Language of document : ECLI:EU:T:2009:170

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

25 janvier 2007 (*)

« Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑214/04 DEP

The Royal County of Berkshire Polo Club Ltd, établie à Winkfield, Windsor, Berkshire (Royaume-Uni), représentée par M. J. Maitland-Walker, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

The Polo/Lauren Co. LP, établie à New York, New York (États-Unis), représentée par M. P. Taylor, solicitor,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du Tribunal du 21 février 2006, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Polo/Lauren (ROYAL COUNTY OF BERKSHIRE POLO CLUB) (T‑214/04, non encore publié au Recueil),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 2004, la requérante a introduit un recours ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 25 mars 2004 (affaire R 273/2002‑1), relative à une procédure d’opposition entre The Polo/Lauren Co. LP et The Royal County of Berkshire Polo Club Ltd.

2        L’intervenante, The Polo/Lauren Co. LP, est intervenue dans le litige, d’une part, pour demander sur la base de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de réformer la décision de la chambre de recours dans la mesure où celle-ci avait rejeté l’opposition concernant les préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ainsi que les préparations pour polir, dégraisser et abraser et, d’autre part, pour demander la confirmation de la décision de la chambre de recours pour le surplus.

3        Par arrêt du 21 février 2006, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Polo/Lauren (ROYAL COUNTY OF BERKSHIRE POLO CLUB) (T‑214/04, non encore publié au Recueil), le Tribunal a, d’une part, rejeté le recours de la requérante et, d’autre part, fait droit à la demande de l’intervenante fondée sur l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure. Le Tribunal a alors condamné la requérante, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, à supporter les dépens de l’OHMI et de l’intervenante.

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juillet 2006, l’intervenante a formé une demande de taxation des dépens dans laquelle elle a invité le Tribunal à fixer, en application de l’article 92 du règlement de procédure, le montant total des dépens récupérables exposés dans l’affaire T‑214/04 à 17 669 GBP et à condamner la requérante à lui payer ce montant.

5        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 16 août 2006, la requérante a sollicité le rejet des demandes de l’intervenante et la fixation des dépens par le Tribunal à un montant qui ne devrait pas excéder 6 450 GBP.

 En droit

 Arguments des parties

6        L’intervenante fait valoir que le montant total des dépens exposés par elle en liaison avec la procédure de recours s’élève à 17 669 GBP. Celui-ci se compose d’un montant de 12 203 GBP, correspondant aux honoraires du solicitor, et d’un montant de 5 466 GBP, correspondant aux honoraires du barrister. Elle estime que ces honoraires sont récupérables en vertu de l’article 91, sous b), du règlement de procédure.

7        L’intervenante soutient que ce montant est extrêmement raisonnable eu égard à la charge de travail qu’il a été nécessaire de fournir en liaison avec la procédure de recours. À cet égard, l’intervenante se réfère à une lettre en date du 13 septembre 2005 que la partie requérante lui a fait parvenir avant l’audience du 15 septembre 2005 et dans laquelle le total des frais exposés par la partie requérante en liaison avec la procédure de recours était évalué à 16 227,84 GBP. L’intervenante observe que le fait que les frais exposés par la partie requérante devant le Tribunal sont légèrement inférieurs à ceux de la partie intervenante s’explique par le fait que la partie requérante a mandaté un cabinet d’avocats établi en province et dont le montant des honoraires est inévitablement inférieur à celui d’un cabinet installé à Londres. L’intervenante estime qu’il était tout à fait raisonnable de choisir un cabinet installé à Londres du fait qu’il s’agissait d’un litige portant sur une matière spécialisée, à savoir le droit européen. D’ailleurs, le choix de l’intervenante serait d’autant plus justifié que le cabinet d’avocats londonien retenu serait particulièrement familiarisé avec la matière étant donné qu’il aurait toujours défendu les intérêts de l’intervenante dans tous les litiges opposant la partie requérante à la partie intervenante au Royaume-Uni.

