Language of document : ECLI:EU:T:2023:568

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

20 septembre 2023 (*)

« Aides d’État – Régime d’aides mis à exécution par la Belgique – Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché intérieur et illégal et ordonnant la récupération de l’aide versée – Décision fiscale anticipée (tax ruling) – Bénéfices imposables – Exonération des bénéfices excédentaires – Avantage – Caractère sélectif – Récupération »

Dans les affaires T‑278/16 et T‑370/16,

Atlas Copco Airpower, établie à Anvers (Belgique),

Atlas Copco AB, établie à Nacka (Suède),

parties requérantes dans l’affaire T‑278/16,

Anheuser-Busch Inbev, établie à Bruxelles (Belgique),

Ampar, établie à Louvain (Belgique),

parties requérantes dans l’affaire T‑370/16,

représentées par Mes A. von Bonin, O. Brouwer, A. Haelterman, A. Pliego Selie et T. van Helfteren, avocats,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P.-J. Loewenthal, B. Stromsky et Mme F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. S. Frimodt Nielsen, Mme V. Tomljenović (rapporteure), MM. R. Norkus et W. Valasidis, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la décision du 16 février 2018 de suspendre la procédure dans l’attente des décisions mettant fin à l’instance dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T‑131/16 et T‑263/16, EU:T:2019:91), et à l’arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International (C‑337/19 P, EU:C:2021:741),

–        la décision du 9 septembre 2022 de reprendre la procédure,

–        les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions,

vu l’ordonnance de la présidente de la deuxième chambre élargie du 21 décembre 2022 portant jonction des affaires T‑278/16, T‑370/16, T‑373/16, T‑420/16, T‑467/16, T‑637/16, T‑681/16, T‑858/16 et T‑867/16 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 13 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, dans l’affaire T-278/16, Atlas Copco Airpower et Atlas Copco AB et, dans l’affaire T-370/16, Anheuser-Busch Inbev et Ampar, demandent l’annulation de la décision (UE) 2016/1699 de la Commission, du 11 janvier 2016, relative au régime d’aides d’État concernant l’exonération des bénéfices excédentaires SA.37667 (2015/C) (ex 2015/NN) mis en œuvre par la Belgique (JO 2016, L 260, p. 61, ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Les faits à l’origine du litige ainsi que le cadre juridique qui y est afférent ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 28 de l’arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T‑131/16 et T‑263/16, EU:T:2019:91), ainsi que par la Cour aux points 1 à 24 de l’arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International (C‑337/19 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2021:741). Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

3        Moyennant une décision anticipée adoptée par le « service des décisions anticipées » du service public fédéral des finances belge, sur le fondement de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après le « CIR 92 »), lu conjointement avec l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d’impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale (Moniteur belge du 31 décembre 2002, p. 58817, ci-après la « loi du 24 décembre 2002 »), les sociétés résidentes belges faisant partie d’un groupe multinational et les établissements stables belges de sociétés résidentes étrangères faisant partie d’un groupe multinational pouvaient réduire leur base imposable en Belgique en déduisant les bénéfices considérés comme « excédentaires » des bénéfices qu’ils avaient enregistrés. Par ce système, une partie des bénéfices réalisés par les entités belges bénéficiant d’une décision anticipée n’était pas imposée en Belgique. Selon les autorités fiscales belges, ces bénéfices excédentaires découlaient des synergies, des économies d’échelle ou d’autres avantages résultant de l’appartenance à un groupe multinational et, partant, n’étaient pas imputables aux entités belges en question.

4        Les requérantes dans les présentes affaires sont des sociétés établies en Belgique et intégrées à des groupes multinationaux d’entreprises et d’autres sociétés appartenant à ces mêmes groupes. Ces sociétés effectuent des transactions avec d’autres sociétés au sein de leurs groupes respectifs.

5        Il ressort de l’annexe de la décision attaquée ainsi que des pièces qui figurent dans les dossiers dans les affaires en question que, le 6 septembre 2011, s’agissant d’Atlas Copco Airpower, et, le 28 août 2012, s’agissant d’Anheuser-Busch Inbev et d’Ampar, le service des décisions anticipées du service public fédéral des finances belge a adopté des décisions anticipées relatives à l’exonération des bénéfices excédentaires à l’égard des requérantes, qui en avaient fait la demande à la suite de restructurations au sein de leurs groupes d’entreprises visant à centraliser un certain nombre de fonctions et de services auprès des sociétés établies en Belgique. Ces décisions anticipées avaient une validité de cinq ans. Dans le cas d’Atlas Copco Airpower, le 15 octobre 2014, la décision anticipée a été renouvelée pour une période de cinq ans.

6        À la suite d’une procédure administrative qui a commencé le 19 décembre 2013, par une lettre par laquelle la Commission européenne a demandé au Royaume de Belgique de lui fournir des renseignements concernant le système des décisions fiscales anticipées, relatives aux bénéfices excédentaires, qui se fondaient sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, la Commission a adopté la décision attaquée le 11 janvier 2016.

7        Par la décision attaquée, la Commission a constaté que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires, qui se fondait sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, en vertu duquel le Royaume de Belgique avait émis des décisions anticipées en faveur d’entités belges de groupes multinationaux d’entreprises, accordant auxdites entités une exonération pour une partie des bénéfices qu’elles réalisaient, constituait un régime d’aides d’État, accordant un avantage sélectif à ses bénéficiaires, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui était incompatible avec le marché intérieur.

8        Ainsi, la Commission a soutenu, à titre principal, que le régime en cause octroyait un avantage sélectif aux bénéficiaires des décisions anticipées, dans la mesure où l’exonération de leurs bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. À titre subsidiaire, la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires pouvait procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires des décisions anticipées, dans la mesure où une telle exonération s’écartait du principe de pleine concurrence.

9        Ayant constaté que le régime en cause avait été mis à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission a ordonné la récupération des aides ainsi octroyées auprès de leurs bénéficiaires, dont la liste définitive devait être ultérieurement établie par le Royaume de Belgique.

II.    Conclusions des parties

10      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

12      Il convient tout d’abord de joindre les présentes affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, les parties ayant été entendues.

13      À l’appui de leurs recours et sur la base de requêtes pratiquement identiques, les requérantes soulèvent quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation, en ce que la décision attaquée a constaté l’existence d’un régime d’aides. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE et d’erreurs manifestes d’appréciation, en ce que la décision attaquée a qualifié le régime en cause de mesure d’aide d’État. Le troisième moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), et des principes généraux de légalité et de sécurité juridique, en ce que la décision attaquée a identifié les groupes multinationaux comme étant bénéficiaires des aides en cause et a ordonné la récupération de ces aides. Le quatrième moyen est tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration.

A.      Sur le moyen tiré d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation, en ce que la décision attaquée a constaté l’existence d’un régime d’aides

14      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation et qu’elle ne démontre pas l’existence d’un régime d’aides, conformément à l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589. En outre, les requérantes font valoir que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce que la Commission omet d’expliquer en quoi l’échantillon de 22 décisions anticipées est représentatif.

15      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

16      À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a indiqué que la décision attaquée avait établi l’existence d’un régime d’aides, au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, ressortant d’une ligne systématique de conduite des autorités fiscales belges, et a ainsi rejeté comme non fondé le moyen invoqué par le Royaume de Belgique et Magnetrol International, qui était tiré d’un défaut de motivation et de la conclusion erronée relative à l’existence d’un régime d’aides.

17      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier moyen invoqué par les requérantes dans les présentes affaires, tiré d’un défaut de motivation et de la prétendue erreur commise par la Commission dans la constatation de l’existence d’un régime d’aides, celui-ci étant en substance analogue à ceux du Royaume de Belgique et de Magnetrol International, écartés par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi.

B.      Sur les moyens tirés d’une violation de l’article 107 TFUE et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce que la décision attaquée a qualifié le régime en cause de mesure d’aide d’État

18      Dans le cadre du deuxième moyen et d’une partie du quatrième moyen, les requérantes font grief à la Commission d’avoir conclu que le système des bénéfices excédentaires constituait une mesure d’aide d’État.

19      Premièrement, par la première branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en estimant que le système des bénéfices excédentaires ne faisait pas partie intégrante du système de référence pertinent pour examiner l’existence d’un avantage sélectif. En outre, elles font valoir que la Commission aurait commis de nombreuses erreurs et inexactitudes quant au contenu et à l’objectif du droit fiscal belge. Deuxièmement, les requérantes, dans le cadre du deuxième ainsi que du quatrième moyen, font grief à la Commission d’avoir confondu les notions d’« avantage » et de « sélectivité ». Troisièmement, dans le cadre des deuxième à sixième branches du deuxième moyen, les requérantes contestent le raisonnement principal de la Commission selon lequel le système de l’exonération des bénéfices excédentaires dérogeait au régime général de l’impôt sur les sociétés en Belgique et conférait un avantage sélectif à ses bénéficiaires. Quatrièmement, dans le cadre de la septième branche du deuxième moyen, les requérantes contestent le raisonnement subsidiaire concernant l’avantage sélectif et les considérations de la Commission relatives au principe de pleine concurrence. Cinquièmement, dans le cadre de la huitième branche du deuxième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que le système d’exonération des bénéfices excédentaires était justifié, dans la mesure où il était destiné à éviter les doubles impositions.

20      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

21      En ce qui concerne les conditions relatives à l’avantage et à la sélectivité, celles-ci imposent de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 67 et jurisprudence citée).

22      Afin de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, à savoir le régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un deuxième temps, que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable. La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer, dans un troisième temps, que cette différenciation est justifiée, en ce sens qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel ces mesures s’inscrivent (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 68 et jurisprudence citée).

1.      Sur l’identification du système de référence

23      Par la première branche du deuxième moyen, les requérantes font grief à la Commission, notamment au regard de la jurisprudence récente, d’avoir estimé que le système de l’exonération des bénéfices excédentaires ne faisait pas partie intégrante du système de référence pertinent pour examiner l’existence d’un avantage sélectif. Elles font valoir que la Commission a commis plusieurs erreurs ayant entaché son appréciation du système de référence sur laquelle elle a fondé son examen sur la sélectivité du régime en cause. Ces erreurs auraient trait notamment à l’absence de prise en compte, par la Commission, des mécanismes d’ajustement et de déductions prévus par le droit fiscal belge.

24      À cet égard, il importe de rappeler que la détermination du système de référence revêt une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence d’un avantage économique, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale ». Ainsi, la détermination de l’ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l’objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 69 et jurisprudence citée).

25      Dans ce contexte, il a été jugé que la détermination du système de référence, qui doit être effectuée à l’issue d’un débat contradictoire avec l’État membre concerné, doit découler d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État (voir arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793, point 62 et jurisprudence citée).

26      En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que, si les États membres doivent ainsi s’abstenir d’adopter toute mesure fiscale susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, il n’en demeure pas moins que, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union européenne fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’État membre concerné qui détermine, par l’exercice de ses compétences propres en matière de fiscalité directe et dans le respect de son autonomie fiscale, les caractéristiques constitutives de l’impôt, lesquelles définissent, en principe, le système de référence ou le régime fiscal « normal », à partir duquel il convient d’analyser la condition relative à la sélectivité. Il en va notamment ainsi de la détermination de l’assiette de l’impôt et de son fait générateur (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, points 65 et 73 et jurisprudence citée).

27      Il s’ensuit que seul le droit national applicable dans l’État membre concerné doit être pris en compte en vue d’identifier le système de référence en matière de fiscalité directe, cette identification étant elle-même un préalable indispensable, en vue d’apprécier non seulement l’existence d’un avantage, mais aussi la question de savoir si celui-ci revêt un caractère sélectif.

28      Par ailleurs, afin de déterminer si une mesure fiscale a fait bénéficier une entreprise d’un avantage sélectif, il incombe à la Commission de procéder à une comparaison avec le système d’imposition normalement applicable dans l’État membre concerné, au terme d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État. Ne sauraient donc être pris en compte, dans l’examen de l’existence d’un avantage fiscal sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et aux fins d’établir la charge fiscale devant normalement peser sur une entreprise, des paramètres et des règles externes au système fiscal national en cause, à moins que ce dernier ne s’y réfère explicitement (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, points 92 et 96).

29      En l’espèce, aux considérants 121 à 129 de la décision attaquée, la Commission a exposé sa position concernant le système de référence.

