Language of document : ECLI:EU:T:2015:655

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 septembre 2015 (*)

« Recours en annulation – Ressources propres de l’Union – Responsabilité financière des États membres – Obligation de verser à la Commission le montant correspondant à une perte de ressources propres – Lettre de la Commission – Acte non susceptible de recours –Irrecevabilité » 

Dans l’affaire T‑779/14,

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Grønfeldt, MM. A. Tokár et M. Wasmeier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la prétendue décision de la direction générale du budget de la Commission contenue dans la lettre BUDG/B/03MV D (2014) 3139078 du 24 septembre 2014, par laquelle cette dernière sommerait la République slovaque de mettre à sa disposition le montant brut s’élevant à 1 453 723,12 euros (dont il convient de déduire 25 % à titre de frais de perception) correspondant à une perte de ressources propres traditionnelles, et ce au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dix-neuvième jour du deuxième mois suivant l’envoi de ladite lettre,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Au cours des années 2006 et 2007, des sociétés ont effectué, en qualité de principales obligées, des déclarations en douane en Allemagne afin de placer des marchandises à destination de la Slovaquie sous le régime du transit communautaire externe prévu aux articles 91 et suivants du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1).

2        Pour ces opérations de transit, les autorités douanières slovaques ont, dans les délais requis et au moyen du système informatique NSTI (nouveau système de transit informatisé), informé les autorités de la République fédérale d’Allemagne de la présentation des marchandises au bureau de douane de destination ainsi que du résultat du contrôle effectué. Ainsi, les opérations de transit externe en cause ont été apurées et la garantie financière fournie par les principales obligées a été libérée.

3        Cependant, une enquête menée en Slovaquie a permis de constater que, au niveau du bureau de douane de destination slovaque, il avait été mis fin de manière irrégulière à des opérations de transit à la suite d’une introduction illégale dans le système NSTI.

4        Par lettre du 24 septembre 2014 (ci-après la « lettre attaquée ») adressée aux autorités slovaques, le directeur de la direction « Ressources propres et programmation financière » de la direction générale du budget de la Commission européenne (ci-après le « directeur ») a rappelé que, en avril 2010, les autorités allemandes avaient demandé à la Commission de décider, en application de l’article 239 du règlement n° 2913/92, si une remise de droits à l’importation était justifiée en ce qui concerne une société allemande qui avait déposé, en qualité de principale obligée, plusieurs déclarations au nom de ses clients pour le transport, en 2006 et en 2007, de marchandises sous le régime du transit externe à destination de la Slovaquie, État membre dans lequel une enquête avait révélé que des marchandises n’avaient pas été présentées au bureau de destination.

5        Le directeur a également rappelé que, par décision C (2011) 9750 final du 5 janvier 2012 (dossier REM 03/2010), la Commission avait constaté le bien-fondé de la remise des droits à l’importation demandée. À cet égard, la Commission a souligné que la clôture irrégulière des opérations de transit relevait de manœuvres frauduleuses qui ne pouvaient raisonnablement s’expliquer que par la complicité active d’un agent des douanes du bureau de destination slovaque ou par une organisation défaillante de ce bureau ayant permis à un tiers d’accéder au système NSTI.

6        Dans la lettre attaquée, le directeur a également souligné que les autorités allemandes avaient accordé une remise de droits de douanes dans six autres affaires concernant 152 opérations de transit pour des motifs identiques à ceux retenus dans la décision 03/2010. En effet, selon la lettre attaquée, les autorités allemandes ont indiqué à la Commission que les autorités slovaques avaient, à différentes reprises, informé plusieurs bureaux de douane allemands que de nombreuses procédures de transit avaient été frauduleusement apurées. Le directeur a également précisé que les opérations et les sommes en cause dans les six affaires concernées étaient les suivantes :

–        43 opérations en ce qui concerne le bureau de douane de Itzehoe pour un montant de 1 202 835,66 euros ;

–        71 opérations en ce qui concerne le bureau de douane de Francfort-sur-le-Main pour un montant de 178 125,11 euros ;

–        9 opérations en ce qui concerne le bureau de douane de Giessen pour un montant de 18 404,91 euros ;

–        1 opération en ce qui concerne le bureau de douane de Giessen pour un montant de 18 391,03 euros ;

–        26 opérations en ce qui concerne le bureau de douane de Giessen pour un montant de 29 132,25 euros ;

–        2 opérations en ce qui concerne le bureau de douane de Itzehoe pour un montant de 3 834,16 euros.

