Language of document : ECLI:EU:F:2007:194

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

13 novembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Conditions de travail – Activité à mi-temps pour préparer le départ à la retraite – Exclusion des droits à pension transférés dans le calcul du traitement de base rémunérant l’activité à mi-temps – Conclusion n° 241/05 du collège des chefs d’administration »

Dans l’affaire F‑77/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Fotini Colovea, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me J. Choucroun, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. J. F. De Wachter et Mme C. Burgos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 juin 2007, 

rend le présent

Arrêt

1        Par requête du 18 juillet 2006, déposée au greffe du Tribunal le même jour, Mme Colovea demande l’annulation de la décision du Parlement européen du 20 septembre 2005, confirmée par la décision du 19 avril 2006 rejetant sa réclamation, de ne pas tenir compte de ses droits à pension transférés vers le régime de pension communautaire dans le calcul du pourcentage du traitement de base qui lui a été reconnu dans le cadre de l’acceptation de sa demande de travailler à mi-temps pour préparer son départ à la retraite.

 Cadre juridique

2        L’article 55 bis du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») se lit comme suit :

« 1. Tout fonctionnaire, s’il en fait la demande, peut être autorisé à exercer son activité à temps partiel.

L’autorisation est accordée par l’autorité investie du pouvoir de nomination si la mesure est compatible avec l’intérêt du service.

2. Le fonctionnaire a droit à une autorisation dans les cas suivants :

[…]

e) lorsqu’il a atteint l’âge de 55 ans durant les cinq dernières années précédant son départ à la retraite.

[…] »

3        Les modalités de l’activité à mi-temps pour préparer le départ à la retraite sont déterminées par l’article 4 de l’annexe IV bis du statut :

« Par dérogation à la première phrase du premier alinéa de l’article 3, le fonctionnaire de plus de 55 ans autorisé à exercer son activité à mi-temps pour préparer son départ en retraite bénéficie d’un traitement de base réduit, exprimé en pourcentage du traitement de base correspondant au plus élevé des pourcentages suivants :

a) soit 60 %

b) soit le pourcentage, calculé au début du mi-temps, correspondant aux annuités acquises au sens des articles 2, 3, 4, 5, 9 et 9 bis de l’annexe VIII, augmenté de 10 %.

Le fonctionnaire qui bénéficie des dispositions du présent article est tenu, au terme de son activité à mi-temps, soit de partir à la retraite, soit de rembourser les montants excédant les 50 % du traitement de base qu’il a perçus pendant son activité à mi-temps. »

4        L’annexe VIII, chapitre 2, section 1, du statut contient la réglementation des modalités de calcul de la pension d’ancienneté. Les dispositions pertinentes de cette section, aux fins de la présente affaire, sont rédigées comme suit :

« Article 2

La pension d’ancienneté est liquidée sur la base du nombre total d’annuités acquises par le fonctionnaire. Chaque année prise en compte dans les conditions fixées à l’article 3 donne droit au bénéfice d’une annuité, chaque mois entier au douzième d’une annuité.

Le nombre maximal des annuités susceptibles d’être prises en compte pour la constitution du droit à pension d’ancienneté est fixé au nombre nécessaire pour atteindre le maximum de pension, au sens de l’article 77, deuxième alinéa, du statut.

Article 3

Sous réserve que les services suivants aient donné lieu de la part de l’agent au versement des contributions au régime de pension prévues au titre de la durée des services concernés, sont prises en compte pour le calcul des annuités, au sens de l’article 2 :

a) la durée des services accomplis en qualité de fonctionnaire d’une des institutions dans l’une des positions visées à l’article 35, [sous] a), b), c), e) et f), du statut. Toutefois, le bénéficiaire de l’article 40 du statut est soumis aux conditions prévues au paragraphe 3, deuxième alinéa, dernière phrase, de cet article ;

b) la durée pendant laquelle le droit à l’indemnité visée aux articles 41 et 50 du statut a été ouvert, dans la limite maximale de cinq années ;

c) la durée du bénéfice d’une allocation d’invalidité ;

d) la durée des services accomplis en toute autre qualité dans les conditions fixées par le régime applicable aux autres agents des Communautés. Cependant, lorsqu’un agent contractuel, au sens dudit régime, devient fonctionnaire, les annuités acquises en qualité d’agent contractuel lui donnent droit à un nombre d’annuités en qualité de fonctionnaire calculé au prorata du dernier traitement de base perçu en qualité d’agent contractuel et du premier traitement de base perçu en qualité de fonctionnaire dans la limite du nombre d’années de service effectif. Les excédents de contribution éventuels correspondant à la différence entre le nombre d’annuités calculé et le nombre d’années de service effectif sont remboursés à la personne concernée compte tenu du dernier traitement de base perçu en tant qu’agent contractuel. Cette disposition s’applique mutatis mutandis dans le cas où un fonctionnaire deviendrait agent contractuel.