30      Ainsi, aux considérants 121 et 122 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le système de référence était le système de droit commun d’imposition des bénéfices des sociétés, prévu par le régime de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dont l’objectif était l’imposition des bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique. La Commission a relevé que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique s’appliquait aux sociétés résidentes en Belgique ainsi qu’aux succursales belges de sociétés non résidentes. En vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, les sociétés résidentes en Belgique étaient tenues de payer l’impôt sur le revenu des sociétés sur le montant total des bénéfices qu’elles réalisaient, sauf lorsqu’une convention contre les doubles impositions s’appliquait. En outre, en vertu des articles 227 et 229 du CIR 92, les sociétés non résidentes n’étaient soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés que pour certains types de revenus spécifiques de source belge. Par ailleurs, la Commission a souligné que, dans les deux cas, l’impôt belge sur les sociétés était dû sur le bénéfice total, lequel était fixé selon les règles relatives au calcul des bénéfices tels qu’ils étaient définis à l’article 24 du CIR 92. En vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, lu en liaison avec les articles 1er, 24, 183, 227 et 229 du CIR 92, le bénéfice total correspondait aux revenus des sociétés, dont étaient soustraites les dépenses déductibles qui étaient généralement enregistrées dans la comptabilité, de sorte que le bénéfice réellement enregistré constituait le point de départ du calcul du bénéfice total imposable, sans préjudice de l’application dans un second temps des ajustements positifs et négatifs prévus par le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

31      Aux considérants 123 à 128 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges ne faisait pas partie intégrante du système de référence.

32      Plus précisément, au considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’une telle exonération n’était prescrite par aucune disposition du CIR 92. En effet, l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92 permettait à l’administration fiscale belge de procéder à un ajustement unilatéral primaire des bénéfices d’une société, pour le cas où des transactions ou des arrangements avec des sociétés liées étaient effectués dans des conditions qui s’écartaient de celles de pleine concurrence. En revanche, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoyait la possibilité d’effectuer des ajustements négatifs des bénéfices d’une société, générés par une transaction ou un arrangement intragroupe, à la condition supplémentaire que le bénéfice à ajuster eût été inclus dans le bénéfice de la contrepartie étrangère à cette transaction ou à cet arrangement.

33      En outre, au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique visait à imposer les entreprises soumises à l’impôt, sur leurs bénéfices réels, indépendamment de leur forme juridique, de leur taille ou de leur appartenance ou non à un groupe multinational d’entreprises.

34      Par ailleurs, au considérant 127 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, aux fins du calcul des bénéfices imposables, les sociétés intégrées d’un groupe multinational étaient tenues de fixer les prix à appliquer à leurs transactions intragroupes au lieu d’utiliser des prix dictés directement par le marché, raison pour laquelle la législation fiscale belge prévoyait des dispositions particulières applicables aux groupes, qui visaient généralement à mettre sur un pied d’égalité les sociétés non intégrées et les entités économiques structurées sous la forme de groupes.

35      Au considérant 129 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le système de référence à prendre en considération était le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dont l’objectif était d’imposer de la même manière les bénéfices de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique. Ce système comprenait les ajustements applicables, conformément au système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui déterminaient le bénéfice imposable de la société aux fins de la perception de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

36      D’emblée, il convient de relever que les parties s’accordent sur le point de départ selon lequel le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique constitue le système de référence.

37      En revanche, les requérantes contestent la portée et le contenu dudit système de droit commun retenus par la Commission, notamment quant à la détermination des bénéfices imposables, la possibilité d’effectuer des ajustements sur les bénéfices enregistrés par les sociétés imposables, l’identification de l’objectif du système fiscal belge et la question de savoir si ledit système comprend ou non le régime d’exonération des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges.

a)      Sur les arguments des requérantes contestant l’analyse opérée par la Commission aux fins de l’identification du système de référence

38      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, aux fins d’établir quel est le régime fiscal commun ou « normal » applicable en Belgique, la Commission s’est fondée sur les dispositions légales applicables, à savoir notamment le CIR 92, ainsi qu’il ressort des points 29 à 35 ci-dessus. En effet, sur la base des informations transmises par le Royaume de Belgique dans le cadre de la procédure administrative, la Commission a décrit le cadre législatif applicable et a exposé, notamment aux considérants 23 à 28 de la décision attaquée, le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, tel que prévu par le CIR 92. Plus particulièrement, ainsi qu’il a été relevé au point 30 ci-dessus, la Commission s’est référée explicitement aux articles 1er, 24, 183 et 185 du CIR 92.

39      De plus, contrairement à ce que soutiennent les requérantes dans leurs réponses aux mesures d’organisation de la procédure, la jurisprudence récente en matière d’aides d’État et de fiscalité ne remet pas en cause l’analyse de la Commission en ce qui concerne la définition du système de référence.

40      Tout d’abord, ainsi que le soutiennent les requérantes, il ressort de la jurisprudence que la délimitation matérielle du système de référence est opérée, en principe, en lien avec la mesure en cause (arrêt du 15 novembre 2018, World Duty Free Group/Commission, T‑219/10 RENV, EU:T:2018:784, point 98). Toutefois, il importe de constater que la Commission a bien tenu compte de l’objet des mesures en cause et du cadre juridique dans lequel elles s’intégraient. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort des considérants 127 et 129 de la décision attaquée, la Commission a bien tenu compte, aux fins de l’identification du système de référence, de l’objet du régime en cause, à savoir la détermination du bénéfice imposable aux fins de la perception de l’impôt sur les sociétés en Belgique. D’autre part, ainsi que cela ressort des considérants 121, 122 et 125 à 128 de la décision attaquée (voir points 30 à 34 ci-dessus), la Commission a bien examiné en détail le cadre juridique dans lequel s’insérait le régime en cause. La Commission a relevé, notamment, que, en vertu du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, les dispositions particulières applicables aux groupes visaient à mettre sur un pied d’égalité les sociétés autonomes et les entités intégrées à des groupes. Il en découle que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’analyse de la Commission aux fins de l’identification du système de référence satisfait aux exigences jurisprudentielles.

41      Ensuite, les requérantes ajoutent que, aux points 154 et 155 de l’arrêt du 15 juillet 2020, Irlande e.a./Commission (T‑778/16 et T‑892/16, sous pourvoi, EU:T:2020:338), le Tribunal aurait considéré que les décisions anticipées adoptées par les autorités irlandaises aux fins de déterminer la base imposable d’entreprises faisaient partie du régime général irlandais de l’impôt sur les sociétés. Il convient toutefois de relever que les requérantes procèdent à une lecture erronée des points 154 et 155 de cet arrêt, actuellement sous pourvoi. En effet, il ressort de ces points, ainsi que des points 156 à 164 de cet arrêt, que le Tribunal a considéré que le système de droit commun d’imposition des bénéfices des sociétés devait constituer le système de référence pertinent pour examiner si ces décisions conféraient un avantage sélectif à leurs destinataires, en dérogeant à ce système de référence. En l’espèce, les décisions anticipées octroyées au titre du régime en cause ont été adoptées pour permettre à des sociétés appartenant à un groupe de déterminer leurs bénéfices imposables en Belgique, aux fins de l’impôt sur les sociétés dans cet État membre.

42      Enfin, les requérantes renvoient aux considérations exposées aux points 62 et 63 de l’arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793), relatives à la détermination du système de référence. Toutefois, la considération selon laquelle le système de référence devant être pris en compte pourrait être plus restreint que le système général de l’impôt, voire qu’il pourrait s’identifier à la mesure fiscale en elle-même, n’est pas applicable en l’espèce. En effet, de telles considérations concernent uniquement l’hypothèse dans laquelle la mesure fiscale est clairement détachable du système général d’imposition ou dans laquelle celle-ci se présente comme une règle dotée d’une logique juridique autonome par rapport à ce système. Or, dans les présentes affaires, les requérantes ne soutiennent pas qu’un système de référence plus restreint, se limitant au régime d’exonération des bénéfices excédentaires, devait être retenu, ni que ce système était séparable du régime général belge de l’impôt sur les sociétés.

43      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que font valoir, en substance, les requérantes, l’approche de la Commission aux fins de la détermination du système de référence est conforme aux exigences de la jurisprudence récente.

b)      Sur les erreurs d’interprétation du droit fiscal belge invoquées par les requérantes

44      Les requérantes font valoir que la Commission a commis de nombreuses erreurs d’interprétation du droit fiscal belge. En particulier, elles font grief à la Commission d’avoir considéré que le bénéfice imposable était fondé sur le bénéfice total enregistré des sociétés soumises à l’impôt, alors que, selon le droit fiscal belge, lorsqu’il s’agit d’entreprises liées, le bénéfice imposable devrait être déterminé en appliquant le principe de pleine concurrence et en prenant en compte des ajustements positifs et négatifs prévus à cet égard.

45      En premier lieu, en ce qui concerne la détermination des bénéfices imposables, il y a lieu de relever, ainsi que la Commission l’a correctement indiqué au considérant 122 de la décision attaquée, que, à des fins fiscales, en Belgique, les revenus imposables comprennent notamment les bénéfices, tels qu’ils sont définis à l’article 24 du CIR 92, au sein de la section relative à l’impôt des personnes physiques.

46      L’article 24 du CIR 92 prévoit que les revenus imposables des entreprises industrielles, commerciales et agricoles englobent tous les revenus découlant d’activités entrepreneuriales, tels que les bénéfices provenant de « toutes les opérations traitées par les établissements de ces entreprises ou par l’intermédiaire de ceux-ci », et de « tout accroissement de la valeur des éléments d’actif […] et de tout amoindrissement de la valeur des éléments de passif […] lorsque ces plus-values ou moins-values ont été réalisées ou exprimées dans la comptabilité ou les comptes annuels ».

47      En outre, le considérant 122 de la décision attaquée renvoie aux articles 183 et 185, paragraphe 1, du CIR 92. En vertu de l’article 183 du CIR 92, les revenus soumis à l’impôt des sociétés sont les mêmes que ceux qui sont envisagés en matière d’impôt des personnes physiques, dont le calcul repose sur le principe selon lequel le revenu imposable est constitué de l’ensemble des revenus nets, dont les bénéfices, diminué des dépenses déductibles. Par ailleurs, en vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, les sociétés sont imposables sur le montant total des bénéfices.

48      Il en découle que, selon les dispositions du CIR 92, aux fins de l’impôt sur les sociétés, le calcul des revenus imposables se fait à partir de tous les bénéfices réalisés ou comptabilisés par les entreprises assujetties à l’impôt en Belgique, sur lesquels sont applicables les déductions légalement prévues.

49      En deuxième lieu, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission n’a pas fait abstraction du fait que, s’agissant des bénéfices issus de transactions entre sociétés liées, des ajustements et déductions devaient être effectués aux fins de la détermination des bénéfices imposables de la société assujettie à l’impôt en Belgique.

50      Certes, il est indiqué au considérant 133 de la décision attaquée que, dans le cadre du système commun d’imposition des bénéfices des sociétés, prévu par le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, les entités soumises à l’impôt en Belgique sont imposées sur la base de leur bénéfice total, à savoir sur la base de leur bénéfice réellement enregistré, et non sur la base d’un niveau hypothétique de bénéfice.

51      Toutefois, cette constatation n’implique pas que la Commission n’a pas pris en compte les ajustements prévus par le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique. En effet, notamment au considérant 123 de la décision attaquée, la Commission a reconnu que, précisément aux termes de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, afin de déterminer le bénéfice imposable d’une entreprise belge, il existait la possibilité d’effectuer des ajustements négatifs, lorsqu’une partie du bénéfice de cette entreprise était également incluse dans le bénéfice imposable d’une entreprise étrangère liée.

52      Ainsi, d’une part, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la position prise par la Commission dans la décision attaquée n’implique pas que tout bénéfice enregistré par les sociétés soumises à l’impôt en Belgique doive être imposé par les autorités fiscales belges sans que des ajustements puissent être appliqués aux bénéfices enregistrés dans la comptabilité de ces sociétés. En effet, la Commission elle-même prend en compte le fait que le bénéfice total enregistré constitue la base du calcul sur laquelle des ajustements, négatifs ou positifs, sont prévus par le système commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

53      D’autre part, il ressort du considérant 68 de la décision attaquée que la Commission ne reproche pas au Royaume de Belgique d’appliquer des ajustements en général, mais que c’est uniquement l’ajustement négatif dans le cadre du régime des bénéfices excédentaires, qu’elle a considéré comme étant contra legem.

54      Pour ces mêmes raisons, les griefs des requérantes tirés d’une prétendue méconnaissance par la Commission de l’existence, dans le régime fiscal belge, d’une différence entre le bénéfice comptable et le bénéfice imposable ne sauraient prospérer.

