Language of document : ECLI:EU:T:2015:1000

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

17 décembre 2015 (*)

« Régime linguistique – Avis de concours général pour le recrutement d’administrateurs – Choix de la deuxième langue parmi trois langues – Langue de communication avec les candidats au concours – Règlement n° 1 – Article 1er quinquies, paragraphe 1, article 27, premier alinéa, et article 28, sous f), du statut – Principe de non-discrimination – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑275/13,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. P. Gentili et S. Fiorentino, avvocati dello Stato,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, abogado del Estado,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall, Mme B. Eggers et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et B. Beutler, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/249/13, pour la constitution de deux listes de réserve de recrutement d’administrateurs, destinées à pourvoir des postes vacants dans les domaines de la macroéconomie et de l’économie financière (JO 2013, C 75 A, p. 1),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’Office européen de sélection du personnel (EPSO) est un organisme interinstitutionnel, créé en vertu de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002, portant création de l’EPSO (JO L 197, p. 53). En application de l’article 2, troisième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), dans sa version antérieure au règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut (JO L 124, p. 1), les institutions signataires de cette décision ont, par son article 2, paragraphe 1, confié à l’EPSO l’exercice des pouvoirs de sélection qui sont dévolus par l’article 30, premier alinéa, du statut et par l’annexe III du statut à leurs autorités investies du pouvoir de nomination. L’article 4 de la même décision prévoit que, alors que, en application de l’article 91 bis du statut, les demandes et les réclamations relatives à l’exercice des pouvoirs dévolus à l’EPSO sont introduites auprès de celui-ci, tout recours dans ces domaines est dirigé contre la Commission européenne.

2        Le 7 septembre 2012, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 270 A, p. 1) un guide applicable aux concours généraux (ci‑après le « guide »). La partie 3 du guide, intitulée « Communication », indique ce qui suit :

« Afin de garantir la clarté et la compréhension des textes à caractère général et des communications adressées aux candidats ou reçues de ces derniers, les convocations aux différents tests et épreuves ainsi que toute correspondance entre EPSO et les candidats sont établies uniquement en allemand, en anglais ou en français. »

3        Le 14 mars 2013, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/249/13, pour la constitution de deux listes de réserve de recrutement d’administrateurs, destinées à pourvoir des postes vacants dans les domaines de la macroéconomie et de l’économie financière (JO C 75 A, p. 1). Il s’agit de l’avis de concours dont l’annulation est demandée par le présent recours (ci-après l’« avis attaqué »).

4        Il est indiqué dans la partie introductive de l’avis attaqué que le guide en « fait partie intégrante ».

5        Au titre des conditions d’admission au concours concerné par l’avis attaqué, ce dernier exige une connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union (qui, à l’époque, étaient au nombre de 23), cette langue étant désignée comme « langue 1 » du concours et une connaissance satisfaisante d’une deuxième langue, désignée comme « langue 2 » du concours, à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais et le français, étant précisé qu’elle doit obligatoirement être différente de la langue choisie en tant que langue 1 (partie III, point 2.3, de l’avis attaqué).

6        Les précisions suivantes sont fournies au même endroit de l’avis attaqué, s’agissant de la limitation du choix de la langue 2 aux seules trois langues susmentionnées :

« Conformément à l’arrêt [du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, Rec, EU:C:2012:752)], les institutions de l’Union sont tenues, dans le cadre du présent concours, de motiver la limitation du choix de la deuxième langue à un nombre restreint de langues officielles de l’Union.

Les candidats sont donc informés que les deuxièmes langues retenues aux fins du présent concours ont été définies conformément à l’intérêt du service, qui exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien. Le fonctionnement effectif des institutions risquerait autrement d’être gravement entravé.

Eu égard à la longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne, et compte tenu des besoins des services en matière de communication externe et de traitement des dossiers, l’anglais, le français et l’allemand demeurent les langues les plus largement employées. En outre, l’anglais, le français et l’allemand sont de loin les deuxièmes langues qui sont les plus choisies par les candidats aux concours, lorsque ceux-ci ont la possibilité de choisir leur deuxième langue. Cela confirme le niveau d’étude et les compétences professionnelles qui peuvent être actuellement attendus des candidats à des postes au sein des institutions de l’Union, à savoir la maîtrise d’au moins l’une de ces langues. Par conséquent, dans la mise en balance de l’intérêt du service et des besoins et des aptitudes des candidats, compte tenu du domaine particulier du présent concours, il est justifié d’organiser des épreuves dans ces trois langues afin de garantir que, quelle que soit leur première langue officielle, tous les candidats maîtriseront au moins l’une de ces trois langues officielles au niveau d’une langue de travail.

En outre, dans un souci d’égalité de traitement, tout candidat, même s’il a l’une de ces trois langues comme première langue officielle, est tenu de passer cette épreuve dans sa deuxième langue, à choisir parmi ces trois langues. L’appréciation des compétences spécifiques permet ainsi aux institutions de l’Union d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler. Ces dispositions ne portent pas atteinte à l’apprentissage ultérieur d’une troisième langue de travail conformément à l’article 45, paragraphe 2, du statut. »

7        L’avis attaqué prévoit trois tests d’accès qui tendent à évaluer le raisonnement verbal, numérique et abstrait des candidats. Ils sont tous organisés dans la langue 1 choisie par le candidat (partie IV, point 3, de l’avis attaqué). Il est, en outre, précisé qu’ils seront organisés uniquement si le nombre de candidats inscrits est supérieur à un certain seuil, à déterminer par le directeur de l’EPSO en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination après la clôture de l’enregistrement des candidatures et susceptible de varier d’un domaine à l’autre (partie IV, introduction, de l’avis attaqué).

8        L’avis attaqué contient, par ailleurs, une partie V, intitulée « Admission au concours et sélection sur titres ». Celle-ci prévoit que l’examen des conditions générales et spécifiques et la sélection sur titres sont effectués, « dans un premier temps », sur la base des déclarations faites par les candidats dans l’acte de candidature. Il est précisé, à cet égard, que les réponses des candidats aux questions relatives aux conditions générales et spécifiques seront traitées afin de déterminer s’ils font partie de la liste des candidats qui remplissent toutes les conditions d’admission au concours. Il est, en outre, indiqué que, dans le cas où des tests d’accès sont organisés au préalable, l’examen des conditions générales et spécifiques est effectué, par ordre décroissant de points obtenus, par domaine, et jusqu’à ce que soit atteint le nombre de candidats qui ont obtenu à la fois les minimums requis et les meilleures notes aux tests d’accès et qui remplissent les conditions d’admission au concours [voir partie V, point 1, sous a), de l’avis attaqué].

9        Ensuite, le jury procède, pour les candidats qui remplissent les conditions d’admission au concours, à une sélection sur titres afin d’identifier les candidats qui possèdent les qualifications les plus pertinentes (notamment diplômes et expérience professionnelle) par rapport à la nature des fonctions et aux critères de sélection décrits dans cet avis.

10      Cette sélection s’effectue uniquement sur la base des déclarations faites par les candidats dans l’onglet « évaluateur de talent » de l’acte de candidature. Ces déclarations sont, les cas échéant, vérifiées ultérieurement, sur la base des pièces justificatives fournies par les candidats, pour les candidats qui ont obtenu les minimums requis et les meilleures notes au stade ultérieur du concours. La sélection se déroule en deux étapes. Une première sélection sur titres est effectuée uniquement sur la base des réponses cochées dans l’onglet « évaluateur de talent » de l’acte de candidature et de la pondération de chacune de ces questions. En fonction de l’importance accordée à chaque critère de sélection défini aux annexes de l’avis attaqué, le jury établit cette pondération (de 1 à 3) avant de procéder à l’examen des candidatures. Ensuite, les actes de candidature électroniques des candidats qui ont obtenu le plus grand nombre de points font l’objet d’une seconde sélection. Le nombre de dossiers examinés lors de cette seconde sélection correspond, par domaine, approximativement à neuf fois le nombre de lauréats indiqué dans l’avis de concours attaqué. Le jury examine les réponses des candidats et attribue une note de 0 à 4 pour chaque réponse. Les notes, multipliées par la pondération de chaque question, sont additionnées afin d’obtenir une note globale. Le jury établit ensuite un classement des candidats en fonction de ces notes globales.

11      L’ultime étape de la procédure de sélection concernée par l’avis attaqué consiste en un « centre d’évaluation ». Selon la partie VI de l’avis attaqué, qui lui est consacrée, les candidats y sont invités si, au vu de leurs déclarations lors de l’inscription électronique, ils remplissent les conditions d’admission générales et spécifiques de la partie III de l’avis et s’ils ont obtenu l’une des meilleurs notes lors de la sélection sur titres. Le nombre de candidats invités au « centre d’évaluation » correspond, par domaine, au maximum à trois fois le nombre de lauréats.

