Language of document : ECLI:EU:T:2021:638

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

29 septembre 2021 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des prix dans l’ensemble de l’EEE – Pratique concertée – Échanges d’informations commerciales sensibles – Compétence territoriale de la Commission – Droits de la défense et droit d’être entendu – Intangibilité de l’acte – Infraction unique et continue – Restriction de concurrence par objet – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Valeur des ventes – Obligation de motivation – Proportionnalité – Égalité de traitement – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑363/18,

Nippon Chemi-Con Corporation, établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes H.-J. Niemeyer, M. Röhrig, I.-L. Stoicescu et P. Neideck, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes A. Cleenewerck de Crayencour, B. Ernst, M. T. Franchoo, Mmes C. Sjödin et L. Wildpanner, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2018) 1768 final de la Commission, du 21 mars 2018, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs), en tant qu’elle concerne la requérante et, à titre subsidiaire, à l’annulation de l’amende qui lui a été infligée par ladite décision ou à la réduction de son montant,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. D. Gratsias, Mme M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Requérante et secteur concerné

1        La requérante, Nippon Chemi-Con Corporation, est une société établie au Japon, qui fabrique et vend des condensateurs électrolytiques à l’aluminium. Elle a également fabriqué des condensateurs électrolytiques au tantale jusqu’en mars 2005 et en a vendu jusqu’en janvier 2011, avec des ventes directes, facturées dans l’Espace économique européen (EEE), jusqu’en février 2005. La requérante possède 100 % des parts d’Europe Chemi‑Con (Deutschland) GmbH, une société de droit allemand, ainsi que 100 % des parts d’United Chemi-Con, une société de droit des États-Unis (ci‑après, respectivement, « Europe Chemi‑Con » et « United Chemi-Con » et, prises avec la requérante, le « groupe Nippon Chemi-Con »).

2        L’infraction en cause concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. Les condensateurs sont des composants électriques qui stockent de l’énergie de manière électrostatique dans un champ électrique. Les condensateurs électrolytiques sont utilisés dans presque tous les produits électroniques, tels que des ordinateurs personnels, des tablettes, des téléphones, des climatiseurs, des réfrigérateurs, des lave-linges, des produits automobiles et des appareils industriels. La clientèle est donc très diversifiée. Les condensateurs électrolytiques, et plus précisément les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, sont des produits dont le prix constitue un paramètre concurrentiel important.

B.      Procédure administrative

3        Le 4 octobre 2013, Panasonic et ses filiales ont saisi la Commission européenne d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre des paragraphes 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), en fournissant des informations sur l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des condensateurs électrolytiques.

4        Le 28 mars 2014, la Commission a, au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), demandé des renseignements à plusieurs entreprises opérant dans le secteur des condensateurs électrolytiques, dont la requérante.

5        Du 3 au 6 mars 2015, la Commission a effectué des inspections au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 dans les locaux d’Europe Chemi-Con.

6        Le 4 novembre 2015, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée notamment à la requérante.

7        Entre le 12 novembre et le 17 décembre 2015, les destinataires de la communication des griefs ont eu accès à la majeure partie du dossier par le biais d’un « DVD d’accès au dossier ».

8        À la suite de demandes d’accès, introduites par plusieurs destinataires de la communication des griefs, portant sur les noms des clients expurgés de la communication des griefs du 4 novembre 2015, la Commission a mis à la disposition deux nouveaux DVD comportant les noms des clients occultés, dont la requérante a pris connaissance le 7 mars et le 27 avril 2016.

9        Le 4 mai 2016, la Commission a envoyé une lettre d’exposé des faits concernant certains éléments de la communication des griefs aux destinataires de celle-ci (ci-après la « lettre d’exposé des faits »), à laquelle était annexée une nouvelle version non expurgée de la communication des griefs du 4 novembre 2015 et de son annexe 1, et leur a fixé un délai de deux semaines pour répondre, prolongé jusqu’au 20 mai 2016.

10      Le 20 mai 2016, la requérante a présenté une réponse à la communication des griefs ainsi qu’à la lettre d’exposé des faits.

11      Les destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, ont été entendus par la Commission lors de l’audition ayant eu lieu du 12 au 14 septembre 2016.

C.      Décision attaquée

12      Le 21 mars 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 1768 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs) (ci-après la « décision attaquée »).

1.      Infraction

13      Par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE dans le secteur des condensateurs électrolytiques, à laquelle neuf entreprises ou groupes d’entreprises, à savoir Elna, Hitachi AIC, Holy Stone, Matsuo, NEC Tokin, Nichicon, Rubycon, Sanyo (désignant Sanyo et Panasonic ensemble) et la requérante ont participé (ci-après, pris ensemble, les « participants à l’entente ») (considérant 1 et article 1erde la décision attaquée).

14      La Commission a relevé, en substance, que l’infraction en cause s’était déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et avait consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (considérant 1 de la décision attaquée).

15      L’entente était essentiellement organisée au moyen de réunions multilatérales, qui se tenaient généralement au Japon, tous les mois ou un mois sur deux, au niveau des cadres supérieurs de vente, et tous les six mois, au niveau des dirigeants, y compris des présidents (considérants 63, 68 et 738 de la décision attaquée).

16      Les réunions multilatérales ont été, tout d’abord, organisées, entre 1998 et 2003, sous le nom de « cercle du/des condensateurs électrolytiques » ou de « conférence des condensateurs électrolytiques » (ci-après les « réunions ECC »). Elles ont été, ensuite, organisées, entre 2003 et 2005, sous le nom de « conférence aluminium-tantale » ou « groupe des condensateurs à l’aluminium ou au tantale » (ci-après les « réunions ATC »). Elles ont été, enfin, organisées, entre 2005 et 2012, sous le nom de « groupe d’étude de marché » ou « groupe de marketing » (ci-après les « réunions MK »). Parallèlement aux réunions MK, et en complément de celles-ci, des réunions « augmentation des coûts » ou « augmentation des condensateurs » (ci-après les « réunions CUP »), ont été organisées, entre 2006 et 2008 (considérant 69 de la décision attaquée).

17      Outre ces réunions multilatérales, les participants à l’entente avaient également, selon les besoins, des contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc (considérants 63, 75 et 739 de la décision attaquée) (ci-après, pris ensemble, les « contacts anticoncurrentiels »).

18      Dans le cadre des contacts anticoncurrentiels, les participants à l’entente, en substance, échangeaient des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, et, dans certains cas, concluaient, appliquaient et suivaient des accords sur les prix (considérants 62, 715, 732 et 741 de la décision attaquée).

19      La Commission a considéré que le comportement des participants à l’entente constituait une forme d’accord et/ou de pratique concertée, qui visait un objectif commun, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 726 et 731 de la décision attaquée).

20      La Commission a conclu que ce comportement avait un objet anticoncurrentiel unique (considérant 743 de la décision attaquée).

2.      Responsabilité de la requérante

21      La Commission a retenu la responsabilité de la requérante en raison de sa participation directe à l’entente du 26 juin 1998 au 23 avril 2012 [considérant 959 et article 1er, sous g), de la décision attaquée].

3.      Amende infligée à la requérante

22      L’article 2, sous j), de la décision attaquée inflige une amende d’un montant de 97 921 000 euros à la requérante.

4.      Calcul du montantedes amendes

23      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a suivi la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 980 de la décision attaquée).

24      En premier lieu, pour déterminer le montant de base de l’amende infligée à la requérante, la Commission a pris en compte la valeur des ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (considérant 989 de la décision attaquée).

25      La Commission a calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées à des clients établis dans l’EEE (considérant 990 de la décision attaquée).

26      En outre, la Commission a calculé la valeur pertinente des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale, et leur a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée (considérant 991 de la décision attaquée).

27      En ce qui concerne la requérante, la Commission, tout d’abord, a estimé qu’il y avait lieu de prendre en compte, en tant que période de référence, d’une part, la dernière année complète de participation à l’infraction en ce qui concerne la valeur des ventes des condensateurs électrolytiques à l’aluminium, à savoir l’année 2011-2012, et, d’autre part, la dernière année complète au cours de laquelle la requérante a vendu des condensateurs électrolytiques au tantale, à savoir l’année 2003-2004, étant donné qu’elle avait cessé de les vendre avant la fin de sa participation à l’infraction (considérants 34, 989 à 991 et 1007, tableau 1, et note en bas de page no 1657 de la décision attaquée).

28      Ensuite, la Commission a considéré que la requérante, par l’intermédiaire d’Europe Chemi-Con et d’United Chemi-Con, avait facturé des ventes directes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium dans l’EEE pendant toute la durée de sa participation à l’infraction (considérants 990 et 998 de la décision attaquée) et des ventes directes de condensateurs électrolytiques au tantale dans l’EEE jusqu’au 1er février 2005 (considérants 34 et 1006 de la décision attaquée).

29      Enfin, la Commission a retenu à l’encontre de la requérante un coefficient multiplicateur de 13,82 (correspondant à la période comprise entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012) pour les condensateurs électrolytiques à l’aluminium, et de 5,26 (correspondant à la période comprise entre le 29 octobre 1999 et le 1er février 2005) pour les condensateurs électrolytiques au tantale (considérant 1007, tableau 1, de la décision attaquée).

30      La Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction à 16 %. À cet égard, elle a estimé que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (considérants 1001 à 1003 de la décision attaquée).

31      La Commission a appliqué un montant additionnel de 16 %, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de s’assurer du caractère suffisamment dissuasif de l’amende infligée (considérant 1009 de la décision attaquée).

32      La Commission a, dès lors, fixé à 205 649 000 euros le montant de base de l’amende à infliger à la requérante (considérant 1010 de la décision attaquée).

33      En deuxième lieu, s’agissant des ajustements du montant de base des amendes, la Commission n’a retenu l’existence d’aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard de la requérante (considérant 1054 de la décision attaquée).

34      En troisième lieu, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (considérants 1057 et 1058 de la décision attaquée).

35      La Commission a dès lors fixé à 97 921 000 euros le montant total de l’amende infligée à la requérante (considérant 1139, tableau 3, de la décision attaquée).

5.      Dispositif de la décision attaquée

36      La décision attaquée, en ce qui concerne la requérante, dispose ce qui suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, au cours des périodes indiquées, à une infraction unique et continue dans le secteur des condensateurs électrolytiques couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE, consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix :

[…]

g)      [la requérante] du 26 juin 1998 au 23 avril 2012 ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

[…]

j)      [la requérante] : 97 921 000 [euros] ;

[…] »

II.    Procédure et conclusions des parties

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2018, la requérante a introduit le présent recours.

38      Le 19 octobre 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.

39      La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 27 février et le 5 juin 2019.

40      Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

41      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

42      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

43      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 octobre 2020.

44      À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.

45      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée en ce que celle-ci a constaté qu’elle avait commis une infraction à l’article 101 TFUE ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’amende qui lui a été infligée ou, à titre encore plus subsidiaire, réduire son montant ;

–        condamner la Commission aux dépens.

46      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité des arguments exposés dans les annexes A.19 et A.43 de la requête

47      La Commission fait valoir que, dans la mesure où les annexes A.19 et A.43 de la requête contiennent des tableaux récapitulatifs des réunions ECC et des réunions postérieures à 2008 ainsi que des arguments de la requérante concernant ces réunions, ces annexes ne sauraient constituer un moyen de faire valoir de nouveaux arguments par la requérante, sous peine d’être considérés comme irrecevables.

48      La requérante invoque la recevabilité des annexes en cause. D’une part, l’annexe A.19 aurait été invoquée dans la requête afin de fournir le contexte des arguments qui ont été développés aux points 32 à 89 de la requête. D’autre part, l’annexe A.43 aurait été mentionnée dans la requête afin de compléter les mêmes arguments que ceux étayés par l’annexe A.19.

49      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence bien établie, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 68 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, point 191).

50      Il faut également rappeler qu’il est notamment nécessaire, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête (voir arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, point 192 et jurisprudence citée).

51      Ainsi, les annexes ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou des arguments expressément invoqués par les parties requérantes dans le corps de leurs écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (voir arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 33 et jurisprudence citée). En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, il convient de constater que, s’agissant de l’annexe A.19, la requérante affirme, dans la requête, que celle-ci contient « une liste de l’ensemble des 20 réunions ECC, en résumant ses principaux arguments de défense » visant à démontrer que lesdites réunions « ne faisaient aucune référence à l’EEE et concernaient un comportement exclusivement asiatique ». De plus, la requérante invoque l’annexe A.19 dans la requête pour corroborer l’affirmation selon laquelle « la traduction du procès-verbal de la réunion du 20 septembre 2000 produite par Rubycon est inexacte et constitue, par conséquent, un élément de preuve non fiable ».

53      S’agissant de l’annexe A.43, la requérante affirme, dans la requête, que cette annexe contient un « tableau récapitulatif contenant les réunions postérieures à 2008 et [ses] arguments de défense ».

54      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la requérante a exposé ses arguments en partie dans la requête et en partie dans les annexes A.19 et A.43 de la requête. En effet, s’agissant des arguments et des griefs dirigés contre l’interprétation faite par la Commission du contenu de certains contacts anticoncurrentiels, la requérante renvoie à des tableaux figurant dans des annexes, dans lesquels elle expose sa propre interprétation des contacts anticoncurrentiels, notamment en ce qui concerne les clients, les produits et les marchés en cause dans ces contacts.

55      Or, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 50 et 51 ci-dessus, en l’espèce, le Tribunal ne peut prendre en considération lesdites annexes que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou des arguments expressément invoqués par la requérante dans le corps de la requête. Partant, les arguments et les griefs relatifs aux contacts anticoncurrentiels figurant dans les annexes A.19 et A.43 et n’ayant pas été repris dans le corps de la requête sont irrecevables.

B.      Sur le fond

56      À l’appui du recours, la requérante soulève six moyens à l’appui tant de ses conclusions, présentées à titre principal, qui tendent à l’annulation de la décision attaquée, que de ses conclusions, présentées à titre subsidiaire, qui tendent à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

57      Par les cinq premiers moyens, la requérante conteste la conclusion de la Commission tenant à l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE dans le secteur des condensateurs électrolytiques sur l’ensemble du territoire de l’EEE pendant une durée de presque quatorze ans. Le premier moyen est tiré de la violation du droit d’être entendu, de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des droits de la défense et du principe d’intangibilité de l’acte. Le deuxième moyen est tiré d’un défaut de preuves de l’infraction, d’erreurs matérielles de fait et de la prescription. Le troisième moyen est tiré de l’absence d’une infraction unique et continue. Le quatrième moyen est tiré de l’absence d’une infraction par objet. Le cinquième moyen est tiré de l’incompétence territoriale de la Commission pour appliquer en l’espèce l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE.

58      Par le sixième moyen, la requérante conteste l’amende qui lui a été infligée, en demandant son annulation ou la réduction de son montant. Ce moyen est tiré d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende et de la violation des lignes directrices de 2006, ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

59      Par ailleurs, dans le cadre de la réplique, en guise d’introduction aux deuxième à sixième moyens, la requérante soulève un certain nombre d’arguments généraux relatifs, en premier lieu, à la portée géographique des contacts anticoncurrentiels, en deuxième lieu, au caractère anticoncurrentiel de ces contacts, et, en troisième lieu, au caractère hétérogène de l’industrie des condensateurs et aux particularités de leur processus de vente qui rendraient impossible de diminuer les incertitudes stratégiques des concurrents. Étant donné que ces arguments et ceux soulevés par la requérante dans le cadre des deuxième à sixième moyens se recoupent, ces arguments seront examinés dans le cadre de ces moyens.