55      En troisième lieu, les requérantes contestent l’interprétation retenue par la Commission de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, et en particulier, l’affirmation selon laquelle l’application de cet article serait conditionnée à l’inclusion des bénéfices excédentaires dans la base imposable d’autres entités du groupe.

56      Premièrement, il y a lieu de relever que la Commission a fondé son analyse de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 sur la base du libellé de cette disposition et des textes accompagnant son entrée en vigueur. En effet, aux considérants 29 à 38 de la décision attaquée, la Commission a décrit de manière détaillée le texte de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, introduit par la loi du 21 juin 2004, modifiant le CIR 92 et la loi du 24 décembre 2002 (Moniteur belge du 9 juillet 2004, p. 54623, ci-après la « loi du 21 juin 2004 »), l’exposé des motifs figurant dans le projet de ladite loi, présenté le 30 avril 2004 par le gouvernement belge à la Chambre des représentants de Belgique (ci-après l’« exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 ») et la circulaire du 4 juillet 2006 concernant l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 (ci-après la « circulaire administrative du 4 juillet 2006 »).

57      Tout d’abord, dans sa version applicable en l’espèce, l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, auquel fait référence le considérant 29 de la décision attaquée, est libellé comme suit :

« Sans préjudice de l’alinéa 2, pour deux sociétés faisant partie d’un groupe multinational de sociétés liées et en ce qui concerne leurs relations transfrontalières réciproques :

[…]

b)       lorsque, dans les bénéfices d’une société sont repris des bénéfices qui sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, les bénéfices de la première société sont ajustés d’une manière appropriée.

L’alinéa 1er s’applique par décision anticipée sans préjudice de l’application de la Convention relative à l’élimination des doubles impositions en cas de corrections des bénéfices des entreprises associées (90/436) du 23 juillet 1990 et des conventions internationales préventives de la double imposition. »

58      Ensuite, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, auquel fait référence le considérant 34 de la décision attaquée, indique que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoit un ajustement corrélatif approprié afin d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible) et qu’il ne faut procéder à un ajustement corrélatif que si l’administration fiscale ou le service des décisions anticipées estime que l’ajustement primaire est justifié en ce qui concerne son principe et son montant.

59      Par ailleurs, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 précise que ladite disposition ne s’applique pas si le bénéfice réalisé dans l’État partenaire est majoré de telle façon qu’il est supérieur à celui qui serait obtenu en cas d’application du principe de pleine concurrence, les autorités fiscales belges n’étant pas contraintes d’accepter les conséquences d’un ajustement arbitraire ou unilatéral dans l’État partenaire.

60      Enfin, la circulaire administrative du 4 juillet 2006, à laquelle fait référence le considérant 38 de la décision attaquée, réitère le constat suivant lequel un tel ajustement négatif ne s’applique pas lorsque l’ajustement positif primaire opéré par une autre juridiction est excessif. Par ailleurs, ladite circulaire reprend largement le texte de l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, en ce qu’elle rappelle que l’ajustement négatif corrélatif trouve son sens dans le principe de pleine concurrence, qu’il a pour objectif d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible) et qu’il doit s’effectuer de manière appropriée, à savoir que les autorités fiscales belges ne peuvent procéder à cet ajustement que si ce dernier est justifié en son principe et en son montant.

61      Partant, il ressort du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 que l’ajustement négatif est prévu dans le cadre des relations transfrontalières entre deux sociétés liées et qu’il doit être corrélatif, en ce sens qu’il n’est applicable qu’à la condition que les bénéfices faisant l’objet de l’ajustement soient également repris dans les bénéfices de l’autre société et que ces bénéfices ainsi inclus soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

62      Cette constatation est confirmée tant par l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 que par la circulaire administrative du 4 juillet 2006, qui soulignent que l’ajustement corrélatif doit être approprié, en son principe et en son montant, et qu’il n’est pas procédé à cet ajustement si les bénéfices réalisés dans un autre État sont majorés de façon à ce qu’ils deviennent supérieurs à ceux qui auraient été obtenus en application du principe de pleine concurrence. En effet, ces textes indiquent que l’ajustement négatif prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 requiert une corrélation entre les bénéfices ajustés à la baisse en Belgique et des bénéfices repris dans une autre société du groupe établie dans un autre État.

63      Deuxièmement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas considéré que l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 était conditionnée à l’inclusion des bénéfices excédentaires dans la base imposable d’autres entreprises, ni à l’imposition effective de ces bénéfices à l’égard d’autres juridictions fiscales. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a seulement considéré, s’agissant de la première des deux conditions identifiées au point 61 ci-dessus, que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 exigeait que les bénéfices aient été également inclus dans le bénéfice de l’entreprise associée établie à l’étranger. La condition identifiée par la Commission portait donc sur l’allocation du bénéfice excédentaire à une autre entité du groupe et, ainsi, sur le fait de vérifier que les bénéfices excédentaires exclus de la base imposable belge aient correspondu à des bénéfices attribuables à une autre entité. En outre, ainsi qu’il ressort des considérants 133, 135 et 136 de la décision attaquée, ce que la Commission a mis en exergue était que l’exonération des bénéfices excédentaires consistait en un pourcentage d’exonération calculé à partir d’un niveau de bénéfice hypothétique.

64      Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’interprétation de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR92 retenue par la Commission ne revient pas à conditionner l’application des règles belges en matière de calcul et d’imputation à l’application de règles d’autres juridictions fiscales. Une telle interprétation ne revient pas non plus à exiger du Royaume de Belgique qu’il prouve que les bénéfices en cause aient été ultérieurement inclus dans une base imposable à l’étranger.

65      Troisièmement, s’agissant de la qualification d’exonération utilisée par la Commission pour définir le système des bénéfices excédentaires au titre du régime en cause, il est constant que ce système a été décrit par les autorités fiscales belges elles-mêmes comme une « exonération des bénéfices excédentaires », consistant en l’imposition uniquement d’une partie des bénéfices telle que définie par la société en question avec le service des décisions anticipées. Ainsi, une partie des bénéfices qui est considérée comme excédentaire, sur la base du pourcentage prévu par la décision anticipée, est exclue de la base imposable de la société en question pour chaque exercice fiscal durant la période de validité de la décision anticipée, et ce indépendamment de la nature et du montant des bénéfices réalisés par ladite société. Un tel système peut difficilement être qualifiable de simple ajustement, contrairement à ce que prétendent les requérantes. Il ne saurait, partant, être reproché à la Commission d’avoir désigné le régime applicable aux bénéfices excédentaires comme étant une exonération.

66      Par ailleurs, l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait erronément affirmé, au considérant 29 de la décision attaquée, que la loi du 21 juin 2004 avait introduit de nouvelles règles concernant les transactions transfrontalières d’entités appartenant à un groupe multinational, cette loi ayant seulement confirmé et expliqué les règles contenues dans les conventions fiscales, doit également être écarté. D’une part, la question de savoir si cette loi a introduit ou non de nouvelles règles n’a aucune incidence sur le raisonnement de la Commission et n’est pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée. D’autre part, la Commission s’est bornée à affirmer, au considérant 29 de la décision attaquée, que de nouvelles dispositions, dont le second paragraphe de l’article 185 du CIR 92, avaient été introduites dans le droit belge par la loi du 21 juin 2004.

67      Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a aucunement affirmé, au considérant 126 de la décision attaquée, que le droit belge exigeait qu’une société fût établie en Belgique depuis peu. Au contraire, dans ce considérant, la Commission a indiqué que toutes les sociétés étaient soumises de la même manière à l’impôt sur les sociétés, qu’elles soient établies en Belgique depuis peu ou qu’elles y exercent leur activité depuis de nombreuses années.

c)      Sur les arguments des requérantes contestant la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

68      Les requérantes font grief à la Commission d’avoir considéré que le régime des bénéfices excédentaires ne faisait pas partie intégrante du système de référence. À cet égard, il y a lieu de relever, en premier lieu, que la Commission n’a pas exclu l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 du système de référence. En revanche, elle a considéré que le régime des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges ne faisait pas partie dudit système.

69      En second lieu, afin de déterminer si la Commission a correctement conclu que le régime des bénéfices excédentaires n’était pas prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, il convient d’examiner d’une part, la portée de cette disposition et, d’autre part, le régime des bénéfices excédentaires tel qu’il est appliqué par les autorités fiscales belges.

70      D’une part, ainsi qu’il est constaté aux points 56 à 61 ci-dessus, il ressort du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 que l’ajustement négatif est prévu dans le cadre des relations transfrontalières entre deux sociétés liées et qu’il doit être corrélatif, en ce sens qu’il n’est applicable qu’à la condition que les bénéfices faisant l’objet de l’ajustement soient également repris dans les bénéfices de l’autre société et que ces bénéfices ainsi inclus soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

71      D’autre part, s’agissant de la détermination de la portée du régime des bénéfices excédentaires, telle qu’il est appliqué par les autorités fiscales belges, la Commission, notamment aux considérants 39 à 42 de la décision attaquée, a pris en compte les réponses du ministre des Finances belge à des questions parlementaires sur l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, du 13 avril 2005, du 11 avril 2007 et du 6 janvier 2015. Ces réponses expliquent la pratique administrative des autorités fiscales belges relative aux bénéfices excédentaires.

72      Il ressort de ces réponses que, dans le cadre du régime des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges, l’ajustement négatif des bénéfices permettant de déduire de la base imposable lesdits bénéfices excédentaires n’était pas conditionné par le fait que les bénéfices exonérés aient été repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

73      En outre, il ressort des explications fournies par le Royaume de Belgique, telles qu’elles sont reprises notamment aux considérants 15 à 20 de la décision attaquée, que l’exonération appliquée par les autorités fiscales belges, au titre du régime en cause, était fondée sur un pourcentage d’exonération, calculé sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique pour l’entité belge, obtenu à partir d’un indicateur du niveau de bénéfice résultant d’une comparaison avec les bénéfices des entreprises autonomes comparables et fixé comme une valeur située dans la fourchette interquartile dudit indicateur du niveau de bénéfice choisi pour un ensemble d’entreprises autonomes comparables. Ce pourcentage d’exonération aurait été applicable pendant plusieurs années, à savoir pendant la durée de validité de la décision anticipée. Ainsi, l’imposition des entités belges qui en résultait ne prenait pas comme point de départ la totalité des bénéfices réellement enregistrés, au sens des articles 1er, 24, 183 et 185, paragraphe 1, du CIR 92, auxquels auraient été appliqués les ajustements légalement prévus dans le cas des groupes d’entreprises, au titre de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, mais plutôt un bénéfice hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par l’entité belge en question et des ajustements légalement prévus.

74      Il ressort de ce qui précède que, alors que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 requiert, aux fins d’un ajustement négatif, que les bénéfices à ajuster aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société et qu’ils soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, le régime des bénéfices excédentaires était appliqué par les autorités belges sans prendre en considération ces conditions. Dès lors, il y a lieu de constater que la Commission a correctement conclu, au considérant 125 de la décision attaquée, que l’exonération des bénéfices excédentaires n’était prescrite par aucune disposition du CIR 92.

75      Par ailleurs, le fait que l’objectif de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 soit d’éviter une double imposition possible ne saurait éliminer la condition explicitement prévue, relative au fait que les bénéfices à ajuster sont également repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En effet, si ces bénéfices sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, établie dans un autre État, il est possible qu’ils y soient imposés. Ainsi, même si, aux fins de l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, la preuve d’une imposition effective dans cet autre État n’est pas requise, l’ajustement prévu par cette disposition vise effectivement à éviter une double imposition possible.

76      Enfin, les requérantes font valoir que la Commission a considéré, dans les décisions d’ouverture de la procédure formelle d’examen adoptées le 16 septembre 2019, concernant chaque bénéficiaire du régime en cause, à la suite de l’arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T‑131/16 et T‑263/16, EU:T:2019:91), que le régime des bénéfices excédentaires faisait partie du système de référence pertinent pour examiner ces mesures. Toutefois, un tel argument, qui porte sur une décision adoptée dans le cadre d’une autre procédure, est dénué de pertinence pour l’appréciation de la légalité de la décision attaquée.

77      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires, appliquée par les autorités fiscales belges au titre du régime en cause, ne faisait pas partie du système de référence.

d)      Sur les arguments des requérantes contestant l’identification de l’objectif du système de référence

78      Les requérantes font grief à la Commission d’avoir considéré que l’objectif du système de référence était d’imposer les bénéfices comptables. Elles soutiennent que l’objectif dudit système est en réalité de déterminer le revenu net imposable correct en tenant compte des déductions et exonérations.

