Language of document : ECLI:EU:T:2013:461

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

16 septembre 2013 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Personnel de la BEI – Évaluation – Promotion – Exercice d’évaluation et de promotion 2007 – Décision du comité de recours – Harcèlement moral – Délai raisonnable – Demande d’annulation – Demande indemnitaire »

Dans l’affaire T‑264/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 8 mars 2011, De Nicola/BEI (F‑59/09, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Carlo De Nicola, demeurant à Strassen (Luxembourg), représenté par Me L. Isola, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par M. T. Gilliams et Mme F. Martin, puis par MM. Gilliams et G. Nuvoli, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi (rapporteur) et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Carlo De Nicola, demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 8 mars 2011, De Nicola/BEI (F‑59/09, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), dans la mesure où celui-ci a rejeté, notamment, d’une part, sa demande de voir annuler la décision du comité de recours de la Banque européenne d’investissement (BEI), du 14 novembre 2008, de ne pas poursuivre la procédure de recours entamée devant lui et ayant pour objet sa contestation de son rapport d’appréciation pour l’année 2007 ainsi que les décisions de promotion adoptées par la BEI au titre de l’exercice d’évaluation et de promotion de 2007, et, d’autre part, sa demande de constater qu’il a été victime d’un harcèlement moral ainsi que de condamner la BEI à y mettre fin et à réparer les préjudices qu’il estime avoir subis en raison de ce harcèlement.

 Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

2        Les faits à l’origine du litige sont exposés aux points 20 à 94 de l’arrêt attaqué.

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 13 juin 2009, le requérant a demandé, en substance, premièrement, l’annulation de la décision du comité de recours, deuxièmement, l’annulation des décisions de promotion, de la décision de refus de promotion et de tous les actes connexes, consécutifs et préalables aux décisions de promotion, en particulier du rapport d’appréciation 2007, troisièmement, la constatation qu’il a été victime d’un harcèlement moral, quatrièmement, la condamnation de la BEI à y mettre fin et à réparer les préjudices physiques, moraux et matériels en résultant, l’indemnisation accordée devant être assortie des intérêts moratoires, et, cinquièmement, l’adoption de certaines mesures d’instruction à l’encontre de la BEI.

4        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a partiellement accueilli le recours en tant qu’il tendait à l’annulation du rapport d’appréciation du requérant pour l’année 2007 et de la décision de refus de sa promotion. En revanche, il a rejeté les autres chefs de conclusions du requérant, dans la mesure où il les a examinés, comme étant soit irrecevables, soit non fondés. Enfin, il a décidé que le requérant et la BEI supportent chacun leurs propres dépens.

5        Dans le cadre de son appréciation de la recevabilité du recours, s’agissant de la demande d’annulation de la décision du comité de recours, le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’il « a[vait] été jugé que des conclusions dirigées contre la prise de position du comité de recours institué par la B[EI] en matière d’évaluation des membres du personnel n’ont pas de contenu autonome et ont pour effet de saisir le juge du rapport d’appréciation contre lequel un tel recours administratif a été introduit (arrêt du 30 novembre 2009, points 84, 193 et 194 ; voir également, par analogie, arrêt du 23 février 2001, point 132) ». Le Tribunal de la fonction publique a précisé qu’« [i]l en [allait] d’autant plus ainsi, lorsque, comme en l’espèce, le comité de recours estime ne pas être en mesure de statuer sur le recours administratif dont il est saisi et n’adopte, sur le fond, aucune décision qui serait susceptible de se substituer ou de modifier l’acte contre lequel un tel recours est présenté ». Selon le Tribunal de la fonction publique, les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours doivent donc être analysées comme visant le rapport d’appréciation 2007 (points 131 à 133 de l’arrêt attaqué).

6        Concernant la demande d’annulation des décisions de promotion, le Tribunal de la fonction publique a jugé ce qui suit (points 134 à 141 de l’arrêt attaqué) :

« 134 Il a été jugé que la conciliation entre, d’une part, le droit à une protection juridictionnelle effective, qui constitue un principe général du droit de l’Union et qui requiert que le justiciable dispose d’un délai suffisant pour évaluer la légalité de l’acte lui faisant grief et préparer, le cas échéant, sa requête, et, d’autre part, l’exigence de la sécurité juridique, qui veut que, après l’écoulement d’un certain délai, les actes pris par les instances de l’Union deviennent définitifs, implique que les litiges entre la Banque et ses employés soient portés devant le juge de l’Union dans un délai raisonnable (arrêt du 23 février 2001, points 98 et 99).

135      La détermination d’un tel délai doit s’effectuer en tenant compte, notamment, de la spécificité des litiges en matière de personnel et de l’importance que revêt, dans ce cadre, l’existence éventuelle d’une procédure précontentieuse. En effet, bien que les employés de la Banque soient soumis à un régime particulier arrêté par celle-ci, les litiges purement internes entre la Banque et ses employés s’apparentent, par nature, aux litiges entre les institutions de l’Union et leurs fonctionnaires ou agents, lesquels relèvent des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le ‘statut’) et sont également soumis au contrôle juridictionnel au titre de l’article 236 CE. Il convient dès lors de s’inspirer des conditions relatives au délai de recours définies par les articles 90 et 91 du statut, tout en tenant compte du contexte particulier du règlement du personnel de la Banque qui institue, en son article 41, une procédure de conciliation facultative (arrêt du 23 février 2001, point 100).

136      À cet égard, la procédure de conciliation de l’article 41 du règlement du personnel et la procédure d’appel spécifique en matière d’appréciation annuelle prévue par une communication administrative de la Banque poursuivent le même objectif que la procédure précontentieuse obligatoire instituée par l’article 90 du statut. Ces procédures visent également à permettre un règlement amiable des différends, en donnant à la Banque la possibilité de revenir sur l’acte contesté et à l’employé concerné la faculté d’accepter la motivation à la base de l’acte contesté et de renoncer, le cas échéant, à l’introduction d’un recours. Par ailleurs, la réglementation de la Banque ne prévoit pas les modalités de la coordination entre ces deux procédures. En matière de rapports d’appréciation, la décision de recourir alternativement à l’une ou l’autre d’entre elles, ou aux deux ensemble, parallèlement ou successivement, est ainsi laissée à l’appréciation de l’employé concerné, sous réserve du respect du délai indicatif fixé par les communications administratives pertinentes pour la demande de saisine du comité d’appel (arrêt du 23 février 2001, point 106).

137      Dans ce contexte, un délai de trois mois courant à compter du jour de la communication de l’acte faisant grief à l’employé concerné, ou, le cas échéant, de l’issue négative de la procédure d’appel ou de l’échec de la procédure de conciliation, doit en principe être considéré comme raisonnable, à condition toutefois, d’une part, que l’éventuelle procédure d’appel se soit déroulée dans un délai raisonnable et, d’autre part, que l’intéressé ait formulé son éventuelle demande de conciliation dans un délai raisonnable après avoir reçu communication de l’acte lui faisant grief. Plus précisément, l’institution de ces deux procédures facultatives, respectivement par l’article 41 du règlement du personnel et par les communications au personnel susmentionnées, liant la Banque, conduit nécessairement à la conclusion que, si un employé demande successivement l’ouverture de la procédure d’appel puis celle de la procédure de conciliation, le délai pour l’introduction d’un recours devant le Tribunal ne commence à courir qu’à partir du moment où cette dernière procédure a échoué, dès lors que l’employé a formulé sa demande de conciliation dans un délai raisonnable après l’achèvement de la procédure d’appel. Toute autre interprétation conduirait à une situation où l’employé de la Banque serait obligé d’introduire un recours devant le juge à un moment où il rechercherait encore activement un règlement à l’amiable de l’affaire, ce qui priverait les procédures administratives facultatives de leur effet utile (arrêt du 23 février 2001, point 107).

138      Il résulte des considérations susrappelées que les conclusions tendant à l’annulation des décisions de promotion sont tardives.

139      En effet, d’une part, il est constant que le requérant a eu connaissance au plus tard le 9 octobre 2008 des décisions de promotion, dès lors qu’il a fait référence dans sa demande de saisine du comité de recours, datée du 9 octobre 2008, à son absence de promotion au titre de l’année 2007.

140      D’autre part, il est également constant qu’à compter de la prise de connaissance des décisions de promotion, le requérant n’a pas saisi dans le délai raisonnable de trois mois la commission de conciliation prévue par les dispositions de l’article 41 du règlement du personnel ni non plus le comité de recours. Certes, le requérant a saisi le comité de recours le 9 octobre 2008. Toutefois, dans son recours devant ce comité, il n’a pas expressément contesté les décisions de promotion, limitant l’objet de sa demande à la contestation du rapport d’appréciation 2007, de la note C et de la prime attribués, ainsi que de l’absence de promotion. Quant à la demande de saisine de la commission de conciliation, elle n’a été formulée que le 1er avril 2009, soit plus de cinq mois après la prise de connaissance des décisions de promotion.