12      Ces candidats sont soumis à trois types d’évaluation, relatives à leurs aptitudes en matière de raisonnement, à leurs compétences spécifiques et à leurs compétences générales, précisées par l’avis attaqué. Au point 3 de la partie VI de ce dernier, il est indiqué que les langues du « centre d’évaluation » sont la langue choisie par le candidat comme langue 1 pour les tests portant sur les aptitudes des candidats en matière de raisonnement et la langue choisie par le candidat comme langue 2 pour les tests portant sur ses compétences spécifiques et générales.

13      L’avis attaqué comporte deux annexes, dont chacune porte sur un des domaines concernés. Le point 4 de chaque annexe énumère des critères de sélection qui sont pris en considération par le jury pour la pondération des réponses cochées par les candidats dans l’onglet « évaluateur de talent » de l’acte de candidature (voir point 10 ci-dessus).

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2013, la République italienne a introduit le présent recours.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 août 2013, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne. Par ordonnance du 28 octobre 2013, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Royaume d’Espagne a déposé son mémoire en intervention le 8 janvier 2014.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 décembre 2013, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 5 février 2014, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention, en précisant que, dès lors que la demande d’intervention avait été déposée après l’expiration du délai visé à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, la République fédérale d’Allemagne était autorisée à présenter ses observations, sur la base du rapport d’audience qui lui aura été communiqué, lors de la procédure orale.

17      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      Le Royaume d’Espagne soutient les conclusions de la République italienne tendant à l’annulation de l’avis attaqué et conclut, en outre, à la condamnation de la Commission aux dépens liés à son intervention.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

20      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 17 mars 2015, la présente affaire et les affaires T‑295/13, Italie/Commission, et T‑510/13, Italie/Commission, ont été jointes aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du 2 mai 1991.

21      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 27 mai 2015, l’affaire T‑510/13 a été disjointe de la présente affaire et de l’affaire T‑295/13 aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du 2 mai 1991.

22      Les parties ont été entendues dans leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 juillet 2015, à laquelle la République fédérale d’Allemagne n’a pas participé.

 En droit

23      À l’appui de son recours, la République italienne invoque sept moyens tirés, le premier, de la violation des articles 263 TFUE, 264 TFUE et 266 TFUE ; le deuxième, de la violation de l’article 342 TFUE et des articles 1er et 6 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié ; le troisième, de la violation de l’article 6, paragraphe 3, UE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut ainsi que de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut ; le quatrième, de la violation de l’article 6, paragraphe 3, UE et du principe de protection de la confiance légitime ; le cinquième, d’un détournement de pouvoir ainsi que de la violation des « normes substantielles inhérentes à la nature et la finalité des avis de concours », en particulier de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, de l’article 28, sous f), de l’article 34, paragraphe 3, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut ainsi que du principe de proportionnalité ; le sixième, de la violation de l’article 18 TFUE, de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 2 du règlement n° 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut et, le septième, de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ».

24      Il convient de constater que la République italienne conteste deux volets distincts de l’avis attaqué, à savoir, d’une part, la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français des langues pouvant être utilisées dans les échanges entre les candidats et l’EPSO et, d’autre part, la limitation, aux seules trois langues susmentionnées, du choix de la deuxième langue par les candidats au concours concerné par ledit avis.

25      Il y a, dès lors, lieu d’examiner successivement, à la lumière des moyens invoqués par la République italienne, la légalité des deux volets de l’avis attaqué contestés par celle-ci (voir point 24 ci‑dessus).

 Sur la limitation des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats et l’EPSO

26      Le volet de l’avis attaqué qui porte sur la limitation des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats et l’EPSO est concerné par le sixième moyen invoqué par la République italienne, tiré de la violation de l’article 18 TFUE, de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 2 du règlement n° 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut.

27      La République italienne fait valoir que la limitation en question constitue une violation manifeste de l’article 18 TFUE, de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 2 du règlement n° 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut. Elle considère qu’il découle clairement de ces dispositions que les citoyens européens ont le droit de s’adresser aux institutions de l’Union en utilisant l’une quelconque des 23 langues officielles, et qu’ils ont le droit de recevoir les réponses des institutions dans la même langue. Cette conclusion découlerait également de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, Rec, EU:C:2012:752). La limitation susvisée constituerait une discrimination, au détriment des citoyens des États membres autres que ceux ayant l’allemand, l’anglais ou le français comme langue officielle.

28      La République italienne rejette la thèse selon laquelle la participation à un concours pour le recrutement de fonctionnaires ou agents de l’Union n’est pas une forme de participation des citoyens à la vie démocratique de l’Union. Elle considère, au contraire, que la procédure d’un concours et la langue de communication utilisée sont « les éléments constitutifs d’un rapport de nature constitutionnelle entre le citoyen intéressé et l’Union ». Elle en déduit que « la langue de concours doit être la langue du citoyen ». Par ailleurs, s’appuyant sur l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), elle conteste la thèse selon laquelle la participation à un concours concernerait une situation interne à l’organisation institutionnelle. Il s’agit, selon elle, d’un rapport entre l’institution en question et un sujet de droit, un citoyen, qui ne fait pas encore partie du personnel de cette institution.

29      Le Royaume d’Espagne soutient les arguments de la République italienne. Il fait valoir que la limitation des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats et l’EPSO confère, dans la pratique, un avantage concurrentiel à tous les candidats qui ont pour première langue l’une des trois langues désignées (allemand, anglais, français). Selon lui, il serait « compréhensible » de limiter, pour des raisons fonctionnelles, les langues pouvant être utilisées dans les communications de l’EPSO, mais la limitation aux trois langues susmentionnées est contraire au règlement n° 1. Une telle limitation serait, par ailleurs, discriminatoire. Le Royaume d’Espagne rejette, lui-aussi, la thèse selon laquelle le recrutement des fonctionnaires ou agents par une institution constitue une question purement interne.

30      La Commission répond, tout d’abord, que les points de l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), invoqués par la République italienne, n’ont aucun rapport avec la question des langues utilisées dans les épreuves d’un concours, mais se réfèrent à l’aspect différent de la publication des avis de concours. Elle considère, plus concrètement, que, aux points 67, 81 et 91 de l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), la Cour « a exigé que soit fournie une motivation pour justifier la limitation » aux trois langues susmentionnées des langues utilisables dans ces communications. Dans ce contexte, elle rappelle également la jurisprudence, notamment l’arrêt du 9 septembre 2003, Kik/OHMI (C‑361/01 P, Rec, EU:C:2003:434, point 82), selon laquelle les nombreuses références à l’emploi des langues dans l’Union, figurant dans le traité FUE, ne peuvent être considérées comme étant la manifestation d’un principe général du droit de l’Union, assurant à chaque citoyen le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé, en toutes circonstances, dans sa langue.

31      La Commission fait, en outre, valoir que les candidats à une procédure de concours se trouvent dans une « position intermédiaire ». Certes, ils prendraient connaissance de l’existence d’une procédure de concours en lisant l’avis de concours publié dans le Journal officiel de l’Union européenne et ce serait pour ce motif que l’avis attaqué aurait été publié dans toutes les langues officielles de l’Union. Toutefois, une fois que le candidat serait en communication avec l’administration en vue de sa participation au concours, il serait légitime d’attendre de celui-ci qu’il maîtrise au moins une langue officielle différente de sa langue maternelle.

32      Selon la Commission, il ne saurait être admis que les compétences linguistiques des candidats à un concours revêtent une importance secondaire. Une telle thèse serait contraire au principe d’autonomie des institutions de l’Union, consacré aux articles 335 TFUE et 336 TFUE. En vertu de ce principe, la détermination des besoins linguistiques du service incomberait exclusivement aux institutions, et non aux États membres. L’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752, points 87 et 88), reconnaîtrait également que l’intérêt du service constitue un objectif légitime, pouvant justifier des limitations au principe de non-discrimination sur la base de la langue, visé à l’article 1er quinquies du statut.

33      La Commission fait, ainsi, valoir que toute prétention à ce que, dans le cadre de la procédure d’un concours, les candidats puissent indistinctement utiliser n’importe quelle langue officielle de l’Union est indéfendable. Les institutions auraient besoin de personnel opérationnel et il serait, dès lors, inévitable que, dans les contacts de nature administrative relatifs à l’organisation du concours, le candidat doive également être en mesure de communiquer dans des langues utiles aux institutions, telles que l’anglais, le français et l’allemand. Ces communications administratives seraient déjà des éléments associés au contexte de travail dans lequel le candidat serait immergé, s’il réussissait le concours.

