Language of document : ECLI:EU:T:2022:222

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

6 avril 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Procédure prédisciplinaire – Suspension, retenue sur rémunération et interdiction d’accès aux locaux et équipements de l’AUEA – Rapport de l’OLAF – Principe de bonne administration – Droit d’être entendu – Principe d’impartialité – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation – Droits de la défense – Responsabilité – Lien étroit avec les conclusions en annulation »

Dans l’affaire T‑634/19,

FC, représentée par Mes V. Christianos, A. Skoulikis et M.-C. Vlachoy, avocats,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), représentée par Mmes P. Eyckmans et M. Stamatopoulou, en qualité d’agents, assistées de Mes A. Guillerme et T. Bontinck, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius (rapporteur) et Mme I. Reine, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 26 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, FC, demande, d’une part, l’annulation de la décision de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) du [confidentiel] par laquelle celle-ci a prononcé sa suspension et de celle du [confidentiel] par laquelle elle rejette sa réclamation du [confidentiel]et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de ces décisions.

2        Du [confidentiel] au [confidentiel], la requérante a occupé un poste d’agent temporaire au Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), devenu l’AUEA, d’abord, en tant que [confidentiel], puis, à partir du [confidentiel], en tant que [confidentiel]. Au sein de la même unité, elle a été nommée, le [confidentiel], [confidentiel] et a occupé, du [confidentiel] au [confidentiel], le poste de [confidentiel].

 Procédure diligentée par l’OLAF

3        En mai 2017, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a reçu des informations selon lesquelles des irrégularités avaient été commises par le directeur exécutif de l’AUEA d’alors (ci-après l’« ancien directeur exécutif »), à savoir, notamment, des pratiques de favoritisme, des irrégularités dans les procédures de recrutement et le non-respect des règles relatives à la protection des données à caractère personnel. L’OLAF a dès lors ouvert une enquête à son égard.

4        À la lumière des éléments de preuve préliminaires recueillis, l’enquête a été étendue à d’autres membres du personnel de l’AUEA, dont la requérante.

5        La requérante en a été informée le [confidentiel] et, en date du [confidentiel], son bureau a été inspecté par l’OLAF.

6        L’OLAF a auditionné la requérante le [confidentiel] et lui a donné l’opportunité de faire valoir ses observations sur son enquête le [confidentiel].

7        En date du [confidentiel], l’OLAF a adopté son rapport d’enquête (ci-après le « rapport de l’OLAF »).

8        Le même jour, l’OLAF a adressé à la requérante des extraits de son rapport dans une version confidentielle et un résumé la concernant, en lui faisant grief d’avoir omis de signaler des manquements de l’ancien directeur exécutif, conformément à l’article 21 bis du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), et d’avoir vraisemblablement contribué aux irrégularités ayant eu lieu au sein de l’AUEA.

9        Dans le rapport de l’OLAF, il a été considéré qu’il avait été « établi que les structures administratives que [l’ancien directeur exécutif] avait mis[es] en place […] étaient inadaptées et ne garantissaient pas le bon fonctionnement de l’AUEA » et qu’« un nombre considérable de procédures et de décisions s[’étaie]nt avérées contraires au statut et au règlement financier », de sorte que « le bon fonctionnement de l’AUEA a[vait] gravement été compromis, mettant en péril sa réputation et celle des institutions de l’Union européenne, étant donné la nature sensible du mandat de l’AUEA ».

10      Concernant les irrégularités en matière de procédures et de recrutements ainsi que les pratiques de harcèlement, l’OLAF a relevé que, « en 2016, [l’ancien directeur exécutif] avait modifié la structure organisationnelle de l’AUEA en plaçant le secteur [confidentiel] immédiatement sous ses ordres, facilitant ainsi sa participation directe aux procédures de recrutement ». Par ailleurs, son comportement « envers les membres du personnel de l’AUEA a[vait] porté préjudice à la dignité personnelle et professionnelle des personnes ayant exprimé leurs préoccupations quant à la régularité et à l’adéquation de ses décisions », ce « comportement a[yant] été toléré et potentiellement aggravé par les actions de [la requérante] ».

11      Concernant les irrégularités liées à la protection, à la sécurité et au contrôle interne des données à caractère personnel, l’OLAF a conclu dans son rapport que la requérante, « en sa qualité de responsable du secteur [confidentiel], savait ou aurait dû savoir que les données à caractère personnel recueillies par son service étaient de nature sensible et qu’elles n’auraient pas dû être fournies à [l’ancien directeur exécutif] ». Cependant, selon les conclusions de l’OLAF, la requérante lui avait régulièrement fourni des données à caractère personnel concernant les candidats à des postes au sein de l’AUEA, alors que le transfert de ces données ne répondait aucunement à un « besoin d’en connaître ».

12      Sur la base de ces griefs, l’OLAF a recommandé à l’AUEA d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de la requérante.

 Procédure administrative devant l’AUEA et décisions attaquées

13      En date du [confidentiel], le directeur exécutif ad interim de l’AUEA a, en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») de l’AUEA, invité la requérante à deux auditions prévues le [confidentiel].

14      Avant ses auditions, la requérante a, par courriel du [confidentiel], soumis des observations à l’AUEA.

15      La première audition, prévue le [confidentiel], avait pour objet d’entendre la requérante sur le rapport de l’OLAF en vue d’une décision relative à l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire à son égard, en application de l’article 3 de l’annexe IX du statut.

16      La seconde audition, prévue le même jour [confidentiel], avait pour objet d’entendre la requérante sur une éventuelle suspension de ses fonctions et une retenue partielle sur sa rémunération, en application de l’article 23 de l’annexe IX du statut.

17      Lors de ces deux auditions, la requérante a formulé des observations.

18      Dans le cadre de la première audition, en application de l’article 3 de l’annexe IX du statut, l’AHCC de l’AUEA a octroyé un délai de quatorze jours à la requérante pour faire valoir d’autres observations.

19      Dans le prolongement de ses deux auditions qui se sont terminées le [confidentiel], la requérante a, le même jour [confidentiel], soumis des observations écrites complémentaires à l’AUEA.

20      [confidentiel] le lendemain, la requérante a communiqué à l’AHCC de l’AUEA des lettres de recommandation obtenues dans le cadre des postes qu’elle avait occupés antérieurement.

21      [confidentiel] le même jour, l’AHCC de l’AUEA a transmis à la requérante la décision [confidentiel], du [confidentiel] (ci-après la « première décision attaquée »), par laquelle l’AUEA a prononcé la suspension de la requérante de ses fonctions pour une durée indéterminée et avec effet immédiat (ci-après la « suspension »), une retenue d’un montant forfaitaire de [confidentiel] euros sur la rémunération nette mensuelle de la requérante pendant une période de [confidentiel] (ci-après la « retenue sur rémunération ») et, durant la période de sa suspension, une interdiction d’accès aux locaux de l’AUEA ainsi qu’aux services et équipements techniques d’information et de communication (ci-après l’« interdiction d’accès »).

22      La première décision attaquée est motivée comme suit :

« I. Allégations

8. [La requérante] n’a pas rapporté, en application de l’article 21 [bis] du statut, les fautes graves commises par [l’ancien directeur exécutif], telles qu’établies dans le cadre de l’enquête de l’OLAF, en particulier concernant des procédures de sélection et de recrutement ainsi que des pratiques de harcèlement.

9. [La requérante] a contribué à un environnement de travail hostile au sein de l’AUEA, en violation de l’article 21 du statut.

