du litige

12      La présente affaire a pour objet un recours tendant à obtenir l’annulation de la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption) (ci-après la « première décision »), telle que modifiée par la décision C (2009) 9912 final de la Commission, du 8 décembre 2009 (ci-après la « décision modificative ») (la première décision, telle qu’elle a été modifiée par la décision modificative, étant ci-après dénommée la « décision attaquée »), par laquelle la Commission a infligé à Feralpi Holding SpA (ci-après « Feralpi » ou la « requérante ») une amende de 10,25 millions d’euros, pour violation de l’article 65, paragraphe 1, CA.

13      Dans la première décision, la Commission a considéré que les sociétés suivantes avaient enfreint l’article 65 CA :

–        Alfa Acciai SpA (ci-après « Alfa ») ;

–        Feralpi ;

–        Ferriere Nord SpA ;

–        IRO Industrie Riunite Odolesi SpA (ci-après « IRO ») ;

–        Leali SpA et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, en liquidation (ci-après « AFLL ») (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Leali‑AFLL ») ;

–        Lucchini SpA et SP SpA, en liquidation (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Lucchini‑SP ») ;

–        Riva Fire SpA (ci-après « Riva ») ;

–        Valsabbia Investimenti SpA et Ferriera Valsabbia SpA (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Valsabbia »).

14      Dans la décision modificative, la Commission a apporté des modifications aux motifs de la première décision.

 Présentation de la requérante et antécédents du litige

15      La requérante est une entreprise dont le siège est sis à Brescia (Italie). Jusqu’en 2004, les activités sidérurgiques du groupe étaient regroupées au sein de la société Feralpi Siderurgica SpA. À l’issue d’un processus de réorganisation, Feralpi Siderurgica a changé sa dénomination sociale en « Feralpi Holding ». Le 25 mai 2004, cette dernière a constitué la société Feralpi SpA, dénommée ensuite « Feralpi Siderurgica SpA », à laquelle elle a transféré ses activités de production par l’apport de la branche acier et sidérurgie, en ce compris la production de ronds à béton. L’ancienne Feralpi Siderurgica, devenue Feralpi Holding, est devenue une holding de contrôle aux activités diversifiées et une société de services pour l’ensemble du groupe (voir également considérants 85 et 86 de la première décision).

16      D’octobre à décembre 2000, la Commission a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès d’entreprises italiennes productrices de ronds à béton et auprès d’une association d’entreprises sidérurgiques italiennes. Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en vertu de l’article 47 CA (considérant 114 de la première décision).

17      Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert la procédure administrative et a formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la « communication des griefs ») (considérant 114 de la première décision). La requérante a présenté des observations écrites sur la communication des griefs. Une audition a été tenue le 13 juin 2002 (considérant 118 de la première décision).

18      Le 12 août 2002, la Commission a formulé des griefs supplémentaires (ci-après la « communication des griefs supplémentaires »), adressés aux destinataires de la communication des griefs initiale. Dans la communication des griefs supplémentaires, fondée sur l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), la Commission expliquait sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA. Un délai a été accordé aux entreprises concernées pour la présentation de leurs observations et une seconde audition en présence des représentants des États membres a eu lieu le 30 septembre 2002 (considérant 119 de la première décision). La requérante a répondu à la communication des griefs supplémentaires le 13 septembre 2002.

19      À l’issue de la procédure, la Commission a adopté la décision C (2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), par laquelle elle a constaté que les entreprises destinataires de celle-ci avaient mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avait pour objet ou pour effet la fixation des prix et qui avait également donné lieu à une limitation ou à un contrôle concertés de la production ou des ventes, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA (considérant 121 de la première décision). La Commission a, dans cette décision, infligé à la requérante une amende d’un montant de 10,25 millions d’euros.

20      Le 4 mars 2003, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Par arrêt du Tribunal du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T‑77/03, non publié au Recueil), le Tribunal a annulé la décision de 2002. Le Tribunal a relevé que, eu égard notamment au fait que la décision de 2002 ne comportait aucune référence à l’article 3 et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, cette décision était fondée uniquement sur l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA (arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, précité, point 77). Dès lors que ces dispositions avaient expiré le 23 juillet 2002, la Commission ne pouvait plus tirer de compétence de celles-ci, éteintes au moment de l’adoption de la décision de 2002, pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction (arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, précité, point 96).

21      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé la requérante et les autres entreprises concernées de son intention de réadopter une décision, en modifiant la base juridique par rapport à celle qui avait été choisie pour la décision de 2002. Elle a en outre précisé que, compte tenu de la portée limitée de l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, la décision réadoptée serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et dans la communication des griefs supplémentaires. Un délai a été accordé aux entreprises concernées pour présenter leurs observations (considérants 6 et 123 de la première décision). Feralpi a répondu à cette lettre le 31 juillet 2008. La lettre du 30 juin 2008 a été suivie de plusieurs demandes d’informations, auxquelles la requérante a répondu.

 Première décision

22      Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la première décision, laquelle a été notifiée à la requérante par lettre du 2 octobre 2009.

23      Dans la première décision, la Commission a constaté que les restrictions de la concurrence visées dans celle-ci avaient pour origine une entente entre producteurs italiens de ronds à béton et entre ces derniers et leur association, qui avait eu lieu durant la période comprise entre 1989 et 2000 et qui avait eu pour objet ou pour effet de fixer ou de déterminer les prix et de limiter ou de contrôler la production ou les ventes par le biais de l’échange d’un nombre considérable d’informations relatives au marché des ronds à béton en Italie (considérants 7 et 399 de la première décision).

24      S’agissant de l’appréciation juridique des comportements en cause en l’espèce, en premier lieu, la Commission a souligné, aux considérants 353 à 369 de la première décision, que le règlement n° 1/2003 devait être interprété comme lui permettant de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis. Au considérant 370 de la première décision, elle a indiqué que celle-ci avait été adoptée conformément aux règles procédurales du traité CE et du règlement n° 1/2003. Aux considérants 371 à 376 de la première décision, la Commission a par ailleurs rappelé que les principes qui régissent la succession des règles dans le temps pouvaient conduire à l’application de dispositions matérielles qui ne sont plus en vigueur au moment de l’adoption d’un acte par une institution de l’Union européenne, sous réserve de l’application du principe général de la lex mitior, en vertu duquel une personne ne peut être sanctionnée pour un fait qui ne constitue pas un délit au sens de la législation entrée en vigueur postérieurement. Elle a conclu que, en l’espèce, le traité CE n’était pas in concreto plus favorable que le traité CECA et que, par conséquent, le principe de la lex mitior ne pouvait de toute façon pas être valablement invoqué pour contester l’application du traité CECA aux comportements en cause en l’espèce.

25      En deuxième lieu, s’agissant de l’application de l’article 65, paragraphe 1, CA, premièrement, la Commission a relevé que l’entente avait pour objet la fixation des prix en fonction de laquelle avait également été convenue la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes. Selon la Commission, en ce qui concerne la fixation des prix, l’entente s’était essentiellement articulée autour des accords ou pratiques concertées relatifs au prix de base pendant la période allant du 15 avril 1992 au 4 juillet 2000 (et, jusqu’en 1995, autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux délais de paiement) et autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux « suppléments » pendant la période allant du 6 décembre 1989 au 1er juin 2000 (considérants 399 et 400 de la première décision).

26      Deuxièmement, s’agissant des effets sur le marché des pratiques restrictives en cause, la Commission a indiqué que, dès lors qu’il était question d’une entente dont l’objectif était d’empêcher, de limiter ou d’altérer le jeu normal de la concurrence, il n’était pas nécessaire de vérifier qu’elle avait produit des effets sur le marché (considérant 512 de la première décision). Elle a toutefois estimé que l’entente avait eu des effets concrets sur le marché (considérants 513 à 518 de la première décision). En particulier, la Commission a conclu que l’entente avait influencé le prix de vente pratiqué par les producteurs de ronds à béton en Italie, même si les mesures prises au sein de l’entente n’avaient pas toujours immédiatement produit les résultats espérés par les entreprises qui y participaient. En outre, selon la Commission, il a pu y avoir des phénomènes aux effets différés. Par ailleurs, les entreprises en cause représentaient environ 21 % du marché italien des ronds à béton en 1989, 60 % en 1995 et environ 83 % en 2000, ce qui indiquerait un effet croissant sur le marché des augmentations de prix concertées. La Commission a enfin souligné que le fait que les initiatives prises en cette matière étaient, dès 1989, communiquées à l’ensemble des producteurs de ronds à béton avait accru l’importance de ces effets également durant les premières années de l’entente (considérant 519 de la première décision).

27      En troisième lieu, la Commission a identifié les destinataires de la première décision. Pour ce qui concerne la requérante, la Commission a indiqué, aux considérants 530 à 532 de la première décision, que, dans la décision de 2002, Feralpi Siderurgica était l’entreprise à laquelle étaient imputables, non seulement ses propres agissements, mais aussi ceux de Feralpi Siderurgica Srl et de la première Feralpi Siderurgica SpA. Selon la Commission, il existerait une identité et une continuité économiques et juridiques évidentes entre la première Feralpi Siderurgica SpA, Feralpi Siderurgica Srl et la deuxième Feralpi Siderurgica SpA, cette dernière ayant poursuivi l’activité des deux autres, en particulier dans le secteur des ronds à béton. La Commission a, à cet égard, ajouté que les personnes occupant les postes de président, de membre délégué du conseil d’administration et de directeur du bureau commercial Italie étaient restées les mêmes depuis 1989. La Commission en a conclu que la première Feralpi Siderurgica SpA, Feralpi Siderurgica Srl, la deuxième Feralpi Siderurgica SpA et Feralpi Holding devaient être considérées comme la même personne morale et que la requérante était responsable de l’infraction commise par ses prédécesseurs légaux et était donc le destinataire de la première décision.

28      En quatrième lieu, la Commission a considéré que l’article 65, paragraphe 2, CA et l’article 81, paragraphe 3, CE étaient inapplicables en l’espèce (considérants 567 à 570 de la première décision). Elle a également souligné que les règles en matière de prescription énoncées à l’article 25 du règlement n° 1/2003 ne l’empêchaient pas d’adopter la première décision (considérants 571 à 574 de la première décision).

29      En cinquième lieu, s’agissant du calcul du montant des amendes infligées en l’espèce, la Commission a indiqué que, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, elle pouvait infliger des amendes aux entreprises qui avaient violé les règles de concurrence. Le plafond des amendes prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 étant différent de celui fixé à l’article 65, paragraphe 5, CA, la Commission a indiqué qu’elle appliquerait le plafond le plus bas, conformément au principe de la lex mitior (considérant 576 de la première décision). Elle a également indiqué que, ainsi qu’elle en avait informé les entreprises concernées par lettre du 30 juin 2008, elle avait décidé d’appliquer, en l’espèce, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »). Elle a ajouté que, en l’espèce, toutefois, elle tiendrait compte du fait qu’elle avait déjà décidé du montant des amendes qu’elle comptait infliger aux entreprises en cause lors de l’adoption de la décision de 2002 (considérants 579 et 580 de la première décision).

30      Premièrement, la Commission a considéré qu’une entente ayant pour objet la fixation des prix, mise en œuvre de différentes manières, notamment en ayant recours à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, constituait une infraction très grave au droit de la concurrence de l’Union (considérant 591 de la première décision). La Commission a rejeté les arguments des entreprises en cause selon lesquels la gravité de l’infraction serait atténuée eu égard aux effets concrets limités sur le marché et au contexte économique dans lequel celles-ci auraient évolué (considérants 583 à 596 de la première décision). Selon la Commission, sans préjudice du caractère très grave de l’infraction, elle a tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, des caractéristiques spécifiques de la présente affaire, en l’occurrence le fait qu’elle portait sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises destinataires de la première décision détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (considérant 599 de la première décision).

31      Deuxièmement, la Commission a considéré le poids spécifique de chaque entreprise et a classé celles-ci en fonction de leur importance relative sur le marché en cause. Dès lors que les parts de marché relatives atteintes par les destinataires de la première décision au cours de la dernière année complète de l’infraction (1999) n’avaient pas été considérées par la Commission comme représentatives de la présence effective de ces dernières sur le marché en cause au cours de la période de référence, la Commission a distingué, sur la base des parts de marché moyennes au cours de la période 1990-1999, trois groupes d’entreprises, à savoir, tout d’abord, Feralpi et Valsabbia, à qui elle a appliqué un montant de départ de l’amende de 5 millions d’euros, ensuite, Lucchini-SP, Alfa, Riva et Leali-AFLL, à qui elle a appliqué un montant de départ de l’amende de 3,5 millions d’euros, et, enfin, IRO et Ferriere Nord, à qui elle a appliqué un montant de départ de 1,75 million d’euros (considérants 599 à 602 de la première décision).

32      Afin d’assurer à l’amende un effet suffisamment dissuasif, la Commission a augmenté le montant de départ de l’amende de Lucchini-SP de 200 % et celui de Riva de 375 % (considérants 604 et 605 de la première décision).

33      Troisièmement, la Commission a estimé que l’entente avait duré du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000. S’agissant de la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a relevé que celle-ci s’étendait du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 (considérant 606 de la première décision).

34      L’infraction ayant duré plus de dix ans et six mois pour l’ensemble des entreprises, à l’exception de Ferriere Nord, le montant de départ de l’amende a été augmenté de 105 % pour toutes les entreprises, à l’exception de Ferriere Nord, dont le montant de départ a été majoré de 70 %. Les montants de base des amendes ont partant été fixés comme suit :

–        Feralpi : 10,25 millions d’euros ;

–        Valsabbia : 10,25 millions d’euros ;

–        Lucchini-SP : 14,35 millions d’euros ;

–        Alfa : 7,175 millions d’euros ;

–        Riva : 26,9 millions d’euros ;

–        Leali-AFLL : 7,175 millions d’euros ;

–        IRO : 3,58 millions d’euros ;

–        Ferriere Nord : 2,97 millions d’euros (considérants 607 et 608 de la première décision).

35      Quatrièmement, pour ce qui concerne les circonstances aggravantes, la Commission a relevé que Ferriere Nord avait déjà été destinataire d’une décision de la Commission, adoptée le 2 août 1989, pour sa participation à une entente portant sur la fixation des prix et la limitation des ventes dans le secteur des treillis soudés et a augmenté de 50 % le montant de base de son amende. Aucune circonstance atténuante n’a été retenue par la Commission (considérants 609 à 623 de la première décision).

36      Cinquièmement, s’agissant de la détermination du montant maximal de l’amende conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission a estimé que le montant de l’amende imposé aux entreprises en cause n’excédait pas le plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé pour les produits relevant du traité CECA sur le territoire de l’Union en 2007 (considérants 630 à 632 de la première décision).

37      Sixièmement, s’agissant de l’application de la communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4 ), la Commission a indiqué que Ferriere Nord lui avait fourni des indications utiles qui lui avaient permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente avant l’envoi de la communication des griefs, en sorte qu’elle lui avait octroyé une réduction de 20 % du montant de son amende. La Commission a considéré que les autres entreprises en cause n’avaient pas satisfait aux conditions de ladite communication (considérants 633 à 641 de la première décision).

38      Le dispositif de la première décision se lit comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 65, paragraphe 1, [CA] en participant, au cours des périodes indiquées, à un accord continu et/ou à des pratiques concertées concernant les ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avaient pour objet et/ou pour effet la fixation des prix et la limitation et/ou le contrôle de la production ou des ventes sur le marché commun :

–        [Leali-AFLL], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Alfa], du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000 ;

–        [Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Feralpi], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [IRO], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Lucchini-SP], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Riva], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Ferriere Nord], du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l’article 1er :

–        [Alfa] : 7,175 millions d’EUR ;

–        [Feralpi]: 10,25 millions d’EUR ;

–        [Ferriere Nord] : 3,57 millions d’EUR ;

–        [IRO] : 3,58 millions d’EUR ;

–        [Leali et AFLL], solidairement : 6,093 millions d’EUR ;

–        [Leali] : 1,082 million d’EUR ;

–        [Lucchini et SP], solidairement : 14,35 millions d’EUR ;

–        [Riva] : 26,9 millions d’EUR ;

–        [Valsabbia Investimenti et Ferriera Valsabbia], solidairement : 10,25 millions d’EUR.

[…] »

 Développements postérieurs à la notification de la première décision

39      Par lettres envoyées entre le 20 et le 23 novembre 2009, huit des onze sociétés destinataires de la première décision, à savoir la requérante, Alfa, Riva, IRO, Ferriere Nord, Lucchini, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti, ont indiqué à la Commission que l’annexe de la première décision, telle que notifiée à ses destinataires, ne contenait pas les tableaux illustrant les variations de prix.

40      Le 24 novembre 2009, les services de la Commission ont informé tous les destinataires de la première décision qu’ils feraient le nécessaire pour qu’une décision contenant lesdits tableaux leur soit notifiée.

 Décision modificative

41      Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté la décision modificative, qui intégrait dans son annexe les tableaux manquants et corrigeait les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page.

42      Le dispositif de la décision modificative portait modification des notes en bas de page nos 102, 127, 198, 264, 312, 362, 405 et 448 de la première décision. Les tableaux figurant en annexe de la décision modificative ont été ajoutés comme annexes de la première décision.

 Procédure et conclusions des parties

43      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2010, la requérante a introduit le présent recours.

44      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner, au titre de l’instruction, les mesures opportunes, en application de l’article 65 et de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, afin de vérifier le respect du principe de collégialité dans la procédure d’adoption de la première décision;

–        déclarer, au fond :

–        la nullité ou l’inexistence de la décision de réadoption ;

–        à titre subsidiaire, l’annulation totale ou partielle de la décision de réadoption, en ce qu’elle constate l’existence d’une violation de l’article 65 CECA ou en ce qu’elle constate la participation de la requérante à l’infraction alléguée, ainsi que l’annulation ou la réduction de l’amende infligée à la requérante par cette décision ;

–        condamner la Commission aux dépens.

45      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les mesures d’instruction demandées ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

46      La composition des chambres ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

47      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale dans la présente affaire et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé une question écrite à la Commission. Celle-ci y a répondu dans le délai imparti.

48      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 25 mars 2014.

 En droit

49      Au soutien de son recours, la requérante invoque sept moyens. Le premier est tiré de la violation de l’obligation de motivation et du principe de collégialité et d’un vice dans la procédure de réadoption de la décision de 2002. Le deuxième est tiré du caractère inadéquat de la base juridique de la décision attaquée. Le troisième est tiré de la violation des droits de la défense et des principes de bonne administration, de proportionnalité et d’égalité des armes. Le quatrième est tiré d’une violation des critères d’imputation, d’une appréciation erronée des faits et de l’absence d’instruction et de motivation. Le cinquième est tiré de la définition erronée du marché en cause. Le sixième est tiré de l’appréciation erronée des faits, de la violation de l’article 65 CA, de la violation du principe de non-discrimination et de la violation de l’article 296 TFUE. Enfin, le septième est tiré de la détermination erronée du montant de l’amende.

1.     Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du principe de collégialité et d’un vice dans la procédure de réadoption de la décision de 2002

50      La requérante rappelle que la première décision ne contenait pas une annexe contenant des tableaux qui expliquent les variations des prix des ronds à béton durant la mise en œuvre de l’entente. Ces tableaux feraient partie intégrante de la motivation de la première décision, celle-ci se limitant dans de nombreux passages à renvoyer au contenu des tableaux manquants. Il s’ensuivrait que le collège des commissaires n’a pas pu exprimer ses appréciations et délibérer sur un acte complet en tous ses composants en fait et en droit, ce qui mettrait en doute la validité de la décision attaquée, et au demeurant son existence. Eu égard à ce qui précède, la requérante demande au Tribunal d’ordonner les mesures d’instruction opportunes, à savoir la production de toute la documentation pertinente relative aux délibérations du collège des commissaires, afin de vérifier si le collège des commissaires a pu effectivement se prononcer sur l’ensemble des éléments essentiels de fait et de droit en l’espèce.

51      S’agissant de l’argument de la requérante mettant en doute l’existence même de la décision attaquée, il doit être rappelé qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que les actes des institutions de l’Union jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et, partant, produisent des effets juridiques, même s’ils sont entachés d’irrégularités, aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés ou retirés (arrêts de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, point 48 ; du 8 juillet 1999, Hoechst/Commission, C‑227/92 P, Rec. p. I‑4443, point 69, et du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C‑475/01, Rec. p. I‑8923, point 18).

52      Toutefois, par exception à ce principe, les actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique de l’Union doivent être réputés n’avoir produit aucun effet juridique, même provisoire, c’est-à-dire être regardés comme juridiquement inexistants. Cette exception vise à préserver un équilibre entre deux exigences fondamentales, mais parfois antagonistes, auxquelles doit satisfaire un ordre juridique, à savoir la stabilité des relations juridiques et le respect de la légalité (arrêts Commission/BASF e.a., point 51 supra, point 49, et Hoechst/Commission, point 51 supra, point 70).

53      La gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de l’Union postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes (arrêts Commission/BASF e.a., point 51 supra, point 50, et Hoechst/Commission, point 51 supra, point 76).

54      Il doit d’emblée être constaté en l’espèce que les irrégularités invoquées par la requérante n’apparaissent pas d’une gravité à ce point évidente que la décision attaquée doive être regardée comme juridiquement inexistante.

55      En premier lieu, la requérante affirme que les tableaux qui ne figuraient pas en annexe de la première décision constituaient un élément essentiel de la motivation de cette décision.

56      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 15 CA doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 24 septembre 1996, NALOO/Commission, T‑57/91, Rec. p. II‑1019, point 298, et du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 129 ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec. p. I‑9555, point 131, et la jurisprudence citée).

57      Par ailleurs, dans le cadre des décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I-8947, point 148, et la jurisprudence citée).

58      La motivation doit donc, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief (arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 57 supra, point 149).

59      Il y a lieu de constater que la première décision ne comportait pas ses annexes, parmi lesquelles figuraient plusieurs tableaux auxquels il était fait référence aux considérants 451 (tableau 13), 513 (tableaux 1 et 3), 515 (tableaux 1, 2 et 3), 516 (tableaux 9, 11 à 14 et 16) et 518 (tableaux 11, 12 et 14) ainsi qu’aux notes en bas de page nos 102 (tableaux 15 à 17), 127 (tableaux 18 à 21), 198 (tableaux 22 et 23), 264 (tableaux 24 et 25), 312 (tableau 26), 362 (tableau 27), 405 (tableau 28), 448 (tableaux 29 et 30) et 563 (ensemble des tableaux annexés à la décision attaquée) de cette décision. La Commission affirme à cet égard que les tableaux en cause ne font que reproduire de façon schématique et synthétique les éléments déjà contenus dans la première décision.

60      Il y a dès lors lieu de vérifier si, indépendamment de l’absence des tableaux en annexe de la première décision, cités au point 55 ci-dessus, les considérants pertinents de cette décision au soutien desquels lesdits tableaux ont été mentionnés font apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission et ont permis à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise.

61      À titre liminaire, il doit être relevé que l’ensemble des tableaux manquants dans la première décision avaient déjà été joints à la communication des griefs, produite par la requérante en annexe de son recours.

62      En outre, il doit être souligné que, dans la décision modificative, la Commission n’a pas modifié l’ensemble des références aux tableaux manquants dans la première décision, mais uniquement les références figurant aux notes en bas de page nos 102, 127, 198, 264, 312, 362, 405 et 448 de celle-ci.

63      Premièrement, s’agissant des tableaux 15 à 17 (mentionnés dans la note en bas de page n° 102 de la première décision), il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon cette note en bas de page, la reproduction des « données concernant les modifications des prix des ‘suppléments de dimension’ qui ont caractérisé l’industrie des ronds à béton en Italie entre décembre 1989 et juin 2000 ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien de la première phrase du considérant 126 de la première décision, qui est libellée comme suit :

« Au cours de la première réunion dont la Commission a eu connaissance (celle du 6 décembre 1989, à l’[Association des industriels de Brescia]), les participants ont décidé à l’unanimité d’augmenter, à partir du lundi 11 décembre 1989, les suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton, en barres et en rouleaux, destinés au marché italien (+ 10 ITL/kg pour les ‘suppléments’ de 14 à 30 mm, + 15 ITL/kg pour ceux de 8 à 12 mm, + 20 ITL/kg pour ceux de 6 mm ; augmentation générale de 5 ITL/kg pour le matériel en rouleaux). »

64      Il y a lieu de constater que la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les augmentations des suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton qui avaient été décidées par les participants à la réunion du 6 décembre 1989 ainsi que leur date d’entrée en vigueur. Par ailleurs, s’agissant des augmentations ultérieures qui, selon la note en bas de page n° 102 de la première décision, sont également reprises dans ces tableaux (dès lors qu’ils couvrent la période comprise entre 1989 et 2000), il doit être relevé qu’elles ne font pas l’objet du point 4.1 de la première décision, auquel se rapporte le considérant 126, relatif au comportement des entreprises entre 1989 et 1992. En tout état de cause, ces augmentations sont également mentionnées notamment aux considérants 126 à 128 et 133 (pour les années 1989-1992), 93 et 94 (pour les années 1993-1994), 149, 150, 151, 162 et 163 (pour 1995), 184 et 185 (pour 1996), 199, 200 et 213 (pour 1997), 269 (pour 1999), et 296 à 304 (pour 2000) ainsi qu’aux considérants 439 et 515 de la première décision.

65      Deuxièmement, en ce qui concerne les tableaux 18 à 21, mentionnés dans la note en bas de page n° 127 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon cette note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents concernant la période fin 1989/fin 1992, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 131 de la première décision, qui dispose comme suit :

« En ce qui concerne les prix de base des ronds à béton pratiqués durant la période d’application de l’accord susmentionné, notons qu’IRO et (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA ont appliqué, à partir du 16 avril 1992, le prix de 210 ITL/kg et, à partir du 1er/6 mai 1992, celui de 225 ITL/kg. À partir du 1er/8 juin 1992, IRO, (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA, Acciaieria di Darfo SpA et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA ont appliqué le prix de 235 ITL/kg. »

66      Il doit dès lors être constaté que, tout en s’appuyant sur cinq pages du dossier administratif, mentionnées dans la note en bas de page n° 126 de la première décision, la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les prix de base qui avaient été fixés par les entreprises qui y étaient mentionnées ainsi que leur date d’entrée en vigueur. En outre, il doit être relevé que la Commission, au considérant 419 de la première décision, a considéré que le premier comportement relatif à la fixation du prix de base avait eu lieu au plus tard le 16 avril 1992. Les éventuelles données figurant dans les tableaux 18 à 21 de la décision modificative, relatives aux prix de base pour la période comprise, selon la note en bas de page n° 127 de la première décision, entre « fin 1989 » et le 16 avril 1992, sont partant sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 131 de la première décision.

67      Troisièmement, s’agissant des tableaux 22 et 23, mentionnés dans la note en bas de page n° 198 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents concernant les années 1993 et 1994, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 145 de la première décision, qui est rédigé comme suit :

« Comme prévu dans la télécopie de la Federacciai du 25 novembre 1994, une nouvelle réunion s’est tenue le 1er décembre 1994 à Brescia, au cours de laquelle ont été prises les décisions précisées dans une autre télécopie de la Federacciai reçue par les entreprises le 5 décembre 1994. Ces décisions avaient pour objet :

–        les prix des ronds à béton (320 ITL/kg, base au départ de Brescia, avec effet immédiat) ;

–        les paiements (à partir du 1er janvier 1995, le délai maximum sera de 60/90 jours fin de mois ; à partir du 1er mars 1995, le délai sera limité à 60 jours) et les rabais ;

–        la production (obligation, pour chacune des entreprises, de communiquer à la Federacciai, avant le 7 décembre 1994, les poids en tonnes des ronds à béton produits en septembre, octobre et novembre 1994).

Alfa Acciai Srl a adopté le nouveau prix de base le 7 décembre 1994. Le 21 décembre 1994, Acciaieria di Darfo SpA l’a également adopté, et Alfa Acciai Srl a confirmé à nouveau le même prix. Le prix de base de [Lucchini-SP] relatif à janvier 1995 était aussi de 320 ITL/kg. »

68      À cet égard, il doit être souligné que les tableaux visés dans la note en bas de page n° 198 de la première décision ont été mentionnés par la Commission au soutien de son affirmation selon laquelle « Alfa Acciai Srl a[vait] adopté le nouveau prix de base le 7 décembre 1994 », « [l]e 21 décembre 1994, Acciaieria di Darfo SpA l’a[vait] également adopté, et Alfa Acciai Srl a[vait] confirmé à nouveau le même prix ». Or, le « nouveau prix de base » et le « même prix » auxquels il était fait référence étaient le prix de 320 lires italiennes par kilo (ITL/kg), mentionné au premier tiret dudit considérant. Les éventuelles données figurant dans les tableaux 22 et 23 de la décision modificative, relatives aux prix de base pour la période comprise entre 1993 et le 7 décembre 1994, sont dès lors sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 145 de la première décision.