79      À cet égard, il importe de relever, d’une part, que la Commission n’a pas considéré que l’objectif du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique était d’imposer les bénéfices comptables. En effet, ainsi qu'il a été constaté au point 35 ci-dessus, la Commission a conclu, au considérant 129 de la décision attaquée, que l’objectif du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique était « d’imposer de la même manière les bénéfices de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique ». D’autre part, ainsi qu’il est constaté aux points 49 à 53 ci-dessus, la Commission a bien tenu compte du fait que des ajustements et déductions devaient être effectués aux fins de la détermination des bénéfices imposables de la société assujettie à l’impôt en Belgique et elle n’a donc pas considéré que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique consistait à imposer les sociétés sur la totalité de leur bénéfice comptable.

e)      Conclusions sur l’identification du système de référence

80      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen des requérantes contestant l’identification du système de référence, ainsi que de l’objectif de ce système, retenu par la Commission dans la décision attaquée.

2.      Sur l’analyse du critère de l’avantage

81      Dans le cadre du deuxième moyen dans l’affaire T‑370/16 ainsi que du quatrième moyen dans les affaires T‑278/16 et T‑370/16, en substance, les requérantes font grief à la Commission d’avoir confondu les notions d’ « avantage » et de « sélectivité ». En outre, dans le cadre de leurs réponses aux mesures d’organisation de la procédure, elles font valoir que le raisonnement principal ne permet pas d’établir l’existence d’un avantage et, en particulier, qu’il ne contient pas la démonstration que l’exonération des bénéfices excédentaires allège la charge fiscale normalement supportée par les bénéficiaires de ce régime.

a)      Sur l’analyse conjointe de l’avantage et de la sélectivité

82      S’agissant de l’analyse conjointe par la Commission du critère de l’avantage et de celui de la sélectivité, il y a lieu de relever que, dans l’analyse des conditions énumérées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour qu’une mesure constitue une aide d’État, dont celle afférente à l’existence d’un avantage sélectif, la notion d’« avantage » et celle de sa « sélectivité » constituent deux critères distincts. Pour ce qui est de l’avantage, la Commission doit démontrer que la mesure améliore la situation financière du bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 33). En revanche, pour ce qui est de la sélectivité, la Commission doit démontrer que l’avantage ne bénéficie pas à d’autres entreprises dans une situation juridique et factuelle comparable à celle du bénéficiaire au regard de l’objectif du système de référence (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 49).

83      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être clairement distinguée de la détection concomitante d’un avantage économique, en ce que, lorsque la Commission a décelé la présence d’un avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, elle est tenue d’établir, en outre, que cet avantage profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises (arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 59).

84      Il importe néanmoins de préciser qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces deux critères peuvent être examinés conjointement, en tant que « troisième condition », prévue par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, portant sur l’existence d’un « avantage sélectif » (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 32).

85      Dans la décision attaquée, le raisonnement de la Commission concernant l’avantage figure dans le cadre de l’analyse sur l’existence d’un avantage sélectif, à savoir le point 6.3, intitulé « Existence d’un avantage sélectif ». Dans ce cadre, la Commission a effectivement examiné le critère de l’avantage.

86      À titre préalable, au considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges n’était pas prévue par le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique. En outre, au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue le fait que cette exonération était calculée en faisant abstraction des bénéfices totaux réellement enregistrés par l’entité belge et des ajustements légalement prévus. Au considérant 127 de la décision attaquée, elle a souligné que, bien que le système belge ait prévu des dispositions particulières applicables aux groupes, celles-ci visaient plutôt à mettre sur un pied d’égalité les entités intégrées à des groupes multinationaux et les entités autonomes.

87      Dans ce cadre, au considérant 133 de la décision attaquée, la Commission a signalé que, en vertu du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, les entités de sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique étaient imposées sur la base de leurs bénéfices réellement enregistrés, et non sur la base d’un niveau hypothétique de bénéfices, raison pour laquelle l’exonération des bénéfices excédentaires conférait un avantage aux entités belges d’un groupe bénéficiant du régime en cause.

88      Au considérant 135 de la décision attaquée, la Commission a rappelé la jurisprudence selon laquelle un avantage économique peut être conféré en réduisant la charge fiscale d’une entreprise et, en particulier, en réduisant la base imposable ou le montant de l’impôt dû. Ainsi, la Commission a considéré que, en l’espèce, le régime en cause permettait aux sociétés bénéficiaires des décisions anticipées de réduire l’impôt dû en déduisant de leur bénéfice réellement enregistré un bénéfice dit « excédentaire ». Ce dernier était calculé en estimant le bénéfice moyen hypothétique d’entreprises autonomes comparables, de sorte que la différence entre le bénéfice réellement enregistré et ce bénéfice moyen hypothétique se traduisait en un pourcentage d’exonération qui fondait le calcul de la base imposable accordée pour les cinq années pendant lesquelles la décision anticipée était d’application. Dans la mesure où cette base imposable, ainsi calculée au titre des décisions anticipées accordées en vertu du régime en cause, était inférieure à la base imposable en l’absence desdites décisions anticipées, un avantage en aurait découlé.

89      Partant, il ressort des considérants de la décision attaquée, mis en exergue aux points 86 à 88 ci-dessus, que l’avantage retenu par la Commission consistait en la non-imposition des bénéfices excédentaires des sociétés bénéficiaires et en l’imposition des bénéfices de ces dernières calculés à partir d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus, en vertu des décisions anticipées, au titre du régime en cause. Selon la Commission, une telle imposition représentait un allégement de la charge fiscale supportée par les bénéficiaires du régime, par rapport à celle qui aurait découlé d’une imposition normale, au titre du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, laquelle aurait visé la totalité des bénéfices réellement enregistrés, après application des ajustements légalement prévus.

90      Ensuite, l’analyse proprement dite de la sélectivité de cet avantage se trouve, d’une part, aux considérants 136 à 141 de la décision attaquée, au sein du point 6.3.2.1 de ladite décision, en ce qui concerne le raisonnement à titre principal de la Commission sur la sélectivité, fondé sur l’existence d’une dérogation au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. D’autre part, la sélectivité de l’avantage, représenté par l’exonération des bénéfices excédentaires, est analysée également aux considérants 152 à 170 de la décision attaquée, au sein du point 6.3.2.2 de ladite décision, en ce qui concerne le raisonnement sur la sélectivité, avancé par la Commission à titre subsidiaire, fondé sur l’existence d’une dérogation au principe de pleine concurrence.

91      Partant, le fait que, d’un point de vue formel, l’analyse de l’avantage ait été insérée dans une section qui couvre également l’examen de la sélectivité ne révèle pas l’absence d’un examen au fond des deux notions, dans la mesure où l’existence d’un avantage, d’une part, et l’existence de son caractère sélectif, d’autre part, sont effectivement analysées.

92      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la jurisprudence récente de la Cour et du Tribunal n’est pas de nature à remettre en cause ce constat. Au contraire, dans l’arrêt du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission (T‑760/15 et T‑636/16, EU:T:2019:669, point 129), le Tribunal a expressément constaté que l’approche de la Commission consistant à examiner concomitamment les critères de l’avantage et de la sélectivité n’était pas en soi erronée, dès lors que tant l’avantage que le caractère sélectif de celui-ci étaient examinés.

93      Il convient également d’écarter l’argument des requérantes selon lequel la possibilité d’analyser concomitamment les critères de l’avantage et de la sélectivité n’est pas applicable pour l’examen d’un régime d’aides, mais seulement pour celui d’une mesure d’aide individuelle. En effet, il ressort des arrêts du 30 juin 2016, Belgique/Commission (C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 32) et du 6 avril 2022, Mead Johnson Nutrition (Asia Pacific) e.a./Commission (T‑508/19, EU:T:2022:217, point 169) que les critères de l’avantage et de la sélectivité peuvent être examinés, d’un point de vue formel, conjointement dans le cadre de l’examen d’un régime d’aides.

b)      Sur la démonstration de l’existence d’un avantage

94      S’agissant de la démonstration de l’existence d’un avantage, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 21).

95      Dans le cas de mesures fiscales, l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale » (arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 56). Partant, de telles mesures confèrent un avantage économique à leurs bénéficiaires dès lors qu’elles allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et, de ce fait, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 22).

96      En conséquence, afin de déterminer s’il existe un avantage fiscal, il convient de comparer la situation du bénéficiaire résultant de l’application de la mesure en cause avec la situation de celui-ci en l’absence de cette mesure et en application des règles normales d’imposition (voir arrêt du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission, T‑760/15 et T‑636/16, EU:T:2019:669, point 147 et jurisprudence citée).

97      Par ailleurs, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission doit uniquement prouver que le régime fiscal en cause est de nature à favoriser ses bénéficiaires, en vérifiant que celui-ci, pris globalement, est, compte tenu de ses caractéristiques propres, susceptible de conduire, au moment de son adoption, à une imposition moindre par rapport à celle résultant de l’application du régime d’imposition général (voir arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 63 et jurisprudence citée).

98      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 30 à 35, 40 et 85 à 89 ci-dessus, la Commission a relevé aux considérants 125 à 127 et 133 à 135 de la décision attaquée que, à la suite des décisions anticipées, adoptées au titre du régime en cause, les entités belges qui faisaient partie d’un groupe multinational et qui en avaient fait la demande avaient pu réduire leur impôt dû en Belgique, en déduisant de leur base imposable un pourcentage de leurs bénéfices, au titre de bénéfices dits « excédentaires », et ce pour les cinq années de validité desdites décisions anticipées.

99      Tout d’abord, il n’est pas contesté que le régime en cause était conçu comme un système qui consistait en la non-imposition d’une partie des bénéfices enregistrés par des entités belges qui faisaient partie d’un groupe multinational. Il est également constant que, en vertu de l’article 2 de la loi du 21 juin 2004, c’est uniquement par une décision anticipée adoptée par le service des décisions anticipées à la suite d’une demande introduite par les entités belges concernées qu’une partie des bénéfices de ces entités pouvait être qualifiée d’excédentaire, au titre de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, et que le pourcentage d’exonération en question pouvait être appliqué à la base imposable de ces entités, de sorte que seule une partie de cette base imposable fût imposée.

100    Ensuite, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92 que les sociétés résidentes en Belgique sont imposables sur le montant total de leurs bénéfices. En outre, il ressort de l’article 24 du CIR 92 que les bénéfices imposables des entreprises sont, à la base, tous les bénéfices qui ont été réalisés ou exprimés dans la comptabilité.

101    Enfin, ainsi qu’il a été indiqué aux points 56 à 62 ci-dessus, il ressort de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 qu’un ajustement négatif de la base imposable peut être effectué, lorsque les bénéfices de la société en question sont également repris dans les bénéfices d’une autre société du même groupe et que ce sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes.

102    Partant, conformément aux règles normales d’imposition en Belgique, les entités belges étaient imposées sur tous leurs bénéfices réalisés, tels qu’exprimés dans leur comptabilité, le cas échéant, en procédant à des ajustements tels que celui prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Or, dès lors que le régime en cause consistait en une exonération des bénéfices dits « excédentaires » qui, ainsi qu’il a été relevé au point 77 ci-dessus, n’était pas prévue à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, ledit régime était susceptible de conduire à un allégement de l’impôt que les entités ayant demandé ces décisions auraient autrement dû payer, en application des règles relatives à l’impôt sur les sociétés en Belgique.

103    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir constaté que le régime fiscal en cause était de nature à favoriser ses bénéficiaires, dans la mesure où ce régime, pris globalement et compte tenu de ses caractéristiques propres, était susceptible de conduire à une imposition moindre par rapport à celle résultant de l’application des règles normales d’imposition des sociétés en Belgique.

104    Par ailleurs, les requérantes font valoir que, pour établir l’existence d’un avantage dans le cadre du raisonnement principal, la Commission aurait dû démontrer que le système de l’exonération des bénéfices excédentaires s’écartait du principe de pleine concurrence. Il convient de relever, à cet égard, que ce n’est que dans le cadre de l’analyse de la sélectivité du régime en cause que la Commission a examiné, à titre subsidiaire, dans quelle mesure ce régime dérogeait au principe de pleine concurrence. Cet argument est, partant, dénué de pertinence dans le cadre de l’examen de l’appréciation par la Commission de l’existence d’un avantage.