10. À la demande de [l’ancien directeur exécutif], et parfois de sa propre initiative, [la requérante] a exercé une influence sur l’issue des procédures de sélection en incitant les membres du jury à agir selon ses orientations et celles de [l’ancien directeur exécutif].

11. Par ses actions, [la requérante] a toléré et possiblement aggravé le comportement de [l’ancien directeur exécutif] envers le personnel, ce qui a porté préjudice à la dignité personnelle et professionnelle des personnes concernées quant à la régularité et à l’adéquation de ses décisions.

12. [La requérante] n’a pas rapporté les violations des dispositions relatives à la protection et à la sécurité des données. En sa qualité, alors, de responsable du secteur [confidentiel], elle savait ou aurait dû savoir que les données à caractère personnel recueillies par son service étaient sensibles. Cependant, elle a transféré à [l’ancien directeur exécutif] des données à caractère personnel concernant les candidats à des postes au sein de l’AUEA. Un tel transfert de données n’a pas été effectué sur la base du besoin d’en connaître.

II. Gravité des allégations

13. Si elles étaient prouvées, ces allégations constitueraient des manquements particulièrement graves aux obligations incombant à tout fonctionnaire et autre membre du personnel en vertu des articles 21 et 21 [bis] du statut.

14. Toutes ces allégations s’avèrent d’autant plus graves qu’elles concernent le comportement d’un [confidentiel].

IV. Probabilité des allégations

15. [Ces allégations sont c]orroborées par l’enquête de l’OLAF […] concernant des suspicions d’irrégularités et de graves manquements de [l’ancien directeur exécutif] et d’autres membres du personnel de [l’AUEA] dans la gestion des ressources de [l’AUEA] et des violations de la protection des données.

16. Les déclarations de [la requérante] ne permettent pas de rendre les allégations suffisamment improbables ou manifestement non fondées.

V. Retenue sur salaire

[…]

VI. Conclusion

19. Eu égard aux considérations qui précèdent, il est conclu que [la requérante] doit être suspendue de ses fonctions, avec une retenue limitée sur son salaire […] »

23      Le [confidentiel], le directeur exécutif ad interim de l’AUEA a transmis un courriel à l’ensemble du personnel de l’AUEA afin de l’informer, à la suite du rapport et des recommandations de l’OLAF, de l’ouverture de procédures prédisciplinaires et de la suspension de leurs fonctions avec effet immédiat, de l’ancien directeur exécutif, du chef du département [confidentiel] et de la requérante.

24      Le [confidentiel], la requérante a introduit, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation dirigée contre la première décision attaquée et visant également le courriel du directeur exécutif ad interim de l’AUEA transmis le [confidentiel] à l’ensemble du personnel de l’AUEA, en présentant également une demande en réparation des préjudices subis (ci-après la « réclamation »).

25      En vue de son recrutement par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), la requérante a, le [confidentiel], présenté sa démission à l’AUEA à compter du [confidentiel], démission que l’AUEA a acceptée le [confidentiel].

26      Par la décision [confidentiel], du [confidentiel], l’AHCC de l’AUEA a ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre de la requérante.

27      Par la décision [confidentiel], du [confidentiel], l’AHCC de l’AUEA a rejeté la réclamation dirigée contre la première décision attaquée (ci-après la « seconde décision attaquée »).

 Conclusions des parties

28      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée et la seconde décision attaquée (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») ;

–        condamner l’AUEA à lui verser les sommes de 6 504 euros, en réparation du préjudice matériel subi, et de 250 000 euros, en réparation du préjudice moral subi et du préjudice porté à son état de santé ;

–        condamner l’AUEA aux dépens.

29      L’AUEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

30      Par le présent recours, la requérante conclut à l’annulation des décisions attaquées et à la réparation de préjudices prétendument subis.

31      L’AUEA conclut au rejet du recours en contestant le bien-fondé des conclusions en annulation et des conclusions en réparation de la requérante.

32      Il convient d’examiner, dans un premier temps, l’objet du recours, dans un deuxième temps, les conclusions en annulation de la requérante et, dans un troisième temps, ses conclusions en réparation.

 Sur l’objet du recours

33      Dans la requête, la requérante a demandé l’annulation de la seconde décision attaquée par laquelle a été rejetée sa réclamation qui était dirigée contre la première décision attaquée et tendait également à la réparation de préjudices prétendument subis.

34      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse dans laquelle le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 70 et jurisprudence citée).

35      En effet, une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de l’intéressé, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 71 et jurisprudence citée).

36      Étant donné que, dans le système du statut, l’intéressé doit présenter une réclamation contre la décision qu’il conteste et introduire un recours contre la décision portant rejet de cette réclamation, le juge de l’Union européenne a jugé le recours recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, pour autant que la réclamation et le recours ont été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 72 et jurisprudence citée).

37      Dans le contexte de la présente affaire, à savoir l’adoption, par la première décision attaquée, de mesures prédisciplinaires contestées par la requérante dans la réclamation et dans le présent recours, il y a lieu de constater que la seconde décision attaquée, par laquelle a été rejetée la réclamation, a une portée différente de la première décision attaquée.

38      En effet, d’une part, la seconde décision attaquée complète la motivation de la première décision attaquée quant aux mesures prédisciplinaires qui y sont prononcées. D’autre part, par la seconde décision attaquée, l’AUEA a rejeté les griefs formulés par la requérante pour la première fois dans la réclamation dirigée contre la première décision attaquée et a donc réexaminé la situation de la requérante en fonction d’éléments nouveaux contenus dans sa réclamation. Ces griefs se confondent en substance avec les moyens que la requérante fait valoir au soutien de ses conclusions en annulation dans le cadre du présent recours.

39      Dans ces conditions, il convient de statuer conjointement, d’une part, sur les conclusions en annulation de la première décision attaquée, en ce qu’elle prononce des mesures prédisciplinaires à l’encontre de la requérante, et ce en tenant compte de la motivation exposée dans la seconde décision attaquée et, d’autre part, sur les conclusions en annulation de cette dernière décision, en ce que l’AUEA a rejeté les griefs avancés par la requérante pour la première fois dans la réclamation.

 Sur les conclusions en annulation

40      Au soutien de ses conclusions en annulation, la requérante invoque, dans la requête, quatre moyens, dont le premier vise la procédure administrative prédisciplinaire, le deuxième, le courriel du directeur exécutif ad interim de l’AUEA transmis le [confidentiel] à l’ensemble du personnel de l’AUEA, le troisième, la suspension et, le quatrième, l’interdiction d’accès.

41      Lors de l’audience, la requérante s’est désistée du deuxième moyen, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

42      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient qu’il ressort de la chronologie des échanges intervenus durant la procédure administrative ayant mené à l’adoption de la première décision attaquée, que son droit d’être entendue n’a été respecté qu’« en pure apparence ». En effet, l’AHCC de l’AUEA n’aurait nullement pris en compte ses observations, la première décision attaquée ayant été manifestement adoptée avant ses auditions effectuées le [confidentiel], une telle chronologie ne pouvant se justifier par l’urgence de la situation ni par l’intérêt du service.