141      Il s’ensuit que les conclusions aux fins d’annulation des décisions de promotion sont tardives et doivent, par suite, être rejetées. »

7        Le Tribunal de la fonction publique a en outre rejeté comme irrecevable, pour non-respect des dispositions de l’article 35, paragraphe 1, sous d), de son règlement de procédure, la demande du requérant de voir annuler les actes connexes, consécutifs et préalables aux décisions de promotion autres que le rapport d’appréciation 2007 (points 148 et 149 de l’arrêt attaqué).

8        Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à la constatation du harcèlement moral allégué, en s’appuyant sur les motifs suivants (points 150 à 156 de l’arrêt attaqué) :

« 150       Il est de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au juge de l’Union de faire des constatations de principe ou d’adresser des injonctions à l’administration (voir, par exemple, arrêt du 16 décembre 2004, point 136).

151      Il s’ensuit que les conclusions aux fins de constatation et d’injonction susmentionnées sont irrecevables et doivent être rejetées.

152      À titre subsidiaire, si les conclusions aux fins de constatation du harcèlement moral allégué devaient être interprétées comme des conclusions tendant à l’annulation d’une décision de refus d’assistance de la Banque, de telles conclusions devraient être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

153      En effet, le juge de l’Union a jugé que, dans le silence du règlement du personnel de la Banque, il convenait, non pas de faire directement application des règles du statut, ce qui méconnaîtrait la nature spécifique du régime applicable aux membres du personnel de la Banque, mais de s’inspirer de ces règles et d’en faire une application par analogie, en relevant que les litiges purement internes entre la Banque et ses employés s’apparentent, par nature, aux litiges entre les institutions de l’Union et leurs fonctionnaires ou agents (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, points 100 et 101).

154      Il a en particulier été jugé qu’il y avait lieu d’appliquer par analogie aux recours des membres du personnel de la Banque la règle résultant de l’article 91, paragraphe 1, du statut, selon laquelle le juge ne dispose d’aucun titre de compétence si le recours dont il est saisi n’est pas dirigé contre un acte que l’administration aurait adopté pour rejeter les prétentions du requérant (arrêt du 30 novembre 2009, point 239).

155      En outre, le Tribunal estime que lorsque la Banque est saisie par un membre du personnel d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision, il y a lieu de faire application par analogie des dispositions de l’article 90, paragraphe 1, du statut, et de juger que le défaut de réponse à cette demande dans un délai raisonnable de quatre mois fait naître une décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Tribunal.

156      Or, en l’espèce, il est certes constant que le requérant a présenté une demande d’assistance, le 15 avril 2009, en raison du harcèlement moral dont il estimait être la victime. Toutefois, le 12 juin 2009, date d’enregistrement du présent recours, la Banque n’avait pas expressément statué sur cette demande. En outre, en l’absence d’écoulement d’un délai raisonnable de quatre mois, aucune décision implicite de rejet n’était encore née. Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées, qui ne sont dirigées contre aucune décision de refus, doivent être rejetées. »

9        Enfin, s’agissant des conclusions tendant à la réparation des préjudices physiques, moraux et matériels résultant du préjudice moral allégué, le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 157 de l’arrêt attaqué, ce qui suit :

« Il est constant que le requérant n’a présenté à la Banque aucune demande tendant à la réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont il aurait été victime. En conséquence, en l’absence de demande indemnitaire et de tout acte faisant grief auquel il serait possible de rattacher les conclusions indemnitaires, lesdites conclusions doivent être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ou, en tout état de cause, comme irrecevables (arrêt du 30 novembre 2009, points 239 et 242). »

 Sur les pourvois principal et incident

1.     Procédure et conclusions des parties

10      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 21 mai 2011, le requérant a formé le présent pourvoi.

11      Le 29 août 2011, la BEI a déposé le mémoire en réponse, dans lequel elle a également formé un pourvoi incident contre l’arrêt attaqué.

12      Le 6 novembre 2011, le requérant a déposé un mémoire en réplique que le Tribunal a autorisé et versé au dossier uniquement dans la mesure où ce mémoire répond au pourvoi incident de la BEI.

13      Par lettre motivée déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2012, le requérant a demandé, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, à être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a fait droit à la demande du requérant et a ouvert la procédure orale.

15      Par lettre du 26 novembre 2012, au titre de mesure d’organisation de la procédure en vertu de l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à se prononcer, à l’audience, sur les conséquences qu’il convenait de tirer, pour la solution du présent litige, de l’arrêt du Tribunal du 27 avril 2012, De Nicola/BEI, T‑37/10 P, non encore publié au Recueil (ci-après l’« arrêt du 27 avril 2012 »).

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 12 mars 2013.

17      À l’audience, la BEI s’est désistée de son pourvoi incident, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience. Le requérant s’est opposé à ce désistement au motif que l’objet dudit pourvoi incident n’aurait pas disparu et qu’il y aurait lieu de le rejeter. Selon lui, à tout le moins, le Tribunal doit tenir compte dudit désistement dans sa décision sur les dépens, ce dont il a également été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « réformer » partiellement l’arrêt attaqué ;

–        faire droit aux conclusions en annulation et en indemnité rejetées en première instance ;

–        ordonner les mesures d’instruction demandées ;

–        rejeter le pourvoi incident ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire au Tribunal de la fonction publique ;

–        condamner la BEI aux dépens des deux instances.

19      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens des deux instances.

2.     En droit

 Sur le pourvoi principal

 Résumé des moyens et des griefs du pourvoi principal

20      Les moyens et griefs de pourvoi invoqués par le requérant peuvent être résumés de la manière suivante.

21      En premier lieu, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis, d’une part, de se prononcer sur sa demande de voir annuler la note de service HR/Coord/2008-0038/BK, du 22 septembre 2008 (ci-après la « note de service du 22 septembre 2008 »), lui refusant l’accès à une copie de l’enregistrement sonore d’une audience ayant eu lieu devant le comité de recours et, d’autre part, de se prononcer sur certains vices entachant la décision dudit comité de recours et de l’annuler.

22      En deuxième lieu, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis plusieurs illégalités entachant le rejet de sa demande tendant à l’annulation des décisions de promotion.

23      En troisième lieu, le requérant conteste la légalité du rejet par le Tribunal de la fonction publique de sa demande de constater qu’il a été victime d’un harcèlement moral et d’y mettre fin comme irrecevable. Ce faisant, notamment, le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé ses conclusions avancées en première instance et, à titre subsidiaire, aurait considéré à tort que cette demande était irrecevable au motif que, par analogie aux dispositions pertinentes du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut des fonctionnaires »), une demande analogue n’avait pas été présentée devant la BEI dans un délai raisonnable.

24      En quatrième lieu, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir rejeté à tort comme irrecevables, d’une part, sa demande de condamner la BEI à mettre fin aux comportements constitutifs d’un harcèlement moral et, d’autre part, sa demande indemnitaire.

25      En cinquième lieu, le requérant conteste la décision du Tribunal de la fonction publique sur la répartition des dépens.

26      En sixième lieu, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas examiné ses demandes de mesures d’instruction.

 Sur le premier moyen, tiré de l’omission illégale du Tribunal de la fonction publique, d’une part, de se prononcer sur la demande d’annulation de la note de service du 22 septembre 2008 et, d’autre part, de se prononcer sur certains vices entachant la décision du comité de recours et de l’annuler

–       Sur la première branche, tirée de l’omission illégale du Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur sa demande de voir annuler la note de service du 22 septembre 2008

27      Dans le cadre de la première branche du présent moyen, le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a erronément omis de se prononcer sur sa demande de voir annuler la note de service du 22 septembre 2008. Selon le requérant, le refus de lui communiquer une copie de l’enregistrement sonore de l’audience devant le comité de recours était illégal. En effet, en substance, premièrement, il s’agirait d’un document essentiel, voire décisif, dans le cadre d’une procédure aboutissant à l’adoption d’un acte qui était attaquable devant le juge de l’Union européenne, deuxièmement, aucun procès-verbal de l’audience n’ayant été dressé, cet enregistrement constituait le seul document prouvant son déroulement effectif et, troisièmement, le requérant en tant que coauteur, voire copropriétaire, dudit document, en ce qu’il a participé à l’audience et concouru à la réalisation de l’enregistrement, est illégalement empêché d’en obtenir une copie et de vérifier si ses déclarations n’ont pas été altérées par la suite. Le requérant estime que, dans le cadre de sa décision du 14 décembre 2007, à la suite d’une ingérence illégale dans son organisation interne et dans son fonctionnement par d’autres membres du personnel de la BEI, y compris son président, le comité de recours lui a attribué des prises de position ne correspondant pas à la réalité et ne ressortant pas de l’enregistrement sonore de cette audience.