60      Dans la mesure où la requérante présente à la fois des demandes d’annulation de la décision attaquée et de réformation du montant de l’amende qui lui a été infligée, il convient de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité des actes des institutions établi à l’article 263 TFUE, lequel peut être complété, en application de l’article 261 TFUE et sur demande des parties requérantes, par l’exercice par le Tribunal d’une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions infligées en ce domaine par la Commission (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 49 et jurisprudence citée).

61      À cet égard, il convient de préciser que les juridictions de l’Union européenne ne peuvent modifier les éléments constitutifs de l’infraction légalement constatée par la Commission dans la décision litigieuse ni dans le cadre du contrôle de légalité ni à l’occasion de l’exercice de leur compétence de pleine juridiction. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, ces juridictions ne peuvent, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause. La compétence de pleine juridiction dont dispose le Tribunal sur le fondement de l’article 31 du règlement no 1/2003 concerne la seule appréciation, par celui-ci, de l’amende infligée par la Commission (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 50 et jurisprudence citée).

1.      Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

62      À titre liminaire, il convient de constater que, en l’espèce, la Commission a conclu à l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE et consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir points 14 et 36 ci-dessus).

63      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur.

64      Pour qu’il y ait un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée. Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet des négociations. La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir arrêt du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T‑422/14, non publié, EU:T:2018:446, points 40 et 41 et jurisprudence citée).

65      Selon une jurisprudence constante, les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent. Il suffit, dès lors, que la preuve des éléments constitutifs de l’une ou de l’autre de ces formes d’infraction visées par cette disposition ait été établie pour que, en toute hypothèse, cette dernière s’applique (voir arrêt du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T‑422/14, non publié, EU:T:2018:446, point 43 et jurisprudence citée).

66      Dans le cadre d’une infraction complexe, qui a impliqué pendant plusieurs années plusieurs producteurs poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle qualifie précisément l’infraction d’accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à l’article 101 TFUE (voir arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 164 et jurisprudence citée).

67      La double qualification de l’infraction d’accord « et/ou » de pratique concertée doit être comprise comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d’accord et d’autres de pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (voir arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 165 et jurisprudence citée).

68      Il convient encore de rappeler que la portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le juge de l’Union assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la partie requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents soumis par cette dernière. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, les juridictions de l’Union ne peuvent, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 105 et jurisprudence citée).

69      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens de la requérante en ce qu’ils visent l’annulation de la décision attaquée.

70      Le Tribunal estime opportun d’examiner, en premier lieu, le cinquième moyen.

a)      Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de compétence territoriale de la Commission

71      La requérante soutient, en substance, que la Commission a erronément conclu, au considérant 660 de la décision attaquée, qu’elle était territorialement compétente pour appliquer en l’espèce l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE au motif que le comportement anticoncurrentiel avait été mis en œuvre à l’échelle mondiale, y compris dans l’EEE, alors que ledit comportement était axé sur l’Asie et n’avait pas été mis en œuvre, ni n’avait eu d’effet significatif, dans l’EEE.

72      La Commission conteste ces arguments.

73      S’agissant de l’applicabilité territoriale de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, il convient de rappeler que la règle de concurrence de l’Union énoncée à l’article 101 TFUE interdit les accords et les pratiques qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence « à l’intérieur du marché intérieur ».

74      Il convient également de relever que les conditions de l’application territoriale de l’article 101 TFUE sont réunies dans deux hypothèses.

75      En premier lieu, l’application de l’article 101 TFUE est justifiée dès lors que les pratiques qu’il vise sont mises en œuvre sur le territoire du marché intérieur, et ce indépendamment du lieu de leur formation. En effet, faire dépendre l’applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du lieu de la formation d’une entente aboutirait à l’évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions (arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 16).

76      Afin de déterminer si le lieu où l’entente est mise en œuvre se situe dans l’EEE, d’une part, il importe peu que les participants à l’entente aient fait appel ou non à des filiales établies dans l’EEE en vue d’établir des contacts entre eux et les acheteurs qui y sont établis (arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 17). D’autre part, ce critère de la mise en œuvre de l’entente en tant qu’élément de rattachement de celle-ci au territoire de l’Union est satisfait par la simple vente dans l’Union du produit cartellisé, indépendamment de la localisation des sources d’approvisionnement et des installations de production (voir arrêt du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 149 et jurisprudence citée).

77      En second lieu, l’application de l’article 101 TFUE est également justifiée au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que les pratiques qu’il vise produisent un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).

78      En l’espèce, la Commission a conclu au considérant 660 de la décision attaquée qu’elle était l’autorité compétente pour appliquer à la fois l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sur la base de l’article 56 de l’accord EEE, dans la mesure où le comportement de l’entente avait été mis en œuvre à l’échelle mondiale, y compris dans l’EEE.

79      À cet égard, la Commission a estimé que, tout d’abord, bien que les participants à l’entente fussent des entreprises ayant leur siège au Japon et que les contacts anticoncurrentiels aient eu lieu au Japon, ces derniers soit avaient une portée mondiale, de sorte qu’ils incluaient l’EEE, soit concernaient directement l’EEE. En particulier, la connexion avec l’EEE était justifiée par le fait que les participants à l’entente, y compris la requérante, avaient réalisé des ventes de condensateurs électrolytiques dans l’EEE pendant la période infractionnelle. Ensuite, les participants à l’entente, d’une part, échangeaient des informations concernant des clients ayant leur siège dans l’EEE ou des clients ayant des usines de fabrication dans l’EEE et, d’autre part, coordonnaient leur politique commerciale, en fonction notamment des fluctuations des taux de change des devises, y compris l’euro, et de l’augmentation du prix des matières premières, sans restriction géographique. Enfin, les informations échangées couvraient toutes les ventes, qu’elles soient à destination du Japon ou de l’étranger et que les clients soient japonais ou étrangers (considérants 665 à 672 de la décision attaquée).

80      Il est, certes, vrai que la requérante, d’une part, conteste l’existence d’un lien entre certains contacts anticoncurrentiels et l’EEE, question qui fera l’objet de l’analyse du Tribunal dans le cadre des deuxième et troisième moyens, et, d’autre part, soutient qu’il existait un lien limité entre l’entente et l’EEE, question qui sera examinée dans le cadre des deuxième, troisième et sixième moyens.

81      Toutefois, la requérante ne nie pas que les participants à l’entente, y compris elle-même, ont, directement ou indirectement, réalisé des ventes de condensateurs électrolytiques à l’échelle mondiale, y compris en Europe, même si la requérante affirme que les ventes dans cette zone géographique étaient très limitées et effectuées par ses filiales.

82      Il en résulte que le critère de la mise en œuvre de l’entente en tant qu’élément de rattachement de celle-ci au territoire de l’Union est rempli en l’espèce et que l’infraction visée par la décision attaquée relève donc du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Partant, c’est à bon droit que la Commission a considéré qu’elle était compétente aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.

83      Le cinquième moyen doit donc être écarté.

b)      Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu, de l’article 41 de la Charte, des droits de la défense et du principe d’intangibilité de l’acte

84      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a violé son droit d’être entendue, ses droits de la défense et l’article 41 de la Charte. Ce moyen peut se diviser en quatre branches, la première, tirée de l’absence d’accès, en temps opportun, au dossier complet de l’affaire, la deuxième, tirée de l’absence d’accès à tous les éventuels éléments à décharge, la troisième, tirée de l’absence d’une communication des griefs complémentaire, et, la quatrième, tirée de l’absence d’accès aux procès-verbaux des contacts entre la Commission et d’autres destinataires de la communication des griefs.

85      La Commission conteste ces arguments.

86      À titre liminaire, il convient de rappeler que, sous l’intitulé « Droit à une bonne administration », l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte dispose notamment que toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

87      Selon une jurisprudence constante en matière d’infractions au droit de la concurrence, le droit d’accès au dossier constitue le corollaire du principe des droits de la défense et implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 235 et jurisprudence citée).

88      Ainsi, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 dispose que, avant de prendre les décisions prévues, notamment, à l’article 23 du même règlement, la Commission donne aux entreprises et aux associations d’entreprises visées par la procédure menée par elle l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs qu’elle a retenus. Elle ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Aux termes du paragraphe 2 du même article, les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Celles-ci ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises concernées à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

89      Ce droit d’accès comprend tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 236 et jurisprudence citée).

90      Un document ne peut être considéré comme un document à charge que lorsqu’il est utilisé par la Commission à l’appui de la constatation d’une infraction commise par une entreprise. Aux fins d’établir une violation de ses droits de la défense, il ne suffit pas, pour l’entreprise en cause, de démontrer qu’elle n’a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque endroit de la décision attaquée. Il faut qu’elle démontre que la Commission a utilisé ce document, dans la décision attaquée, comme un élément de preuve additionnel pour retenir une infraction à laquelle l’entreprise aurait participé (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 245 et jurisprudence citée).

91      Concernant les nouveaux éléments à décharge, il convient de rappeler que, si un document en possession de la Commission, pouvant être qualifié d’élément à décharge, dès lors qu’il est susceptible de disculper une entreprise à laquelle il est reproché d’avoir participé à une entente, n’est pas communiqué à cette entreprise, les droits de la défense de cette entreprise sont violés si ladite entreprise démontre que l’élément en cause aurait pu être utile pour sa défense (voir arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, points 366 et 367 et jurisprudence citée).

92      Une telle preuve peut être fournie en démontrant que la non-divulgation d’un tel élément à décharge a pu influencer, au détriment de l’entreprise en cause, le déroulement de la procédure et la teneur de la décision de la Commission, ou encore qu’elle a pu nuire ou rendre plus difficile la défense des intérêts de cette entreprise au cours de la procédure administrative (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 368).

93      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante dans le cadre du premier moyen.

1)      Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence d’accès, en temps opportun, au dossier complet de l’affaire

94      La requérante soutient que la Commission a violé son droit d’être entendue et l’article 41 de la Charte, dans la mesure où elle ne lui a pas accordé un accès en temps opportun au dossier complet de la Commission. À cet égard, la requérante soulève deux griefs. Le premier grief est relatif aux demandes de confidentialité non résolues concernant les noms des clients de certains participants à l’infraction alléguée, notamment ceux de Rubycon. Le second grief est relatif à l’absence d’accès au document intitulé « Section 0 », qui contiendrait la chronologie complète des contacts anticoncurrentiels.

95      S’agissant du premier grief, il ressort du dossier que la Commission a adopté la communication des griefs le 4 novembre 2015. Entre le 12 novembre et le 17 décembre 2015, les destinataires de la communication des griefs ont eu accès à la majeure partie du dossier par le biais d’un « DVD d’accès au dossier ». La communication des griefs ainsi que le DVD d’accès au dossier contenaient des mentions occultées relatives aux noms des clients, notamment ceux de Rubycon, que la Commission a accepté de traiter comme « provisoirement confidentiels ». À la suite de demandes d’accès introduites par certains destinataires de la communication des griefs, y compris celle de la requérante, la Commission a complété le premier DVD d’accès au dossier par deux autres DVD comportant les noms des clients occultés, dont la requérante a pris connaissance les 7 mars et 27 avril 2016 (voir points 6 à 8 ci-dessus).

96      Il ressort également du dossier que, le 4 mai 2016, la Commission a envoyé aux destinataires de la communication des griefs, y compris à la requérante, la lettre d’exposé des faits, dans le cadre de laquelle elle a accordé aux destinataires, y compris à la requérante, une prolongation du délai de réponse à la communication des griefs jusqu’au 20 mai 2016 et a fixé cette même date comme date d’expiration du délai pour les observations écrites sur ladite lettre d’exposé des faits (voir point 9 ci-dessus).

97      Il résulte de ces éléments, qui ne sont d’ailleurs pas contestés par la requérante, que, certes, lors de l’envoi de la communication des griefs, la Commission a traité les noms des clients, notamment ceux de Rubycon, comme des données « provisoirement confidentielles », ce qui a obligé plusieurs destinataires de cette communication à formuler des demandes d’accès. Toutefois, il en résulte également que les données « provisoirement confidentielles » ont été mises à la disposition des entreprises concernées, y compris de la requérante, les 7 mars et 27 avril 2016 et que le délai de réponse à la communication des griefs a été prolongé jusqu’au 20 mai 2016 (date également fixée pour les observations sur la lettre d’exposé des faits).

98      En outre, ainsi que le fait valoir la Commission, la requérante cite à tort le rapport final du conseiller-auditeur. En effet, ce rapport reconnaît qu’il aurait été « préférable » de veiller à ce que toutes les demandes de confidentialité aient été dûment traitées avant l’adoption de la communication des griefs de manière à « éviter le temps et les efforts considérables que la résolution de ce problème a nécessité pendant six mois à compter de l’envoi de ladite communication ». Cependant, le conseiller-auditeur a conclu également que les droits de la défense de la requérante avaient été préservés à la suite de la prolongation du délai de réponse à la communication des griefs.

99      Partant, il convient de rejeter le grief de la requérante tiré d’une violation de son droit d’être entendue et de l’article 41 de la Charte en raison d’une prétendue absence d’accès en temps opportun au dossier complet de l’affaire, notamment aux noms des clients initialement occultés.

100    Par ailleurs, la requérante se limite à alléguer, de maniéré très générale, qu’elle a « consacré des efforts et un temps considérables à la résolution [du problème des demandes de confidentialité] à la suite de la communication des griefs, ce qui a encore réduit sa possibilité de formuler sa défense ». Cependant, la requérante ne précise pas en quoi ce « temps » et ces « efforts » auraient heurté sa défense.

101    Dans ces circonstances, force est de constater que le fait que la Commission a, d’une part, donné accès aux noms des clients initialement occultés et, d’autre part, prolongé le délai de réponse à la communication des griefs était suffisant pour assurer à la requérante l’exercice de ses droits de la défense, ce à quoi la requérante a procédé, le 20 mai 2016, par sa réponse à la communication des griefs ainsi qu’à la lettre d’exposé des faits (voir point 10 ci-dessus).

102    S’agissant du second grief, relatif à l’absence d’accès au document intitulé « Section 0 », il y a lieu de constater que, certes, les notes en bas de page no 58, 79, 80 et 124 de la décision attaquée mentionnent une « Section 0 » qui contiendrait, conjointement avec l’annexe I de la décision attaquée, une « chronologie complète » des contacts anticoncurrentiels, assortie des éléments de preuve corroboratifs.

103    Cependant, contrairement à ce que prétend la requérante, la décision attaquée ne contient aucune « Section 0 » qui serait une annexe ou un document séparé qui n’aurait pas été fourni aux destinataires de la décision. En effet, il ressort du contenu de la décision attaquée que la mention de la « Section 0 » dans certaines notes en bas de page constituait une référence croisée à une section de la décision attaquée contenant la « chronologie complète » des contacts anticoncurrentiels, assortie des éléments de preuve corroboratifs.

104    Ainsi, il est évident que la mention d’une « Section 0 » découle d’une erreur matérielle. En effet, il ressort de la lecture de la décision attaquée, y compris de son index, que cette décision contient une « Section 4.3.6 » intitulée « Chronologie des événements » (Chronology of events). Cette « Section 4.3.6 » est également indiquée tout au long de la décision attaquée (voir, notamment, considérants 74, 681, 726, 733, 738, 753, 762, 828, 859, 904 et 984 de la décision attaquée) comme étant la section qui contient la chronologie détaillée des contacts anticoncurrentiels, assortie des éléments de preuve corroboratifs.