105    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments des requérantes faisant grief à la Commission d’avoir confondu les notions d’avantage et de sélectivité et de ne pas avoir démontré l’existence d’un avantage.

3.      Sur le raisonnement à titre principal tendant à établir l’existence d’un avantage sélectif

106    En substance, dans le cadre des deuxième à sixième branches de leur deuxième moyen, les requérantes contestent le raisonnement principal de la Commission tendant à établir l’existence d’un avantage sélectif. Elles contestent le constat selon lequel le système de l’exonération des bénéfices excédentaires dérogeait au régime général de l’impôt sur les sociétés ainsi que les différents constats selon lesquels ledit système avait introduit un traitement différencié des bénéficiaires par rapport à des opérateurs économiques se trouvant dans une situation comparable.

107    La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

108    À titre liminaire, il importe de relever que, dans leurs réponses aux mesures d’organisation de la procédure, les requérantes font valoir que, selon la jurisprudence récente, la Commission doit démontrer l’utilisation de critères manifestement discriminatoires aux fins d’établir la sélectivité d’une mesure fiscale.

109    À cet égard, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 22 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que la Cour a encore récemment confirmé que, afin de qualifier une mesure fiscale nationale de sélective, la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, à savoir le régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un second temps, que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 68 et jurisprudence citée).

110    En outre, dans la mesure où les requérantes renvoient à l’arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie (C‑596/19 P, EU:C:2021:202), ainsi qu’aux conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Fossil (Gibraltar) (C‑705/20, EU:C:2022:181), il y a lieu de constater que les affaires correspondantes portaient sur les conditions dans lesquelles une règle fiscale, bien que portant sur les caractéristiques constitutives de l’impôt et faisant partie du système de référence, pouvait être qualifiée de sélective. Ainsi, l’exigence de démontrer l’existence de paramètres manifestement discriminatoires destinés à contourner le droit de l’Union en matière d’aides d’État, à laquelle les requérantes font référence, ne concerne pas la situation dans laquelle la mesure fiscale ne fait pas partie du système de référence. Or, en l’espèce, contrairement à ce que laissent entendre les requérantes, le régime en cause ne consiste pas en l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, mais en l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par l’administration fiscale en l’absence de toute prescription dans le CIR 92. Dès lors que, ainsi qu’il a été constaté aux points 68 à 76 ci-dessus, l’exonération des bénéfices excédentaires ne fait pas partie du système de référence, il n’appartenait pas à la Commission de démontrer l’existence de paramètres manifestement discriminatoires.

a)      Sur l’existence d’une dérogation au système de référence du fait de l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 par les autorités fiscales belges

111    En substance, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir erronément considéré que les autorités fiscales belges avaient procédé à une application contra legem de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 et d’en avoir déduit une dérogation au système de référence.

112    Dans la décision attaquée (point 6.3.2.1), la Commission a considéré, à titre principal, que le régime belge d’exonération des bénéfices excédentaires accordait un avantage sélectif à ses bénéficiaires en ce qu’il dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique, dans la mesure où celui-ci prévoyait que les sociétés soient imposées sur la base de leur bénéfice total, à savoir leur bénéfice réellement enregistré, et non sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus.

113    Ainsi, la Commission a conclu, au considérant 136 de la décision attaquée, que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, invoqué par le Royaume de Belgique comme fondement pour le régime en cause, n’avait pas le sens, ni l’effet préconisé par ledit régime et, partant, que ce régime constituait plutôt une dérogation à la règle générale prévue par le droit fiscal belge selon laquelle le bénéfice réellement enregistré est imposé. En outre, la Commission a souligné qu’un tel régime n’était pas accessible à toutes les entités se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire, au vu de l’objectif du système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique.

114    Par la suite, aux considérants 137 à 141 de la décision attaquée, la Commission a développé les raisons pour lesquelles elle considérait que le régime en cause introduisait des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal belge, dans une situation factuelle et juridique comparable.

115    D’emblée, il convient de rappeler que ce que la Commission a considéré comme ne faisant pas partie du système de référence et partant y dérogeant, est le régime des bénéfices excédentaires, à savoir l’ajustement négatif, tel qu’il a été effectué par les autorités fiscales belges sur une partie des bénéfices imposables, dits « excédentaires ».

116    Or, ainsi qu’il a été indiqué aux points 71 à 77 ci-dessus, au regard du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, l’ajustement négatif des bénéfices imposables est soumis à la condition que les bénéfices à déduire pour une société donnée aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En revanche, la pratique des autorités fiscales belges, consistant à effectuer un ajustement négatif unilatéral sans qu’il soit besoin d’établir que les bénéfices à ajuster aient été repris dans les bénéfices d’une autre société et qu’ils soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les transactions concernées avaient été réalisées entre sociétés indépendantes, n’est pas prévue à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

117    De plus, l’argument des requérantes selon lequel l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 ne déroge pas au système de référence, car il ne saurait s’appliquer à une situation purement nationale ou à des entités autonomes, doit être écarté. En effet, la finalité de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 vise précisément à placer sur un pied d’égalité les entreprises liées et les entreprises non liées.

118    À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué au point 79 ci-dessus, il importe de rappeler que l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, tel qu’il ressort de la conclusion relative au système de référence figurant au considérant 129 de la décision attaquée, est d’imposer tous les bénéfices imposables des entités soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique. En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 46 ci-dessus, selon les règles normales d’imposition en Belgique, les bénéfices imposables des entreprises sont, à la base, tous les bénéfices qui ont été réalisés ou exprimés dans la comptabilité ou les comptes annuels de celles-ci.

119    Partant, c’est à juste titre que la Commission a constaté, dans le cadre de son raisonnement à titre principal, que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique.

120    Par ailleurs, il convient également de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels la Commission aurait méconnu la répartition des compétences entre les États membres et l’Union en ne tenant pas compte du fait que le droit de l’Union n’imposait aucune méthode pour déterminer le bénéfice imposable, ni du fait que le droit de l’Union n’interdisait pas la double imposition, pas plus que la double non-imposition. En effet, d’une part, la décision attaquée ne se fonde aucunement sur le fait que le droit de l’Union interdirait la double imposition ou la double non-imposition. D’autre part, la Commission s’est exclusivement fondée, aux fins d’établir l’existence d’un régime d’aides, sur le droit national belge et le fait que le régime en cause exonérait des revenus qui auraient normalement dû être imposés en application des règles d’imposition normales.

b)      Sur l’existence d’une différenciation entre opérateurs économiques se trouvant dans une situation comparable du fait de la dérogation au système de référence

121    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir erronément considéré que le régime en cause conduisait à une différenciation de traitement des bénéficiaires par rapport à d’autres opérateurs économiques se trouvant dans une situation comparable.

122    À cet égard, il convient de relever que la Commission a avancé, aux considérants 138 à 140 de la décision attaquée, trois motifs alternatifs pour étayer sa conclusion, qu’il convient d’examiner successivement aux fins d’exhaustivité.

1)      Sur le traitement différencié des bénéficiaires intégrés à un groupe multinational d’entreprises

123    La Commission a considéré, au considérant 138 de la décision attaquée, que le régime était sélectif parce qu’il était ouvert uniquement aux entités faisant partie d’un groupe multinational d’entreprises.

124    Certes, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, a vocation à s’appliquer à des sociétés intégrées à un groupe multinational. Toutefois, ainsi qu’il découle de l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, la finalité de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 vise à placer sur un pied d’égalité les entreprises liées et les entreprises non liées.

125    À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué aux points 35 et 79 ci-dessus, il importe de rappeler que l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, tel qu’il ressort du considérant 129 de la décision attaquée, est d’imposer tous les bénéfices imposables des entités soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qu’elles soient autonomes ou intégrées dans un groupe multinational d’entreprises. En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 48 ci-dessus, selon les règles normales d’imposition en Belgique, les bénéfices imposables des entreprises sont, à la base, tous les bénéfices qui ont été réalisés ou exprimés dans la comptabilité ou les comptes annuels de celles-ci.

126    En revanche, l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges, en ce qu’elle dérogeait à l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, octroyait un allégement fiscal aux bénéficiaires concernés, au motif qu’ils faisaient partie d’un groupe multinational d’entreprises, en leur permettant de déduire de leur assiette imposable une partie de leurs bénéfices enregistrés, sans que ces bénéfices exonérés aient été repris dans les bénéfices d’une autre société du groupe.

127    Il existerait, partant, un traitement différencié, entre les entités intégrées à un groupe multinational, ayant bénéficié, en vertu du régime en cause, de l’exonération des bénéfices excédentaires à hauteur d’un pourcentage d’exonération calculé sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique, faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus, et d’autres entités, autonomes ou intégrées au sein d’un groupe d’entreprises, qui auraient été imposées conformément aux règles normales d’imposition des sociétés en Belgique sur la totalité de leurs bénéfices réellement enregistrés, le cas échéant, s’agissant des entités intégrées, après application de l’ajustement au titre de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, suivant les conditions qui y sont prévues.

128    Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu que les entités faisant partie d’un groupe multinational ayant bénéficié de l’exonération des bénéfices excédentaires au titre du régime en cause, qui constitue un ajustement qui n’est pas en tant que tel prévu par la loi, auraient reçu un traitement différencié par rapport à d’autres entités en Belgique n’en ayant pas bénéficié, alors que ces entités se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, à savoir imposer tous les bénéfices imposables de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique.

2)      Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises n’ayant pas procédé à des investissements, à la création d’emplois ou à la centralisation d’activités en Belgique

129    Au considérant 139 de la décision attaquée, la Commission a soutenu que le régime en cause était sélectif dans la mesure où il n’était pas ouvert à des sociétés qui auraient décidé de ne pas effectuer des investissements, de ne pas créer des emplois ou de ne pas centraliser des activités en Belgique. La Commission a relevé que l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 subordonnait l’adoption des décisions anticipées à l’existence d’une situation ou d’une opération n’ayant pas produit d’effets sur le plan fiscal et qu’une décision anticipée était nécessaire pour bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires.

130    La Commission a également relevé que, dans l’échantillon des décisions anticipées accordant une exonération des bénéfices excédentaires qu’elle a analysé, chaque décision anticipée mentionnait des investissements importants, la centralisation d’activités ou la création d’emplois en Belgique. De ce fait, elle a considéré que l’obligation relative à la « situation nouvelle », à laquelle étaient soumises les demandes de décisions anticipées afin de bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires, donnait lieu à un traitement différencié des groupes multinationaux qui modifiaient leur modèle d’entreprise en mettant en place de nouvelles activités en Belgique par rapport à tous les autres opérateurs économiques, y compris les groupes multinationaux, qui continuaient de suivre leur modèle d’entreprise existant en Belgique.

131    À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 142 à 144 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a confirmé que le choix d’un échantillon constitué de 22 décisions anticipées, adoptées au cours des années 2005, 2007, 2010 et 2013, était approprié et suffisamment représentatif.

132    En outre, ainsi que la Commission l’a correctement relevé au considérant 139 de la décision attaquée, l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 définit la décision anticipée comme étant l’acte juridique par lequel le service public fédéral des finances détermine, conformément aux dispositions en vigueur, comment la loi s’appliquera à une situation ou à une opération particulière qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. Par ailleurs, l’article 22 de cette même loi précise qu’une décision anticipée ne peut être adoptée, notamment, lorsque la demande a trait à des situations ou à des opérations identiques à celles ayant déjà produit des effets sur le plan fiscal à l’égard du demandeur.

133    Certes, de la lecture des dispositions indiquées au point 132 ci-dessus, il ne saurait être déduit que la réalisation d’investissements, la création d’emplois ou la centralisation d’activités en Belgique constituent des conditions explicitement exigées pour l’obtention d’une décision anticipée.

134    Toutefois, il ressort de l’échantillon des décisions anticipées analysé par la Commission dans la décision attaquée que ces décisions ont effectivement été accordées à la suite de propositions des demandeurs de réaliser des investissements en Belgique, d’y relocaliser certaines fonctions ou d’y créer un certain nombre d’emplois. En effet, les trois exemples décrits dans la note en bas de page no 80 de la décision attaquée, dans lesquels les demandeurs des décisions anticipées en question ont décrit leurs plans d’investissements et de recentralisation d’activités en Belgique, révèlent que, dans la pratique, la condition pour l’adoption d’une décision anticipée relative à l’existence d’une situation n’ayant pas produit des effets fiscaux a été remplie par des investissements, la centralisation d’activités ou la création d’emplois en Belgique.

