Language of document : ECLI:EU:T:2022:120

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 mars 2022 (*)

  « Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de concours général EPSO/AD/371/19 – Décision du jury de ne pas admettre le requérant à l’étape suivante du concours – Critères pour l’évaluation de l’expérience professionnelle – Conformité avec l’avis de concours des critères utilisés par le jury »

Dans l’affaire T‑456/20,

LA, représentée par Me M. Velardo, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Lilamand et Mme I. Melo Sampaio, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du jury du 24 septembre 2019 rejetant la demande de réexamen du refus d’admission de la requérante à l’étape suivante du concours général EPSO/AD/371/19 et, d’autre part, de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 6 avril 2020 rejetant la réclamation de la requérante à l’encontre de ladite décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

greffier : Mme  P. Núñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 30 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 mars 2019, la requérante, LA, s’est portée candidate au concours général sur titres et épreuves EPSO/AD/371/19 pour le recrutement d’administrateurs (AD 7) spécialisés dans la recherche scientifique (ci-après le « concours ») dans le domaine no 1 « Analyse d’impact/évaluation quantitative et qualitative des politiques » (ci-après le « domaine no 1 »). Ce concours avait pour objet l’établissement de listes de réserve à partir desquelles les institutions européennes, principalement le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne, pourraient recruter des fonctionnaires. L’avis de concours avait été publié par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) au Journal officiel de l’Union européenne le 21 février 2019 (JO 2019, C 68 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »).

2        L’avis de concours prévoyait une procédure en trois étapes. Lors d’une première étape, les dossiers de tous les candidats étaient examinés afin de vérifier le respect des conditions d’admission sur le fondement des informations communiquées dans l’acte de candidature en ligne. L’avis de concours énonçait les conditions d’admission, notamment concernant les titres et l’expérience professionnelle des candidats, à savoir un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires d’au moins trois ou quatre ans respectivement, sanctionné par un diplôme dans un domaine scientifique pertinent, suivi d’une expérience professionnelle ayant un rapport direct avec les fonctions concernées d’au moins sept ou six ans respectivement.

3        L’annexe I de l’avis de concours, intitulée « Tâches et compétences spécifiques », décrivait la nature des fonctions, qui était spécifique pour chacun des domaines d’activités envisagés.

4        Une fois les conditions générales et spécifiques d’admission vérifiées, l’avis de concours prévoyait une deuxième étape de sélection, la sélection sur titres (« évaluateur de talent »), sur la base des qualifications indiquées dans l’acte de candidature.

5        L’annexe II de l’avis de concours, intitulée « Critères de sélection », énumérait les critères à prendre en considération dans le cadre de la sélection sur titres (évaluateur de talent).

6        L’avis de concours prévoyait, enfin, une troisième étape, durant laquelle les candidats ayant obtenu les meilleurs résultats lors de la deuxième étape étaient invités à passer les épreuves du centre d’évaluation et des tests de type « Questionnaires à choix multiples ». Ceux ayant obtenu les meilleures notes globales à l’issue de cette phase de la procédure étaient inscrits sur les listes de réserve du concours.

7        Le 20 juin 2019, l’EPSO a informé la requérante, à l’issue de la deuxième étape, qu’elle n’était pas admise à la troisième étape du concours (ci-après la « décision d’exclusion »). Plus particulièrement, selon les explications fournies par l’EPSO, seuls les candidats ayant obtenu le seuil minimal de 45 points ont été invités à la troisième étape du concours, alors que la requérante n’avait obtenu que 30 points.

8        Le 30 juin 2019, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision d’exclusion.

9        Le 24 septembre 2019, l’EPSO a répondu à la demande de réexamen en constatant que le jury avait confirmé la décision d’exclusion (ci-après la « décision sur la demande de réexamen »), tout en faisant droit à certaines critiques invoquées par la requérante. L’EPSO a communiqué, en annexe, les nouvelles notes attribuées aux différentes réponses formulées aux questions posées dans le cadre de l’évaluateur de talent, duquel il résultait que la requérante avait obtenu 37 points.