[…]

Article 11

1. Le fonctionnaire qui cesse ses fonctions pour :

–        entrer au service d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale ayant conclu un accord avec les Communautés,

–        exercer une activité salariée ou non salariée au titre de laquelle il acquiert des droits à pension dans un régime dont les organismes gestionnaires ont conclu un accord avec les Communautés,

a le droit de faire transférer l’équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, de ses droits à pension d’ancienneté, qu’il a acquis aux Communautés, à la caisse de pension de cette administration, de cette organisation, ou à la caisse auprès de laquelle le fonctionnaire acquiert des droits à pension d’ancienneté au titre de son activité salariée ou non salariée.

2. Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser aux Communautés le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension communautaire au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

De cette faculté, le fonctionnaire ne pourra faire usage qu’une seule fois par État membre et par fonds de pension.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

5        La requérante a été recrutée par le Parlement le 1er mai 1981.

6        Le 4 août 2005, la requérante a introduit une demande d’exercer son activité à mi-temps pour préparer son départ à la retraite.

7        Le 24 août 2005, la requérante s’est adressée au service des pensions des fonctionnaires et agents du Parlement afin d’obtenir le calcul de son traitement mensuel selon les modalités prévues, pour l’exercice d’une activité à mi-temps, à l’article 55 bis, paragraphe 2, sous e), du statut et à l’article 4 de l’annexe IV bis du statut, ce en référence à sa demande susmentionnée.

8        Par courrier du 9 septembre 2005, le service des pensions des fonctionnaires et agents du Parlement lui a communiqué le calcul du taux de la pension d’ancienneté en cas d’activité exercée à mi-temps pour préparer le départ à la retraite, dans lequel la date de début de cotisation prise en considération était celle de son entrée en fonctions au Parlement, le 1er mai 1981.

9        Le 12 septembre 2005, la requérante a demandé au service des pensions des fonctionnaires et agents du Parlement de rectifier son calcul en tenant compte des annuités de pension obtenues dans le cadre du régime national grec de pension et transférées au régime de pension communautaire, à savoir douze ans et quinze jours.

10      Par courrier du 20 septembre 2005, Mme P., chef de l’unité « Affaires sociales », a fait savoir à la requérante que sa demande était sans objet, étant donné que le statut, « dans sa forme actuelle », ne prévoyait pas la prise en compte des annuités obtenues suite à un transfert des droits à pension en provenance d’un pays membre de l’Union européenne dans le calcul du taux de rémunération pour une activité à mi-temps pour préparer le départ à la retraite.

11      Le 6 octobre 2005, le collège des chefs d’administration a adopté la conclusion no 241/05 relative à la détermination du traitement de base des fonctionnaires autorisés à exercer leur activité à mi-temps pour préparer leur départ à la retraite (article 4 de l’annexe IV bis du statut). Il a conclu :

« […] qu’il n’était pas possible de prendre en compte les annuités transférées, compte tenu du fait que la disposition statutaire concernée ([a]rticle 4, [sous] b) de l’[a]nnexe IV bis) ne cite pas l’article 11 relatif au transfert des annuités. […] »

12      Par lettre du 10 novembre 2005, la requérante a introduit une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut contre le refus de prendre en compte les annuités résultant du transfert des droits à pension vers le régime de pension communautaire pour le calcul de la rémunération versée dans le cadre de l’activité à mi-temps exercée pour préparer son départ à la retraite.

13      Par décision du 19 avril 2006, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision de l’AIPN du 19 avril 2006 »). Suite à ce rejet, le présent recours a été introduit le 18 juillet 2006.

