Language of document : ECLI:EU:C:2021:521

ORDONNANCE DE LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR

24 juin 2021 (*)

« Pourvoi – Intervention – Article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Intérêt à la solution du litige – Santé publique – Médicaments à usage humain – Règlement (CE) no 726/2004 – Directive 2001/83/CE – Décision d’autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Dexmedetomidine Accord – dexmédétomidine – Rejet »

Dans l’affaire C‑220/21 P(I),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 avril 2021,

ratiopharm GmbH, établie à Ulm (Allemagne),

Teva Pharma – Produtos Farmaceuticos Lda, établie à Porto Salvo (Portugal),

Teva Danmark A/S, établie à Søborg (Danemark),

Teva Sweden AB, établie à Stockholm (Suède),

Teva Nederland BV, établie à Haarlem (Pays-Bas),

représentées par Me O. Swens, advocaat,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Orion Oyj, établie à Espoo (Finlande), représentée par Me C. Schoonderbeek, advocaat, ainsi que par Mmes J. Mulryne et E. Amos, solicitors,

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par Mme L. Haasbeek et M. R. Lindenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, ratiopharm GmbH, Teva Pharma – Produtos Farmaceuticos Lda, Teva Danmark A/S, Teva Sweden AB, Teva Nederland BV (ci-après « Teva e.a. ») demandent à la Cour de constater l’erreur de droit commise dans l’ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal de l’Union européenne du 5 mars 2021, Orion/Commission (T‑223/20, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:137), par laquelle celui-ci a rejeté leur demande d’intervention au soutien de la Commission européenne, partie défenderesse en première instance, dans l’affaire T‑223/20, ayant pour objet le recours introduit le 23 avril 2020 par Orion Oyj et tendant à l’annulation de la décision d’exécution C(2020) 942 (final) de la Commission européenne, du 13 février 2020, portant autorisation de la mise sur le marché du médicament à usage humain « Dexmedetomidine Accord – dexmédétomidine » au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil (ci-après la « décision litigieuse »).

2        En outre, Teva e.a. demandent à la Cour d’accueillir leur demande d’intervention dans l’affaire T‑223/20, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

3        Orion et la Commission ont présenté leurs observations écrites sur le pourvoi le 28 avril 2021.

 L’ordonnance attaquée

4        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté la demande d’intervention introduite par Teva e.a. au soutien des conclusions de la Commission dans le cadre de l’affaire T‑223/20.

5        En premier lieu, le Tribunal a exposé les antécédents du litige aux points 1 à 7 de cette ordonnance. Il a indiqué que la Commission avait accordé à la société Accord Healthcare SLU (ci-après « Accord »), par la décision litigieuse, une autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») du médicament dénommé Dexmedetomidine Accord – dexmédétomidine (ci-après le « Dexmedetomidine Accord »), dont la demande avait été déposée le 28 décembre 2018. Il a relevé que cette demande était fondée non seulement sur le médicament de référence Dexdor, dont la substance active est la dexmédétomidine, mais également sur le médicament Precedex, dont la substance active est également la dexmédétomidine, et pour lequel une AMM avait été délivrée à Orion et à ses licenciés en République tchèque au cours de l’année 2002. Il a précisé que le Dexmedetomidine Accord est un médicament générique, au sens de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), des médicaments de référence Dexdor et Precedex.

6        Le Tribunal a exposé que l’AMM du Dexmedetomidine Accord avait été accordée au motif que le Dexdor et le Precedex relevaient de la même AMM globale, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83. Il s’ensuivait que la période réglementaire de protection des données du Precedex avait été considérée comme ayant expiré lorsqu’Accord a introduit sa demande d’AMM du Dexmedetomidine Accord. Par ailleurs, dès lors que le Dexdor relevait de la même AMM globale que le Precedex, il ne bénéficiait pas d’une période réglementaire de protection des données autonome et indépendante.

7        Le Tribunal a alors indiqué qu’il a été considéré qu’Accord pouvait, conformément à l’article 10, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83, se fonder sur les données précliniques et cliniques présentées à l’appui de la demande d’AMM du Dexdor afin d’obtenir une AMM pour le médicament générique Dexmedetomidine Accord.