135    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort clairement du considérant 139 de la décision attaquée que celle-ci repose précisément sur le constat que l’octroi des décisions anticipées faisant application de l’exonération des bénéfices excédentaires était conditionné à « des investissements importants [ou à ] la création d’emplois [ou à] la relocalisation d’activités en Belgique » et, ainsi, plus généralement à une modification du modèle d’entreprise en Belgique. À cet égard, il convient de préciser que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas considéré que l’octroi de l’exonération des bénéfices excédentaires était conditionné à la seule relocalisation des activités en Belgique. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 102 et 139 de la décision attaquée, l’exigence de relocalisation n’était qu’un exemple de modification du modèle d’entreprise, constituant une « situation nouvelle », pour laquelle l’exonération des bénéfices avait été accordée par les autorités belges. La Commission a clairement expliqué dans ces considérants que la « situation nouvelle » pouvait consister également en un accroissement des activités ou une restructuration de celles-ci, en des investissements nouveaux ou en la création d’emplois en Belgique.

136    Par ailleurs, il y a également lieu de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels la Commission a considéré que la mécanique des décisions anticipées, de manière générale, était sélective. En effet, seules les décisions anticipées accordées au titre du régime des bénéfices excédentaires faisaient l’objet de la décision attaquée. Ainsi qu’il a été constaté au point 135 ci-dessus, l’analyse par la Commission de la sélectivité du régime en cause, contenue au considérant 139 de la décision attaquée, reposait sur le constat que l’article 20 du CIR 92 prévoyait qu’une décision anticipée ne pouvait être octroyée pour une situation ou une opération qui n’avait pas produit d’effets sur le plan fiscal. Sur cette base, la Commission a relevé que, dans la pratique, l’octroi du bénéfice du régime en cause était systématiquement conditionné à l’existence d’une situation liée à des investissements, à la centralisation d’activités ou à la création d’emplois en Belgique. Il ne ressort donc pas de l’analyse de la Commission que l’octroi, en tant que tel, d’une décision anticipée constituait une mesure sélective, mais que le régime en cause était sélectif en ce que l’exonération des bénéfices excédentaires était accordée, par le biais d’une décision anticipée, uniquement à la condition tenant à la réalisation d’investissements, à la centralisation d’activités ou à la création d’emplois en Belgique.

137    Ensuite, il convient de rappeler que, en l’espèce, c’est précisément la pratique administrative des autorités fiscales belges, consistant à exonérer des bénéfices par des décisions anticipées, qui a été considérée comme étant dérogatoire à ce qui est prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Or, en vertu desdites décisions anticipées, leurs bénéficiaires ont obtenu un avantage consistant en l’allégement de leur assiette imposable, du fait de l’exonération des bénéfices dits « excédentaires ». En revanche, les entités n’ayant pas procédé à une modification de leur modèle d’entreprise, afin de créer des situations fiscales nouvelles qui, au regard d’une telle pratique, consistaient systématiquement en des investissements, en la centralisation d’activités ou en la création d’emplois en Belgique, et, partant, n’ayant pas demandé de décision anticipée ont été imposées sur l’ensemble de leurs bénéfices imposables. Partant, le régime en cause a donné lieu à un traitement différencié de sociétés se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

138    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu, au considérant 139 de la décision attaquée, que le système en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert à des sociétés qui avaient décidé de ne pas effectuer des investissements en Belgique, de ne pas y centraliser des activités et de ne pas y créer des emplois.

139    Les arguments des requérantes selon lesquels il existerait des exemples, dont leur propre cas, dans lesquels l’exonération des bénéfices excédentaires a été accordée en l’absence d’investissements nouveaux ou de relocalisation ne remettent pas en cause cette conclusion.

140    Premièrement, il y a lieu de rappeler que, dans une décision qui porte sur un régime d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime (arrêt sur pourvoi, point 77). Partant, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en compte la situation individuelle des requérantes en ce qui concerne plus particulièrement, l’exonération des bénéfices excédentaires qui leur avait été accordée par les autorités belges.

141    Deuxièmement, et en tout état de cause, les requérantes n’ont pas établi qu’il existait des exemples dans lesquels l’exonération des bénéfices excédentaires avait été accordée en l’absence d’investissements nouveaux, de relocalisation ou de restructuration.

142    Au contraire, s’agissant d’Altlas Copco et d’Atlas Copco Airpower, requérantes dans l’affaire T‑278/16, il importe de relever qu’elles expliquent elles-mêmes, au point 4 de la requête, qu’elles ont obtenu la décision fiscale en cause « à la suite d’un changement du modèle d’exploitation concernant les activités belges ». En outre, il ressort des extraits de cette décision anticipée, produits par les requérantes devant le Tribunal, que les autorités fiscales belges ont bien pris en compte la mise en place d’un nouveau modèle d’entreprise avec un nouveau modèle de groupe, dit « consolidé », dans lequel Atlas Copco Airpower agissait en tant qu’entrepreneur central. Ces éléments font bien état d’un accroissement de l’activité en Belgique.

143    S’agissant d’Anheuser-Busch Inbev et d’Ampar, requérantes dans l’affaire T‑370/16, il importe de constater que celles-ci expliquent, aux points 5 à 9 de la requête, qu’un bureau européen des achats a été créé en Belgique au 1er janvier 2010 et que ce bureau est devenu un bureau mondial des achats à compter du 1er janvier 2011, impliquant la création d’une nouvelle société de droit belge. Elles précisent qu’elles ont noué des contacts avec les autorités belges, dès mars 2010, et qu’elles ont demandé une décision anticipée à propos du bureau mondial d’achat en décembre 2011. Il ressort donc de ces éléments que la décision anticipée fait suite à une restructuration du groupe et à un accroissement de ses activités en Belgique.

144    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance que la mise en œuvre de la modification du modèle d’entreprise qu’elles ont opérée ait été concomitante à la procédure d’obtention d’une décision anticipée et qu’il ne s’agissait pas d’une « situation future » ne remet pas en cause l’analyse de la Commission et ne repose pas sur une compréhension erronée du droit fiscal belge. En effet, la conditionnalité de l’octroi des décisions anticipées à une modification du modèle d’entreprise identifiée par la Commission est liée à une « situation nouvelle », et non spécifiquement à une modification « future » du modèle d’entreprise, postérieure à l’octroi de la décision anticipée.

145    Par ailleurs, ce sont les bénéfices futurs, qui seront réalisés à la suite de la mise en œuvre de la modification du modèle d’entreprise, qui font l’objet de l’exonération du bénéfice excédentaire octroyée par la décision anticipée, ce qui, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, est conforme au fait que, ainsi qu’il ressort du point 132 ci-dessus, les décisions anticipées ne peuvent s’appliquer qu’à une situation ou à une opération particulière qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal.

146    S’agissant des trois sociétés qui, selon les requérantes, auraient bénéficié de l’exonération des bénéfices excédentaires sans procéder à une modification de leur modèle d’entreprise, force est de constater que les requérantes n’étayent pas leurs allégations et qu’elles n’apportent aucun élément permettant de vérifier que ces sociétés n’ont pas procédé à une relocalisation, à des investissements nouveaux ou à la création d’emplois supplémentaires. En effet, les requérantes se limitent à affirmer, sans autre précision ni document à l’appui, qu’il ressort des rapports annuels de ces sociétés qu’elles sont des entreprises belges qui ont des filiales à l’étranger et qu’elles ont procédé à des investissements en dehors de la Belgique. Partant, il y a lieu d’écarter les arguments des requérantes selon lesquels il existait des exemples dans lesquels l’exonération des bénéfices excédentaires avait été accordée en l’absence d’investissements nouveaux, de relocalisation ou de restructuration.

3)      Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille

147    En l’espèce, la Commission a soutenu, au considérant 140 de la décision attaquée, que le régime en cause était sélectif dans la mesure où seules les entités belges faisant partie d’un groupe multinational de grande taille ou de taille moyenne pouvaient effectivement bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires.

148    En effet, au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que seules les entités appartenant à un groupe multinational suffisamment grand étaient incitées à obtenir une décision anticipée, étant donné que c’était uniquement au sein de grands groupes d’entreprises qu’étaient susceptibles d’être générés des bénéfices tirés de synergies, d’économies d’échelle et d’autres avantages, d’une hauteur significative justifiant la demande de décision anticipée. En outre, la Commission a relevé que le processus d’obtention d’une telle décision nécessitait une demande détaillée présentant la situation nouvelle qui justifiait l’exonération ainsi que des études sur les bénéfices excédentaires, ce qui aurait été plus contraignant pour les petits groupes de sociétés que pour les grands.

149    À cet égard, il n’est pas contesté que, au sein de l’échantillon de 22 décisions anticipées au titre du régime en cause examiné par la Commission, tel qu’il a été décrit au considérant 65 de la décision attaquée et qui a été qualifié d’approprié et de représentatif, aux points 142 à 144 de l’arrêt sur pourvoi, aucune de ces décisions ne concernait des entités appartenant à des groupes d’entreprises de petite taille.

150    En outre, ainsi qu’il est indiqué au considérant 66 de la décision attaquée, il n’est pas contesté que, au cours de la procédure administrative, à la suite d’un tel constat par la Commission sur la base de l’échantillon de 22 décisions anticipées et en réponse à une demande formulée par celle-ci à cet égard, le Royaume de Belgique n’est pas parvenu à étayer son allégation selon laquelle l’exonération avait été accordée aussi à des entreprises appartenant à des groupes d’entreprises de petite taille.

151    Partant, au regard de la pratique administrative visée par la Commission, ce sont des entreprises faisant partie de groupes de grande et de moyenne taille qui se sont prévalues du régime d’exonération des bénéfices excédentaires, à l’exclusion des entreprises faisant partie d’un groupe d’entreprises de petite taille.

152    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments des requérantes selon lesquels la circonstance qu’un nombre limité d’entreprises ait demandé un certain type de mesures ne suffit pas à établir le caractère sélectif de la mesure, ainsi que cela ressortirait du point 91 de l’arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:362). En effet, il ressort des circonstances de l’espèce que c’est précisément sur la base d’un échantillon approprié et représentatif que la Commission a conclu que les décisions anticipées avaient été systématiquement adoptées à l’égard d’entreprises faisant partie d’un groupe de grande taille ou de moyenne taille.

153    Par ailleurs, doit être également rejeté le grief tiré de ce que la Commission n’aurait pas identifié une catégorie particulière d’entreprises susceptibles de bénéficier du régime en cause. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il n’est pas requis de déterminer une catégorie donnée d’entreprises favorisées par une mesure fiscale afin de pouvoir constater sa sélectivité (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 93).

154    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu, au considérant 140 de la décision attaquée, que le système en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille.

155    En tout état de cause, à supposer même que la Commission ait retenu à tort un tel motif relatif au traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille, cela n’affecterait pas la validité des deux autres motifs avancés par la Commission et examinés, respectivement, aux points 123 à 128 et 129 à 146 ci-dessus.

156    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments selon lesquels la Commission aurait erronément considéré que le régime en cause n’était pas accessible à toutes les entités se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire, au vu de l’objectif du système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique.

c)      Conclusion sur le raisonnement principal

157    Au vu de ce qui précède, la Commission n’a pas erronément constaté, à l’issue de son raisonnement à titre principal, d’une part, que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique et, d’autre part, que le régime en question n’était pas accessible à toutes les entités se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire, au vu de l’objectif du système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique.

158    Partant, il y a lieu de rejeter les deuxième à sixième branches du deuxième moyen, tendant à contester la conclusion de la Commission, au titre de son raisonnement principal, selon laquelle le régime en cause a accordé à ses bénéficiaires un avantage sélectif, au sens de l’article 107 TFUE.

159    Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des arguments des requérantes développés dans le cadre de la septième branche de leur deuxième moyen, à l’encontre du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, figurant au point 6.3.2.2 de la décision attaquée.

4.      Sur l’existence d’une justification fondée sur la nature et l’économie générale du système fiscal belge

160    Dans le cadre de la huitième branche de leur deuxième moyen, les requérantes font valoir, en substance, que le système d’exonération des bénéfices excédentaires était justifié, dans la mesure où il était destiné à éviter les doubles impositions. Elles soutiennent que la circonstance que ce système ne soit pas destiné à éviter une double imposition réelle, mais uniquement une double imposition potentielle n’est pas pertinente. En outre, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les bénéfices excédentaires ne relevaient pas de la compétence fiscale du Royaume de Belgique et qu’ils auraient pu relever de la compétence fiscale d’un autre État membre.