14      La demande de la requérante en vue d’exercer une activité à mi-temps pour préparer son départ à la retraite a été suspendue dans l’attente d’une décision favorable de l’administration relativement à l’inclusion des droits à pension transférés vers le régime de pension communautaire dans le calcul du pourcentage de traitement de base servant à déterminer la rémunération du travail à mi-temps. De ce fait, la requérante a continué à travailler à temps plein. L’excédent de rémunération pour l’activité à mi-temps en préparation du départ à la retraite s’élève, selon la requérante, à plus de 26 000 euros par an, si les droits transférés sont pris en compte.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du Parlement rendue le 20 septembre 2005 et reproduite le 19 avril 2006 ;

–        condamner le Parlement aux entiers dépens de la procédure.

16      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer irrecevables le deuxième et le troisième moyens du requérant ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        décider sur les dépens comme de droit.

 En droit

17      La requérante invoque, en substance, trois moyens à l’appui de son recours. Par son premier moyen, elle fait valoir la violation de l’article 2 de l’annexe VIII du statut. Le deuxième moyen est tiré de la violation du devoir de sollicitude. Enfin, le troisième moyen est pris de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2 de l’annexe VIII du statut

 Arguments des parties

18      La requérante soutient, d’une part, que le statut ne prévoit pas expressément que les annuités provenant d’un transfert de droits à pension acquis auprès de régimes nationaux de pension devraient être traitées différemment, dans certains cas à définir ultérieurement, des annuités acquises au sein d’une institution communautaire.

19      À ce propos, l’article 11 de l’annexe VIII du statut aurait pour objet une obligation réciproque des États en vue de transférer des droits à pension et non de créer une catégorie particulière d’annuités.

20      D’autre part, le collège des chefs d’administration, qui aurait convenu de ne pas tenir compte des annuités résultant de transferts de droits à pension, n’aurait pas vocation à prendre une décision de nature à interpréter le statut voire à le modifier. Il n’aurait d’ailleurs pris aucune décision de nature impérative. Selon la requérante, l’« appréciation » que ledit collège a donnée aurait d’ailleurs dû être soumise au comité du statut et approuvée par celui-ci pour avoir la force des dispositions statutaires.

21      À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que la conclusion no 241/05 du collège des chefs d’administration est illégale dans la mesure où elle a pour objet d’ajouter une condition à la rémunération de l’activité à mi-temps exercée pour préparer le départ à la retraite des fonctionnaires, à savoir l’exclusion d’annuités résultant de transfert de droits à pension, non prévue dans le statut.

22      Le Parlement fait valoir qu’il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé.

23      En rappelant qu’il est de jurisprudence constante que les dispositions du droit communautaire qui donnent droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement, le Parlement fait valoir que l’article 4 de l’annexe IV bis du statut, lequel donne droit à une prestation d’une telle nature, à savoir le traitement rémunérant l’activité à mi-temps exercée pour préparer le départ à la retraite d’un fonctionnaire, doit être interprété strictement.

24      Le Parlement soutient que l’article 4 de l’annexe IV bis du statut contient une énumération des annuités qui doivent être prises en compte pour calculer le pourcentage du traitement. Il s’agirait des annuités acquises au sens des articles 2, 3, 4, 5, 9 et 9 bis de l’annexe VIII du statut. L’article 11 de l’annexe VIII du statut, qui prévoirait la possibilité de transférer les droits à pension acquis dans d’autres régimes de pension, ne figurerait pas dans cette énumération. En conséquence, les annuités obtenues suite à un tel transfert ne seraient pas visées par l’article 4 de l’annexe IV bis du statut.

25      Cette interprétation littérale serait confirmée par un examen systématique de l’annexe VIII, chapitre 2, du statut dont la section 1 est relative à la pension d’ancienneté. En effet, lorsque l’on observerait quelles dispositions de ladite section sont incluses dans l’énumération de l’article 4 de l’annexe IV bis du statut et quelles autres n’y figurent pas, il s’avèrerait que toutes les dispositions qui prévoient une acquisition de droits à pension y sont incluses, à l’exception de l’article 11. Par conséquent, le fait de ne pas inclure ce dernier article à l’article 4 de l’annexe IV bis du statut indiquerait l’intention du législateur communautaire de ne pas tenir compte des annuités obtenues suite à un transfert de droits à pension lors du calcul du traitement rémunérant l’activité à mi-temps exercée pour préparer le départ à la retraite d’un fonctionnaire.