43      En outre, l’AHCC de l’AUEA aurait adopté la première décision attaquée en se fondant exclusivement sur des suppositions non démontrées dans le rapport de l’OLAF, en violation du devoir d’impartialité et d’objectivité incombant à l’AHCC en vertu du principe de bonne administration, alors que les objets distincts de la procédure diligentée par l’OLAF et de la procédure prédisciplinaire engagée par l’AHCC de l’AUEA exigeaient de cette dernière qu’elle entende la requérante indépendamment des auditions auxquelles avait procédé l’OLAF et qu’elle statue de manière autonome par rapport au rapport de l’OLAF.

44      L’AUEA conteste cette argumentation.

45      À cet égard, il y a lieu de considérer que, par le premier moyen du recours, la requérante invoque, formellement, une violation du principe de bonne administration, auquel elle rattache, en substance, en deux branches, le droit d’être entendue ainsi que les principes d’impartialité et d’objectivité. Dans le cadre du premier moyen du recours, la requérante conteste également la motivation des décisions attaquées.

 Sur la première branche, tirée d’une violation du droit d’être entendue

46      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante invoque une violation de son droit d’être entendue, en ce qu’elle n’aurait été entendue qu’« en pure apparence » et qu’aucun des éléments qu’elle a fait valoir n’aurait été pris en compte.

47      Il y a lieu de rappeler qu’il découle du principe général du droit de l’Union du respect des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), que l’intéressé doit être mis en mesure, préalablement à l’édiction de la décision qui l’affecte négativement, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur le fondement desquels l’administration entend fonder sa décision (voir arrêt du 6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 111 et jurisprudence citée).

48      Dès lors, une décision qui l’affecte négativement ne peut être prise qu’après que l’intéressé a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet du projet de décision, dans le cadre d’un échange écrit ou oral entamé par l’AHCC et dont la preuve incombe à celle-ci (voir arrêt du 6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 112 et jurisprudence citée).

49      Ces exigences s’appliquent à tout acte faisant grief, que la mesure envisagée soit de nature provisoire ou définitive [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 267 (non publié) et jurisprudence citée].

50      Dans les circonstances de la présente affaire, le droit d’être entendue de la requérante est expressément prévu par l’article 23, paragraphe 2, de l’annexe IX du statut, lequel prévoit que l’AHCC prend une décision de suspension après avoir entendu le fonctionnaire concerné, sauf circonstances exceptionnelles.

51      En vertu du droit d’être entendu, l’administration doit, dans le cadre d’un échange oral ou écrit lancé par l’autorité compétente et dont la preuve incombe à celle-ci, mettre les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision [voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 265 (non publié) et jurisprudence citée].

52      Pour ce faire, l’administration est tenue non seulement de porter à la connaissance de l’intéressé les divers éléments en cause, mais aussi de lui faire savoir avec une précision suffisante quelles conséquences sont susceptibles d’être tirées de ces éléments au stade où il lui est demandé de faire part de ses observations. L’administration doit ainsi veiller à ce que l’intéressé soit clairement informé de la mesure envisagée [voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 266 (non publié) et jurisprudence citée].

53      En l’espèce, il ressort certes des pièces du dossier que la requérante a été informée de l’enquête de l’OLAF dès le [confidentiel] et que l’OLAF l’a entendue le [confidentiel] et lui a donné l’opportunité de faire valoir ses observations le [confidentiel].

54      Il n’en demeure pas moins, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la requérante, que les objets distincts de la procédure diligentée par l’OLAF et de la procédure prédisciplinaire engagée par l’AHCC de l’AUEA et ayant mené à l’adoption de la première décision attaquée exigeaient de cette dernière qu’elle entende la requérante indépendamment des auditions auxquelles avait procédé l’OLAF.

55      À cet égard, il faut rappeler que, premièrement, en date du [confidentiel], l’AHCC de l’AUEA a invité la requérante à deux auditions prévues le [confidentiel], dont la seconde avait pour objet l’éventuelle suspension de la requérante.

56      L’invitation à cette audition comportait, en annexe, des extraits du rapport de l’OLAF la concernant dans une version confidentielle et visait l’article 23 de l’annexe IX du statut.

57      Par conséquent, la requérante a été dûment informée de l’objet de l’audition qui visait à ce que l’AHCC de l’AUEA se prononce sur sa suspension éventuelle.

58      Deuxièmement, avant cette audition, la requérante a, par courriel du [confidentiel], soumis des observations écrites et des informations à l’AHCC de l’AUEA, dont cette dernière a accusé réception le soir même.

59      Ces observations écrites étaient composées, en substance, de commentaires et de documents annexés relatifs aux différentes irrégularités relevées dans le rapport de l’OLAF. Concernant les procédures de sélection et de recrutement ainsi que les pratiques de harcèlement, la requérante a ainsi fait état de sa position vulnérable à l’égard de l’ancien directeur exécutif et contesté son implication dans les irrégularités relevées par l’OLAF, en produisant des avis de vacance et des actes de candidature dans des procédures datant de l’année 2017, son rapport d’évaluation pour la période d’essai de [confidentiel] à [confidentiel], sa contestation dudit rapport ainsi que des attestations médicales. Concernant les irrégularités liées aux données personnelles, la requérante a fait valoir le rôle prédominant de l’ancien directeur exécutif et le fait qu’elle n’avait pas eu de formation en la matière.

60      Troisièmement, il est constant que, lors de son audition, la requérante a été entendue sur ses observations, ainsi que cela ressort clairement du procès-verbal de cette audition.

61      Quatrièmement, dans le prolongement immédiat de l’audition qui s’est terminée le [confidentiel], la requérante a, le même jour à [confidentiel], soumis des observations écrites complémentaires à l’AHCC de l’AUEA, dont cette dernière a accusé réception le soir même.

62      Dans ces observations, la requérante a produit différents échanges de courriels internes à l’unité des ressources humaines de l’AUEA intervenus en 2017 et en 2018 concernant les procédures internes de recrutement.

63      À [confidentiel] le [confidentiel], la requérante a encore communiqué des informations supplémentaires à l’AHCC de l’AUEA, à savoir des lettres de recommandation obtenues dans le cadre des postes qu’elle avait occupés antérieurement.

64      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante dans ses écritures et lors de l’audience, l’AHCC de l’AUEA lui a dûment offert la possibilité de faire connaître utilement son point de vue tant sur les allégations portées contre elle dans le rapport de l’OLAF que sur la question de son éventuelle suspension en application de l’article 23 de l’annexe IX du statut.

65      Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette appréciation.

66      Premièrement, s’il est vrai que la première décision attaquée, du [confidentiel], a été adoptée le lendemain de l’audition de la requérante sur l’éventualité de sa suspension, il n’en demeure pas moins que l’AHCC de l’AUEA disposait déjà depuis le [confidentiel] du rapport de l’OLAF et qu’elle a pu apprécier les éléments que la requérante avait produits la veille de cette audition et à deux reprises, dans les heures qui avaient suivi.

67      Deuxièmement, la requérante ne saurait, dans les écritures qu’elle a confirmées lors de l’audience, faire grief à l’AHCC de l’AUEA de ne pas lui avoir accordé un délai supplémentaire de quatorze jours pour faire valoir ses observations sur l’éventualité d’une suspension la concernant.

68      En effet, indépendamment de l’absence de base juridique expresse imposant l’octroi d’un tel délai dans le cadre d’une procédure prédisciplinaire aux fins d’adopter une mesure de suspension, ce délai n’a été octroyé, dans les circonstances de la présente affaire, qu’aux fins d’entendre la requérante sur l’éventuelle ouverture d’une procédure disciplinaire à son égard, et non pour l’adoption d’une mesure nécessairement provisoire de suspension. Cela ressort du procès-verbal de l’audition de la requérante en application de l’article 3 de l’annexe IX du statut et du procès-verbal de l’audition de la requérante en application de l’article 23 de l’annexe IX du statut, comme l’a fait valoir à juste titre l’AUEA dans sa réponse à une question du Tribunal posée à cet effet au titre des mesures d’organisation de la procédure.