28      La BEI rétorque que, en première instance, le requérant a omis de présenter une demande spécifique d’annulation de la note de service du 22 septembre 2008. À supposer qu’une telle demande eût été englobée par les conclusions d’annulation de tous les « actes connexes, consécutifs et préalables », le Tribunal de la fonction publique ne l’aurait pas ignorée, mais aurait jugé que, en l’absence d’identification claire et précise des actes contestés, ces conclusions ne seraient pas conformes aux dispositions de l’article 35, paragraphe 1, sous d), de son règlement de procédure et, conformément à une jurisprudence établie, les aurait rejetées comme irrecevables (points 148 et 149 de l’arrêt attaqué). Par ailleurs, la BEI considère que les griefs avancés à l’encontre de la légalité de la note susmentionnée sont irrecevables, en vertu de l’article 58 du statut de la Cour et de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, parce que non dirigés contre l’arrêt attaqué en tant que tel.

29      Le Tribunal constate, tout d’abord, s’agissant de la prétendue omission illégale du Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur la demande d’annulation de la note de service du 22 septembre 2008, que le requérant avance à bon droit que, par son premier chef de conclusions de sa requête de première instance, il avait demandé expressément l’annulation de la note de service du 22 septembre 2008 et que le Tribunal de la fonction publique n’a pas donné de réponse explicite à cette demande dans l’arrêt attaqué. Eu égard à cette demande d’annulation expresse, suffisamment claire et précise, doit être rejetée non seulement l’affirmation contraire de la BEI, mais également son argument visant à faire valoir que le Tribunal de la fonction publique aurait implicitement rejeté cette demande comme étant irrecevable, conjointement avec la demande d’annulation de tous les « actes connexes, consécutifs et préalables » (voir points 7 et 28 ci-dessus), pour cause d’absence de clarté et de précision au sens de l’article 35, paragraphe 1, sous d), de son règlement de procédure. À l’audience, la BEI a d’ailleurs renoncé à ce dernier argument, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

30      Il y a lieu d’apprécier, ensuite, si le requérant a justifié de son intérêt à agir contre ladite note de service et si, partant, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a méconnu cet intérêt.

31      Or, c’est de manière très vague et peu intelligible que le requérant motive son intérêt à voir annuler la note de service du 22 septembre 2008, ce qu’il a reconnu à l’audience. À cet égard, il y a lieu de préciser, d’abord, que, en ce que cette note de service a une portée générale et est adressée à l’ensemble du personnel de la BEI, le requérant n’a pas démontré qu’elle lui faisait en tant que telle et directement grief et que, partant, son annulation était susceptible de lui procurer un bénéfice (arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, points 42 et 44). Ensuite, le requérant n’a pas non plus établi à suffisance que, à tout le moins indirectement, cette note de service se trouvait à l’origine d’un acte lui faisant grief pour lui permettre d’exciper de son illégalité (arrêt de la Cour du 5 octobre 2000, Conseil/Chvatal e.a., C‑432/98 P et C‑433/98 P, Rec. p. I‑8535, point 33 ; arrêt du Tribunal du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, RecFP p. I‑A‑2–297 et II‑A‑2‑1527, point 132).

32      En effet, dans la mesure où le requérant reproche à la BEI de lui avoir illégalement refusé, par la note de service du 22 septembre 2008, l’accès à une copie de l’enregistrement sonore d’une « audience », dont il n’a précisé qu’à l’audience de la présente procédure, en réponse à une question orale du Tribunal, qu’il s’agissait de celle devant le comité de recours du 14 novembre 2008, ce grief manque en fait. D’une part, cette note de service ne fait qu’exposer, de manière générale, que, dans le cadre de cet exercice d’évaluation, les audiences devant le comité de recours peuvent être enregistrées et que les enregistrements et leurs transcriptions ne seront pas rendus accessibles aux parties. D’autre part, à la suite de questions orales précises posées par le Tribunal à l’audience, le requérant a certes fait valoir avoir demandé, à l’occasion de l’audience du 14 novembre 2008, de lui donner accès à un enregistrement sonore de ladite audience. Toutefois, il ne ressort ni de la requête de première instance ni du pourvoi dans la présente affaire que la BEI aurait rejeté une telle demande spécifique d’accès à un enregistrement sonore de l’audience ayant eu lieu le 14 novembre 2008 et ayant abouti à la décision du comité de recours du même jour, contestée en l’espèce, de ne pas poursuivre la procédure.

33      Il s’ensuit que le requérant n’a pas justifié, à suffisance de droit, de son intérêt à agir contre la note de service du 22 septembre 2008 ou à exciper de son illégalité. Dans ces conditions, l’absence de réponse explicite du Tribunal de la fonction publique à la demande d’annulation de la note de service du 22 septembre 2008, qui aurait dû, en tout état de cause, être rejetée comme irrecevable, ne saurait vicier le dispositif de l’arrêt attaqué à cet égard, qui apparaît fondé pour d’autres motifs de droit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Biret et Cie/Conseil, C‑94/02 P, Rec. p. I‑10565, point 63, et la jurisprudence qui y est citée).

34      Dès lors, il convient de rejeter la première branche du présent moyen.

–       Sur la seconde branche, tirée de l’omission du Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur certains vices entachant la décision du comité de recours et de l’annuler

35      S’agissant de la seconde branche du présent moyen, tirée de l’omission du Tribunal de la fonction publique d’examiner certains vices de la décision du comité de recours, le requérant soutient, en substance, que, compte tenu du caractère juridiquement autonome, distinct et attaquable de cette décision et des conditions illégales dans lesquelles elle a été versée à son dossier personnel, il conserverait un intérêt à la voir annuler. Par cette décision, le comité de recours aurait rejeté le recours du requérant « après l’avoir […] empêché de se défendre, lui avoir imputé la récusation [des trois membres composant le comité de recours] demandée par son conseil et avoir omis de se prononcer sur les ‘véritables’ motifs de la récusation ». Dès lors, en l’espèce, le requérant aurait eu un intérêt précis à voir éliminer de son dossier personnel la décision illégale de ce comité, qui pourrait influer défavorablement sur sa carrière future. Il en résulterait que, en réponse aux conclusions expresses du requérant, le Tribunal de la fonction publique aurait dû annuler non seulement le rapport d’appréciation 2007, mais également la décision du comité de recours. Le requérant précise, en substance, que le Tribunal devrait « corriger » cette décision par laquelle le comité de recours lui a imputé directement la demande de récusation de son conseil et l’a dénaturée en la qualifiant de critique irrecevable de sa décision du 14 décembre 2007. En réalité, cette demande aurait visé à faire valoir que les trois membres dudit comité n’étaient pas fiables et impartiaux, parce qu’ils lui avaient attribué des prises de position ne correspondant pas à la réalité et ne ressortant pas de l’enregistrement sonore de l’audience du 14 décembre 2007. En outre, le requérant invoque une atteinte à l’exercice de ses droits de la défense. Au lieu de suspendre l’audience et la déclarer close après un échange de vues entre ses membres, le comité de recours aurait dû soit accepter la demande de récusation, pour ensuite suspendre la procédure et renvoyer l’affaire aux services compétents de la BEI pour qu’une autre formation de jugement soit désignée, soit refuser cette demande, reprendre l’audience et permettre aux parties d’exposer leurs moyens. Or, le recours du requérant aurait été pris en délibéré et rejeté le jour même, sans qu’il ait été mis en mesure de présenter sa défense et d’exposer ses moyens.

36      La BEI rétorque que le Tribunal de la fonction publique a examiné les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours (points 131 à 133 de l’arrêt attaqué) pour conclure qu’elles n’ont pas de contenu autonome et ont pour effet de saisir le juge du rapport d’appréciation contre lequel le recours a été introduit (point 131 dudit arrêt). En effet, une annulation séparée de la décision du comité de recours ne bénéficierait pas à l’intéressé, puisqu’elle laisserait subsister le rapport d’appréciation contesté auquel cette décision ne se serait pas substituée. La BEI précise, en substance, que, par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a annulé, avec effet rétroactif, le rapport d’appréciation 2007, de sorte que tous les actes consécutifs, y compris la décision du comité de recours, auraient perdu leur objet. Selon la BEI, en ce que le requérant conteste les points 13 à 15 de l’arrêt attaqué, il réitère en substance les arguments déjà exposés en première instance contre la décision du comité de recours, de sorte que cette contestation échapperait à la compétence du juge de pourvoi. Ce n’est qu’à l’audience que la BEI a précisé, sans documents pertinents à l’appui, que la décision du comité de recours, contestée en l’espèce, a été remplacée par une nouvelle décision dudit comité, à la demande du requérant, qui ferait l’objet d’un autre recours devant le Tribunal de la fonction publique enregistré sous la référence F‑82/12. La BEI en conclut que l’objet du présent litige a disparu et que le recours du requérant et, partant, son intérêt à poursuivre le présent pourvoi ont perdu leur objet au sens de l’article 113 du règlement de procédure, raison pour laquelle elle se désisterait du pourvoi incident.