69      Quatrièmement, pour ce qui concerne les tableaux 24 et 25, mentionnés dans la note en bas de page n° 264 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1995, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 174 de la première décision, qui est rédigé comme suit :

« Par la suite, dans un document remontant aux premiers jours d’octobre 1995, en possession de la Federacciai (manuscrit de la secrétaire du directeur général faisant fonction), il est affirmé que :

–        la clientèle remettait en discussion les paiements (d’où la nécessité d’une communication qui réaffirme la fermeté sur les paiements) ;

–        depuis la semaine précédente, le prix des ronds à béton avait encore diminué de 5/10 ITL/kg, se situant ainsi autour de 260/270 ITL/kg dans la zone de Brescia, avec des cotations inférieures à 250 ITL/kg en dehors de cette zone ;

–        la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix ;

–        il fallait demander aux entreprises les données relatives aux commandes des semaines 39 (du 25 au 29 septembre 1995) et 40 (du 2 au 6 octobre 1995). »

70      Il doit ainsi être relevé que, au considérant 174 de la première décision, la Commission s’est limitée à rendre compte du contenu d’un document manuscrit de la secrétaire du directeur général faisant fonction, établi en octobre 1995. À cet égard, la Commission ne s’est référée aux tableaux 24 et 25 qu’au soutien de l’affirmation figurant dans ce document, selon laquelle « la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix ». Les tableaux 24 et 25 apparaissent dès lors sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 174 de la première décision.

71      Cinquièmement, s’agissant du tableau 26, mentionné dans la note en bas de page n° 312 de la première décision, il y a lieu de constater qu’il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1996, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission à l’appui de l’affirmation figurant au considérant 200 de la première décision, selon laquelle, « [d]urant la période qui va du 22 octobre 1996 au 17 juillet 1997, il y a[vait] eu au moins douze réunions des responsables commerciaux des entreprises, qui [s’étaient] déroulées[, en particulier, le] mardi 22 octobre 1996, où a[vaient] été confirmés pour le mois de novembre 1996 le prix de 230 ITL/kg base départ Brescia et le maintien de la cotation de 210 ITL/kg exclusivement pour les livraisons d’octobre ».

72      Force est partant de constater que, nonobstant l’absence du tableau 26 de la première décision, la Commission a expressément mentionné, au considérant 200 de celle-ci, les prix de base de la période en cause ainsi que le moment de leur entrée en vigueur.

73      Sixièmement, pour ce qui concerne le tableau 27, mentionné dans la note en bas de page n° 362 de la première décision, il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1997, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 216 de la première décision, lequel est libellé comme suit :

« Quoi qu’il en soit, [Lucchini-SP …], Acciaieria di Darfo SpA, Alfa Acciai Srl, Feralpi Siderurgica Srl, IRO, Riva Prodotti Siderurgici SpA et (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA sont les sept entreprises auxquelles est destinée une communication (datée du 24 novembre 1997) de M. Pierluigi Leali, ayant pour objet l’‘accord prix-livraisons’ […] ‘Le prix de 270 ITL/kg n’a été demandé que par peu d’entreprises, en vain – continuait la communication –, alors qu’en réalité la cotation s’est stabilisée à 260 ITL/kg, avec quelques pics inférieurs, comme beaucoup l’ont confirmé lors de la dernière réunion des responsables commerciaux. Nous notons toutefois avec une satisfaction partielle que la chute s’est arrêtée grâce au contingentement des livraisons que nous respectons tous et qui, conformément aux accords, sera vérifié par des inspecteurs externes nommés à cet effet.’ ‘En cette fin de mois – poursuivait encore la communication –, qui se traîne désormais par inertie, il est indispensable d’intervenir par un durcissement immédiat sur la cotation minimum de 260 ITL/kg (qui n’aura certainement pas d’influence sur les acquisitions peu nombreuses de cette période). Avec la planification des livraisons de décembre convenues (– 20 % par rapport à novembre), nous sommes certainement en mesure de maintenir le niveau de prix convenu ; il est toutefois indispensable – concluait M. Pierluigi Leali – que personne n’accepte de dérogations sur le prix minimum établi (260 ITL/kg).’ »

74      Il résulte ainsi du libellé dudit considérant que la Commission s’est limitée à reproduire les termes de la communication du 24 novembre 1997 qui y est mentionnée. Le tableau 27 apparaît dès lors sans pertinence pour la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 216 de la première décision.

75      Septièmement, s’agissant du tableau 28, mentionné dans la note en bas de page n° 405 de la première décision, il y a lieu de constater qu’il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini/Siderpotenza, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1998, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 241 de la première décision, lequel est libellé comme suit :

« Le 11 septembre 1998, M. Pierluigi Leali a envoyé une communication […] dans laquelle, en référence à l’intention exprimée (au cours d’une rencontre le 9 septembre 1998) de maintenir la cotation minimum à ‘170 ITL base départ’ ???, on notait ‘des comportements anormaux, à savoir des cotations inférieures en moyenne de 5 ITL/kg au niveau établi, et qui étaient encore plus importantes dans certaines zones du Sud’. ‘Pour notre part – écrivait M. Pierluigi Leali – le niveau minimum convenu est maintenu grâce à une réduction en conséquence du flux de commandes’. ‘Nous espérons – concluait la communication – que, lors de la réunion des responsables commerciaux de ce mardi 15, l’on pourra observer une bonne tenue des prix, en mesure de faire remonter éventuellement la cotation.’ »

76      Il ressort donc des termes mêmes dudit considérant que la Commission s’est limitée à reproduire le contenu de la communication du 11 septembre 1998 qui y est mentionnée. Le tableau 28 apparaît dès lors sans pertinence pour la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 241 de la première décision.

77      Huitièmement, s’agissant des tableaux 29 et 30, mentionnés dans la note en bas de page n° 448 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini/Siderpotenza, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1999, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 276 de la première décision, lequel se lit comme suit :

« Des informations supplémentaires sur la situation du marché des ronds à béton en Italie durant cette période sont contenues dans un document rédigé par Leali le 10 novembre 1999, et en particulier dans la section intitulée ‘Bénéfices et limites de l’accord commercial de 1999’ où l’on peut lire : ‘L’accord de base conclu entre les producteurs nationaux a permis, durant l’année 1999, d’inverser la situation de faiblesse des prix qui avait caractérisé les deux exercices précédents (1997 et 1998) et de récupérer plus de 50 ITL/kg brut de marge. Durant l’année 1998, la marge brute moyenne (prix de vente – coût des matières premières) était de 70 ITL/kg, et pendant 5 mois elle était descendue sous ce seuil’. ‘L’accord obtenu a permis de stabiliser les prix de vente en cours d’année, et les producteurs ont pu bénéficier de la situation des coûts de la matière première, en accroissant la marge brute de plus de 50 ITL/kg, pour la porter à 122 ITL/kg net.’ »

78      Il ressort donc du libellé du considérant 276 de la première décision que la Commission s’est limitée à reproduire le contenu de la communication du 10 novembre 1999 qui y est mentionnée. L’absence des tableaux 29 et 30 est dès lors sans incidence sur la compréhension du grief de la Commission figurant audit considérant de la première décision.

79      Neuvièmement, le tableau 13, mentionné au considérant 451 de la première décision, est cité au soutien de l’affirmation selon laquelle, « [e]n ce qui concerne l’année 1997, il conv[enait] de constater qu’elle a[vait] été caractérisée, au cours de son premier semestre, par une augmentation constante du prix de base fixé par l’entente anticoncurrentielle : 190 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 30 janvier ; 210 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 14 février ; 250 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 10 juillet (considérant 200) », et selon laquelle, « [a]u cours de la même période, le prix de base moyen de marché a[vait], lui aussi, augmenté constamment, passant des 170 ITL/kg de janvier aux 240 ITL/kg de juillet (tableau 13 en annexe) ; en septembre de la même année, le prix de base moyen de marché a[vait] encore augmenté, pour atteindre les 290 ITL/kg (tableau 13 en annexe) ». Il y a dès lors lieu de constater que la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les augmentations du prix de base relatives à l’année 1997, en sorte que ledit tableau n’apparaît pas indispensable à la compréhension du raisonnement de la Commission.

80      Dixièmement, il doit être relevé que, au considérant 496 de la première décision (note en bas de page n° 563 de cette décision), la Commission s’est référée, de manière globale, aux « tableaux annexés à la présente décision », aux fins de soutenir l’affirmation selon laquelle « [s]es informations […] montr[ai]ent que toutes les entreprises impliquées dans la présente procédure [avaie]nt publié des barèmes durant la période en cause ». Il y a toutefois lieu de souligner que le considérant 496 de la première décision fait référence également aux considérants 419 à 433 de celle-ci, qui « dressent la liste de toutes les occasions avérées où le prix de base a fait l’objet de discussions entre les entreprises (y compris l’association) ». À cet égard, la Commission a précisé que, « [p]armi ces occasions, certaines [avaie]nt déjà été mentionnées lorsque le concours de volontés a[vait] été évoqué (considérants 473 à 475) », que, « [p]our les autres occasions, entre 1993 et 2000, il f[allait] recourir à la notion de concertation » et que « [l]’objet de cette concertation était d’influer sur le comportement des producteurs sur le marché et de rendre public le comportement que chacun d’entre eux se proposait d’adopter concrètement en matière de détermination du prix de base ». L’ensemble des tableaux annexés à la décision modificative n’apparaissent donc pas indispensables à la compréhension du grief de la Commission.

81      Onzièmement, pour ce qui concerne les références aux tableaux 1 à 3, 9, 11 à 14 et 16 aux considérants 513, 515, 516 et 518 de la première décision, il doit être souligné que lesdits considérants s’insèrent dans la subdivision de cette décision relative aux effets sur le marché des pratiques restrictives et qu’il résulte de l’analyse de leur contenu que les tableaux qui y sont mentionnés soit ne font que reprendre les données chiffrées qui y sont mentionnées, soit ne sont pas indispensables à la compréhension du raisonnement de la Commission s’agissant des effets de l’entente.

82      Eu égard aux considérations qui précèdent, il ne saurait être considéré que l’absence des tableaux visés au point 55 ci-dessus en annexe de la première décision a empêché la requérante de comprendre les griefs figurant dans cette décision.

83      En second lieu, la requérante fait valoir que le principe de collégialité a été méconnu.

84      Il doit être rappelé que le dispositif et les motifs d’une décision, qui doit être obligatoirement motivée en vertu de l’article 15 CA, constituent un tout indivisible, de sorte qu’il appartient uniquement au collège des membres de la Commission, en vertu du principe de collégialité, d’adopter à la fois l’un et les autres, toute modification des motifs dépassant une adaptation purement orthographique et grammaticale étant du ressort exclusif du collège (voir, par analogie, arrêt Commission/BASF e.a., point 51 supra, points 66 à 68, et arrêt du Tribunal du 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T‑93/02, Rec. p. II‑143, point 124).

85      En l’espèce, il y a lieu de considérer, d’une part, que la requérante n’allègue pas l’absence de délibération en commun de la première décision ni la responsabilité collective du collège, sur le plan politique, de cette décision et, d’autre part, que l’absence, en annexe de la première décision, des tableaux mentionnés au point 55 ci-dessus ne saurait entraîner l’illégalité de la décision attaquée que si une telle absence n’avait pas permis au collège de sanctionner la conduite visée à l’article 1er de la première décision en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T‑69/89, Rec. p. II‑485, points 23 à 25 ; du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, Rec. p. II‑2137, point 88 ; du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 742, et du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié au Recueil, points 104 et 105).

86      Dès lors que, indépendamment de l’absence des tableaux susmentionnés, les éléments sur lesquels la première décision est fondée sont exposés à suffisance de droit dans le texte même de celle-ci (voir points 62 à 81 ci-dessus), il ne saurait être affirmé que le collège des membres de la Commission ne disposait pas, lors de l’adoption de la première décision, d’une connaissance pleine et entière des éléments sur la base desquels la mesure reposait. Il s’ensuit que le collège a sanctionné la conduite visée à l’article premier de la première décision en pleine connaissance de cause.

87      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le présent moyen, sans qu’il y ait lieu de faire droit aux demandes de mesures d’instruction formulées par la requérante (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, Rec. p. I‑10005, points 77 à 79, et la jurisprudence citée).

2.     Sur le deuxième moyen, tiré du caractère inadéquat de la base juridique de la décision attaquée

88      La requérante soutient que le fondement juridique de la décision attaquée est inadéquat, dès lors que, à la suite de l’expiration du traité CECA le 23 juillet 2002, il n’existerait plus aucune règle attribuant compétence à la Commission pour agir.

89      En premier lieu, la requérante rappelle les motifs de l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, qui ne sembleraient pas exclure sa thèse selon laquelle l’adoption d’un régime transitoire spécifique au niveau intergouvernemental était nécessaire pour assurer la transition entre le régime du traité CECA et le régime du traité CE, notamment dans le cadre des procédures en matière de concurrence.

90      En deuxième lieu, la requérante soutient que l’expiration du traité CECA a entraîné un problème de succession entre organisations internationales et de transfert des compétences exercées jusqu’alors par la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), eu égard à l’absence de disposition transitoire dans le traité CECA réglant les conséquences de son expiration ou d’adoption ultérieure par les États membres de dispositions de cette nature par voie séparée. Premièrement, le transfert de fonctions et de compétences d’une organisation internationale à une autre supposerait le consentement préalable des États intéressés, exprimé dans les formes traditionnelles du droit international. Deuxièmement, une exploration des solutions retenues dans divers secteurs concernés montrerait que le choix de la Commission de recourir à la communication du 18 juin 2002 affecterait l’ensemble du régime transitoire entre le régime du traité CECA et le régime du traité CE pour les procédures en matière de concurrence. À cet égard, la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant l’expiration du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (JO C 247, p. 5), aurait déjà prévu qu’à l’expiration du traité CECA son patrimoine réintégrerait le patrimoine des États membres, conformément au droit international, à moins que les États n’en décident autrement d’un commun accord, et inviterait la Commission à soumettre des propositions concernant d’autres domaines touchés par l’expiration du traité CECA. Ces mesures auraient concerné la gestion du patrimoine de la CECA, le financement et la gestion des programmes de recherche et la politique commerciale. La succession entre le régime du traité CECA et celui du traité CE n’aurait donc pas été automatique, mais se serait produite par une intervention législative spécifique des États membres, en vertu d’une décision gouvernementale ou d’un acte règlementaire.

91      La position de Feralpi serait renforcée par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, et notamment de son article 1er, troisième alinéa, et du titre VII du protocole n° 36 sur les dispositions transitoires, les États membres ayant estimé nécessaire de réglementer expressément la succession de l’Union et de la Communauté européenne (CE). Il serait question en l’espèce d’un phénomène identique.

92      En troisième lieu, il résulterait de ce qui précède que la Commission a commis une erreur dans le choix de la base juridique de la décision attaquée. Premièrement, l’absence de régime transitoire retirerait toute pertinence au renvoi aux articles 7 et 23 du règlement n° 1/2003. Ces dispositions limiteraient expressément leur possibilité d’application aux seules infractions relevant des articles 81 CE et 82 CE. Le règlement n° 1/2003 serait entré en vigueur postérieurement à l’adoption de la décision de 2002, en sorte que si le Conseil avait réellement voulu procéder à une telle extension, il aurait pu en prévoir l’application à des hypothèses infractionnelles nées et devenues définitives sous l’empire du traité CECA, par l’introduction d’un régime transitoire spécifique. Deuxièmement, ce règlement aurait modifié la répartition des compétences pour l’application des règles de concurrence et, en application de cet acte, l’autorité de concurrence nationale aurait dû traiter de l’affaire. Troisièmement, même si le règlement n° 1/2003 constituait le fondement juridique approprié de la décision attaquée, quod non, la Commission aurait agi de manière erronée, en ne faisant pas application de l’article 81 CE.

93      En quatrième lieu, la requérante affirme que la violation du principe de légalité des peines résulte de manière évidente du renvoi à l’article 23 du règlement n° 1/2003. Ce principe exigerait que la règle prévoyant la sanction soit en vigueur au moment où l’infraction est commise, ce qui vaudrait également pour la compétence relative à son application. Or, en l’espèce, la Commission aurait recouru à un pouvoir de sanction qui n’existait pas au moment où l’infraction a été commise.

 Sur le choix de la base juridique de la décision attaquée

94      Il y a lieu de rappeler que les traités communautaires ont instauré un nouvel ordre juridique au profit duquel les États ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 février 1963, van Gend & Loos, 26/62, Rec. p. 1, et du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, Rec. p. 1141, 1159 ; avis de la Cour 1/91, du 14 décembre 1991, Rec. p. I‑6079, point 21 ; arrêts du Tribunal du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission, T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, Rec. p. II‑4331, point 70, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, Rec. p. II‑2309, point 63).

95      Au sein de cet ordre juridique, les institutions ne disposent que de compétences d’attribution. Pour cette raison, les actes communautaires mentionnent dans leur préambule la base juridique qui habilite l’institution concernée à agir dans le domaine en cause. Le choix de la base juridique appropriée revêt en effet une importance de nature constitutionnelle (voir arrêts SP e.a./Commission, point 94 supra, point 71, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

96      En l’espèce, il doit être constaté que le préambule de la décision attaquée comporte des références à des dispositions du traité CECA, à savoir les articles 36 CA, 47 CA et 65 CA, mais également la mention du traité CE, du règlement n° 17, en particulier de son article 11, du règlement n° 1/2003, à savoir de son article 7, paragraphe 1, de son article 18, et de son article 23, paragraphe 2, et celle du règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18).

97      Il importe de relever en outre que, dans les motifs de la décision attaquée, la Commission a indiqué, au considérant 1, que « [l]a présente décision constat[ait] une infraction à l’article 65, paragraphe 1, [CA] » et qu’elle était « adoptée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 ». Au considérant 3 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que, « [p]ar la présente décision, [elle] inflige[ait] des amendes aux entreprises destinataires au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ».

98      Au considérant 350 de la décision attaquée, la Commission a ainsi indiqué qu’elle estimait que « l’article 7, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 constitu[aient] les bases juridiques appropriées qui l’autoris[aient] à adopter la présente décision » et que, « [s]ur la base de l’article 7, paragraphe 1, [elle] constat[ait] une infraction à l’article 65, paragraphe 1, [CA] et oblige[ait] les destinataires de la présente décision à y mettre fin, tandis qu’en vertu de l’article 23, paragraphe 2, elle leur inflige[ait] des amendes » (voir également considérant 361 de la décision attaquée).

99      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision attaquée, par laquelle la Commission a constaté une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et infligé une amende à la requérante, trouve sa base juridique dans l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 pour la constatation de l’infraction et dans l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 pour l’imposition de l’amende.

 Sur la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement n° 1/2003

100    En premier lieu, il convient de rappeler que la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution de l’Union à adopter l’acte en cause doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci (arrêts de la Cour du 4 avril 2000, Commission/Conseil, C‑269/97, Rec. p. I‑2257, point 45 ; du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 75, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, point 88 ; arrêts SP e.a./Commission, point 94 supra, point 118, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 74), ce qui est incontestablement le cas de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, qui constituent la base juridique de la décision attaquée.

101    En second lieu, il importe de souligner que les traités communautaires ont institué un ordre juridique unique, dans le cadre duquel, ainsi que cela est reflété à l’article 305, paragraphe 1, CE, le traité CECA constituait un régime spécifique dérogeant aux règles à vocation générale établies par le traité CE (voir arrêts du Tribunal du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T‑405/06, Rec. p. II‑771, point 57, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 75, et la jurisprudence citée).

102    Le traité CECA constituait ainsi, en vertu de l’article 305, paragraphe 1, CE, une lex specialis dérogeant à la lex generalis qu’est le traité CE (arrêt de la Cour du 24 octobre 1985, Gerlach, 239/84, Rec. p. 3507, points 9 à 11 ; avis de la Cour 1/94, du 15 novembre 1994, Rec. p. I‑5267, points 25 à 27 ; arrêt SP e.a./Commission, point 94 supra, point 111, et arrêt ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 76, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 70 et 73).

103    Il en résulte que, en ce qui concerne le fonctionnement du marché commun, les règles du traité CECA et l’ensemble des dispositions prises pour son application sont demeurées en vigueur, nonobstant l’intervention du traité CE (arrêts de la Cour Gerlach, point 102 supra, point 9, et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 100 ; arrêt ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 77, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 70 et 73).

104    Toutefois, dans la mesure où des questions ne faisaient pas l’objet de dispositions du traité CECA ou de réglementations adoptées sur la base de ce dernier, le traité CE et les dispositions prises pour son application pouvaient, même avant l’expiration du traité CECA, s’appliquer à des produits relevant du traité CECA (arrêts de la Cour du 15 décembre 1987, Deutsche Babcock, 328/85, Rec. p. 5119, point 10, et Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 103 supra, point 100 ; arrêts du Tribunal du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission, T‑94/03, non publié au Recueil, point 83, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 78, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 70 et 73).

105    En vertu de son article 97, le traité CECA est venu à expiration le 23 juillet 2002. En conséquence, le 24 juillet 2002, le champ d’application du régime général issu du traité CE s’est étendu aux secteurs qui étaient régis initialement par le traité CECA (arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 58, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 79, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, points 59 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 70 et 73).

106    Si la succession du cadre juridique du traité CE à celui du traité CECA a entraîné, à compter du 24 juillet 2002, une modification des bases juridiques, des procédures et des règles de fond applicables, celle-ci s’inscrit dans le contexte de l’unité et de la continuité de l’ordre juridique communautaire et de ses objectifs (arrêts du Tribunal du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, Rec. p. I‑3121, point 55 ; ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 59, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 80, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, points 60 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 71 et 73).

107    À cet égard, il y a lieu de relever que l’instauration et le maintien d’un régime de libre concurrence, au sein duquel les conditions normales de concurrence sont assurées et qui est notamment à l’origine des règles en matière d’aides d’État et d’ententes entre entreprises, constituent l’un des objectifs essentiels tant du traité CE que du traité CECA (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 60, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 81, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, points 60 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 71 et 73).

108    Dans ce contexte, quoique les règles des traités CECA et CE régissant le domaine des ententes divergent dans une certaine mesure, il convient de souligner que les notions d’accord et de pratiques concertées sous l’empire de l’article 65, paragraphe 1, CA répondent à celles d’accord et de pratiques concertées au sens de l’article 81 CE et que ces deux dispositions sont interprétées de la même manière par le juge de l’Union. Ainsi, la poursuite de l’objectif d’une concurrence non faussée dans les secteurs relevant initialement du marché commun du charbon et de l’acier n’est pas interrompue du fait de l’expiration du traité CECA, cet objectif étant également poursuivi dans le cadre du traité CE et par la même institution, la Commission, autorité administrative chargée de la mise en œuvre et du développement de la politique de la concurrence dans l’intérêt général de la Communauté européenne (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 61, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 82, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, points 60 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 71 et 73).

109    La continuité de l’ordre juridique communautaire et des objectifs qui président à son fonctionnement exige ainsi que, en tant qu’elle succède à la Communauté européenne du charbon et de l’acier, et dans le cadre procédural qui est le sien, la Communauté assure, à l’égard des situations nées sous l’empire du traité CECA, le respect des droits et des obligations qui s’imposaient eo tempore tant aux États membres qu’aux particuliers en vertu du traité CECA et des règles prises pour son application. Cette exigence s’impose d’autant plus dans la mesure où la distorsion de la concurrence résultant du non-respect des règles en matière d’ententes est susceptible d’étendre ses effets dans le temps après l’expiration du traité CECA, sous l’empire du traité CE (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 63, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 83, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, points 62 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 72 et 73).

110    La Cour a ainsi également rappelé que la succession des traités CECA, CE et TFUE assurait, en vue de garantir une libre concurrence, que tout comportement correspondant à l’état de fait prévu à l’article 65, paragraphe 1, CA, qu’il ait eu lieu avant ou après le 23 juillet 2002, ait pu être sanctionné par la Commission et puisse continuer de l’être (arrêts ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 65 à 67 et 77, et ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, points 55 à 57 et 65).

111    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence, d’une part, que, conformément à un principe commun aux systèmes juridiques des États membres, dont les origines peuvent être retracées jusqu’au droit romain, il y a lieu, en cas de changement de législation, d’assurer, sauf expression d’une volonté contraire par le législateur, la continuité des structures juridiques et, d’autre part, que ce principe s’applique aux modifications du droit primaire de l’Union (arrêts de la Cour du 25 février 1969, Klomp, 23/68, Rec. p. 43, point 13, et ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, point 63).

112    Or, il n’existe aucun indice de ce que le législateur de l’Union aurait souhaité que les comportements collusoires interdits sous l’empire du traité CECA puissent échapper à l’application de toute sanction après l’expiration de ce dernier (arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, point 64).

113    En effet, d’une part, la Cour a relevé que le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres avaient indiqué être prêts à adopter toutes les mesures nécessaires pour faire face aux conséquences de l’expiration dudit traité. D’autre part, elle a souligné que la Commission avait précisé qu’elle ne devait soumettre des propositions de dispositions transitoires que si une telle démarche était jugée nécessaire et que, au regard des principes généraux de droit applicables, elle considérait qu’une telle nécessité faisait défaut dans le domaine du droit des ententes (arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, point 75).

114    Par conséquent, la requérante ne saurait tirer aucun argument valable de l’absence de dispositions transitoires en la matière (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 76). Elle ne saurait par ailleurs trouver argument dans la « clause de substitution et de succession » qu’elle invoque, qui aurait été introduite par le traité de Lisbonne à l’article 1er, paragraphe 3, TUE, ou dans le titre VII du protocole n° 36 sur les dispositions transitoires. Outre qu’un tel argument est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne aurait modifié les règles juridiques applicables en l’espèce, force est de constater, d’une part, que l’article 1er, troisième alinéa, dudit traité établit la substitution et la succession de l’Union à la CE et est sans incidence sur l’application par les institutions de l’Union des règles du traité CECA à la suite de l’expiration de ce dernier et, d’autre part, que le titre VII du protocole n° 36 est relatif aux dispositions transitoires relatives aux actes adoptés sur la base du titre V, intitulé « Dispositions concernant une politique étrangère et de sécurité commune », et du titre VI, intitulé « Dispositions relatives à la coopération policière et judiciaire en matière pénale », du traité UE avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, et est partant sans pertinence en l’espèce.

115    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, le règlement n° 1/2003 et, plus particulièrement, son article 7, paragraphe 1, et son article 23, paragraphe 2, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à la Commission de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes réalisées dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis, et ce quand bien même les dispositions précitées dudit règlement ne mentionnent pas expressément l’article 65 CA (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 64, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 84, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, point 74, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, points 72, 73 et 87).

116    À cet égard, l’argumentation de la requérante relative au choix de la Commission de recourir à la communication du 18 juin 2002, qui aurait affecté la validité de l’ensemble du régime transitoire qu’elle a voulu ainsi établir, est dépourvue de pertinence, dans la mesure où la compétence de la Commission n’est pas fondée, en l’espèce, sur ladite communication, mais sur les articles précités du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 71).

117    En outre, il convient de relever que l’application, au sein de l’ordre juridique de l’Union, des règles du traité CE dans un domaine initialement régi par le traité CECA doit intervenir dans le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, si les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, il n’en est pas de même des règles de fond. En effet, ces dernières doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9, et du 10 février 1982, Bout, 21/81, Rec. p. 381, point 13 ; arrêts du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55 ; ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 65, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 85, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 79).

118    Dans cette perspective, s’agissant de la question des dispositions matérielles applicables à une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l’expiration du traité CECA, la continuité de l’ordre juridique de l’Union et les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent l’application des dispositions matérielles prises en application du traité CECA aux faits relevant de leur champ d’application ratione materiae et ratione temporis. La circonstance selon laquelle, en raison du fait que le traité CECA a expiré, le cadre réglementaire en question n’est plus en vigueur au moment où l’appréciation de la situation factuelle est opérée ne modifie pas cette considération, dès lors que cette appréciation porte sur une situation juridique définitivement acquise à une époque où étaient applicables les dispositions matérielles prises en application du traité CECA (arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 66, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 86, confirmé sur pourvoi par arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 79 ; voir également, en ce sens, arrêt Ferriere Nord/Commission, point 104 supra, point 96).