105    Partant, force est de conclure qu’il ressort de l’ensemble de la décision attaquée que la « Section 0 » mentionnée dans quelques notes en bas de page doit se lire, en réalité, « Section 4.3.6 » et que, indépendamment de cette erreur matérielle, la mention de la « Section 0 » constitue une référence croisée visant à renvoyer le lecteur à la section de la décision attaquée qui contient la « chronologie complète » des contacts anticoncurrentiels. Or, ainsi qu’il ressort de l’index de la décision attaquée, une telle section de la décision attaquée correspond à la « Section 4.3.6 ».

106    Ainsi, l’erreur dans la décision attaquée – consistant à mentionner une « Section 0 » au lieu de la « Section 4.3.6 » de cette décision – constitue une erreur de plume dépourvue de pertinence, qui n’est pas susceptible de nuire au droit d’accès ou aux droits de la défense de la requérante. Il convient d’ajouter que, malgré cette erreur, la requérante a été en mesure d’identifier la chronologie des contacts anticoncurrentiels en cause. En effet, notamment dans le cadre du deuxième moyen soulevé à l’appui du présent recours, la requérante a identifié les 20 réunions ECC ainsi que 30 autres contacts anticoncurrentiels postérieurs à 2008, mentionnés dans ladite « Section 4.3.6 », en vue de contester leur prise en compte par la Commission.

107    Par ailleurs, même à la supposer recevable, il convient de rejeter l’argumentation développée par la requérante, pour la première fois, dans le cadre de la réplique et tirée d’une violation du principe de l’intangibilité ou d’une « inexistence » de la décision attaquée en raison d’une prétendue modification de son texte.

108    En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne lui a pas notifié deux versions différentes de la décision attaquée. À cet égard, il ressort du dossier que, tout d’abord, ainsi que l’a admis la Commission, la copie de la décision attaquée fournie par la Commission à la requérante, à titre gracieux, par courrier électronique le jour même de la décision, ne contenait pas de mention de la « Section 0 ». Ensuite, ainsi qu’il ressort du point 102 ci-dessus, la version imprimée de la décision attaquée notifiée à la requérante contenait plusieurs références à la « Section 0 » dans des notes en bas de page. Enfin, il convient de constater que la version de la décision attaquée adoptée par le collège des membres de la Commission ne contenait pas de mention de ladite « Section 0 ». Partant, cette mention est limitée à la version de la décision attaquée notifiée à la requérante.

109    Cependant, il ne résulte pas de ce qui précède que la Commission aurait adopté des décisions dont le contenu serait différent. En effet, ainsi qu’il a été conclu au point 106 ci-dessus, la mention erronée de la « Section 0 » dans la version de la décision attaquée notifiée à la requérante ne constitue qu’une erreur de plume dans la numérotation de la référence croisée concernant la section de la décision attaquée contenant la chronologie des contacts anticoncurrentiels. Or, cette erreur matérielle ne saurait constituer une violation du principe de l’intangibilité, ni conduire à une prétendue « inexistence » de la décision attaquée, étant donné qu’elle n’a eu aucune influence sur les motifs ou sur le dispositif de la décision attaquée et, partant, qu’elle n’est pas susceptible d’avoir un impact sur la situation juridique de la requérante, résultant de cette décision.

110    Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être écartée.

2)      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’accès à tous les éventuels éléments à décharge

111    La requérante soutient que la Commission, en violation de ses droits de la défense et du droit d’être entendu, ne lui a pas accordé l’accès à tous les éventuels éléments à décharge figurant dans les réponses des autres entreprises concernées à la communication des griefs. Le refus d’accès concernerait la réponse de Sanyo, dans laquelle celle-ci aurait soutenu que la Commission n’avait pas établi à suffisance de droit l’existence d’une infraction unique et continue, ainsi que la réponse d’Elna, dans laquelle celle-ci aurait, d’une part, soutenu que les échanges d’informations ne constituaient pas une infraction par objet et, d’autre part, contesté la durée de l’infraction. De plus, la requérante fait valoir que, dans sa demande d’accès, elle a indiqué les éventuels éléments à décharge ou, du moins, elle a fourni un indice accréditant leur existence, à tel point que le conseiller-auditeur lui a fourni deux passages et une annexe d’une réponse à la communication des griefs. Cependant, ces passages et cette annexe ne pourraient pas constituer les seuls éléments à décharge auxquels la requérante aurait le droit d’accéder.

112    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la communication des griefs est un acte destiné à circonscrire l’objet de la procédure engagée contre une entreprise et à assurer l’exercice efficace des droits de la défense. C’est dans cette perspective que les destinataires de la communication des griefs bénéficient de garanties procédurales, en application du principe du respect des droits de la défense, parmi lesquelles figure le droit d’accès aux documents relevant du dossier de la Commission (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, points 239 et 240 et jurisprudence citée).

113    Les réponses à la communication des griefs ne font pas partie du dossier d’instruction proprement dit (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 241 et jurisprudence citée).

114    S’agissant de documents ne faisant pas partie du dossier constitué au moment de la notification de la communication des griefs, la Commission n’est tenue de divulguer lesdites réponses à d’autres parties concernées que s’il s’avère qu’elles contiennent de nouveaux éléments à charge ou à décharge (arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 242).

115    De même, selon le point 27 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles [101] et [102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7), en règle générale, les parties n’ont pas accès aux réponses à la communication des griefs des autres parties concernées par l’enquête. Une partie n’a accès à ces documents que lorsqu’ils peuvent constituer de nouveaux éléments de preuve, qu’ils soient à charge ou à décharge, relatifs aux allégations formulées à l’égard de cette partie dans la communication des griefs de la Commission.

116    Or, selon la jurisprudence rappelée aux points 91 et 92 ci-dessus, dans la mesure où la requérante invoque l’existence des prétendus éléments à décharge dans des réponses non divulguées, il lui appartient de fournir un premier indice de l’utilité, pour sa défense, de ces documents. Elle doit notamment indiquer les éventuels éléments à décharge ou fournir un indice accréditant leur existence et, partant, leur utilité pour les besoins de l’instance (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, points 256 et 257 et jurisprudence citée).

117    En l’espèce, d’une part, il est constant que, à la suite d’une demande d’accès de la part de la requérante, le conseiller-auditeur a identifié deux passages et une annexe dans la réponse de l’un des destinataires de la communication des griefs, qui contenaient potentiellement de nouveaux éléments de preuve à décharge en faveur de la requérante, et lui a accordé l’accès aux versions non confidentielles de ces passages et de cette annexe.

118    D’autre part, la requérante se limite à indiquer que, dans leurs réponses, Sanyo et Elna, tout comme elle, contestent les conclusions de la Commission concernant, respectivement, d’une part, l’existence d’une infraction unique et continue et, d’autre part, l’existence d’une infraction par objet et la durée de celle-ci.

119    Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, le simple fait que d’autres entreprises ont invoqué les mêmes arguments que l’entreprise concernée et qu’elles ont, le cas échéant, employé plus de ressources pour leur défense ne suffit pas pour considérer ces arguments comme des éléments à décharge (arrêt du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission, T‑133/07, EU:T:2011:345, point 44). En l’espèce, la requérante ne fournit aucun indice de l’existence d’éléments de preuve dans les réponses de Sanyo ou d’Elna qui auraient pu lui permettre de mettre en cause les conclusions de la Commission concernant l’existence d’une infraction unique et continue, d’une infraction par objet ou la durée de celle-ci.

120    Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas révélé d’éléments à décharge susceptibles de résulter des réponses à la communication des griefs données par d’autres entreprises concernées, notamment par Sanyo et Elna, et, partant, n’a apporté aucun indice de leur utilité pour sa défense.

121    Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen doit être écartée.

3)      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’une communication des griefs complémentaire

122    La requérante fait valoir que la Commission a violé ses droits de la défense en ce qu’elle a présenté une lettre d’exposé des faits au lieu d’une communication des griefs complémentaire, qui aurait été la mesure procédurale correcte, ainsi que l’aurait souligné le conseiller-auditeur. Ladite lettre d’exposé des faits aurait modifié substantiellement la communication des griefs, dans la mesure où elle comportait les noms des clients qui étaient antérieurement occultés ainsi que des références aux numéros de documents originaux japonais et des références actualisées aux numéros de traductions pertinentes en anglais. Ainsi, la Commission aurait privé la requérante d’une deuxième audition et d’une nouvelle consultation du dossier, lesquelles n’auraient pu être déclenchées que par l’envoi d’une communication des griefs supplémentaire. Par conséquent, la Commission aurait empêché la requérante de la convaincre d’un résultat différent quant à l’existence d’une infraction unique et continue et quant à la durée de celle-ci. En outre, ainsi que le conseiller-auditeur l’aurait également souligné, la Commission aurait commis une erreur en n’accordant que deux semaines à la requérante pour répondre à la lettre d’exposé des faits, dans la mesure où celle-ci équivaudrait, en réalité, à une communication des griefs.

123    À cet égard, il résulte du point 110 de la communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 [TFUE] (JO 2011, C 308, p. 6, ci-après les « bonnes pratiques ») ainsi que de la jurisprudence que la communication aux intéressés d’un complément de griefs n’est nécessaire que dans le cas où, au vu de la procédure administrative, la Commission est amenée à mettre à la charge des entreprises des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (voir arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 192 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 268), c’est-à-dire si de nouveaux griefs sont émis ou si la nature intrinsèque de l’infraction en cause est modifiée.

124    En revanche, conformément au point 111 des bonnes pratiques, une simple lettre (lettre d’exposé des faits) est suffisante dans le cas où les griefs soulevés contre les entreprises en cause dans la communication des griefs sont simplement corroborés par les nouveaux éléments de preuve sur lesquels la Commission a l’intention de s’appuyer.

125    En l’espèce, il ressort du dossier que, par la lettre d’exposé des faits, mentionnée au point 9 ci-dessus, la Commission, tout d’abord, a rappelé qu’elle avait complété le premier DVD d’accès au dossier par deux autres DVD, mis à la disposition de la requérante les 7 mars et 27 avril 2016, et visant à donner accès aux noms des clients occultés ainsi qu’à un tableau de correspondance reliant les traductions anglaises aux documents originaux japonais et énumérant les versions non confidentielles des traductions anglaises et des documents originaux japonais. Ensuite, la Commission a annexé à la lettre d’exposé des faits une version actualisée de la communication des griefs contenant lesdits éléments assortie d’une énumération des parties de la communication des griefs ayant subi des modifications. Enfin, elle a fixé la date du 20 mai 2016 comme délai de réponse à la lettre d’exposé des faits et a prolongé le délai pour répondre à la communication des griefs jusqu’à la même date.

126    En outre, il ressort du dossier que la requérante a répondu le 20 mai 2016 à la lettre d’exposé des faits (voir point 10 ci-dessus).

127    En l’occurrence, il ne saurait être considéré que, en divulguant les noms des clients antérieurement occultés, en reliant les traductions anglaises aux documents originaux japonais et en énumérant les versions non confidentielles des traductions anglaises et des documents originaux japonais, la Commission a formulé à l’égard de la requérante de nouveaux griefs ou qu’elle a modifié le fondement ou l’étendue de l’imputation de l’infraction constatée à l’égard de la requérante. La Commission s’est, en effet, bornée à divulguer une version non confidentielle de certains éléments de preuve sur lesquels elle avait l’intention de s’appuyer.

128    Les droits de la défense de la requérante ne sauraient, dès lors, être considérés comme ayant été violés du fait de l’envoi de ladite lettre d’exposé des faits en lieu et place d’une communication des griefs complémentaire.

129    Par ailleurs, en ce qui concerne le délai que la Commission doit accorder à une entreprise pour fournir ses observations sur une lettre d’exposé des faits, il convient de rappeler qu’il appartient à la Commission de fixer, au cas par cas, un délai déterminé pour que les entreprises concernées présentent des observations écrites sur les nouveaux éléments figurant dans la lettre d’exposé des faits (voir point 111 des bonnes pratiques). Ce délai doit prendre en compte la complexité relative et le volume des preuves fournies (arrêt du 15 décembre 2016, Infineon Technologies/Commission, T‑758/14, non publié, EU:T:2016:737, point 60). En l’espèce, le délai fixé de deux semaines n’apparaît pas comme déraisonnable, d’autant plus que, comme le souligne la Commission, la requérante avait déjà eu accès aux éléments en cause les 7 mars et 27 avril 2016 (voir point 125 ci-dessus).

130    En tout état de cause, conformément audit point 111 des bonnes pratiques, la requérante avait la possibilité de solliciter une prorogation du délai, ce qu’elle n’a pas fait, ayant présenté sa réponse dans le délai fixé.

131    Par conséquent, les droits de la défense de la requérante ne sauraient être considérés comme ayant été violés en raison du fait que le délai pour présenter des observations sur la lettre d’exposé des faits a été fixé au 20 mai 2016.

132    Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du premier moyen doit être écartée.

4)      Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’accès aux procès-verbaux des contacts entre la Commission et d’autres destinataires de la communication des griefs

133    La requérante fait valoir que, en violation des droits de la défense et du droit d’être entendu ainsi que de la jurisprudence issue de l’arrêt du 12 juin 2014, Intel/Commission (T‑286/09, EU:T:2014:547, points 614, 620 et 621), la Commission ne lui a pas accordé l’accès aux procès-verbaux des réunions et des contacts téléphoniques auxquels elle a procédé, pendant l’enquête, avec d’autres destinataires de la communication des griefs. Contrairement à ce qui aurait été son approche dans l’affaire « Moteur de recherche Google (Shopping) », en l’espèce, la Commission ne se serait pas acquittée de son obligation de fournir des notes succinctes contenant les procès-verbaux des réunions et des entretiens téléphoniques qui ont eu lieu dans le cadre de l’enquête. En effet, à la suite d’une demande de la requérante, la Commission se serait limitée à envoyer, par lettre du 31 janvier 2017, une liste de contacts mentionnés, mais non décrits dans le dossier accessible, ainsi que des contacts non mentionnés dans ce dossier et une liste de contacts exclus du rapport d’enquête.

134    À cet égard, il ressort du dossier que, par lettre du 31 janvier 2017, la Commission a envoyé à la requérante une liste de contacts qui ont eu lieu entre la Commission et les destinataires de la communication des griefs avant l’adoption de celle-ci. Cette liste incluait tant les contacts qui ont été mentionnés dans le dossier accessible de la Commission sans description que les contacts qui n’y ont pas été mentionnés. Ladite liste indiquait la date, les parties, le format (réunion ou contact téléphonique) et l’objet (par la présentation d’un bref résumé) de chaque contact, d’où il ressortait que lesdits contacts concernaient, en substance, des questions de procédure, telles que le prolongement des délais de réponse ainsi que des questions concernant les procédures de clémence ou de transaction.