37      Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, d’une part, la procédure devant le comité de recours avait pour objet la contestation par le requérant du rapport d’appréciation 2007, que le Tribunal de la fonction publique a annulé par l’arrêt attaqué (voir point 4 ci-dessus). D’autre part, la décision du comité de recours se limite, au premier point de son dispositif, à prendre « acte du maintien de la récusation par [le requérant] » et à constater que, partant, « la poursuite de l’audience […] ne peut avoir lieu », et, au second point de son dispositif, à décider que « [l]a présente décision sera versée au dossier individuel » du requérant.

38      Il convient de rappeler en outre que, dans le cadre de l’examen de la recevabilité de la demande d’annulation de la décision du comité de recours, le Tribunal de la fonction publique a notamment considéré que « des conclusions dirigées contre la prise de position du comité de recours institué par la B[EI] en matière d’évaluation des membres du personnel n’ont pas de contenu autonome et ont pour effet de saisir le juge du rapport d’appréciation contre lequel un tel recours administratif a été introduit » et qu’il en allait d’autant plus ainsi « lorsque, comme en l’espèce, le comité de recours estime ne pas être en mesure de statuer sur le recours administratif dont il est saisi et n’adopte, sur le fond, aucune décision qui serait susceptible de se substituer ou de modifier l’acte contre lequel un tel recours est présenté ». Les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours devraient donc être analysées comme visant le rapport d’appréciation 2007 (points 131 à 133 de l’arrêt attaqué). Alors même que le Tribunal de la fonction publique n’a pas expressément rejeté cette demande d’annulation comme irrecevable, l’encadrement et le suivi de son raisonnement, sous le titre « 4. Sur la recevabilité du recours » englobant les points 119 à 157 de l’arrêt attaqué, confirment l’existence d’une telle déclaration d’irrecevabilité, certes implicite.

39      Or, le Tribunal de la fonction publique n’était pas en droit de juger, en substance, que, en l’espèce, l’objet de la décision du comité de recours se confondait avec celui du rapport d’appréciation 2007, ni que les effets juridiques dudit rapport et ceux de cette décision coïncidaient, de sorte que les conclusions en annulation du requérant n’auraient visé que ce rapport, ce que la BEI a d’ailleurs admis à l’audience.

40      En effet, indépendamment de la question de savoir si le Tribunal de la fonction publique était autorisé à se fonder, dans ce contexte, sur son arrêt du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, RecFP p. I‑A‑1‑469 et II‑A‑1‑2529, ci-après l’« arrêt du 30 novembre 2009 ») (annulé sur ce point par l’arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra, points 39 et suivants), force est de constater que la décision du comité de recours ne comporte aucun jugement – ni positif ni négatif – sur ce rapport d’appréciation, ce que le Tribunal de la fonction publique reconnaît au demeurant lui-même au point 132 de l’arrêt attaqué. En effet, ladite décision se limite à statuer, d’une part, sur l’impossibilité de la poursuite de l’audience, voire de la procédure de recours, en raison du maintien par le requérant de sa demande de récusation et, d’autre part, sur la nécessité de verser cette décision à son dossier personnel. Toutefois, ces deux déclarations, dont le requérant avait demandé l’annulation en première instance, ne sont pas liées au contenu du rapport d’appréciation 2007 et sont donc, en principe, susceptibles de lui faire autrement grief (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra, point 54), ce dont le Tribunal de la fonction publique n’a pas tenu compte. Pour cette même raison, ne saurait prospérer l’argument de la BEI selon lequel, d’une part, une annulation séparée de la décision du comité de recours ne bénéficierait pas à l’intéressé, puisqu’elle laisserait subsister le rapport d’appréciation 2007, et, d’autre part, cette décision aurait perdu son objet en raison de l’annulation, avec effet rétroactif, dudit rapport par le Tribunal de la fonction publique. Il en va de même de son argument, avancé pour la première fois à l’audience, selon lequel l’objet du présent litige aurait disparu et le recours et le pourvoi du requérant auraient perdu leur objet au sens de l’article 113 du règlement de procédure du fait du remplacement de la décision du comité de recours par une nouvelle décision, attaquée dans le cadre de l’affaire F‑82/12.

41      Il en résulte que le Tribunal de la fonction publique n’était pas fondé à déclarer irrecevable la demande d’annulation de la décision du comité de recours au seul motif que cette décision se confondait avec le rapport d’appréciation 2007. Cette déclaration d’irrecevabilité entraîne que le Tribunal de la fonction publique s’est abstenu à tort de se prononcer sur la question de savoir si, d’une part, eu égard aux faits pertinents du cas d’espèce, la décision du comité de recours était néanmoins susceptible de faire grief au requérant et, d’autre part, en arrivant aux conclusions visées au point 38 ci-dessus, ledit comité avait respecté les règles du guide de la procédure d’évaluation 2007. Or, une telle appréciation au fond aurait été nécessaire en l’espèce, dès lors que, par l’adoption desdites règles, la BEI s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et que les membres de son personnel peuvent s’en prévaloir devant le juge de l’Union au regard de principes généraux de droit, tels que le principe d’égalité de traitement et celui de la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 10 septembre 2003, McAuley/Conseil, T‑165/01, RecFP p. I‑A‑193 et II‑963, point 44, et du 1er mars 2005, Mausolf/Europol, T‑258/03, RecFP p. I‑A‑45 et II‑189, point 25, et la jurisprudence qui y est citée).

42      À cet égard, il y a lieu de préciser que, si le guide de la procédure d’évaluation 2007 ne prévoit pas de critères explicites pour le traitement d’une demande de récusation et pour les suites qu’il convient d’y donner, il ressort néanmoins de son point 20, deuxième et troisième phrases, que, d’une part, lorsque, dans des circonstances exceptionnelles et indépendantes de la volonté du comité de recours, celui-ci n’est pas en mesure d’arriver à une conclusion dans le délai de cinq mois prescrit par la première phrase dudit point 20, il « abandonnera » la procédure, et, d’autre part, le comité de recours est tenu d’en informer les parties en précisant les motifs pour lesquels il était empêché d’arriver à une conclusion et, le cas échéant, d’indiquer si cela est le résultat du comportement d’une ou des deux parties à la procédure.

43      En l’espèce, il résulte, en effet, du point 5 de la décision du comité de recours que, au début de l’audience, le conseil du requérant a déposé une note par laquelle « son client récusait les trois membres du [c]omité, considérant qu’ils n’étaient pas en état de rendre un jugement objectif pour la raison que, dans leur décision du 14 décembre 2007, rendue sur recours d[u requérant] contre son [rapport d’]appréciation […] 2006, ils n’avaient pas tenu compte des positions et arguments d[u requérant] et lui avaient, à l’inverse, prêté des positions et arguments qu’il n’avait pas présenté[s] ». En outre, il ressort du point 6 de la décision du comité de recours que celui-ci a pris position sur la demande de récusation du requérant et l’a implicitement rejetée en constatant que « [l]es motifs invoqués par [le requérant] constituent en vérité une contestation pure et simple de la décision […] du [c]omité de recours du 14 décembre 2007, pour la raison qu’elle n’a pas modifié l’appréciation dont [le requérant] a fait l’objet pour 2006 », que « [c]ette motivation ne peut pas justifier en soi une récusation et que « [le requérant] ayant persisté sur sa [demande de] récusation, il n’a pas été possible de poursuivre l’audience ».

44      Il en découle que le comité de recours a appliqué, de manière implicite, les dispositions du point 20 du guide de la procédure d’évaluation 2007 (voir point 42 ci-dessus). En effet, en substance, le comité de recours a considéré que, le requérant ayant insisté sur sa demande de récusation en dépit de son rejet lors de l’audience du 14 novembre 2008, il existait un obstacle permanent à la poursuite de la procédure, imputable au comportement du requérant, autorisant ledit comité à classer son recours sans décision définitive sur le fond et à verser la décision de classement à son dossier personnel. Sans qu’il soit besoin de se prononcer, en l’espèce, sur la portée exacte du contrôle que le comité de recours est tenu d’exercer à cet égard au titre du point 7 du guide de la procédure d’évaluation 2007, force est de constater que, ce faisant, le comité de recours a enlevé au requérant une instance de contrôle en lui reprochant, à tout le moins de manière implicite, l’obstruction de la procédure. Or, indépendamment de la question de savoir si ce jugement implicite constitue la raison pour laquelle ce comité a également décidé de verser sa décision du 14 novembre 2008 au dossier personnel du requérant, une telle décision fait manifestement grief au requérant, ce qui justifie son intérêt à la voir annuler. Ne serait-ce que pour cette raison, le Tribunal de la fonction publique aurait dû déclarer recevable la demande d’annulation du requérant et la traiter sur le fond. En outre, le seul fait que le comité de recours avait décidé de verser ladite décision au dossier personnel du requérant suffit pour constater que celle-ci lui fait grief et que son annulation est susceptible de lui procurer un bénéfice, même à supposer qu’elle eût été remplacée par une nouvelle décision du comité de recours, contestée par le requérant dans le cadre d’une autre affaire pendante devant le Tribunal de la fonction publique (voir point 36 ci-dessus), la BEI n’ayant pas affirmé que la première décision avait été retirée dudit dossier personnel.