119    En l’espèce, s’agissant des règles de fond, il convient d’observer que la décision attaquée concerne une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l’expiration du traité CECA le 23 juillet 2002, la période infractionnelle allant du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000 (voir point 33 ci-dessus). En l’absence de tout effet rétroactif du droit matériel de la concurrence applicable depuis le 24 juillet 2002, il y a lieu de constater que l’article 65, paragraphe 1, CA constitue la règle de fond applicable et effectivement appliquée par la Commission dans la décision attaquée, étant rappelé qu’il résulte précisément de la nature de lex generalis du traité CE par rapport au traité CECA, consacrée à l’article 305 CE, que le régime spécifique issu du traité CECA et des règles prises pour son application est, en vertu du principe lex specialis derogat legi generali, seul applicable aux situations acquises avant le 24 juillet 2002 (voir, en ce sens, arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 68, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 89, confirmés sur pourvois par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, point 77, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 79).

120    Ainsi, la requérante ne saurait soutenir que le pouvoir de sanction de la Commission n’existait pas au moment où l’infraction aurait été commise, en violation du principe de légalité des peines. Elle ne saurait davantage prétendre que la Commission aurait dû sanctionner les entreprises en cause en application de l’article 81 CE, après avoir démontré que les conditions d’application de cette disposition étaient réunies en fait et en droit.

121    À cet égard, la Cour a rappelé que le principe de légalité des délits et des peines, tel que consacré notamment à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, exigeait qu’une réglementation de l’Union définit clairement les infractions et les sanctions (voir arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 80, et la jurisprudence citée).

122    Dans la mesure où les traités définissaient clairement, dès avant la date des faits, les infractions ainsi que la nature et l’importance des sanctions qui pouvaient être infligées à leur titre, lesdits principes ne visent pas à garantir aux entreprises que des modifications ultérieures des bases juridiques et des dispositions procédurales leur permettent d’échapper à toute sanction relative à leurs comportements infractionnels passés (arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, point 70, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 83).

123    Il convient de relever qu’une entreprise diligente se trouvant dans la situation de la requérante ne pouvait à aucun moment ignorer les conséquences de son comportement ni compter sur le fait que la succession du cadre juridique du traité CE à celui du traité CECA aurait pour conséquence de la faire échapper à toute sanction pour les infractions à l’article 65 CA commises dans le passé (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, point 73, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 86, et la jurisprudence citée).

124    Par ailleurs, la décision attaquée a été adoptée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, à la suite d’une procédure conduite conformément au règlement n° 17 et au règlement n° 1/2003. Les dispositions relatives à la base juridique et à la procédure suivie jusqu’à l’adoption de la décision attaquée relèvent des règles de procédure au sens de la jurisprudence visée au point 117 ci-dessus. Dès lors que la décision attaquée a été adoptée après l’expiration du traité CECA, c’est à bon droit que la Commission a fait application des règles contenues dans le règlement n° 1/2003 (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, point 67, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra, point 87, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 100 supra, points 74 et 77, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 90).

125    Eu égard à l’ensemble des développements qui précèdent, il convient de rejeter le présent moyen.

3.     Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et des principes de bonne administration, de proportionnalité et d’égalité des armes

 Sur les violations des droits de la défense qui entacheraient l’adoption de la décision attaquée

 Sur l’absence de contestation des griefs et l’absence de renouvellement des actes de procédure

126    La requérante affirme que les modalités selon lesquelles les services de la Commission ont géré la procédure de réadoption de la décision de 2002 ont affecté les conditions concrètes d’exercice de ses droits de la défense. La Commission se serait en effet limitée, à la suite de l’annulation de la décision de 2002, à transmettre la lettre du 30 juin 2008 aux entreprises (voir point 21 ci-dessus) et leur aurait accordé un délai de seulement un mois pour présenter des observations.

127    En premier lieu, l’annulation de la décision de 2002 aurait profondément influencé le contenu des motifs exposés dans la communication des griefs et dans la communication des griefs supplémentaires, et aurait nécessairement influencé les actes préparatoires de la décision de 2002, à tout le moins dans la partie où la Commission exposerait sa thèse sur la base juridique retenue pour l’adoption de la décision finale. Il s’ensuivrait que la Commission n’aurait pu se limiter à adresser la lettre du 30 juin 2008 aux entreprises en cause, mais qu’elle aurait dû reprendre l’ensemble de la procédure antérieure, adopter une nouvelle communication des griefs et organiser une audition, conformément aux articles 10 et 11 du règlement n° 773/2004. À cet égard, la décision comporterait une contradiction interne. En effet, l’expiration du traité CECA aurait été considérée comme un fait nouveau justifiant l’adoption de la communication des griefs supplémentaires. De la même manière, l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, constituerait un fait essentiel au sujet duquel la Commission aurait dû communiquer ses intentions aux entreprises destinataires des griefs, conformément aux principes de sécurité juridique et du respect des droits de la défense.

128    À titre liminaire, il doit être rappelé que l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 énonce ce qui suit :

« Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure. »

129    Il ressort par ailleurs d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure ayant un caractère administratif. À cet égard, la communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure. Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, points 34 et 36, et la jurisprudence citée, et Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, points 26 à 28).

130    Le respect des droits de la défense exige en effet que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction à son endroit (voir arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 66, et la jurisprudence citée).

131    Il doit également être rappelé que la communication des griefs est un document de caractère procédural et préparatoire qui, en vue d’assurer l’exercice efficace des droits de la défense, circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d’autres griefs dans sa décision mettant fin à la procédure concernée (ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, points 13 et 14, et arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 63).

132    Si la communication des griefs doit permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission, cette exigence est respectée lorsque la décision finale ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que les faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer. Aucune disposition n’interdit à la Commission de communiquer aux parties à une procédure en matière de concurrence, après l’envoi de la communication des griefs, d’autres éléments pertinents pour compléter celle-ci, à partir du moment où ces éléments ne modifient pas les infractions reprochées aux entreprises et où ces dernières ont eu la possibilité de s’exprimer sur tous les éléments qui sont retenus à leur charge (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 29 ; arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 497 ; du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 190 ; du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, Rec. p. II‑4091, point 238, et du 27 juin 2012, Microsoft/Commission, T‑167/08, non encore publié au Recueil, points 182 à 186).

133    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires, la procédure visant à remplacer l’acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (voir arrêts de la Cour du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C‑415/96, Rec. p. I‑6993, points 31 et 32, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 73 ; arrêts du Tribunal du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, Rec. p. II‑3939, point 91, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec. p. II‑2631, point 125, et la jurisprudence citée).

134    Premièrement, ainsi qu’il a été indiqué au point 20 ci-dessus, la décision de 2002 a été annulée en raison du fait que l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA avait expiré le 23 juillet 2002 et que la Commission ne pouvait par conséquent plus tirer de compétence desdites dispositions, éteintes au moment de l’adoption de ladite décision, pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction. Eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 133 ci-dessus, l’exécution de l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, imposait à la Commission de reprendre la procédure au point précis où l’illégalité était intervenue, à savoir au moment de l’adoption de la décision de 2002.

135    Le vice entachant la légalité de la décision de 2002 étant intervenu au moment de l’adoption de cette décision (arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, point 96), l’annulation de ladite décision n’a pas affecté la validité des mesures préparatoires de celle-ci, antérieures au stade où ce vice est intervenu (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 133 supra, point 75, et arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 133 supra, point 126).

136    Deuxièmement, la Cour a déjà jugé que la Commission avait le droit et éventuellement le devoir de procéder, au cours de la procédure administrative, à de nouvelles enquêtes si le déroulement de cette procédure faisait apparaître la nécessité de vérifications complémentaires, mais que la communication aux intéressées d’un complément de griefs n’était nécessaire que dans le cas où le résultat des vérifications amenait la Commission à mettre à la charge des entreprises des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Farbenfabriken Bayer/Commission, 51/69, Rec. p. 745, point 11, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, point 192).

137    Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, d’une part, au moment de l’annulation de la décision de 2002, les actes préparatoires accomplis par la Commission, et notamment la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires, permettaient une analyse exhaustive du comportement des entreprises en cause au regard de l’article 65, paragraphe 1, CA. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la requérante, les conséquences à tirer de l’arrêt d’annulation de la décision de 2002, qui n’a pas abordé le fond du litige, n’affectent en rien les faits et comportements que la Commission reproche à la requérante.

138    D’autre part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, l’obligation impartie à la Commission au stade de la communication des griefs se limite à l’exposition des griefs avancés et à l’énonciation, de manière claire, des faits sur lesquels elle se fonde ainsi que la qualification qui leur est donnée, afin que ses destinataires puissent se défendre utilement. La Commission n’est pas obligée d’exposer les conclusions qu’elle tire des faits, documents et arguments juridiques (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 453, et la jurisprudence citée). En tout état de cause, la Commission avait déjà informé la requérante des conséquences qu’elle avait tiré de l’expiration du traité CECA dans la communication des griefs supplémentaires et la requérante a eu la possibilité de faire valoir ses observations à ce sujet, ce qu’elle a d’ailleurs fait le 13 septembre 2002.

139    Il doit également être souligné que, selon la jurisprudence, lorsque, à la suite de l’annulation d’une décision en matière de concurrence, la Commission choisit de réparer la ou les illégalités constatées et d’adopter une décision identique qui n’est pas entachée de ces illégalités, cette décision concerne les mêmes griefs, sur lesquels les entreprises se sont déjà prononcées (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 133 supra, point 98).

140    À cet égard, il doit être souligné que, par sa lettre du 30 juin 2008, la Commission s’est limitée à informer les entreprises en cause, à la suite de l’annulation de la décision de 2002 par le Tribunal, de son intention de réadopter cette décision à l’égard de toutes les parties pour lesquelles le Tribunal l’avait annulée. Elle a également précisé aux entreprises la base juridique l’autorisant à réadopter la décision ainsi que les dispositions matérielles et procédurales applicables. Elle a finalement explicitement indiqué que, « [é]tant donné la portée limitée de l’arrêt [d’annulation de la décision de 2002] (qui n’aborde pas de questions de fait), la décision réadoptée se basera[it] à nouveau sur les preuves présentées dans la communication des griefs du 26 mars 2002 et dans la communication des griefs supplémentaires du 13 août 2002, tout en tenant compte de l’arrêt du Tribunal pour ce qui concerne la base juridique de la compétence de la Commission ».

141    Il doit d’ailleurs être relevé que la requérante a pu faire valoir ses observations concernant les conséquences que la Commission entendait tirer de l’arrêt d’annulation de la décision de 2002, dans sa réponse du 1er août 2008 à la lettre du 30 juin 2008.

142    Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission n’avait pas l’obligation, à la suite de l’annulation de la décision de 2002, de rouvrir la procédure et d’adopter une nouvelle communication des griefs. Dès lors que les entreprises en cause avaient déjà eu la possibilité d’être entendues oralement lors de l’audition du 13 juin 2002, consécutive à la communication des griefs, et lors de l’audition du 30 septembre 2002, qui a fait suite à la communication des griefs supplémentaires, la Commission n’avait pas l’obligation d’organiser une nouvelle audition.

143    En second lieu, la requérante affirme que la réadoption de la décision de 2002 a été l’occasion pour la Commission de mener une opération de « maquillage » du texte de celle-ci, ce qui aurait compliqué l’examen d’ensemble du nouvel acte. Ainsi, le mémoire de Ferriere Nord du 13 juillet 2001, auquel la requérante n’aurait pas eu accès, serait désormais omis de la motivation de la décision attaquée. En outre, certains considérants de la décision de 2002 auraient été supprimés ou en partie modifiés et corrigés tandis que d’autres introduiraient de nouvelles modifications.

144    Premièrement, pour ce qui concerne l’absence d’accès au mémoire de Ferriere Nord du 13 juillet 2001, qui aurait empêché la requérante de se prononcer sur le fondement probant invoqué par la Commission pour justifier des griefs spécifiques, il doit être rappelé qu’il ressort de la jurisprudence que l’absence de communication d’un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. S’il existait d’autres preuves documentaires dont les parties ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l’élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n’infirmerait pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, points 71 à 73, et la jurisprudence citée). Or, force est de constater que la requérante ne fournit pas, dans ses écritures, la moindre démonstration à cet égard, celle-ci se limitant à prétendre que la référence au mémoire de Ferriere Nord du 13 juillet 2001 figurait aux considérants 415, 422, 437 et 513 de la décision attaquée, sans toutefois relever que certains griefs figurant dans la décision attaquée ne seraient fondés que sur ce document.

145    En tout état de cause, il convient de rappeler que, selon le considérant 636 de la première décision, « Ferriere Nord a fourni à la Commission des indications utiles qui lui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente ». Au considérant 637 de la première décision, la Commission a ajouté que « Ferriere Nord a[vait] été la seule à [lui] communiquer […] des informations qui lui [avaie]nt permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente ». La Commission a précisé, dans la note en bas de page n° 685 de la première décision, que « Ferriere Nord a[vait] fourni des précisions sur les documents retrouvés en son siège » et qu’elle lui avait communiqué spontanément le tableau visé au considérant 251 de la première décision, qu’elle avait complété en y indiquant les noms des entreprises, codés dans le document en sa possession. Ainsi, selon la Commission, la contribution de Ferriere Nord lui a permis d’établir un lien avec le document intitulé « Hypothèse de travail », visé au considérant 247 de la première décision, en confirmant que le code et la clé de lecture étaient identiques. Elle a également souligné que l’acceptation partielle des demandes des deux entreprises qui avaient demandé une augmentation de leurs quotas, objets de l’accord de la fin de 1998, avait contribué à démontrer que l’hypothèse de travail n’était pas restée en l’état et que l’accord de septembre-novembre 1998 avait été mis à exécution.

146    La contribution de Ferriere Nord a donc seulement permis à la Commission d’établir un lien avec le document visé au considérant 247 de la première décision, relatif à l’accord de septembre-novembre 1998, dont, selon ledit considérant, la Commission disposait de trois versions. Le document de Ferriere Nord auquel la requérante n’a pas eu accès n’a dès lors pas servi de fondement unique aux griefs formulés par la Commission.

147    Deuxièmement, s’agissant des prétendues modifications opérées entre la décision de 2002 et la décision attaquée, il doit être souligné que l’annulation de la décision de 2002 par l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, a entraîné la disparition de celle-ci de l’ordre juridique de l’Union. En outre, il convient de rappeler que ce sont la communication des griefs, d’une part, et l’accès au dossier, d’autre part, qui permettent aux entreprises faisant l’objet d’une enquête de prendre connaissance des éléments de preuve dont dispose la Commission et de conférer aux droits de la défense leur pleine effectivité (arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 133 supra, points 315 et 316 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, points 66 et 67, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 55), en sorte que les comparaisons opérées par la requérante entre la décision de 2002 et la décision attaquée sont dépourvues de toute pertinence.

148    À cet égard, d’une part, la requérante affirme que certains points de la décision attaquée introduisent de nouvelles appréciations sur les amendes. Un tel argument doit être rejeté. En effet, il ressort de la jurisprudence que, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle indique également les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner l’imposition d’une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d’être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 21 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, point 78 ; du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 50, et du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec. p. II‑2287, point 54).

149    D’autre part, de nombreux considérants de la décision de 2002 auraient été éliminés ou corrigés. Un tel argument doit aussi être rejeté, la requérante n’indiquant nullement les raisons pour lesquelles la prétendue absence de formulation dans la décision attaquée de griefs qui auraient figuré dans la décision de 2002 ou la prétendue correction de certains considérants a pu constituer une violation de ses droits de la défense.

150    Il résulte des considérations qui précèdent que les arguments de la requérante relatifs à l’absence de réouverture de la procédure doivent être rejetés.

 Sur la durée excessive de la procédure de réadoption de la décision de 2002

151    La requérante soutient que, à supposer que la démarche suivie par la Commission aux fins de la réadoption de la décision de 2002 puisse être qualifiée de « procédure », quod non, une telle procédure aurait eu une durée excessive, en violation du principe de la durée raisonnable de la procédure repris à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, ce qui lui aurait occasionné un préjudice. La requérante soutient que le Tribunal devrait à tout le moins en tenir compte dans le cadre de la fixation du montant de l’amende. Dans ce contexte, la requérante invoque également une violation du principe d’égalité des armes, dès lors que les entreprises en cause auraient été confrontées à l’inertie de la Commission pendant 18 mois, tout en ne se voyant reconnaître qu’une seule possibilité d’exercer leurs droits de la défense, dans un délai très court.

152    Il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite de la procédure administrative en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l’Union, qui figure expressément à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 décembre 2012, Bavaria/Commission, C‑445/11 P, non publié au Recueil, point 77, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Bavaria/Commission, T‑235/07, Rec. p. II‑3229, point 316).

153    Il est également de jurisprudence constante que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte dans lequel elle s’inscrit, des différentes étapes procédurales qui ont été suivies, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 133 supra, point 187 ; arrêts du Tribunal du 16 septembre 1999, Partex/Commission, T‑182/96, Rec. p. II‑2673, point 177, et du 30 septembre 2003, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01, Rec. p. II‑3987, point 230).

154    Il convient également de rappeler que le dépassement d’un délai raisonnable, à le supposer établi, ne justifie pas nécessairement l’annulation de la décision. En effet, s’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que, dans le cas d’une décision constatant des infractions, dès lors qu’il a été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement n° 17 et du règlement n° 1/2003 (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 49, et du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, Rec. p. I‑8831, points 47 et 48 ; arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 227).

155    Une telle violation est toutefois susceptible d’amener le Tribunal à réduire le montant de l’amende infligée (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Bavaria/Commission, point 152 supra, point 340).

156    En l’espèce, la requérante conteste uniquement la durée de la procédure administrative s’étant écoulée entre, d’une part, le prononcé, le 25 octobre 2007, de l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, et l’adoption de la décision attaquée, le 30 septembre 2009, telle que modifiée le 8 décembre 2009.

157    Il doit être constaté que, si, certes, la Commission s’est fondée sur les mêmes griefs dans la décision de 2002 et dans la décision attaquée, elle a, à la suite de l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, complété sa décision par une appréciation juridique détaillée des conséquences juridiques de l’expiration du traité CECA à la lumière des arrêts Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 101 supra, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 94 supra (considérants 342 à 398 de la décision attaquée).

158    Pour ce qui concerne les actes accomplis par la Commission pendant la procédure de réadoption de la décision de 2002, il convient de souligner que, le 30 juin 2008, elle a adressé aux entreprises en cause une lettre afin de les informer de son intention de réadopter la décision de 2002 après en avoir corrigé la base juridique, tout en invitant les parties à présenter leurs observations éventuelles dans un délai d’un mois (considérant 123 de la décision attaquée).

159    Après avoir examiné l’ensemble des observations des entreprises en cause, la Commission leur a également adressé des demandes de renseignements. Parmi celles-ci figuraient des demandes spécifiquement adressées à la requérante le 24 juillet 2008, le 25 septembre 2008, le 30 septembre 2008, le 13 mars 2009, le 30 juin 2009 et le 17 juillet 2009, auxquelles la requérante a répondu respectivement le 4 septembre 2008, le 17 octobre 2008, le 3 avril 2009, le 6 juillet 2009 et le 22 juillet 2009.

160    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la durée de la procédure de réadoption qui s’est écoulée entre l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, et l’adoption de la décision attaquée ne peut pas, dans les circonstances de l’espèce, être considérée comme excessive. La requérante ne saurait, par ailleurs, invoquer une violation du principe d’égalité des armes en raison du délai prétendument trop court qui lui a été imparti pour répondre à la lettre du 30 juin 2008. Eu égard à la portée limitée de cette lettre, un tel délai doit en effet être considéré comme suffisant.

161    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante tirés de la prétendue durée excessive de la procédure de réadoption de la décision de 2002.

 Sur les autres violations des droits de la défense, liées à la procédure d’adoption de la décision de 2002

162    En premier lieu, la requérante invoque le caractère déraisonnable et inadéquat des délais impartis pour la présentation des observations écrites sur la communication des griefs, pour laquelle elle n’a disposé que de deux mois, alors même que le dossier de la Commission aurait été volumineux et aurait comporté quelque 20 408 pages. La requérante aurait été amenée à demander des prorogations du délai initialement accordé, ces prorogations n’étant intervenues que juste avant l’expiration de ces délais, ce qui l’aurait empêchée de planifier la rédaction de ses observations avec certitude et en connaissance de cause.

163    Il convient de rappeler que, selon l’article 14 du règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18), en fixant le délai pour présenter des observations à la communication des griefs, la Commission tient compte du temps nécessaire à l’établissement des observations et de l’urgence de l’affaire. Cette disposition prévoit également que le délai pour présenter des observations à la communication des griefs ne peut être inférieur à deux semaines et qu’il peut être prorogé.

164    En l’espèce, il y a lieu de relever que la communication des griefs est parvenue à tous ses destinataires le 28 mars 2002. Le délai initial pour présenter des observations avait été fixé à six semaines à compter de la réception de ladite communication.

165    Il ressort du dossier que, par lettre du 12 avril 2002, Feralpi a demandé à la Commission une prolongation de six semaines du délai qui lui avait été initialement accordé par la Commission pour formuler ses observations sur la communication des griefs. Le 23 avril 2002, la Commission a rejeté cette demande, mais lui a toutefois accordé un report du délai, du 9 au 16 mai 2002, en raison, d’une part, d’une erreur dans la transmission d’un CD-ROM et, d’autre part, de trois jours fériés des mois de mars, avril et mai 2002. Le 24 avril 2002, Feralpi a exprimé son désaccord et demandé un report de deux semaines du délai de réponse. Par lettre du 29 avril 2002, Feralpi a demandé que ce report, demandé cinq jours plus tôt, soit porté à trois semaines. Bien que la Commission ait exprimé son désaccord avec Feralpi sur les motivations des demandes de report, elle a accepté de prendre partiellement en considération de telles demandes, dans la mesure où cela ne conduirait pas à reporter indûment l’audition, et a fixé le délai ultime pour répondre à la communication des griefs au 23 mai 2002.

166    Eu égard à ces considérations, le délai accordé par la Commission pour répondre à la communication des griefs ne saurait être considéré comme déraisonnable. En particulier, pour ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’impossibilité de planifier le travail lié à la formulation de ces observations, il suffit de constater que la Commission avait déjà rejeté la demande de report dès le 23 avril 2002, soit plus de deux semaines avant l’expiration du délai initial et trois semaines avant l’expiration du délai tel que prorogé une première fois dans la lettre de la même date. La requérante ne saurait dès lors invoquer une quelconque violation du principe de bonne administration par la Commission.

167    En second lieu, la requérante conteste les conditions d’accès au dossier. Ainsi, à la suite d’une erreur de la Commission, le CD-ROM contenant l’ensemble du dossier aurait été transmis à la requérante sept jours après l’envoi de la communication des griefs. De nouvelles copies du CD-ROM auraient été envoyées aux entreprises à deux reprises au moins, obligeant la requérante à procéder par trois fois à l’impression du dossier. Le sommaire du dossier ne permettait par ailleurs pas aux entreprises d’identifier le contenu effectif du dossier, ni la provenance des documents le composant, en sorte que le principe d’égalité des armes aurait lui aussi été violé.

168    Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la circonstance selon laquelle un document est mentionné dans une communication des griefs sans y être annexé ne constitue pas, en principe, une violation des droits de la défense pour autant que les destinataires de ladite communication y aient eu accès avant qu’ils ne soient obligés de répondre à celle-ci (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 60). En l’espèce, la communication des griefs, notifiée le 26 mars 2002 est parvenue à ses destinataires le jeudi 28 mars 2002, tandis que le CD-ROM contenant les pièces du dossier a été transmis à ceux-ci le jeudi 4 avril 2002.

169    Comme relevé au point 164 ci-dessus, le délai qui avait été fixé par la Commission aux entreprises en cause pour présenter leurs observations, initialement fixé à six semaines, a été prorogé de quatre jours supplémentaires en raison de la transmission tardive du CD-ROM (ainsi que de trois jours additionnels pour tenir compte du fait que la période ainsi prorogée comportait des jours fériés) (considérant 116 de la décision attaquée). Il ne saurait dès lors être considéré que les droits de la défense de la requérante ont été violés du fait d’une communication tardive du CD-ROM comportant le dossier d’instruction.

170    Pour ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs au sommaire du dossier, il doit être relevé que, tandis que, dans sa requête, la requérante affirme que le sommaire ne lui aurait pas permis d’identifier le contenu effectif du dossier et la provenance des documents le composant, elle affirme, dans sa réplique, qu’un tel sommaire ne lui a pas été envoyé. Interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante a finalement indiqué que le sommaire en question lui avait été envoyé « dans une seconde phase ». Face à de telles déclarations contradictoires, son argument ne saurait être accueilli. En tout état de cause, force est de constater que la requérante, alors même qu’elle a critiqué dans sa requête le sommaire du dossier rédigé par la Commission, qu’elle a affirmé lors de l’audience avoir effectivement reçu, se limite à faire une affirmation de principe, sans même produire ledit sommaire afin d’étayer ses propos.

171    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la présente branche du troisième moyen ainsi que le moyen dans son ensemble.

4.     Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des critères d’imputation, d’une appréciation erronée des faits et de l’absence d’instruction et de motivation

172    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur dans l’identification du destinataire de la décision attaquée. La Commission n’aurait pas tiré, aux considérants 530 à 532 de la décision attaquée (voir point 27 ci-dessus), les conclusions appropriées des modifications intervenues en 2004 au sein de son groupe, lesquelles lui auraient pourtant été expliquées en réponse à une demande de renseignements le 24 juillet 2008. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, la société Feralpi Holding serait l’aboutissement d’une réorganisation complexe du groupe et des activités qui lui ont été attribuées, laquelle ne se résumerait pas à une modification de sa dénomination sociale. Ainsi, après avoir adopté la dénomination Feralpi Holding, cette dernière aurait constitué la société Feralpi SpA, dont elle détiendrait 100 % du capital, qui aurait ensuite pris la dénomination Feralpi Siderurgica SpA, entité à laquelle elle aurait transféré toutes les activités de production de la branche acier et sidérurgie, en ce compris celles consacrées à la production des ronds à béton armé. À la suite de cet apport, Feralpi Holding serait devenue une holding de contrôle diversifiée et une société de services pour l’ensemble du groupe, tandis que l’activité opérationnelle du secteur sidérurgique, incluant celle concernée par l’infraction supposée, objet de la décision de réadoption, serait passée sous le contrôle de Feralpi Siderurgica. Il s’ensuivrait que la Commission aurait fait une application incorrecte des principes d’imputabilité et, de ce fait, aurait violé les droits de la défense de Feralpi Siderurgica, puisque cette dernière n’aurait jamais bénéficié d’un débat contradictoire sur les griefs formulés dans la décision attaquée. Dès lors que, au considérant 532 de la décision attaquée, la Commission se référerait uniquement à la modification de la dénomination sociale de Feralpi Holding, la Commission aurait également violé son obligation de motivation.

173    En premier lieu, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante tiré d’une prétendue insuffisance de motivation de la décision attaquée pour ce qui concerne l’imputation à la requérante des agissements qui y sont constatés, laquelle est exposée à suffisance de droit aux considérants 530 à 532 de la décision attaquée. Ces considérants disposent comme suit :

« (530)       En ce qui concerne le destinataire Feralpi Holding, la Commission avait expliqué, dans la décision annulée, que Feralpi Siderurgica, telle qu’elle existait en 2002, était l’entreprise à laquelle étaient imputables, non seulement les agissements de Feralpi Siderurgica SpA elle-même, mais aussi ceux de Feralpi Siderurgica SRL et de la précédente Feralpi Siderurgica SpA. Il existe en effet une identité et une continuité économiques et juridiques évidentes entre la première Feralpi Siderurgica SpA, Feralpi Siderurgica SRL et la deuxième Feralpi Siderurgica SpA. Cette dernière a poursuivi l’activité des deux autres, en particulier dans le secteur des ronds à béton, comme le confirme le fait que Feralpi SpA elle-même a déclaré, dans sa réponse à la demande d’informations formulées par la Commission le 18 juillet 2001 sur la base de l’article 47 CECA : ‘Notre société est active dans le secteur des ronds en Italie depuis 1969.’ De plus, les personnes occupant les postes de président, membre délégué du conseil d’administration et directeur du bureau commercial Italie étaient restées les mêmes depuis 1989.