26      En outre, l’article 2 de l’annexe VIII du statut énoncerait, notamment, que « [c]haque année prise en compte dans les conditions fixées à l’article 3 donne droit au bénéfice d’une annuité, chaque mois entier au douzième d’une annuité ». Ce serait donc l’article 3 de l’annexe VIII du statut qu’il faut examiner pour connaître les conditions d’application de l’article 2 de cette même annexe, invoqué par la requérante.

27      L’article 3 de l’annexe VIII du statut définirait les durées prises en compte pour le calcul des annuités, au sens de l’article 2 de ladite annexe. Il s’agirait de « la durée des services accomplis en qualité de fonctionnaire d’une des institutions », « la durée pendant laquelle le droit à l’indemnité visée aux articles 41 et 50 du statut a été ouvert », « la durée du bénéfice d’une allocation d’invalidité » et « la durée des services accomplis en toute autre qualité dans les conditions fixées par le régime applicable aux autres agents des Communautés ».

28      Étant donné que toutes les durées décrites auraient trait à l’activité du fonctionnaire ou agent exercée au sein de l’institution, il serait clair que l’article 3 de l’annexe VIII du statut, et donc l’article 2 de cette même annexe, ne concernent que les droits à pension acquis en tant que fonctionnaire.

29      Le Parlement soutient que, par conséquent, on ne saurait considérer que la mention faite à l’article 2 de l’annexe VIII du statut, laquelle vise uniquement les annuités acquises en tant que fonctionnaire, contiendrait une référence implicite à l’article 11 de la même annexe, lequel est relatif aux annuités obtenues suite à un transfert de droits à pension. Ainsi, le Parlement n’aurait pas commis de violation dudit article 2 de l’annexe VIII du statut en n’incluant pas les annuités résultant d’un transfert de droits à pension dans le calcul du traitement rémunérant l’activité à mi-temps exercée pour préparer le départ à la retraite. Pour que ces annuités soient incluses dans ledit calcul, il aurait fallu que l’article 11 de la même annexe figure dans l’énumération de l’article 4 de l’annexe IV bis du statut.

30      En ce qui concerne l’observation de la requérante aux termes de laquelle les annuités obtenues suite à un transfert de droits à pension ne pourraient pas faire l’objet d’un traitement différent des annuités acquises au sein d’une institution, le Parlement fait valoir que le statut n’instaure pas une égalité totale entre ces deux catégories d’annuités. En effet, les annuités résultant d’un transfert ne seraient pas prises en compte pour le calcul de la période minimale de dix ans de service ouvrant droit à une pension d’ancienneté. La requérante ne pourrait donc pas se prévaloir d’une supposée égalité entre les deux catégories d’annuités pour prétendre à la non-application de l’article 4 de l’annexe IV bis du statut.

31      Quant au double argument de la requérante selon lequel le collège des chefs d’administration n’aurait pas vocation à interpréter le statut et son appréciation aurait dû être soumise au comité du statut, le Parlement fait valoir que, d’une part, l’article 110, paragraphe 4, du statut charge les administrations des institutions de se consulter régulièrement sur l’application des dispositions dudit statut, et que c’est dans le cadre de cette consultation régulière que le collège des chefs d’administration s’est accordé sur une interprétation commune de l’article 4 de l’annexe IV bis du statut.

32      Le Parlement soutient, d’autre part, que le projet de conclusion adopté par le collège des chefs d’administration dans sa réunion du 16 juin 2005 a été soumis au comité du statut pour observations. Ce comité aurait formulé ses observations lors de sa réunion du 11 juillet 2005. Ensuite, le collège des chefs d’administration, au cours de sa réunion du 6 octobre 2005, aurait décidé d’approuver le projet de conclusion, sans modification, et adopté la conclusion no 241/05.

33      En tout état de cause, en mentionnant la conclusion n° 241/05, qui reprendrait d’ailleurs l’interprétation correcte de l’article 4 de l’annexe IV bis du statut, dans sa décision du 19 avril 2006, dont la base juridique aurait été ledit article 4, l’AIPN souhaitait seulement démontrer que son interprétation de cet article était une interprétation commune aux institutions communautaires.