34      La Commission ajoute que, en tout état de cause, les communications entre les candidats et l’EPSO portent sur des informations élémentaires, relatives au déroulement des épreuves et aux différentes étapes de la procédure de concours. Par rapport au niveau de connaissance et d’utilisation de l’allemand, de l’anglais ou du français exigé dans l’avis attaqué, un candidat dont les connaissances linguistiques ne lui permettraient même pas de comprendre les communications en question, rédigées dans une de ces langues, ne pourrait certainement pas imaginer pouvoir être recruté dans une institution de l’Union. Pour les mêmes motifs, les candidats de langue maternelle allemande, anglaise ou française ne seraient aucunement avantagés. La Commission invoque, à l’appui de ses affirmations, des statistiques relatives au concours concerné par l’avis attaqué, qui démontrent, selon elle, que c’étaient les candidats de nationalité italienne qui étaient en tête de la liste de ceux dont la candidature a été validée.

35      Par ailleurs, les informations générales relatives aux procédures de concours qui figureraient sur le site de l’EPSO, tout comme le guide, seraient publiés dans toutes les langues officielles. Selon la Commission, imposer à l’EPSO l’obligation de garantir la traduction de tous les actes de candidature reçus, de la langue maternelle du candidat vers l’anglais, le français ou l’allemand, serait manifestement incompatible avec l’intérêt du service. En outre, une traduction des curriculums vitae des candidats les désavantagerait, car ils perdraient le contrôle des informations qu’ils auraient eux-mêmes données.

36      Aux fins de l’examen de ces arguments, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, les termes des dispositions pertinentes du règlement n° 1. Celui‑ci prévoit, en son article 1er, dans sa version applicable au moment de la publication de l’avis attaqué, ce qui suit :

« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont le bulgare, l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le finnois et le suédois ».

37      L’article 2 du même règlement dispose :

« Les textes adressés aux institutions par un État membre ou par une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés au choix de l’expéditeur dans l’une des langues officielles. La réponse est rédigée dans la même langue ».

38      L’article 6 du règlement n° 1 prévoit que les institutions peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique institué par ledit règlement dans leurs règlements intérieurs. Toutefois, comme l’a constaté la Cour au point 67 de l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), les institutions concernées par l’avis attaqué, qui étaient également celles concernées par les avis de concours en cause dans ladite affaire, n’ont pas déterminé, sur le fondement de l’article 6 du règlement n° 1, les modalités de leur régime linguistique dans leurs règlements intérieurs. La Cour a également précisé que les avis de concours ne sauraient être considérés comme constituant des règlements intérieurs à cet égard.

39      Antérieurement au prononcé de l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), le Tribunal avait jugé que le règlement n° 1 n’était pas applicable aux relations entre les institutions et leurs fonctionnaires et agents, en ce qu’il fixe uniquement le régime linguistique applicable entre les institutions et un État membre ou une personne relevant de la juridiction de l’un des États membres. Le Tribunal avait également jugé que les fonctionnaires et autres agents de l’Union, ainsi que les candidats à de tels postes, relèvent de la seule juridiction de l’Union, s’agissant de l’application des dispositions du statut, y compris celles relatives au recrutement au sein d’une institution. Selon cette même jurisprudence, l’assimilation aux fonctionnaires et autres agents de l’Union des candidats à de tels postes, en matière de régime linguistique applicable, trouvait sa justification dans le fait que lesdits candidats entrent en relation avec une institution de l’Union uniquement aux fins d’obtenir un poste de fonctionnaire ou d’agent, pour lequel certaines connaissances linguistiques sont nécessaires et peuvent être exigées par les dispositions applicables pour pourvoir le poste en cause. Cette jurisprudence faisait également référence à l’article 6 du règlement n° 1 et à la possibilité pour les institutions, prévue dans cet article, de déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T‑185/05, Rec, EU:T:2008:519, points 117 à 119 et jurisprudence citée).

40      Toutefois, à la suite de l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), ces considérations ne pourraient plus être considérées comme valables. En effet, la Cour a jugé que, en l’absence de dispositions réglementaires spéciales applicables aux fonctionnaires et aux agents, et en l’absence de dispositions à cet égard dans les règlements intérieurs des institutions concernées, aucun texte ne permet de conclure que les relations entre ces institutions et leurs fonctionnaires et agents sont totalement exclues du champ d’application du règlement n° 1. A fortiori en est-il de même, selon la Cour, en ce qui concerne les relations entre des institutions et des candidats à un concours externe qui ne sont, en principe, ni fonctionnaires ni agents (arrêt Italie/Commission, point 27 supra, EU:C:2012:752, points 68 et 69).

41      Doit, à cet égard, être rejeté l’argument de la Commission (voir point 30 ci‑dessus) relatif à l’absence de pertinence de cette partie de l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), s’agissant de la légalité de la limitation des langues de communication entre les candidats et l’EPSO. En effet, dans cette partie de son arrêt, la Cour a examiné l’applicabilité du règlement n° 1 aux candidats à un concours et a conclu qu’il leur était applicable. Cette conclusion est également pertinente pour la question soulevée par le sixième moyen invoqué par la République italienne.

42      Par ailleurs, au regard des considérations qui précèdent, l’argument de la Commission (voir point 31 ci‑dessus) selon lequel les candidats à une procédure de concours se trouvent dans une « position intermédiaire » doit également être rejeté.

43      S’agissant de l’argument de la Commission tiré de l’arrêt Kik/OHMI, point 30 supra (EU:C:2003:434, point 82), il suffit de relever que, à la différence de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), dont le régime linguistique était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les institutions concernées par l’avis attaqué ne sont pas soumises à un régime linguistique spécifique (arrêt Italie/Commission, point 27 supra, EU:C:2012:752, point 86). Elles sont soumises au régime linguistique institué par le règlement n° 1.

44      Au regard de ces considérations, ainsi que du libellé clair et non ambigu de l’article 2 du règlement n° 1, il doit être conclu que l’avis attaqué, en ce qu’il prévoit que les candidats au concours litigieux sont tenus de communiquer avec l’EPSO dans une langue, choisie par eux, parmi l’allemand, l’anglais et le français, viole le règlement n° 1. Ce motif est suffisant pour justifier son annulation, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si, comme le fait valoir la République italienne, cette stipulation de l’avis attaqué conduit à une discrimination interdite en raison de la langue.

45      En effet, l’acte de candidature est, sans aucun doute, un texte, adressé aux institutions qui ont établi l’EPSO, par une personne relevant de la juridiction d’un État membre, à savoir le candidat. Partant, en application de l’article 2 du règlement n° 1, cette personne, le candidat, a le droit de choisir la langue de rédaction de ce texte, parmi toutes les langues officielles énumérées à l’article 1er du même règlement. Dans la mesure où l’avis attaqué limite ce choix à l’allemand, à l’anglais et au français, il viole ces dispositions. Il en va de même en ce qui concerne les autres communications éventuelles qu’un candidat aurait pu être amené à adresser à l’EPSO au sujet du concours visé par l’avis attaqué.

46      Par ailleurs, les communications adressées par l’EPSO à chaque candidat qui lui a soumis un acte de candidature constituent des réponses, au sens de l’article 2 du règlement n° 1, à l’acte de candidature et aux autres textes éventuels que lui a adressés le candidat en question. Partant, en application de cette dernière disposition, ces réponses doivent être rédigées dans la langue choisie, parmi toutes les langues officielles, par le candidat en question, pour la rédaction de ses textes. Partant, l’avis attaqué viole ledit règlement également en ce qu’il prévoit que l’EPSO adressera des communications aux candidats dans une langue choisie par eux parmi l’allemand, l’anglais ou le français, et non parmi toutes les langues officielles.

47      Le respect, par l’EPSO, de son obligation, découlant de l’article 2 du règlement n° 1, de communiquer avec les candidats au concours visé par l’avis attaqué dans une langue choisie librement parmi toutes les langues officielles, et non uniquement en allemand, en anglais ou en français, présente d’autant plus d’importance du fait que l’avis attaqué prévoit une « sélection sur titres » (voir points 8 à 11 ci‑dessus), effectuée « dans un premier temps sur la base de[s] déclarations [des candidats] faites dans l’acte de candidature ». Il importe, ainsi, que ces déclarations soient faites dans la langue choisie par chaque candidat, le cas échéant dans leur langue maternelle, et non dans une langue qui, pour certains d’entre eux, ne sera pas la langue dans laquelle ils s’expriment le mieux, quand bien même ils en posséderaient une connaissance satisfaisante.