161    La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

162    Il convient de constater que, aux considérants 173 à 181 de la décision attaquée, la Commission a conclu, en substance, que le Royaume de Belgique n’était pas parvenu à établir que les mesures en cause poursuivaient réellement l’objectif d’éviter la double imposition. Selon la Commission, dans la mesure où l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoyait un ajustement négatif des bénéfices d’une société si ceux-ci avaient été repris dans les bénéfices d’une autre société, l’exonération appliquée par les autorités fiscales belges, sans qu’il fût nécessaire de prouver que les bénéfices excédentaires à exonérer auraient été inclus dans la base imposable d’une autre société, ne pouvait se justifier par l’économie générale du système. Ainsi, la Commission en a conclu que l’exonération unilatérale en cause ne répondait pas de façon nécessaire et proportionnée à des situations de double imposition.

163    À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de la jurisprudence, une mesure constituant une exception à l’application du système fiscal général peut être justifiée si l’État membre concerné parvient à démontrer que cette mesure résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de son système fiscal. À cet égard, il serait nécessaire de distinguer entre, d’une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs et, d’autre part, les mécanismes inhérents au système fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs. Ainsi, des exonérations fiscales qui résulteraient d’un objectif étranger au système d’imposition dans lequel elles s’inscrivent ne sauraient échapper aux exigences découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, points 64, 65, 69 et 70).

164    En l’espèce, il a été constaté, notamment au point 116 ci-dessus, que l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges n’était pas soumise à la condition de prouver que ceux-ci avaient été inclus dans les bénéfices d’une autre société. Il n’était pas non plus requis que ces bénéfices excédentaires aient effectivement fait l’objet d’une imposition dans un autre État. Ainsi, force est de constater que les mesures en cause n’étaient pas conditionnées par l’existence de situations de double imposition fiscale réelle ou potentielle.

165    Dans ces circonstances, il ne saurait être soutenu que l’exonération des bénéfices excédentaires, telle qu’elle a été appliquée par les autorités fiscales belges, visait à éviter la double imposition, réelle ou potentielle. Partant, c’est à juste titre que la Commission a conclu qu’une telle exonération ne répondait pas de façon nécessaire et proportionnée à des situations de double imposition.

166    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments des requérantes selon lesquels d’autres mécanismes du droit fiscal belge, tels que celui de l’exonération du montant des bénéfices d’une succursale étrangère, n’exigent pas non plus que le montant soit inclus dans les bénéfices de la succursale étrangère. En effet, d’une part, ainsi qu’il est exposé au point 163 ci-dessus, c’est à l’État membre concerné qu’il incombe de démontrer que la mesure en cause résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de son système fiscal. Or, le Royaume de Belgique n’a pas invoqué un tel argument dans le cadre de la procédure administrative. D’autre part, il y a lieu de relever que, dans le cas du régime de l’exonération des bénéfices excédentaires, l’ajustement négatif des bénéfices imposables aurait normalement dû être soumis, conformément au libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, à la condition que les montants exonérés aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société. De surcroît, le fait qu’un autre mécanisme ait un fonctionnement similaire au régime en cause ne suffit pas à démontrer que ce régime résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de son système fiscal, ni à établir, dès lors, que celui-ci est justifié par la nature et l’économie générale du système fiscal belge.

167    Par ailleurs, dans l’affaire T‑370/16, Anheuser-Busch Inbev et Ampar font valoir que le bénéfice excédentaire d’Anheuser-Busch Inbev a effectivement été taxé au Brésil, ce qui démontre que l’affirmation de la Commission selon laquelle l’exonération des bénéfices excédentaires ne peut éviter la double imposition est erronée. Une telle allégation n’est pas pertinente aux fins de remettre en cause la légalité de la décision attaquée. En effet, à la supposer avérée, la circonstance que les requérantes aient effectivement été confrontées à une situation de double imposition n’est pas de nature à affecter le constat selon lequel les autorités fiscales ne vérifiaient pas si les montants exonérés étaient repris dans les bénéfices des autres sociétés du groupe, ni celui selon lequel le régime en cause ne poursuivait pas un objectif de lutte contre la double imposition, réelle ou potentielle. En outre, les requérantes n’apportent aucun élément de preuve au soutien de leur allégation.

168    En outre, les arguments des requérantes selon lesquels le régime des bénéfices excédentaires serait conforme aux exigences de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le forum conjoint de l’Union européenne sur les prix de transfert ayant identifié que la double non-imposition de l’exonération constituait une limite du système fiscal international, doivent également être écartés. D’une part, de tels arguments n’ont aucun lien avec les justifications invoquées par le Royaume de Belgique dans le cadre de la procédure administrative. Or, ainsi qu’il est exposé au point 163 ci-dessus, c’est à l’État membre qu’il incombait de démontrer que la mesure en cause était justifiée. D’autre part, cette circonstance n’est aucunement pertinente pour établir que le régime en cause était justifié par la nature et l’économie générale du système fiscal belge.

169    Enfin, la conclusion tirée au point 165 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les arguments des requérantes selon lesquels l’économie générale du système fiscal belge aurait permis de taxer uniquement les bénéfices relevant de la compétence du Royaume de Belgique. En effet, ainsi qu’il a été constaté aux points 115 à 119 ci-dessus, l’exonération des bénéfices excédentaires par les autorités fiscales belges n’était pas prévue par le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique. Partant, en dépit de leur exonération au titre du régime en cause, ces bénéfices étaient imposables en Belgique, en vertu dudit système, et ils ne sauraient donc être considérés comme ne relevant pas de la compétence fiscale du Royaume de Belgique.

170    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la huitième branche du deuxième moyen, tirée de la prétendue appréciation erronée de la Commission sur l’inexistence d’une justification fondée sur la nature et l’économie générale du système fiscal belge, ainsi que l’ensemble des arguments des requérantes contestant la conclusion de la Commission constatant que le régime en cause était susceptible d’accorder un avantage sélectif à ses bénéficiaires.

5.      Conclusion sur les moyens tirés de la violation de l’article 107 TFUE et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce que la Commission a constaté que le régime en cause constituait une mesure d’aide d’État

171    Il ressort des constatations effectuées aux points 80, 105, 156 et 170 ci-dessus que ce n’est pas erronément que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu que le régime en cause accordait un avantage sélectif à ses bénéficiaires, en ce que ledit régime constituait une dérogation au système de référence conduisant à un traitement différencié de ses bénéficiaires par rapport à des opérateurs économiques se trouvant dans une situation comparable, lequel, par ailleurs, n’était pas justifié par la nature et l’économie générale du système fiscal.

172    Partant, il y a lieu de rejeter les moyens tirés de la violation de l’article 107 TFUE et d’erreurs manifestes d’appréciation, en ce que la Commission a considéré que le système des bénéfices excédentaires constituait une mesure d’aide d’État.

C.      Sur le moyen tiré d’un défaut de motivation, d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 et des principes généraux de légalité et de sécurité juridique quant à l’identification des bénéficiaires de la prétendue aide et à l’ordre de récupérer lesdites aides

173    Le troisième moyen est tiré d’un défaut de motivation, d’erreurs manifestes d’appréciation ainsi que d’une violation de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 et des principes généraux de légalité et de sécurité juridique, en ce que la Commission a identifié comme bénéficiaires du prétendu régime d’aides tant les entités belges ayant obtenu une décision anticipée que les groupes multinationaux auxquels elles appartenaient et a ordonné la récupération des mesures d’aides auprès de ces entités.

174    La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

175    En l’espèce, la Commission a indiqué, au considérant 183 de la décision attaquée, que les entités belges ayant obtenu une décision anticipée leur permettant de déduire les bénéfices considérés comme excédentaires, aux fins de la détermination de leur bénéfice imposable, étaient les bénéficiaires des aides d’État en cause.

176    En outre, au considérant 184 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que, en matière d’aides d’État, des entités juridiques distinctes pouvaient être considérées comme constituant une seule unité économique, laquelle était susceptible d’être considérée comme étant bénéficiaire de l’aide. Elle a ainsi considéré que, en l’espèce, les entités belges bénéficiant des aides en cause avaient opéré en tant qu’entrepreneurs centraux au bénéfice d’autres entités au sein de leurs groupes d’entreprises qu’elles contrôlaient souvent. Elle a également relevé que les entités belges étaient, à leur tour, contrôlées par l’entité gérant le groupe d’entreprises dans son ensemble. Ainsi, la Commission en a déduit que le groupe multinational dans son ensemble pouvait être considéré comme le bénéficiaire de la mesure d’aide.

177    Par ailleurs, au considérant 185 de la décision attaquée, la Commission a souligné que c’était le groupe dans son ensemble, indépendamment du fait qu’il soit organisé en différentes entités juridiques, qui aurait décidé de centraliser certaines activités en Belgique et d’y effectuer les investissements nécessaires pour bénéficier des décisions anticipées.

178    C’est ainsi que, au considérant 186 de la décision attaquée, elle en a conclu que, en plus des entités belges ayant été admises à bénéficier du régime en cause, les groupes multinationaux auxquels appartenaient ces entités devaient être considérés comme étant bénéficiaires du régime d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

1.      Sur le défaut de motivation

179    En substance, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir motivé en quoi les entités belges en cause constituaient une entité économique unique avec les groupes multinationaux.

180    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la motivation d’un acte adopté par la Commission doit permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin, d’une part, de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, points 62 et 63 ; du 16 octobre 2014, Eurallumina/Commission, T‑308/11, non publié, EU:T:2014:894, point 44, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 80).

181    En outre, il convient également de rappeler que, dans le cadre de décisions qui portent sur des régimes d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire pour les États membres de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, points 89 et 91 ; du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63, et du 13 juin 2019, Copebi, C‑505/18, EU:C:2019:500, points 28 à 33). Toutefois, la décision de la Commission doit être suffisamment motivée pour permettre sa mise en œuvre par les autorités nationales.

182    En l’espèce, ainsi qu’il a été exposé au point 175 ci-dessus, la Commission a identifié, au considérant 183 de la décision attaquée, les bénéficiaires des aides en cause comme étant les entités belges ayant déduit des bénéfices excédentaires de leurs bénéfices imposables au titre d’une décision anticipée. En outre, ainsi qu’il a été exposé aux points 176 à 178 ci-dessus, aux considérants 184 à 186 de la décision attaquée, la Commission a indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait qu’il existait une unité économique formée par ces entités belges et les sociétés liées à celles-ci au sein des groupes auxquels elles appartenaient, à la lumière de la jurisprudence.

183    Partant, il convient de rejeter le grief tiré d’un défaut de motivation.

2.      Sur l’erreur manifeste d’appréciation quant à l’identification des bénéficiaires

184    En substance, les requérantes font grief à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en identifiant comme bénéficiaires du prétendu régime d’aides tant les entités belges ayant obtenu une décision anticipée que les groupes multinationaux auxquels elles appartenaient.

185    Premièrement, les requérantes font valoir que la Commission a erronément considéré que les entités belges formaient une entité économique unique avec le groupe multinational auquel elles appartenaient.

186    D’emblée, il y a lieu de rappeler que, dans une décision qui porte sur un régime d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir point 181 ci-dessus).

187    En outre, selon une jurisprudence bien établie, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée à déterminer, dans le cadre de l’application des dispositions relatives aux aides d’État, si, aux fins de l’application de celles-ci notamment, des entités juridiques distinctes constituent une unité économique (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, EU:C:2010:787, point 63, et du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, EU:T:1998:140, point 314).

188    Ainsi, il a été jugé que la Commission pouvait considérer, aux fins de l’appréciation des bénéficiaires d’une aide d’État et des conséquences à tirer d’une décision ordonnant la récupération de celle-ci, qu’il existait une unité économique entre plusieurs entités juridiques distinctes, notamment lorsque celles-ci étaient liées par des relations de contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 11, et du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, EU:C:2010:787, point 64).

189    Aux considérants 184 à 186 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue le fait que, dans le cadre du régime en cause, il existait des liens de contrôle entre l’entité belge et les autres entités du groupe auquel elles appartenaient. Ainsi, d’une part, la Commission a relevé le fait que l’entité belge exerçait des fonctions centrales pour d’autres entités du groupe, lesquelles étaient souvent contrôlées par ladite entité. D’autre part, la Commission a souligné le fait que les décisions au sein des groupes multinationaux d’entreprises quant aux structures qui ont donné lieu aux exonérations en question, à savoir la centralisation d’activités en Belgique ou les investissements effectués en Belgique, ont été prises par des entités au sein du groupe, nécessairement par des entités qui en exerçaient le contrôle. Par ailleurs, il ressort de la description du régime des bénéfices excédentaires effectuée par le Royaume de Belgique, telle qu’elle est reprise notamment au considérant 14 de la décision attaquée, que les bénéfices excédentaires exonérés étaient censés être générés par des synergies et des économies d’échelle du fait de l’appartenance des entités belges en question à un groupe multinational d’entreprises.