10      Le 11 novembre 2019, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), à l’encontre de la décision d’exclusion et de la décision sur la demande de réexamen.

11      Par décision du 6 avril 2020, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision sur la réclamation »). En substance, l’AIPN a précisé les motifs de la décision d’exclusion en indiquant, pour chaque entrée de l’onglet de l’évaluateur de talent de l’acte de candidature, le nombre de mois d’expérience professionnelle retenu, la pondération et le nombre de points accordés ainsi que les raisons pour lesquelles ils avaient été attribués.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juillet 2020, la requérante a introduit le présent recours. Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés, respectivement, le 6 octobre 2020, le 23 novembre 2020 et le 7 janvier 2021.

13      Par acte séparé du 16 juillet 2020, déposé au greffe du Tribunal en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante a demandé le bénéfice de l’anonymat envers le public. Par décision du 14 septembre 2020, le Tribunal (quatrième chambre) a fait droit à cette demande.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’exclusion ;

–        annuler la décision sur la demande de réexamen ;

–        annuler la décision sur la réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

16      À titre liminaire, il y a lieu de relever, ainsi que le fait valoir la Commission, que, par ses deux premiers chefs de conclusions, la requérante conteste les deux décisions du jury, à savoir la décision d’exclusion et celle sur la demande de réexamen.

17      Or, il est de jurisprudence constante que la décision prise après réexamen se substitue à la décision initiale du jury (voir arrêt du 16 mai 2019, Nerantzaki/Commission, T‑813/17, non publié, EU:T:2019:335, point 25 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, dans la présente procédure, la décision d’exclusion a été remplacée par la décision sur la demande de réexamen et qu’il y a lieu de considérer que les premier et deuxième chefs de conclusions tendent à la seule annulation de la décision sur la demande de réexamen, qui constitue, en l’espèce, l’acte attaqué.

18      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande aussi l’annulation de la décision sur la réclamation. Or, il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée dans la mesure où elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Europol/Kalmár, T‑455/11 P, EU:T:2013:595, point 41).

19      Toutefois, il y a lieu de constater que, si, en l’espèce, la décision sur la réclamation est dépourvue de contenu autonome et s’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celle-ci, elle contient des arguments visant à compléter la portée de ceux qui figuraient notamment dans la décision sur la demande de réexamen. Dès lors, dans l’examen de la légalité de la décision de réexamen, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision sur la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision de réexamen (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée).

20      Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’objet du présent recours porte sur la décision sur la demande de réexamen, qui constitue, en l’espèce, l’acte faisant grief à la requérante, telle que complétée par la décision sur la réclamation.

 Sur le fond

21      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de son expérience professionnelle ainsi que de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut et de l’avis de concours. Le deuxième moyen est tiré de la violation du principe d’égalité. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation et du « principe connexe » d’égalité des parties à la procédure, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et le quatrième d’une exception d’illégalité de l’avis de concours.

22      Le premier moyen se divise en deux branches, la première tirée d’une erreur manifeste d’appréciation de l’expérience professionnelle de la requérante et la seconde tirée d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut et de l’avis de concours.

23      Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de commencer par l’examen de la seconde branche du premier moyen.

24      Dans le cadre de la seconde branche, en premier lieu, la requérante soulève un argument tiré de la violation du statut en soutenant que, au stade de l’évaluateur de talent, des sous-critères auraient été introduits par le jury en méconnaissance de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut.

25      Cet argument est voué au rejet, car, ainsi que le fait valoir la Commission, l’article 5, paragraphe 3, de l’annexe III du statut prévoit que le jury fixe des critères d’appréciation avant de procéder à l’examen des titres. En effet, le jury d’un concours sur titres et épreuves a la responsabilité d’apprécier, au cas par cas, si les diplômes produits ou l’expérience professionnelle de chaque candidat correspondent au niveau requis par le statut et par l’avis de concours (arrêts du 28 novembre 1991, Van Hecken/CES, T‑158/89, EU:T:1991:63, point 22 ; du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, point 69) et, en adoptant des critères d’appréciation, il tend à assurer une certaine homogénéité de ses appréciations, dans l’intérêt des candidats, notamment lorsque leur nombre est élevé (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 29).