(531)       Comme indiqué plus haut, dans le courant de l’année 2004, la deuxième Feralpi Siderurgica SpA a changé de raison sociale pour devenir Feralpi Holding SpA.

(532)       En appliquant à la situation exposée ci-dessus les principes de droit sanctionnés par la Cour de justice à propos des cas de changement de raison sociale d’une entreprise (arrêt Aalborg Portland du 7 janvier 2004, déjà présenté au considérant 526), il apparaît que la première Feralpi Siderurgica SpA, Feralpi Siderurgica Srl, la deuxième Feralpi Siderurgica SpA et Feralpi Holding SpA doivent être considérées comme la même personne morale. Par conséquent, aux fins de la présente décision, Feralpi Holding est le responsable de l’infraction commise par ses prédécesseurs légaux. Elle est, de ce fait, destinataire de la présente décision. »

174    À cet égard, il doit être souligné que la Commission, au considérant 532 de la décision attaquée, se réfère à la « situation exposée ci-dessus » et à l’« arrêt Aalborg Portland du 7 janvier 2004, déjà présenté au considérant 526 », relatif à Alfa. Cette référence au considérant 526 résulte manifestement d’une faute de frappe, les principes juridiques résultant notamment de l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, ayant été rappelés au considérant 527 de la décision attaquée, comme suit :

« (527)       Il faut appliquer les principes du droit suivants à la situation exposée ci-dessus :

–        lorsqu’une seule et même personne morale a, tour à tour, différentes raisons sociales […], les éventuelles infractions au droit communautaire de la concurrence commises par cette personne juridique à l’époque où elle avait une raison sociale différente […] de l’actuelle […] doivent être imputées à la même personne morale, dans la mesure ou le changement de sa raison sociale n’a pas pour effet de la soustraire à la responsabilité des éventuelles infractions au droit communautaire de la concurrence commises à l’époque où elle avait une raison sociale différente [(arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, point 59)] ;

–        la circonstance qu’une filiale […] a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à une société mère […], notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère. Dans ce cas, la Commission peut présumer qu’une filiale à cent pour cent (ou presque) suit essentiellement les instructions qui lui sont données par sa société mère sans qu’il soit nécessaire de vérifier si cette dernière a effectivement exercé ce pouvoir. Toutefois, la société mère et/ou la filiale peuvent réfuter cette présomption en produisant la preuve suffisante que la filiale ‘a déterminé de façon autonome son comportement sur le marché au lieu d’appliquer les instructions de sa société mère’.

[…] »

175    En second lieu, s’agissant de la prétendue erreur dans l’identification du destinataire de la décision attaquée, force est de constater que la requérante ne conteste pas que, malgré une modification de sa dénomination sociale, il y a une identité juridique entre elle et la société Feralpi Siderurgica, telle qu’elle existait en 2002, cette dernière ayant notamment été le destinataire de la communication des griefs, de la communication des griefs supplémentaires et de la décision de 2002. La requérante affirme elle-même, dans la requête, ce qui suit :

« Les activités sidérurgiques du groupe ont été regroupées jusqu’en 2004 dans la société Feralpi Siderurgica SpA, destinataire de la [décision de 2002], société directement chargée de la production sidérurgique et de participations dans d’autres sociétés opérant dans le même secteur. Au cours de cette année, la structure du groupe a été soumise à un important processus de réorganisation. À l’issue de ce processus, Feralpi Siderurgica SpA a changé sa dénomination sociale en ‘Feralpi Holding’ […] »

176    Elle soutient uniquement que la Commission aurait dû imputer les agissements constatés dans la décision attaquée à la nouvelle société Feralpi SpA, devenue la société Feralpi Siderurgica SpA, filiale détenue à 100 % par la requérante et constituée postérieurement à la réorganisation du groupe Feralpi en 2004, à laquelle les activités relatives aux ronds à béton de la requérante auraient été cédées.

177    Il résulte toutefois d’une jurisprudence constante que le changement de la forme juridique et du nom d’une entreprise n’a pas pour effet de créer une nouvelle entreprise dégagée de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de la précédente, lorsque, du point de vue économique, il y a identité entre les deux entreprises (arrêts de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, points 356 à 359, et du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893, point 42).

178    Force est dès lors de constater qu’il y a une identité entre, d’une part, la société Feralpi Siderurgica SpA, destinataire de la communication des griefs, de la communication des griefs supplémentaires et de la décision de 2002, et, d’autre part, la requérante dans la présente affaire, destinataire de la décision attaquée. C’est partant à juste titre que la Commission a imputé les agissements constatés dans la décision attaquée à la requérante.

179    La circonstance que la requérante ait constitué, le 25 mai 2004, une nouvelle entité juridique à laquelle elle a transféré ses activités de production par l’apport de la branche acier et sidérurgie, et donc également la production des ronds à béton armé, est sans pertinence à cet égard. Il incombe en effet, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision constatant l’infraction, l’exploitation de l’entreprise n’est plus placée sous sa responsabilité (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 71 ; Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I‑9693, point 78 ; Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 37, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 100 supra, point 143). Cette dernière circonstance n’est par ailleurs pas présente en l’espèce, la requérante ne contestant pas que sa filiale Feralpi Siderurgica, qu’elle détient à 100 %, est effectivement placée sous sa responsabilité.

180    Il y a dès lors lieu de rejeter le présent moyen.

5.     Sur le cinquième moyen, tiré de la définition erronée du marché en cause

181    La requérante conteste la définition du marché en cause opérée par la Commission aux considérants 8 à 60 de la décision attaquée.

182    En premier lieu, la requérante estime que, en limitant le marché du produit à celui des ronds à béton nervurés en barres ou en rouleaux, la Commission a indûment négligé toute interdépendance du marché ainsi défini avec les marchés des autres produits sidérurgiques potentiellement substituables, tels que les treillis soudés et les poutrelles en acier. D’une part, la Commission aurait considéré, dans la décision 89/515/CEE de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (affaire IV/31.553 – Treillis soudés) (JO 1989, L 260, p. 1, ci-après la décision « Treillis soudés »), qu’il existait une interdépendance entre le treillis soudés et les ronds à béton, qui réduisait sensiblement la marge de manœuvre pour les hausses de prix qui pourraient être réalisées dans ce secteur. D’autre part, les poutrelles en acier constitueraient, notamment dans le secteur des grands ouvrages, des substituts aux ronds à béton nervurés.

183    Tout d’abord, il convient de souligner, s’agissant du treillis soudé, que la Commission a relevé, au considérant 29 de la décision attaquée, que, même s’il est utilisé dans le même secteur que les ronds à béton crantés, à savoir le secteur de la construction, le treillis soudé n’était pas un produit pour l’armature de structures portantes, mais était un produit de renforcement qui, dans quelques usages limités seulement (par exemple, l’armature des planchers et des murs non portants), remplaçait généralement, dans la mesure où il permet une économie de temps et de main-d’œuvre et moins de déchets, ce qu’on appelle les « ronds de renforcement ». Elle a ajouté, au considérant 30 de la décision attaquée, qu’elle avait considéré ce produit comme un marché en cause dans la décision Treillis soudés.

184    En réponse à l’argument de certaines parties, en ce compris la requérante, formulé lors de la procédure administrative, relatif à la substituabilité entre le treillis soudé et les ronds à béton, la Commission a relevé, aux considérants 36 et 37 de la décision attaquée, ce qui suit :

« (36)       En ce qui concerne le treillis soudé, Feralpi, Valsabbia et Alfa invoquent la décision [Treillis soudés]. Au considérant 202 de cette décision, la Commission avait déclaré ceci : ‘Il a également été tenu compte de l’interdépendance entre le treillis soudé et les ronds à béton. Les ronds à béton sont un produit CECA qui était également concerné pendant la période considérée par les “mesures de crise” prises par la Commission en faveur de l’industrie sidérurgique. Comme il a été indiqué [plus haut], le treillis soudé présente par rapport aux ronds à béton certains avantages de coût qui justifient un prix plus élevé. Le treillis soudé ne peut toutefois pas remplacer entièrement les ronds à béton. Il existe néanmoins une limite économique à l’écart de prix qui peut exister entre les deux produits. Cela réduit la marge de manœuvre pour les hausses de prix qui pourraient être réalisées dans ce secteur par un cartel de prix.’

(37)             La Commission relève d’une part que la décision ci-dessus, qui n’a pas été contestée sur ce point par les parties à la présente procédure, parle d’une possibilité de remplacement limitée entre le treillis et les ronds (‘ne peut toutefois pas remplacer entièrement les ronds à béton’). Dans le cadre de la présente procédure, certaines parties ont reconnu que cette possibilité de remplacement était limitée. D’autre part, la décision en question a tenu compte de la possibilité limitée de remplacement exclusivement aux fins du calcul de l’amende et n’a en aucune manière défini le marché en cause comme la somme du marché du treillis soudé et de celui des ronds à béton. »

185    Force est de constater que la requérante ne formule aucun argument visant à contester les constatations de la Commission figurant aux considérants susmentionnés de la décision attaquée. Par ailleurs, c’est à juste titre que la Commission a souligné que, dans la décision Treillis soudés, il avait été tenu compte de la possibilité limitée de remplacement exclusivement aux fins du calcul du montant de l’amende, sans toutefois que la Commission considère que le treillis soudé et les ronds à béton appartenaient au même marché de produit.

186    Ensuite, s’agissant des poutrelles en acier, la Commission a indiqué, également au considérant 29 de la décision attaquée, que, « même s’ils sont utilisés dans le même secteur que les ronds à béton (la construction), les poutrelles et autres profilés lourds sont des produits qui, en ce qui concerne ce type d’utilisation, trouvent essentiellement leur emploi dans les grands travaux publics (ponts, viaducs) » et que « ces produits peuvent donc remplacer les ronds à béton seulement de façon limitée ». Elle a ajouté, au considérant 30 de la décision attaquée, qu’elle avait considéré ce produit comme un marché en cause dans la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d’application de l’article 65 [CA] concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1). La Commission a ajouté, au considérant 38 de la décision attaquée, ce qui suit :

« En ce qui concerne les poutrelles aussi, la Commission fait référence à sa propre décision 94/215/CECA concernant ce secteur (…) Dans la décision de la Commission, le marché sur lequel des comportements anticoncurrentiels déterminés ont été notifiés est exclusivement celui des poutrelles. Nulle part dans le texte de la décision, il n’y a de référence aux ronds à béton. »

187    À cet égard, la requérante se limite à affirmer que les poutrelles sont des substituts, parfois préférables, au rond à béton nervuré, sans toutefois fournir le moindre argument à cet égard, ni le moindre élément de preuve. Son affirmation selon laquelle « l’observation de la Commission, selon laquelle la substituabilité entre les ronds et les poutrelles se manifesterait non pas au stade de l’utilisation du produit, mais à celui de l’établissement des plans, ne suffit pas, en réalité, à exclure entièrement l’existence d’un rapport d’interdépendance entre la demande des deux produits » ne saurait suffire pour démontrer que les poutrelles et les ronds à béton sont des produits substituables.

188    Enfin, la requérante fait valoir que la décision attaquée ne comporte pas l’exercice théorique suggéré au paragraphe 15 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5). À cet égard, il suffit de relever ce qu’indique ledit paragraphe : « L’appréciation de la substituabilité de la demande entraîne une détermination de l’éventail des produits perçus comme substituables par le consommateur. Une façon de procéder à cette détermination peut être envisagée comme un exercice mental présupposant une variation légère, mais durable, des prix relatifs et évaluant les réactions probables des clients […] » Il ressort ainsi de cette communication qu’il incombe à la Commission de déterminer l’ensemble des produits perçus comme substituables par le consommateur, l’exercice mental ainsi envisagé ne présentant pas un caractère obligatoire. Or, cette détermination figure aux considérants 28 à 46 de la décision attaquée.

189    Il résulte des développements figurant ci-dessus que les arguments de la requérante relatifs à la définition du marché des produits en cause doivent être rejetés.

190    En deuxième lieu, la requérante conteste l’affirmation figurant au considérant 48 de la décision attaquée, selon laquelle, dans la mesure où la Commission constate une infraction ayant pour objet une restriction de concurrence sur le territoire de la République italienne tout entier, le constat de cette restriction ne nécessite aucune définition préalable du marché géographique. Il ressortirait d’un courant jurisprudentiel constant qu’une délimitation exacte du marché en cause est fondamentale, y compris du point de vue géographique, pour déterminer le caractère sensible des effets d’un accord sur le fonctionnement de la concurrence, c’est-à-dire s’il est susceptible d’affecter sensiblement le jeu normal de la concurrence.

191    Un tel argument est inopérant, dès lors que la Commission ne s’est pas abstenue de délimiter le marché géographique en cause en l’espèce, celle-ci ayant, aux considérants 47 à 60 de la décision attaquée, défini le marché géographique des ronds à béton crantés en barres ou en rouleaux en cause comme étant le territoire de la République italienne et s’étant notamment référée, aux fins de la définition dudit marché, au fait que le produit provenant d’autres zones géographiques avait représenté, sur la base des données d’Eurostat (l’office statistique de l’Union), entre 0 et 6 % du total des ventes sur le territoire italien, en sorte que les flux du produit vers l’Italie avaient été très limités au cours de la période en cause. Elle s’est également référée au manque structurel d’intérêt économique pour les entreprises des autres États membres à vendre des ronds à béton en Italie (considérant 50 de la décision attaquée).

192    En troisième lieu, la requérante affirme que l’étendue du marché géographique des ronds à béton armé coïncide, à tout le moins, avec le territoire de l’Union. Tout d’abord, il ressortirait de la décision attaquée que les coûts de transport n’ont pas limité les courants d’échange en ronds à béton vers l’Italie, puisqu’ils n’ont pas empêché les courants d’échange à la sortie de ce pays, lesquels auraient été substantiels. Ensuite, s’agissant des barrières à l’entrée, la Commission reconnaîtrait que l’unification incomplète de la réglementation en matière de qualité et de marché du produit au niveau européen et international ne constitue pas un obstacle important aux flux à l’entrée et à la sortie du produit. Par ailleurs, s’agissant des caractéristiques de l’offre, les ronds à béton seraient une matière première dont la commercialisation ne nécessite pas d’infrastructures particulières de vente ou d’assistance technique. Pour ce qui concerne la justification avancée par la Commission concernant l’absence structurelle d’intérêt économique pour les entreprises des autres États membres à vendre des ronds à béton en Italie, qui tiendrait aux prix pratiqués dans ce pays, la requérante fait valoir, d’une part, que les niveaux de prix étaient tendanciellement plus bas en Italie que dans les autres marchés européens, ce qui aurait eu un effet dissuasif sur les courants d’importation en Italie. D’autre part, la Commission omettrait la forte conjoncture négative dans le secteur de la construction et la contraction importante de la demande, de même que la politique de maintien du niveau des prix appliquée par les entreprises italiennes. Enfin, il ressortirait de la pratique décisionnelle de la Commission relative aux produits sidérurgiques longs que l’étendue du marché géographique pertinent était au moins communautaire.

193    Il y a lieu de relever que la Commission, aux considérants 50 et 51 de la décision attaquée, a répondu aux arguments des entreprises en cause relatifs à l’étendue prétendument plus large du marché géographique en cause. Elle a ainsi souligné que tant les parties qu’elle-même étaient d’accord sur le fait qu’il n’y avait plus d’obstacles aux échanges et qu’il existait un manque structurel d’intérêt économique pour les entreprises des autres États membres à vendre des ronds à béton en Italie, tout en soulignant que, indépendamment de la cause de ce manque d’intérêt, il n’était pas intéressant pour les entreprises des autres États membres d’exporter des ronds à béton en Italie. Elle a ajouté qu’elle avait tenu compte du fait que, entre 1989 et 2000, les flux de produits vers l’Italie avaient été tout au plus négligeables et que, pendant onze ans, le marché italien n’avait pratiquement pas connu d’importations significatives en provenance des autres États membres. Au considérant 56 de la décision attaquée, la Commission a conclu son propos en soulignant que le consommateur italien n’aurait pratiquement pas pu remplacer, pendant la période examinée, des ronds de production italienne par des ronds provenant d’autres États membres.

194    À cet égard, force est de constater que les arguments de la requérante mentionnés au point 193 ci-dessus, relatifs aux coûts de transport, à l’absence de barrières à l’entrée ou encore aux raisons de l’absence structurelle d’intérêt économique pour les entreprises des autres États membres à vendre les ronds à béton en Italie, ne permettent pas de réfuter la conclusion de la Commission figurant au considérant 50 de la décision attaquée, relative au flux limité du produit vers l’Italie au cours de la période en cause et à la réalité de ladite absence structurelle d’intérêt économique pour les entreprises des autres États membres à vendre des ronds à béton en Italie. Pour ce qui concerne la pratique décisionnelle de la Commission relative aux produis sidérurgiques longs, il doit être souligné que les décisions de la Commission citées par la requérante dans sa requête concernent d’autres marchés de produits sidérurgiques que le marché du produit en cause dans la présente affaire. Enfin, s’agissant de l’étude Lear (Laboratorio di Economia, Antitrust, Regolamentazione), intitulée « L’industrie du rond à béton armé en Italie de 1989 à 2000 », commandée par les entreprises Alfa, Feralpi, IRO, SP et Valsabbia (ci-après l’« étude Lear »), citée dans la réplique, dont les conclusions iraient clairement dans le sens d’une extension transfrontalière du marché géographique pertinent, force est de constater que la requérante ne formule aucun argument précis afin d’infirmer les affirmations de la Commission figurant aux considérants 51 à 53 de la décision attaquée, selon lesquelles, d’une part, la théorie des flux avancée par l’étude Lear était basée uniquement sur des affirmations d’école, sur des théories économiques et non sur des considérations de fait et, d’autre part, cette étude appliquerait le test d’Elzinga et d’Hogarthy aux pays de l’Union, lequel ferait apparaître que seule l’Italie, parmi tous les États membres, pourrait constituer le marché géographique en cause.

195    Il résulte des développements qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante relatifs à la définition du marché géographique en cause, de même que le moyen dans son ensemble.

6.     Sur le sixième moyen, tiré de l’appréciation erronée des faits, de la violation de l’article 65 CA, de la violation du principe de non-discrimination et de la violation de l’« article 296 TFUE »

196    Par son sixième moyen, la requérante entend démontrer que l’appréciation d’ensemble des faits opérée par la Commission ainsi que leur qualification juridique constituent une violation de l’article 65 CA et des principes en matière de charge de la preuve. La Commission aurait également enfreint l’obligation prévue à l’« article 296 TFUE » et le principe de non-discrimination.

197    Le présent moyen comporte quatre branches. La première concerne « l’étendue subjective de l’infraction ». La deuxième est relative aux griefs concernant la période 1989 à 1992. La troisième porte sur les griefs relatifs à la période 1993 à 1995. La quatrième est consacrée aux griefs relatifs à la période 1996 à 2000.

198    Il convient, à titre liminaire, de formuler plusieurs considérations, d’une part, sur les notions d’accords et de pratiques concertées et, d’autre part, sur les principes relatifs à la charge de la preuve.

 Sur les notions d’accords et de pratiques concertées

199    Il doit être rappelé que l’article 65 CA interdit notamment tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence et en particulier à fixer ou à déterminer les prix, à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ou à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement (voir point 3 ci-dessus).

200    La notion d’accord au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA résulte de l’expression, par les entreprises participantes, de la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (voir, s’agissant de l’article 81, paragraphe 1, CE, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 130 ; voir, s’agissant de l’article 65, paragraphe 1, CA, arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 262) (voir également considérant 403 de la décision attaquée).

201    Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 491 et 492 de la décision attaquée, la notion de pratique concertée au sens de cette même disposition vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26 ; du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 63 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 200 supra, point 115, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158 ; arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 200 supra, point 266).

202    La Cour a ajouté que les critères de coordination et de coopération devaient être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (arrêts de la Cour Suiker Unie e.a./Commission, point 201 supra, point 173 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 201 supra, point 63 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 200 supra, point 116, et du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 106).

203    Selon cette jurisprudence, si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 201 supra, point 174 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 200 supra, point 117 ; Hüls/Commission, point 201 supra, point 160, et Corus UK/Commission, point 202 supra, point 107).

204    Il y a en outre lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en est d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 200 supra, point 121 ; voir également, en ce sens, arrêt Hüls/Commission, point 201 supra, point 162).

205    Par ailleurs, il convient de rappeler que la comparaison entre la notion d’accord et celle de pratique concertée fait apparaître que, du point de vue subjectif, elles appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 200 supra, point 131).

 Sur les principes relatifs à la charge de la preuve

206    Il ressort de l’article 2 du règlement n° 1/2003 ainsi que d’une jurisprudence constante que, dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour Baustahlgewebe/Commission, point 154 supra, point 58 ; du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 62, et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, non encore publié au Recueil, point 71 ; arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 688).

207    À cet effet, elle doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a eu lieu (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 201 supra, point 127 ; du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T‑185/96, T‑189/96 et T‑190/96, Rec. p. II‑93, point 47, et du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, T‑141/08, Rec. p. II‑5761, point 48).

208    Dans ce contexte, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc parvenir à la conclusion que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 138 supra, point 177 ; du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, point 60, et du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, point 207 supra, point 51).

209    En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, qui est aujourd’hui énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux et qui s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (arrêts de la Cour Hüls/Commission, point 201 supra, points 149 et 150 ; du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 175 et 176, et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, point 206 supra, points 72 et 73 ; arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 138 supra, point 178).

210    Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre aux critères visés au point 207 ci-dessus par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 133 supra, points 513 à 523, et arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 208 supra, point 63, et la jurisprudence citée).

211    Compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, points 55 à 57, et Dresdner Bank e.a./Commission, point 208 supra, points 64 et 65).

212    Certes, lorsque la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction, il suffit à ces dernières de démontrer l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une violation des règles de concurrence de l’Union (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 138 supra, point 186, et la jurisprudence citée). Ainsi, si la Commission constate une infraction aux règles de la concurrence en se fondant sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction. En effet, dans un tel cas, il ne saurait être considéré que la Commission a apporté la preuve de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour CRAM et Rheinzink/Commission, point 207 supra, point 16 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 201 supra, points 126 et 127, et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, point 206 supra, point 74).

213    Toutefois, lorsque la Commission se fonde, dans le cadre de l’établissement d’une infraction au droit de la concurrence, sur des éléments de preuve documentaires, il incombe aux entreprises concernées non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêts du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 132 supra, points 725 à 728 ; JFE Engineering e.a./Commission, point 138 supra, point 187, et du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, point 207 supra, point 55).

214    En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 65 CA, il convient d’observer que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (voir, en ce sens, arrêt Dalmine/Commission, point 168 supra, point 72). En particulier, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 65 CA, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 138 supra, point 192).

215    Enfin, s’agissant de la valeur probante qu’il convient d’accorder aux différents éléments de preuve, il convient de souligner que le seul critère pertinent pour apprécier les preuves librement produites réside dans leur crédibilité (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 84, et la jurisprudence citée ; arrêts Dalmine/Commission, point 168 supra, point 72, et JFE Engineering e.a./Commission, point 138 supra, point 273). Selon les règles généralement applicables en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 85 supra, point 1053). Il convient, notamment, d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, Rec. p. II‑707, point 312, et du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 181) ou par un témoin direct de ces faits. En outre, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 138 supra, points 207, 211 et 212).

 Sur l’« étendue subjective de l’infraction »

216    En premier lieu, la requérante invoque un grief tiré de la violation de l’obligation de motivation de la Commission. D’une part, la manière dont la Commission a défini l’étendue subjective de l’infraction manquerait de clarté, dès lors que, dans la communication des griefs, elle aurait imputé les agissements en cause à Alfa, Feralpi Siderurgica (devenue Feralpi Holding), Ferriere Nord, IRO, Leali‑AFLL, Lucchini‑SP, Riva, Valsabbia et à la Federacciai. La Commission aurait confirmé cette délimitation subjective dans la décision attaquée en excluant la Federacciai. D’autre part, les motifs allégués par la Commission pour poursuivre les entreprises en cause seraient lacunaires et contradictoires.

217    Il doit être constaté que la motivation des raisons pour lesquelles la Commission a adressé la décision attaquée aux entreprises qui en sont les destinataires figure aux considérants 525 à 566 de la décision attaquée. S’agissant en particulier des objections de la requérante relatives à l’« étendue subjective de l’infraction », la Commission a formulé les observations suivantes aux considérants 551 à 553 de la décision attaquée :

« (551)       On rappellera que la Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire dans la poursuite des infractions aux règles de la concurrence. Ce pouvoir discrétionnaire ne doit toutefois pas être exercé de manière arbitraire, et la Commission doit justifier son action. En l’occurrence, les entreprises impliquées dans la présente procédure sont les plus importantes du secteur et celles vis-à-vis desquelles les enquêtes ont permis de rassembler le plus de preuves. Il est important de rappeler que la plupart des entreprises italiennes actives dans le secteur au début de la période en question ont entre-temps cessé d’y opérer. De la quarantaine d’opérateurs présents sur le marché au début des années 90, seulement une dizaine y était toujours présente en 2000. En 1998, le nombre était un peu supérieur, car, en 1995, 22 entreprises étaient toujours en activité. Toutefois, de ces entreprises, les neuf destinataires de la présente décision représentaient, toujours en 1998, une part de 86,9 % du marché italien du rond à béton. La part de marché moyenne des entreprises non destinataires de la présente décision était donc minimale.

(552)       En ce qui concerne ces entreprises, la Commission n’est pas en mesure de prouver leur participation à l’entente pour les comportements adoptés par les plus grandes entreprises, puisque la Federacciai ne les a pas fait connaître à l’ensemble du secteur, comme dans le cas de la fixation des prix. On rappellera toutefois que la Federacciai est destinataire de la présente décision, pour les motifs expliqués ci-après, et l’association étant sur le même pied que l’ensemble de ses membres, la présente décision vise le secteur tout entier.

(553)       À la lumière de ce qui a été affirmé par les parties, la Commission confirme intégralement ce qui est affirmé dans la communication des griefs et conclut que les destinataires de la présente décision ont mis en œuvre, avec les modalités précisées dans les paragraphes précédents, une entente ayant pour objet la fixation des prix des ronds à béton sur le marché italien à travers la fixation ou détermination des prix, la limitation ou contrôle de la production et la répartition des marchés. Cette entente constitue une infraction à l’article 65, paragraphe 1, du traité CECA. »

218    Premièrement, il y a lieu de considérer que la motivation de la décision attaquée relative à l’identification des destinataires de la décision attaquée satisfait aux exigences rappelées aux points 56 à 58 ci-dessus.

219    Deuxièmement, force est de constater que le considérant 552 de la décision attaquée stipule que « la Federacciai est destinataire de la présente décision », alors que cette dernière ne figure pas parmi les destinataires de la décision attaquée mentionnés dans son dispositif.

220    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 57 supra, point 151). Une contradiction dans la motivation d’une décision constitue une violation de l’obligation de motivation, de nature à affecter la validité de l’acte en cause, s’il est établi que, en raison de cette contradiction, le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T‑5/93, Rec. p. II‑185, point 42, et du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, Rec. p. II‑1885, point 85).

221    Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce dès lors qu’il est constant que la décision de 2002 est devenue définitive à l’égard de la Federacciai et que c’est pour cette raison que cette association d’entreprises ne fait plus partie des destinataires de la décision attaquée. La mention de la Federacciai dans le considérant 552 de la décision attaquée n’est pas, à cet égard, susceptible d’empêcher la bonne compréhension de ladite décision par la requérante. Il s’ensuit que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit et que les motifs de celle-ci ne manquent pas de clarté et ne sont ni lacunaires ni contradictoires.

222    En second lieu, la requérante rappelle que la délimitation subjective constitue un élément décisif dans l’appréciation des infractions aux règles de la concurrence, aux fins de la définition de l’infraction et de l’appréciation de la « sensibilité » anticoncurrentielle de l’entente. D’une part, l’identité des participants à une concertation serait un élément constitutif de l’infraction. Or, les différents aspects de la collusion se seraient étendus à des opérateurs divers, dont l’implication serait variable, ce qui rendrait difficile le fait de relier les divers comportements à un dessein unique et de qualifier l’infraction d’unique. En outre, la circonstance qu’une entreprise dont la participation à une entente est démontrée sorte du secteur concerné par l’infraction ne saurait l’exempter de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels. D’autre part, il ne serait pas vrai que les huit entreprises destinataires de la décision attaquée seraient les plus importantes du secteur, à tout le moins pas au cours de la première période de l’entente alléguée, le marché étant caractérisé entre 1989 et 1995 par un nombre important d’opérateurs de taille dissemblable. Quant à la « sensibilité », la Commission n’avancerait aucun élément susceptible de prouver la participation de l’ensemble des entreprises du secteur. En sélectionnant arbitrairement les entreprises auxquelles elle a imputé des comportements anticoncurrentiels, la Commission aurait également violé le principe de non-discrimination.