135    S’agissant en particulier des contacts mentionnés par la requérante, il convient de relever qu’il ressort du dossier que le contact téléphonique du 16 décembre 2014 a eu lieu entre la Commission et Nichicon, et non avec Matsuo, comme l’invoque la requérante. De plus, ce contact avait pour objet, tel qu’il est décrit dans la lettre du 31 janvier 2017, des informations, données par l’équipe de la Commission chargée de l’affaire, concernant ses conclusions préliminaires sur la durée de l’infraction ainsi que des informations sur la procédure de transaction. En outre, il ressort de la lettre du 31 janvier 2017 que la réunion du 16 janvier 2015, entre la Commission et un autre concurrent qui n’était pas destinataire de la décision attaquée, a eu pour objet des informations, données par l’équipe de la Commission chargée de l’affaire, concernant ses conclusions préliminaires relatives à son intention d’imputer l’infraction à ce concurrent pour les agissements de l’une de ses filiales.

136    Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les contacts mentionnés au point 135 ci-dessus ne concernaient pas des informations « reçues » par la Commission, mais bien des informations « données » par la Commission.

137    Dans ces circonstances, la requérante ne contestant pas qu’elle a reçu la lettre du 31 janvier 2017, laquelle contient un résumé bref mais suffisant pour identifier chaque contact en cause (voir point 134 ci-dessus), et n’ayant, d’ailleurs, pas demandé d’autres informations à la Commission à la suite de cette lettre, il y a lieu de conclure que les éléments qui ressortent du dossier contredisent le grief de la requérante tiré d’un prétendu défaut d’accès aux contacts qui ont eu lieu entre la Commission et d’autres destinataires de la communication des griefs.

138    Cette conclusion, selon laquelle la lettre du 31 janvier 2017 contient une information adéquate sur les aspects essentiels des contacts que la Commission a eus avec d’autres destinataires de la communication des griefs, n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

139    S’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que l’accès aux informations figurant dans la lettre du 31 janvier 2017 a été difficile et long à obtenir, il convient de relever qu’une telle difficulté d’accès ne saurait suffire à soutenir une violation des droits de la défense et du droit d’être entendu, la requérante n’ayant avancé aucun élément permettant d’étayer le fait que cette difficulté d’accès l’aurait empêchée d’exercer lesdits droits ou limité son exercice.

140    S’agissant de l’argument de la requérante tiré de la pratique de la Commission dans l’affaire « Moteur de recherche Google (Shopping) », d’une part, dans la mesure où la similitude entre les deux affaires n’est pas démontrée, il suffit de rappeler que des décisions concernant d’autres affaires ne peuvent avoir qu’un caractère indicatif, dès lors que les données circonstancielles des affaires ne sont pas identiques (voir arrêt du 16 septembre 2013, Roca Sanitario/Commission, T‑408/10, EU:T:2013:440, point 64 et jurisprudence citée). D’autre part, quelle que soit la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, le fait est que celle-ci a, par la lettre du 31 janvier 2017, fourni une information adéquate sur les aspects essentiels des contacts qu’elle a eus avec d’autres destinataires de la communication des griefs (voir point 138 ci-dessus).

141    Par ailleurs, il convient de relever que l’arrêt du 12 juin 2014, Intel/Commission (T‑286/09, EU:T:2014:547), qui a été annulé par l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), n’est pas, au surplus, transposable en l’espèce. En effet, les points 614, 620 et 621 de cet arrêt, invoqués par la requérante, concernent les interrogatoires, effectués par la Commission, de toute personne physique ou morale qui accepte d’être interrogée aux fins de la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête, conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et selon les formalités prévues à l’article 3 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18). Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 134 et 135 ci-dessus, ce n’est pas l’accès à des interrogatoires de tiers aux fins de la collecte d’informations qui est en cause, mais l’accès à des contacts qui ont eu lieu entre la Commission et d’autres destinataires de la communication des griefs, avant l’adoption de celle-ci, qui concernaient, en substance, des questions de procédure.

142    Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche du premier moyen doit être écartée et, partant, le premier moyen dans son intégralité.

c)      Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de preuves de l’infraction, derreurs matérielles de fait et de la prescription

143    Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas fait état de preuves précises et concordantes d’une infraction ayant eu un impact dans l’EEE pendant toute la durée de l’infraction alléguée. À cet égard, la requérante remet en cause, d’une part, 20 réunions ECC et, d’autre part, 30 contacts anticoncurrentiels ayant eu lieu après novembre 2008 (s’agissant de ces derniers, ci-après les « contacts postérieurs à 2008 »). La requérante conteste ainsi 50 contacts (ci-après, pris ensemble, les « contacts contestés ») sur un total de 113 contacts anticoncurrentiels mentionnés dans la décision attaquée.

144    Il convient de préciser, en premier lieu, que, ainsi qu’il ressort de la requête et qu’il a été confirmé par la requérante en réponse à une question lors de l’audience, la requérante ne conteste pas, en tant que telle, sa participation aux contacts contestés. En revanche, elle conteste, pour l’ensemble de ces contacts, la nature anticoncurrentielle et/ou la pertinence pour le marché de l’EEE des discussions qui s’y sont tenues. En outre, elle conteste la suffisance ou la crédibilité des éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est appuyée pour établir l’existence de certains contacts ou réunions.

145    En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort de la requête et qu’il a été confirmé par la requérante en réponse à une question lors de l’audience, la requérante ne conteste pas non plus l’exactitude des extraits des contacts contestés tels que transcrits dans la décision attaquée. En revanche, la requérante conteste tant l’interprétation que la Commission a faite de ces extraits que la suffisance des éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est appuyée.

146    En troisième lieu, bien que la requérante soulève des arguments spécifiques visant à contester l’interprétation de certains extraits précis de chacun des contacts contestés, une partie de ces arguments se recoupent largement et peuvent être regroupés en quatre branches. La première branche est relative à la valeur probante et à la crédibilité des éléments de preuve. La deuxième branche est relative au caractère anticoncurrentiel des contacts contestés. La troisième branche est relative au lien entre les contacts contestés et l’EEE. La quatrième branche est relative aux dates de début et de fin de l’infraction ainsi qu’à la prescription.

147    Selon une jurisprudence constante, la charge de la preuve d’une violation de l’article 101 TFUE incombe à la Commission. Celle-ci est tenue de réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la conviction que l’infraction a été commise (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 117 et jurisprudence citée).

148    Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par la Commission, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 118 et jurisprudence citée).

149    Les indices invoqués par la Commission dans la décision afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE par une entreprise doivent être appréciés non isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, point 93 et jurisprudence citée).

150    Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, que la documentation s’y référant est réduite au minimum, que les pièces découvertes par la Commission ne sont normalement que fragmentaires et éparses et que, partant, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une infraction aux règles de la concurrence (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 119 et jurisprudence citée).

151    En outre, compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 120 et jurisprudence citée).

152    En pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de fixation de prix a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées au regard du fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation, pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 36 et jurisprudence citée).

153    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante dans le cadre du deuxième moyen.

1)      Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la valeur probante et à la crédibilité des éléments de preuve

154    En substance, d’une part, la requérante soutient que, pour établir l’existence et le contenu des réunions ECC, la Commission s’est appuyée sur des éléments de preuve insuffisants et non fiables. En effet, la Commission se serait appuyée uniquement sur les déclarations d’entreprise de Rubycon et/ou sur les procès-verbaux des réunions ECC que celle-ci lui aurait remis, c’est-à-dire sur des éléments provenant d’une source unique qui, d’autant plus, est un demandeur de clémence. Or, il ressortirait de la jurisprudence que la déclaration d’une entreprise inculpée, dont l’exactitude est contestée par d’autres entreprises également inculpées, ne peut pas être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction. Il découlerait également de la jurisprudence que les informations qui sont produites par des entreprises suspectées sont, en principe, moins fiables et doivent, en principe, être corroborées par des éléments de preuve supplémentaires.

155    De même, la requérante soutient que la preuve de plusieurs contacts postérieurs à 2008 serait aussi fondée sur une source unique qui serait également un demandeur de clémence. Il s’agirait, tout d’abord, du contact bilatéral du 13 novembre 2009, des contacts bilatéraux des 9 et 11 décembre 2009, du contact bilatéral du 23 février 2010 et de la réunion MK du 29 août 2011, dont la source unique serait Rubycon ; ensuite,  de la réunion MK de novembre 2009 et du contact bilatéral de décembre 2009, dont la source unique serait Sanyo ; enfin, de la réunion MK du 24 octobre 2011, dont la source unique serait Matsuo. Par ailleurs, la requérante conteste la suffisance des éléments de preuve sur lesquels la Commission se serait appuyée pour établir l’existence de la réunion MK du 21 décembre 2009.

156    D’autre part, la requérante remet en cause l’authenticité, la lisibilité, la crédibilité ou la suffisance de certains éléments de preuve concernant la réunion ECC du 29 août 2002, les réunions MK du 21 décembre 2009, du 17 juin 2010, du 16 juillet 2010 et du 16 septembre 2010, les contacts bilatéraux du 6 octobre 2010 et du 7 avril 2010 ainsi que la réunion trilatérale du 31 mai 2010.

157    La Commission conteste ces arguments.

158    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, premièrement, aucune disposition, ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise des déclarations d’autres entreprises incriminées. Les déclarations effectuées dans le cadre de la communication sur la coopération de 2006 ne sauraient donc être considérées comme dépourvues de valeur probante de ce seul fait (voir, par analogie, arrêts du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T‑208/06, EU:T:2011:701, point 52 et jurisprudence citée, et du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 58 et jurisprudence citée).

159    Certes, une certaine méfiance à l’égard des dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite est compréhensible, dès lors que ces participants pourraient minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et maximiser celle des autres. Néanmoins, compte tenu de la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la coopération de 2006, le fait de demander le bénéfice de son application en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération de l’entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération de 2006 (voir, par analogie, arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 59 et jurisprudence citée).

160    En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (voir arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 60 et jurisprudence citée).

161    Les déclarations faites par des entreprises inculpées dans le cadre de demandes de clémence doivent, néanmoins, être appréciées avec prudence et, en général, ne sauraient être acceptées sans corroboration (voir arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 119 et jurisprudence citée).

162    En effet, selon une jurisprudence constante, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 61 et jurisprudence citée).

163    Deuxièmement, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité. Selon les règles généralement applicables en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, points 72 et 73 et jurisprudence citée).

164    En outre, la crédibilité des preuves documentaires ne saurait être remise en cause par le fait qu’elles proviennent de l’auteur de la déclaration d’entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 184).

165    Troisièmement, aucun principe de droit de l’Union ne s’oppose à ce que, pour conclure à l’existence d’une infraction, la Commission se fonde sur un seul élément de preuve documentaire, pourvu que la valeur probante de celui-ci ne fasse pas de doute et pour autant que, à lui seul, l’élément en cause atteste de manière certaine l’existence de l’infraction en question (voir arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 122 et jurisprudence citée).

166    Certes, cette hypothèse ne s’applique pas, en règle générale, aux simples déclarations d’une entreprise inculpée, lesquelles, dans la mesure où elles sont contestées par d’autres entreprises concernées, doivent être corroborées par des éléments de preuve supplémentaires et indépendants (arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 123).

167    Cette considération peut, néanmoins, être atténuée, dans le cas où la déclaration provenant de l’entreprise qui coopère est particulièrement fiable, car, dans ces circonstances, le degré de corroboration requis est moindre, aussi bien en termes de précision qu’en termes d’intensité (arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 124).

168    En effet, dans l’hypothèse où un faisceau d’indices concordants permet de corroborer l’existence et certains aspects spécifiques de la collusion évoquée dans la déclaration soumise dans le cadre de la coopération, cette déclaration peut suffire à elle seule pour attester d’autres aspects de la décision attaquée. Dans ces conditions, la Commission peut se fonder exclusivement sur celle-ci, à condition que la véracité de ce qui a été affirmé ne suscite pas de doute et que les indications ne revêtent pas de caractère vague (voir arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 125 et jurisprudence citée).

169    En outre, même si la déclaration d’une entreprise n’est pas corroborée en ce qui concerne les faits spécifiques attestés, elle peut avoir une certaine valeur probante pour corroborer le fait de l’existence de l’infraction, dans le cadre d’un faisceau d’indices concordants retenu par la Commission. En effet, dans la mesure où un document contient des informations spécifiques qui correspondent à celles figurant dans d’autres documents, il y a lieu de considérer que ces éléments peuvent se renforcer mutuellement (voir arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 126 et jurisprudence citée).

170    Par ailleurs, la Commission doit pouvoir déduire, de périodes où les preuves sont relativement abondantes, des conclusions concernant d’autres périodes où l’écart entre chaque preuve peut être plus important. Il faudra, ainsi, une explication réellement solide pour convaincre une juridiction que, pendant une certaine phase d’une série de réunions, il s’est produit des choses totalement différentes de celles qui se sont passées au cours de réunions antérieures et ultérieures, alors que ces réunions réunissaient le même cercle de participants, qu’elles ont eu lieu dans le cadre de circonstances extérieures homogènes et qu’elles avaient incontestablement le même objectif (arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 127).

171    En l’espèce, s’agissant de la source des éléments de preuve des réunions ECC, il ressort de la décision attaquée que la Commission a établi leur existence sur la base des procès-verbaux de ces réunions produits par Rubycon, corroborés, dans plusieurs cas, également par les déclarations d’entreprise de Rubycon (voir, notamment, notes en bas de page nos 124, 125, 200, 210, 223 de la décision attaquée). Il est, certes, vrai, que Rubycon a présenté, auprès de la Commission, une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006 (considérant 47 de la décision attaquée).

172    Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il convient de relever que, tout d’abord, la crédibilité et la valeur probante des éléments de preuve provenant de Rubycon ne sauraient être remises en cause du seul fait qu’il s’agit d’une entreprise incriminée et demanderesse de clémence.

173    En effet, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 160 ci-dessus que les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables. En l’espèce, les déclarations d’entreprise de Rubycon concernant les réunions ECC allaient à l’encontre de ses intérêts, dans la mesure où Rubycon a, elle-même, participé aux dites réunions (voir considérant 79 de la décision attaquée). De plus, ces déclarations se limitaient à corroborer, dans certains cas, la preuve documentaire produite par Rubycon, notamment des procès-verbaux contemporains des faits en cause.

174    Ensuite, l’existence de circonstances particulières de nature à remettre en question la crédibilité de ces éléments de preuve ne ressort pas de l’argumentation de la requérante, le seul fait que ces preuves proviennent de l’auteur de la déclaration d’entreprise ne suffisant pas à remettre en cause leur crédibilité, conformément à la jurisprudence rappelée au point 164 ci-dessus.

175    De plus, il convient de relever que les éléments de preuve sur lesquels s’est appuyée la Commission ne se limitaient pas aux déclarations d’entreprise de Rubycon, mais comprenaient aussi les procès-verbaux des réunions, apportés par Rubycon. Or, il convient, notamment, d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits ou par un témoin direct de ces faits (voir arrêt du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, point 54 et jurisprudence citée) comme c’est le cas, en l’espèce, des procès-verbaux des réunions ECC.

176    Enfin, il est certes vrai que, dans certains cas, la preuve des réunions ECC repose sur un seul document, notamment sur le procès-verbal fourni par Rubycon et même en l’absence d’une déclaration d’entreprise expliquant ou confirmant son contenu, comme c’est le cas notamment des réunions ECC du 14 novembre 2001 ou du 29 août 2002 (voir, respectivement, considérants 152 et 166 de la décision attaquée et notes en bas de page qui y sont mentionnés). Toutefois, conformément à la jurisprudence citée aux points 164 et 175 ci-dessus, il s’agissait de documents contemporains des faits, auxquels, pour ce motif, il y a lieu d’accorder une grande importance, et dont la crédibilité ne saurait être remise en cause par le simple fait qu’ils proviennent de l’auteur de la déclaration d’entreprise.