190    Il s’ensuit que, dans la décision attaquée, la Commission a mis en exergue des éléments lui permettant de conclure à l’existence, en principe, de liens de contrôle au sein des groupes multinationaux d’entreprises auxquels appartenaient les entités belges ayant obtenu des décisions anticipées. Compte tenu de ces éléments du régime en cause, il ne saurait être conclu que la Commission a outrepassé sa marge d’appréciation lorsqu’elle a estimé que lesdits groupes constituaient une unité économique avec ces entités, bénéficiant d’aides d’État au titre de ce régime, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

191    En outre, l’argument selon lequel le droit belge ne prévoit pas la consolidation fiscale ne remet pas en cause l’analyse de la Commission. En effet, la récupération peut être ordonnée auprès de toutes les entités du groupe dès lors qu’elles forment une seule unité économique, et ce indépendamment de leur statut juridique et du fait qu’elles ont une personnalité juridique distincte [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM; Covid-19), T‑643/20, EU:T:2021:286, point 47 et jurisprudence citée]. La détermination de la présence d’une unité économique ne repose pas sur la situation fiscale des groupes, ni sur la possibilité de bénéficier d’une consolidation fiscale, mais sur les liens économiques et les relations de contrôle entre les sociétés appartenant à ces groupes. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n’est donc pas possible d’affirmer, par principe, que l’absence de consolidation fiscale s’oppose au constat que deux sociétés forment une unité économique.

192    Par ailleurs, au regard de la jurisprudence exposée aux points 181 et 186 ci-dessus, selon laquelle, dans le cadre d’un régime d’aides, ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée, il y a lieu d’écarter les arguments des requérantes faisant grief à la Commission de ne pas avoir établi spécifiquement l’existence de participations de contrôle, ni l’exercice effectif de ce contrôle, et de ne pas avoir identifié quelles entités faisaient partie des groupes multinationaux en cause. Pour ces mêmes motifs, la circonstance, à la supposer avérée, que certaines des requérantes n’aient pas participé à la décision de déplacement des activités en Belgique ou n’aient pas demandé et obtenu, en leur nom, de décision anticipée n’est pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

193    Deuxièmement, les requérantes font valoir que, à supposer même que les entités belges aient formé une unité économique avec les groupes multinationaux, la Commission n’a pas examiné l’existence d’un avantage au niveau du groupe et, partant, n’a pas établi que ces derniers avaient eu la jouissance effective des aides octroyées en vertu du régime en cause. Un tel argument doit également être écarté.

194    D’une part, dans la mesure où les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir examiné l’avantage, et ainsi l’allégement de la charge fiscale, au niveau du groupe, il y a lieu de relever qu’un tel argument revient à reprocher à la Commission d’avoir analysé uniquement l’imposition des sociétés en Belgique et non pas celles dans les autres États où étaient situées d’autres entités des groupes multinationaux bénéficiaires de l’aide litigieuse. À cet égard, il y a lieu de constater que, dans le cadre d’une mesure fiscale, l’existence d’un avantage se détermine par rapport aux règles d’imposition normales, de sorte que les règles fiscales d’un autre État membre ne sont pas pertinentes (arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C‑73/03, non publié, EU:C:2004:711, point 28). En conséquence, dès lors qu’il a été établi qu’une entreprise intégrée dans un groupe multinational bénéficie, en vertu d’une mesure fiscale accordée par un État membre, d’une réduction de la charge fiscale qu’il aurait normalement dû supporter en application des règles d’une imposition normale, la situation fiscale d’une autre entreprise du groupe dans un autre État membre n’a pas d’incidence sur l’existence d’un avantage.

195    D’autre part, ainsi qu’il est exposé au point 186 ci-dessus, dans une décision qui porte sur un régime d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel. Dès lors, il n’était pas nécessaire que la Commission examinât, dans la décision attaquée, si les bénéficiaires du régime en cause avaient la jouissance effective des aides octroyées en vertu dudit régime.

196    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les arguments tirés d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission quant à l’identification des bénéficiaires des aides.

3.      Sur la violation du principe de légalité, du principe de sécurité juridique et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589

197    En substance, les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe de légalité, le principe de sécurité juridique et l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, en raison du fait qu’elle a ordonné la récupération auprès des groupes multinationaux auxquels appartenaient les entités belges ayant ajusté leurs bénéfices imposables en vertu d’une décision anticipée. Au soutien de ce grief, les requérantes se bornent à faire valoir que seules les entités bénéficiaires d’une décision anticipée pouvaient bénéficier des exonérations en question.

198    À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il a été constaté aux points 186 à 191 ci-dessus, la Commission n’a pas erronément estimé que les groupes multinationaux auxquels appartenaient les entités belges constituaient une unité économique avec ces dernières bénéficiant d’aides d’État, au titre de ce régime, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

199    Partant, il y a lieu de rejeter les griefs tirés d’une violation du principe de légalité, du principe de sécurité juridique et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589.

200    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.

D.      Sur le moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration

201    Le quatrième moyen est tiré de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration. Les requérantes font grief à la Commission d’avoir examiné conjointement les critères de l’avantage et de la sélectivité, d’avoir introduit sa propre notion du principe de pleine concurrence, d’avoir commis de nombreuses erreurs en ce qui concerne le droit belge et, enfin, de n’avoir examiné que 22 décisions anticipées sur les 66 décisions octroyées par les autorités belges.

202    La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

203    En premier lieu, les griefs tirés de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être écartés, dans la mesure où les arguments sur lesquels ils se fondent ont également été écartés avec le deuxième moyen.

204    D’une part, pour les raisons exposées aux points 82 à 93 ci-dessus, il y a lieu de rejeter les arguments tirés de la confusion entre les critères de l’avantage et de la sélectivité.

205    D’autre part, pour les raisons exposées au point 159 ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des arguments des requérantes relatifs à la violation du principe de sécurité juridique ainsi qu’à la violation du principe de protection de la confiance légitime du fait de l’application de son propre principe de pleine concurrence par la Commission, lesquels portent sur le raisonnement subsidiaire de la Commission concernant la sélectivité.

206    En deuxième lieu, s’agissant du grief tiré de la violation du principe de bonne administration, il y a lieu de rappeler que, selon ce principe, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale afin de disposer, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 90 ; du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 63, et du 26 mars 2020, Larko/Commission, C‑244/18 P, EU:C:2020:238, point 67).

207    Les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient comme étant pertinents pour l’appréciation à effectuer aux fins de constater l’existence d’un régime d’aides et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 71).

208    Or, d’une part, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’examen de l’existence d’un régime d’aides, la Commission n’a pas à effectuer une analyse de la situation individuelle de chaque bénéficiaire, ni à calculer l’écart entre la charge fiscale supportée par les entités belges ayant obtenu une décision anticipée et celle qui leur aurait été imposée en l’absence de telles décisions (voir point 181 ci-dessus).

209    D’autre part, ainsi que la Cour l’a jugé aux points 142 à 146 de l’arrêt sur pourvoi, la Commission pouvait tout à fait se fonder sur l’échantillon des 22 décisions anticipées, lequel était représentatif de la pratique systématique des autorités fiscales belges, aux fins d’examiner, en l’espèce, l’existence d’un régime d’aides. De plus, ainsi qu’il a été jugé au point 144 de l’arrêt sur pourvoi, la Commission a bien expliqué les raisons pour lesquelles elle avait considéré que ledit échantillon était représentatif.

210    Il en découle qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir omis de procéder à un examen des cas individuels, ces éléments n’étant pas pertinents aux fins de l’examen de l’existence d’un régime d’aides.

211    En outre, dans la mesure où les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné, plus spécifiquement, si aucun des bénéficiaires du système d’exonération des bénéfices excédentaires ne connaissait un problème de double imposition, il y a lieu d’ajouter qu’un tel élément n’était pas pertinent pour l’analyse de la Commission. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 98 de la décision attaquée, un des éléments caractérisant la pratique des autorités fiscales belges en cause consistait précisément à autoriser un ajustement négatif unilatéral sans qu’il soit besoin d’établir que les bénéfices à ajuster aient été repris dans les bénéfices d’une autre société. La non-imposition des bénéfices excédentaires n’était donc pas soumise à la condition que soit prouvé que ceux-ci avaient été inclus dans les bénéfices d’une autre société. Dès lors, ainsi qu’il a été constaté aux points 72 et 164 ci-dessus, les mesures en cause n’étaient pas conditionnées à l’existence ou non de situations de double imposition fiscale, la question de savoir si, pour certains des bénéficiaires du régime, les bénéfices excédentaires avaient effectivement fait l’objet d’une imposition dans un autre pays n’est pas pertinente.

212    Par ailleurs, les requérantes font valoir que le nombre important d’erreurs d’appréciation, concernant le cadre juridique et les faits figurant dans la décision attaquée, démontre l’absence de diligence de la Commission. Toutefois, ces différentes erreurs invoquées par les requérantes ne sont pas fondées, ainsi qu’il ressort en particulier des points 44 à 67 ci-dessus. En tout état de cause, la seule circonstance que les requérantes se prévalent d’erreurs d’appréciation de la Commission n’est pas suffisante pour établir que celle-ci a méconnu son obligation de procéder à un examen diligent et impartial du dossier.

213    Tous les moyens soulevés par les requérantes ayant été écartés, il y a donc lieu de rejeter les recours dans leur ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’adopter la mesure d’organisation de la procédure tendant à ordonner à la Commission de produire le tableau qu’elle a fourni dans l’affaire T‑263/16 RENV, Magnetrol International/Commission, sollicitée par les requérantes dans le cadre de leurs observations du 4 avril 2022. En effet, le Tribunal estime que cette demande est dépourvue de pertinence aux fins du présent arrêt.

IV.    Sur les dépens

214    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes dans les présentes affaires ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, afférents à ces affaires, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T278/16 et T370/16 sont jointes aux fins du présent arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Atlas Copco Airpower et Atlas Copco AB supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, dans l’affaire T278/16.

4)      Anheuser-Busch Inbev et Ampar supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, dans l’affaire T370/16.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Tomljenović

Norkus

 

      Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2023.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le moyen tiré d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation, en ce que la décision attaquée a constaté l’existence d’un régime d’aides

B. Sur les moyens tirés d’une violation de l’article 107 TFUE et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce que la décision attaquée a qualifié le régime en cause de mesure d’aide d’État

1. Sur l’identification du système de référence

a) Sur les arguments des requérantes contestant l’analyse opérée par la Commission aux fins de l’identification du système de référence

b) Sur les erreurs d’interprétation du droit fiscal belge invoquées par les requérantes

c) Sur les arguments des requérantes contestant la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

d) Sur les arguments des requérantes contestant l’identification de l’objectif du système de référence

e) Conclusions sur l’identification du système de référence

2. Sur l’analyse du critère de l’avantage

a) Sur l’analyse conjointe de l’avantage et de la sélectivité

b) Sur la démonstration de l’existence d’un avantage

3. Sur le raisonnement à titre principal tendant à établir l’existence d’un avantage sélectif

a) Sur l’existence d’une dérogation au système de référence du fait de l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 par les autorités fiscales belges

b) Sur l’existence d’une différenciation entre opérateurs économiques se trouvant dans une situation comparable du fait de la dérogation au système de référence

1) Sur le traitement différencié des bénéficiaires intégrés à un groupe multinational d’entreprises

2) Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises n’ayant pas procédé à des investissements, à la création d’emplois ou à la centralisation d’activités en Belgique

3) Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille

c) Conclusion sur le raisonnement principal

4. Sur l’existence d’une justification fondée sur la nature et l’économie générale du système fiscal belge

5. Conclusion sur les moyens tirés de la violation de l’article 107 TFUE et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce que la Commission a constaté que le régime en cause constituait une mesure d’aide d’État

C. Sur le moyen tiré d’un défaut de motivation, d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 et des principes généraux de légalité et de sécurité juridique quant à l’identification des bénéficiaires de la prétendue aide et à l’ordre de récupérer lesdites aides

1. Sur le défaut de motivation

2. Sur l’erreur manifeste d’appréciation quant à l’identification des bénéficiaires

3. Sur la violation du principe de légalité, du principe de sécurité juridique et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589

D. Sur le moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.