69      La mention, dans le procès-verbal de l’audition de la requérante en application de l’article 23 de l’annexe IX du statut, de l’audition de la requérante en application de l’article 3 de l’annexe IX du statut n’avait trait en effet qu’à la nature et à la gravité des irrégularités alléguées, et non à un éventuel délai supplémentaire.

70      Troisièmement, la requérante n’a pas été en mesure de démontrer que les éléments qu’elles avaient produits n’avaient pas été pris en compte par l’AHCC de l’AUEA.

71      Le droit d’être entendu implique que l’administration prête toute l’attention requise aux observations soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, de sorte que, en l’espèce, une telle attention incombait à l’AHCC, laquelle ne pouvait fonder la suspension exclusivement sur le rapport de l’OLAF sans avoir dûment entendu la requérante (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 88 et jurisprudence citée).

72      Or, en l’espèce, d’une part, il ressort du procès-verbal de l’audition de la requérante, en application de l’article 23 de l’annexe IX du statut, que, premièrement, elle a fait valoir qu’une suspension n’était aucunement justifiée, dès lors qu’elle ne représentait aucun risque pour son service, eu égard à ses qualités professionnelles et à son engagement sans faille, tout en mentionnant qu’elle n’avait jamais eu de formation en matière de traitement de données personnelles. Deuxièmement, invitée à mentionner tout élément concernant des circonstances personnelles et familiales, la requérante a décliné sa situation familiale en soulignant les lourdes charges qu’elle impliquait pour elle, fragilisant sa situation financière, de sorte qu’une retenue sur salaire serait problématique.

73      D’autre part, il ressort de la seconde décision attaquée que l’AHCC de l’AUEA a pris en compte les éléments complémentaires soumis par la requérante avant et après l’audition, à savoir des lettres de recommandation, des rapports médicaux et des échanges de courriels aux fins d’établir ses compétences, l’incidence de la situation sur sa santé ainsi que sur sa famille et le cadre fonctionnel de l’AUEA. Dans la seconde décision attaquée, l’AHCC de l’AUEA a notamment reproduit les termes des déclarations de la requérante du [confidentiel] dont il ressortait qu’elle avait pleinement conscience des irrégularités en cause.

74      Il résulte de tout ce qui précède qu’il ne saurait être reproché à l’AHCC de l’AUEA de ne pas avoir pris en compte les éléments produits par la requérante ni de ne pas les avoir examinés avec soin et impartialité conformément à son droit d’être entendue.

75      En tout état de cause, à supposer qu’une violation du droit d’être entendu soit établie, une telle violation ne peut entraîner l’annulation d’un acte que si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Pour établir que tel est le cas, la partie requérante doit expliquer quels sont les arguments et les éléments qu’elle aurait fait valoir si ses droits de la défense avaient été respectés et démontrer, le cas échéant, que ces arguments et éléments auraient pu conduire dans son cas à un résultat différent [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 269 (non publié) et jurisprudence citée].

76      Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante n’explique aucunement quels sont les arguments et les éléments qu’elle aurait fait valoir si elle avait disposé de possibilités supplémentaires pour présenter ses observations, pas plus, a fortiori, qu’elle ne démontre que ces arguments et éléments auraient pu conduire dans son cas à un résultat différent de celui de la procédure en cause.

77      Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une violation des exigences d’impartialité et d’objectivité

78      Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que l’AHCC de l’AUEA a violé le principe de bonne administration en faisant preuve de partialité et de subjectivité dans la conduite de l’enquête administrative, en se fondant exclusivement sur le rapport de l’OLAF, alors que les exigences d’impartialité et d’objectivité lui imposaient de porter une appréciation autonome sur la base des éléments qu’elle avait fournis.

79      Cette argumentation ne saurait prospérer.

80      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 41 de la Charte consacre le droit à une bonne administration et que ce droit implique, en vertu du paragraphe 1 de cet article, notamment, le droit pour toute personne de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

81      Selon la jurisprudence, l’administration est tenue, en vertu du principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, EU:T:2019:371, point 58 et jurisprudence citée).

82      En ce qui concerne les procédures administratives, telles que celle ayant mené en l’espèce à l’adoption de la première décision attaquée, le respect du principe de bonne administration suppose qu’une enquête impartiale et contradictoire soit effectuée afin d’établir la réalité des faits allégués et les circonstances entourant ces derniers (voir, par analogie, arrêt du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, EU:T:2019:371, point 59 et jurisprudence citée).

83      Concernant l’argument de la requérante selon lequel l’AHCC de l’AUEA se serait fondée exclusivement sur les conclusions du rapport de l’OLAF, il convient de rappeler que, selon l’article 11, paragraphe 4, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), les rapports et recommandations élaborés à la suite d’une enquête interne et tout document utile y afférent sont transmis à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné et que cette institution, cet organe ou cet organisme donne aux enquêtes internes les suites, notamment disciplinaires et judiciaires, que leurs résultats appellent, et en rend compte à l’OLAF, dans un délai qui est fixé dans les recommandations accompagnant le rapport ainsi que sur demande de l’OLAF.

84      Il ne résulte certes pas de l’article 11, paragraphe 4, du règlement no 883/2013 que l’AUEA était tenue de suivre les conclusions contenues dans le rapport de l’OLAF. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 31 dudit règlement, il incombe aux institutions, organes ou organismes de décider des suites à donner aux enquêtes terminées, sur la base des rapports d’enquête finals établis par l’OLAF.

85      L’AHCC de l’AUEA disposait donc d’une marge d’appréciation sur la nécessité ou non de décider de la suspension de la requérante de ses fonctions. En l’espèce, elle pouvait légitimement utiliser cette marge d’appréciation afin de suivre les conclusions du rapport de l’OLAF, en tenant compte également des arguments présentés par la requérante au sujet de ce rapport.

86      Ainsi, il ne saurait être reproché à l’AHCC de l’AUEA d’avoir fondé les décisions attaquées sur le rapport de l’OLAF, d’autant plus que, avant de prononcer la suspension de la requérante, elle a dûment entendu celle-ci et tenu compte des éléments pertinents qu’elle avait soumis, ainsi qu’il ressort de l’appréciation de la première branche du premier moyen effectuée par le Tribunal.

87      Partant, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

88      Dans le cadre du premier moyen, la requérante invoque également une violation de l’obligation de motivation en ce que l’AHCC de l’AUEA se serait fondée exclusivement sur le rapport de l’OLAF, sans tenir compte des arguments présentés par elle dans le cadre de la procédure administrative.

89      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d’un acte faisant grief doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’auteur de l’acte incriminé, afin de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est bien fondée et de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur sa légalité (voir arrêt du 17 mai 2000, Tzikis/Commission, T‑203/98, EU:T:2000:130, point 30 et jurisprudence citée).

90      La question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences du statut doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. À cet égard, si l’AHCC est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de ses décisions et les considérations qui l’ont amenée à les prendre, il n’est pas pour autant exigé qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par l’intéressé au cours de la procédure (voir arrêt du 17 mai 2000, Tzikis/Commission, T‑203/98, EU:T:2000:130, point 31 et jurisprudence citée).