177    Partant, l’argumentation de la requérante visant à contester la valeur probante et la crédibilité des éléments de preuve concernant les réunions ECC du fait que ces éléments proviennent d’une source unique qui est également un demandeur de clémence est dénuée de fondement.

178    Pour les mêmes motifs, il convient de rejeter les arguments similaires de la requérante, relatifs à la source des éléments de preuve concernant les contacts postérieurs à 2008, mentionnés au point 155 ci-dessus.

179    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a établi l’existence du contact bilatéral du 13 novembre 2009, des contacts bilatéraux des 9 et 11 décembre 2009, du contact bilatéral du 23 février 2010 et de la réunion MK du 29 août 2011 sur la base des déclarations d’entreprise de Rubycon ainsi que d’autres documents, notamment des courriels et des procès-verbaux, produits par celle-ci (voir, respectivement, considérants 547, 548, 555 à 558, 581 et 644 de la décision attaquée et notes en bas de page qui y sont mentionnées). En outre, la Commission a établi l’existence de la réunion MK de novembre 2009 et du contact bilatéral de décembre 2009 sur la base de la déclaration d’entreprise de Sanyo ainsi que des procès-verbaux et des courriels produits par celle-ci (voir, respectivement, considérants 549 à 554 et 566 de la décision attaquée et notes en bas de page qui y sont mentionnées). De même, la Commission a établi l’existence de la réunion MK du 24 octobre 2011 sur la base du procès-verbal de la réunion produit par Matsuo (voir considérant 651 et note en bas de page no 1192 de la décision attaquée).

180    Or, ainsi qu’il a été conclu aux points 177 et 178 ci-dessus, le fait que la preuve de certains contacts contestés consiste en un seul ou en plusieurs documents fournis par des demandeurs de clémence, à savoir, selon les cas, Rubycon, Sanyo ou Matsuo, n’enlève rien à sa valeur probante et à sa crédibilité.

181    Par ailleurs, s’agissant des autres arguments de la requérante visant à contester certains éléments de preuve, il convient de relever que, en ce qui concerne la réunion ECC du 29 août 2002, rien ne permet de douter de l’authenticité des éléments de preuve respectifs, contrairement à ce que fait valoir la requérante. À cet égard, il ressort du dossier que, ainsi que cela a été invoqué par la Commission, la version originale, en japonais, du procès-verbal lui a été transmise par Rubycon comme annexe à sa réponse du 30 mai 2014. En outre, la traduction anglaise du document a été fournie par Rubycon à la Commission le 25 juin 2014, comme faisant partie d’un CD-ROM contenant les traductions anglaises des documents qu’elle avait fournis. Enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’existe aucun doute sur le fait que les produits en cause lors de cette réunion étaient les produits écologiques en général, bien que les produits du type « LB » n’aient été mentionnés qu’une seul fois (voir point 3 du procès-verbal de la réunion).

182    S’agissant des réunions MK du 21 décembre 2009, du 17 juin 2010, du 16 juillet 2010 et du 16 septembre 2010 ainsi que du contact bilatéral du 6 octobre 2010, contrairement à ce que fait valoir la requérante, leur existence a été établie sur la base de différents éléments de preuve cohérents et crédibles, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 158 à 170 ci-dessus, à savoir les procès-verbaux des réunions, les notes et les déclarations d’entreprise identifiés dans la décision attaquée, respectivement aux considérants 573 à 580 et dans la note en bas de page no 1028, au considérant 606 et dans la note en bas de page no 1127, au considérant 615 et dans la note en bas de page no 1148, au considérant 619 et dans la note en bas de page no 1151 ainsi qu’au considérant 623 et dans la note en bas de page no 1155 de la décision attaquée.

183    S’agissant du contact bilatéral du 7 avril 2010, c’est à tort que la requérante conteste la suffisance et la crédibilité des éléments de preuve du fait qu’ils se limiteraient à une note manuscrite et prétendument presque illisible. D’une part, ladite note a été produite par un employé de Rubycon à la date du contact dans le but de consigner par écrit la conversation téléphonique et, partant, il convient de lui accorder une grande importance, conformément à la jurisprudence rappelée au point 175 ci-dessus. D’autre part, la déclaration d’entreprise de Rubycon a confirmé et expliqué cette note. De surcroît, il ressort de l’extrait de la note repris au considérant 587 de la décision attaquée qu’elle était suffisamment lisible pour permettre de comprendre que le contact concernait notamment les prix pour le client « P » et les condensateurs pour téléviseurs à écran plat, ce que, au demeurant, la requérante ne conteste pas.

184    De même, s’agissant de la réunion trilatérale du 31 mai 2010, il ressort des considérants 599 à 605 et de la note en bas de page no 1111 de la décision attaquée que la Commission a établi l’existence de cette réunion, organisée entre la requérante, Nichicon et Rubycon, sur la base de trois éléments de preuve, à savoir les notes manuscrites du représentant de Rubycon, contenant des extraits de la réunion, la déclaration d’entreprise de Rubycon, donnant des explications sur ces notes, et la réponse de Nichicon à une demande de renseignements de la Commission, confirmant que cette réunion avait eu lieu. Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ces preuves ne sont pas incompréhensibles ou insuffisantes.

185    Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

2)      Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative au caractère anticoncurrentiel des contacts contestés

186    La requérante remet en cause certains contacts contestés en faisant valoir, en substance, qu’ils n’incluaient pas un échange d’informations commercialement sensibles susceptible d’éliminer les incertitudes stratégiques des participants et, partant, n’avaient pas un caractère anticoncurrentiel. En particulier, la requérante conteste le sens et la portée de certains extraits des contacts contestés, transcrits dans la décision attaquée, en faisant valoir qu’il s’agissait d’échanges d’informations sur le passé ou d’informations à caractère public ou encore d’intentions futures qui ne se sont pas réalisées, c’est-à-dire d’informations qui ne sont pas susceptibles de réduire l’incertitude du comportement des concurrents sur le marché.

187    La Commission conteste ces arguments.

188    À titre liminaire, il convient de rappeler que les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité FUE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 119 et jurisprudence citée).

189    Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou attendu de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a envisagé d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 120 et jurisprudence citée).

190    La Cour a ainsi jugé que l’échange d’informations entre concurrents était susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténuait ou supprimait le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 121 et jurisprudence citée).

191    En particulier, il y a lieu de considérer comme ayant un objet anticoncurrentiel un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 122 et jurisprudence citée).

192    Il a déjà été jugé par le Tribunal que la fourniture d’informations commerciales sensibles, telles que l’échange de hausses de prix futures, avait, lorsque ces informations étaient adressées à une ou à des entreprises concurrentes, un effet anticoncurrentiel en ce que l’autonomie de comportement sur le marché des entreprises en cause s’en trouvait modifiée. En présence de telles pratiques entre concurrents, la Commission n’est pas tenue de prouver leurs effets anticoncurrentiels sur le marché en cause si elles sont concrètement aptes, compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elles s’inscrivent, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, point 78 et jurisprudence citée).

193    Il résulte des termes mêmes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE que la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 126 et jurisprudence citée).

194    À cet égard, la Cour a considéré qu’il y avait lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombait aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeuraient actives sur le marché tenaient compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. En particulier, la Cour a conclu qu’une telle pratique concertée relevait de l’article 101, paragraphe 1, TFUE même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur le marché (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 127 et jurisprudence citée).

195    Il ressort ainsi de la jurisprudence que la fourniture d’informations commerciales sensibles, telles que les informations sur les prix, sur l’offre et la demande, y compris sur les prix futurs ou sur l’offre et la demande futures (notamment sur le volume de production ou l’augmentation ou la diminution des expéditions), permet de réduire l’incertitude quant au comportement des concurrents sur le marché, d’aboutir à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché et, par conséquent, donne lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

196    En l’espèce, la Commission a conclu, au considérant 740 de la décision attaquée, que de nombreux extraits des contacts anticoncurrentiels, notamment des réunions ECC et ATC, démontraient que ces contacts avaient été mis en place pour échanger des informations commercialement sensibles et pour trouver une réponse coordonnée aux problèmes auxquels les entreprises concernées faisaient face (tels que la hausse du prix des matières premières, la fluctuation des devises ou la pression exercée par d’autres concurrents).

197    La Commission a également conclu, au considérant 741 de la décision attaquée, que l’objet des discussions lors des contacts anticoncurrentiels était resté le même ou largement similaire pendant toute la durée de l’entente. En effet, pendant toute la durée de l’infraction, les discussions étaient de nature globale et couvraient généralement les demandes de prix ou les appels d’offres des clients et leurs réponses, les prix de vente courants et ciblés, les augmentations de prix prévues ou obtenues pour des clients spécifiques ou dans l’ensemble du secteur, l’état des négociations avec les clients, la capacité de production et les prévisions de ventes.

198    Les arguments avancés par la requérante, visant spécifiquement à contester la nature anticoncurrentielle de certains extraits concrets des contacts contestés, ne sauraient remettre en question ces appréciations.

i)      Sur le caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations lors des réunions ECC

199    La requérante soutient, en substance, que, lors des réunions ECC, les participants n’ont pas échangé d’informations commerciales sensibles, notamment sur l’offre ou les prix futurs.

200    En ce qui concerne la réunion ECC du 26 juin 1998, il ressort du procès-verbal de réunion de Rubycon et de sa déclaration d’entreprise, repris, en substance, aux considérants 109 à 111 de la décision attaquée, que les participants à cette réunion, y compris la requérante, sont convenus d’accorder à un client, désigné comme la société « T », une réduction de prix de 0 à 3 %. En outre, certains participants se sont plaints des prix pratiqués par d’autres participants dans deux pays européens, à savoir l’Italie et le Royaume-Uni. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle le mot « plainte » (complained) serait trop fort et l’expression adéquate pour décrire ce comportement serait « mise à l’ordre du jour ». À supposer que cette affirmation soit exacte, cela signifierait, en tout état de cause, que, à tout le moins, les participants visaient à « mettre à l’ordre du jour » une coordination sur leur politique de prix au sein desdits pays européens.

201    En ce qui concerne la réunion ECC du 5 novembre 1998, il ressort des extraits de cette réunion, repris au considérant 114 de la décision attaquée que, lors de la réunion, la requérante a déclaré, en se référant à l’Europe, que « les négociations sur les prix pour l’année [suivante étaient] à deux chiffres et la baisse de la demande entraîn[ait] une chute des prix ». Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette déclaration ne se limite pas à une description d’une tendance actuelle ou à un commentaire général sur le niveau des prix, mais informe les autres participants sur ses intentions de prix en Europe. En effet, même si aucun chiffre précis n’est indiqué, ces informations dévoilent, cependant, aux autres participants la teneur des négociations que la requérante était en train de mener pour l’année suivante avec ses clients et le comportement qu’elle avait décidé de tenir ou qu’elle envisageait d’adopter sur le marché en termes de prix.

202    En outre, il ressort des extraits de cette réunion, repris au considérant 115 de la décision attaquée, que, lors de ladite réunion, Elna a fait part de ses craintes concernant le fait que la baisse du prix en dollar des États-Unis ne se limitait pas à la région couverte par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), mais s’étendait au monde entier, de sorte qu’il était nécessaire de prendre des mesures précoces. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, ces déclarations d’Elna ne se limitent pas à l’annonce des mesures unilatérales, mais démontrent une approche coordonnée concernant les prix pratiqués dans les différentes régions du monde au vu de la crainte de la réduction du prix en dollar des États-Unis.

203    En ce qui concerne la réunion ECC du 18 décembre 1998, c’est à tort que la requérante conteste l’interprétation que la Commission a donnée à la déclaration de la société « M » suivante :

« Europe – une baisse visible commence. Pour ce qui concerne l’euro, nous commencerons à assurer le règlement en euros à partir du prochain mois d’avril. »

204    D’une part, la Commission n’a pas mentionné cette phrase comme un exemple d’accord tarifaire en Europe, mais comme un exemple d’échange d’informations sur l’évolution actuelle et future de l’offre et de la demande en Europe (voir considérant 118 de la décision attaquée). En effet, la Commission a estimé qu’il ressortait des éléments de preuve mentionnés dans la note en bas de page no 217 de la décision attaquée que, lors de cette réunion, ladite société « M » avait informé les autres participants qu’une baisse visible commençait en Europe, en ce qui concernait la situation actuelle et future de l’offre et de la demande. Plus précisément, cette société a détaillé l’évolution de ses commandes dans plusieurs régions du monde, y compris en Europe, et a indiqué qu’elle commencerait à assurer le règlement en euros à partir d’avril 1999.

205    D’autre part, cette déclaration ne se limitait pas à informer les autres participants de la date à laquelle la société « M » commencerait à utiliser l’euro, mais, comme le souligne la Commission, elle aidait les autres participants à décider si et quand ils accepteraient eux-mêmes des paiements en euros, en éliminant l’incertitude quant à la date de la modification envisagée par leur concurrent. En effet, étant donné que les participants à la réunion étaient des entreprises japonaises, le fait que l’euro avait été introduit en tant que monnaie non fiduciaire à partir du 1er janvier 1999 ne les obligeait pas à accepter des paiements dans cette monnaie à une certaine date.

206    En ce qui concerne la réunion ECC du 29 octobre 1999, c’est à tort que la requérante conteste la pertinence de l’affirmation de la société « M », reproduite en ce termes dans le considérant 122 de la décision attaquée :

« Puces au tantale – il y a eu une augmentation des prix de 40 % pour [deux entreprises européennes], mais cette augmentation ne serait pas suffisante, à moins qu’il y ait une restriction de l’offre. »

207    Il en résulte que, certes, l’augmentation de 40 % qui y est mentionnée concernait le passé. Toutefois, la divulgation, en particulier, de ce pourcentage d’augmentation du prix est également liée à la seconde partie de la déclaration, qui fait référence à l’intention future de son auteur, à savoir celle de restreindre l’offre, c’est-à-dire la fourniture du type de condensateurs mentionné, afin de rendre suffisante ladite augmentation du prix.

208    En ce qui concerne la réunion ECC du 17 décembre 1999, c’est à tort que la requérante conteste le fait qu’Elna ait partagé une intention tarifaire pour l’avenir concernant l’EEE, quand elle a affirmé, lors de cette réunion, qu’elle était en train de négocier des augmentations de prix de plusieurs points de pourcentage avec des clients d’outre-mer (voir considérant 126 de la décision attaquée). En effet, il résulte de cette affirmation qu’Elna a fourni aux autres participants à la réunion des informations relatives aux négociations de prix qu’elle avait en cours et donc sur les prix futurs, et ce indépendamment du fait de savoir s’il s’agissait d’une « décision irréversible » d’Elna, comme le soutient la requérante.

209    En ce qui concerne la réunion ECC du 28 janvier 2000, la requérante conteste le fait que la Commission a interprété comme une intention d’augmenter les prix la déclaration de la société « M » indiquant, en ce qui concerne l’Europe, qu’« une augmentation des prix d’environ 15 % [était] nécessaire à partir d’avril en raison de la faiblesse de l’euro » (voir considérants 129 et 130 de la décision attaquée). Selon la requérante, il s’agirait d’une simple tentative de coordination, voire d’une intention non confirmée d’augmenter les prix. Cependant, indépendamment de la portée exacte de la déclaration en cause, il en ressort sans difficulté que le déclarant a communiqué ses intentions sur les prix futurs. En outre, même en admettant qu’une coordination entre les participants à cet égard ne soit pas démontrée, il n’en demeure pas moins que des échanges concernant des hausses de prix futures constituent la fourniture d’informations commerciales sensibles.