45      Dès lors, il convient de conclure que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit et d’accueillir la seconde branche du présent moyen ainsi que d’annuler l’arrêt attaqué sur ce point.

 Sur le deuxième moyen, tiré du rejet illégal de la demande tendant à l’annulation des décisions de promotion comme irrecevable

46      Par le deuxième moyen, le requérant conteste la légalité du rejet par le Tribunal de la fonction publique de sa demande d’annulation des décisions de promotion. Premièrement, les règles procédurales régissant les recours devant le comité de recours et celui au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI ne prévoiraient pas de délais susceptibles de s’écouler et de forclore la contestation par le requérant. Deuxièmement, ce serait de manière trop stricte que le Tribunal de la fonction publique aurait interprété la requête déposée devant le comité de recours, une telle requête pouvant provenir directement d’un membre du personnel de la BEI ne disposant d’aucune formation juridique, comme c’est le cas en l’espèce. Troisièmement, le Tribunal de la fonction publique aurait omis d’indiquer le critère retenu pour interpréter le recours du requérant et de motiver la raison pour laquelle ce recours, en ce qu’il était dirigé contre la décision de refus de promotion, n’englobait pas nécessairement et implicitement la demande de voir annuler les décisions de promotion. Quatrièmement, en l’espèce, le délai de recours contre les décisions de promotion n’aurait pas encore commencé à courir, puisque les membres du personnel ayant obtenu la note d’évaluation C ne pourraient pas être promus. Dès lors, le délai de recours contre les décisions de promotion ne commencerait à courir que lorsque la BEI aura adapté et finalisé le rapport d’appréciation du requérant et que son intérêt « sera effectif et concret ». À l’audience, en réponse à une question orale du Tribunal, le requérant a confirmé ne pas avoir, à ce jour, intérêt à contester les décisions de promotion d’autres membres du personnel de la BEI – ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience – au motif que, en l’absence d’évaluation définitive des mérites et, partant, du caractère promouvable du requérant lors de l’exercice d’évaluation et de promotion 2007, le délai pour effectuer une telle contestation n’aurait pas encore commencé à courir.

47      Tout d’abord, la BEI rappelle que, même en l’absence d’indication explicite dans le règlement du personnel, il est de jurisprudence constante que les actes de la BEI doivent être contestés dans un délai raisonnable de trois mois, ce délai ayant été reconnu, en s’inspirant des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, afin de préserver l’équilibre entre le droit de l’intéressé à une protection juridictionnelle effective et l’exigence de sécurité juridique qui impose que, passé un certain délai, les actes adoptés par l’administration deviennent définitifs. Ensuite, la BEI souligne que, s’agissant de l’appréciation de la question de savoir si le délai de recours est expiré, le fait que le requérant ne possède pas de connaissances juridiques particulières est dépourvu de pertinence. La BEI conteste l’argument selon lequel le recours du requérant aurait également visé à contester implicitement les décisions de promotion, ce qui reviendrait à une extension arbitraire de l’objet dudit recours. Enfin, la BEI relève que la date pertinente pour calculer le délai de recours est celle du jour où l’intéressé a pris connaissance de l’acte en question. En l’espèce, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a correctement constaté au point 139 de l’arrêt attaqué, ce serait le 9 octobre 2008, indépendamment du fait que le rapport d’appréciation 2007 ait été ensuite annulé par l’arrêt attaqué.

48      Le Tribunal relève que le requérant ne conteste ni avoir eu, lors du dépôt de son recours devant le comité de recours, le 9 octobre 2008, connaissance des décisions de promotion qui sont intervenues le 29 avril 2008, ni le constat du Tribunal de la fonction publique, exposé au point 139 de l’arrêt attaqué, selon lequel cette connaissance pouvait être déduite de sa référence, dans ledit recours, à son absence de promotion au titre de l’année 2007. En outre, ainsi que le constate, en substance, le Tribunal de la fonction publique au point 140 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de son recours déposé devant le comité de recours, le requérant n’avait pas remis en cause les décisions de promotion d’autres membres du personnel de la BEI, mais tout au plus, de manière vague, le refus de sa propre promotion, son recours visant à contester principalement son rapport d’appréciation 2007. Par ailleurs, dans sa demande du 1er avril 2009 de saisine de la commission de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, le requérant a également omis de se référer auxdites décisions de promotion.

49      Ainsi qu’il a été jugé, en substance, par la Cour dans son arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX-II, non encore publié au Recueil, points 25 à 46), sur lequel les parties avaient l’occasion de se prononcer à l’audience, lorsque la durée d’une procédure n’est pas fixée par une disposition du droit de l’Union, le caractère « raisonnable » du délai pris par l’institution pour adopter l’acte en cause devait être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence. Ainsi, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque cas d’espèce en fonction des circonstances de la cause. Par ailleurs, eu égard à l’impératif de cohérence, il convient d’appliquer la notion de « délai raisonnable » de la même manière lorsqu’elle concerne un recours ou une demande dont aucune disposition du droit de l’Union n’a prévu le délai dans lequel ce recours ou cette demande doivent être introduits. Dans les deux cas, le juge de l’Union est tenu de prendre en considération les circonstances propres de l’espèce.

50      S’agissant plus précisément de l’application de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, la Cour a considéré, au point 39 dudit arrêt, que cette disposition ne fixait pas un délai de recours, mais se limitait à énoncer la compétence du juge de l’Union pour statuer sur les litiges entre la BEI et ses agents, de sorte que ce dernier se trouve, dans le silence dudit règlement, dans l’obligation d’appliquer la notion de délai raisonnable. Elle a précisé que cette notion, qui suppose de prendre en compte toutes les circonstances du cas d’espèce, ne pouvait donc être entendue comme un délai de forclusion spécifique et que, partant, le délai de trois mois prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires ne pouvait s’appliquer par analogie en tant que délai de forclusion aux agents de la BEI lorsqu’ils introduisent un recours en annulation à l’encontre d’un acte émanant de cette dernière qui leur fait grief.

51      En outre, eu égard au principe de protection juridictionnelle effective, en tant que principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), la Cour a jugé, en substance, aux points 40 à 45 de son arrêt, que, dans un cas où le délai de recours des agents de la BEI contre les actes leur faisant grief n’a pas été fixé préalablement par une règle du droit de l’Union, ni limité conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, il est constant que les agents concernés, eu égard à la jurisprudence de la Cour relative à l’application de la notion de « délai raisonnable », sont en droit de s’attendre non pas à ce que le juge de l’Union oppose un délai préfix de forclusion à leur recours, mais à ce qu’il se borne à appliquer les critères reconnus par cette jurisprudence pour juger de la recevabilité de celui-ci. Or, selon la Cour, une telle dénaturation de la notion de délai raisonnable par l’imposition d’un tel délai préfix placerait lesdits agents dans l’impossibilité de défendre leurs droits au moyen d’un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.

52      Il en résulte que c’est de manière erronée que le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, notamment aux points 137 et 140 de l’arrêt attaqué, que, indépendamment des circonstances du cas d’espèce, le délai raisonnable pour saisir la commission de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI devait être de trois mois. Néanmoins, il y a lieu de tenir compte du fait que, d’une part, le requérant avait contesté son rapport d’appréciation 2007 conjointement avec la décision de refus de sa propre promotion et, d’autre part, entre le 9 octobre 2008, date de la connaissance avérée par le requérant des décisions de promotion (point 139 de l’arrêt attaqué), et le 13 juin 2009, date de l’introduction de la requête de première instance, s’est écoulé un délai de plus de huit mois, sans que le requérant ait saisi les instances internes de la BEI desdites décisions ou ait valablement justifié cette omission. En effet, même compte tenu des circonstances du cas d’espèce, telles que constatées par le Tribunal de la fonction publique, en particulier de l’enjeu du litige pour le requérant, de la complexité du litige, et du comportement respectif des parties, un délai de huit mois doit être considéré comme étant manifestement déraisonnable. Même à qualifier l’enjeu dudit litige de particulièrement important pour le requérant en raison de la très longue période durant laquelle il attend une promotion et même à reconnaître un manque de sollicitude de la BEI à son encontre, force est de constater que le requérant, même sans formation juridique et sans l’appui initial d’un conseil, était pleinement en mesure de contester, dans un délai beaucoup plus bref que huit mois, les décisions de promotion des autres membres du personnel de la BEI. Or, dans ces circonstances, le Tribunal de la fonction publique était fondé à considérer, aux points 138 et 140 de l’arrêt attaqué, que, ce faisant, le requérant n’avait pas respecté un délai raisonnable pour contester la légalité des décisions de promotion lui faisant prétendument grief.