7        Le directeur a expliqué que, de l’avis des services de la Commission, la République slovaque était considérée comme financièrement responsable dans la mesure où la confirmation de l’apurement sur les documents de transit retournés au bureau allemand de départ avait empêché les autorités allemandes de prélever ou de récupérer des droits de douane, qui sont des ressources propres traditionnelles. Il a précisé que, bien que la Slovaquie ne fût pas chargée de prélever les droits de douane encourus pour l’importation au sein de l’Union, un État membre restait financièrement responsable pour les pertes de ressources propres si ses autorités ou leurs représentants commettent des erreurs ou agissent frauduleusement. Il a ajouté qu’il ne pouvait être accepté que d’autres États membres supportent une charge telle que celle-ci qui découle d’une perte de ressources propres.

8        Le directeur a ensuite souligné que les autorités slovaques n’avaient pas pu garantir que les dispositions douanières de l’Union fussent correctement appliquées et que le résultat de cette mauvaise application du droit de l’Union était une perte de ressources traditionnelles dans la mesure où l’Allemagne n’avait pas pu collecter des droits de douanes auprès des débiteurs et les mettre à la disposition de la Commission en raison d’un apurement frauduleux qui constituait une circonstance spéciale ayant conduit à une remise de droits en application de l’article 239 du règlement n° 2913/92. Le directeur en a déduit que la République slovaque devait compenser le budget de l’Union pour la perte de ressources propres occasionnée dans la mesure où la dette ne pouvait pas être récupérée auprès des débiteurs. À cet égard, le directeur s’est référé, par analogie, au point 44 de l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, Rec, EU:C:2010:414).

9        Le directeur a expliqué, en substance, que, si la République slovaque devait refuser de mettre à disposition les ressources propres traditionnelles qui ne peuvent pas être collectées et mises à disposition par l’Allemagne, un tel refus, premièrement, serait contraire au principe de coopération loyale entre les États membres et au sein de l’Union et, deuxièmement, ferait obstacle au bon fonctionnement du système des ressources propres.

10      C’est ainsi qu’il a invité les autorités slovaques à mettre à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de 1 453 723,12 euros brut (1 205 835,66 + 178 125,11 + 18 404,91 + 18 391,03 + 29 132,25 + 3 834,16), dont il convient de déduire 25 % à titre de frais de perception, au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dix-neuvième jour du deuxième mois suivant l’envoi de la lettre attaquée. Il a ajouté que tout retard donnerait lieu au paiement d’intérêts en application de l’article 11 du règlement, modifié, (CE, Euratom) n° 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 130, p. 1).

 Procédure

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 novembre 2014, la République slovaque a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 12 février 2015, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

13      La République slovaque a déposé ses observations sur cette exception d’irrecevabilité le 23 mars 2015.

14      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 10 avril 2015 et le 4 mai 2015, la République fédérale d’Allemagne et la Roumanie ont demandé à intervenir au soutien des conclusions en annulation de la République slovaque, conformément à l’article 115 du règlement de procédure du 2 mai 1991.

 Conclusions des parties

15      Dans la requête, la République slovaque conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la prétendue décision de la Commission contenue dans la lettre attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la République slovaque aux dépens.

17      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la République slovaque conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission comme non fondée et déclarer son recours recevable ;

–        à titre subsidiaire, joindre la procédure relative à l’exception d’irrecevabilité à l’affaire principale et rejeter l’exception d’irrecevabilité de la Commission comme non fondée dans l’arrêt à intervenir dans l’affaire principale ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

18      Aux termes de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

19      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que la lettre attaquée ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE dans la mesure où ni le contenu de cette lettre, ni les pouvoirs de l’institution dont elle émane n’indiquent que cet acte produit des effets juridiques obligatoires.