91      Il est ainsi satisfait à l’obligation de motivation lorsque l’acte sujet à recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire concerné et lui permettant de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T‑80/92, EU:T:1993:119, point 62, et du 27 novembre 1997, Pascall/Commission, T‑20/96, EU:T:1997:188, point 44).

92      Il s’ensuit qu’une motivation est suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 28 novembre 2019, Mélin/Parlement, T‑726/18, EU:T:2019:816, point 25 et jurisprudence citée).

93      En l’espèce, la requérante invoque un vice de motivation entachant, d’une part, la première décision attaquée, dont la motivation ne pouvait être complétée par la seconde décision attaquée et, d’autre part, la seconde décision attaquée, en ce que la référence aux arguments et éléments de preuve qu’elle avait fournis serait totalement générique et vague et ne comporterait pas la moindre référence spécifique à un argument particulier ni, par conséquent, la moindre réponse motivée aux arguments qu’elle avait soulevés.

94      Or, en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’AHCC de l’AUEA a, dans la première décision attaquée dont la teneur est rappelée au point 22 ci‑dessus, décrit de manière circonstanciée la nature des allégations de fautes graves formulées à l’encontre de la requérante. Elle a également, dans le visa du rapport de l’OLAF, indiqué que ces allégations, si elles devaient être établies, seraient constitutives de « manquements particulièrement graves [aux] articles 20 et 21 [bis] du statut », compte tenu, notamment, de la position élevée de l’intéressée au sein de l’AUEA.

95      Ainsi, la première décision attaquée ne saurait être entachée d’un vice de motivation.

96      En effet, il ressort clairement de l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut que l’unique condition exigée pour que l’AHCC puisse suspendre un fonctionnaire de ses fonctions, en attendant l’issue de la procédure disciplinaire engagée contre lui, est qu’une faute grave soit alléguée à son égard, de sorte que la motivation d’une décision de suspension est suffisante lorsqu’elle fait état de la gravité de la faute alléguée à l’encontre de la partie requérante et qu’il n’incombe pas à l’AHCC, en sus de ladite motivation, de préciser les raisons qui imposaient la suspension immédiate de l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑273/99 P, EU:C:2001:126, points 28 et 29).

97      Quant à la seconde décision attaquée, il ressort de son contenu que l’AUEA y a amplement apprécié, après les avoir rappelés synthétiquement, les quatre moyens d’illégalité invoqués par la requérante en motivant à suffisance de droit le rejet de ces moyens.

98      Ainsi, l’AUEA a d’abord rejeté un premier moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration et du droit d’être entendu, en exposant, en substance, d’une part, conformément à la jurisprudence pertinente et après avoir procédé à un examen approfondi des éléments en cause, avoir pondéré les différents intérêts en présence, non seulement ceux de la requérante, mais également les siens, en termes de bon fonctionnement et de réputation institutionnelle et, d’autre part, que la requérante avait été dûment entendue et que l’adoption immédiate de la première décision attaquée, dûment motivée, était justifiée eu égard à la nécessité de rétablir dans les plus brefs délais son bon fonctionnement et de protéger sa réputation.

99      L’AUEA a ensuite rejeté un deuxième moyen tiré d’une violation de données à caractère personnel, de la présomption d’innocence et du principe de proportionnalité, en ce que, à juste titre et dans les limites du cadre juridique applicable, son personnel avait été informé de l’engagement d’une procédure prédisciplinaire à l’encontre de certains de ses membres, dont la requérante, eu égard à ses fonctions.

100    Puis, l’AUEA a rejeté le troisième moyen de la requérante tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation de la première décision attaquée, en exposant, en substance, d’une part, que la requérante n’avait pas produit d’éléments à même de démontrer, conformément à la jurisprudence pertinente, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, en écartant l’un après l’autre les éléments que la requérante avait fait valoir dans la réclamation et, d’autre part, que si la suspension avait à être justifiée par des allégations sérieuses et probables, elle n’était pas tenue d’établir la matérialité de ses allégations à ce stade de la procédure.

101    Enfin, l’AUEA a rejeté le quatrième moyen de la requérante tiré d’une violation des droits de la défense, en exposant, en substance, que l’interdiction d’accès constituait une conséquence naturelle de la suspension de la requérante, dès lors que, en règle générale, les personnes qui n’exercent pas d’activité sur un lieu de travail n’y ont pas accès à ce dernier.

102    Cette appréciation de la motivation ne saurait être remise en cause par le défaut de motivation expresse, dans la seconde décision attaquée, concernant le rejet de la demande en réparation introduite par la requérante dans sa réclamation.

103    Il ressort en effet de la seconde décision attaquée que l’AUEA y a exposé les moyens d’illégalité que la requérante faisait valoir dans la réclamation et a relevé que, pour ces motifs d’illégalité, la requérante demandait la réparation de préjudices d’ordre moral et matériel.

104    Dans le cadre de son appréciation des moyens d’illégalité invoqués par la requérante, l’AUEA a rejeté l’ensemble desdits moyens, pour conclure qu’il y avait lieu de rejeter la réclamation de la requérante.

105    Or, et ainsi que l’a fait valoir à juste titre l’AUEA dans sa réponse à une question du Tribunal posée à cet effet au titre des mesures d’organisation de la procédure, qu’elle a confirmée lors de l’audience, dès lors que des conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec des conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées comme non fondées, comme en l’espèce dans la seconde décision attaquée, les conclusions indemnitaires de la requérante étaient accessoires à l’appréciation de la légalité de la première décision attaquée en cause et pouvaient implicitement être rejetées, en ce que ce rejet découlait directement de la légalité de la première décision attaquée, ce que la requérante était en mesure de déduire du rejet même de sa demande dirigée contre la première décision attaquée.

106    Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen, en ce que la requérante invoque une violation de l’obligation de motivation, et, dès lors, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un vice de motivation

107    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante soutient que, dès lors que la première décision attaquée repose non sur une appréciation autonome de l’AHCC de l’AUEA, mais exclusivement sur les conclusions du rapport de l’OLAF, alors que ces conclusions procèdent de suppositions non établies par des éléments probants, la légalité de la première décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un vice de motivation.

108    En premier lieu, concernant la première décision attaquée, la requérante fait observer que, premièrement, le grief tiré d’une violation de l’article 21 bis du statut, en vertu duquel elle était tenue d’aviser son supérieur hiérarchique en cas d’ordre reçu lui paraissant entaché d’irrégularité, est totalement contradictoire et inopérant, puisqu’il signifie qu’elle avait l’obligation d’aviser l’ancien directeur exécutif d’ordres qu’elle recevait de lui-même et qu’elle estimait être irréguliers, ce qui n’était en tout état de cause pas le cas.

109    Selon la requérante, d’une part, il ne saurait non plus lui être reproché d’avoir influencé les procédures de sélection du personnel en favorisant la nomination de membres du jury de sélection des candidats, dès lors que, eu égard à la structure organisationnelle de l’AUEA, elle ne pouvait nullement se rendre compte d’une quelconque illégalité de la part de l’ancien directeur exécutif et, d’autre part, la prétendue influence de sa propre initiative n’avait trait qu’au recrutement du [confidentiel]. À cet égard, la requérante souligne qu’elle n’avait pas préparé l’avis de vacance, qu’au moment de la publication de l’avis de vacance, l’OLAF et l’AHCC de l’AUEA n’avaient pas établi qu’elle savait que [confidentiel] s’était porté candidat à ce poste et que, lorsqu’elle l’a appris, elle a immédiatement indiqué qu’elle devrait être exclue de toute information et de tout élément pertinent et a demandé à être récusée dans le cadre de cette procédure. Le fait que la requérante ait exprimé, a posteriori, le souhait que [confidentiel] ait la possibilité de participer à la procédure ne constitue nullement une preuve qu’elle avait agi ou qu’elle était intervenue en sa faveur.