 Appréciation du Tribunal

34      Aux termes de l’article 4, sous b), de l’annexe IV bis du statut, le fonctionnaire de plus de 55 ans autorisé à exercer son activité à mi‑temps pour préparer son départ à la retraite bénéficie d’un traitement de base réduit, exprimé en pourcentage du traitement de base correspondant aux annuités acquises au sens des articles 2, 3, 4, 5, 9 et 9 bis de l’annexe VIII du statut, augmenté de 10 %.

35      Force est de constater qu’une lecture littérale de l’article 4, sous b), de l’annexe IV bis du statut plaide clairement en faveur de la position du Parlement. En effet, ledit article contient une énumération des annuités qui doivent être prises en compte pour calculer le pourcentage du traitement. À cet égard, les articles pertinents du statut sont nommés : « 2, 3, 4, 5, 9 et 9 bis de l’annexe VIII ». L’article 11 de l’annexe VIII du statut, qui prévoit la possibilité de transférer les droits à pension acquis dans d’autres régimes vers le régime de pension communautaire, ne figure pas dans cette énumération.

36      Contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 4, sous b), de l’annexe IV bis du statut ne contient pas le moindre indice permettant d’affirmer que cette énumération ne serait pas exhaustive. Au contraire, le caractère exhaustif de cette liste ressort clairement du contexte, et notamment de l’utilisation de virgules et du mot « et ». De plus, l’énumération n’est pas introduite ou accompagnée par des termes comme « en particulier », qui impliqueraient le caractère non exhaustif d’une telle liste. Ainsi, en raison de l’absence de tels termes et en raison du fait que l’article 4, sous b), de l’annexe IV bis du statut mentionne une énumération précise d’articles, la liste litigieuse doit être considérée comme exhaustive.

37      Les annuités obtenues suite à un transfert de droits à pension vers le régime de pension communautaire ne sont, par conséquent, pas visées par l’article 4, sous b), de l’annexe IV bis du statut.

38      Cette interprétation littérale de l’article 4, sous b), de l’annexe IV bis du statut, qui règle les modalités du calcul du traitement rémunérant l’activité à mi-temps exercée pour préparer le départ à la retraite d’un fonctionnaire est renforcée par deux considérations systématiques.

39      D’une part, il est constant que les dispositions prévues à l’article 4 de l’annexe IV bis du statut constituent un régime autonome régissant les modalités du calcul du traitement rémunérant l’activité à mi-temps exercée pour préparer le départ à la retraite d’un fonctionnaire ; ledit régime faisant partie du régime général des modalités de l’activité à temps partiel, inscrites dans l’annexe IV bis du statut. En revanche, la règle prévue à l’article 11 de l’annexe VIII du statut est spécifique au régime des pensions et ne saurait être lue comme l’expression d’un principe général imposant de considérer comme service effectif le travail effectué avant l’entrée au service des Communautés (voir arrêt du Tribunal de première instance du 16 décembre 2004, Pappas/Commission, T‑11/02, RecFP p. I‑A‑381 et II‑1773, point 44).

40      D’autre part, il ne ressort pas du contexte de l’article 4 de l’annexe IV bis du statut et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie, à savoir le régime des modalités de l’activité à temps partiel, qu’il faille tenir compte des années antérieures à l’entrée en fonctions aux Communautés dans le calcul du pourcentage de traitement de base reconnu à la requérante dans le cadre de l’acceptation de sa demande d’exercer une activité à mi-temps pour préparer son départ à la retraite.

41      Étant donné qu’il résulte donc d’une interprétation, tant littérale que systématique, de l’article 4, sous b), de l’annexe IV bis du statut que les annuités obtenues suite à un transfert de droits à pension vers le régime de pension communautaire ne sont pas visées par cet article, il n’y a pas lieu d’aborder l’argument de la requérante relatif au pouvoir de décision du collège des chefs d’administration.