210    En ce qui concerne la réunion ECC du 25 mai 2000, les déclarations mises en cause par la requérante, qui figurent au considérant 133 de la décision attaquée, sont celles qui suivent. En premier lieu, un participant à la réunion a déclaré, lors de la partie de la réunion concernant « la situation de chaque entreprise », que, « pour l’Europe, en raison d’une baisse substantielle de l’euro, ils me[naie]nt des négociations relatives à des augmentations de prix d’au moins 30 % ». En deuxième lieu, la requérante a déclaré que, « en Europe, ils augment[ai]ent considérablement les prix en raison de la chute de l’euro ». En troisième lieu, Rubycon a affirmé qu’« ils négoci[ai]ent des augmentations de prix en raison de la chute de la monnaie européenne ». Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il résulte de ces éléments que, d’une part, les participants se sont mutuellement informés des négociations de prix en cours et que, d’autre part, ils se sont partagés des informations sur la manière dont ils envisageaient de réagir à la dépréciation de l’euro, en indiquant notamment le pourcentage d’augmentation envisagé.

211    En ce qui concerne la réunion ECC du 28 juillet 2000, la requérante conteste les appréciations de la Commission au considérant 136 de la décision attaquée. En premier lieu, elle fait valoir que l’expression japonaise « ne-modoshi », traduite « price rebound » en anglais, a été erronément interprétée par la Commission comme signifiant « augmentations des prix », alors qu’elle signifierait « redressement des prix », ce qui indiquerait que les participants à la réunion avaient discuté de fixations des prix dans le passé plutôt que pour le futur. En deuxième lieu, la phrase « et des mesures sont adoptées activement pour augmenter les prix sur le marché d’outre‑mer également » ne démontrerait qu’une simple description de la nécessité d’augmenter les prix pour compenser la montée des prix des matières premières, cette dernière étant une information disponible pour le public. En troisième lieu, les demandeurs de clémence auraient nié que des accords tarifaires ayant un effet dans l’EEE avaient été conclus au cours des réunions ECC.

212    Il ressort de la déclaration d’entreprise de Rubycon et du procès-verbal de la réunion ECC du 28 juillet 2000, repris en substance au considérant 136 de la décision attaquée, que, lors de cette réunion, les participants ont constaté que les augmentations de prix pour un type spécifique de condensateurs électrolytiques à l’aluminium pour les clients de Taïwan avaient été en grande partie réalisées avec succès. Par la suite, les participants ont affirmé que « [l]es prix [avaient] augmenté principalement à Taïwan et en Europe, mais [qu’]un niveau supplémentaire d’augmentation des prix [allait] se développer dans le reste du monde », qu’« [u]ne augmentation des prix de 3 à 5 % [avait] été acceptée sur le marché intérieur, et que des mesures actives [avaient été] prises pour augmenter les prix sur le marché extérieur également ».

213    Il en résulte que l’argument de la requérante tiré d’une prétendue erreur de traduction ou d’interprétation est dénué de pertinence, dans la mesure où il n’est pas contesté par la requérante que les participants à la réunion avaient discuté de la hausse des prix de leurs produits pour compenser la montée des prix des matières premières, indépendamment du fait de savoir s’ils se référaient à un « redressement des prix » ou à une « augmentation des prix ».

214    En outre, la requérante ne saurait être suivie quand elle allègue que, lors de cette réunion, les participants se limitaient à une « description de la nécessité générale d’augmenter les prix pour compenser la montée des prix des matières premières », étant donné qu’ils ont échangé des informations susceptibles de réduire l’incertitude quant à leur comportement respectif sur le marché. L’argument de la requérante, tiré du fait que des accords tarifaires n’auraient pas été conclus ainsi que du caractère public du prix des matières premières, est sans incidence à cet égard.

215    En ce qui concerne la réunion ECC du 20 septembre 2000, la requérante conteste la conclusion de la Commission, au considérant 139 de la décision attaquée, selon laquelle la société « M » aurait divulgué des informations confidentielles relatives à l’offre et à la demande. Il est, certes, vrai que ce concurrent avait annoncé publiquement la réduction de production des condensateurs électrolytiques « 11L sous 6 Ø et 7L ». Toutefois, il ressort du procès-verbal de la réunion de Rubycon, repris au considérant 140 de la décision attaquée, que, lors de cette même réunion, ce concurrent a également divulgué des informations sur le niveau de cette réduction et a fait part de son intention d’augmenter la production d’un autre type de condensateurs, en informant les autres participants du volume de production de ce type de condensateur. Il s’ensuit qu’une partie des informations que la société « M » a fournies lors de cette réunion n’avait pas été divulguée dans son communiqué de presse. En outre, le libellé même du procès-verbal de Rubycon, qui comporte la mention « Europe – le deuxième tour de rendement est en cours », contredit l’argument de la requérante tiré de la circonstance alléguée que les informations échangées appartiendraient au passé.

216    En ce qui concerne la réunion ECC du 22 novembre 2000, la requérante soutient que la Commission n’avait pas d’éléments pour conclure que les participants avaient discuté de la fixation des prix pour les condensateurs sans chlorure de vinyle. De plus, une réunion ultérieure qui devait se tenir le 20 décembre 2000 n’aurait pas eu lieu, et aucune suite concernant un « avis unanime » ne ressortirait du dossier de la Commission.

217    À cet égard, il ressort du procès-verbal de la réunion de Rubycon, repris aux considérants 145 et 146 de la décision attaquée, que les participants ont coordonné la réponse à donner à une éventuelle demande de prix de la société « S », en indiquant leur intention d’augmenter les prix, et que, s’agissant de la tarification d’un certain type de condensateurs pour des produits écologiques, bien qu’aucun consensus n’ait pu être atteint lors de cette réunion, il a été indiqué que, lors de la réunion suivante du 20 décembre 2000, l’augmentation du coût des matières premières, notamment, serait signalée et que, sur cette base, un consensus serait trouvé.

218    Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les participants à la réunion en cause ont discuté de leur politique de prix concernant un condensateur pour les produits écologiques et, partant, qu’ils se sont engagés dans un comportement anticoncurrentiel. Le fait qu’ils n’ont pas pu parvenir à un avis unanime et le fait que la réunion du 20 décembre 2000 mentionnée au point 217 ci-dessus n’ait pas eu lieu sont sans influence sur cette conclusion.

219    En ce qui concerne la réunion ECC du 19 septembre 2001, c’est à tort que la requérante soutient que les informations échangées concernant les condensateurs « à puces 04 et à puces 60 » se limitaient à des informations passées ou qu’elles pouvaient être obtenues auprès d’autres sources comme les clients. En effet, il ressort des extraits du procès-verbal de cette réunion, repris au considérant 150 de la décision attaquée, que Nichicon a partagé des informations commerciales sensibles, dans la mesure où elle a exposé l’évolution à la baisse des prix de certains types de condensateurs et les pourcentages de cette évolution. De plus, cette entreprise a informé les autres participants que les demandes de réduction des prix de la part de ses clients étaient de plus en plus fréquentes et elle a illustré le pourcentage de réduction demandé. Le fait qu’une partie de ces informations ait pu être obtenue auprès des clients de Nichicon, ce que la requérante n’a d’ailleurs pas démontré, est sans incidence sur cette conclusion.

220    En ce qui concerne la réunion ECC du 14 novembre 2001, la requérante conteste le caractère anticoncurrentiel des échanges intervenus lors des « réunions SM » qui y sont mentionnées. Par ailleurs, elle affirme qu’elle aurait exprimé le désir de se distancier de la participation à un comportement anticoncurrentiel au cours des « réunions SM ».

221    Il ressort du dossier, et notamment de la déclaration d’entreprise de Sanyo, que les « réunions SM », également appelées « SM committee », se tenaient régulièrement tous les mois, au niveau des gestionnaires (managers), par opposition aux réunions ECC, qui se tenaient au niveau des présidents. Cependant, l’affirmation de la requérante selon laquelle elle se serait publiquement distanciée des « réunions SM » n’est aucunement étayée et, en tout état de cause, le seul fait de se distancier de ces réunions ne permettrait pas de conclure que la requérante s’était distanciée de l’entente. D’une part, les réunions « SM » ne constituent qu’une petite partie des contacts anticoncurrentiels visés par la décision attaquée, auxquels la requérante ne nie pas avoir participé (voir point 144 ci-dessus). D’autre part, la requérante n’a pas démontré avoir indiqué à ses concurrents qu’elle continuait à participer aux réunions dans une optique différente de la leur, ce qui serait déterminant pour pouvoir conclure qu’elle s’était distanciée publiquement du comportement anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, points 47 et 48 et jurisprudence citée).

222    En outre, il ressort des extraits du procès-verbal de la réunion ECC du 14 novembre 2001, repris aux considérants 153 et 154 de la décision attaquée, dont l’exactitude n’est pas contestée par la requérante, que, lors de cette réunion, premièrement, les participants ont souligné l’importance de l’échange d’informations entre eux. Deuxièmement, la requérante a déclaré que les réunions devaient être fondées sur la confiance mutuelle au lieu de se concentrer sur les prix et que les participants devaient discuter face à face de ce qu’ils pouvaient promettre. Troisièmement, l’un des participants a affirmé que les problèmes qui devraient être résolus par la coopération ne concernaient pas seulement les prix, mais aussi les contre-mesures à l’encontre des fabricants étrangers. Quatrièmement, un autre participant a affirmé que l’ennemi commun des participants était les fabricants étrangers et que les participants devaient se faire concurrence modestement et développer un environnement permettant de discuter des problèmes après les évènements.

223    Il en résulte que les participants à cette réunion visaient à entreprendre une coordination pour l’avenir, notamment lors de futures réunions, et à échanger des informations, notamment en ce qui concerne les prix.

224    En ce qui concerne la réunion ECC du 19 mars 2002, la requérante conteste l’affirmation de la Commission, au considérant 156 de la décision attaquée, selon laquelle les participants à cette réunion auraient débattu de leur volonté de discuter des prix lors des futures réunions ECC. En effet, les participants ne se seraient pas mis d’accord à cet égard et la déclaration de la société « M », mentionnée au considérant 157 de la décision attaquée, selon laquelle celle-ci avait « l’intention de présenter un prix uniforme pour l’ensemble de son groupe », ne serait qu’une information générale. En outre, les informations sur l’offre et la demande concerneraient le passé ou seraient relatives à des tendances générales.

225    Or, cette interprétation de la requérante n’est pas étayée par les extraits du procès-verbal de cette réunion, repris aux considérants 157 et 158 de la décision attaquée. En effet, il en résulte que, au-delà de ladite déclaration de la société « M », les participants à la réunion, lors de la discussion sur l’objectif futur des réunions ECC, souhaitaient revenir au point de départ, ce qui n’était pas possible, étant donné que l’un d’entre eux refusait de discuter des prix. En outre, certains participants ont communiqué des informations sur l’offre et la demande, y compris des informations relatives à l’offre et à la demande pour le mois d’avril suivant, qui comprenaient des données concrètes, telles que l’augmentation de production envisagée pour les condensateurs électrolytiques au tantale ou le pourcentage de diminution des ventes.

226    En ce qui concerne la réunion ECC du 17 juillet 2002, il ressort des extraits du procès-verbal de cette réunion, repris aux considérants 162 et 163 de la décision attaquée, que, contrairement à ce que semble faire valoir la requérante, les échanges intervenus étaient de nature à influencer le comportement des concurrents sur le marché. D’une part, il ressort de la déclaration de Rubycon que celle-ci s’est montrée préoccupée par le fait que des produits étaient vendus à un prix très bas et a déclaré qu’il était nécessaire de présenter les prix avec prudence. D’autre part, le groupe Nippon Chemi-Con a annoncé que, une fois les activités du groupe reprises, une concurrence « au-delà de ce qui était nécessaire » devait être évitée.

227    En ce qui concerne la réunion ECC du 29 août 2002, c’est à tort que la requérante conteste l’appréciation de la Commission au considérant 167 de la décision attaquée selon laquelle, lors de cette réunion, les participants ont discuté d’une coopération tarifaire pour l’avenir, en particulier pour restreindre les diminutions de prix. En effet, il ressort des extraits du procès-verbal de la réunion, figurant au considérant 168 de la décision attaquée, que les participants ont envisagé la possibilité d’un traitement concerté des demandes de réduction de prix des clients, l’un des participants ayant affirmé qu’un rapport pouvait être établi sur l’état des mesures concernant les prix des principaux fabricants du secteur. Ce rapport, constitue, par sa nature, un échange d’informations sensibles sur le plan commercial qui, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ne se limite pas à une « tentative » de coopération, mais correspond à une forme de coordination sur la réponse en matière de prix.

228    Par ailleurs, s’agissant des discussions sur les produits écologiques lors de la réunion ECC du 29 août 2002, il y a lieu de constater que l’échange d’informations entre les participants ne s’est pas limité à un partage d’informations publiques ou de tendances de l’industrie, comme le fait valoir la requérante. Il ressort des extraits du procès-verbal de cette réunion, repris au considérant 169 de la décision attaquée, que les participants, notamment pour compenser l’augmentation des coûts des matières premières, sont convenus de fixer différemment le prix pour les produits écologiques et pour les produits non écologiques de certains clients et de maintenir la baisse des prix aussi réduite que possible.

229    En ce qui concerne la réunion ECC du 18 septembre 2002, les extraits du procès-verbal de cette réunion repris au considérant 175 de la décision attaquée et, notamment, le tableau y figurant démontrent que, contrairement à ce que soutient la requérante, les participants n’ont pas discuté de simples propositions de prix, mais se sont accordés sur les différents taux d’augmentation des prix pour certains types de condensateurs, ainsi qu’il résulte notamment de la phrase suivante selon laquelle « le taux d’augmentation est de 5 %, avec un minimum de 3 % en tant qu’avis consensuel de l’industrie ». De plus, il ressort des extraits repris au considérant 176 de la décision attaquée que les participants ont établi une « stratégie d’unification » pour la mise en œuvre des augmentations de prix. Selon cette stratégie, tout d’abord, une annonce sur l’augmentation des prix serait publiée dans les journaux, ensuite, un sous-comité serait convoqué pour discuter de détails supplémentaires et, enfin, une mesure serait prise à l’encontre d’un certain concurrent.

230    En ce qui concerne la réunion ECC du 29 janvier 2003, l’argument de la requérante tiré du fait qu’aucune discussion sur les intentions sur les prix n’aurait eu lieu ne saurait prospérer. En effet, les extraits du procès-verbal de cette réunion, repris au considérant 182 de la décision attaquée, démontrent, notamment, que l’un des participants a déclaré son « souhait de faire face à la question du prix en référence aux intentions d’autres entreprises » et qu’un autre participant a mentionné que « la violation de l’accord sur les prix laisserait une tache dans le déroulement des réunions », ce qui suffit pour démontrer que les participants ont discuté de leurs intentions sur les prix.