110    Deuxièmement, le grief de l’AHCC de l’AUEA tiré de ce que la requérante n’aurait pas signalé le harcèlement moral de membres du personnel de l’AUEA par l’ancien directeur exécutif serait manifestement erroné, une seule référence spécifique figurant dans le rapport de l’OLAF quant à son implication concernant le fait qu’une personne, vraisemblablement victime de harcèlement, critiquait de nombreux autres fonctionnaires, y compris elle-même, aucun des autres fonctionnaires impliqué n’ayant mentionné la requérante. L’AHCC se contenterait de faire des suppositions, sans preuve, concernant des accusations de participation à la dégradation de l’environnement de travail.

111    En second lieu, concernant la seconde décision attaquée, l’AHCC de l’AUEA ne réfuterait pas les arguments avancés par la requérante dans la réclamation, mais se contenterait de répéter sommairement les suppositions non démontrées de l’OLAF, tout en ne faisant valoir que des arguments dénués de fondement, et ce alors que la requérante aurait soumis des éléments de preuve sur la structure organisationnelle et procédurale de l’AUEA démontrant qu’elle se trouvait dans une position vulnérable et que c’est de manière justifiée qu’elle n’a pas pu constater une quelconque irrégularité de la part de l’ancien directeur exécutif.

112    L’AUEA conteste cette argumentation.

113    À cet égard, il y a lieu de considérer que, par le troisième moyen au soutien de sa demande en annulation, la requérante soutient, en deux branches, que sa suspension est entachée d’une illégalité tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un vice de motivation.

 Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation

114    Dans le cadre de la première branche du troisième moyen, la requérante fait grief à l’AHCC de l’AUEA d’avoir, en la suspendant, commis une erreur manifeste d’appréciation.

115    À titre liminaire, d’une part, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, en cas de faute grave alléguée à l’encontre d’un fonctionnaire par l’AHCC, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, celle-ci peut à tout moment suspendre l’auteur de cette faute pour une période déterminée ou indéterminée.

116    Il ressort ainsi clairement de l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut que l’unique condition exigée pour que l’AHCC puisse suspendre un fonctionnaire de ses fonctions, en attendant l’issue de la procédure disciplinaire engagée contre lui, est qu’une faute grave soit alléguée à son égard (voir, par analogie, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑273/99 P, EU:C:2001:126, point 28).

117    D’autre part, il importe de souligner que le contrôle du juge en matière de bien-fondé d’une mesure de suspension est restreint, eu égard au caractère provisoire d’une telle mesure. Le juge doit ainsi se limiter à contrôler si les allégations de faute grave présentent un caractère de vraisemblance suffisant et si elles ne sont pas manifestement dénuées de tout fondement (voir arrêt du 30 novembre 2009, Wenig/Commission, F‑80/08, EU:F:2009:160, point 67 et jurisprudence citée).

118    Or, en l’espèce, il ressort de la première décision attaquée, confirmée à cet égard par la seconde décision attaquée, que les fautes graves alléguées à l’encontre de la requérante correspondaient à des faits qui, à les supposer établis, constitueraient, selon l’AHCC de l’AUEA, des manquements particulièrement graves aux dispositions des articles 21 et 21 bis du statut.

119    Plus précisément, l’AHCC a prononcé la suspension de la requérante pour avoir contribué à un environnement de travail hostile au sein de l’AUEA et toléré ou possiblement aggravé les préjudices causés par le comportement de l’ancien directeur exécutif au personnel de l’AUEA, en violation de l’article 21 du statut, et pour non-signalement de manquements graves de sa part concernant des procédures de sélection et de recrutement ainsi que des pratiques de harcèlement et de traitements illicites de données à caractère personnel, en violation de l’article 21 bis du statut.

120    Selon la requérante, ces allégations ne reposeraient que sur le rapport de l’OLAF, lequel ne serait fondé que sur de simples suppositions non étayées, et l’AHCC n’aurait pas tenu compte de ses observations contestant les conclusions contenues dans ledit rapport.

121    Il y a lieu de rappeler que, comme il a été souligné au point 85 ci-dessus, l’AHCC pouvait légitimement se fonder sur les conclusions du rapport de l’OLAF d’autant plus qu’elle avait également tenu compte des arguments présentés par la requérante dans le cadre de la procédure prédisciplinaire, seule en cause dans la présente affaire.

122    Il s’ensuit que les allégations de faute grave retenues par l’AHCC présentent un caractère de vraisemblance suffisant et ne sont manifestement pas dénuées de tout fondement.

123    En tout état de cause, pour ce qui est du bien-fondé de la suspension, il convient de souligner que, dans le rapport de l’OLAF, qui a été communiqué à l’AHCC de l’AUEA et, près de deux mois avant ses auditions devant cette dernière, à la requérante dans une version confidentielle, il a été fait état de manquements graves non seulement de l’ancien directeur exécutif, mais également de ce dernier avec le soutien plus ou moins actif de la requérante et aussi et surtout de la requérante seule, ainsi que cela ressort des points 7 à 12 ci‑dessus.

124    Ainsi, la requérante n’est pas fondée à soutenir que les allégations de fautes graves formulées par l’AHCC de l’AUEA seraient manifestement dépourvues de tout fondement et que cette dernière a commis une erreur manifeste d’appréciation en prononçant sa suspension dans le cadre de la procédure prédisciplinaire.

125    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les arguments qu’a fait valoir la requérante durant la procédure administrative, notamment dans la réclamation, et devant le Tribunal.

126    Premièrement, la requérante ne saurait utilement, dans le cadre de la procédure prédisciplinaire, seule en cause dans la présente affaire, opposer son lien hiérarchique avec l’ancien directeur exécutif, en ce que l’organigramme de l’AUEA lui conférait à son égard le rôle d’AHCC, de sorte qu’il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir rapporté les manquements de l’ancien directeur exécutif à son AHCC, s’agissant d’une seule et même personne.

127    En effet, en vertu de l’article 21 bis, paragraphe 1, du statut, la requérante était tenue d’en référer à l’autorité hiérarchique immédiatement supérieure, à savoir le conseil d’administration de l’AUEA, ainsi qu’elle l’a au demeurant expressément admis lors d’une audition devant l’AHCC de l’AUEA en déclarant qu’elle « aurai[t] dû [s]’adresser directement au conseil d’administration ».

128    Deuxièmement, la requérante ne saurait à bon droit soutenir, dans le cadre de la procédure prédisciplinaire, qu’elle n’avait pas connaissance des irrégularités et des manquements imputés à l’ancien directeur exécutif, ne serait-ce qu’eu égard à ses fonctions indiquées dans l’organigramme de l’AUEA et à ses compétences pour les exercer, notamment concernant les procédures de recrutement et le traitement de données à caractère personnel.

129    Troisièmement, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 128 ci-dessus, la requérante ne saurait convaincre en prétendant qu’elle ignorait dans un premier temps que [confidentiel] avait postulé à un poste de chef de secteur à l’AUEA, aux fins d’établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de l’AUEA au stade de la procédure prédisciplinaire.