48      Le fait que la partie 3 du guide relève que le choix des langues de communication des candidats avec l’EPSO est limité « [a]fin de garantir la clarté et la compréhension des textes à caractère général et des communications adressées aux candidats ou reçues de ces derniers » ne saurait conduire à une conclusion différente. L’imposition, par l’EPSO, de l’utilisation d’une des trois langues susmentionnées à des candidats qui auraient préféré communiquer avec lui dans une autre langue officielle ne peut pas « garantir la clarté et la compréhension », par ces candidats, des textes à caractère général et des communications que leur adressera l’EPSO. Il en va de même de la compréhension, par l’EPSO, des communications qu’il recevra de ces candidats, dès lors que leur clarté risque d’être affectée, du fait qu’elles seront rédigées dans une langue qui n’est pas la langue de premier choix des candidats en question.

49      En tout état de cause, il suffit de relever que l’article 2 du règlement n° 1 ne prévoit d’exception à l’obligation qu’il impose ni pour les motifs mentionnés à la partie 3 du guide ni pour d’autres motifs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Italie/Commission, point 27 supra, EU:C:2012:752, point 72).

50      Ces considérations permettent également de rejeter les autres arguments avancés par la Commission.

51      L’argument tiré de l’autonomie des institutions de l’Union (voir point 32 ci‑dessus) ne saurait prospérer. Il est vrai que la jurisprudence reconnaît le principe d’autonomie fonctionnelle des institutions de l’Union quant au choix de leurs fonctionnaires et agents, consacré à l’article 2 du statut. Ces institutions disposent, ainsi, d’un large pouvoir d’appréciation et d’une autonomie quant à la création d’un emploi de fonctionnaire ou d’agent, quant au choix du fonctionnaire ou de l’agent aux fins de pourvoir à l’emploi créé et quant à la nature de la relation de travail qui les lie à un agent (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2005, AB, C‑288/04, Rec, EU:C:2005:526, points 26 et 28). Toutefois, cette autonomie ne les dispense pas de l’obligation de respecter les dispositions applicables du droit de l’Union, y compris celles de l’article 2 du règlement n° 1, qui ont été violées en l’espèce.

52      Il convient d’ajouter que la nécessité de se conformer aux obligations découlant du règlement n° 1 n’a pas pour conséquence d’empêcher les institutions de l’Union de déterminer elles-mêmes, dans l’exercice de leur autonomie fonctionnelle évoquée par la Commission, leurs besoins linguistiques. L’article 2 du règlement n° 1, dont il est question dans le cadre de l’examen du sixième moyen, ne s’oppose pas à ce que des exigences linguistiques spécifiques soient stipulées, dans un avis de concours, à l’égard des candidats. Il prévoit seulement que, même dans une telle hypothèse, l’auteur de l’avis de concours, en l’occurrence l’EPSO, doit communiquer avec chaque candidat dans la langue officielle choisie par ce dernier, et non dans une langue choisie parmi un groupe plus restreint de langues, quand bien même la connaissance d’au moins une de ces langues serait une des conditions d’admission audit concours.

53      L’argument de la Commission selon lequel les communications entre les candidats et l’EPSO portent sur des informations élémentaires qu’un candidat qui aurait une connaissance de l’allemand, de l’anglais ou du français suffisante pour pouvoir participer au concours n’aurait aucune difficulté à comprendre doit également être rejeté, tout comme celui selon lequel il serait incompatible avec l’intérêt du service et le bon sens de devoir traduire les actes de candidature des langues de leur rédaction vers l’allemand, l’anglais ou le français. L’article 2 du règlement n° 1 ne prévoit d’exceptions à l’obligation qu’il impose, ni pour des raisons liées à l’intérêt du service, ni pour d’autres raisons. Par ailleurs, il a déjà été relevé que cet article laissait à la personne qui adresse un texte à une institution le choix de la langue de rédaction de ce texte et imposait aux institutions l’obligation de lui répondre dans la même langue, indépendamment de l’éventuelle connaissance, par lui, d’une autre langue.

54      Enfin, ne saurait prospérer ni l’argument selon lequel les informations figurant sur le site de l’EPSO et dans le guide seraient disponibles dans toutes les langues officielles, ni celui selon lequel les candidats de nationalité italienne n’auraient subi aucun préjudice du fait de l’impossibilité d’utiliser l’italien dans leurs communications avec l’EPSO.

55      S’agissant du premier argument, il suffit de relever que, en l’espèce, il est question de la langue utilisée dans les communications individuelles entre les candidats et l’EPSO, et les circonstances invoquées n’ont aucune incidence sur l’obligation de ce dernier de respecter l’article 2 du règlement n° 1, s’agissant de ces communications.

56      Quant au second argument, il suffit de rappeler que la violation d’une règle du droit de l’Union, en l’occurrence de l’article 2 du règlement n° 1, dont le respect s’imposait à l’EPSO, est suffisante pour entraîner l’annulation de l’avis attaqué, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que cette violation a causé un préjudice à des candidats déterminés.

57      En conclusion, compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de faire droit au sixième moyen et d’annuler l’avis attaqué, en ce qu’il restreint les langues pouvant être utilisées pour présenter un acte de candidature et dans les communications entre les candidats et l’EPSO à l’allemand, à l’anglais et au français.

 Sur la légalité de la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix de la deuxième langue par les candidats au concours concerné par l’avis attaqué

58      Il convient d’examiner la légalité de la limitation à l’allemand, à l’anglais ou au français du choix de la deuxième langue par les candidats au concours concerné par l’avis attaqué, dès lors qu’il s’agit d’un volet différent dudit avis, sur lequel l’illégalité constatée au point 44 ci-dessus n’a pas d’incidence.

59      À cet égard, il convient d’examiner les troisième et septième moyens soulevés par la République italienne.

60      Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut ainsi que de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut. En substance, la République italienne fait valoir que la limitation, prévue par l’avis attaqué, à l’allemand, à l’anglais et au français du choix de la deuxième langue des candidats au concours en cause, qui serait la langue tant des tests de présélection que des épreuves d’évaluation des candidats admis, viole toutes ces dispositions. La requérante souligne, en outre, que les fonctions que seront appelés à exercer les lauréats du concours concerné par l’avis attaqué, à savoir surveiller les politiques macroéconomiques des États membres de la zone euro et de l’Union, ainsi qu’analyser le fonctionnement des marchés financiers, ne justifient pas l’exigence, imposée par cet avis, de la connaissance d’une des trois langues susmentionnées en tant que deuxième langue. Selon la République italienne, ces fonctions imposeraient la plus large connaissance possible des langues européennes.

61      Le septième moyen est tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ». En substance, par ce moyen, la République italienne fait valoir un défaut et une insuffisance de motivation de l’avis attaqué. Elle conteste, par ailleurs, le bien-fondé de cette motivation et sa conformité avec les dispositions susmentionnées.

62      Par son mémoire en intervention, le Royaume d’Espagne invoque, en substance, une violation du principe de non-discrimination en raison de la langue, consacré à l’article 1er quinquies du statut.

63      Il fait valoir que la motivation de la limitation du choix de la deuxième langue (voir point 6 ci‑dessus) consiste en un « paragraphe stéréotypé » qui ne suffit pas pour se conformer à l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752). Ainsi, selon lui, l’avis de concours EPSO/AD/249/13 est affecté des mêmes vices que les avis en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt. Sa motivation serait « générique » et elle ne satisferait pas aux « exigences minimales de preuve qui justifient une limitation du régime linguistique plein et entier ».

64      En ce qui concerne, tout d’abord, un éventuel défaut ou une éventuelle insuffisance de motivation de l’avis attaqué, invoqué dans le cadre du septième moyen, la Commission réfute l’argumentation de la République italienne.

65      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels il repose. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de l’acte en cause, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec, EU:C:2008:392, point 181 et jurisprudence citée).

66      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 6 ci‑dessus, l’avis attaqué comporte bien une motivation tendant à justifier l’exigence selon laquelle les candidats doivent posséder une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français, langues auxquelles se limite leur choix de la deuxième langue du concours. Partant, il ne saurait être reproché à son auteur, l’EPSO, une violation de l’obligation de motivation. La question du bien-fondé de cette motivation est distincte et sera examinée ci‑après.

67      Aux fins de l’examen de cette dernière question, il convient de rappeler le libellé des dispositions mentionnées par la Cour dans son arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), également évoquées par la République italienne dans son argumentation, ainsi que les conclusions que la Cour a tirées de ces dispositions.

68      Aux points 81 à 84 de son arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), la Cour s’est référée, outre à l’article 1er du règlement n° 1 (voir point 36 ci-dessus), à l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et à l’article 28, sous f), du statut ainsi qu’à l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut.