8        Par ailleurs, le Tribunal a rappelé qu’Orion, dans le cadre de l’affaire T‑223/20, demande l’annulation de la décision litigieuse, au motif que l’AMM du Precedex n’aurait pas été accordée conformément aux dispositions pertinentes du droit de l’Union applicables à la date des faits, de telle sorte que ce médicament n’aurait pas dû être considéré comme étant un médicament de référence valide aux fins d’obtenir une AMM concernant un médicament générique.

9        En second lieu, le Tribunal a examiné, aux points 13 à 31 de l’ordonnance attaquée, la demande d’intervention présentée par Teva e.a. Après avoir constaté, aux points 23 et 24 de cette ordonnance, qu’Accord était la seule destinataire de la décision litigieuse et que cette décision n’était applicable qu’aux caractéristiques du produit résumées à l’annexe I de ladite décision, il en a déduit, aux points 25 et 26 de celle-ci, que le rejet du recours formé par Orion ou l’annulation de la décision litigieuse n’auraient pas modifié la position juridique de Teva e.a.

10      Par ailleurs, aux points 27 et 28 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté l’argument de Teva e.a. selon lequel, en cas de rejet par le Tribunal de la demande en intervention, elles ne seraient pas en mesure de présenter leurs observations sur les questions d’interprétation du droit de l’Union soulevées dans le cadre du recours dans l’affaire T‑223/20. À cet égard, le Tribunal a relevé, notamment, que Teva e.a. sont parties intervenantes au soutien du Lægemiddelstyrelsen (Agence des médicaments, Danemark) dans l’affaire portée devant le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague, Danemark), qui a désormais donné lieu à une demande de décision préjudicielle adressée par cette juridiction à la Cour, portant sur les mêmes questions de droit de l’Union que celles soulevées dans l’affaire T‑223/20. Il a rappelé que Teva e.a., en tant que parties intervenantes dans les procédures nationales ayant donné lieu à une demande de décision préjudicielle, seraient autorisées, conformément à l’article 23, paragraphes 1 et 2, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à déposer des mémoires ou des observations écrites devant la Cour.

11      Enfin, aux points 29 à 31 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a estimé que Teva e.a. ne disposaient pas d’un intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et a rejeté leur demande d’intervention.

 Sur le pourvoi

 Argumentation

12      À l’appui de leur pourvoi, Teva e.a. font valoir, en premier lieu, qu’elles ont un intérêt direct et spécifique à la solution du litige qui justifie leur intervention au soutien des conclusions de la Commission. Par conséquent, le Tribunal aurait, au point 30 de l’ordonnance attaquée, commis une erreur de droit en considérant qu’elles n’étaient pas directement affectées par l’issue du litige dont il était saisi.

13      À cet égard, Teva e.a. relèvent qu’il existe un lien explicite entre le recours en annulation introduit par Orion devant le Tribunal, la demande de décision préjudicielle présentée par le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague) ainsi que les différentes procédures nationales engagées par Orion. Cette société aurait invoqué devant ces juridictions les mêmes arguments afin de contester la validité de l’AMM délivrée à Accord.

14      Or, dès lors que les AMM relatives aux médicaments génériques de la dexmédétomidine accordées aux demanderesses en intervention reposent, en substance, sur la même base juridique que l’AMM octroyée à Accord et contestée par Orion, Teva e.a. devraient pouvoir intervenir dans la présente procédure, afin de garantir leur droit à la défense.

15      Par ailleurs, s’il est vrai que le Tribunal devrait surseoir à statuer sur le recours en annulation introduit par Orion jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour sur la demande de décision préjudicielle présentée par le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague) au motif que les deux procédures portent sur les mêmes questions juridiques, une telle démarche ne serait pas automatique. Ainsi, selon Teva e.a., le Tribunal pourrait statuer sur des questions qui, en substance, affecteraient directement l’AMM de Teva e.a. au Danemark.

16      En second lieu, Teva e.a. demandent la rectification, en application de l’article 164 du règlement de procédure du Tribunal, de l’erreur matérielle que cette juridiction aurait commise au point 28 de l’ordonnance attaquée. En effet, audit point, le Tribunal a indiqué que, « selon les demanderesses en intervention », l’affaire devant le Københavns byret (tribunal municipal de Copenhague) devrait donner lieu à une demande de décision préjudicielle, alors que Teva e.a. ne partagent pas la décision de cette juridiction danoise d’introduire une telle demande de décision préjudicielle, compte tenu de l’arrêt du 14 mars 2018, Astellas Pharma (C‑557/16, EU:C:2018:181).