26      En second lieu, au soutien de son argumentation fondée sur la violation de l’avis de concours, la requérante soulève trois griefs relatifs, respectivement, à cinq des six critères de sélection mentionnés dans l’annexe II de l’avis du concours, intitulée « Critères de sélection », à savoir le « diplôme de niveau universitaire, en sus du diplôme requis pour être admis à participer au concours, dans un ou plusieurs des domaines scientifiques » (ci-après le « diplôme supplémentaire »), « l’expérience de recherche universitaire et/ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi » antérieure et postérieure au 1er janvier 2017 et les « publications dans des revues à comité de lecture et rapports de recherche professionnels » antérieurs et postérieurs au 1er janvier 2017.

 Sur le premier grief de la seconde branche du premier moyen, portant sur le diplôme supplémentaire

27      Par son premier grief, la requérante reproche au jury de s’être fondé, ainsi qu’il ressort de la décision sur la réclamation, sur le motif que son diplôme supplémentaire relevait du même domaine que celui lui permettant d’avoir accès au concours. Ce motif méconnaîtrait l’avis de concours et, par conséquent, le jury lui aurait, à tort, accordé seulement trois points à ce titre.

28      La Commission défend l’appréciation du jury au titre du critère du diplôme supplémentaire en soutenant que, pour obtenir le nombre maximal de quatre points, la requérante aurait dû justifier d’un doctorat, d’un master ou d’une licence dans un domaine autre que celui requis pour qu’elle soit admise à participer au concours, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

29      En revanche, la requérante fait valoir qu’un tel critère, selon lequel le diplôme supplémentaire devait relever d’un domaine différent de celui sur lequel portait le diplôme donnant accès au concours, ne figurait pas à l’annexe II de l’avis de concours, et que, dès lors, ce critère, ajouté par le jury, aurait illégalement modifié les critères de sélection fixés dans ledit avis.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le jury dispose, dans le cadre des dispositions du statut relatives aux procédures de concours, d’un large pouvoir d’appréciation des expériences professionnelles antérieures des candidats tant en ce qui concerne leur nature et leur durée qu’en ce qui concerne le rapport plus ou moins étroit qu’elles peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir (voir arrêt du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, point 70 et jurisprudence citée).

31      Toutefois, il est également de jurisprudence constante que le jury est lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié. En effet, le rôle essentiel de l’avis de concours consiste à informer les intéressés, d’une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier, notamment, s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2001, Zaur-Gora et Dubigh/Commission, T‑95/00 et T‑96/00, EU:T:2001:114, point 47, et arrêt du 13 septembre 2010, Espagne/Commission, T‑156/07 et T‑232/07, non publié, EU:T:2010:392, point 87). Par conséquent, en adoptant les critères d’évaluation, le jury de concours est toujours soumis au libellé de l’avis du concours et doit l’interpréter dans l’esprit du texte et selon les attentes légitimes des candidats.

32      En effet, les termes de l’avis de concours constituent aussi bien le cadre de légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours (arrêts du 16 avril 1997, Fernandes Leite Mateus/Conseil, T‑80/96, EU:T:1997:57, point 27, et du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T‑49/03, EU:T:2004:314, point 63).

33      Or, force est de constater que, ainsi que le soutient à juste titre la requérante, l’avis de concours n’exigeait pas expressément que le diplôme supplémentaire soit acquis dans un domaine différent de celui donnant accès au concours, mais uniquement qu’il soit acquis « dans un ou plusieurs domaines scientifiques ».