69      L’article 1er quinquies du statut dispose, en son paragraphe 1, que, dans l’application du statut, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée, notamment, sur la langue. Conformément au paragraphe 6 du même article, « [d]ans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel ».

70      L’article 28, sous f), du statut prévoit que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Comme l’a fait remarquer la Cour dans son arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752, point 83), si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions » que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement n° 1.

71      Selon l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. Toutefois, comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752, point 84), ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour déroger aux exigences de l’article 1er du règlement n° 1.

72      La Cour a, donc, conclu que les dispositions mentionnées aux points 69 à 71 ci‑dessus ne prévoient pas de critères explicites permettant de limiter le choix de la deuxième langue que doivent maîtriser les candidats à un concours tendant au recrutement de fonctionnaires de l’Union, que ce soit aux trois langues imposées par l’avis attaqué ou à d’autres langues officielles (arrêt Italie/Commission, point 27 supra, EU:C:2012:752, point 85). Elle a, par ailleurs, constaté que les institutions concernées par l’avis attaqué, qui étaient également concernées par les avis de concours en cause dans l’affaire devant la Cour, n’étaient pas soumises à un régime linguistique spécifique (voir point 43 ci‑dessus).

73      La Cour a, néanmoins, relevé qu’il ressortait de l’ensemble des dispositions susvisées que l’intérêt du service pouvait constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, l’article 1er quinquies du statut autorise des limitations aux principes de non-discrimination et de proportionnalité. Il importe cependant, selon la Cour, que cet intérêt du service soit objectivement justifié et que le niveau de connaissance linguistique exigé s’avère proportionné aux besoins réels du service (arrêt Italie/Commission, point 27 supra, EU:C:2012:752, point 88).

74      À cet égard, la Cour a souligné que des règles limitant le choix de la deuxième langue doivent prévoir des critères clairs, objectifs et prévisibles afin que les candidats puissent savoir, suffisamment à l’avance, quelles exigences linguistiques sont requises, et ce pour pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions (arrêt Italie/Commission, point 27 supra, EU:C:2012:752, point 90).

75      Dans l’affaire ayant donné lieu à son arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752, point 91), la Cour a constaté que les institutions concernées n’avaient jamais adopté de règles internes conformément à l’article 6 du règlement n° 1. Elle a ajouté que la Commission n’avait pas non plus invoqué l’existence d’autres actes, tels que des communications stipulant les critères pour une limitation du choix d’une langue en tant que deuxième langue pour participer aux concours en cause dans cette affaire. Enfin, elle a constaté que les avis de concours en cause dans cette affaire ne contenaient aucune motivation justifiant le choix des trois langues (allemand, anglais, français) auxquelles se limitait le choix de la deuxième langue des candidats auxdits concours.

76      Il ressort de ces considérations de la Cour que la limitation du choix de la deuxième langue par les candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, constitue une discrimination en raison de la langue (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 27 supra, EU:C:2012:752, point 102). Il est, en effet, évident que, par une telle stipulation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance satisfaisante d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer au concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que les autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, sont exclus.

77      La Commission fait valoir qu’il ne s’agit pas d’une discrimination fondée sur la nationalité. Or, un tel argument est inopérant, dès lors que l’article 1er quinquies du statut n’interdit pas seulement la discrimination fondée sur la nationalité, mais également plusieurs autres formes de discrimination, y compris celle fondée sur la langue.

78      Dans le même contexte, la Commission fait valoir qu’aucune discrimination ne pouvait « exister en droit, du fait que les candidats pouvaient réaliser une partie d[u] concours [visé par l’avis attaqué] dans leur langue maternelle et que le choix de la deuxième langue se faisait sur la base des langues les plus répandues, les plus étudiées en Europe ».

79      Cet argument doit être rejeté. L’article 1er quinquies du statut interdit toute discrimination en raison de la langue, quand bien même le nombre des victimes d’une telle discrimination serait assez restreint. Tout autre est la question de savoir si une discrimination peut être tolérée pour d’autres motifs, auquel cas le nombre restreint des victimes potentielles d’une discrimination peut constituer un argument valable, plaidant en faveur du caractère proportionnel de la mesure en cause.

80      Partant, il y a lieu d’examiner si, en limitant à l’allemand, à l’anglais et au français le choix de la deuxième langue pour les candidats visés par l’avis attaqué, l’EPSO, auteur dudit avis, a violé l’article 1er quinquies du statut, en instituant une discrimination interdite, fondée sur la langue.

81      Il convient de constater que, à la différence des avis de concours en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), l’avis attaqué contient une motivation (voir point 6 ci‑dessus), insérée spécifiquement aux fins de répondre aux exigences dudit arrêt. Il ressort notamment de cette motivation que « les deuxièmes langues retenues aux fins du […] concours ont été définies conformément à l’intérêt du service, qui exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien » et que « [l]e fonctionnement effectif des institutions risquerait autrement d’être gravement entravé ».

82      Il importe, toutefois, de remarquer que les autres constatations de la Cour rappelées au point 75 ci‑dessus demeurent valables également en ce qui concerne les circonstances de la présente affaire. En effet, ainsi que la Commission l’a, d’ailleurs, confirmé lors de l’audience, les institutions concernées par l’avis attaqué n’ont adopté, après le prononcé de l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752), et jusqu’à la publication de l’avis attaqué, ni de règles internes conformément à l’article 6 du règlement n° 1, ni d’autres actes, tels que des communications stipulant les critères pour une limitation du choix d’une langue en tant que deuxième langue des candidats à un concours tendant au recrutement de fonctionnaires de l’Union. Il importe, notamment, de constater qu’aucune stipulation en ce sens ne figure dans le guide.

83      Il ressort de l’arrêt Italie/Commission, point 27 supra (EU:C:2012:752, point 95), que l’absence de règles ou de communications telles que celles envisagées au point 82 ci‑dessus ne peut être compensée par le contenu d’un avis de concours qui, nécessairement, ne se réfère qu’à un concours précis. Le délai entre la publication d’un avis de concours et la date des épreuves prévues dans celui-ci ne permet pas nécessairement à un candidat d’acquérir les connaissances linguistiques suffisantes pour démontrer ses compétences professionnelles. Quant à la possibilité d’apprendre l’une des trois langues auxquelles l’avis attaqué limite le choix de la deuxième langue dans la perspective de futurs concours, elle présuppose que les langues imposées par l’EPSO soient déterminables longtemps à l’avance. Or, l’absence de règles telles que celles visées au point 75 ci‑dessus ne garantit en aucune manière la permanence du choix des langues de concours et ne permet aucune prévisibilité en la matière.

84      Il convient, néanmoins, d’examiner si la motivation insérée dans l’avis attaqué démontre que la limitation, à l’allemand, à l’anglais et au français, du choix de la deuxième langue par les candidats au concours litigieux est justifiée par l’intérêt du service et respecte le principe de proportionnalité.

85      Il convient, tout d’abord, de définir les paramètres d’un tel examen. La Commission évoque le principe d’autonomie des institutions de l’Union (voir point 51 ci‑dessus) pour faire valoir que ces dernières disposent d’un pouvoir d’appréciation « particulièrement large », dès lors qu’elles sont les seules à pouvoir décider de leur politique du personnel. Elle en conclut que, dans ce contexte, le principe de non-discrimination est méconnu uniquement en cas de choix arbitraires ou manifestement inadéquats par rapport à l’objectif visé, qui, selon elle, est de pouvoir disposer de candidats immédiatement opérationnels et de recruter des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité.

86      À cet égard, il doit être remarqué que seul l’objectif consistant à disposer de candidats immédiatement opérationnels est capable de justifier, éventuellement, une discrimination fondée sur la langue. En revanche, une telle discrimination n’est pas apte à faciliter le recrutement des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, ces qualités étant, manifestement, indépendantes des connaissances linguistiques d’un candidat.

87      Ensuite, il doit être rappelé que l’autonomie fonctionnelle des institutions ne les dispense pas de l’obligation de respecter les dispositions applicables du droit de l’Union, dont fait partie l’article 1er quinquies du statut.

88      En outre, il est, certes, vrai qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, dans les matières qui relèvent de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, le principe de non-discrimination est méconnu lorsque l’institution concernée procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif de la réglementation (voir arrêt du 20 mars 2012, Kurrer e.a./Commission, T‑441/10 P à T‑443/10 P, RecFP, EU:T:2012:133, point 54 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, Rec, EU:C:2010:188, point 72).