42      En ce qui concerne l’argument tiré du principe d’égalité de traitement relatif au traitement des annuités acquises au sein d’une institution par rapport aux annuités acquises suite à un transfert de droits à pension, il suffit de rappeler qu’une somme d’argent par laquelle le fonctionnaire contribue au budget communautaire et une période de temps consacrée au service des institutions communautaires ne constituent pas des valeurs comparables et que dès lors, le fonctionnaire, ayant transféré, au moment de son entrée en fonctions dans les Communautés, vers le régime de pensions communautaire, un capital correspondant aux droits qu’il a acquis dans un régime national, ne se trouve pas dans une situation comparable à celle d’un fonctionnaire entré en fonctions dans les Communautés plus tôt, qui a contribué au régime de pensions communautaire depuis lors par des prélèvements sur son salaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C‑227/04 P, Rec. p. I‑6767, points 67 et 68).

43      Dans ces conditions, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres arguments présentés par la requérante dans le cadre de ce moyen, le moyen tiré d’une violation de l’article 2 de l’annexe VIII du statut ne peut être accueilli.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude

 Arguments des parties

44      Selon la requérante, pour que l’équilibre des droits et obligations réciproques inhérents aux relations de travail entre employeur et agent soit assuré, particulièrement quand il s’agit de relations entre les administrations publiques et leurs agents, il est impératif que l’institution prenne des décisions relatives à la situation de ses agents, non seulement en considération de l’intérêt du service, mais aussi en respectant les normes applicables à la relation de travail et à l’intérêt des agents concernés.

45      Le Parlement fait valoir que le deuxième moyen n’est pas recevable. La réclamation administrative introduite par la requérante n’invoquerait aucunement une prétendue violation du devoir de sollicitude. La réclamation non seulement ne se réfèrerait pas à ce moyen, mais elle ne contiendrait pas non plus d’élément dont le Parlement aurait pu déduire, même en s’efforçant de l’interpréter dans un esprit d’ouverture, que la requérante entendait invoquer ces griefs.

 Appréciation du Tribunal

46      Il convient de rappeler que la règle de la concordance entre la réclamation administrative au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et le recours subséquent exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge communautaire l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître d’une manière suffisamment précise les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision attaquée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (arrêts de la Cour du 1er juillet 1976, Sergy/Commission, 58/75, Rec. p. 1139, point 32, et du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 9 ; arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, RecFP p. I‑A‑2‑297 et II‑A‑2‑1527, point 32). Ladite AIPN doit donc être clairement informée des griefs soulevés par le réclamant pour être en mesure de lui proposer un éventuel règlement amiable (arrêt Campoli/Commission, précité, point 32, et la jurisprudence citée).

47      Examinée de façon objective, et même interprétée dans un esprit d’ouverture, la réclamation de la requérante ne contient aucun élément permettant de comprendre qu’elle concernerait, explicitement ou implicitement, une violation du devoir de sollicitude.

48      De plus, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal à la date de dépôt de la pièce de procédure en cause, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), la requête doit contenir « l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués ». Selon la jurisprudence, l’indication des moyens doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 29, et la jurisprudence citée).

49      Or, en ce qui concerne le moyen tiré d’une violation du devoir de sollicitude, la requérante se contente de faire valoir des considérations d’ordre général à ce sujet et n’explique pas en quoi la décision du 20 septembre 2005 aurait été prise en violation dudit devoir. En supposant même que le moyen remplisse les conditions posées par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance et qu’il ne puisse dès lors pas être déclaré irrecevable pour méconnaissance de cette disposition, il ne serait pas fondé. En effet, l’administration ne peut, en vertu du devoir de sollicitude, écarter l’application d’une disposition du statut, en particulier lorsque cette disposition est claire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 janvier 2007, Frankin e.a./Commission, F‑3/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑117, point 38).

50      Ce moyen doit par conséquent être écarté.

 Sur le troisième moyen, pris de la violation du principe de protection de la confiance légitime

 Arguments des parties

51      Selon la requérante, les administrations publiques, et particulièrement les institutions communautaires, ont le devoir de veiller à ce que la confiance qui leur est accordée par les membres de leur personnel en particulier et par le public en général soit en permanence confirmée par le bien fondé de leurs décisions et agissements. De plus, en ce qui concerne les institutions communautaires, leur comportement devrait constituer un exemple pour les États membres et leurs citoyens, au regard des abandons de souveraineté indispensables à la réalisation des objectifs de l’Union européenne, ce qui implique un degré très élevé de confiance dans le respect le plus strict du droit par lesdites institutions.