223    Il convient de relever, premièrement, que la requérante ne saurait prétendre que la Commission, en violation de l’arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 201 supra (point 69), n’a pas établi l’identité des participants à la concertation sanctionnée dans la décision attaquée, l’identification desdits participants figurant notamment aux considérants 525 à 566 de la décision attaquée ainsi que dans son dispositif.

224    L’argument formulé par la requérante selon lequel toutes les entreprises ne seraient pas toujours impliquées dans tous les comportements en sorte que la collusion serait à géométrie variable ne saurait être retenu.

225    À cet égard, il doit être rappelé qu’une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 65 CA et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction, lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaît les comportements infractionnels des autres participants ou qu’elle peut raisonnablement les prévoir et qu’elle est prête à en accepter le risque (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 200 supra, point 203, et du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, non encore publié au Recueil, point 42 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Brugg Rohrsysteme/Commission, T‑15/99, Rec. p. II‑1613, point 73, et du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 50).

226    Il s’ensuit que le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction. Lorsqu’il est établi qu’une entreprise connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque, elle est également considérée comme responsable, pour toute la période de sa participation à l’infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, point 328, et arrêt Gütermann et Zwicky/Commission, point 225 supra, point 156).

227    Deuxièmement, pour ce qui concerne les entreprises dont la participation à l’entente serait démontrée, mais qui n’auraient pas été sanctionnées par la Commission, il y a lieu de considérer que pour ces entreprises, qui ne sont pas destinataires de la décision attaquée et dont la situation n’est pas soumise à l’appréciation du Tribunal, la Commission estime ne pas disposer de preuves suffisantes attestant de leur participation à l’entente (voir notamment les considérants 549 à 552 de la décision attaquée), en sorte que leur situation diffère de celle des destinataires de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 85 supra, points 4426 et 4427) et que le principe de non-discrimination n’a dès lors pas été violé. En tout état de cause, à supposer même que la situation de quelques entreprises non destinataires de la décision attaquée ait été analogue à celle de la requérante, une telle constatation ne permettrait pas d’écarter l’infraction retenue à son endroit, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Cimenteries CBR e.a./Commission, point 85 supra, point 4428, et du 20 mars 2002, KE KELIT/Commission, T‑17/99, Rec. p. II‑1647, point 101). Il ressort en effet d’une jurisprudence constante qu’une entreprise, dès lors qu’elle a, par son comportement, violé les dispositions du traité sur les ententes, ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger une amende, alors même que, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 201 supra, point 197 ; voir arrêt KE KELIT/Commission, précité, point 101, et la jurisprudence citée).

228    Troisièmement, s’agissant du nombre d’opérateurs sur le marché, la requérante ne conteste pas la constatation figurant au considérant 551 de la décision attaquée (voir point 217 ci-dessus), selon laquelle la plupart des entreprises italiennes actives dans le secteur au début de la période en question ont entre-temps cessé d’y opérer et que les destinataires de la décision attaquée représentaient, en 1998, une part de plus de 85 % du marché italien du rond à béton, en sorte que la part de marché moyenne des entreprises non destinataires de la décision attaquée est minimale. Elle se limite à cet égard à souligner que tel n’aurait pas été le cas au cours de la période allant de 1989 à 1995, pendant laquelle auraient existé un nombre élevé d’opérateurs de taille dissemblable. Un tel argument ne saurait toutefois, eu égard aux considérations figurant aux considérants 551 à 553 de la décision attaquée (voir point 217 ci-dessus), démontrer le prétendu caractère arbitraire du choix fait par la Commission des destinataires de la décision attaquée.

229    Eu égard à ces développements, il y a lieu de rejeter la première branche du présent moyen.

 Sur les griefs relatifs à la période allant de 1989 à 1992

 Sur les suppléments de dimension

230    La requérante constate que la décision attaquée fait remonter le début des comportements collusoires relatifs aux suppléments de dimension au 6 décembre 1989 et que la preuve de l’adhésion de tous les producteurs de ronds à béton résiderait, d’une part, dans la télécopie de la Federacciai du même jour et, d’autre part, dans la lettre circulaire que Feralpi aurait envoyée le jour suivant à ses représentants et à ses clients afin de les informer des nouveaux prix des suppléments ainsi que dans les communications adressées le même jour par IRO, Riva, SP, Darfo, Alfa et Valsabbia à la Commission. S’agissant de la période allant de 1989 à 1992, la preuve de la continuation de l’entente résiderait dans l’alignement des prix des suppléments de dimension. La requérante soutient que, ce faisant, la Commission a opéré un renversement de la charge de la preuve au détriment des entreprises en cause. En outre, la décision attaquée serait fondée sur une lecture partielle des faits, qui ne tiendrait pas adéquatement compte des caractéristiques du secteur et du fonctionnement du marché et qui serait basée sur des hypothèses non démontrées.

231    En premier lieu, il convient de relever que, pour établir la participation de la requérante, à partir du 6 décembre 1989, au volet de l’entente sur les suppléments de dimension, la Commission s’est fondée, au considérant 126 de la décision attaquée, sur l’existence d’une réunion à cette date à l’Association des industriels de Brescia, au cours de laquelle les participants ont décidé à l’unanimité d’augmenter, à partir du lundi 11 décembre 1989, les suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton, en barres et en rouleaux, destinés au marché italien. La Federacciai, par télécopie envoyée à toutes les entreprises productrices de ronds à béton en Italie le jour même de la réunion du 6 décembre 1989, a communiqué les conclusions de cette réunion. Il ressort à cet égard de cette télécopie, produite par la Commission, que la Federacciai y a rappelé les augmentations qui avaient été décidées « lors de la réunion d’aujourd’hui des producteurs à Brescia » et a précisé leur date d’entrée en vigueur.

232    Au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission a ajouté qu’elle était en possession de la circulaire, datée du 7 décembre 1989, envoyée par Feralpi à ses représentants et clients, par laquelle, en se référant expressément à ce qui avait été établi au cours de cette réunion, elle leur communiquait les décisions prises au cours de celle-ci. Il ressort des termes de cette circulaire, qui a également été produite par la Commission, que les prix ainsi communiqués ainsi que la date de leur entrée en vigueur correspondent à ce qui était précisé dans la télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989.

233    Au considérant 128 de la décision attaquée, la Commission relève que six entreprises, parmi lesquelles la requérante, ont ensuite modifié à plusieurs reprises, et de manière quasiment identique, les suppléments de prix les 21 mars et 2 avril 1990, les 1er et 20 août 1990, les 17 janvier et 1er février 1991 et les 1er juin et 28 août 1991.

234    Dans la décision attaquée, la Commission cite également le témoignage de Riva, qui n’a pas été contesté par la requérante au cours de la procédure administrative ou devant le Tribunal, selon lequel Feralpi participait à des réunions avec les représentants commerciaux d’autres producteurs de ronds à béton, qui avaient notamment pour objet les parts détenues par les producteurs de ronds à béton ainsi que les prix qu’ils pratiquaient (considérant 125 de la décision attaquée).

235    Eu égard à ces développements, c’est à tort que la requérante prétend que la Commission a méconnu la charge de la preuve dans le cadre de l’entente sur les suppléments de dimension au cours de la période allant de 1989 à 1992. Eu égard à la télécopie de la Federacciai, transmise à tous les producteurs italiens de ronds à béton, relative à la réunion du 6 décembre 1989, dont les résultats ont été communiqués le lendemain par Feralpi à ses représentants et clients, ainsi qu’aux modifications subséquentes par Feralpi des prix de ses suppléments de dimension en conformité avec les décisions prises au cours de cette réunion, la requérante ne saurait valablement prétendre que la Commission aurait dû préciser l’identité de tous les participants à ladite réunion ou préciser l’étendue exacte de sa participation à celle-ci. Eu égard aux éléments de preuve susmentionnés, elle ne saurait davantage prétendre que sa participation à l’entente sur les suppléments de prix tiendrait uniquement à sa qualité de membre de la Federacciai, en méconnaissance du principe de la responsabilité personnelle.

236    Par identité de motifs, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas démontré que toutes les entreprises ont effectivement été invitées à la réunion du 6 décembre 1989 doit également être rejeté. La requérante ne saurait pas non plus s’appuyer sur le fait que les entreprises en cause n’auraient pas été informées de l’ordre du jour ou de l’objet des discussions, puisqu’il ressort de la télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989 que la réunion a eu pour objet de fixer les prix des suppléments de dimension et leur entrée en vigueur, ce que la requérante a d’ailleurs communiqué à ses représentants et ses clients.

237    En deuxième lieu, la requérante affirme qu’eu égard à la nature de commodité (commodity) du produit en cause, une entente sur les prix n’aurait pu être conclue qu’avec la participation de la majeure partie des opérateurs intéressés ou d’un nombre de producteurs représentant une partie significative du marché, sous peine d’avoir un caractère instable et de ne pas être susceptible d’avoir une incidence sur l’existence d’une concurrence effective. Un tel argument doit toutefois être écarté, pour les motifs figurant au point 228 ci-dessus. En tout état de cause, il ressort de la décision attaquée (notes en bas de page nos 115 et 117) que les modifications des prix des suppléments d’août 1990 et juin 1991 ont concerné l’ensemble de la production italienne, ce qui n’a pas été contesté par la requérante.

238    En troisième lieu, la requérante affirme que rien ne permet de présumer que les discussions sur les suppléments de dimension avaient un caractère régulier ou périodique. Un tel argument est toutefois inopérant. La Commission y a d’ailleurs répondu dans les termes suivants au considérant 321 de la décision attaquée :

« Selon Feralpi, aucun élément n’indique que les discussions sur les suppléments avaient lieu régulièrement ou selon des échéances périodiques. La Commission n’a pas prétendu cela, mais a simplement affirmé que, le 6 décembre 1989, les participants à la réunion ont décidé à l’unanimité d’augmenter les suppléments et que le texte du document pertinent ne permet pas de conclure qu’il s’agissait là d’un fait nouveau, même si elle n’est pas en mesure de dire quand ce type de comportement a commencé. Ce document constitue seulement la première preuve identifiée d’un tel comportement. »

239    En quatrième lieu, la requérante affirme que la Commission aurait dû produire une preuve directe du concours de volontés sur un projet ayant pour objet de fausser le jeu normal de la concurrence, dès lors que les comportements mis en œuvre sont susceptibles de s’expliquer autrement que par la concertation. Une telle affirmation doit être écartée, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 200 à 205 ci-dessus. Ce n’est en effet que lorsque la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction qu’il suffit à ces dernières de démontrer l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve documentaires, tels que les documents mentionnés aux points 231 et 232 ci-dessus.

240    En tout état de cause, les éléments avancés par la requérante qui démontreraient une explication alternative des comportements mis en œuvre par les entreprises en cause ne sauraient prospérer.

241    Premièrement, la requérante affirme qu’il serait parfaitement normal pour les producteurs de se rencontrer au siège de leur association pour discuter des problèmes du secteur concerné. Toutefois, force est de constater que les sujets de discussion ne se limitaient pas auxdits problèmes, mais concernaient les prix des suppléments ainsi que la date de leur entrée en vigueur.

242    Deuxièmement, la requérante affirme que ces rencontres étaient l’occasion de relever les prix du marché ex post, en préparation des réunions qui avaient lieu à la chambre de commerce de Brescia, qui étaient publiés dans les bulletins de celle-ci. Un tel argument ne saurait être retenu. La télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989 mentionne en effet spécifiquement les prix des suppléments de dimension qui devront être appliqués à partir du 2 janvier 1990, en sorte qu’il ne saurait être question d’une quelconque constatation ex post des prix sur le marché.

243    Troisièmement, les comportements des entreprises entre 1989 et 1992 devraient être analysés à la lumière des conditions de transparence particulières du marché, découlant notamment de la réglementation CECA. Un tel argument doit également être écarté. En effet, selon la jurisprudence, la publicité obligatoire des prix prévue à l’article 60, paragraphe 2, CA avait pour but, tout d’abord, d’empêcher autant que possible les pratiques interdites, ensuite, de permettre aux acheteurs de se renseigner exactement sur les prix et de participer également au contrôle des discriminations et, enfin, de permettre aux entreprises de connaître exactement les prix de leurs concurrents, pour leur donner la possibilité de s’aligner (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 200 supra, point 308, et la jurisprudence citée). En outre, les prix qui figurent dans les barèmes doivent être fixés par chaque entreprise de façon indépendante, sans accord, même tacite, entre elles. En particulier, le fait que les dispositions de l’article 60 CA ont tendance à restreindre la concurrence n’empêche pas l’application de l’interdiction des ententes prévue à l’article 65, paragraphe 1, CA. Par ailleurs, l’article 60 CA ne prévoit aucun contact entre les entreprises, préalable à la publication des barèmes, aux fins d’une information mutuelle sur leurs prix futurs. Or, dans la mesure où de tels contacts empêchent que ces mêmes barèmes soient fixés de façon indépendante, ils sont susceptibles de fausser le jeu normal de la concurrence, au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 200 supra, points 312 et 313, et la jurisprudence citée).

244    La requérante ne saurait prétendre que la Commission n’a pas établi que la coordination est « le fruit de contacts directs ou indirects entre les entreprises » ou qu’elle défendrait l’existence d’une pratique concertée en se fondant sur un simple parallélisme de comportements, eu égard aux documents mentionnés aux points 231 et 232 ci-dessus.

245    Quatrièmement, la requérante affirme qu’une analyse plus approfondie des communications par lesquelles les entreprises communiquaient leurs barèmes aux services compétents de la Commission permet de constater que ces communications reflètent des comportements très différenciés. Tel n’est toutefois pas le cas. Il ressort à cet égard du considérant 128 de la décision attaquée, déjà mentionné au point 233 ci-dessus, que Feralpi, IRO, Riva, SP, Valsabbia et Alfa ont modifié à plusieurs reprises, et de manière quasiment identique, les suppléments de prix les 21 mars et 2 avril 1990, les 1er et 20 août 1990, les 17 janvier et 1er février 1991 et les 1er juin et 28 août 1991, Darfo et AFLL ayant également modifié, respectivement les 2 avril 1990 et 1er juin 1991, les suppléments de prix dans le même rapport que les six entreprises susmentionnées. Il ressort en outre du considérant 133 de la décision attaquée qu’IRO, Feralpi, Riva, Darfo, Alfa et Valsabbia ont continué à modifier de manière quasi identique leurs suppléments de prix les 15 octobre et 1er novembre 1992 et les 17 et 23 novembre 1992, tandis que les modifications de prix des 17 et 23 novembre 1992 ont été appliquées également par AFLL. À cet égard, pour ce qui concerne les communications expressément citées par la requérante dans ses écritures, à savoir celles de Darfo et de SP du 28 mars 1990, force est de constater qu’elles prévoient des alignements mis en œuvre à 24 heures d’intervalle seulement (respectivement le 1er avril et le 2 avril 1990).

246    Cinquièmement, la requérante prétend que la Commission n’a pas tenu compte de la circonstance que l’uniformité substantielle des suppléments résultait des coûts de production, lesquels ne sont pas dissemblables pour les divers producteurs, ce qui aurait été expliqué dans une expertise technique produite par la requérante. Or, toutes les modifications des prix des suppléments effectuées par Feralpi auraient tenu compte, en premier lieu et essentiellement, de l’évolution des coûts de production. Il doit toutefois être relevé, à l’instar de la Commission (considérant 488 de la décision attaquée), que, si c’était le cas, chaque entreprise réajusterait ses suppléments individuellement, dans la mesure où il n’est pas prouvé que toutes feraient les mêmes investissements et supporteraient les mêmes coûts au même moment, étant donné que cela dépend de leurs capacités financières qui ne sont pas identiques.

247    Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs de la requérante relatifs à l’entente sur les suppléments de dimension entre 1989 et 1992 doivent être rejetés.

 Sur le prix de base et les délais de paiement

248    La requérante rappelle que la Commission reproche à 19 entreprises d’avoir conclu, entre le 13 avril et le 31 mai 1992, un accord ayant pour objet la fixation des prix de vente minimaux des ronds à béton, lequel aurait été en vigueur et aurait été susceptible de prorogation. Huit autres entreprises auraient entendu adhérer, le 1er juin 1992, à l’esprit et aux conditions de l’accord existant. Selon la Commission, la fixation du prix de base aurait continué à faire partie de l’objet de l’entente jusqu’en 2000 (considérants 129 à 132 et 419 de la décision attaquée). Toutefois, les éléments avancés par la Commission ne sembleraient pas soutenir cette conclusion.

249    En premier lieu, la requérante affirme que le prétendu accord ne serait qu’une hypothèse d’accord, non signée, découverte au siège de la Federacciai. Si l’existence d’un projet signé ne serait pas nécessaire pour prouver celle d’un comportement collusoire, l’existence d’un projet ne suffirait pas pour démontrer l’existence d’un accord, à défaut d’éléments susceptibles de démontrer que l’accord est le reflet d’une volonté commune effective des parties. Si la requérante affirme qu’elle ne conteste pas l’existence de discussions entre les entreprises dont le nom figure dans le projet d’accord, celles-ci n’auraient abouti à aucun résultat concret. Le protocole d’adhésion ne constituerait que la preuve d’une ultime tentative pour adopter un plan d’action commun. Mis à part le projet d’accord découvert au siège de la Federacciai, la Commission n’aurait trouvé aucune preuve ou mention de cet accord auprès des entreprises en cause. De nombreuses parties de cet accord n’auraient d’ailleurs pas reçu d’application. À cet égard, la modification par certaines entreprises de leurs barèmes pour les mettre en conformité avec les prix indiqués dans le projet d’accord ne serait pas décisive pour prouver l’application effective de l’accord.

250    Il y a lieu de relever, premièrement, que, aux fins de démontrer l’existence d’une entente sur les prix de base et les délais de paiement, la Commission s’est fondée, au considérant 129 de la décision attaquée, sur l’entrée en vigueur, à une date comprise entre le 13 avril 1992 et le 31 mai 1992, d’un accord valable jusqu’au 30 juillet 1992 et renouvelable trimestriellement par les parties. Ainsi qu’il ressort des termes de ce projet d’accord, qui a été produit par la Commission, celui-ci devait être conclu par 19 entreprises productrices de ronds à béton, parmi lesquelles la requérante, et avait pour principal objectif d’obliger les parties à respecter des prix de vente minimaux des ronds à béton sur le marché italien, cités dans l’accord (au cours d’une première phase, 210 ITL/kg, puis 225 ITL/kg et, pour le mois de juin 1992, 235 ITL/kg). Eu égard notamment au contexte décrit aux considérants 124 à 134 de la décision attaquée, l’argument de la requérante selon lequel ledit projet ne serait ni paraphé ni signé est dépourvu de pertinence. En effet, l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, point 55).

251    Il doit être considéré, à l’instar de la Commission (considérant 130 de la décision attaquée), que cet accord est effectivement entré en vigueur, dès lors qu’il ressort du protocole d’adhésion que huit entreprises qui n’y étaient pas parties ont souhaité adhérer, à partir du 1er juin 1992, « à l’esprit et aux conditions de l’accord existant » entre certains producteurs de ronds à béton pour toute la période de validité de cet accord, ce qui démontre à suffisance de droit que l’accord susmentionné était en vigueur au 31 mai 1992, à savoir à la date précédant immédiatement celle à partir de laquelle les huit entreprises supplémentaires déjà citées avaient souhaité y adhérer (voir également considérant 478 de la décision attaquée). La requérante ne saurait dès lors soutenir que l’existence dudit projet d’accord ne suffit pas pour démontrer l’existence d’une volonté commune effective des parties.

252    Deuxièmement, la requérante reconnaît explicitement l’existence de discussions entre les entreprises dont le nom figure dans le projet d’accord, mais fait valoir que celles-ci n’auraient abouti à aucun résultat concret. Force est toutefois de constater, d’une part, que la Commission a relevé, au considérant 131 de la décision attaquée, que plusieurs entreprises (notamment IRO, Valsabbia et AFLL) avaient effectivement mis en œuvre l’accord sur les prix de base des ronds à béton pratiqués durant la période d’application de l’accord susmentionné. D’autre part, selon la requérante elle-même, de nombreuses « parties de l’accord » n’auraient pas reçu d’application, ce qui implique nécessairement que certaines parties de l’accord ainsi conclu ont effectivement été appliquées.

253    Troisièmement, la requérante affirme qu’il n’est pas contesté qu’elle n’a opéré aucune modification de ses barèmes au cours de la période durant laquelle l’accord d’avril-mai 1992 aurait prétendument été en vigueur, ce qui résulterait des tableaux 7.1 et 7.2 joints en annexe de la décision attaquée, ni que l’analyse du tableau des prix moyens de base appliqués par la société au cours de cette période démontre que les prix appliqués ne coïncidaient en rien avec les prix figurant dans le projet d’accord en question.

254    Force est toutefois de constater que la requérante admet explicitement l’existence de discussions avec ses concurrents et que son nom figure dans l’accord susmentionné. Or, il ressort de la jurisprudence du Tribunal, rappelée au considérant 481 de la décision attaquée, que le fait qu’une entreprise ne se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel n’est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente, dès lors qu’elle ne s’est pas distanciée publiquement du contenu des réunions. À supposer même que le comportement sur le marché de la requérante et celui des autres producteurs, qui auraient annoncé des objectifs de prix différents, n’auraient pas été conformes au comportement convenu, cela n’affecte en rien leur responsabilité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Sarrió/Commission, T‑334/94, Rec. p. II‑1439, point 118, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, points 43 et 49), dès lors qu’ils ont simplement pu tenter d’utiliser l’entente à leur profit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 74, et la jurisprudence citée). La prétendue absence de modification de ses barèmes au cours de la période durant laquelle l’accord d’avril-mai 1992 a été appliqué n’est pas de nature à démontrer l’absence de responsabilité de la requérante à cet égard.

255    Quatrièmement, la requérante fait valoir qu’il ressort en tout état de cause des preuves avancées dans la décision attaquée qu’il ne fait nul doute que l’accord n’a été ni prorogé formellement ni appliqué au-delà de juin 1992. Le prix des barèmes figurant dans le tableau 7.2 joint en annexe de la décision attaquée ferait apparaître un effondrement des prix de base et un degré élevé de morcellement des prix. Un tel argument ne saurait être retenu. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 419 de la décision attaquée, l’absence éventuelle de prolongation formelle de cet accord au-delà du mois de juin 1992 n’a pas empêché que la fixation du prix de base continuât à représenter une partie de l’objet de l’entente également en 1993, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 (considérants 420 à 433 de la décision attaquée), à laquelle Feralpi a participé (considérant 558 de la décision attaquée), notamment en raison du fait qu’elle a continué à recevoir les communications de la Federacciai et qu’elle a modifié à certaines reprises son prix de base conformément aux décisions prises au sein de l’entente.

256    En second lieu, pour ce qui concerne l’entente sur les délais de paiement à partir du 15 avril 1992 (considérants 129 et 435 de la décision attaquée), la requérante affirme que la stipulation d’une clause tendant à établir une règle générale de paiement à 90 jours fin de mois était sans aucune influence sur sa politique commerciale, puisque ces délais de paiement étaient ceux que Feralpi appliquait normalement. En outre, elle aurait, avant et après cette date, appliqué des délais de paiement plus longs. À cet égard, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a souligné, au considérant 487 de la décision attaquée, qu’un accord qui consiste en la mise en acte de comportements habituels ou traditionnels peut restreindre la liberté des parties de se faire concurrence en adoptant des comportements différents et que le fait que les arrêts de production avaient lieu en périodes de fêtes pour tous les producteurs et que cela constituait une pratique habituelle ou que les délais de paiement étaient ceux normalement pratiqués serait pertinent seulement en l’absence d’une concertation préalable.

257    Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs de la requérante relatifs à l’entente sur le prix de base entre 1989 et 1992 doivent être écartés.

 Sur les griefs relatifs à la période allant de 1993 à 1995

 Sur les suppléments de dimension

258    La requérante affirme, s’agissant de la concertation relative à la fixation des prix des suppléments de dimension, que la Commission déduit une fois de plus la preuve de son existence de réunions qui auraient eu lieu périodiquement auprès de la Federacciai ainsi que des télécopies envoyées à la suite de ces réunions à toutes les entreprises produisant des ronds à béton. Or, la Commission n’aurait pas prouvé la participation de la requérante à ces réunions, en sorte qu’elle ne pourrait relier le parallélisme de comportement de Feralpi en matière de suppléments à un comportement collusoire, du fait de la transparence du marché instaurée par le traité CECA. Dans ce contexte, les communications de la Federacciai ne seraient que la simple diffusion de données que les entreprises avaient elles-mêmes communiquées aux organes compétents en exécution de leurs obligations légales.

259    Il y a lieu de relever que, au considérant 439 la décision attaquée, la Commission a rappelé, s’agissant de la période allant de 1993 à 1995, que les entreprises avaient décidé et mis en œuvre des augmentations des prix des suppléments de dimension, premièrement, en janvier 1993, eu égard à la tenue d’une réunion le 25 janvier, à la communication des résultats de celle-ci par la Federacciai aux entreprises et à l’adaptation en conséquence des barèmes des suppléments (en particulier, de IRO, Leali, Lucchini‑SP et Riva) (considérants 135 et 136 de la décision attaquée) ; deuxièmement, en avril 1993, eu égard à la tenue d’une réunion le 1er avril, à la communication des résultats de celle-ci par la Federacciai aux entreprises et à l’adaptation en conséquence des barèmes des prix des suppléments (en particulier, de Feralpi, IRO, Ferriere Nord, Alfa, Valsabbia et Darfo) (considérant 137 de la décision attaquée) ; troisièmement, en février 1994, eu égard à une réunion du 7 février, à la communication des résultats de celle-ci aux entreprises par la Federacciai et à l’adaptation en conséquence des barèmes des prix des suppléments (de Ferriere Nord, Feralpi, Lucchini‑SP, IRO, Darfo, Alfa, Riva, Valsabbia et Leali) (considérants 138 et 139 de la décision attaquée) ; quatrièmement, en août 1994, eu égard à une réunion du 30 août concernant également la modification des suppléments, à la communication des résultats de celle-ci aux entreprises par la Federacciai et à l’adaptation en conséquence des barèmes des prix des suppléments (en particulier, de IRO, Darfo, Ferriere Nord, Riva, Valsabbia et Alfa) (considérants 140 et 141 de la décision attaquée) ; cinquièmement, en février 1995, eu égard à une communication du 22 février de la Federacciai aux entreprises et à l’adaptation en conséquence des barèmes des prix des suppléments (en particulier, de Darfo, Feralpi, Valsabbia, IRO, Alfa, Riva, Leali et Ferriere Nord), (considérants 149, 150 et 151 de la décision attaquée) et, sixièmement, en juillet 1995, eu égard à la nouvelle de l’application des nouveaux prix des suppléments communiquée par Leali à la Federacciai dans le cadre des politiques visant une augmentation concertée des prix et à l’adaptation simultanée des barèmes des suppléments (en particulier, de IRO, Darfo, Riva, Alfa, Valsabbia et Feralpi) (considérants 162 et 163 de la décision attaquée).

260    Eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 200 à 205 ci-dessus, la requérante ne saurait prétendre que l’infraction n’est pas établie en raison de l’absence de preuve de sa participation aux réunions mentionnées au point précédent, d’autant qu’elle ne conteste pas qu’elle a modifié ses barèmes conformément aux télécopies de la Federacciai du 1er avril 1993, du 7 février 1994, du 21 février 1995 et du 19 juillet 1995.

261    Il ressort du reste de ces télécopies, produites par la Commission, que celles-ci indiquent précisément les prix des suppléments de dimension, les dates d’application desdits prix (« pour les nouvelles commandes à partir d’aujourd’hui et les livraisons du lundi 5.4.1993 », « avec effet au lundi 14 février 1994 », « applicable immédiatement ») de même que les dates des réunions de vérification, en sorte que la requérante ne saurait soutenir que la Commission est dans l’impossibilité de relier le parallélisme de comportement de Feralpi en matière de prix des suppléments à un comportement collusoire.