231    En ce qui concerne la réunion ECC du 19 février 2003, c’est à tort que la requérante soutient que les participants se seraient limités à échanger des informations sur les prix dans le passé qui avaient déjà fait l’objet d’un accord avec leurs clients. Ainsi qu’il ressort des extraits du procès-verbal de ladite réunion repris au considérant 186 de la décision attaquée, l’échange d’informations en cause concernait, en substance, le résultat de la mise en œuvre des augmentations de prix sur lesquelles les mêmes participants s’étaient accordés lors de la réunion ECC du 18 septembre 2002. Cet échange est, par nature, anticoncurrentiel, dans la mesure où il faisait suite à une précédente coordination des comportements en matière de prix. De plus, il n’est pas sans incidence sur les prix futurs, dans la mesure où il permet notamment de suivre le résultat de ladite coordination.

232    En ce qui concerne la réunion ECC du 15 mai 2003, il convient de relever que, dans la mesure où l’infraction visée par la décision attaquée comprenait des accords et/ou des pratiques concertées en matière de prix, l’argument de la requérante tiré du fait que l’appel lancé par Rubycon aux autres participants pour qu’ils maintiennent leurs prix (voir considérant 193 de la décision attaquée) n’aurait pas été accepté par les autres concurrents est dénué de pertinence. Cet appel révèle, en tout état de cause, que les participants discutaient de leur intention de maintenir les prix. La divulgation de cette intention aux autres concurrents est, indépendamment de leur accord exprès, contraire aux règles de la concurrence.

233    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les échanges d’informations lors des réunions ECC, notamment ceux détaillés aux points 200 à 232 ci-dessus, révèlent, en général, l’existence de contacts de nature soit à influencer le comportement d’entreprises concurrentes sur le marché, soit à dévoiler à ces entreprises le comportement qu’un concurrent a décidé ou envisage d’adopter sur le marché, en ce qui concerne notamment la politique des prix. Ces échanges sont donc contraires à l’exigence d’autonomie qui s’impose à tout opérateur économique et, partant, aux règles de concurrence, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 189 à 192 ci-dessus.

ii)    Sur le caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations lors des contacts postérieurs à 2008

234    La requérante soutient, en substance, que, lors des réunions et contacts ayant eu lieu après novembre 2008, les participants n’ont pas échangé d’informations commerciales sensibles et/ou pertinentes pour l’EEE. En particulier, la Commission n’aurait pas pris en compte le fait que, à la suite du séisme qui a eu lieu au Japon en mars 2011, les conditions du marché et le comportement des participants sur le marché avaient totalement changé, de sorte à empêcher la collusion alléguée entre les participants aux réunions et contacts en cause.

235    En ce qui concerne la réunion MK du 11 mars 2009, la requérante conteste l’interprétation que la Commission a retenue de la phrase figurant dans un courriel de l’entreprise « S » partiellement transcrite au considérant 503 de la décision attaquée et selon laquelle « [p]endant la réunion, des voix se sont élevées pour augmenter le prix selon le délai d’exécution des commandes, mais une augmentation du prix du matériel conducteur est improbable ». Cependant, même à supposer que l’interprétation de la requérante, selon laquelle ladite phrase signifierait simplement que « certains participants ont manifesté leur intérêt pour des augmentations de prix », soit correcte, il convient de souligner qu’il ressort des éléments repris au considérant 502 de la décision attaquée que, lors de cette réunion, les participants ont échangé des informations sur l’offre et la demande pour des types spécifiques de condensateurs électrolytiques et, en particulier, des données de projection de la demande pour mars, avril et mai 2009, c’est-à-dire des informations commerciales sensibles concernant l’offre et la demande.

236    En ce qui concerne le contact bilatéral des 1er et 7 mai 2009, la thèse de la requérante selon laquelle ce contact, qui a eu lieu entre « S » et elle-même, ne concernerait pas des prix futurs est directement contredite par les extraits des courriels des 1er et 7 mai 2009 transcrits aux considérants 510 et 511 de la décision attaquée. Il en résulte qu’un représentant de la requérante a envoyé à un représentant de Sanyo un tableau comparatif des prix pratiqués par les deux entreprises pour les condensateurs électrolytiques à l’aluminium du type « OS-CON », en lui demandant son avis sur les prix et en soulignant qu’ils préféraient « tous deux maintenir le prix au minimum ». En réponse, le représentant de Sanyo lui a donné des conseils en matière de prix et l’a informé des nouveaux prix de Sanyo, qui ont été alignés sur ceux de la requérante.

237    En ce qui concerne la réunion MK du 21 mai 2009, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort des éléments repris aux considérants 514 à 519 de la décision attaquée que certaines discussions lors de cette réunion n’étaient pas limitées aux condensateurs électrolytiques au tantale, ni à des clients particuliers, tel que le client « K ». Tel était le cas notamment de l’échange d’informations détaillées sur l’offre et la demande qui suivait le même schéma que les réunions MK précédentes et concernait tant les condensateurs électrolytiques à l’aluminium que ceux au tantale.

238    En ce qui concerne la réunion MK du 16 juillet 2009, c’est à tort que la requérante soutient que, lors de cette réunion, Rubycon n’a pas fait part de ses intentions tarifaires. En effet, il ressort des éléments repris aux considérants 523 à 528 de la décision attaquée que Rubycon a notamment indiqué aux autres participants la ligne d’action qu’elle privilégiait pour faire face à la valorisation du yen japonais, à savoir un rejet des commandes ayant un faible niveau des prix et une augmentation des prix de 20 %. Ainsi que le soutient la Commission, cet échange réduit pour les autres participants l’incertitude quant au comportement de Rubycon sur le marché.

239    En ce qui concerne le contact bilatéral de juillet 2009, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré d’une erreur de traduction et d’interprétation de l’expression « réponse zéro » en ce qu’elle a été interprétée comme exprimant l’intention de n’accorder aucune réduction de prix au client « A ». En effet, les éventuelles erreurs de traduction ou d’interprétation de cette expression sont sans incidence sur le fait que, ainsi qu’il ressort des courriels repris aux considérants 534 à 536 de la décision attaquée, la requérante et Nichicon, lors de ce contact, ont échangé des informations concernant leurs négociations respectives avec un certain client, établi en Hongrie.

240    En ce qui concerne la réunion MK du 21 août 2009, il ressort des extraits du procès-verbal de cette réunion, repris aux considérants 538 à 540 de la décision attaquée, que les participants ont échangé des informations détaillées concernant l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures ainsi que sur les augmentations des prix, ce que, au demeurant, la requérante ne conteste pas. Dans ce contexte, l’argument de la requérante tiré uniquement d’une erreur dans l’interprétation de la déclaration de Rubycon, citée au considérant 540 de la décision attaquée, est sans incidence, étant donné que, en tout état de cause, il n’est pas contesté qu’un échange d’intentions tarifaires pour le futur a eu lieu au cours de cette réunion.

241    En ce qui concerne les contacts bilatéraux des 9 et 11 décembre 2009, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les deux courriels que la requérante a envoyés à Rubycon, sous l’objet « négociations avec la société P », dont la transcription figure aux considérants 557 et 558 de la décision attaquée, démontrent que la requérante a divulgué à Rubycon des informations détaillées sur ses négociations avec la société « P », y compris des informations relatives à sa stratégie en ce qui concerne des négociations qui n’étaient pas encore finalisées. La phrase selon laquelle « [l]a société C [la requérante] tente de récupérer le prix pour de bon » en est un exemple.

242    En ce qui concerne le contact bilatéral du 25 janvier 2010, établi, par téléphone, entre la requérante et Elna, son caractère anticoncurrentiel ressort clairement de la déclaration d’Elna, transcrite au considérant 572 de la décision attaquée, qui indique : « Nous n’avons pas l’intention de réduire notre prix, ni de nous contenter de proposer un ajustement d’environ 1 % ». Contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’utilisation de l’expression humoristique « LOL » à la fin de la déclaration ne saurait changer cette conclusion.

243    En ce qui concerne le contact bilatéral du 23 février 2010, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’échange d’informations sur les prix avait un impact sur le futur, dès lors que le comportement futur de chaque entreprise participant à l’échange est conditionné par les informations précises sur les prix, même passés, qu’elle a reçues de son concurrent. De plus, lors de ce contact, il ressort de l’extrait repris à la fin du considérant 582 de la décision attaquée que les parties ont mentionné des intentions futures concernant un ajustement des prix ainsi que le refus de futures commandes supplémentaires du client « P ».

244    En ce qui concerne la réunion MK du 21 avril 2010, c’est à tort que la requérante invoque le contenu anodin des échanges intervenus lors de cette réunion. En effet, il ressort des éléments repris aux considérants 588 à 593 de la décision attaquée que cette réunion a suivi le même schéma que les réunions MK précédentes, à savoir que les participants, y compris la requérante, échangeaient des informations sur l’offre et la demande pour des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. En particulier, ils ont échangé des données de projection de la demande pour avril, mai et juin 2010.

245    En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort clairement des éléments repris par la Commission que les participants à la réunion MK du 21 avril 2010 ont discuté de leurs intentions futures concernant les prix et la production. Ainsi, il ressort de l’extrait mentionné au considérant 591 de la décision attaquée que la requérante s’est plainte des prix bas d’un type spécifique de condensateurs électrolytiques pour un certain client et que les autres participants ont confirmé que les réductions de prix n’étaient pas appropriées. De même, la déclaration de Rubycon, reprise au considérant 593 de la décision attaquée, divulgue son intention de réduire les commandes de certains articles et de déplacer la production vers des produits de grande taille présentant une grande valeur ajoutée.

246    En ce qui concerne la réunion MK du 21 mai 2010, il ressort des éléments repris aux considérants 594 à 598 de la décision attaquée que les participants ont, en particulier, échangé des données de projection de la demande pour mai, juin et juillet 2010. En outre, la déclaration de la requérante, transcrite au considérant 598 de la décision attaquée, manifestant son intention de ne pas augmenter les prix pour le client « S », illustre la divulgation des intentions tarifaires des participants.

247    En ce qui concerne la réunion MK du 17 juin 2010, il ressort des éléments repris aux considérants 607 et 608 de la décision attaquée que les participants ont, en particulier, échangé des données de projection de la demande pour juin, juillet et août 2010. En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les participants ne se sont pas limités aux échanges sur des « révisions » de prix unilatérales ou sur des ajouts dans les contrats d’une clause relative aux taux de change, mais ont partagé des informations concernant leur stratégie en cours, et donc future, pour les prix de certains types de condensateurs. Ainsi, il ressort des extraits du procès-verbal de la réunion repris aux considérants 609 à 611 de la décision attaquée que NEC Tokin a partagé sa stratégie de prix concernant un type spécifique de condensateurs électrolytiques au tantale, que Rubycon a divulgué des informations sur les prix des condensateurs électrolytiques à l’aluminium pour les clients japonais et étrangers et qu’Elna a fait part de l’influence négative que la faiblesse de l’euro a eu sur les ventes effectuées en yen japonais et a indiqué son intention de réviser les prix pour deux clients.

248    En ce qui concerne la réunion MK du 16 juillet 2010, ainsi qu’il ressort des éléments repris aux considérants 616 à 618 de la décision attaquée, les participants ont, en particulier, échangé des données de projection de la demande pour juillet, août et septembre 2010. En outre, la requérante a informé les autres participants à la réunion que l’augmentation des prix était en cours de négociation pour permettre l’augmentation de la production d’un type spécifique de condensateurs électrolytiques à l’aluminium.

249    En ce qui concerne la réunion bilatérale du 6 octobre 2010, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort des éléments repris aux considérants 623 à 625 de la décision attaquée que les participants à la réunion ont, en substance, échangé des informations concernant leurs futures intentions de prix pour les condensateurs électrolytiques à l’aluminium pour trois de leurs clients, dont un ayant son siège à Nuremberg (Allemagne).

250    En ce qui concerne la réunion MK du 15 ou 16 novembre 2010, il ressort des éléments repris aux considérants 628 et 629 de la décision attaquée que, tout d’abord, les participants ont, en particulier, échangé des données de projection de la demande pour novembre et décembre 2010 et janvier 2011. Ensuite, plusieurs participants ont divulgué des informations sur leurs augmentations de prix, dont certaines concernaient les prix futurs, notamment l’augmentation de prix visée par NEC Tokin pour le mois d’avril 2011. Enfin, il ressort des transcriptions reprises au considérant 630 de la décision attaquée qu’un échange sur les prix futurs pour les condensateurs électrolytiques à l’aluminium à haute pression a eu lieu et qu’il n’y a aucun doute quant à l’identification de ces produits, laquelle ressort, d’ailleurs, de la déclaration de la requérante reprise au même considérant de la décision attaquée. Ainsi, c’est à tort que la requérante soutient que cette réunion ne concernerait que des condensateurs électrolytiques au tantale et n’aurait pas un caractère anticoncurrentiel.

251    En ce qui concerne la réunion MK du 20 décembre 2010, il suffit de relever que les participants y ont échangé des données de projection de la demande pour décembre 2010, et janvier et février 2011. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, ces échanges n’étaient pas limités aux condensateurs électrolytiques au tantale et étaient susceptibles de réduire l’incertitude sur le marché.

252    En ce qui concerne la réunion MK du 19 avril 2011, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la déclaration d’Elna retranscrite au considérant 643 de la décision attaquée ne décrit pas simplement une possibilité. La déclaration en cause, selon laquelle, « [e]n outre, la hausse du coût des matières premières est préoccupante, et un nouvel ajustement des prix est tout à fait possible après le deuxième semestre (juillet) » constitue, en soi, une divulgation des intentions de prix pour le futur comme le soutient la Commission. De plus, il ressort du considérant 642 de la décision attaquée que, au cours de cette réunion, les participants ont échangé des données de projection de la demande pour avril, mai et juin 2011.

253    En ce qui concerne la réunion MK du 29 août 2011, il y a lieu de relever que, d’une part, les participants y ont échangé des données de projection de la demande pour les mois d’août, septembre et octobre 2011 (voir considérants 645 et 646 de la décision attaquée). D’autre part, ainsi qu’il ressort des éléments repris au considérant 647 de la décision attaquée, Elna a divulgué son intention d’augmenter ou de maintenir les prix pour les transactions réalisées en yen japonais et d’augmenter ses prix de 12 % pour les transactions en dollar des États-Unis.

254    En ce qui concerne la réunion MK du 24 octobre 2011, il ressort du procès-verbal de la réunion, en particulier des transcriptions reprises au considérant 650 de la décision attaquée, que la requérante a informé les autres participants notamment du fait qu’elle négociait des contrats annuels avec des clients d’outre-mer contenant des propositions d’augmentation des prix. Il en résulte que la requérante a communiqué à ses concurrents, qui participaient à la réunion, le déroulement des négociations en cours avec des clients, visant l’augmentation des prix.

255    En ce qui concerne la réunion MK du 23 avril 2012, il convient de relever que, d’une part, les participants y ont échangé des données de projection de la demande pour les mois d’avril, mai et juin 2012 (voir considérants 651 à 653 de la décision attaquée). D’autre part, il ressort de la déclaration de Rubycon mentionnée au considérant 654 de la décision attaquée que celle-ci a informé les autres participants à la réunion que plusieurs de ses clients étaient en train de demander des réductions de prix d’environ 5 à 7 % et qu’elle s’attendait à une réduction effective comprise entre 2,5 et 3 % environ, partageant ainsi des informations concrètes sur sa politique de prix.