34      En l’espèce, le critère du diplôme supplémentaire ainsi qu’il est interprété et appliqué par le jury méconnaît l’avis de concours, en ce qu’il ajoute, au critère de sélection explicitement prévu par l’avis, la condition que les diplômes supplémentaires des candidats aient été obtenus dans des domaines différents de ceux sur lesquels portent les diplômes leur ayant donné accès au concours.

35      Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 31 à 33 ci-dessus, si le jury dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre des dispositions du statut relatives aux procédures de concours, il reste toujours lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié, et il ne revient pas au jury de restreindre ou d’élargir les critères de sélection déterminés par ledit avis, sous peine de méconnaître le cadre réglementaire du concours (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, UR/Commission, T‑761/17, non publié, EU:T:2018:968, point 67).

36      Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir le premier grief de la seconde branche du premier moyen.

 Sur le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen, portant sur l’expérience de recherche universitaire et/ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi, antérieure et postérieure au 1er janvier 2017

37      Par son deuxième grief, la requérante reproche au jury le fait que, ainsi qu’il ressort de la décision sur la réclamation, l’expérience de recherche universitaire ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi, antérieure et postérieure au 1er janvier 2017, ne lui a valu respectivement que deux points (six points après pondération), pour la période antérieure, et trois points (neuf points après pondération), pour la période postérieure, au lieu du nombre maximal de points, à savoir quatre points (douze points après pondération) pour chacun des deux critères de sélection prévus par l’avis de concours.

38      La critique de la requérante se rattache notamment au sous-critère qui exigeait une expérience professionnelle de gestion ou de coordination d’équipe adopté par le jury pour apprécier l’expérience de recherche universitaire ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi.

39      Dans leurs écritures, les parties traduisent ce sous-critère comme exigeant soit une expérience professionnelle en tant que chef d’équipe, soit une expérience de direction. Lors de l’audience, les parties sont convenues que ledit critère requérait une « expérience en gestion d’équipe ».

40      La requérante soutient que le sous-critère visé au point 38 ci-dessus contredit l’avis de concours dans la mesure où les fonctions qui y sont décrites n’impliquent pas l’exercice des fonctions de gestion d’équipe, et que, dès lors, le jury aurait illégalement modifié les conditions fixées dans ledit avis.

41      En revanche, selon la Commission, il ressortirait de l’ensemble des compétences spécifiques énoncées dans ledit avis que l’expérience en gestion d’équipe n’est pas sans rapport avec les fonctions et les compétences requises des lauréats.

42      À cet égard, il est certes vrai que, au titre de l’annexe II de l’avis de concours, le jury devait prendre en compte dans l’appréciation des actes de candidature l’expérience de recherche universitaire et/ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi et, dès lors, il était tenu d’apprécier l’expérience pertinente à l’aune de l’annexe I de l’avis de concours qui précisait les « [t]âches et compétences spécifiques » pour chaque domaine.

43      Or, pour le domaine no 1 choisi par la requérante, la nature des fonctions était décrite comme suit :

« [F]ournir différents types d’analyses à l’appui de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques au niveau national, régional et de l’Union européenne. Il s’agira notamment d’évaluations quantitatives (ex post et ex ante) de l’impact des politiques, d’analyses qualitatives de l’action des pouvoirs publics et de ses incidences techniques, économiques, sociales, environnementales et politiques, ainsi que d’analyses de l’élaboration des politiques et des processus de gouvernance s’y rapportant. Les tâches des lauréats comprendront également la fourniture d’éléments probants issus de la recherche et la mise au point d’outils scientifiques au service de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques. Les analyses fournies devront en outre tenir compte de la diversité de points de vue des parties prenantes, ainsi que du contexte socio-économique ».

44      Force est de constater que, nulle part dans cette description des tâches pour le domaine choisi par la requérante, l’avis de concours ne mentionne les fonctions de gestion d’équipe. En effet, il ressort clairement de cette description des tâches que le profil des lauréats visés par l’avis de concours pour le domaine no 1 était celui d’un chercheur impliqué, notamment, dans des analyses et des évaluations des politiques et des actions des pouvoirs publics, ainsi qu’il ressort, au demeurant, de l’intitulé même dudit domaine, à savoir « Analyse d’impact/évaluation quantitative et qualitative des politiques ». La gestion d’équipe, en revanche, relève de la gestion des ressources humaines, qui ne figure nullement dans la description des tâches pour le domaine no 1 au sens de l’annexe I de l’avis de concours.