130    Quatrièmement, la requérante ne saurait utilement invoquer sa vulnérabilité, du fait de la structure organisationnelle de l’AUEA et des conséquences sur son état de santé, en ce que ces éléments sont inopérants aux fins d’apprécier le bien-fondé de la suspension, cette vulnérabilité ayant au demeurant été prise en compte par l’AHCC de l’AUEA au titre de la retenue sur rémunération.

131    Cinquièmement, force est de constater que les différents éléments produits par la requérante durant la procédure administrative pour établir son éthique professionnelle ont trait à des postes antérieurs et ne sauraient donc avoir d’incidence sur le bien-fondé de la suspension dans les circonstances de l’espèce.

132    Dès lors, il convient de considérer que l’AHCC de l’AUEA n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en suspendant la requérante.

133    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen.

 Sur la seconde branche, tirée d’un vice de motivation

134    Dès lors que, dans le cadre du troisième moyen du recours, pris en sa seconde branche, la requérante se contente d’invoquer les arguments qu’elle fait valoir au soutien du premier moyen, en ce qu’elle conteste un vice de motivation, il suffit, pour rejeter la seconde branche du troisième moyen, de renvoyer aux points 88 à 106 ci-dessus et, notamment, à la jurisprudence citée aux points 89 et 91 ci‑dessus.

135    En outre, force est de constater que, dans la première décision attaquée dont la teneur est rappelée au point 22 ci‑dessus, l’AHCC de l’AUEA a exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision, à savoir les allégations, leur gravité et leur probabilité, et a visé l’article 21 du statut et les articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut, de même que le rapport de l’OLAF.

136    À cet égard, le défaut, invoqué par la requérante, d’indication précise, dans la première décision attaquée, de la matérialité des actes illégaux de l’ancien directeur exécutif dont elle aurait dû tenir informé son supérieur hiérarchique, en application de l’article 21 bis du statut, ne saurait suffire pour entacher ladite décision d’un défaut de motivation au stade de la procédure prédisciplinaire, pas plus que le défaut d’éléments concrets concernant la détérioration de l’environnement de travail par ses agissements.

137    Partant, il y a lieu de rejeter la seconde branche du troisième moyen et, dès lors, le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré du refus de permettre l’accès de la requérante aux locaux de l’AUEA et à son ordinateur 

138    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante rappelle, à titre liminaire, que, par l’article 3 de la première décision attaquée, l’AHCC de l’AUEA lui a interdit l’accès aux locaux ainsi qu’à tous les services informatiques et de communication électronique de l’AUEA, et ce sans aucunement motiver cette sanction dans la seconde décision attaquée, ce qui ne permettrait pas d’en vérifier la proportionnalité.

139    Selon la requérante, la première décision attaquée a sensiblement affecté ses droits de la défense, en la privant de toute possibilité de collecter toute donnée sauvegardée sur son ordinateur de travail et toute preuve utile à sa défense face aux accusations non démontrées portées contre elle et reposant sur des données partiales collectées par l’OLAF.

140    La requérante ajoute que, dans la seconde décision attaquée, l’AHCC de l’AUEA n’a nullement remédié au vice de motivation entachant la première décision attaquée quant à la proportionnalité de cette sanction et n’a fait valoir que des arguments fallacieux ou dénués de tout fondement.

141    L’AUEA conteste cette argumentation.

142    À cet égard, il y a lieu de considérer que, par le quatrième moyen, lequel peut être divisé en quatre branches, la requérante fait grief à l’AUEA d’avoir, en substance, enfreint ses droits de la défense par l’interdiction d’accès, laquelle ne reposerait sur aucun fondement juridique, ne serait pas motivée et serait disproportionnée.

 Sur la première branche, tirée d’une violation des droits de la défense

143    Il convient de rappeler que les droits de la défense figurent au nombre des droits fondamentaux qui font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et sont consacrés par la Charte [voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 263 (non publié) et jurisprudence citée].

144    En l’espèce, sans invoquer une violation du droit d’être entendue en ce qui concerne l’interdiction d’accès, la requérante soutient que cette mesure s’est opposée à ce qu’elle consulte sa messagerie professionnelle et collecte des données sur son ordinateur afin d’établir sa relation avec l’ancien directeur exécutif et les ordres reçus aux fins de récuser des allégations de l’OLAF avalisées par l’AHCC de l’AUEA dans la première décision attaquée.

145    Certes, l’interdiction d’accès a été concomitante à la suspension, laquelle a été prononcée avec effet immédiat le [confidentiel].

146    Il n’en demeure pas moins que, avant cette date, la requérante jouissait d’un accès total à sa messagerie personnelle et à son ordinateur, et ce alors qu’elle ne pouvait ignorer l’essence des griefs la concernant dès l’extension de l’enquête de l’OLAF à sa personne dont elle avait été informée dès le [confidentiel].

147    Il en était d’autant plus ainsi que l’enquête de l’OLAF visant l’ancien directeur exécutif, le supérieur hiérarchique direct de la requérante, a été largement rendue publique, notamment par voie de presse en [confidentiel].

148    En ce sens, il convient également de relever que la requérante a été entendue par l’OLAF le [confidentiel], qu’elle a été invitée à faire valoir ses observations le [confidentiel] suivant et que l’OLAF lui a communiqué son rapport dans une version confidentielle et un résumé la concernant le [confidentiel].

149    Partant, dans le contexte de l’enquête de l’OLAF, la requérante a disposé de presque une année pour préparer sa défense avec un accès total à sa messagerie et aux données de son ordinateur.

150    Devant l’AUEA, conformément aux recommandations de l’OLAF, l’AHCC a invité la requérante, le [confidentiel], à deux auditions prévues le [confidentiel].

151    Or, il ressort de ces invitations que la requérante a, dès le [confidentiel], été avisée, même sommairement, des motifs de ses auditions, par une référence au rapport de l’OLAF et en ce que, concernant l’audition en application de l’article 23 de l’annexe IX du statut, cette audition avait pour objet de l’entendre aux fins de permettre à l’AHCC de l’AUEA de décider, au regard de la nature et de la gravité du manquement allégué, s’il y avait lieu de la suspendre de ses fonctions.

152    Partant et ainsi que l’a fait valoir à juste titre l’AUEA lors de l’audience, durant cette première phase de la procédure prédisciplinaire la concernant, la requérante a encore bénéficié d’un délai de onze jours pour préparer sa défense en disposant d’un accès total à sa messagerie et aux données de son ordinateur.

153    Cette appréciation est corroborée par le fait que, dès le [confidentiel], la requérante a pu communiquer à l’AHCC de l’AUEA de nombreux documents d’ordre professionnel aux fins de faire valoir son point de vue.

154    Par conséquent, la requérante ne saurait se prévaloir d’une violation de ses droits de la défense par l’interdiction d’accès.

155    En tout état de cause, il convient de rappeler qu’une violation des droits de la défense ne peut entraîner l’annulation d’un acte que si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 75 ci‑dessus.

156    Or, à la lumière de la jurisprudence citée au point 75 ci‑dessus, en l’espèce, la requérante n’a exposé aucun argument, ni rapporté aucun élément qu’elle aurait pu faire valoir en l’absence de l’interdiction d’accès et, a fortiori, n’a pas établi que ces arguments et éléments auraient pu conduire dans son cas à un résultat différent.