53      Il importe de préciser en outre que l’argumentation du requérant à cet égard est intrinsèquement contradictoire, en ce qu’il prétend n’avoir aucun intérêt né et actuel à contester lesdites décisions. Au demeurant, s’agissant du début de ce délai raisonnable, le requérant ne saurait se prévaloir ni de la fin de la procédure devant le comité de recours ni de celle de la procédure devant la commission de conciliation, ces procédures n’ayant pas eu pour objet la contestation des décisions de promotion. Enfin, c’est à tort que le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir procédé à une interprétation excessivement restrictive de la portée de son recours déposé devant le comité de recours. Au contraire, le Tribunal de la fonction publique en a fait une interprétation favorable en considérant que ledit recours couvrait également, de manière implicite, la contestation du refus de promotion du requérant.

54      Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les troisième et quatrième moyens, tirés respectivement du rejet illégal de la demande de constater l’existence d’un harcèlement moral à l’égard du requérant et d’y mettre fin comme irrecevable ainsi que du rejet illégal des demandes tendant à condamner la BEI à mettre fin audit harcèlement moral et à réparer les préjudices en résultant comme irrecevables

–       Sur la portée des troisième et quatrième moyens

55      Le Tribunal considère que, étant donné que les troisième et quatrième moyens se confondent en ce qu’ils contestent le rejet comme irrecevable de la demande du requérant de constater un prétendu harcèlement moral à son détriment et d’y mettre fin, il convient de les apprécier conjointement.

56      Dans le cadre du troisième moyen, le requérant rappelle, en substance, avoir demandé au Tribunal de la fonction publique de constater le harcèlement moral résultant de l’ensemble des faits vexatoires imputables à la BEI qu’il a subis depuis 18 ans. En déclarant irrecevables les conclusions visant à imputer à la BEI la responsabilité desdits faits, le Tribunal de la fonction publique aurait soit commis une erreur de droit, soit méconnu le fait que l’article 41 du règlement du personnel de la BEI lui attribue la compétence pour connaître de tous les litiges opposant la BEI aux membres de son personnel. En effet, en se fondant, aux points 150 et 151 de l’arrêt attaqué, sur l’interdiction pour le juge de l’Union de faire des constatations de principe ou d’adresser des injonctions à la BEI, le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé les conclusions du requérant qui visaient, au contraire, d’une part, à faire constater les « abus » commis par certains membres du personnel à son égard et si ces « vexations », subies par lui au cours des 18 dernières années, considérées dans leur ensemble, constituaient un harcèlement moral et, d’autre part, à imputer à la BEI la responsabilité de ce comportement. Le requérant n’aurait donc demandé ni une déclaration de principe ni une injonction à l’égard de la BEI.

57      Le requérant conteste également la légalité de l’appréciation exposée aux points 152 et suivants de l’arrêt attaqué, en ce qu’elle porte sur la question de savoir si les conclusions du requérant peuvent être interprétées comme tendant à l’annulation d’une décision de refus d’assistance et les rejette ensuite au motif que la demande d’assistance du 14 avril 2009 n’avait pas fait l’objet d’un refus exprès ou implicite de la BEI. À cet égard, il précise, en substance, que le Tribunal de la fonction publique n’était pas autorisé à appliquer au personnel de la BEI des règles autres que celles expressément prévues par sa réglementation interne. Le Tribunal de la fonction publique aurait procédé à une analogie interdite par rapport aux règles du statut des fonctionnaires en méconnaissant que, par l’article 41 de son règlement du personnel, la BEI a adopté, dans l’exercice de son pouvoir autonome d’organisation interne, une réglementation complète des conditions dans lesquelles les membres de son personnel peuvent saisir le juge de l’Union. Or, ledit article prévoirait expressément que le recours interne n’est que facultatif et non une condition préalable à la saisine de ce juge, et, dans le silence de la réglementation interne de la BEI, ce principe s’appliquerait de la même manière à toutes les autres procédures internes semblables à celle prévue par cette disposition. L’interdiction d’analogie par rapport aux règles du statut des fonctionnaires serait corroborée par le fait que les actes adoptés par la BEI à l’égard d’un membre de son personnel ne sont pas des actes administratifs, mais des mesures relevant des normes régissant les relations contractuelles entre particuliers. Dès lors, en l’espèce, le juge se serait substitué au législateur pour déformer la réglementation en vigueur et porter atteinte aux droits du travailleur.

58      À titre subsidiaire, le requérant confirme avoir présenté une demande d’assistance le 15 avril 2009, qui aurait été précédée par une autre demande du 27 mars 2009. En outre, il aurait soumis une demande analogue dans sa requête dans l’affaire F‑55/08 (point 53), de sorte que, le 25 juin 2009, date de la signification du présent recours à la BEI (point 113 de l’arrêt attaqué), celle-ci aurait eu connaissance de sa demande d’assistance (point 152 de l’arrêt attaqué), à laquelle elle n’aurait jamais répondu. En tout état de cause, la procédure dite « dignité au travail » ne serait pas obligatoire, de sorte que, conformément à l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, un membre du personnel pourrait saisir directement le juge de l’Union, sans demander au préalable l’ouverture de ladite procédure ou attendre son résultat. Même à supposer qu’une telle demande soit nécessaire, le requérant estime avoir rempli cette condition en ayant présenté sa première demande d’assistance en 2008, à savoir par la signification de son recours dans l’affaire F‑55/08, la deuxième le 27 mars 2009 et la troisième le 15 avril 2009, qui sont toutes restées sans réponse de la BEI.

59      Par son quatrième moyen, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique, d’une part, d’avoir illégalement omis de se prononcer sur sa demande tendant à condamner la BEI à mettre fin au harcèlement moral à son détriment. D’autre part, le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé la demande indemnitaire du requérant en la qualifiant de demande « tendant à la réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont il aurait été victime », bien qu’il se soit agi de « préjudices identifiés avec précision et consécutifs à un comportement illégal de l’employeur, quelle que soit la qualification de ce comportement qui sera retenue à l’issue de la demande tendant à ce que les comportements soient appréciés dans leur ensemble ». Par ailleurs, ce serait à tort que le Tribunal de la fonction publique a rejeté cette demande « en l’absence de demande indemnitaire et de tout acte faisant grief » auquel il serait possible de rattacher des conclusions indemnitaires. Selon le requérant, le rejet des demandes susmentionnées comme irrecevables est illégal pour deux raisons. D’une part, la relation de travail faisant l’objet du présent litige aurait un caractère de droit privé, de sorte que le statut des fonctionnaires serait inapplicable en l’espèce. D’autre part, le requérant aurait demandé la réparation des préjudices résultant de comportements illégaux précis engageant la responsabilité de la BEI, permettant ainsi de faire abstraction de l’existence éventuelle d’un acte spécifique – en tout cas non administratif – pour pouvoir les prendre en considération, ce qui serait confirmé par la jurisprudence des juridictions italiennes en matière de fonction publique.

60      La BEI conteste les arguments du requérant et conclut au rejet des troisième et quatrième moyens.

61      Dans le cadre de sa défense contre le quatrième moyen, la BEI relève que la demande tendant à la condamner à mettre fin au harcèlement moral du requérant présuppose nécessairement de vérifier l’existence d’un tel harcèlement. Ainsi, la vérification préalable et la condamnation subséquente feraient en réalité l’objet d’une seule et même demande. Dès lors, le Tribunal de la fonction publique aurait pu prendre en considération ces aspects conjointement, ce qu’il aurait fait au point 151 de l’arrêt attaqué. S’agissant de la demande en réparation, la BEI reconnaît que la requête de première instance concernait essentiellement des préjudices allégués résultant du prétendu harcèlement moral subi. Toutefois, quelle que soit la qualification dudit comportement de la BEI, celle-ci n’aurait pas pour effet de modifier le dispositif de l’arrêt attaqué qui, en s’appuyant sur l’arrêt du 30 novembre 2009, point 40 supra, aurait constaté que la demande en réparation n’était pas dirigée contre un acte adopté par l’administration pour rejeter les demandes de réparation du requérant (point 157 de l’arrêt attaqué). Par ailleurs, selon la BEI, à supposer même qu’une telle demande en réparation puisse faire l’objet d’une appréciation du juge, il n’en demeure pas moins que, avant que le juge en soit saisi, l’administration doit s’être prononcée sur les allégations du requérant et doit avoir ainsi adopté un acte faisant grief.

62      À l’audience, la BEI, d’une part, a fait valoir, en substance, que, à la suite du prononcé de l’arrêt attaqué, le prétendu harcèlement moral du requérant a fait l’objet d’une procédure interne de dignité sur le lieu de travail, entamée par le requérant et dont la décision finale a été contestée par celui-ci dans le cadre de l’affaire F‑52/11, d’autre part, a demandé au Tribunal de clarifier, s’agissant de la demande indemnitaire du requérant fondée sur ledit prétendu harcèlement moral, le lien existant entre les points 80 et 102 de l’arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra.