 Appréciation

17      Conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, toute personne peut intervenir devant les juridictions de l’Union européenne si elle peut justifier d’un intérêt à la solution du litige soumis à l’une d’entre elles.

18      Selon une jurisprudence constante, la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens dudit article 40, deuxième alinéa, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt à intervenir [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 13 novembre 2019, EDP España/Commission, C‑536/19 P(I), non publiée, EU:C:2019:965, point 29 et jurisprudence citée].

19      À cet égard, il convient, notamment, de vérifier que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 13 novembre 2019, EDP España/Commission, C‑536/19 P(I), non publiée, EU:C:2019:965, point 30 et jurisprudence citée].

20      Par ailleurs, une distinction doit être faite entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé aux conclusions présentées par les parties dans le cadre du litige dans lequel ils souhaitent intervenir et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige en raison de similarités entre leur situation et celle de l’une des parties (ordonnance du président de la Cour du 16 juillet 2020, NRW. Bank/CRU, C‑662/19 P, non publiée, EU:C:2020:607, point 11 et jurisprudence citée).

21      En l’occurrence, il y a lieu de constater que, par les arguments résumés aux points 12 à 15 de la présente ordonnance, Teva e.a. se bornent à faire valoir, dans des termes généraux, qu’elles devraient être autorisées à intervenir en raison des similarités entre leur situation et celle d’Accord, dans la mesure où ces sociétés sont titulaires d’une AMM relative aux médicaments génériques de la dexmédétomidine.

22      Par ailleurs, il convient de rappeler, ainsi que le constate à bon droit le Tribunal aux points 23 à 25 de l’ordonnance attaquée, lesquels ne sont pas contestés par Teva e.a. dans leur pourvoi, qu’Accord est la seule destinataire de la décision litigieuse, qu’aucune des parties demanderesses en intervention n’est mentionnée dans cette décision et que cette dernière n’est applicable qu’aux caractéristiques du produit qui sont résumées à l’annexe I de celle-ci.

23      Dans ces conditions, que le Tribunal accueille ou rejette le recours formé par Orion dans l’affaire T‑223/20, la solution du litige, telle qu’elle sera consacrée dans le dispositif de l’arrêt ou de l’ordonnance à intervenir, ne sera pas, en tant que telle, de nature à modifier la position juridique de Teva e.a.

24      Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal a estimé que Teva e.a. ne justifiaient pas d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 18 à 20 de la présente ordonnance.

25      En tout état de cause, il convient de relever que, dans leur pourvoi, Teva e.a. ne concluent pas expressément à l’annulation de l’ordonnance attaquée mais font valoir que, en raison de l’erreur de droit commise par le Tribunal dans l’interprétation et l’application de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, elles devraient être autorisées à intervenir dans la procédure devant le Tribunal. Or, en vertu de l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, les conclusions du pourvoi doivent tendre à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal telle qu’elle figure au dispositif de cette décision. Ainsi, la conclusion par laquelle Teva e.a. demandent à la Cour de constater l’erreur de droit commise par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée est manifestement irrecevable, dès lors qu’elle ne tend pas à l’annulation de cette dernière.

26      Quant à la demande de rectification de l’ordonnance attaquée soulevée par ces sociétés, il suffit de relever que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, elle est irrecevable. En outre, il y a lieu de préciser que, conformément à l’article 164, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal, les erreurs de plume ou de calcul ou des inexactitudes évidentes peuvent être rectifiées par le Tribunal à la demande d’une partie, en présentant une demande dans un délai de deux semaines à compter du prononcé de l’arrêt ou de la signification de l’ordonnance.

27      Dès lors que Teva e.a. ont présenté leur demande de rectification de l’ordonnance attaquée devant la Cour, leur demande de rectification ne saurait, en tout état de cause, être accueillie.

28      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le pourvoi doit être rejeté.

 Sur les dépens

29      L’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

30      Orion et la Commission n’ayant pas conclu à la condamnation de Teva e.a. aux dépens, il y a lieu de décider que chacun supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      ratiopharm GmbH, Teva Pharma – Produtos Farmaceuticos Lda, Teva Danmark A/S, Teva Sweden AB et Teva Nederland BV ainsi qu’Orion Oyj et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.