157    Dès lors, même à supposer établie une violation des droits de la défense, une telle violation ne saurait prospérer aux fins de l’annulation de la première ou de la seconde décision attaquée.

158    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée d’un défaut de base juridique

159    Par la deuxième branche, la requérante allègue un défaut de base juridique de l’interdiction d’accès, en ce qu’une telle mesure n’est prévue ni dans le statut ni dans le règlement intérieur de l’AUEA.

160    À cet égard, il convient de rappeler que, d’une part, la suspension d’un fonctionnaire a vocation à intervenir tout au long d’une période donnée, cette période correspondant, au départ, au temps de l’enquête et se poursuivant au-delà lorsque l’institution estime que l’intérêt du service et, parfois du fonctionnaire, impose l’éloignement de celui-ci jusqu’à ce qu’elle ait arrêté, de manière définitive, sa position concernant les manquements allégués (voir, en ce sens, ordonnance du 17 décembre 2008, Wenig/Commission, F‑80/08 R, EU:F:2008:175, point 28).

161    D’autre part, une décision prononçant la suspension d’un fonctionnaire ou d’un agent serait, de fait, dépourvue de l’essentiel de son utilité en l’absence d’une interdiction d’accès aux locaux et équipements informatiques, dès lors qu’elle ne pourrait produire ses effets au cours de la période durant laquelle elle est censée les produire (voir, en ce sens, ordonnance du 17 décembre 2008, Wenig/Commission, F‑80/08 R, EU:F:2008:175, point 29).

162    Pour rejeter, en l’espèce, la deuxième branche du quatrième moyen, il suffit donc de considérer que l’interdiction d’accès était la conséquence naturelle, logique et indissociable de la suspension, dont la base juridique, à savoir l’article 23 de l’annexe IX du statut, n’est aucunement contestée par la requérante.

163    Dès lors, indépendamment de la question de savoir si elle n’était pas une mesure en soi, l’interdiction d’accès a emprunté, par accessoire, la base juridique de la mesure principale.

164    Ainsi que l’a relevé à juste titre l’AUEA en réponse à une question posée à cet effet par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure, cette appréciation est confortée par la logique selon laquelle un fonctionnaire ou agent qui a été suspendu n’a plus accès à son lieu de travail et ne peut plus disposer des ressources informatiques et de communication à usage professionnel.

165    Ainsi que l’a également fait valoir l’AUEA en réponse à une question posée à cet effet par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure, une mesure de suspension vise à tenir le membre du personnel concerné à une certaine distance du lieu de travail, afin d’éviter toute ingérence éventuelle de l’intéressé dans les activités quotidiennes de l’agence ou dans des procédures prédisciplinaires ou disciplinaires éventuellement engagées à son égard, et ce dans l’intérêt du service.

166    Partant, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du quatrième moyen.

 Sur la troisième branche, tirée d’un vice de motivation

167    Par la troisième branche du quatrième moyen et par les arguments qu’a fait valoir la requérante en réponse à une question posée par le Tribunal à cet effet au titre des mesures d’organisation de la procédure, elle fait grief à l’AHCC de l’AUEA de ne pas avoir motivé l’interdiction d’accès.

168    À cet égard, il convient de rappeler que l’interdiction d’accès était la conséquence naturelle, logique et indissociable de la suspension, de sorte que sa motivation résidait dans celle de la suspension, laquelle a été jugée suffisante dans le cadre des appréciations de la troisième branche du premier moyen et de la seconde branche du troisième moyen.

169    En tout état de cause, l’interdiction d’accès a été suffisamment motivée dans la première décision attaquée dont la teneur est rappelée au point 22 ci‑dessus, de même qu’elle l’a été, spécifiquement, dans la seconde décision attaquée, dans laquelle l’AUEA a exposé, en substance, qu’elle constituait une conséquence naturelle de la suspension, dès lors que, en règle générale, les personnes qui n’exercent pas d’activité sur un lieu de travail n’ont pas accès à ce dernier.

170    Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du quatrième moyen.

 Sur la quatrième branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité

171    Par une quatrième branche, la requérante conteste la proportionnalité de l’interdiction d’accès, tout en déplorant, à défaut de motivation, l’impossibilité d’en vérifier la proportionnalité.

172    Il suffit, pour rejeter cette branche, de juger que l’interdiction d’accès, si elle a incontestablement été défavorable à la requérante, a été appropriée par rapport à l’objectif poursuivi et nécessaire pour atteindre cet objectif.

173    D’une part, indissociable de la suspension, l’interdiction d’accès était, tout comme la suspension, appropriée pour atteindre l’objectif consistant à prévenir, dans le cadre d’une procédure prédisciplinaire et conformément à l’article 23 de l’annexe IX du statut, tout autre manquement, eu égard aux allégations établies à suffisance, à leur gravité manifeste et à leur forte probabilité de même qu’aux responsabilités et fonctions de la requérante.

174    L’interdiction d’accès était d’autant plus appropriée que certaines allégations figurant dans le rapport de l’OLAF et reprises dans la première décision attaquée avaient trait à la contribution de la requérante à un environnement de travail hostile.

175    D’autre part, force est de constater que la requérante n’a aucunement fait valoir une mesure alternative qui aurait été plus appropriée pour atteindre l’objectif poursuivi en lui étant moins défavorable ou moins contraignante.

176    Par conséquent, l’interdiction d’accès était à la fois appropriée et nécessaire.

177    Partant, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du quatrième moyen et, dès lors, le quatrième moyen dans son ensemble ainsi que les conclusions en annulation.

 Sur les conclusions en réparation

178    Au soutien de ses conclusions en réparation, la requérante renvoie formellement, pour établir une illégalité de la part de l’AUEA, aux moyens d’illégalité qu’elle fait valoir au soutien de sa demande en annulation des décisions attaquées.

179    Au titre des dommages subis, d’une part, la requérante fait valoir un préjudice matériel résultant de la retenue sur rémunération après l’adoption de la première décision attaquée, confirmée par la seconde décision attaquée, à hauteur de [confidentiel] euros par mois pour une durée de [confidentiel] mois, soit un préjudice total de [confidentiel] euros.

180    D’autre part, la requérante invoque un préjudice moral constitué, du fait des allégations probables et graves dont elle a fait l’objet, d’une atteinte importante à son honneur et à sa réputation, professionnelle et personnelle, d’autant plus graves que les accusations en cause ont reposé sur des suppositions non étayées, sans que fût respecté son droit d’être entendue.

181    À ce titre, la requérante demande le versement de la somme de 250 000 euros, en réparation du grave préjudice moral qu’elle a subi et du préjudice porté à son état de santé, du fait de la première décision attaquée.

182    L’AUEA conclut au rejet des conclusions en réparation.

183    À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque le préjudice dont une partie requérante se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, comme en l’espèce, le rejet de ces conclusions en annulation entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, ces dernières leur étant étroitement liées (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2017, Commission/FE, T‑734/15 P, EU:T:2017:612, point 120 et jurisprudence citée).

184    Or, en l’espèce, force est de constater que les préjudices matériel et moral invoqués sont étroitement liés aux demandes en annulation de la requérante.

185    Il y a dès lors lieu de rejeter les conclusions qui y sont afférentes, dans la mesure où elles sont étroitement liées aux demandes d’annulation des décisions attaquées qui ne sont pas fondées.

186    Par conséquent, il convient de rejeter les conclusions en réparation et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

187    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

188    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’AUEA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      FC est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Valančius

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 avril 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.