8        Ensuite, selon l’intervenante, il aurait pu être statué sur le recours sur la seule base des observations des parties. Elle observe, à cet égard, que la partie requérante a spécifiquement exigé une procédure orale par un courrier du 12 novembre 2004 adressé au greffe du Tribunal. Ainsi, les dépens exposés par l’intervenante en liaison avec la procédure de recours se seraient substantiellement accrus, d’une part, en raison des honoraires du solicitor qui étaient liés au fait d’informer le barrister, de discuter avec lui des différentes questions qui se posaient et de s’assurer qu’il avait reçu toutes les instructions nécessaires en vue de l’audience et, d’autre part, en raison des honoraires et frais dus au barrister pour qu’il prépare l’audience, s’y rende et y plaide, y compris les frais d’hôtel et de déplacement. L’intervenante estime que ces honoraires et frais, qui se sont élevés, respectivement, à 2 997 GBP et à 5 466 GBP, n’auraient pas été exposés si la partie requérante n’avait pas insisté pour que se tienne une procédure orale.

9        La requérante rétorque que, bien qu’elle ait réclamé dans sa lettre du 13 septembre 2005 un montant de 16 227,84 GBP, une partie de ces frais n’aurait pas dû être récupérée et, surtout, ces frais concernaient l’ensemble de la procédure et pas seulement ceux liés au recours.

10      Ensuite, la requérante estime que le montant des frais réclamés par l’intervenante ne reflète pas le fait que, en raison des diverses procédures engagées au Royaume-Uni, les questions litigieuses étaient bien connues du cabinet de solicitors.

11      La requérante fait observer, en outre, que l’intervenante ne ventile pas dans son décompte de frais et d’honoraires les taux horaires et le temps passé pour chaque poste. De l’avis de la requérante, les chiffres qui y sont indiqués sont extraordinairement élevés. Cela serait notamment le cas pour le mémoire en réponse, compte tenu du fait qu’il s’agirait d’un document relativement court consistant en une répétition des prétentions exposées auparavant. Par ailleurs, en ce qui concerne le montant de 1 396 GBP, réclamé au titre de la correspondance avec le Tribunal, la requérante déclare ne pas avoir connaissance d’une correspondance volumineuse, échangée entre l’intervenante et le Tribunal, qui aurait pu justifier ce montant.

12      Enfin, la requérante fait valoir que le cabinet de solicitors retenu par l’intervenante a une antenne à Luxembourg et n’avait donc pas besoin de donner des instructions à un conseil anglais, qui aurait eu à voyager la veille de l’audience, alors qu’une personne de l’antenne locale aurait facilement pu plaider à l’audience.

 Appréciation du Tribunal

13      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnances du Tribunal du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, Rec. p. II‑217, point 28 ; du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 13, et du 28 septembre 2006, Albrecht e.a./Commission et EMEA, T‑19/02 DEP, non publiée au Recueil, point 28).

14      Il est de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (ordonnances Airtours/Commission, point 13 supra, point 18, et Albrecht e.a./Commission et EMEA, point 13 supra, point 29 ; voir également, par analogie, ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour du 26 novembre 1985, Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 318/82 DEP, Rec. p. 3727, point 3).

15      C’est en fonction de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables.

16      En premier lieu, le Tribunal considère que l’affaire au principal n’a ni présenté une importance inhabituelle pour le droit communautaire ni posé des questions juridiques nouvelles. Il relève, en outre, que l’affaire au principal ne présentait, quant à son objet et à sa nature, aucune complexité particulière. S’agissant de l’intérêt économique de cette affaire pour l’intervenante, celle-ci n’établit pas qu’il présenterait une intensité inhabituelle.

17      S’agissant, en second lieu, de l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour les conseils de l’intervenante, il convient tout d’abord d’observer que la lettre du 13 septembre 2005 de la requérante, dans laquelle celle-ci a évalué ses propres frais et honoraires, ne constitue pas à elle seule un élément déterminant pour le calcul des dépens récupérables.

18      Par ailleurs, il convient de rappeler que la possibilité pour le juge communautaire d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (voir ordonnance Airtours/Commission, point 13 supra, point 30, et la jurisprudence citée). Or, force est de constater, comme le relève la requérante (voir point 11 ci-dessus), que les taux horaires et le temps passé pour chaque poste n’ont pas été ventilés dans le décompte des frais et honoraires que l’intervenante a produit dans sa requête en taxation. L’absence d’informations plus précises concernant les taux horaires et le temps passé pour chaque poste rend particulièrement difficile la vérification précise des dépens exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et de ceux qui ont été indispensables à ces fins et place le Tribunal dans une situation d’appréciation nécessairement stricte des honoraires récupérables en l’espèce (ordonnance du Tribunal du 30 novembre 2004, Messina/Commission, T‑76/02 DEP, non publiée au Recueil, point 25).