89      Toutefois, cette jurisprudence n’exclut pas tout contrôle, par le juge de l’Union, des éventuelles exigences de connaissances linguistiques spécifiques des candidats à un concours pour le recrutement des fonctionnaires ou des agents de l’Union. Au contraire, il ressort des considérations de la Cour mentionnées au point 73 ci‑dessus qu’il appartient au juge de l’Union de vérifier que de telles exigences sont objectivement justifiées et proportionnées aux besoins réels du service, en d’autres termes qu’elles ne sont pas arbitraires ou manifestement inadéquates par rapport à l’objectif escompté.

90      Selon la motivation de l’avis attaqué, « l’intérêt du service […] exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien ». Eu égard à « la longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne » et « compte tenu des besoins des services en matière de communication externe et de traitement des dossiers », il est conclu que les trois langues susmentionnées « demeurent les langues les plus largement employées ».

91      Il est, ensuite, constaté que ces trois langues « sont de loin les deuxièmes langues qui sont les plus choisies par les candidats aux concours, lorsque ceux-ci ont la possibilité de choisir leur deuxième langue ». Selon l’avis attaqué, « [c]ela confirme le niveau d’étude et les compétences professionnelles qui peuvent être actuellement attendus des candidats à des postes au sein des institutions de l’Union, à savoir la maîtrise d’au moins l’une de ces langues ». Au regard de ces considérations, il est conclu que « dans la mise en balance de l’intérêt du service et des besoins et des aptitudes des candidats, compte tenu du domaine particulier du présent concours, il est justifié d’organiser des épreuves dans ces trois langues afin de garantir que, quelle que soit leur première langue officielle, tous les candidats maîtriseront au moins l’une de ces trois langues officielles au niveau d’une langue de travail ».

92      La considération selon laquelle « [l’]appréciation des compétences spécifiques permet […] aux institutions de l’Union d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler » paraît être avancée pour justifier l’organisation de certaines épreuves dans la deuxième langue, choisie par chaque candidat parmi l’allemand, l’anglais et le français. L’exigence selon laquelle les candidats qui choisissent une de ces trois langues comme première langue doivent, néanmoins, passer ces épreuves dans une autre de ces trois langues, qu’ils auront choisie en tant que deuxième langue, est expliquée par « un souci d’égalité de traitement ».

93      L’affirmation selon laquelle les trois langues susmentionnées « demeurent les langues les plus largement employées » eu égard, notamment, à la « longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne », occupe une position clef dans ce raisonnement. Force est, toutefois, de constater, qu’il s’agit d’une affirmation vague, non complétée par des indications concrètes.

94      En effet, cette prétendue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne n’est aucunement explicitée. Notamment, il n’est pas précisé si elle implique l’utilisation parallèle de ces trois langues en tant que langues de communication interne dans tous les services de toutes les institutions concernées par l’avis attaqué, ou si, plutôt, certains services utilisent l’une de ces langues et d’autres une autre. Dans cette dernière hypothèse, il existerait un risque que les services susceptibles d’être intéressés par les candidats qui auront réussi le concours litigieux n’utiliseront pas l’une ou l’autre des trois langues susmentionnées comme langue de travail interne, ce qui mettrait en question le caractère raisonnable et proportionnel de la limitation, à ces trois langues, du choix de la deuxième langue pour les candidats au concours en cause. En effet, dans un tel cas, soit certains candidats, bien qu’ayant réussi ce concours, ne seraient pas engagés, soit les services concernés seraient obligés d’engager, en partie, des candidats qui ne maîtriseraient pas la langue de communication interne, auquel cas se poserait légitimement la question du sens et de l’utilité de la limitation susmentionnée.

95      La Commission a fourni, dans ses écrits, certaines précisions à cet égard et elle a produit des éléments de preuve additionnels. Toutefois, leur examen ne permet pas de dissiper les doutes sérieux que soulèvent les affirmations susvisées de l’avis attaqué.

96      Premièrement, la Commission fait valoir que l’allemand, l’anglais et le français sont « les trois langues principales des délibérations des institutions de l’Union ». Selon elle, cette situation était caractérisée par l’utilisation initiale du français et de l’allemand et s’était enrichie, depuis 1973, avec l’introduction de l’anglais. Elle ajoute que la langue traditionnelle des délibérations des juridictions au sein de la Cour de justice de l’Union européenne est le français, alors que l’anglais est « la langue de travail de plus grande diffusion dans les agences ». Cet état de fait serait confirmé, notamment, par le régime linguistique du comité des représentants permanents (Coreper), chargé, conformément à l’article 16, paragraphe 7, TUE, de la préparation des travaux du Conseil de l’Union européenne.

97      Force est, toutefois, de constater que, à l’exception de copies de certains courriels, produits pour démontrer que l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues véhiculaires utilisées par les États membres au sein du Coreper, la Commission n’a pas fourni d’autres éléments de preuve à l’appui des allégations résumées ci-dessus.

98      À défaut de tels éléments, l’affirmation, vague et générale, selon laquelle l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues « principales » des délibérations des institutions de l’Union ne saurait être admise. La Commission admet elle-même que la seule langue des délibérations de toutes les juridictions qui composent la Cour de justice est, traditionnellement, le français. Par ailleurs, il est notoire que les membres du Parlement européen s’expriment, en séance plénière ou en commission, dans toutes les langues officielles. Il en va de même des représentants des États membres, réunis au sein du Conseil.

99      En outre, même à admettre que, comme l’affirme la Commission, les trois langues susmentionnées soient les « langues véhiculaires » utilisées au sein du Coreper, un tel fait serait dépourvu de pertinence pour la solution du litige. En effet, il ne ressort d’aucun élément du dossier et n’est pas allégué par la Commission qu’il existe un quelconque lien entre les activités du Coreper et les fonctions que les candidats au concours litigieux sont susceptibles d’exercer, s’ils réussissent celui-ci et sont engagés.

100    Cette considération est valable, plus généralement, pour tout éventuel argument tiré de l’utilisation d’une ou de plusieurs langues comme « langues de délibération » d’une institution de l’Union : à supposer même que les membres d’une institution déterminée utilisent exclusivement une ou certaines langues dans leurs délibérations, il ne saurait être présumé, sans davantage d’explications, qu’un fonctionnaire nouvellement recruté, qui ne maîtrise aucune de ces langues, ne serait pas capable de fournir immédiatement un travail utile dans l’institution en question.

101    Deuxièmement, la Commission fait valoir que l’allemand, l’anglais et le français seraient les trois langues dans lesquelles la quasi-totalité des documents est traduite par sa direction générale de la traduction. La Commission produit, à l’appui de cette affirmation, des statistiques sur les langues sources et langues cibles des textes traduits entre 2000 et 2012. Selon elle, il peut en être déduit clairement que les trois langues en question représentent les langues les plus demandées par ses services dans les demandes de traduction des documents, à la fois comme langue source, dans le cas de la traduction à usage interne d’un document externe, et comme langue cible, dans le cas de documents internes destinés à un usage externe.

102    Il convient de remarquer, d’emblée, que la pertinence de ces statistiques se trouve réduite, du fait qu’elles ne concernent que la Commission. En effet, rien ne permet de conclure que la situation est la même s’agissant des autres institutions concernées par l’avis attaqué.

103    Il convient, par ailleurs, de constater que c’est à tort que la Commission part de la prémisse que les statistiques sur la langue source d’un document traduit ne couvrent que des documents externes, traduits en vue d’un usage interne et que, inversement, les statistiques relatives à la langue cible des documents traduits ne couvrent que des documents internes, destinés à un usage externe. Les statistiques qu’elle invoque répartissent les nombres de pages traduites en fonction de la langue du document original (langue source) ou de la langue vers laquelle la traduction a été effectuée (langue cible), sans distinguer entre les traductions destinées à un usage interne ou externe.

104    Il est, ainsi, impossible d’identifier la proportion des textes pris en considération dans ces statistiques, qui serait d’origine interne, destinée à un usage interne, ou pertinente pour les domaines visés par l’avis attaqué. Or, si une proportion élevée des pages traduites est d’origine externe, la pertinence des statistiques relatives à la langue source des documents traduits, pour la détermination des langues internes de travail de la Commission, est douteuse. Par ailleurs, dès lors qu’il n’est fait aucune distinction s’agissant des services auquels chaque traduction est destinée, les éventuelles conclusions qui pourraient être tirées de ces statistiques, quant à l’utilisation des langues à l’intérieur de la Commission prise dans son ensemble, ne refléteront pas nécessairement la situation à l’intérieur des services particuliers de celle-ci susceptibles d’être concernés par les domaines visés par l’avis attaqué.

105    En tout état de cause, les statistiques produites par la Commission ne sauraient étayer les affirmations de celle-ci, qui reflètent celles qui figurent également dans l’avis attaqué.