20      La République slovaque conteste l’argumentation de la Commission.

21      D’une part, premièrement, la République slovaque avance qu’aucune disposition du droit de l’Union ne prévoit une obligation de mise à disposition de ressources propres traditionnelles dans les circonstances de l’espèce, ni ne fixe leur montant précis et le délai dans lequel la mise à disposition doit intervenir ainsi que l’obligation éventuelle de verser des intérêts de retard. Deuxièmement, la lettre attaquée viserait clairement à produire des effets juridiques en raison de son contenu. Par ailleurs, avant l’envoi de la lettre attaquée, les autorités slovaques n’auraient pas su si les autorités allemandes avaient finalement perçu les droits de douanes et, dans l’affirmative, le montant des perceptions effectuées. Troisièmement, les faits de l’espèce se distingueraient de ceux qui ont conduit la Cour à constater, dans l’arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark (C‑392/02, Rec, EU:C:2005:683), que le Royaume de Danemark a manqué à ses obligations. Par ailleurs, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 258, paragraphe 2, TFUE, la Cour n’imposerait pas une obligation à un État membre et se bornerait seulement à constater qu’un État membre n’a pas rempli ses obligations. Quatrièmement, le recours ne saurait être déclaré irrecevable au motif que la Commission est incompétente pour adopter un acte tel que la lettre attaquée.

22      D’autre part, la République slovaque soutient que son recours doit être déclaré recevable au regard, premièrement, du système complet des voies de recours qui existe au sein de l’Union et de l’obligation de garantir une protection juridictionnelle effective et, deuxièmement, de l’urgence de la situation en l’espèce qui résulte notamment du risque d’avoir à payer des intérêts de retard considérables.

23      Il ressort d’une jurisprudence constante, développée dans le cadre de recours en annulation introduits par des États membres ou des institutions, que sont considérées comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (voir arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, Rec, EU:C:2011:656, point 36 et jurisprudence citée).

24      Selon la jurisprudence, non seulement les actes préparatoires échappent au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE, mais également tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires, tels que les actes confirmatifs et les actes de pure exécution, les simples recommandations et avis ainsi que, en principe, les instructions internes [voir, en ce sens, ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission, C‑477/11 P, EU:C:2012:292, point 52 et jurisprudence citée].

25      Toujours selon la jurisprudence, il y a lieu de s’attacher à la substance de la mesure dont l’annulation est demandée pour déterminer si elle est susceptible de faire l’objet d’un recours, la forme dans laquelle elle a été prise étant en principe indifférente à cet égard (voir ordonnance du 26 janvier 2011, FIBE/Parlement, T‑550/10, EU:T:2011:19, point 17 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que, selon l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 163, p. 17), constituent des ressources propres inscrites au budget général de l’Union, les recettes provenant des prélèvements, des primes, des montants supplémentaires ou compensatoires, des montants ou des éléments additionnels, des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions de l’Union sur les échanges avec les pays non membres, des droits de douane sur les produits relevant du traité, arrivé à expiration, instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier ainsi que des cotisations et autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.

27      Ainsi qu’il résulte de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2007/436, les ressources propres de l’Union visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ladite décision sont perçues par les États membres et ceux-ci ont l’obligation de mettre lesdites ressources propres à la disposition de la Commission (voir, par analogie, arrêts Commission/Danemark, point 21 supra, EU:C:2005:683, point 55, et Commission/Italie, point 8 supra, EU:C:2010:414, point 40).

28      De plus, selon la jurisprudence de la Cour, les États membres ont l’obligation de constater les ressources propres de l’Union. En effet, l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1150/2000 doit être interprété en ce sens que les États membres ne peuvent pas se dispenser de constater les créances, même s’ils les contestent, sous peine d’admettre que l’équilibre financier de l’Union soit bouleversé, ne fût-ce qu’à titre temporaire, par le comportement d’un État membre (arrêt du 17 mars 2011, Commission/Portugal, C‑23/10, EU:C:2011:160, point 58 ; voir également, par analogie, arrêt Commission/Danemark, point 21 supra, EU:C:2005:683, point 60).

29      Par ailleurs, l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1150/2000 prévoit, en substance, que chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné.

30      En outre, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1150/2000, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 du même règlement soient mis à la disposition de la Commission. Les États membres n’en sont dispensés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées (voir arrêt Commission/Italie, point 27 supra, EU:C:2010:414, point 35 et jurisprudence citée).

31      Enfin, un État membre qui s’abstient de constater le droit de l’Union sur les ressources propres et de mettre le montant correspondant à la disposition de la Commission, sans qu’une des conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement n° 1150/2000 soit remplie, manque à ses obligations en vertu du droit de l’Union (voir arrêt du 3 avril 2014, Commission/Royaume-Uni, C‑60/13, EU:C:2014:219, point 50 et jurisprudence citée).