–       Sur la légalité du rejet comme irrecevable de la demande de constater un harcèlement moral du requérant et d’y mettre fin

63      S’agissant de la contestation principale par le requérant, dans le cadre du troisième moyen, de la légalité des motifs exposés aux points 150 et 151 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que le Tribunal de la fonction publique a jugé à bon droit qu’il n’appartenait pas au juge de l’Union de faire des constatations de principe ou d’adresser des injonctions à l’administration (voir arrêts du Tribunal du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, RecFP p. I‑A‑365 et II‑1671, point 136, et du 16 mai 2006, Magone/Commission, T‑73/05, RecFP p. I‑A‑2–107 et II‑A‑2‑485, point 15, et la jurisprudence qui y est citée), et ce indépendamment de la formulation précise de cette demande, dont le requérant prétend qu’elle aurait été dénaturée (voir point 56 ci-dessus). À l’audience, le requérant a pour partie reconnu la pertinence de cette jurisprudence et a renoncé à ses griefs dans la mesure où ils visent le rejet de la demande adressée au Tribunal de la fonction publique d’enjoindre à la BEI de faire cesser un prétendu harcèlement moral à son détriment, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

64      Dès lors, sans préjudice de l’appréciation des autres branches des troisième et quatrième moyens, en tant que le requérant avait demandé au Tribunal de la fonction publique, dans le cadre de ses troisième et quatrième chefs de conclusions de sa requête de première instance, de constater un harcèlement moral à son détriment et d’y mettre fin, ledit Tribunal était fondé à rejeter ces demandes comme irrecevables en invoquant la jurisprudence citée au point 63 ci-dessus.

65      Par conséquent, la branche principale du troisième moyen doit être rejetée comme non fondée. Il en va de même du quatrième moyen dans la mesure où celui-ci comporte un grief analogue du requérant.

–       Sur la légalité de la déclaration d’incompétence pour connaître des conclusions tendant à l’annulation d’une décision de refus d’assistance

66      S’agissant de la contestation, dans le cadre du troisième moyen, de l’appréciation subsidiaire exposée aux points 152 à 156 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que cette contestation n’est pas de nature à remettre en cause la légalité du rejet comme irrecevable de la demande de constater un harcèlement moral et d’y mettre fin (voir point 64 ci-dessus). En effet, les appréciations du Tribunal de la fonction publique portant sur une éventuelle demande d’annulation d’une décision de refus d’assistance de la BEI, formulées à titre purement surabondant, ne viennent pas au soutien du dispositif de l’arrêt attaqué et ne produisent donc pas d’effets juridiques autonomes qui seraient susceptibles d’annulation (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 9 décembre 2009, Marcuccio/Commission, C‑528/08 P, non publiée au Recueil, point 51). Dès lors, sans préjudice de l’appréciation des autres griefs du quatrième moyen (voir points 68 à 75 ci-après), dans le cadre du troisième moyen, il n’y a pas lieu d’examiner si le Tribunal de la fonction publique a méconnu, par son raisonnement par analogie par rapport aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, tel qu’exposé aux points 154 et 155 de l’arrêt attaqué, les principes jurisprudentiels visés au point 49 ci-dessus et reconnus dans l’arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra (points 74 à 80).

67      Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé dans sa totalité.

–       Sur la légalité du rejet comme irrecevable de la demande du requérant de réparer les préjudices résultant d’un prétendu harcèlement moral à son détriment

68      En revanche, dans la mesure où, dans le cadre du quatrième moyen, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir illégalement rejeté, au point 157 de l’arrêt attaqué, pour incompétence ou, en tout état de cause, comme irrecevable sa demande indemnitaire, la BEI a reconnu à l’audience que ledit moyen était susceptible de recevoir la même réponse que le moyen analogue soulevé par le requérant dans l’affaire T‑37/10 P, auquel le Tribunal avait répondu dans son arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra (points 74 à 80). La BEI a néanmoins souligné, en substance, qu’il existerait une tension avec le point 102 dudit arrêt, dans lequel le Tribunal n’aurait pas remis en cause les points 252 à 259 de l’arrêt du 30 novembre 2009, point 40 supra, alors même que le Tribunal de la fonction publique y aurait exigé l’existence d’une demande préalable du requérant adressée à la BEI tendant à ce qu’elle prenne position sur ses demandes indemnitaires et adopte un acte à ce sujet.

69      À cet égard, il convient de relever que, faute de réglementation interne pertinente à cet effet au sein de la BEI, le Tribunal de la fonction publique n’était pas en droit de faire dépendre sa compétence ou la recevabilité d’une demande indemnitaire dont il était saisi de « l’absence de demande indemnitaire et de tout acte faisant grief auquel il serait possible de rattacher les conclusions indemnitaires » (voir point 157 de l’arrêt attaqué). En effet, la seule réglementation pertinente dans ce contexte est celle prévue à l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, selon laquelle, en substance, tout différend entre la BEI et les membres de son personnel est susceptible d’un recours juridictionnel devant le juge de l’Union, étant précisé qu’un tel recours peut être précédé « d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque, et ce indépendamment de l’action introduite devant la Cour ».

70      Ainsi que le Tribunal l’a rappelé dans l’arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra (point 75), il ressort clairement de cet article, qui prévoit une procédure de conciliation se déroulant indépendamment du recours formé devant la Cour, que la recevabilité d’un tel recours n’est nullement subordonnée à l’épuisement de cette procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 96). En outre, si le Tribunal a, certes, relevé une lacune importante dans le régime contentieux de la BEI en ce qu’il ne prévoit pas de délai de recours spécifique, il a également souligné le caractère particulier de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI et de la procédure facultative qui y est prévue ainsi que sa différence par rapport à la procédure précontentieuse obligatoire prévue par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires. En effet, la circonstance que le règlement du personnel de la BEI, qui définit les voies de recours administratives, ne prévoit pas, à la différence desdits articles, de procédure précontentieuse obligatoire, fait obstacle à une transposition pure et simple du régime contentieux statutaire, même modulée par une application souple de ce régime en vue d’assurer la sécurité juridique, eu égard à l’incertitude s’attachant aux conditions de recevabilité des recours du personnel de la BEI (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, De Nicola, précité, points 97 à 101).

71      Ces principes ont été confirmés dans l’arrêt du Tribunal du 17 juin 2003, Seiller/BEI (T‑385/00, RecFP p. I‑A‑161 et II‑801, points 50 à 52, 65 et 73). Dans cet arrêt, le Tribunal a, notamment, rappelé que la jurisprudence subordonnant la recevabilité de recours introduits par des fonctionnaires contre leur institution d’emploi à la condition du déroulement régulier et complet de la procédure administrative préalable prévue par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires n’était pas transposable au règlement du personnel de la BEI, qui ne contenait aucune disposition imposant une procédure de conciliation en préalable à un recours contentieux. En effet, si l’article 41 du règlement du personnel de la BEI se réfère à une procédure de règlement amiable en énonçant que « [l]es différends […] font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la B[EI] », c’est en précisant immédiatement qu’une telle procédure se déroule « indépendamment de l’action introduite » devant la juridiction de l’Union (voir arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra, point 76).

72      Il s’ensuit que le règlement du personnel de la BEI et, en particulier, son article 41 constituent une réglementation interne, en principe complète, de la BEI, dont la nature et la ratio legis sont très différentes de celles du statut des fonctionnaires, y compris de ses articles 90 et 91. Par conséquent, l’existence même de cette réglementation interne interdit de procéder à des analogies strictes par rapport audit statut (voir, en ce sens, arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, point 49 supra, point 39). Ainsi, il est impossible de procéder à une interprétation contra legem des conditions régissant la procédure interne facultative de règlement amiable prévue à l’article 41 du règlement du personnel de la BEI pour la convertir en une procédure obligatoire, à l’instar de celle visée aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires. En effet, à cet égard, l’article 41 dudit règlement du personnel de la BEI ne souffre précisément pas de lacunes devant être comblées par d’autres règles pour satisfaire aux exigences découlant des principes supérieurs de droit, tels que le principe de protection juridictionnelle effective, qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, et le principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra, point 77). En l’espèce, au contraire, le respect du principe de protection juridictionnelle effective au sens de l’article 47 de ladite charte ne peut être remis en doute, dès lors que l’article 41 du règlement du personnel de la BEI préserve l’accès direct d’un membre dudit personnel au juge de l’Union.

73      C’est dès lors de manière erronée que, au point 157 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique s’est référé à l’arrêt du 30 novembre 2009, point 40 supra, points 239 et 242, qui avait été annulé à cet égard par l’arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra, notamment pour les motifs exposés ci-dessus (voir points 74 à 80 dudit arrêt). Dans ce contexte, la BEI ne saurait faire valoir une tension entre ces motifs d’annulation, d’une part, et le point 102 du même arrêt, d’autre part, dans la mesure où celui-ci ne remettait pas en cause les points 252 à 259 de l’arrêt du 30 novembre 2009, point 40 supra (voir point 68 ci-dessus). En effet, l’absence de remise en cause du raisonnement exposé auxdits points 252 à 259 résultait du seul fait que, dans l’arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra, le Tribunal n’était pas saisi de la contestation de la légalité au fond de ce raisonnement, puisqu’il avait rejeté comme irrecevable le moyen tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique avait rejeté la demande indemnitaire (voir points 93 à 96 dudit arrêt).