106    S’agissant des statistiques relatives à la langue source des documents traduits, si elles démontrent, certes, que l’anglais, le français et l’allemand se trouvent, respectivement, en première, deuxième et troisième position en termes de langue source des pages traduites, l’écart entre ces trois langues est considérable.

107    Ainsi, en 2012, les textes anglais représentaient 77,06 % des textes traduits, contre 5,20 % pour le français et 2,90 % pour l’allemand. La situation était largement analogue en 2011, avec 80,63 % des pages traduites pour l’anglais, 5,76 % pour le français et 2,28 % pour l’allemand. Entre 2000 et 2012, la proportion de l’anglais a augmenté considérablement (elle est passée de 55,08 à 77,06 %), celle du français a connu un recul très substantiel (elle est passée de 32,49 à 5,20 %), alors que, dans le cas de l’allemand, il y a eu, aussi, un recul (de 4,08 à 2,90 %). Il convient, également, de constater que l’écart entre l’allemand et l’italien, qui, sauf en 2012, se trouvait en quatrième position, n’est pas considérable. Leurs proportions respectives étaient de 2,24 % contre 2,06 % en 2010 et de 2,28 % contre 1,49 % en 2011. En 2012, c’était l’espagnol et le grec qui se trouvaient, avec 1,61 % des pages traduites, contre 2,90 % pour l’allemand.

108    S’agissant des statistiques relatives aux langues cibles des textes traduits, il est vrai que l’anglais, le français et l’allemand occupent, respectivement, les trois premières positions dans les statistiques les plus récentes (2011 et 2012). Toutefois, l’écart entre le nombre de pages traduites vers ces trois langues et celles traduites vers d’autres langues n’est pas très significatif. Ainsi, en 2011, 12,31 % des pages traduites l’ont été vers l’anglais, 7,92 % vers le français, 6,53 % vers l’allemand, 4,27 % vers l’italien, 4,20 % vers l’espagnol, 4,13 % vers le néerlandais, 4,09 % vers le portugais et 3,94 % vers le grec, les traductions vers les autres langues officielles, à l’exception de l’irlandais (0,61 % des pages traduites), représentant, dans chaque cas, une proportion supérieure à 3,50 % des pages traduites. Pour 2012, les proportions des pages traduites vers l’anglais, le français et l’allemand étaient, respectivement, de 14,92, de 8,25 et de 6,47 %, contre 4,40 % pour l’italien et 4,26 % pour l’espagnol, les traductions vers toutes les autres langues officielles (à l’exception de l’irlandais, 0,41 % des pages traduites) représentant, dans chaque cas, au moins 3,35 % des pages traduites. Ces statistiques ne permettent pas de conclure qu’un candidat ayant réussi le concours litigieux qui aurait une connaissance satisfaisante de l’anglais, du français ou de l’allemand serait pleinement opérationnel dès le premier jour de son engagement, alors qu’un candidat qui aurait une connaissance au moins satisfaisante de deux autres langues officielles ne le serait pas.

109    Il ressort, certes, de ces statistiques qu’une très grande proportion des pages traduites provenaient d’originaux rédigés en anglais (langue source). Toutefois, l’avis attaqué n’exige pas exclusivement une connaissance satisfaisante de l’anglais. Un candidat qui n’a pas une connaissance satisfaisante de cette langue peut participer au concours visé par cet avis, s’il possède une connaissance satisfaisante au moins de l’allemand ou du français. Ainsi que cela a été relevé, chacune de ces deux langues représente, aussi bien en tant que langue source qu’en tant que langue cible, une proportion relativement faible des pages traduites par les services de la Commission. Si un candidat qui maîtrise, en tant que deuxième langue, seulement l’une de ces deux langues peut participer au concours en question, il ne paraît pas justifié d’en exclure des candidats potentiels qui maîtrisent d’autres langues officielles.

110    Troisièmement, la Commission fait valoir que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues les plus parlées par ses fonctionnaires et agents. Pour prouver cette affirmation, elle produit un tableau, extrait du système d’enregistrement des informations personnelles de ses fonctionnaires et agents, qui aurait également été communiqué, par courrier du 14 mars 2013 du directeur général du personnel de la Commission, à la République italienne. Selon la Commission, il ressort de ce tableau que le français, l’allemand et, ensuite, l’anglais sont les langues majoritairement indiquées par les fonctionnaires et agents comme langue principale, suivies par le néerlandais et l’italien.

111    Il convient, tout d’abord, de relever que les réserves exprimées ci‑dessus quant au fait que les statistiques relatives aux textes traduits concernent la seule Commission s’appliquent également en ce qui concerne ce tableau, qui ne vise que le personnel de la Commission.

112    Ensuite, et indépendamment même de cette circonstance, il convient de constater que ce tableau regroupe les fonctionnaires et agents de la Commission en fonction de leur langue principale, c’est-à-dire, à l’évidence, leur langue maternelle. Par conséquent, et contrairement à ce que fait valoir la Commission, ce tableau ne permet de tirer aucune conclusion utile quant aux langues parlées par les fonctionnaires de la Commission, dans la mesure où les fonctionnaires et agents de la Commission doivent maîtriser de manière satisfaisante, outre leur langue maternelle, au moins une autre langue, comme l’exige l’article 28, sous f), du statut (voir point 70 ci‑dessus).

113    Par ailleurs, il convient de constater que la Commission fait une lecture erronée de ce tableau, lorsqu’elle affirme que les fonctionnaires et agents ayant l’anglais comme leur langue principale (9,1 %) constituent le troisième groupe le plus large, après ceux qui ont le français (26,9 % du total) et l’allemand (11,1 % du total) comme langues principales. En réalité, les fonctionnaires et agents ayant l’anglais comme langue principale se trouvent en quatrième position, précédés également par ceux qui ont le néerlandais comme langue principale (9,2 % du total). Les fonctionnaires et agents qui ont l’italien comme langue principale (9 % du total) se trouvent en cinquième position, suivis par ceux qui ont l’espagnol (6,8 %), le grec (4 % du total) et le polonais (4 % du total) comme langues principales.

114    Ces chiffres ne sauraient ainsi justifier, même pour la seule Commission, une exigence telle que celle figurant dans l’avis attaqué, selon laquelle un fonctionnaire ou agent nouvellement recruté doit posséder une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français. Dans le meilleur des cas, celui d’un candidat au concours qui possède une connaissance satisfaisante du français, il s’agirait d’une langue qui est la langue principale d’environ un quart des fonctionnaires ou agents de la Commission. Dans les cas des deux autres langues concernées (allemand et anglais), il serait question de la langue principale d’environ un fonctionnaire ou agent sur dix au sein de la Commission. Ainsi, rien ne permet d’identifier les raisons pour lesquelles de telles connaissances doivent être considérées comme indispensables pour un fonctionnaire ou agent nouvellement recruté, d’autant plus qu’une connaissance analogue d’autres langues, notamment de l’italien, qui constituent des langues principales des groupes comparables de fonctionnaires ou d’agents, n’est pas exigée.

115    La Commission a produit, en annexe à sa duplique, un autre tableau montrant la répartition de ses fonctionnaires et de ses agents en fonction de leur nationalité et de leur deuxième langue. Ce tableau comporte également une ligne indiquant la « moyenne » par langue, celle-ci étant de 56,4 % pour l’anglais, 19,8 % pour le français, 5,5 % pour l’allemand, 2,2 % pour le néerlandais, 2 % pour l’italien et 1,6 % pour l’espagnol, la moyenne pour toutes les autres langues officielles étant inférieure à 1 % par langue. Une moyenne de 11,5 % est indiquée pour la colonne « n/a » qui, selon les explications données par la Commission lors de l’audience, regroupe des membres de son personnel qui n’ont pas déclaré de deuxième langue.

116    De nouveau, même si l’on se limite au cas de la seule Commission, l’exploitation des données indiquées dans ce tableau ne sauraient justifier une exigence quant aux connaissances linguistiques des candidats à un concours telle que celle en cause en l’espèce. Tout d’abord, ce tableau prend en considération uniquement la deuxième langue déclarée par chaque fonctionnaire et ne donne, dès lors, pas une image très exacte des connaissances linguistiques des fonctionnaires et des agents de la Commission. En effet, pour savoir combien parmi ces fonctionnaires et agents ont une connaissance au moins satisfaisante, par exemple, de l’anglais, il faudrait également prendre en considération tant ceux qui ont l’anglais comme langue principale que ceux pour lesquels l’anglais constitue une troisième ou quatrième langue (et non seulement une deuxième langue), dès lors qu’il ne saurait être exclu qu’un fonctionnaire ou agent possède une connaissance satisfaisante de plus de deux langues.