45      La nécessité, voire la pertinence, de la compétence en gestion d’équipe ne ressort pas plus de l’ensemble des compétences spécifiques énoncées à l’annexe I dans l’avis de concours, lesquelles sont décrites comme suit :

« — d’analyse/d’évaluation des politiques et des processus d’élaboration des politiques

— de suivi des politiques et des tendances pertinentes dans le domaine des sciences, de l’action publique et de l’industrie

— de définition des méthodes et outils de recherche pertinents et de planification des besoins de recherche

— de détermination des besoins en matière de recherche appliquée

— de détermination des analyses et stratégies envisageables et de leurs incidences

— de définition des critères relatifs à la proposition et au choix d’options stratégiques

— de méthodes participatives et d’engagement des parties prenantes

— d’identification et d’évaluation des sources de données et des limites du suivi et de l’évaluation

— de développement d’instruments et de détermination des besoins d’expérimentation

— de transposition des résultats de la recherche au domaine de l’action publique

— d’analyse des politiques territoriales au niveau infranational

— d’effets redistributifs des politiques

— de reconnaissance et de justification des limites des conclusions

— de reconnaissance et de justification des limites des conclusions

— d’analyse des systèmes complexes

— d’évaluation des incidences sociales, économiques et environnementales

— d’analyse des liens entre les politiques publiques, les entreprises et le marché

— d’analyse du marché, du cycle de vie et des chaînes de valeur des technologies

— d’analyse d’impact et d’évaluation quantitatives des politiques

— d’analyse quantitative des problèmes sociaux, économiques et environnementaux

— d’évaluation d’impact contrefactuelle

— de méthodes expérimentales et de conception d’expériences

— d’analyse transversale et longitudinale

— de définition de critères et d’indicateurs à des fins d’évaluation de l’impact des politiques

— de techniques de visualisation des données ».

46      Dès lors, en exigeant l’expérience de gestion d’équipe pour attribuer le maximum de points aux candidats, au titre du critère de l’expérience professionnelle antérieure ou postérieure au 1er janvier 2017, le jury a méconnu les critères de sélection déterminés par l’avis de concours au sens de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus.

47      Il y a donc lieu d’accueillir le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen.

 Sur le troisième grief de la seconde branche du premier moyen, portant sur les publications dans des revues à comité de lecture et les rapports de recherche professionnels, antérieurs et postérieurs au 1er janvier 2017

48      S’agissant des critères « Publications dans des revues à comité de lecture et rapports de recherche professionnels », antérieurs et postérieurs au 1er janvier 2017 (ci-après les « critères des publications »), la requérante estime qu’elle aurait dû obtenir, pour chaque période, le nombre de points maximal, à savoir quatre points (huit et douze points respectivement après pondération) au lieu des trois points (six et neuf points respectivement après pondération) qu’elle s’est vu attribuer.

49      Il ressort de la décision sur la réclamation que, pour obtenir la note maximale au titre des critères des publications, les candidats devaient démontrer être l’auteur de publications figurant dans la seule base de données « Scimago », au nombre de deux au moins pour la période antérieure au 1er janvier 2017, et d’une au moins pour la période postérieure à cette date (ci-après, ensemble, le « critère Scimago »).

50      La Commission soutient que l’adoption du critère Scimago était légitime au titre de l’article 5, paragraphe 3, de l’annexe III du statut, étant donné la nécessité pour le jury d’identifier un critère objectif et largement accepté pour mettre en avant les publications présentant un certain niveau qualitatif.