262    Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs de la requérante relatifs à l’entente sur les suppléments de dimension entre 1993 et 1995 doivent être rejetés.

 Sur la fixation du prix de base et les délais de paiement

263    Dans une première partie de son moyen, la requérante formule divers arguments visant à contester la force probante des documents utilisés par la Commission pour établir l’infraction relative à la fixation du prix de base en 1993, 1994 et 1995.

264    En premier lieu, pour l’année 1993, la requérante fait valoir que les télécopies du 25 janvier et du 1er avril, sur lesquelles se fonde la Commission (considérants 135 à 137, 420 et 516 de la décision attaquée), ne précisent pas le nom des entreprises ayant participé aux rencontres. Tout d’abord, la Commission ne prouverait pas que les délégués de Feralpi ont participé auxdites réunions. Ensuite, les termes utilisés dans ces télécopies ne signifieraient pas que, au cours de ces réunions, les prix de base ont été « fixés sur le papier ». La Commission ne motiverait pas sa position sur ce point. Enfin, d’autres documents relatifs à la réunion du 25 janvier 1993 prouveraient que, à l’occasion des réunions en question, les prix appliqués sur le marché auraient effectivement été relevés ex post sur la base des communications unilatérales des producteurs. En tout état de cause, la prétendue entente n’aurait eu qu’une incidence très limitée sur les comportements des producteurs, puisque les montants mentionnés dans ces documents n’auraient été appliqués que par un nombre limité de producteurs de ronds à béton.

265    Il y a lieu de relever que, aux considérants 135 à 137 de la décision attaquée, la Commission a notamment fait observer ce qui suit :

« (135)       Le 25 janvier 1993, la Federacciai a communiqué aux entreprises que, durant la réunion qui s’était tenue ce même jour, le prix de base au départ de Brescia relevé était de 280 ITL/kg ; que les « suppléments de dimension » de certains diamètres (6, 8, 10, 12, 14 et 25 mm) avaient été augmentés de 10 ITL/kg pour les aligner sur les prix des autres pays européens (France et Allemagne), et ce à partir du 26 janvier 1993 pour toutes les commandes et à partir du 1er février pour les livraisons. Il avait également été relevé que l’on avait institué, toujours à partir du 26 janvier 1993, le paiement à 60 jours fin de mois. La Federacciai chargeait ces mêmes entreprises de faire connaître par lettre l’ensemble de ces nouvelles conditions à leurs agents et clients.

(136)       IRO, [Alfa], [Darfo], [AFLL], [Lucchini] et [Valsabbia] ont porté le prix de base à 280 ITL/kg à partir, respectivement, des 27 janvier, 28 janvier, 1er février (pour la troisième et la quatrième des entreprises citées), 12 février et 4 mars 1993 […]

(137)       En date du 1er avril 1993, la Federacciai a envoyé aux entreprises une communication analogue à celle mentionnée plus haut, où il est fait référence à une réunion ayant eu lieu ce même jour, au cours de laquelle avaient été obtenues des indications pour les prix de base au départ de Brescia (270 ITL/kg) et celles pour les prix des ‘suppléments’, et ce pour les nouvelles commandes (à partir du 1er avril 1993) et livraisons (à partir du 5 avril 1993). La même communication annonçait qu’une réunion de vérification serait organisée par la Federacciai pour le 20 avril 1993 à 10 h 30. Ce nouveau prix de base a été adopté par [Valsabbia] le 13 avril 1993.

            Il convient d’ajouter, pour ce qui concerne les prix des ‘suppléments de dimension’, que l’on peut vérifier les comportements que six entreprises au moins ont adoptés en conséquence en observant les variations de leurs barèmes respectifs […] »

266    Au considérant 420 de la décision attaquée, la Commission a estimé que « [c]oncernant l’année 1993, [le fait que la fixation du prix de base a continué à faire partie de l’entente] est prouvé par la réunion entre certaines entreprises du 25 janvier (réunion qui concernait également les délais de paiement) et par la télécopie de cette même date de la Federacciai aux entreprises (considérant 135) ; par le prix de base correspondant adopté ensuite par IRO, [Darfo], Leali, [Lucchini‑SP] et Valsabbia (considérant 136) , ainsi que par la réunion du 1er avril entre certaines entreprises, par la télécopie de la Federacciai de ce même jour et par le prix de base correspondant adopté ensuite par Valsabbia (considérant 137) ».

267    Pour ce qui concerne les effets de l’entente sur le marché, la Commission a souligné, au considérant 516 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Au cours de la réunion du 25 janvier 1993, le prix de base de 280 ITL/kg a été ‘observé’. Comme le montre le considérant 136, IRO, [Darfo], Leali, [Lucchini‑SP] et Valsabbia ont adopté ce prix. Cette dernière entreprise a appliqué le prix en question au moins jusqu’au 11 mars 1993. Au cours de la réunion du 1er avril 1993 sont apparues les indications pour le prix de base au départ de Brescia de 270 ITL/kg (considérant 137). Ce nouveau prix de base a été adopté par Valsabbia le 13 avril 1993. »

268    Premièrement, eu égard aux constatations figurant dans les considérants susmentionnés, la requérante ne saurait prétendre que la Commission a violé son obligation de motiver l’interprétation qu’elle a donnée au libellé des télécopies qui y sont mentionnées.

269    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission n’aurait pas établi que les délégués de la requérante avaient participé aux réunions sur les prix de base entre 1993 et 1995, il a été rappelé au point 203 ci-dessus qu’est interdite toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause. Or, les télécopies de la Federacciai doivent être considérées comme de telles prises de contact.

270    Dans ce contexte, il convient de rappeler que la Commission, au considérant 466 de la décision attaquée, a relevé, s’agissant de réunions organisées par la Federacciai sur les prix pour lesquelles les preuves disponibles ne permettaient pas d’identifier clairement les participants, que tous les producteurs italiens de ronds à béton y étaient invités et que tous en recevaient le compte rendu de la Federacciai. Ainsi, pour ce qui concerne la fixation du prix de base entre 1993 et 1995, la Commission a souligné qu’elle était en possession de tels comptes rendus, en date des 25 janvier et 1er avril 1993 (considérants 135 et 137 de la décision attaquée), des 7 février, 30 août, 13 septembre, 25 novembre et 1er décembre 1994 (considérants 138, 140, 142, 143 et 145 de la décision attaquée), des 22 février, 4 juillet et 29 août 1995 (considérants 149, 160 et 168 de la décision attaquée).

271    Troisièmement, la requérante ne saurait affirmer que les termes utilisés dans les télécopies en cause feraient penser que, au cours de ces réunions, des données existantes ont été « notées » ou « sont apparues » à partir de l’observation d’une tendance effective. En effet, les termes utilisés dans ces télécopies doivent être interprétés à la lumière de leur contexte, en particulier des autres éléments figurant dans ces télécopies.

272    À cet égard, si la télécopie du 25 janvier 1993 mentionne, certes, que le prix de base de 280 ITL/kg a été « relevé » lors de la réunion de la même date, elle stipule qu’a également été relevée une augmentation du prix des suppléments afin de les ajuster à ceux des autres pays européens. Or, comme le remarque la Commission, il n’est pas crédible que le marché ait procédé spontanément à une augmentation du prix des suppléments pour les « ajuster » à ceux des autres pays européens. La même télécopie évoque également la possibilité d’« instaurer » un paiement à 60 jours à compter du 26 janvier, ce qui ne saurait être interprété comme une simple constatation relative au marché. De la même manière, comme le souligne la Commission, le terme « relevé » a également été utilisé dans la télécopie de la Federacciai du 30 août 1994, dans laquelle il est affirmé que, « au cours de la réunion d’aujourd’hui, il a été relevé que, avec effet immédiat pour toutes les commandes, le prix est de : 300 ITL/kg base départ Brescia ». Or, un tel « effet immédiat » ne saurait être associé à un examen ex post du marché.

273    Pour ce qui concerne la télécopie du 1er avril 1993, il y a lieu de considérer que le verbe « émerger » qui y est utilisé se rapporte à ce qui a émergé de la « réunion de ce jour » et des discussions des participants à cette réunion. Comme le relève la Commission, le même terme est utilisé dans la télécopie du 29 août 1995, faisant état de décisions de producteurs prises lors de la réunion du même jour, laquelle porte la mention explicite « À détruire après réception », ce qui n’aurait pas de sens s’il s’agissait effectivement d’observations ex post de données provenant du marché et laisse planer peu de doute sur le caractère anticoncurrentiel du contenu de la télécopie.

274    Quatrièmement, pour les motifs exposés aux points 225, 269 et 270 ci-dessus, il convient de rejeter l’argument tiré de la prétendue absence d’application par Feralpi des prix de base en 1993.

275    En deuxième lieu, pour l’année 1994, la Commission a indiqué, au considérant 422 de la décision attaquée, que « le fait que la fixation du prix de base continu[ait] à faire partie de l’objet de l’entente est prouvé par la réunion du conseil de direction de l’Association produits longs de la Federacciai du 7 février et par la télécopie de la Federacciai adressée aux entreprises le même jour (considérant 138) ; par la réunion entre certaines entreprises du 30 août et la télécopie de la Federacciai adressée aux entreprises le même jour (considérant 140) ; par la réunion entre certaines entreprises du 13 septembre et par la télécopie de la Federacciai adressée aux entreprises le même jour (considérant 142) ; par la réunion entre certaines entreprises du 25 novembre 1994 et par la télécopie de la Federacciai adressée aux entreprises le même jour (considérant 143) ; par la réunion entre certaines entreprises du 1er décembre et par la télécopie de la Federacciai reçue par les entreprises le 5 décembre (la réunion et la télécopie concernaient également les délais de paiement et les rabais) et par le prix correspondant adopté ensuite par Alfa, [Darfo] et par [Lucchini‑SP] (considérant 145) ; ainsi que, en ce qui concerne les délais de paiement, par les communications envoyées à la Federacciai, en réponse à la télécopie susmentionnée du 5 décembre, par ALFER Azienda Laminazione Ferro SpA et par Ferriera Tre Valli SpA (considérant 146) ».

276    Au considérant 423 de la décision attaquée, elle a ajouté ce qui suit :

« [L]e prix de base ‘observé’ au cours de la réunion du 30 août était en réalité le prix de base à adopter ‘avec effet immédiat’ ; la réunion du 30 août sera suivie d’une réunion de ‘vérification’, au plus tard la semaine suivante ; au cours de la réunion du 13 septembre, il a été décidé de ‘confirmer à nouveau’ un prix de base déterminé, qui était en réalité celui qui avait déjà été ‘observé’ lors de la réunion du 30 août ; au cours de la réunion du 25 novembre, ‘il a été décidé’ d’indiquer un prix de base déterminé, également en raison du programme d’arrêts relatifs aux deux mois suivants ; ce qui est ‘apparu’ lors de la réunion du 1er décembre concernant le prix de base consistait en réalité dans le fait qu’il ‘avait été décidé d’indiquer’ un prix de base déterminé ; le prix de base qu’il ‘avait été décidé d’indiquer’ lors de la réunion du 1er décembre sera adopté ensuite par Alfa, [Darfo] et [Lucchini‑SP]. »

277    Pour ce qui concerne les effets de l’entente, la Commission a affirmé, au considérant 516 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Au cours de la réunion du conseil de direction de l’Association produits longs de la Federacciai du 7 février 1994, le nouveau prix de 290 ITL/kg base départ Brescia a été indiqué, à appliquer à partir du lundi 14 février 1994 pour les commandes et les livraisons (considérant 138). À la lecture des barèmes de prix dont la Commission est en possession, il n’apparaît pas qu’il ait été possible de soutenir ce prix, sauf dans le cas de [Lucchini‑SP], qui a appliqué un prix de 310 ITL/kg du 18 janvier 1994 et un prix de 300 ITL/kg du 4 mars au 25 avril 1994 (tableau 9 en annexe). Entre le 30 août 1994 et le 25 novembre 1994, trois réunions au moins se sont déroulées (considérants 140, 142 et 143), au cours desquelles il a été décidé de fixer et puis de confirmer un prix de base de 300 ITL/kg. Toujours à l’exception des barèmes de prix communiqués par [Lucchini‑SP], il ne semble pas qu’il ait été possible de soutenir cet objectif. Il faut toutefois noter que, lors des deux premières réunions, une augmentation des prix des ‘suppléments de dimension’ avait été décidée et régulièrement appliquée. Au cours de la réunion du 1er décembre 1994, il a été décidé de porter le prix de base à 320 ITL/kg (considérant 145). Le nouveau prix a été appliqué par Alfa, [Darfo] (en décembre 1994) et par [Lucchini‑SP] en janvier 1995. »

278    La requérante soulève, premièrement, que la Commission interprèterait erronément l’expression « au cours de la réunion (…), les indications suivantes ont émergé (…) », figurant dans la télécopie du 7 février 1994. Un tel argument doit toutefois être rejeté pour des motifs identiques à ceux figurant au point 272 ci-dessus. En particulier, parmi les informations « qui ont émergé » figurent également les nouveaux prix des suppléments applicables à compter du 14 février 1994.

279    Deuxièmement, la requérante prétend que la Commission n’est pas en mesure d’indiquer les entreprises ayant participé aux réunions intervenues au siège de la Federacciai, ni que Feralpi y aurait effectivement assisté. Un tel argument doit toutefois être rejeté pour les motifs exposés au point 203 ci-dessus.

280    Troisièmement, la Commission n’aurait pas prouvé l’alignement éventuel par Feralpi de son prix de base sur le prix de base indiqué dans les télécopies de la Federacciai, ce qui serait confirmé par le tableau 9, joint en annexe de la décision attaquée. Ainsi, les prix de base de la requérante auraient toujours été nettement inférieurs à ceux qui auraient été « convenus » lors des réunions. Un tel argument doit toutefois être rejeté pour les motifs exposés aux points 225, 269 et 270 ci-dessus.

281    En troisième lieu, pour ce qui concerne l’année 1995, la Commission a souligné, au considérant 424 de la décision attaquée, ce qui suit :

« En ce qui concerne 1995, la Commission est en possession des preuves suivantes concernant la poursuite des comportements relatifs à la fixation du prix de base : la télécopie de la Federacciai envoyée le 22 février aux entreprises (considérant 149) ; la réunion ‘ronds à béton’ du 13 juin, qui a concerné également les rabais d’usage (considérant 153) ; la communication du 15 juin de la Federacciai à Leali (considérant 155) ; la note du directeur général faisant fonction au président de la Federacciai du 19 juin (considérant 156) ; la note manuscrite du 27 juin du directeur général faisant fonction de la Federacciai (considérant 159) ; la réunion entre certaines entreprises du 4 juillet et la télécopie de la Federacciai adressée le même jour aux entreprises (considérant 160) ; la communication du 5 juillet de la Federacciai aux entreprises, qui concernait également les délais de paiement (considérant 161) ; la télécopie du 19 juillet de la Federacciai à Leali, qui concernait également les délais de paiement (considérant 163) ; la télécopie du 21 juillet de la Federacciai aux entreprises, qui concernait les délais de paiement (considérant 164), les réponses du 21-27 juillet de Alfa, Artfer Srl, Riva, Acciaierie Ferrero SpA et de [Lucchini‑SP], et la télécopie du 24 juillet de la Federacciai à Leali, tous ces courriers concernant les délais de paiement (considérant 165), la circulaire aux agents et la télécopie à la Federacciai d’IRO du 27 juillet, qui concernait également les délais de paiement (considérant 165), la télécopie du 26 juillet de la Federacciai à Leali concernant les délais de paiement (considérant 165) ; la communication de Leali du 28 juillet concernant les délais de paiement (considérant 166) ; le tour d’horizon mentionné dans le texte de la Federacciai du 31 juillet (considérant 167) ; la réunion du 29 août entre certaines entreprises et la communication adressée le même jour par la Federacciai aux entreprises, qui concernait les délais de paiement (considérant 168) et la note manuscrite de la secrétaire du directeur général faisant fonction de la Federacciai, remontant aux premiers jours d’octobre, et qui concernait aussi les délais de paiement (considérant 174). »

282    Elle a ajouté, au considérant 425, ce qui suit :

« Toujours en ce qui concerne 1995, il convient de noter que : dans la télécopie de la Federacciai du 22 février, on informait les entreprises qu’un prix de base déterminé avait été ‘à nouveau confirmé’. Il devait donc avoir déjà été ‘indiqué’ précédemment ; lors de la réunion ‘ronds à béton’ du 13 juin, la confirmation d’un prix de base de référence déterminé est ‘approuvée à l’unanimité’ ; la communication de la Federacciai du 15 juin s’est référée aux conclusions de la réunion du 13 juin, par l’expression ‘celui qui a été décidé le 13.6’, et la distingue ainsi de ‘ce qui a été discuté le 6.5’ ; la note du 19 juin du directeur général faisant fonction au président de la Federacciai confirme la décision prise lors de la réunion ‘ronds à béton’ du 13 juin relative au prix de base ; la note manuscrite de juin 1995 du directeur général faisant fonction de la Federacciai constitue une confirmation supplémentaire de la décision du 13 juin ; lors de la réunion du 4 juillet, ‘il a été décidé de confirmer l’indication de prix précédente’, qui devait donc avoir été décidée la dernière décade de juin. En outre, une nouvelle réunion était prévue pour indiquer le prix de base pour ‘la période des congés et la période suivante’ ; la communication de la Federacciai relative à la réunion du 4 juillet ainsi que la communication suivante du 5 juillet contiennent l’indication de détruire le document après en avoir pris connaissance ; ‘les nouvelles politiques de prix valables à partir du mois d’août’ seront discutées lors de la réunion du 18 juillet : c’est ce que prévoyait le calendrier de réunions transmis à la Federacciai avec la communication du 5 juillet ; le calendrier doit avoir été substantiellement respecté, et la discussion sur les ‘politiques de prix’ doit avoir eu une conclusion positive, puisque la Federacciai pouvait informer Leali, le 19 juillet, qu’elle avait eu des nouvelles assez bonnes sur la progression du prix et qu’elle croyait donc que, à condition d’être quelque peu prudent, les politiques pouvaient être tranquillement acceptées pour août et pour la suite ; le 29 août, les considérations ‘apparues’ lors de la réunion qui s’est tenue ce jour-là ont fait ‘apparaître’ certaines ‘décisions’. L’une d’entre elles concernait la ‘fixation’ du prix de base ; ce qui est écrit dans la communication du 29 août de la Federacciai aux entreprises doit être mis nécessairement en évidence parce que, d’une part, cette communication s’insère dans une série de communications qui rendent compte d’une réunion ayant pour objet la fixation du prix de base et, parallèlement, elles en indiquent une suivante, ‘pour l’examen du marché’ ; d’autre part, parce qu’elle s’insère aussi dans la série de communications qui contiennent l’indication qu’elles doivent être détruites après réception. Notons enfin que le verbe ‘apparaître’, avec lequel la Federacciai a coutume d’indiquer le processus qui porte une réunion à son résultat, n’est évidemment pas posé comme une solution alternative à la notion de décision qui caractérise ce même résultat ; le moment d’incertitude documenté par la note manuscrite de la secrétaire du directeur général faisant fonction de la Federacciai (rédigée dans les premiers jours d’octobre) confirme que le comportement usuel était celui de donner une référence précise pour le prix de base. »

283    S’agissant des effets de l’entente au cours de cette période, la Commission a relevé, au considérant 516 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Au cours de la réunion du 13 juin 1995, la confirmation du prix de base de référence à 290 ITL/kg […] a été approuvée à l’unanimité (considérant 153). Les effets concrets de ces décisions sont montrés par deux notes du directeur général faisant fonction de la Federacciai. Dans la première, il était fait état que l’objectif proposé n’avait pas encore été atteint (malgré les améliorations sensibles en cours) (considérant 155). Dans la deuxième, il était affirmé que les producteurs étaient parvenus, au cours des deux dernières semaines, à faire remonter les prix de leur niveau minimum de 235 ITL/kg à 280/290 ITL/kg, même si, à un tel niveau de prix, peu d’affaires avaient été conclues (considérant 156). Au cours de la réunion du 4 juillet 1995, après constatation de l’amélioration constante des conditions de marché, il avait été décidé de confirmer l’indication de prix précédente de 300 ITL/kg, base au départ de Brescia, et ce avec l’engagement de tous d’œuvrer en vue de la réalisation de cet objectif (considérant 160). La Commission note que, le 31 juillet 1995, la Federacciai considérait que les conditions étaient réunies pour appliquer totalement le prix minimum de 320 ITL/kg (paragraphe 167). Les barèmes de prix dont la Commission est en possession montrent que ce prix a été appliqué par IRO (à partir du 27 juillet 1995), Valsabbia (à partir du 1er août 1995) et par Alfa (à partir du 23 août 1995) (tableau 11 en annexe). Au cours de la réunion du 29 août 1995, il a été décidé de fixer le prix à 320 ITL/kg base au départ de Brescia pour les commandes de trois chargements ou plus, et à 330 ITL/kg pour les commandes d’un ou deux chargements (considérant 168). Les barèmes de prix dont la Commission est en possession ne montrent pas qu’il ait été possible d’appliquer ces prix. Dans les premiers jours d’octobre, la Federacciai reconnaissait que, ‘depuis la semaine précédente, le prix des ronds à béton avait encore diminué de 5/10 ITL/kg, se situant ainsi autour de 260/270 ITL/kg dans la zone de Brescia, avec des cotations inférieures à 250 ITL/kg en dehors de cette zone’. Elle constatait en outre que ‘la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix’ (considérant 174). »

284    La requérante fait valoir, premièrement, que la Commission ne prouve pas non plus quelles sont les entreprises qui ont pris part aux réunions du 21 février, du 13 juin, du 4 juillet et du 28 août 1995, ni ne démontre que Feralpi y a participé. Un tel argument doit toutefois être rejeté pour les motifs exposés aux points 225, 269 et 270 ci-dessus.

285    Deuxièmement, les montants prétendument confirmés ou fixés n’auraient jamais été pris en considération par la requérante ou par la majorité des entreprises impliquées dans la procédure. Ainsi, le 22 février 1995, Feralpi aurait communiqué à la Commission ses nouveaux barèmes de prix, qui auraient été fixés à des niveaux sensiblement inférieurs à ceux des prix indiqués dans la télécopie du 21 février. Il ressortirait également du tableau 10 annexé à la décision attaquée que les autres entreprises en cause se sont aussi écartées du prix fixé, ce qui serait admis au considérant 516 de la décision attaquée. Partant, même si la collusion était prouvée, celle-ci n’aurait eu aucune incidence sur le fonctionnement du marché. Un tel argument doit toutefois être rejeté pour les motifs exposés au point 254 ci-dessus. En outre, lorsque, comme en l’occurrence, la Commission a rapporté la preuve de l’existence d’un accord, il incombe à l’entreprise y ayant pris part de rapporter la preuve qu’elle s’en est distanciée, preuve qui doit témoigner d’une volonté claire, et portée à la connaissance des autres entreprises participantes, de se soustraire à cet accord (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T-168/01, Rec. p. II-2969, point 86, et la jurisprudence citée). En outre, l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte. Cette complicité constitue un mode passif de participation à l’infraction qui est donc de nature à engager la responsabilité de l’entreprise dans le cadre d’un accord unique (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, point 84).

286    Dans une seconde partie de son moyen, relative à l’entente sur les délais de paiement entre 1993 et 1995, la requérante, se référant aux arguments qu’elle a précédemment formulés, affirme que les délais « convenus » étaient ceux qui étaient communément en usage chez elle. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 256 ci-dessus, un accord qui consiste en la mise en acte de comportements habituels ou traditionnels peut tout de même restreindre la liberté des parties de se faire concurrence en adoptant des comportements différents. Ainsi, le fait que les délais « convenus » constituait une pratique habituelle de la requérante serait pertinent seulement en l’absence d’une concertation préalable. Le présent argument ne peut donc qu’être écarté. 

 Sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes

–       Sur le groupage des arrêts de production de l’été 1995

287    La requérante rappelle que, selon le considérant 174 de la décision attaquée, l’entente relative à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes a débuté le 13 juin 1995, date à laquelle aurait eu lieu une réunion entre producteurs, dans le cadre de laquelle il aurait été décidé à l’unanimité d’interrompre provisoirement la production. Selon la décision attaquée, cette initiative aurait été coordonnée par M. Leali, qui aurait envoyé le 22 juin aux aciéries produisant des ronds à béton armé un message les invitant à confirmer le calendrier des fermetures par écrit. Il ressortirait des considérants 158 et 159 de la décision attaquée que l’adhésion de Feralpi ressort d’une déclaration de sa part concernant son programme d’arrêts de production estivaux, jointe en annexe d’une télécopie que le directeur général faisant fonction de la Federacciai aurait envoyée à M. Leali, dans un contexte différent, le 24 juillet 1995.

288    La requérante affirme que non seulement elle est restée étrangère à l’initiative susmentionnée, mais que, en outre, son désaccord était clair pour les autres opérateurs. D’une part, il n’y aurait aucune trace d’une télécopie de la requérante parmi les réponses à la communication de M. Leali du 22 juin 1995, ce qui serait admis par la Commission au considérant 323 de la décision attaquée. L’unique déclaration de Feralpi sur les arrêts de production estivaux de 1995 serait celle qui figure dans la télécopie de la Federacciai du 24 juillet. Or, la communication serait postérieure d’un mois à celle des autres entreprises et son contenu n’aurait pas été conforme à ce qui aurait été convenu. La période de fermeture coïnciderait avec la période normale de suspension de la production pendant les vacances d’été en Italie. D’autre part, la décision attaquée ne donnerait pas sa juste importance à la circonstance que la réponse de Feralpi était qualifiée d’« étrange » par le directeur général faisant fonction de la Federacciai dans la télécopie du 24 juillet 1995. De plus, dans une télécopie subséquente, du 26 juillet, adressée à M. Leali, ledit directeur général aurait relevé qu’il était apparu à l’occasion d’un entretien avec le responsable commercial de Feralpi que l’entreprise ne pouvait programmer un arrêt de production pendant une quatrième semaine qu’au cours du mois de septembre. Cette éventualité serait, au demeurant, restée sans suite.

289    Dans la décision attaquée, la Commission a souligné que, « [l]orsque l’objet de l’entente s’est étendu également à la limitation ou au contrôle de la production et/ou des ventes, Feralpi a, dès le début (13 juin 1995), participé aussi à cette partie de l’entente, comme il ressort en particulier du fait qu’elle avait répondu (considérant 158) au questionnaire que lui avait envoyé Leali sur indication de la Federacciai, concernant l’application de l’accord sur le regroupement des arrêts (considérant 157), ainsi que du message de la Federacciai à Leali du 26 juillet 1995 (considérant 165) » (considérant 558 de la décision attaquée).

290    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort du compte rendu de la réunion du 13 juin 1995 qu’une fermeture de quatre semaines avant la fin août avait été décidée. Il ressort du dossier que c’est AFLL qui s’est vu confier la coordination de la mise à exécution de l’accord, le membre délégué de son conseil d’administration ayant reçu de la Federacciai une télécopie du 21 juin 1995 contenant le message qu’AFLL devait envoyer aux autres entreprises, relatif à la nécessité de faire suite aux décisions prises relatives à l’arrêt de quatre semaines et comportant une demande de confirmation par écrit du calendrier des arrêts. Il ressort également d’une communication d’AFLL du 22 juin 1995 qu’AFLL a envoyé aux autres entreprises exactement le même message que celui qu’elle avait reçu de la Federacciai.

291    Ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 158 de la décision attaquée, elle est en possession des réponses de nombreuses entreprises, parmi lesquelles IRO, Lucchini, Riva, AFLL, Alfa et Valsabbia. Si, certes, la Commission n’est pas en possession d’une télécopie de la réponse de Feralpi à la télécopie du 22 juin 1995, force est de constater que Feralpi a reçu cette dernière télécopie, la requérante ne contestant pas que son nom figure sur le rapport de transmission du 22 juin 1995. Or, la télécopie du 22 juin 1995 se référait expressément « aux entretiens et déclarations des jours derniers » et remerciait ses destinataires « d’avoir expressément accepté de rallonger la période d’arrêt initialement prévue », la confirmation écrite devant permettre de « rassurer toutes les parties en présence ». Eu égard au contenu de cette télécopie, la requérante ne saurait prétendre qu’elle est restée étrangère à l’initiative susmentionnée, même en l’absence d’une télécopie de confirmation de sa part.