74      Il convient de conclure de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit analogue à celle commise dans l’arrêt du 30 novembre 2009, point 40 supra.

75      Par conséquent, le quatrième moyen doit être accueilli dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté, par erreur, pour incompétence ou, en tout état de cause, comme irrecevable la demande indemnitaire du requérant.

76      Dès lors, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué sur ce point, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et arguments avancés par les parties dans ce contexte.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit viciant la décision sur les dépens

77      Dans le cadre de son cinquième moyen, le requérant demande au Tribunal de faire droit à sa demande de voir condamner la BEI aux dépens, la décision du Tribunal de la fonction publique lui imposant de supporter une partie des dépens étant « excessivement pénalisante ». La BEI conclut au rejet du présent moyen.

78      À cet égard, le Tribunal considère que, compte tenu du fait qu’il convient d’annuler partiellement l’arrêt attaqué (voir points 45 et 76 ci-dessus), de renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique et de réserver la décision sur les dépens (voir points 85 à 89 ci-après), le présent moyen a perdu son objet et il n’y a plus lieu de se prononcer à cet égard.

 Sur le sixième moyen, tiré du défaut d’examen par le Tribunal de la fonction publique des demandes de mesures d’instruction

79      Dans le cadre de son sixième moyen, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis d’examiner ses demandes de mesures d’instruction. La BEI conclut au rejet du présent moyen.

80      Le Tribunal rappelle que, ainsi qu’il l’a déjà jugé dans l’arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra (points 97 à 101) concernant un moyen analogue du requérant, il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour que le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant celui-ci portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par ce dernier (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 mars 2000, Parlement/Bieber, C‑284/98 P, Rec. p. I‑1527, point 30 ; ordonnances de la Cour du 10 mai 2001, FNAB e.a./Conseil, C‑345/00 P, Rec. p. I‑3811, point 28, et du 9 novembre 2007, Lavagnoli/Commission, C‑74/07 P, non publiée au Recueil, point 20). Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge de pourvoi (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 2 octobre 2001, BEI/Hautem, C‑449/99 P, Rec. p. I‑6733, point 44, et du 5 juin 2003, O’Hannrachain/Parlement, C‑121/01 P, Rec. p. I‑5539, point 35 ; ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L/Commission, C‑230/05 P, non publiée au Recueil, point 45).

81      À plus forte raison, aux fins de cette appréciation des faits et des preuves, il incombe au seul juge de première instance de décider si et dans quelle mesure il est nécessaire de procéder à des mesures d’organisation de la procédure ou à des mesures d’instruction. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi et de choisir les mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction aptes à cet effet (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 319, et ordonnance de la Cour du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission, C‑498/09 P, non publiée au Recueil, point 138).

82      En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a estimé ne pas devoir donner suite aux demandes de mesures d’instruction du requérant, dès lors qu’il a annulé le rapport d’appréciation 2007 auquel ces mesures se réfèrent (point 196 de l’arrêt attaqué). Il en résulte que le juge de première instance a considéré que ces mesures d’instruction ne présentaient pas ou plus d’utilité pour la solution du litige, appréciation qui échappe à la compétence du juge de pourvoi. Par ailleurs, le requérant n’avance aucun argument susceptible de faire apparaître que, à cet égard, le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit.

83      Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable.

84      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir pour partie le pourvoi principal et d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il est vicié par les erreurs de droit constatées aux points 45 et 75 ci-dessus.

 Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique

85      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique et statue lui-même sur le litige. Toutefois, il renvoie l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue lorsque le litige n’est pas en état d’être jugé.

86      Eu égard aux considérations développées aux points 37 à 45 et 68 à 75 ci-dessus, il y a lieu de constater que le présent litige n’est pas en état d’être jugé par le Tribunal.

87      D’une part, s’agissant de l’erreur de droit constatée au point 45 ci-dessus, il suffit de relever que le Tribunal n’est pas compétent pour apprécier les faits, et ce d’autant moins lorsqu’ils ne ressortent pas du dossier de première instance et exigent une instruction supplémentaire, ce qui incombe au seul juge de première instance (voir la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus). Or, il incombe au Tribunal de la fonction publique d’apprécier, sur la base de tous les éléments de fait pertinents, le bien-fondé du rejet par le comité de recours de la demande de récusation et en particulier la question de savoir si les membres dudit comité satisfaisaient aux exigences d’impartialité au titre du point 5 du guide de la procédure d’évaluation 2007. Dans ce contexte, il lui appartiendra de vérifier, notamment, le bien-fondé des griefs avancés par le requérant quant à la prétendue attribution à celui-ci de prises de position ne correspondant pas à la réalité et si ses droits de la défense devant le comité de recours ont été respectés. Enfin, au cas où le juge de première instance serait amené à conclure à l’existence d’indices suffisants pour constater la partialité de certains membres du comité de recours ou une violation des droits de la défense du requérant, la décision du comité de recours serait susceptible d’annulation pour avoir rejeté la demande de récusation et avoir décidé de verser cette décision au dossier personnel du requérant.

88      D’autre part, s’agissant de l’erreur de droit relevée au point 75 ci-dessus, il importe de préciser que, à l’instar de la situation à l’origine de l’arrêt du 27 avril 2012, point 15 supra (point 105), dans la mesure où les conclusions avancées par le requérant en première instance tendaient à obtenir la réparation des préjudices prétendument causés par les différents comportements illégaux allégués (voir point 157 de l’arrêt attaqué), le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné si la demande indemnitaire en cause était susceptible de se heurter, s’agissant de chacun de ces comportements et préjudices, au principe général du délai raisonnable (voir arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, point 49 supra, points 25 et suivants) ou, par analogie, au délai de prescription de cinq ans prévu en matière d’action en responsabilité non contractuelle par l’article 46 du statut de la Cour (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 18 juillet 2011, Marcuccio/Commission, T‑450/10 P, non encore publiée au Recueil, points 26 à 29), sans préjudice de la question de savoir si, entre-temps, comme l’a fait valoir la BEI à l’audience, d’autres procédures internes ayant pour objet le prétendu harcèlement moral du requérant ont été conduites et/ou terminées et si celui-ci a contesté en justice les décisions issues desdites procédures.

89      Dès lors, l’affaire n’est pas en état d’être jugée et il y a lieu de la renvoyer devant le Tribunal de la fonction publique, afin qu’il statue de nouveau sur celle-ci, et de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 8 mars 2011, De Nicola/BEI (F‑59/09), est annulé, en ce qu’il rejette, d’une part, les conclusions de M. Carlo De Nicola tendant à l’annulation de la décision du comité de recours de la Banque européenne d’investissement (BEI) et, d’autre part, ses conclusions tendant à la réparation des préjudices allégués au titre du harcèlement que la BEI aurait exercé à son égard.

2)      Le pourvoi principal est rejeté pour le surplus.

3)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique.

4)      Les dépens sont réservés.

Jaeger

Azizi

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

Sur les pourvois principal et incident

1.  Procédure et conclusions des parties

2.  En droit

Sur le pourvoi principal

Résumé des moyens et des griefs du pourvoi principal

Sur le premier moyen, tiré de l’omission illégale du Tribunal de la fonction publique, d’une part, de se prononcer sur la demande d’annulation de la note de service du 22 septembre 2008 et, d’autre part, de se prononcer sur certains vices entachant la décision du comité de recours et de l’annuler

–  Sur la première branche, tirée de l’omission illégale du Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur sa demande de voir annuler la note de service du 22 septembre 2008

–  Sur la seconde branche, tirée de l’omission du Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur certains vices entachant la décision du comité de recours et de l’annuler

Sur le deuxième moyen, tiré du rejet illégal de la demande tendant à l’annulation des décisions de promotion comme irrecevable

Sur les troisième et quatrième moyens, tirés respectivement du rejet illégal de la demande de constater l’existence d’un harcèlement moral à l’égard du requérant et d’y mettre fin comme irrecevable ainsi que du rejet illégal des demandes tendant à condamner la BEI à mettre fin audit harcèlement moral et à réparer les préjudices en résultant comme irrecevables

–  Sur la portée des troisième et quatrième moyens

–  Sur la légalité du rejet comme irrecevable de la demande de constater un harcèlement moral du requérant et d’y mettre fin

–  Sur la légalité de la déclaration d’incompétence pour connaître des conclusions tendant à l’annulation d’une décision de refus d’assistance

–  Sur la légalité du rejet comme irrecevable de la demande du requérant de réparer les préjudices résultant d’un prétendu harcèlement moral à son détriment

Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit viciant la décision sur les dépens

Sur le sixième moyen, tiré du défaut d’examen par le Tribunal de la fonction publique des demandes de mesures d’instruction

Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique


* Langue de procédure : l’italien.