32      Ainsi, il ressort directement des dispositions de la décision 2007/436 et du règlement n° 1150/2000 que c’est aux États membres eux-mêmes d’apprécier l’existence d’une perte de ressources propres traditionnelles ainsi que l’existence d’une obligation de verser de telles ressources. Il leur appartient de constater les ressources propres traditionnelles de l’Union et de procéder à la mise à disposition desdites ressources lorsque les conditions prévues par ces textes sont réunies sans qu’une décision de la Commission soit nécessaire. La mise en œuvre de l’obligation de mettre à disposition les ressources propres, prévue par ces textes, relève donc de la responsabilité des États membres.

33      La responsabilité des autorités des États membres en ce qui concerne la mise à disposition de ressources propres traditionnelles est corroborée, d’une part, par le considérant 2 du règlement n° 1150/2000, qui indique que l’Union doit disposer des ressources propres visées à l’article 2 de la décision 2007/436 dans les meilleures conditions possibles, et, d’autre part, par l’exigence d’une mise à disposition rapide et efficace des ressources propres de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 4 octobre 2007, Finlande/Commission, C‑457/06 P, EU:C:2007:582, point 39 et jurisprudence citée).

34      En deuxième lieu, il convient d’observer que la décision 2007/436 et le règlement n° 1150/2000 ne prévoient aucune procédure spécifique à l’issue de laquelle la Commission serait conduite à adopter une décision relative à l’obligation, incombant aux États membres, de mettre les ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l’Union.

35      En effet, il ressort en particulier des considérants 10 et 20, ainsi que des articles 18 et 19 du règlement n° 1150/2000, que la Commission est compétente pour suivre et contrôler l’action des États membres, au besoin en procédant à des vérifications sur place.

36      En revanche, aucune disposition de la décision 2007/436 ou du règlement n° 1150/2000 n’attribue à la Commission le pouvoir de se prononcer, par voie de décision, sur l’obligation de mise à disposition de ressources propres traditionnelles prévue par ces textes.

37      Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que, selon le système établi par les articles 258 TFUE à 260 TFUE, la détermination des droits et des obligations des États membres ainsi que le jugement de leur comportement ne peuvent résulter que d’un arrêt de la Cour (arrêts du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C‑191/95, Rec, EU:C:1998:441, point 45, et du 15 janvier 2014, Commission/Portugal, C‑292/11 P, Rec, EU:C:2014:3, point 49).

38      Ainsi, dans le cadre de sa mission de surveillance de la mise en œuvre, par les États membres, de l’obligation de mise à disposition de ressources propres traditionnelles qui découle de la décision 2007/436 et du règlement n° 1150/2000, la Commission ne saurait porter atteinte à la compétence exclusive de la Cour pour statuer sur la conformité d’un comportement avec ledit règlement.

39      Il s’ensuit que, lorsqu’il existe un différend entre la Commission et un État membre quant au point de savoir si un comportement est conforme à l’obligation de mise à disposition de ressources propres traditionnelles prévue par la décision 2007/436 et le règlement n° 1150/2000, la Commission ne saurait, en adoptant une décision, trancher elle-même, et définitivement, un tel différend.

40      Dès lors, à défaut de disposition habilitant la Commission à adopter un acte enjoignant à un État membre de mettre à disposition des ressources propres, la lettre attaquée peut uniquement être considérée comme ayant une valeur informative et comme une simple invitation adressée à la République slovaque.

41      En effet, l’opinion émise par la Commission dans la lettre attaquée n’est pas de nature à produire des effets de droit obligatoires dès lors que l’application des dispositions de l’Union en matière de mise à disposition de ressources propres relève, avant tout et à titre principal, de la responsabilité des États membres et qu’aucune des dispositions de la décision 2007/436 et du règlement n° 1150/2000, adoptée en cette matière ne confère à la Commission une compétence pour prendre des décisions sur leur interprétation, celle-ci n’ayant que la possibilité, qui lui est toujours offerte, d’exprimer son opinion, qui ne lie en aucun cas les autorités nationales (voir, en ce sens, ordonnances du 17 mai 1989, Italie/Commission, 151/88, Rec, EU:C:1989:201, point 22, et du 13 juin 1991, Sunzest/Commission, C‑50/90, Rec, EU:C:1991:253, point 13 et jurisprudence citée).