19      En ce qui concerne, plus particulièrement, le montant de 1 396 GBP réclamé par l’intervenante au titre de la correspondance avec le Tribunal, il convient d’observer que l’intervenante n’avance aucun élément susceptible de justifier l’ampleur de ce montant. Un tel élément ne ressort pas non plus de la correspondance échangée entre l’intervenante et le greffe du Tribunal, telle qu’elle figure dans le dossier de procédure.

20      Ensuite, il y a lieu de relever que, selon les renseignements fournis par l’intervenante elle-même, le cabinet de solicitors qu’elle a retenu dans l’affaire au principal a acquis une bonne connaissance des questions de cette affaire du fait qu’il a toujours défendu les intérêts de celle-ci dans les divers litiges l’opposant à la partie requérante au Royaume-Uni. De l’avis du Tribunal, une telle connaissance doit inévitablement avoir un effet modérateur sur le nombre d’heures nécessaire pour préparer la défense des intérêts de l’intervenante (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 19 avril 2004, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑321/01 DEP, non publiée au Recueil, point 29).

21      Enfin, en ce qui concerne le choix de l’intervenante de se faire représenter dans la présente affaire à la fois par un barrister et par un solicitor, il convient tout d’abord de relever que, dans plusieurs juridictions de common law dont celle d’Angleterre et du pays de Galles, la profession d’avocat se caractérise par le fait qu’elle est divisée en deux branches, les solicitors, d’une part, et les barristers, d’autre part, entre lesquelles il existait, dans le passé, une répartition des fonctions, qui étaient complémentaires mais distinctes. Le solicitor agissait en tant que conseiller de son client dans de multiples domaines du droit ; il n’avait pas le droit de plaider devant les juridictions supérieures mais, lorsque c’était nécessaire, avait recours aux services du barrister à cette fin. Le barrister était spécialisé dans la défense orale de l’affaire et ne pouvait être engagé directement par les clients (ordonnance Airtours/Commission, point 13 supra, point 42).

22      S’agissant des litiges devant les juridictions communautaires, les règles professionnelles pertinentes ont été modifiées, de sorte que, aujourd’hui, il n’existe pas d’obstacle légal ou déontologique à ce qu’une partie puisse se faire représenter exclusivement soit par un solicitor soit par un barrister d’Angleterre et du pays de Galles aux fins tant de la procédure écrite que de la procédure orale. Il ne s’ensuit toutefois pas que, lorsqu’un client décide de se faire représenter à la fois par un solicitor et par un barrister, les honoraires dus à l’un et à l’autre ne doivent pas être considérés comme des frais indispensables aux fins de la procédure au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure (ordonnance Airtours/Commission, point 13 supra, point 43).

23      Pour procéder à la taxation des dépens dans ces circonstances, il incombe au Tribunal d’examiner dans quelle mesure les prestations effectuées par l’ensemble des conseils concernés étaient nécessaires pour le déroulement de la procédure judiciaire et de s’assurer que l’engagement des deux catégories de conseils n’a pas entraîné une duplication inutile des frais (ordonnance Airtours/Commission, point 13 supra, point 44).

24      En l’espèce, en premier lieu, le Tribunal considère que le montant de 2 997 GBP réclamé par l’intervenante au titre des frais et honoraires pour l’information du barrister par le solicitor et pour la correspondance entre les deux conseils ne saurait être considéré, en tout cas pour partie, comme des frais indispensables aux fins de la procédure.

25      En second lieu, en ce qui concerne le montant de 5 466 GBP réclamé au titre de l’intervention du barrister, il convient de relever que ce montant ne saurait être supporté par la partie condamnée aux dépens que dans la mesure où il correspond au temps que le barrister a consacré au dossier. Toutefois, afin d’éviter une duplication inutile des frais, ce temps ne saurait comprendre le temps nécessairement requis par la prise de connaissance de ce dossier.

26      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par l’intervenante en fixant leur montant à 10 000 GBP, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par The Royal County of Berkshire Polo Club Ltd est fixé à 10 000 GBP.

Fait à Luxembourg, le 25 janvier 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’anglais.