51      La requérante, en revanche, indique qu’elle avait bien publié des articles qui figuraient dans la base de données Scimago, mais qu’elle ne les a pas mentionnés dans l’évaluateur de talent, parce que, d’une part, le nombre de caractères disponibles dans le formulaire de candidature était limité et, d’autre part, elle n’avait pas été informée de l’importance accordée par le jury à la circonstance que les publications soient répertoriées dans cette base de données.

52      À cet égard, il convient de relever, ainsi que la requérante le souligne à juste titre, que, lors de l’étape de l’évaluateur de talent, les candidats étaient invités à fournir le plus d’informations possible, mais que le nombre de caractères disponibles pour répondre à chaque question de cet onglet était limité. En outre, force est de constater que le critère Scimago n’est nullement mentionné dans l’annexe II de l’avis de concours.

53      Or, dans la mesure où l’organisateur du concours a choisi d’imposer aux candidats un nombre limité de caractères pour présenter leur acte de candidature, les candidats disposant d’un grand nombre de publications et de rapports scientifiques, comme la requérante, étaient contraints de choisir celles de leurs publications qu’ils souhaitaient mettre en évidence en postulant. Dès lors, il incombait au jury de respecter encore plus rigoureusement le libellé de l’avis du concours, pour ainsi permettre aux candidats de remplir leur acte de candidature en pleine connaissance de cause et de la manière la plus utile possible, au sens de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus.

54      Il s’ensuit, ainsi que le fait valoir la requérante, que, en adoptant le critère Scimago, le jury s’est illégalement écarté du libellé de l’avis de concours, en méconnaissance de cet avis et de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus.

55      Dès lors, il y a lieu d’accueillir le troisième grief de la seconde branche du premier moyen.

 Conclusions sur la seconde branche du premier moyen

56      Au terme de l’analyse exposée aux points 27 à 54 ci-dessus, il convient de rappeler qu’il ressort de la décision sur la demande de réexamen que la requérante a obtenu une note globale de 37 points à l’issue de la deuxième étape du concours, et que, dès lors, il lui manquait 8 points pour atteindre le seuil minimal de 45 points et ainsi être admise à l’étape suivante du concours (voir points 7 et 9 ci-dessus).

57      En l’espèce, il ressort plus précisément de la décision sur la réclamation que, en application du critère du diplôme supplémentaire, la requérante s’est vu octroyer trois points au lieu du nombre maximal de points, à savoir quatre.

58      De même, en ce qui concerne l’expérience de recherche universitaire ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi, pour les périodes antérieures et postérieures au 1er janvier 2017, en application du critère relatif à l’expérience en gestion d’équipe, le jury a attribué à la requérante respectivement six et neuf points après pondération, alors que le nombre maximal de points susceptible d’être octroyé était de douze points pour chaque critère après pondération.

59      Enfin, s’agissant des publications dans des revues à comité de lecture et des rapports de recherche professionnels, antérieurs et postérieurs au 1er janvier 2017, le jury, en application du critère Scimago, a attribué à la requérante six et neuf points respectivement après pondération, au lieu du nombre maximal de points, à savoir huit et douze respectivement après pondération.

60      Il s’ensuit que l’application des critères susmentionnés, visés par la requérante dans la seconde branche de son premier moyen, a conduit à minorer le total des points qui lui ont été attribués, lequel aurait pu, sans cette application, atteindre le seuil de 45 points requis pour qu’elle soit admise à la troisième étape du concours. La requérante est donc fondée à soutenir que le jury l’a exclue illégalement du concours.

61      Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir le recours, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches du premier moyen, ni les autres moyens.

62      Il s’ensuit également, par voie de conséquence qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la requérante d’interroger la Commission par des mesures d’organisation de la procédure et des mesures d’instruction afin d’obtenir les critères élaborés par le jury, ladite demande étant, en l’état, dépourvue d’intérêt pour la solution du litige [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2002, British American Tobacco (Investments)/Commission, T‑311/00, EU:T:2002:167, point 50].

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du 24 septembre 2019 portant rejet de la demande de réexamen de l’exclusion de LA du concours EPSO/AD/371/19 est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Nihoul

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.