42      Autrement dit, la mise à disposition de ressources propres traditionnelles relève des États membres et la Commission peut seulement exprimer son opinion, qui ne lie pas ces derniers, la manifestation de cette opinion s’inscrivant dans le cadre de la coopération entre la Commission et les autorités des États membres chargées d’appliquer la réglementation de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1998, Oleifici Italiani et Fratelli Rubino/Commission, T‑54/96, Rec, EU:T:1998:204, point 51 et jurisprudence citée).

43      À cet égard, il convient d’ajouter que, selon une jurisprudence constante, le caractère non obligatoire d’une prise de position de la part d’une institution de l’Union ne saurait être mis en question par le fait que le gouvernement destinataire de l’acte s’y est conformé (voir ordonnance du 5 septembre 2006, Comunidad autónoma de Madrid et Mintra/Commission, T‑148/05, EU:T:2006:234, point 43 et jurisprudence citée).

44      En troisième lieu, il convient de relever que la phase précontentieuse de la procédure en manquement prévue par l’article 258 TFUE ayant pour unique but de permettre à l’État membre de se conformer volontairement aux exigences du traité ou, le cas échéant, de lui donner l’occasion de justifier sa position, aucun des actes adoptés par la Commission dans ce cadre n’a force obligatoire (voir ordonnance du 19 septembre 2005, Aseprofar et Edifa/Commission, T‑247/04, Rec, EU:T:2005:327, point 47 et jurisprudence citée).

45      En ce qui concerne spécifiquement l’émission d’un avis motivé, la Cour a d’ailleurs constaté qu’il s’agissait d’une procédure préliminaire qui ne comportait pas d’effet juridique contraignant à l’égard du destinataire de l’avis motivé (arrêt Commission/Allemagne, point 37 supra, EU:C:1998:441, point 44).

46      Ainsi, a fortiori, la lettre attaquée, dans laquelle la Commission invite de manière informelle la République slovaque à mettre des ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l’Union ne saurait constituer un acte attaquable.

47      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la lettre attaquée constitue une simple manifestation d’opinion écrite à visée informative complétée d’une invitation à mettre à disposition des ressources propres traditionnelles, adressée à la République slovaque. Cette lettre ne saurait donc constituer une décision de nature à faire l’objet d’un recours en annulation dès lors qu’elle n’est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire de tels effets.

48      La conclusion formulée au point 47 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par la République slovaque.

49      Premièrement, en ce qui concerne le montant des ressources propres traditionnelles, les modalités de leur mise à disposition, et en particulier le délai dans lequel cette mise à disposition devrait intervenir, ainsi que l’éventuel versement d’intérêts de retard, il convient de souligner que, selon la jurisprudence de la Cour, il existe un lien indissociable entre l’obligation de constater les ressources propres de l’Union, celle de les inscrire au compte de la Commission dans les délais impartis et celle de verser des intérêts de retard. Par ailleurs, ces derniers sont exigibles quelle que soit la raison du retard avec lequel ces ressources ont été portées au compte de la Commission. Il en résulte qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre l’hypothèse où l’État membre aurait constaté les ressources propres sans les verser et celle où il aurait indûment omis de les constater, même en l’absence d’un délai de rigueur (arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C‑96/89, Rec, EU:C:1991:213, point 38, et Commission/Danemark, point 27 supra, EU:C:2005:683, point 67).

50      Ainsi, le caractère attaquable de la lettre attaquée, en ce qu’elle aborde le montant des ressources propres traditionnelles concernées, le délai dans lequel cette mise à disposition devrait intervenir, ainsi que l’éventuel versement d’intérêts de retard, ne saurait être apprécié de manière autonome par rapport au caractère attaquable de ladite lettre en ce qu’elle mentionne l’obligation de mettre des ressources propres à la disposition du budget de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1986, Commission/Allemagne, 303/84, Rec, EU:C:1986:140, point 11).

51      Or, en l’absence d’arrêt de la Cour constatant un manquement de la République slovaque au regard de l’obligation, contestée, de mise à disposition de ressources propres traditionnelles prévue par le règlement n° 1150/2000, la Commission ne saurait être habilitée à arrêter définitivement le montant des ressources propres traditionnelles en cause, à fixer le délai dans lequel cette mise à disposition devrait intervenir et à régler définitivement la question des intérêts de retard.