292    Il convient par ailleurs de souligner que Feralpi a communiqué son programme de fermeture estivale à la Federacciai par télécopie du 21 juillet 1995. Il doit être considéré, à l’instar de la Commission, que, malgré le fait que ce programme ait été adressé à la Federacciai et non à AFLL et l’ait été plusieurs semaines après la télécopie du 22 juin 1995, il atteste de la participation de Feralpi à cette partie de l’entente. En effet, d’une part, cette télécopie se réfère au programme des fermetures qui « avait déjà été anticipé ». D’autre part, la Federacciai a transmis cette télécopie de Feralpi à AFLL (qui était en charge de la coordination de la mise à exécution des accords) le 24 juillet 1995 en qualifiant d’« étrange » le programme des arrêts de production de Feralpi, ce qui s’explique par le fait que le programme ainsi communiqué ne correspondait pas exactement à ce qui avait été décidé d’un commun accord.

293    Pour ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel cette partie de l’entente aurait impliqué un grand nombre d’entreprises qui n’auraient pas été poursuivies par la Commission, il se confond avec l’argument déjà soulevé dans la branche du présent moyen relative à l’« étendue subjective de l’infraction » et doit être rejeté pour les mêmes motifs (voir points 216 à 229 ci-dessus).

–       Sur l’échange d’informations confidentielles

294    La requérante rappelle qu’il est affirmé, aux considérants 153 et 445 de la décision attaquée, que, à l’occasion de la réunion du 13 juin 1995, les entreprises participantes ont décidé d’échanger des informations sur les commandes enregistrées par chacune d’elles au cours de la période allant de mai à juin 1995 dans le but de vérifier l’impact des augmentations de prix les plus récentes. Selon la Commission, cet échange d’informations aurait permis les comportements collusoires en matière de prix et de limitation de la production ou des ventes.

295    En premier lieu, la requérante affirme que cet échange d’informations doit être situé dans le contexte particulier du marché sidérurgique, caractérisé par une certaine transparence de par l’existence de nombreuses sources de données statistiques détaillées, dont la collecte avait été organisée par la Commission elle-même. Ainsi, par la décision n° 1566/86/CECA, du 24 février 1986, concernant les statistiques du fer et de l’acier (JO L 141, p. 1), la Commission avait imposé aux opérateurs du secteur de lui communiquer une série de données statistiques mensuelles relatives à la production, aux approvisionnements en matière premières et en énergie, aux commandes et aux livraisons ainsi qu’au niveau de l’emploi dans les entreprises. Dès lors que les informations échangées entre les producteurs au sujet de l’évolution du marché étaient les mêmes que celles qui faisaient l’objet de communications périodiques à la Commission, les entreprises en cause auraient pu considérer que ce type d’échanges étaient inoffensifs pour la concurrence. Au soutien de cette argumentation, la requérante cite la décision 98/4/CECA de la Commission, du 26 novembre 1997, relative à une procédure d’application de l’article 65 [CA] (affaire IV/36.069 Wirtschaftsvereinigung Stahl) (JO 1998, L 1, p. 10).

296    Il convient de relever que la Commission, pour fonder sa constatation relative à l’échange d’informations confidentielles, a indiqué, aux considérants 154 et 155 de la décision attaquée, que, le 14 juin 1995, un responsable de la Federacciai a adressé aux entreprises une télécopie urgente les invitant à produire les données concernant les commandes reçues. Il ressort de cette télécopie, produite par la Commission, que celle-ci se réfère à la réunion commerciale intitulée « Ronds à béton » du 13 juin 1995 à Brescia et invite les entreprises à faire parvenir leurs données à temps à la Federacciai pour qu’elle puisse présenter les résultats de ce relevé lors de la réunion du 20 juin 1995. Au considérant 154 de la décision attaquée, la Commission indique également qu’elle est en possession des réponses de nombreuses entreprises à cette télécopie, reprenant les commandes reçues, tandis que, au considérant 155 de la décision attaquée, elle se réfère à une communication du 15 juin 1995 que le directeur général faisant fonction de la Federacciai avait l’intention de transmettre aux entreprises, demandant pour ce faire l’approbation d’AFLL, dans laquelle il était fait état que l’objectif proposé n’avait pas encore été atteint et qu’il était donc recommandé d’insister ponctuellement auprès de toute la clientèle, une vigueur particulière étant nécessaire également en vue de la réunion du 20 juin 1995.

297    Tandis que la requérante ne conteste pas ces constatations de la Commission, elle soutient que cet échange d’informations doit être situé dans le contexte particulier de la transparence du marché sidérurgique. Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 243 ci-dessus, un tel argument repose toutefois sur une compréhension erronée du système de publicité prévu par le traité CECA.

298    C’est partant à bon droit que la Commission a considéré, au considérant 502 de la décision attaquée, que l’échange d’informations relatives aux commandes permettait aux quelques entreprises impliquées d’acquérir une meilleure connaissance du marché, qui favorisait des comportements contraires au traité, comme le contrôle de la production ou des ventes. En outre, dès lors que Feralpi elle-même reconnaissait que les informations constituaient la base de l’échange et des discussions, notamment à propos des problèmes liés à l’excédent permanent de l’offre, le caractère inoffensif des échanges ne saurait être retenu, puisque c’est précisément pour combattre cet excédent de l’offre que le contrôle de la production a été institué.

299    En second lieu, la requérante affirme que, compte tenu du niveau peu important de concentration sur le marché, sur lequel opéraient quelque 31 entreprises en 1995, l’échange d’informations n’aurait en toute hypothèse pas été susceptible d’avoir une incidence sur le fonctionnement du marché, même si ces informations contenaient, sous certains aspects, une valeur ajoutée par rapport à celles communiquées aux services de la Commission en vertu de la décision n° 1566/86. En outre, l’échange de données n’aurait concerné que onze entreprises (considérants 175 et 176 de la décision attaquée), les autres entreprises n’ayant fourni que des estimations. Le « périmètre subjectif » de l’infraction comprendrait seulement cinq des six entreprises destinataires de la décision attaquée et six autres entreprises, dont certaines seraient encore en activité. À la lumière de cette circonstance, il serait difficile de rattacher les événements en question à un dessein unitaire et de soutenir que les comportements en cause constituent la manifestation d’une infraction unique, complexe et continue.

300    Premièrement, il convient de rejeter l’argument tiré de l’absence d’incidence sur le fonctionnement du marché, pour les motifs exposés au point 298 ci-dessus.

301    Deuxièmement, s’agissant de l’absence de caractère unique de l’entente entre 1989 et 1995, qui découlerait de la participation de différentes entreprises à différentes ententes, il convient tout d’abord de rappeler que la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu ou répété poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 257 ; du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 89 ; du 24 mars 2011, Aalberts Industries e.a./Commission, T‑385/06, Rec. p. II‑1223, point 86, et du 27 juin 2012, Coats Holdings/Commission, T‑439/07, non encore publié au Recueil, point 141).

302    Ensuite, il y a lieu de relever qu’une violation des règles de concurrence relatives aux ententes peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes, et pris isolément, une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 130 supra, point 258 ; Commission/Verhuizingen Coppens, point 225 supra, point 41, et du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié au Recueil, point 49 ; du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 161 ; Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 301 supra, point 90 ; Aalberts Industries e.a./Commission, point 301 supra, point 87, et Coats Holdings/Commission, point 301 supra, point 142).

303    En outre, selon une jurisprudence constante, la notion d’infraction unique peut se rapporter à la qualification juridique d’un comportement anticoncurrentiel consistant en l’existence d’accords, de pratiques concertées et de décisions d’associations d’entreprises (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 186 ; BASF et UCB/Commission, point 302 supra, point 159 ; Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 301 supra, point 91, et Coats Holdings/Commission, point 301 supra, point 143).

304    Il importe également de préciser que la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par une référence générale à la distorsion de concurrence sur le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément inhérent à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait pour conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique. Ainsi, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu, y compris les méthodes employées, et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question (voir, en ce sens, arrêts BASF et UCB/Commission, point 302 supra, points 179 à 181 ; Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 301 supra, point 92, et Aalberts Industries e.a./Commission, point 301 supra, point 88).

305    Enfin, il y a lieu de rappeler qu’une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 200 supra, points 83 et 203 ; Commission/Verhuizingen Coppens, point 225 supra, point 42, et Team Relocations e.a./Commission, point 302 supra, point 50 ; arrêts du Tribunal BASF et UCB/Commission, point 302 supra, point 160, et du 6 mars 2012, UPM-Kymmene/Commission, T‑53/06, non publié au Recueil, point 52).

306    Eu égard à cette jurisprudence, si, certes, l’identité des entreprises ayant pris part à l’infraction constitue un élément pertinent à prendre en considération aux fins d’apprécier le caractère unique d’une infraction, il n’en demeure pas moins que le critère essentiel qui permet de qualifier une entente d’« unique » réside dans le fait que les différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence (voir point 302 ci-dessus). Or, d’une part, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 445 de la décision attaquée, la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes apparaît comme servant l’objectif du prix de base convenu tandis que l’échange d’informations confidentielles vise à des comportements collusoires en matière de prix et de limitation ou contrôle de la production ou des ventes. D’autre part, comme l’affirme la Commission au considérant 507 de la décision attaquée, tant les ententes sur les prix de base que celles sur les suppléments avaient pour objet l’augmentation du prix des ronds à béton sur le marché italien. Les accords ou pratiques concertées concernant les délais de paiement avaient le même objet que ceux concernant la fixation du prix de base, étant donné qu’ils équivalaient à supprimer, ou du moins à réduire, de possibles différences entre les prix des divers concurrents.

307    Eu égard aux développements qui précèdent, les arguments de la requérante doivent être rejetés.

 Sur les griefs relatifs à la période allant de 1996 à 2000

 Sur les suppléments de dimension et les prix de base

308    La requérante rappelle que, selon les considérants 426 à 433 et 439 de la décision attaquée, la fixation des prix des suppléments de dimension et des prix de base a continué à faire partie de l’objet de l’entente pendant toute la période allant de 1996 à 2000.

309    En premier lieu, pour ce qui concerne l’entente sur les suppléments de dimension, la requérante renvoie aux arguments formulés à propos des périodes précédentes. Or, ces arguments ont été rejetés aux points 230 à 247 et 258 à 262 ci-dessus.

310    En second lieu, pour ce qui concerne la fixation du prix de base, la requérante admet que la question a itérativement fait l’objet de discussions, en raison de la réduction progressive des marges des entreprises et de la tendance négative d’évolution des prix en termes réels entre 1990 et 2000, constatée dans l’étude Lear.

311    La Commission aurait toutefois reconnu, au considérant 516 de la décision attaquée, l’inefficacité absolue des décisions adoptées en matière de prix.

312    Tout d’abord, la Commission aurait dû déduire des preuves documentaires dont elle disposait que les prix pratiqués par les producteurs correspondaient à ceux résultant de l’évolution de l’offre et de la demande et que les prétendues décisions d’obtenir un prix déterminé n’étaient pas susceptibles d’avoir une quelconque influence sur le marché. Cela expliquerait que l’on ne trouve que très peu de preuves de ce que Feralpi et les autres entreprises auraient adopté les prix discutés pendant ces réunions, ce qui ressortirait des tableaux 12.1 à 15 de la décision attaquée.

313    Ensuite, la pression extrêmement forte des importations provenant des pays tiers sur le marché italien des ronds à béton, principalement au cours de la période allant de 1998 à 2000, aurait contribué de manière décisive à réduire encore la possibilité déjà faible pour les producteurs de contrôler effectivement les prix.

314    Enfin, Feralpi n’aurait jamais appliqué, en fait, les prix visés comme objectifs. L’autonomie de décision caractérisant les décisions stratégiques de la société, notamment au cours de la période allant de 1998 à 2000, pourrait se déduire du fait que plus de 40 % des ronds à béton armé produits ont été commercialisés dans le cadre de contrats de livraison, normalement de durée annuelle, dont les prix et autres conditions de vente avaient été négociés avec chaque client individuel et ne prenaient pas comme point de référence les prix souhaités au cours des contacts avec les autres producteurs, mais s’orientaient sur les prix publiés au bulletin périodique de la chambre de commerce de Brescia, d’autres rabais étant consentis à cette occasion.

315    Premièrement, force est de constater, à l’instar de la Commission, que la requérante ne conteste aucune des constatations de la Commission relatives à sa participation à l’entente entre 1996 et 2000, à l’exception de celles expressément mentionnées au point 324 ci-après, lesquelles sont rappelées au considérant 558 de la décision attaquée.

316    C’est ainsi que, en 1996, Feralpi a été invitée et a participé à de nombreuses réunions (considérants 180, 181, 182, 183 de la décision attaquée), a reçu des communications de Leali adressées aux entreprises participant activement à l’entente (considérants 185 à 191 de la décision attaquée), a contribué à la mise en place des pratiques concertées relatives aux prix des « suppléments de dimension » de février et octobre 1996 (considérants 184 et 199 de la décision attaquée), a continué à recevoir les communications habituelles de la Federacciai relatives à la fixation du prix de base en octobre 1996 (considérants 192 et 200 de la décision attaquée), a adhéré à l’accord de septembre 1996 concernant la répartition du marché italien des ronds à béton (considérant 196 de la décision attaquée) et a été une des entreprises que, dans la convocation à la réunion du 7 janvier 1997, Leali a remerciées « pour la collaboration et la disponibilité manifestées durant l’année 1996 afin de maintenir une situation de marché ordonnée » (considérant 202 de la décision attaquée). En 1997, Feralpi a notamment continué à recevoir les communications de la Federacciai concernant le prix de base et le prix des « suppléments de dimension » et à modifier également son barème de prix relatif à ces derniers en correspondance avec ce qui avait été décidé au sein de l’entente (considérant 200 de la décision attaquée), a continué à recevoir les communications habituelles de la Federacciai relatives au prix de base et au prix des suppléments de dimension (considérants 210 à 216 de la décision attaquée), a participé aux exercices de contrôle d’un cabinet d’audit de décembre 1997 (considérant 217 de la décision attaquée). En 1998, Feralpi a participé à tous les exercices de contrôle de ce même cabinet d’audit (considérants 223 à 244 de la décision attaquée) et a adhéré à l’accord sur les quotas de vente (entré en vigueur au moins à partir de décembre 1998) et aux arrangements successifs de cet accord (considérants 245 à 267 de la décision attaquée). En 1999, Feralpi a continué à participer à l’entente, adhérant à la pratique concertée relative au prix des suppléments de dimension, (considérant 269 de la décision attaquée) et a participé à l’arrêt de production concerté (considérant 277 e la décision attaquée). Enfin, en 2000, Feralpi a participé aux réunions des 11 janvier, 25 janvier, 1er février, 10 mars, 18 avril, 16 mai, 23 mai et 27 juin 2000 (considérants 280, 282, 283, 289, 294, 298, 299 et 304 de la décision attaquée).

317    Deuxièmement, pour ce qui concerne l’inefficacité absolue des décisions prises dans le cadre de l’entente, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que l’article 65, paragraphe 1, CA interdit les accords qui « tendraient » à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence. Il s’ensuit qu’est interdit, au sens de cette disposition, un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence, mais dont les effets anticoncurrentiels n’auraient pas été établis. Dès lors que la Commission a constaté, au considérant 399 de la décision attaquée, que l’entente avait pour objet la fixation des prix en fonction de laquelle a également été convenue la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, elle n’était pas tenue de démontrer l’existence d’un effet préjudiciable sur la concurrence pour établir une violation de l’article 65, paragraphe 1, CA (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Ensidesa/Commission, C‑198/99 P, Rec. p. I‑11111, points 59 et 60, et arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 200 supra, point 277) (voir également considérant 463 de la décision attaquée). En tout état de cause, la Commission a examiné, dans un souci d’exhaustivité, les effets de l’entente et a considéré, sur la base d’un ensemble d’éléments exposés aux considérants 513 à 524 de la décision attaquée, que l’entente avait eu des effets concrets.

318    Pour contester cette conclusion, la requérante se limite à faire valoir, tout d’abord, que la Commission n’a pas contredit les conclusions de l’étude Lear, selon laquelle les prix auraient baissé de 32 % au cours de la période considérée. Toutefois, force est de constater que, s’agissant en particulier des conclusions de l’étude Lear sur les effets de l’entente, la Commission a notamment relevé, au considérant 513 de la décision attaquée, que, « ayant comme points de référence les prix moyens des suppléments de décembre 1989-janvier 1990 et mai-juin 2000, [… elle] estim[ait] une augmentation du prix des suppléments d’au moins 40 % en termes réels ». Selon la Commission, « [c]ela signifi[ait] que, même si on voulait considérer d’importantes réductions du prix de base en termes réels, les données ne sembl[ai]ent pas supporter la thèse de l’étude Lear d’une réduction du prix total de 32 % en termes réels » et que, « [d]e toute façon, l’étude Lear se bas[ait] sur des hypothèses nécessaires à la reconstruction d’une partie des données (relatives à la première période) qui n’étaient pas disponibles ». En outre, au considérant 521 de la décision attaquée, la Commission a rappelé la jurisprudence du Tribunal selon laquelle une analyse économique ne pouvait pas effacer la réalité incontournable de preuves documentaires (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 85 supra, point 1088). Or, la requérante ne fait valoir aucune observation sur ces conclusions.

319    Ensuite, la requérante se réfère à la séquence des réunions entre janvier et mai 2000, visant à la pratique d’un prix déterminé (substantiellement le même pendant toute la période), qui mettrait en lumière que les prix constatés ne coïncidaient pas avec les objectifs souhaités. Toutefois, la Commission a constaté, sans être contredite par la requérante, que, entre 1989 et 2000, le niveau des prix des suppléments de dimension avait été multiplié environ par deux (considérant 515 de la décision attaquée). Pour ce qui concerne les prix de base au cours de cette période, il ressort du considérant 516 de la décision attaquée, qui n’est pas non plus contesté par la requérante, que les entreprises évaluaient l’évolution du marché afin de prendre des mesures correctives. En outre, les barèmes de prix dont dispose la Commission montrent une augmentation du prix de base de 180 ITL/kg en janvier à 220 ITL/kg au 30 mai, conformément aux décisions prises. La requérante elle-même a appliqué, au mois de juin 2000, le prix de 210 ITL/kg décidé lors de la réunion du 13 juin 2000 (considérant 302 de la décision attaquée).

320    En outre, la requérante se réfère au prix de 230 ITL/kg, décidé lors de la réunion du 13 février 1996, qui n’aurait reçu aucune suite de la part des entreprises concernées, pour démontrer l’absence totale de correspondance entre l’objectif théorique et son application concrète. S’agissant de cette réunion, il y a lieu de relever qu’il ressort des constatations de la décision attaquée non contestées par la requérante que la décision prise lors de la réunion du 13 février 1996 n’avait pas eu tous les effets escomptés, puisque, dans une note du membre délégué du conseil d’administration de Leali, il était noté que, à la date du 28 février 1996, on observait des difficultés dans l’obtention de la cotation convenue de 230 ITL/kg à cause d’un marché gravement stagnant et en raison du manque de synchronisation entre les producteurs au moment de la variation du barème. On observait quand même – continuait la note – une augmentation des cotations (considérant 516 de la décision attaquée).

321    Par ailleurs, la requérante fait valoir que la pression extrêmement forte des importations provenant de pays tiers sur le marché italien a contribué de manière décisive à réduire la possibilité pour les producteurs de contrôler effectivement les prix. Un tel argument est manifestement inopérant, puisqu’il ne vise pas à démontrer l’absence d’effets sur le marché de l’entente, mais uniquement une prétendue difficulté plus grande pour les entreprises de contrôler les prix.

322    Enfin, l’argument de la requérante selon lequel plus de 40 % des ronds à béton qu’elle a produits au cours de la période allant de 1998 à 2000 ont été commercialisés dans le cadre de contrats de livraison, normalement de durée annuelle, dont les prix et autres conditions avaient été négociés avec chaque client individuel et ne prenaient pas comme point de référence les prix décidés avec les concurrents, ne concerne qu’une partie des contrats conclus par la requérante elle-même avec certains de ses clients et est en tout état de cause dépourvu de pertinence aux fins de démontrer l’absence d’effets de l’entente sur les prix de base et les suppléments de dimension.

323    Eu égard aux développements qui précèdent, les arguments de la requérante doivent être rejetés.

 Sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes

324    La requérante fait valoir que, bien qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits établis par la Commission en ce qui concerne les contacts intervenus entre les entreprises au cours de la période considérée, elle nie avoir participé à certaines initiatives qui lui sont imputées. Ainsi, la requérante serait restée étrangère à l’initiative du 2 avril 1996, ce qui ressortirait de deux circulaires internes des 25 mars et 23 avril 1996, et à l’accord sur la limitation des livraisons sur le marché national de novembre 1997 et décembre 1997. En outre, la Commission aurait sous-évalué l’impact de l’absence de réaction de ses services à la notification de l’accord Darfo sur la conviction des entreprises quant à la légalité absolue de leur comportement.

325    Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 315 ci-dessus, la requérante ne conteste pas les constatations de la Commission rappelées au considérant 558 de la décision attaquée (voir point 316 ci-dessus), à l’exception de celles visées au point 324 ci-dessus.

326    S’agissant de ces dernières, il suffit de constater, tout d’abord, pour ce qui concerne la réunion du 2 avril 1996, qu’il ressort du dossier que Feralpi y a effectivement été invité (voir également le considérant 190 de la décision attaquée). La Commission n’a pas affirmé, dans la décision attaquée, que Feralpi avait effectivement arrêté sa production conformément aux recommandations formulées lors de cette réunion. Ainsi, au considérant 191 de la décision attaquée, la Commission se limite à mentionner la note concernant cette réunion, selon laquelle la majorité des producteurs avait programmé « une semaine d’arrêt à Pâques et au moins un autre pont dans la période du 25 avril au 5 mai ».

327    Ensuite, pour ce qui concerne son argument selon lequel elle serait restée étangère à l’accord sur la limitation des livraisons sur le marché national de novembre et décembre 1997 (considérant 208 de la décision attaquée), la requérante se limite à affirmer que « les éléments en [sa] possession […] ne confirment pas que cette réduction ait été opérée pour ce qui la concerne à concurrence des pourcentages indiqués ici ». Un tel argument est toutefois également manifestement inopérant, dès lors qu’il ne prouve pas que la requérante soit restée étrangère à cette initiative. En outre, la requérante ne formule aucune observation sur les constatations de la Commission figurant au considérant 208 de la décision attaquée, selon lesquelles, dans une note manuscrite de Feralpi, où figure le compte rendu de la réunion à laquelle ont participé les « titulaires » de sept des huit entreprises le 17 novembre 1997, il est écrit que « l’on a pris en considération le principe qu’un quota supplémentaire de 20 % par rapport au quota de livraison de novembre sera déduit en décembre », ce qui montre que la limitation prévue pour novembre a bien eu lieu.

328    Enfin, pour ce qui concerne la prétendue conviction des entreprises quant à la licéité de leur comportement, qui serait fondée sur l’absence de réaction de la Commission à la notification de l’accord Darfo, il ressort du dossier que de nombreuses communications adressées aux producteurs de ronds à béton indiquaient précisément l’objet des réunions en cause et portaient en outre la mention « À détruire après lecture », ce qui ne saurait laisser aucun de doute quant à leur caractère collusoire.

329    Eu égard à l’ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante relatifs à l’entente sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes entre 1996 et 2000, ainsi que le présent moyen dans son ensemble.

7.     Sur le septième moyen, tiré de la détermination erronée du montant de l’amende

330    Dans le présent moyen, la requérante soutient, d’une part, qu’une partie de l’infraction est prescrite et, d’autre part, que la Commission a erronément apprécié la gravité de l’infraction constatée dans la décision attaquée.

 Observations liminaires

331    Il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul du montant des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 1998, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 129 supra, point 112, et la jurisprudence citée).

332    La gravité des infractions au droit de la concurrence de l’Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être prise en compte (arrêts de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 72, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 129 supra, point 54).

333    Ainsi qu’il a été exposé au point 29 ci-dessus, la Commission a, en l’espèce, déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices de 1998.

334    Si les lignes directrices de 1998 ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 209, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 70).

335    En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 334 supra, point 211, et la jurisprudence citée ; arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 334 supra, point 71).

336    En outre, les lignes directrices de 1998 déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 334 supra, points 211 et 213).

337    Conformément aux lignes directrices de 1998, la méthodologie applicable pour le montant de l’amende repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes.

338    Selon le point 1 des lignes directrices de 1998, le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

339    S’agissant de l’appréciation de la gravité de l’infraction, les lignes directrices de 1998 indiquent, au point 1 A, premier et deuxième alinéas, ce qui suit :

« [L]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves. »

340    Il ressort des lignes directrices de 1998 que les infractions peu graves pourront, par exemple, consister en des « restrictions, le plus souvent verticales, visant à limiter les échanges, mais dont l’impact sur le marché reste limité, ne concernant en outre qu’une partie substantielle mais relativement étroite du marché communautaire » (point 1 A, deuxième alinéa, premier tiret, des lignes directrices de 1998). Quant aux infractions graves, la Commission précise qu’« il s’agira le plus souvent de restrictions horizontales ou verticales de même nature que dans le cas [des infractions peu graves], mais dont l’application est plus rigoureuse, dont l’impact sur le marché est plus large et qui peuvent produire leurs effets sur des zones étendues du marché commun ». Elle indique également qu’il pourrait s’agir de « comportements abusifs de position dominante » (point 1 A, deuxième alinéa, second tiret, des lignes directrices de 1998). S’agissant des infractions très graves, la Commission indique qu’« il s’agi[t] pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole » (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

341    La Commission précise également que, d’une part, à l’intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites graves et très graves, l’échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises et, d’autre part, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, troisième et quatrième alinéas, des lignes directrices de 1998).

342    Selon les lignes directrices de 1998, pour les infractions « très graves », le montant de départ envisageable des amendes va au-delà de 20 millions d’euros ; pour les infractions « graves », celui-ci peut varier entre 1 et 20 millions d’euros ; enfin, pour les infractions « peu graves », le montant de départ envisageable des amendes est compris entre 1 000 euros et 1 million d’euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tirets, des lignes directrices de 1998).

343    Pour ce qui concerne la durée de l’infraction, selon le point 1 B des lignes directrices de 1998, celle-ci devrait être prise en considération de manière à distinguer :

–        les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), pour lesquelles aucun montant additionnel n’est prévu ;

–        les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles un montant pouvant aller jusqu’à 50 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction est prévu ;

–        les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles un montant pouvant être fixé pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction est prévu.

344    À cet égard, ainsi que la Cour l’a rappelé dans ses arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, non encore publié au Recueil, point 129) et KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 102), il appartient au juge de l’Union d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe sur la base des éléments apportés par la partie requérante au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission, ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices de 1998 ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments, pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait.

345    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner le présent moyen.

 Sur la prescription des infractions

346    La requérante affirme que la condition préalable de continuation de l’infraction n’ayant pas été remplie en l’espèce, les infractions éventuelles rapportées à la première période examinée doivent être considérées comme prescrites, le pouvoir de la Commission d’infliger des amendes étant soumis à un délai de prescription quinquennal. Dès lors que les premiers actes d’enquête réalisés par la Commission remontent au dernier trimestre de l’année 2000, les infractions commises plus de cinq ans auparavant ne relèveraient pas d’un dessein unitaire et seraient prescrites.

347    Force est de constater que le moyen de la requérante est fondé sur la prémisse selon laquelle les infractions constatées dans la décision attaquée ne relèvent pas d’un dessein unitaire. Or, un tel argument a été rejeté dans le cadre du sixième moyen (voir points 216 à 329 ci-dessus), en sorte que son moyen doit être rejeté.

348    En tout état de cause, ainsi que le souligne la Commission, le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 [et à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision n° 715/78/CECA de la Commission, du 6 avril 1978, relative à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans le domaine d’application du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (JO L 94, p. 22)] n’a pas expiré.

349    Il résulte en effet de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (et de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 715/78) que, pour les infractions continues ou répétées, la prescription commence à courir à compter du jour où l’infraction a pris fin, soit, en l’espèce, le 5 juillet 2000, date à laquelle a cessé l’infraction (considérant 606 de la décision attaquée).