52      Tant les membres du personnel que les citoyens de l’Union européenne devraient pouvoir raisonnablement et légitimement s’attendre à ce que la détermination du quantum de la pension de retraite soit identique quelles que soient les modalités pour y parvenir. La requérante serait en droit d’invoquer le principe de protection de la confiance légitime, car elle pouvait légalement s’attendre à ce que soit prise en compte, dans le calcul de sa pension, la totalité de ses annuités y compris celles résultant du transfert de droits à pension.

53      En refusant de prendre en considération les annuités résultant du transfert de droits à pension dans le calcul de la rémunération prévue dans le cadre d’une activité à mi-temps pour préparer le départ à la retraite d’un fonctionnaire, le Parlement aurait manqué au principe de protection de la confiance légitime. Il aurait également violé le principe de sécurité juridique en omettant de respecter les droits acquis et de reconnaître l’immutabilité des situations juridiques subjectives ainsi que la requérante était en droit de s’y attendre.

54      À l’égard de ce moyen, le Parlement fait également valoir qu’il n’est pas recevable, étant donné que la réclamation administrative introduite par la requérante n’invoquerait pas une prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime.

55      Le Parlement rappelle en outre qu’une décision ne saurait violer la confiance légitime qu’en présence d’assurances précises de l’administration, qui, dans le cas d’espèce, n’auraient jamais été fournies (voir arrêt du Tribunal de première instance du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, RecFP p. I‑A‑385 et II‑1731, point 139).

 Appréciation du Tribunal

56      Eu égard à la règle de la concordance entre la réclamation administrative au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et le recours subséquent (voir, à ce propos, point 46 du présent arrêt), il y a lieu de constater que la réclamation de la requérante ne contient aucun élément permettant de relever que cette dernière concernerait, explicitement ou implicitement, une violation du principe de protection de la confiance légitime. En effet, outre les arguments sur la prétendue non-conformité de la décision du 20 septembre 2005 au statut, la réclamation contient des moyens concernant, d’une part, une prétendue inégalité de traitement entre différents groupes de fonctionnaires, en ce que l’administration privilégierait les fonctionnaires ayant accompli toute leur carrière dans les institutions communautaires par rapport à ceux qui exerçaient antérieurement une activité salariée dans un autre cadre et, d’autre part, la valeur des droits à pension établis par transfert, lesquels moyens n’ont pas été soulevés dans la requête. De plus, la réclamation contient l’indication selon laquelle la Communauté aurait encaissé la somme capitalisée des droits à pensions transférés par la requérante. Tous ces éléments ne peuvent être regardés comme permettant de comprendre que cette réclamation concernerait une violation du principe de protection de la confiance légitime et de mettre ainsi l’AIPN en mesure de connaître d’une manière suffisamment précise les critiques que l’intéressée formulait à l’encontre de la décision du 20 septembre 2005.

57      Même si la réclamation de la requérante pouvait, hypothétiquement, être interprétée comme visant implicitement une violation du principe de protection de la confiance légitime, l’intéressée n’a pas démontré une telle violation en l’espèce.

58      À cet égard, il convient de rappeler que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime appartient à tout particulier chez lequel l’administration a fait naître des espérances fondées. En revanche, une violation dudit principe ne peut pas être invoquée en l’absence d’assurances précises fournies par l’administration, celles-ci devant, en tout état de cause, être conformes aux dispositions du statut (voir, notamment, arrêts du Tribunal de première instance du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission, T‑205/01, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1065, point 54, et du 28 janvier 2003, F/Cour des comptes, T‑138/01, RecFP p. I‑A‑25 et II‑137, point 40).

59      En l’espèce, la requérante ne fait pas état d’assurances, écrites ou verbales, données par l’administration concernant l’inclusion des droits à pension transférés vers le régime de pension communautaire dans le calcul du pourcentage de traitement de base rémunérant l’activité à mi-temps exercée pour préparer le départ à la retraite. La requérante n’est, dès lors, pas fondée à invoquer la protection de la confiance légitime.

60      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime ne peut pas être accueilli.

61      Le recours doit, dès lors, être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

62      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, publié au Journal officiel de l’Union européenne du 29 août 2007 (JO L 225, p. 1), les dispositions dudit règlement relatives aux dépens et aux frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Kreppel

Tagaras

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.