52      Dès lors, la lettre attaquée, qui ne produit pas d’effets juridiques obligatoires lorsqu’elle invite la République slovaque à mettre des ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l’Union, ne saurait, a fortiori, produire des effets juridiques lorsqu’elle aborde le montant de la perte de ressources propres qui a pu intervenir, le délai dans lequel cette mise à disposition devrait être effectuée, et l’obligation de verser des intérêts de retard prévue par l’article 11 du règlement n° 1150/2000.

53      Deuxièmement, il y a lieu de rejeter les arguments de la République slovaque tirés de ce que la Commission aurait procédé à une interprétation erronée des dispositions pertinentes de la réglementation en cause, de ce que la lettre attaquée serait dépourvue de fondement juridique ou de ce que les sommes mentionnées dans la lettre attaquée ne pourraient être qualifiées de ressources propres.

54      En effet, dans la mesure où la lettre attaquée ne peut faire l’objet d’un recours en annulation introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, les arguments de la République slovaque mentionnés au point 53 ci-dessus doivent être rejetés comme inopérants en ce qu’ils portent sur le bien-fondé du contenu de ladite lettre.

55      Troisièmement, doivent également être rejetés les arguments de la République slovaque tirés, d’une part, du système complet des voies de recours qui existe au sein de l’Union et de l’obligation de garantir une protection juridictionnelle effective et, d’autre part, de l’urgence de la situation en l’espèce qui résulte notamment du risque d’avoir à payer des intérêts de retard considérables.

56      En effet, d’une part, bien que les dispositions du traité concernant le droit d’agir ne sauraient, eu égard au principe d’une protection juridictionnelle effective, être interprétées restrictivement, la lettre attaquée constitue, ainsi qu’il a été indiqué au point 47 ci-dessus, un acte qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Le Tribunal ne peut donc écarter la condition relative à l’existence d’un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, expressément prévue par ce traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions de l’Union (voir, en ce sens, ordonnances du 10 juillet 2007, AEPI/Commission, C‑461/06 P, EU:C:2007:425, point 29, et du 14 juillet 2011, Ruipérez Aguirre et ATC Petition/Commission, C‑111/11 P, EU:C:2011:491, point 15 et jurisprudence citée).

57      D’autre part, en ce qui concerne l’urgence de la situation en l’espèce résultant notamment du risque d’avoir à payer des intérêts de retard considérables, il résulte certes de l’économie de l’article 258 TFUE que la Commission n’est pas tenue d’engager un recours en manquement (ordonnance AEPI/Commission, point 56 supra, EU:C:2007:425, point 24). En effet, le pouvoir d’appréciation dont elle dispose quant à l’opportunité de saisir la Cour d’un recours en manquement exclut le droit pour quiconque d’exiger d’elle qu’elle prenne position dans un sens déterminé (ordonnance du 9 janvier 2006, Finlande/Commission, T‑177/05, EU:T:2006:1, point 39).

58      Toutefois, le risque d’avoir à payer des intérêts de retard considérables peut être écarté compte tenu de la possibilité, qui est offerte aux États membres qui contestent leur responsabilité financière et qui a été mentionnée à plusieurs reprises par la Cour, de procéder à une mise à disposition conditionnelle du montant réclamé par la Commission (voir ordonnance Finlande/Commission, point 33 supra, EU:C:2007:582, point 39 et jurisprudence citée).

59      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, la lettre attaquée ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Il y a donc lieu de rejeter le recours comme irrecevable sans qu’il y ait lieu de statuer sur les demandes en intervention de la République fédérale d’Allemagne et de la Roumanie.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

61      En l’espèce, la République slovaque ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

62      Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, la République slovaque, la Commission, la République fédérale d’Allemagne et la Roumanie supporteront chacune leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention de de la République fédérale d’Allemagne et de la Roumanie.

3)      La République slovaque est condamnée à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la Commission européenne.

4)      La République slovaque, la Commission, la République fédérale d’Allemagne et la Roumanie supporteront chacune leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 14 septembre 2015.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon             S. Papasavvas


* Langue de procédure : le slovaque.