117    En tout état de cause, à supposer même que les pourcentages indiqués pour l’anglais et, dans un moindre degré, le français soient à même de justifier une exigence selon laquelle les candidats aspirant à un poste à la Commission doivent maîtriser de manière satisfaisante au moins une de ces deux langues, les données indiquées par ce tableau ne peuvent pas justifier l’inclusion, parmi les langues dont la connaissance est exigée, de l’allemand, à savoir d’une langue qui est la langue principale d’environ un fonctionnaire sur dix et qui est déclarée comme deuxième langue uniquement par 5,5 % des fonctionnaires de la Commission. Par ailleurs, si l’allemand est inclus, l’inclusion de l’italien, de l’espagnol ou même du néerlandais ne paraît alors pas déraisonnable, les pourcentages indiqués pour chacune de ces trois langues n’étant pas très éloignés de ceux indiqués pour l’allemand.

118    En effet, une limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint des langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable voire nécessaire, d’autres langues qui ne confèrent aucun avantage particulier. Si l’on admet, comme alternative à la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles.

119    Quatrièmement, la Commission fait valoir que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues majoritairement étudiées et parlées, comme langues étrangères, dans les États membres de l’Union. À l’appui de ses allégations, elle produit un rapport d’Eurostat, publié dans Statistics in Focus n° 49/2010, qui conclut, d’une part, que l’anglais est « de loin la langue étrangère la plus étudiée [en Europe] à tous les niveaux d’éducation suivie du français, de l’allemand, du russe et, dans un moindre degré, de l’espagnol » et, d’autre part, que « la langue étrangère la mieux connue [en Europe] de loin est perçue comme étant l’anglais, suivie de l’allemand, du russe, du français et de l’espagnol ».

120    Ces statistiques se réfèrent à l’ensemble des citoyens de l’Union et il ne saurait être présumé qu’elles reflètent correctement les connaissances linguistiques des fonctionnaires de l’Union. En tout état de cause, la seule chose que ces statistiques peuvent démontrer c’est que le nombre des candidats potentiels dont la situation est négativement affectée par la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français des langues pouvant être choisies en tant que deuxième langue du concours visé par l’avis attaqué, est moins important qu’il ne le serait si ce choix était limité à d’autres langues. Or, cette circonstance ne suffit pas pour conclure que la limitation en question n’est pas discriminatoire, le nombre éventuellement restreint des personnes dont la situation serait potentiellement affectée ne pouvant pas constituer un argument valable à cet égard (voir point 79 ci‑dessus).

121    Tout au plus, ces données pourraient démontrer le caractère proportionné de la limitation en question, s’il était avéré qu’elle répondait à l’intérêt du service. Or, la Commission est, précisément, restée en défaut de prouver que cette dernière condition était remplie.

122    Les considérations qui précèdent sont également applicables s’agissant des éléments de preuve invoqués par la Commission pour démontrer que, lorsque les candidats au concours n’étaient pas limités dans leur choix de deuxième langue, l’allemand, l’anglais et le français étaient les langues les plus choisies. La circonstance que le nombre des candidats qui se voient empêcher de choisir une autre langue comme deuxième langue du concours est, éventuellement, réduit ne signifie pas que ces candidats ne subissent pas une discrimination.

123    Cinquièmement, dans sa duplique, la Commission fait valoir que le collège des chefs d’administration des institutions de l’Union a fait procéder aux analyses nécessaires pour apprécier si l’allemand, l’anglais et le français pouvaient être considérées comme les langues les plus représentatives parmi celles employées dans les services des institutions. Elle ajoute que ce collège a constaté l’existence d’un accord sur l’orientation générale sur l’emploi des langues dans les concours organisés par l’EPSO.

124    La Commission a produit une lettre du président dudit collège, du 10 juin 2013, dont il ressort que le collège a constaté un accord des chefs d’administration des institutions de l’Union pour approuver un projet d’orientation générale sur l’emploi des langues dans les concours organisés par l’EPSO, à l’exception de la réserve émise par le représentant de la Cour de justice, qui a déclaré s’abstenir de prendre position. Elle a également produit le texte de l’orientation concernée par cet accord.

125    Ces éléments, au demeurant postérieurs à l’avis attaqué, ne sauraient remettre en cause les considérations exposées ci‑dessus. L’orientation approuvée par le collège des chefs d’administration ne mentionne aucun nouvel élément factuel, par rapport à ceux déjà analysés ci-dessus. En effet, la Commission elle-même fait valoir que les données que les chefs d’administration ont examinées « coïncident largement » avec celles produites par la Commission en annexe à son mémoire en défense. Or, pour les motifs indiqués ci-dessus, ces données ne peuvent pas justifier les affirmations relatives à l’utilisation des langues à l’intérieur des institutions de l’Union, qui figurent dans la motivation de l’avis attaqué ou sont avancées par la Commission dans ses écrits. Le fait que les chefs d’administration des institutions de l’Union, à l’exception du représentant de la Cour de justice qui s’est abstenu, sont parvenus à une conclusion différente est dépourvu de pertinence.

126    Sixièmement, enfin, la Commission soutient que la limitation du choix de la deuxième langue édictée par l’avis attaqué se justifie par la nature des épreuves. En particulier, la phase du « centre d’évaluation » exigerait, en vue d’une évaluation homogène des candidats et de la facilitation de la communication de ceux-ci avec les autres participants au concours et le jury, de s’assurer que ces épreuves se déroulent dans une langue véhiculaire.

127    Il suffit de relever, en réponse à cet argument, qu’une telle justification de la limitation en question n’est pas avancée dans la motivation de l’avis attaqué. Or, il ne pourrait être conclu que la discrimination en raison de la langue, résultant de l’avis attaqué, est justifiée pour des motifs différents de ceux invoqués dans ce même avis. Partant, cet argument doit également être rejeté.

128    Il convient dès lors de conclure, pour l’ensemble des motifs indiqués ci-dessus, que la limitation, dans l’avis attaqué, à l’allemand, à l’anglais et au français du choix de la deuxième langue des candidats au concours concerné par cet avis ne se révèle ni objectivement justifiée ni proportionnée à l’objectif escompté, qui, selon la Commission, est de recruter des fonctionnaires et des agents qui seraient immédiatement opérationnels.

129    En effet, il ne suffit pas de défendre le principe d’une telle limitation en faisant référence au grand nombre des langues reconnues à l’article 1er du règlement n° 1 comme langues officielles et de travail de l’Union et à la nécessité qui en découle de choisir un nombre plus restreint de langues, voire une seule, comme langues de communication interne ou « langues véhiculaires ». Encore faut-il objectivement justifier le choix d’une ou de plusieurs langues spécifiques, à l’exclusion de toutes les autres.

130    C’est précisément cela que tant l’EPSO, auteur de l’avis attaqué, que la Commission, partie défenderesse devant le Tribunal, sont restés en défaut de faire. Rien dans les données fournies par la Commission ne démontre qu’un fonctionnaire nouvellement recruté, qui aurait une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français, serait immédiatement opérationnel, alors qu’un candidat qui aurait une connaissance au moins satisfaisante de deux autres langues officielles ne le serait pas.

131    Par conséquent, il convient de faire droit aux troisième et septième moyens soulevés par la République italienne et, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens non encore examinés, d’annuler l’avis attaqué également en ce qu’il limite à l’allemand, à l’anglais et au français le choix de la deuxième langue par les candidats.

132    À cet égard, il convient de constater que la conclusion selon laquelle l’avis de concours en question, en ce qu’il limite le choix de la deuxième langue par les candidats, est entaché d’illégalité, implique également, et nécessairement, l’illégalité de la limitation de la langue pouvant être utilisée pour certaines épreuves de l’ultime stade du concours (voir point 12 ci-dessus).

133    Enfin, après avoir entendu les parties lors de l’audience, qui n’ont pas formulé d’objection à cet égard, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de mettre en cause les résultats du concours concerné par l’avis attaqué (voir, en ce sens, arrêts Italie/Commission, point 27 supra, EU:C:2012:752, point 103, et du 16 octobre 2013, Italie/Commission, T‑248/10, EU:T:2013:534, points 45 à 51).

 Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne.

135    Le Royaume d’Espagne et la République fédérale d’Allemagne, parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens afférents à leurs interventions, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis de concours général EPSO/AD/249/13, pour la constitution de deux listes de réserve de recrutement d’administrateurs, destinées à pourvoir des postes vacants dans les domaines de la macroéconomie et de l’économie financière, est annulé.

2)      La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne.

3)      Le Royaume d’Espagne et la République fédérale d’Allemagne supporteront leurs propres dépens afférents à leurs interventions.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.