350    Conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et à l’article 2, paragraphe 3, de la décision n° 715/78, la prescription est notamment interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction. Il s’ensuit que la prescription dans la présente affaire a été interrompue par l’envoi de la communication des griefs, en mars 2002, ainsi que par l’envoi de la communication des griefs supplémentaires, en août 2002.

351    En outre, selon l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003 (qui correspond à l’article 3 de la décision n° 715/78), la prescription est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour, c’est-à-dire, en l’espèce, jusqu’au 25 octobre 2007.

352    C’est partant à juste titre que la Commission a souligné, au considérant 572 de la décision attaquée, que sept mois seulement s’étaient écoulés entre la notification de la communication des griefs supplémentaires, en août 2002, et l’ouverture de la procédure devant le Tribunal, tandis qu’un an et onze mois s’étaient écoulés entre le prononcé des arrêts du 25 octobre 2007, dont l’arrêt Feralpi Siderurgica/Commission, point 20 supra, et la date de notification de la décision attaquée. Il s’ensuit que le délai de prescription de cinq ans n’avait pas expiré au moment où la décision attaquée a été adoptée.

353    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter la présente branche du septième moyen.

 Sur l’appréciation de la gravité de l’infraction

354    La requérante conteste la qualification de « très grave » de l’infraction. À cet égard, le classement de l’infraction dans la catégorie des infractions « graves » aurait dû se traduire par une fixation différente du montant de départ de l’amende.

 Sur la nature de l’infraction

355    En premier lieu, la requérante affirme que la Commission utilise des arguments contradictoires pour qualifier l’infraction de « très grave ». Ainsi, alors que, au considérant 597 de la décision attaquée, elle aurait reconnu que l’infraction était relativement moins grave avant 1995 et se serait engagée, au considérant 600 de la décision attaquée, à tenir compte des caractéristiques spécifiques de la présente affaire, relative à un marché national, soumis à la réglementation particulière de la CECA à l’époque des faits et sur lequel les entreprises destinataires de la décision représentaient une partie limitée du marché en cause, elle fait valoir, au même considérant, que ces appréciations ne sont pas préjudiciables au caractère « très grave » de l’infraction. Ce faisant, la Commission n’aurait pas motivé adéquatement, et aurait donc motivé de manière erronée, ses considérations sur la gravité de l’infraction imputée à Feralpi. Il conviendrait de tenir compte du fait que les comportements reprochés à Feralpi ont été adoptés avec la conviction de leur légitimité fondamentale et de leur innocuité au regard des dispositions qui caractérisaient le régime du traité CECA. Le raisonnement de la Commission serait inconciliable avec la pratique communément suivie dans des cas analogues et par la jurisprudence pertinente.

356    Premièrement, force est de constater que, au considérant 597 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, si, certes, alors qu’avant 1995 il pouvait être considéré que l’entente était « relativement moins grave », puisque les comportements étaient moins structurés et donc relativement moins dangereux pour la concurrence, la gravité de l’infraction s’était accrue par la suite, lorsque de nouvelles mesures restrictives, telles que le contrôle ou la réduction de la production ou des ventes, avaient été introduites. Ce comportement, qui, dans les faits, était toujours lié à l’augmentation du prix, a rendu l’entente encore plus structurée. Ainsi, la Commission n’a pas qualifié juridiquement l’infraction de seulement « grave » audit considérant. Au contraire, au considérant 591 de la décision attaquée, la Commission a expressément rappelé la qualification de « très grave » de l’infraction. L’argument de la requérante tiré de l’absence d’adéquation de la motivation doit donc être rejeté.

357    Deuxièmement, il a été rappelé au point 340 ci-dessus qu’il ressort des lignes directrices de 1998 que les restrictions horizontales de type « cartels de prix » figurent expressément parmi les infractions qualifiées de « très graves ». La requérante ne saurait à cet égard invoquer sa conviction de la « légitimité fondamentale » des pratiques en cause au regard des dispositions qui caractérisaient le traité CECA. Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 328 ci-dessus, de nombreuses communications adressées aux producteurs de ronds à béton indiquaient précisément l’objet des réunions en cause et portaient en outre la mention « À détruire après lecture », ce qui ne saurait laisser aucun doute quant à leur caractère collusoire.

358    En tout état de cause, ainsi qu’il a été rappelé au point 341 ci-dessus, l’échelle des sanctions retenues par la Commission permet de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises. Or, en l’espèce, la Commission a jugé opportun de fixer le montant de départ de l’amende infligée à la requérante à 5 millions d’euros, soit un quart du seuil minimal de 20 millions d’euros qui est normalement prévu par les lignes directrices de 1998 pour ce type d’infraction très grave (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998). Il y a donc lieu de considérer que la Commission a dûment tenu compte des circonstances rappelées au point 355 ci-dessus.

359    En deuxième lieu, la requérante, incluse dans le premier groupe, conteste la répartition par catégories opérée par la Commission dans le cadre de la fixation du montant de départ spécifique de l’amende. La Commission n’aurait pas apprécié de manière adéquate le poids spécifique de la requérante, qui est une société dont la production est centrée sur les ronds à béton, d’une taille nettement inférieure à d’autres groupes industriels, puissants et articulés, impliqués dans la procédure. Par ailleurs, Alfa et Lucchini, qui détiendraient des parts de marché proches de celles de la requérante (leurs parts de marché représentant environ 80 % de celles de Feralpi), auraient été incluses dans le deuxième groupe, dans lequel auraient dû figurer des entreprises détenant une part de marché moyenne égale à 70 % environ de celle des entreprises du premier groupe.

360    Il ressort des lignes directrices de 1998 que celles-ci prévoient, premièrement, l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle, sur la base de laquelle un montant de départ général peut être fixé (point 1 A, deuxième alinéa, des lignes directrices de 1998). Deuxièmement la gravité est analysée par rapport à la nature des infractions commises et aux caractéristiques de l’entreprise concernée, notamment par rapport à sa taille et à sa position sur le marché pertinent, ce qui peut donner lieu à la pondération du montant de départ, au classement des entreprises en catégories et à la fixation d’un montant de départ spécifique (point 1 A, troisième à septième alinéas, des lignes directrices de 1998).

361    Il y a également lieu de rappeler que, dans le cadre du calcul du montant des amendes infligées au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui incombent à la Commission en vertu de cette disposition. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises concernées afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, point 148 supra, point 109 ; du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 44, et du 18 juillet 2013, Dow Chemical e.a./Commission, C‑499/11 P, non encore publié au Recueil, point 87).

362    C’est ainsi que les lignes directrices de 1998 disposent que, pour une infraction de gravité donnée, il peut convenir, dans les cas impliquant plusieurs entreprises comme les cartels, de pondérer le montant de départ général pour établir un montant de départ spécifique tenant compte du poids, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature (point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices de 1998). En particulier, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs (point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices de 1998).

363    Les lignes directrices de 1998 précisent également que le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation obéisse à un calcul arithmétique (point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices de 1998).

364    Dès lors, pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, il y a lieu de vérifier si la répartition opérée par la Commission est cohérente et objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, points 406 et 416 ; du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 157, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 184).

365    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 31 ci-dessus, la Commission a distingué trois groupes d’entreprises sur la base des parts de marché moyennes au cours de la période allant de 1990 à 1999, lesquelles ont été calculées comme suit (considérants 79, 82, 85, 87, 89, 94, 98 à 100, 104, 107, 599 à 602 de la décision attaquée) : Feralpi (10,31 %) et Valsabbia (10,03 %) ont été placées dans le premier groupe ; Lucchini (7,92 %), Alfa (7,87 %), Riva (7 %) et Leali (6,4 %) ont été placées dans le deuxième groupe (avec une part de marché moyenne représentant, selon le considérant 601 de la décision attaquée, environ 70 % de la part de marché moyenne des entreprises du premier groupe) ; IRO (4,99 %) et Ferriere Nord (3,65 %) ont été placées dans le troisième groupe (avec une part de marché moyenne représentant, selon le considérant 601 de la décision attaquée, environ 35 % de la part de marché moyenne des entreprises du premier groupe).

366    À cet égard, il doit être relevé que le considérant 601 de la décision attaquée comporte une erreur, en ce sens que la part de marché moyenne des entreprises placées dans le troisième groupe ne représente pas environ 35 % de la part de marché du premier groupe, ce que la Commission a reconnu lors de l’audience. Cette erreur n’est toutefois pas de nature à entraîner l’illégalité de la répartition des entreprises en catégories opérée par la Commission ni celle de l’inclusion de la requérante dans la première catégorie.

367    En effet, outre que, ainsi qu’il a été souligné au point 363 ci-dessus, conformément au point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices de 1998, la différenciation entre entreprises ayant participé à une même infraction ne doit pas obéir à un calcul arithmétique (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 334 supra, point 266, et arrêt BASF/Commission, point 364 supra, point 149), il ressort du considérant 601 de la décision attaquée que, dans la décision attaquée, les montants de départ des sanctions infligées aux entreprises des deuxième et troisième groupes ont été calculés en pourcentage de la part de marché moyenne des entreprises du premier groupe. L’erreur commise dans le calcul de la part de marché moyenne de la troisième catégorie est partant sans incidence sur le montant de départ de l’amende infligée à la requérante.

368    En tout état de cause, il doit être constaté que la première catégorie comprend les entreprises avec une part de marché moyenne supérieure à 10 % ; la deuxième catégorie comprend les entreprises ayant une part de marché moyenne située entre 6 et 8 % ; enfin, la troisième catégorie comprend les entreprises ayant une part de marché inférieure à 5 %. La répartition opérée par la Commission apparaît dès lors cohérente et objectivement justifiée.

369    En troisième lieu, la requérante affirme qu’elle est une entreprise à direction familiale ne disposant pas, à l’époque des faits en cause, de connaissances et d’infrastructures juridico-économiques comparables à celles d’autres entreprises sanctionnées pour des ententes. Elle n’aurait pas disposé d’un service juridique et aurait agi en étant convaincue du caractère correct de ses comportements et sans avoir vraiment conscience de leurs conséquences éventuelles.

370    Un tel argument doit être rejeté, dès lors que même à supposer que la requérante n’ait pas disposé de service juridique et n’ait pas jugé utile d’obtenir un quelconque avis juridique, il a été considéré qu’elle ne pouvait nourrir aucun doute raisonnable sur le caractère illicite de son comportement (voir point 357 ci-dessus).

 Sur l’impact réel de l’infraction

371    La requérante affirme que la Commission n’a pas tenu compte de l’impact réel de l’entente. Or, il ressortirait de la pratique décisionnelle de la Commission que des infractions qualifiées de « très graves » de par leur nature auraient été qualifiées de « graves » à la suite de l’analyse de leur impact effectif. Une appréciation correcte de l’impact de l’infraction revêtirait une importance fondamentale pour des raisons d’équité et pour éviter l’application de sanctions disproportionnées par rapport à l’infraction en cause. Aux fins de l’appréciation correcte de l’impact de l’infraction, la Commission serait tenue de vérifier si l’infraction a effectivement été mise à exécution. Elle ne saurait toutefois se fonder sur un rapport de cause à effet entre la mise à exécution d’un accord et son impact concret sur le marché. En l’espèce, premièrement, Feralpi aurait démontré que les prétendues infractions n’ont eu aucun impact réel sur le marché. À cet égard, la Commission aurait systématiquement écarté les données pouvant se déduire des documents économiques produits par la requérante, notamment l’étude Lear, complétée aux fins de la présente procédure par un document additionnel, qui démontrerait l’absence d’impact significatif sur les prix. Elle ne fonderait toutefois pas ses propres assertions sur une motivation objective et une analyse de caractère économique. Deuxièmement, les entreprises en cause n’auraient représenté qu’une partie limitée du marché italien des ronds à béton, pour lequel la Commission aurait dû tenir compte de la pression concurrentielle d’autres produits sidérurgiques, tels que le treillis soudé ou les poutrelles. Troisièmement, les entreprises en cause auraient seulement représenté une part modeste du marché européen, qui devrait être pris comme paramètre de référence pour définir le marché en cause. Quatrièmement, Feralpi aurait connu un résultat négatif pendant une grande partie de la période en question.

372    À titre liminaire, s’agissant de l’obligation ou non pour la Commission d’établir, aux fins du calcul de l’amende, l’existence d’un impact concret de l’infraction sur le marché, il convient de rappeler que, si cet impact est un élément à prendre en considération pour évaluer la gravité de l’infraction, il s’agit d’un critère parmi d’autres, tels que la nature propre de l’infraction et l’étendue du marché géographique. De même, il ressort du point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices de 1998 que cet impact est à prendre en considération uniquement lorsqu’il est mesurable (arrêts de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, point 125, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 129 supra, point 74 ; arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 143, et du 13 juillet 2011, ThyssenKrupp Liften Ascenseurs e.a./Commission, T‑144/07, T‑147/07 à T‑150/07 et T‑154/07, Rec. p. II‑5129, point 207).

373    Pour ce qui concerne la prise en compte des effets de l’entente pour la détermination du montant de l’amende infligée aux entreprises en cause, tout d’abord, la Commission a rappelé, aux considérants 589 et 595 de la décision attaquée, que l’effet qu’a pu avoir un accord ou une pratique concertée sur le jeu normal de la concurrence n’était pas un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende et que des éléments relevant de l’aspect intentionnel, et donc de l’objet d’un comportement, pouvaient en effet avoir plus d’importance que ceux relatifs à ses effets, surtout lorsqu’ils ont trait à des infractions intrinsèquement graves, telles que la fixation des prix et la répartition des marchés. Or, l’infraction constatée en l’espèce constituerait une infraction très grave au droit de l’Union (considérant 591 de la décision attaquée).

374    Ensuite, la Commission a considéré, au considérant 520 de la décision attaquée, que l’affirmation des parties à l’entente selon laquelle l’entente n’avait eu aucun effet ne pouvait pas être retenue. La Commission s’est à cet effet référée aux considérants 513 à 524 de la décision attaquée, dans lesquels elle a examiné les effets concrets de l’entente et a conclu que celle-ci avait influencé le prix de vente pratiqué par les producteurs de ronds à béton en Italie, même si les mesures prises au sein de l’entente n’avaient pas toujours immédiatement produit les résultats espérés par les entreprises qui y participaient. La Commission a également relevé que l’incidence insuffisante de certaines initiatives concernant les prix avait également conduit les entreprises en cause à les combiner avec d’autres mesures sur les volumes ou à modifier les mesures prises sur les prix. Par ailleurs, la Commission a souligné que les entreprises en cause représentaient environ 21 % du marché italien des ronds à béton en 1989, 60 % en 1995 et 83 % en 2000, ce qui a rendu l’effet sur le marché d’augmentations de prix concertées de plus en plus important. Enfin, la Commission a ajouté que le fait que les initiatives prises en cette matière étaient, dès 1989, communiquées à l’ensemble des producteurs de ronds à béton accroissait l’importance de ces effets durant les premières années de l’entente (considérant 519 de la décision attaquée).

375    Enfin, la Commission a souligné que la circonstance que l’entente avait eu des effets sur une partie limitée du marché commun, en l’occurrence la totalité du territoire italien, n’atténuait pas la gravité de l’infraction, eu égard à l’importance de la production italienne (considérant 592 de la décision attaquée). La Commission a toutefois tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, du fait que l’entente avait porté sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises en cause détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (considérant 599 de la décision attaquée) (voir point 30 ci-dessus).

376    En premier lieu, s’agissant de l’invocation de la pratique décisionnelle de la Commission, il convient de rappeler que la Cour a itérativement jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne servait pas de cadre juridique applicable aux amendes en matière de droit de la concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires n’avaient qu’un caractère indicatif en ce qui concernait l’existence de discriminations (arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, point 205 ; du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 233, et du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, non encore publié au Recueil, point 104).

377    En deuxième lieu, la requérante ne saurait soutenir que la Commission s’est limitée à affirmer, en réponse à l’étude Lear, que les parties n’avaient pas produit d’éléments de preuve susceptibles de démontrer que l’évolution des prix eût été la même en l’absence d’entente (considérant 593 de la décision attaquée). Il doit être souligné que la Commission a tenu compte de l’étude Lear aux considérants 50 à 53, 62, 513, 521 et 585 de la décision attaquée. Dans le cadre de son évaluation, elle a notamment indiqué que l’étude Lear n’invalidait pas sa position selon laquelle il n’était pas intéressant pour les entreprises des autres États membres d’exporter vers l’Italie (considérant 50 de la décision attaquée) et que la théorie des flux avancée par l’étude Lear était basée « sur des affirmations d’école, sur des théories économiques et non sur des considérations de fait » (considérant 51 de la décision attaquée).

378    S’agissant en particulier des conclusions de l’étude Lear sur les effets de l’entente, la Commission a relevé, au considérant 513 de la décision attaquée, ce qui suit :

« [… L]a Commission, ayant comme points de référence les prix moyens des suppléments de décembre 1989-janvier 1990 et mai-juin 2000 […], estime une augmentation du prix des suppléments d’au moins 40 % en termes réels. Cela signifie que, même si on voulait considérer d’importantes réductions du prix de base en termes réels, les données ne semblent pas supporter la thèse de l’étude Lear d’une réduction du prix total de 32 % en termes réels. De toute façon, l’étude Lear se base sur des hypothèses nécessaires à la reconstruction d’une partie des données (relatives à la première période) qui n’étaient pas disponibles. »

379    Or, la requérante se limite, dans le présent recours, à affirmer que l’évolution des prix sur le marché italien a suivi celle des principaux facteurs de coûts, en se maintenant à des niveaux inférieurs à ceux prévalant sur le marché européen, que les prix exprimés en termes réels ont baissé fortement, que les choix des entreprises en matière de prix montrent une tendance à la divergence et non à l’alignement, que les coûts de production des entreprises italiennes ont toujours été plus importants que ceux de leurs concurrents européens et que les marges des entreprises se seraient rétrécies au cours de la période considérée.

380    De tels arguments ont toutefois été écartés aux points 245, 246, 249, 259, 260 et 318 ci-dessus. Ils ne sauraient en tout état de cause justifier que l’infraction soit qualifiée seulement de « grave ». En effet, il ressort du système de sanctions pour violation des règles de concurrence de l’Union, tel que mis en place par le règlement n° 1/2003 et interprété par la jurisprudence, que les ententes méritent, en raison de leur nature propre, les amendes les plus sévères. Leur éventuel impact concret sur le marché, notamment la question de savoir dans quelle mesure la restriction de concurrence a abouti à un prix de marché supérieur à celui qui aurait prévalu dans l’hypothèse de l’absence de cartel, n’est pas un critère déterminant pour la détermination du niveau des amendes. Il convient d’ajouter qu’il résulte des lignes directrices de 1998 que les accords ou les pratiques concertées visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix peuvent, sur le seul fondement de leur nature propre, être qualifiés de « très graves », sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers. Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions « graves » mentionne expressément l’impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions « très graves », en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière (voir arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, Rec. p. II‑1167, points 65 et 66, et la jurisprudence citée).

381    En troisième lieu, selon la jurisprudence, il est légitime pour la Commission de déduire que l’infraction a eu des effets du fait que les membres de l’entente aient pris des mesures pour appliquer les prix convenus, par exemple, en les annonçant aux clients, en donnant à leurs employés l’instruction de les utiliser comme base de négociation et en surveillant leur application par leurs concurrents et leurs propres services de vente. En effet, pour conclure à un impact sur le marché, il suffit que les prix convenus aient servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels, limitant ainsi la marge de négociation des clients (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, points 340 et 341 ; du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 132 supra, points 743 à 745, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 285).

382    En revanche, il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d’une entente est établie, de démontrer systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d’atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente (arrêts Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 381 supra, point 286, et Gütermann et Zwicky/Commission, point 225 supra, point 129).

383    En quatrième lieu, s’agissant de la pression concurrentielle alléguée d’autres produits sidérurgiques, il y a lieu de rappeler que c’est à bon droit que la Commission a défini le marché de produit en cause comme étant celui des ronds à béton nervurés en barres ou en rouleaux (voir points 181 à 195 ci-dessus). Or, ainsi qu’il ressort notamment du paragraphe 2 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5), c’est la définition du marché qui permet d’identifier et de définir le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre les entreprises et doit permettre de déterminer s’il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement des entreprises en cause ou de les empêcher d’agir indépendamment des pressions qu’exerce une concurrence effective.

384    Par ailleurs, la requérante se limite à invoquer, de manière spécifique, la pression concurrentielle qui serait exercée par le treillis soudé et les poutrelles, et ce aux seules fins de démontrer que l’entente n’a pas eu les effets constatés dans la décision attaquée. Or, une telle argumentation ne serait susceptible d’être suivie que si, dans l’hypothèse où une telle pression concurrentielle du treillis soudé et des poutrelles serait avérée, la Commission aurait été amenée à constater que l’entente n’avait pas eu l’impact sur le marché retenu par cette dernière. En effet, seule une telle démonstration est de nature à invalider l’appréciation du montant de l’amende effectuée par la Commission en fonction de la gravité de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, points 229 à 231). Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

385    En cinquième et dernier lieu, l’argument tiré du prétendu « résultat négatif » de Feralpi pendant une grande partie de la période infractionnelle est dépourvu de toute pertinence s’agissant de l’existence d’un impact de l’infraction sur le marché.

386    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les arguments visant à contester la qualification de l’infraction de « très grave » retenue par la Commission.

 Sur l’étendue du marché géographique

387    La requérante soutient qu’il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission que les infractions que celle-ci qualifie de « très graves » concernent généralement un marché géographique supranational, tandis que les infractions ayant un cadre territorial national seraient qualifiées de « graves » ou de « peu graves ». Eu égard à cette pratique décisionnelle, il appartenait à la Commission de motiver davantage sa conclusion sur la gravité de l’infraction. En outre, l’impact de l’infraction devrait être évalué, non sur le seul marché géographique pertinent, mais dans un cadre géographique plus vaste. La référence de la Commission à la part de marché globale des entreprises en cause en 2000 sur le marché italien serait donc insuffisante.

388    En premier lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré de la prétendue violation de l’obligation de motivation.

389    Il convient en effet de relever que, au considérant 592 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que la limitation des effets de l’entente au seul marché italien ne permettait pas de réduire la gravité de l’infraction de « très grave » à « grave », car il convenait de tenir compte de l’importance de la production italienne. Ainsi, l’Italie aurait été le premier producteur de ronds à béton de la Communauté. En outre, le chiffre d’affaires des entreprises destinataires de la présente décision aurait représenté plus de 80 % du marché (en 2000) et aurait été de l’ordre de 900 millions d’euros en 2000-2001. La Commission a ajouté que le fait que l’entente avait eu un objet anticoncurrentiel devait en tout cas peser davantage pour la qualification de l’infraction que l’absence d’effets constatés (considérant 595 de la décision attaquée).

390    En outre, la Commission a relevé, au considérant 599 de la décision attaquée, que, sans préjudice du caractère très grave de l’infraction, elle avait tenu compte, lors de la détermination du montant de départ de l’amende, des caractéristiques spécifiques de la présente affaire, en l’occurrence le fait qu’elle portait sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises destinataires de la décision détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (voir point 30 ci-dessus).

391    En second lieu, la requérante ne saurait affirmer que l’impact de l’infraction aurait dû être évalué dans un cadre géographique plus large.

392    Il doit être rappelé à cet égard qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas un critère déterminant dans l’appréciation de la gravité d’une infraction. Des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves telles que la fixation des prix (voir arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 129 supra, point 96, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, General Technic-Otis e.a./Commission, T‑141/07, T‑142/07, T‑145/07 et T‑146/07, Rec. p. II‑4977, point 159, et la jurisprudence citée).

393    C’est ainsi que la nature de l’infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions de « très graves ». Il résulte de la description des infractions très graves par les lignes directrices de 1998 que des accords ou des pratiques concertées visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de « très graves », sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers (voir, en ce sens, arrêts Prym et Prym Consumer/Commission, point 129 supra, point 75, et Erste Group Bank e.a./Commission, point 376 supra, point 103). Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l’impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière (voir arrêt General Technic-Otis/Commission, point 392 supra, point 160, et la jurisprudence citée).

394    Partant, au vu de leur objet, les infractions visées par la décision attaquée sont, par nature, très graves, même s’il devait être établi que les entreprises en cause ont détenu une part de marché qui aurait été inférieure à celle retenue par la Commission dans la décision attaquée.

 Sur l’appréciation erronée de la durée de l’infraction

395    La requérante fait valoir qu’il résulte des arguments exposés dans le cadre du sixième moyen que la Commission a apprécié la gravité de l’infraction de manière erronée.

396    Force est toutefois de constater que lesdits arguments ont été rejetés, en sorte qu’il n’y a pas lieu d’écarter la majoration de l’amende opérée par la Commission au titre de la durée de l’infraction.

 Sur la durée excessive de la procédure

397    La requérante affirme qu’il convient de réduire l’amende qui lui a été infligée au regard de la durée tout à fait anormale de la procédure de réadoption de la décision de 2002.

398    Un tel argument doit être rejeté, pour les motifs exposés aux points 151 à 161 ci-dessus.

 Sur la situation de crise du marché sidérurgique

399    La requérante fait valoir que la Commission a réadopté la décision de 2002 en lui infligeant, ainsi qu’aux autres entreprises en cause, une amende d’un montant identique à celle infligée dans cette décision, sans toutefois tenir compte de la conjoncture défavorable en 2008 et 2009. Ainsi, le chiffre d’affaires de la production sidérurgique italienne de Feralpi aurait enregistré en 2009 une baisse de 60 % par rapport à 2008. Selon la requérante, la Commission aurait dû tenir compte d’un tel élément dans la fixation du montant de l’amende.

400     Un tel argument doit toutefois être rejeté, dès lors que, ainsi que le souligne la Commission, tandis qu’en 2000 le chiffre d’affaires de Feralpi s’élevait à 374 millions d’euros, il représentait 1,5 milliard d’euros en 2008, en sorte que, quand bien même le chiffre d’affaires de Feralpi aurait baissé en 2009, il demeurait très supérieur à celui réalisé en 2000.

401    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent moyen, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

402    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

403    La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens dans la présente affaire, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Feralpi Holding SpA est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Berardis

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2014.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

1.  Dispositions du traité CECA

2.  Dispositions du traité CE

3.  Règlement (CE) n° 1/2003

4.  Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

Objet du litige

Présentation de la requérante et antécédents du litige

Première décision

Développements postérieurs à la notification de la première décision

Décision modificative

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du principe de collégialité et d’un vice dans la procédure de réadoption de la décision de 2002

2.  Sur le deuxième moyen, tiré du caractère inadéquat de la base juridique de la décision attaquée

Sur le choix de la base juridique de la décision attaquée

Sur la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement n° 1/2003

3.  Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et des principes de bonne administration, de proportionnalité et d’égalité des armes

Sur les violations des droits de la défense qui entacheraient l’adoption de la décision attaquée

Sur l’absence de contestation des griefs et l’absence de renouvellement des actes de procédure

Sur la durée excessive de la procédure de réadoption de la décision de 2002

Sur les autres violations des droits de la défense, liées à la procédure d’adoption de la décision de 2002

4.  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des critères d’imputation, d’une appréciation erronée des faits et de l’absence d’instruction et de motivation

5.  Sur le cinquième moyen, tiré de la définition erronée du marché en cause

6.  Sur le sixième moyen, tiré de l’appréciation erronée des faits, de la violation de l’article 65 CA, de la violation du principe de non-discrimination et de la violation de l’« article 296 TFUE »

Sur les notions d’accords et de pratiques concertées

Sur les principes relatifs à la charge de la preuve

Sur l’« étendue subjective de l’infraction »

Sur les griefs relatifs à la période allant de 1989 à 1992

Sur les suppléments de dimension

Sur le prix de base et les délais de paiement

Sur les griefs relatifs à la période allant de 1993 à 1995

Sur les suppléments de dimension

Sur la fixation du prix de base et les délais de paiement

Sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes

–  Sur le groupage des arrêts de production de l’été 1995

–  Sur l’échange d’informations confidentielles

Sur les griefs relatifs à la période allant de 1996 à 2000

Sur les suppléments de dimension et les prix de base

Sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes

7.  Sur le septième moyen, tiré de la détermination erronée du montant de l’amende

Observations liminaires

Sur la prescription des infractions

Sur l’appréciation de la gravité de l’infraction

Sur la nature de l’infraction

Sur l’impact réel de l’infraction

Sur l’étendue du marché géographique

Sur l’appréciation erronée de la durée de l’infraction

Sur la durée excessive de la procédure

Sur la situation de crise du marché sidérurgique

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.