256    Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les échanges d’informations lors des contacts postérieurs à 2008, détaillés aux points 235 à 255 ci-dessus, révèlent, en général, l’existence d’échanges d’informations de nature soit à influencer le comportement des concurrents sur le marché, soit à dévoiler à ces concurrents le comportement qu’un concurrent a décidé de tenir ou a envisagé d’adopter sur le marché, en ce qui concerne notamment la politique des prix. Ces échanges sont donc contraires à l’exigence d’autonomie qui s’impose à tout opérateur économique et, partant, aux règles de concurrence, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 189 à 192 ci-dessus.

257    Il s’ensuit que la deuxième branche du deuxième moyen doit être écartée.

3)      Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative au lien entre les contacts contestés et l’EEE

258    La requérante soulève différents arguments visant à remettre en question la pertinence des contacts contestés pour l’EEE et, ainsi, à démontrer l’absence d’un lien entre l’infraction en cause et l’EEE. Ces arguments sont tirés, en premier lieu, de la portée géographique des réunions ECC et de certains contacts postérieurs à 2008, en deuxième lieu, de la signification de l’expression « outre-mer », en troisième lieu, de l’importance mineure, pour l’EEE, de certains produits discutés lors des contacts contestés et, en quatrième lieu, des erreurs d’identification des sociétés désignées par une seule lettre lors des contacts contestés.

259    La Commission conteste ces arguments.

260    À cet égard, il convient de constater d’emblée que, ainsi qu’il ressort de l’analyse du cinquième moyen, c’est à bon droit que la Commission s’est estimée compétente aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dans la mesure où, en substance, il a été conclu que les participants à l’entente, y compris la requérante, avaient, directement ou indirectement, effectué des ventes de condensateurs électrolytiques à l’échelle mondiale, y compris en Europe (voir points 79, 81 et 82 ci-dessus).

261    Cependant, il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante concernant la pertinence de certains contacts contestés pour l’EEE, en ce que ces arguments visent à démontrer l’existence d’un lien limité entre l’entente et l’EEE.

i)      Sur la portée géographique des réunions ECC et de certains contacts postérieurs à 2008

262    En ce qui concerne la portée géographique des réunions ECC et de certains contacts postérieurs à 2008, la requérante fait valoir que, parmi les vingt réunions ECC, quinze étaient des réunions domestiques, ayant pour objet des échanges d’informations concernant la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium à des clients japonais.

263    À cet égard il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence de vingt réunions ECC, ayant eu lieu entre 1998 et 2003. Dans le cadre de ces réunions, les participants, y compris la requérante, discutaient initialement des condensateurs électrolytiques à l’aluminium ainsi que, à certaines occasions, des condensateurs électrolytiques au tantale. Les réunions ECC se divisaient en deux sous-groupes, à savoir les réunions ECC « Domestic » (réunions nationales) et les réunions ECC « Foreign Trade » (réunions sur le commerce extérieur). Parmi les vingt réunions ECC, neuf étaient des réunions « Foreign Trade », huit étaient des réunions « Domestic » et trois étaient des réunions des présidents (notes en bas de page nos 127 et 128 de la décision attaquée). Les réunions « Domestic » concernaient plutôt des fournitures à des clients ayant leur siège au Japon et les réunions « Foreign Trade » des fournitures à des clients ayant leur siège en dehors du Japon. Cependant, la Commission a constaté que, dans la pratique, cette division thématique n’était pas respectée et, par conséquent, a estimé que la distinction entre réunions ECC « Domestic » et « Foreign Trade » était dénuée de pertinence (considérants 78 à 80 de la décision attaquée).

264    Dans ces circonstances, l’argument de la requérante, tiré du libellé de certains réunions ECC qualifiées de réunions « domestiques », ne saurait remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle, en pratique, la prétendue division thématique des réunions ECC n’était pas respectée, la requérante n’avançant aucun autre élément utile à cet égard.

265    En outre, la requérante soutient que certaines réunions ECC et certains contacts postérieurs à 2008 n’avaient pas de lien avec l’EEE.

266    À cet égard, il convient de relever que, tout d’abord, pour plusieurs réunions ECC, la Commission a établi des éléments démontrant des références explicites à des clients européens ou à des produits vendus sur le marché européen (voir, notamment, réunions ECC du 26 juin et du 5 novembre 1998, du 29 octobre 1999, du 19 septembre 2001 et du 18 septembre 2002, mentionnées, respectivement, aux points 200, 201 et 206 ci-dessus et aux points 279 et 280 ci-après).

267    S’agissant de la réunion ECC du 15 mai 2003, il ressort de l’extrait du procès-verbal de cette réunion, repris en substance au considérant 192 de la décision attaquée, que les participants à la réunion ont notamment échangé des informations concernant la production et les ventes de condensateurs électrolytiques au tantale sur les marchés d’« outre-mer ». Or, ainsi qu’il ressort du point 275 ci-après, la Commission a pu à juste titre considérer que l’expression « outre-mer » couvrait, en l’espèce, l’EEE.

268    Ensuite, il convient de constater que la Commission a établi des éléments démontrant des références explicites à des clients européens ou à des produits vendus sur le marché européen pour plusieurs contacts postérieurs à 2008. En particulier, s’agissant de la réunion MK du 21 avril 2010, il ressort du procès-verbal de cette réunion, fourni par Matsuo, que les discussions incluaient le marché de l’EEE, ce qui est indiqué notamment par les phrases « les enquêtes des fabricants de composants électriques automobiles en Europe continuent d’être nombreuses » et « il n’a pas été possible d’effectuer toutes les livraisons à temps en Europe » ainsi que par le fait que le client « T » avait des usines de fabrication en Europe (voir considérant 669 de la décision attaquée). En outre, s’agissant de la réunion trilatérale du 31 mai 2010, il suffit de constater que la pertinence de cette réunion pour les fournitures dans l’EEE a été établie notamment par le fait que les participants ont discuté d’une augmentation des prix de 20 % pour les livraisons d’un certain type de condensateurs en Hongrie, en raison de l’affaiblissement de l’euro (voir considérant 604 de la décision attaquée), ce qui n’est pas mis en cause par les arguments de la requérante. De même, s’agissant de la réunion MK du 17 juin 2010, il ressort du procès-verbal de cette réunion, fourni par Matsuo, que les discussions incluaient des « révisions de prix » pour, au moins, un client ayant son siège ou usine de fabrication en Europe (voir considérant 611 de la décision attaquée).

269    De même, s’agissant de la réunion MK du 16 juillet 2010, il convient de constater qu’il ressort du procès-verbal de cette réunion produit par Sanyo, auquel renvoient les notes en bas de page no 1148 et 1150 de la décision attaquée, que, d’une part, Tokin a indiqué que les livraisons vers le marché européen des ordinateurs personnels étaient contrôlées afin d’éviter des pertes de change et, d’autre part, Elna a fait état d’une hausse des ventes pour les voitures européennes. Ces constats suffisent à démontrer que les discussions qui se sont tenues lors de la réunion MK du 16 juillet 2010 concernaient bien l’EEE.

270    Enfin, et en tout état de cause, il convient de relever que, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, les participants aux réunions mentionnées ci-dessus n’avaient pas limité leurs discussions à une zone géographique en particulier. Dans ces circonstances et dans la mesure où l’infraction en cause a une portée mondiale (voir points 79 à 82 ci-dessus), la Commission a pu à juste titre considérer, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 150 et 151 ci-dessus, que ces réunions incluaient l’EEE.

271    Les arguments de la requérante tirés de la portée géographique des réunions ECC ainsi que de certains contacts postérieurs à 2008 doivent donc être écartés.

ii)    Sur la signification de l’expression « outre-mer »

272    La requérante soulève des arguments visant à contester le fait que la Commission ait interprété l’expression « outre-mer », utilisée fréquemment par les participants aux contacts contestés, comme incluant l’EEE. Selon la requérante, la Commission aurait supposé, sans base probante, que les termes « outre-mer » et « étranger » incluaient l’Europe, alors que ces termes concerneraient d’autres pays asiatiques, tels que Taïwan et la Chine. En particulier, la requérante soutient que la Commission n’aurait pas prouvé que, lors des réunions ECC du 17 décembre 1999 , du 14 novembre 2001, du 19 mars et du 17 juillet 2002 ainsi que lors des réunions MK de novembre 2009, du 18 février, du 15 ou 16 novembre et du 20 décembre 2010, l’utilisation de l’expression « outre-mer » renvoyait à des fabricants, à des concurrents ou à des clients établis dans l’EEE ou encore au marché de l’EEE. Lesdits contacts contestés n’auraient donc pas de lien avec l’EEE.

273    D’une part, en ce que l’argumentation de la requérante repose, en substance, sur un défaut de preuves précises et concordantes, il convient de souligner que, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 148 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de prouver que chacune des références à l’« outre-mer » visait à inclure l’EEE. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par la Commission, apprécié globalement, permette d’établir que, au moins dans certains cas, cette expression incluait l’EEE.

274    D’autre part, il convient de relever que, premièrement, l’expression « outre-mer » ne fait référence à aucune zone géographique précise. Cette expression semble, en effet, être employée de manière générique, de sorte que rien ne permet d’exclure l’EEE. Deuxièmement, il ne ressort pas des différents procès-verbaux et notes internes relatives aux différents contacts anticoncurrentiels que les participants à l’entente aient exclu l’EEE des discussions concernant la situation sur les marchés en dehors du Japon. Troisièmement, la requérante ne conteste pas que les participants à l’entente, qui utilisaient cette expression lors des différents contacts, étaient pour la plupart présents sur le marché de l’EEE à l’époque desdits contacts, y compris la requérante elle-même. Quatrièmement, il ressort des considérants 671 et 679 de la décision attaquée que, dans de nombreuses réunions ATC et MK, l’expression « outre-mer » incluait l’EEE. En particulier, il ressort des extraits des procès-verbaux de la réunion ATC du 28 ou 29 août 2003 et des réunions MK de mars 2005 et du 14 février 2007, transcrits au considérant 671 de la décision attaquée, que des références expresses à l’Europe ont été faites dans le contexte de l’utilisation de l’expression « outre-mer ». Or, ainsi que le souligne la Commission, rien n’indique que la signification de cette expression ait été différente lorsqu’elle était utilisée dans le cadre d’autres contacts anticoncurrentiels, a fortiori s’agissant de contacts qui, selon la Commission, s’inscrivaient dans un même plan d’ensemble et rassemblaient les mêmes participants, question qui fait objet du troisième moyen.

275    Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 150 et 151 ci-dessus, la Commission a pu à juste titre considérer que l’expression « outre-mer » couvrait, en l’espèce, l’EEE ou, plus précisément, que l’entente soit avait une portée mondiale, de sorte qu’elle incluait l’EEE, soit concernait directement l’EEE.

276    Les arguments de la requérante tirés de la signification de l’expression « outre-mer » lors des contacts contestés doivent donc être écartés.

iii) Sur l’importance mineure, pour l’EEE, de certains produits discutés lors des contacts contestés

277    La requérante soutient que certains échanges d’informations lors des contacts contestés ne seraient pas pertinents pour le marché de l’EEE, dans la mesure où ils concerneraient des types de condensateurs dont les ventes seraient inexistantes ou très faibles dans le marché de l’EEE. Cependant, les arguments de la requérante ne démontrent pas l’absence de lien avec l’EEE, et ce indépendamment du volume des ventes en Europe des produits en cause.

278    En effet, s’agissant des condensateurs à puce au tantale, qui ont été discutés lors de la réunion ECC du 29 octobre 1999, il ressort du point 206 ci-dessus que les échanges en cause concernaient bien la fourniture de ce type de condensateurs à deux clients européens, ce que, au demeurant, la requérante ne conteste pas.

279    S’agissant des condensateurs dénommés « puces 04 et 60 », qui ont été discutés lors de la réunion ECC du 19 septembre 2001, la requérante se limite à alléguer que les clients pour ces produits seraient établis principalement en dehors de l’Europe et que les ventes réalisées en Europe se limiteraient à 10 % des ventes au niveau mondial. Partant, la requérante admet elle-même qu’il existait des ventes de ce type de condensateurs en Europe, bien qu’elles soient réduites.

280    S’agissant des condensateurs visés lors de la réunion ECC du 18 septembre 2002, il suffit de constater qu’il ressort des considérants 176 et 669 de la décision attaquée que la requérante effectuait des ventes, par l’intermédiaire de sa filiale en Europe, aux deux clients mentionnés lors de cette réunion, qui étaient présents sur le marché de l’EEE, ce que, au demeurant, la requérante a admis lors de sa réponse à la communication des griefs et à la lettre d’exposé des faits.

281    S’agissant des condensateurs visés par les contacts bilatéraux des 1er et 7 mai, des 9 et 11 décembre et de décembre 2009, de janvier et du 25 janvier 2010, il ressort notamment des éléments repris au considérant 703 de la décision attaquée qu’il existait des clients européens pour ce type de condensateurs, même si leurs principaux clients étaient des fabricants de cartes mères ou d’ordinateurs, établis en Asie.

282    S’agissant des condensateurs visés par les réunions MK du 18 février et du 21 mai 2010, il convient de relever que, d’une part, les discussions lors de ces réunions portaient sur les condensateurs électrolytiques au tantale ainsi que sur ceux à l’aluminium. D’autre part, ainsi qu’il ressort des éléments repris aux considérants 578 et 598 de la décision attaquée, il y a eu des échanges au cours de ces réunions concernant le client « S », qui avait des usines de fabrication en Europe et à destination de qui plusieurs participants à l’entente ont effectué des ventes en Europe (voir point 291 ci-après).

283    En tout état de cause, même en admettant que lors de certains contacts anticoncurrentiels les participants aient discuté des types de condensateurs électrolytiques dont les ventes étaient inexistantes ou très faibles dans le marché de l’EEE, il convient de souligner que l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ces pratiques et accords aient des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. En effet, il ne saurait être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 106).

284    Il en résulte que l’ensemble de l’argumentation de la requérante, tirée d’une importance mineure pour l’EEE de certains produits qui ont été discutés lors des contacts contestés, doit être écartée, sans qu’il soit besoin d’examiner de manière plus détaillée les autres arguments de la requérante à cet égard, à savoir ceux tirés d’une importance mineure, voire inexistante, pour l’EEE, des différents types de produits qui ont été discutés lors des réunions ECC du 20 septembre 2000, du 17 juillet 2002, des 29 janvier, 19 février, 15 mai et 7 novembre 2003, lors des réunions MK du 16 juillet, de novembre et du 21 décembre 2009 ainsi que lors du contact bilatéral du 7 avril 2010.

iv)    Sur des erreurs d’identification des sociétés désignées par une seule lettre lors des contacts contestés

285    Afin de démontrer l’absence de lien avec l’EEE, la requérante conteste l’identité de certaines sociétés désignées par une seule lettre dans les procès-verbaux des contacts contestés.

286    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les éléments en cause concernent des comportements clandestins, impliquant des réunions tenues secrètement et une documentation réduite au minimum. Compte tenu de la difficulté d’obtenir des preuves directes de tels comportements, telles que les notes ou les comptes rendus des réunions contemporains de l’infraction, leur valeur probante ne peut être mise en cause du seul fait qu’elles sont manuscrites ou fragmentaires, qu’elles comportent des abréviations et des symboles et qu’elles peuvent ainsi nécessiter de précisions supplémentaires ou doivent être examinées dans le contexte des autres informations en possession de la Commission (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 203 et jurisprudence citée).

287    Premièrement, la requérante soutient que la société « T », mentionnée lors de la réunion ECC du 26 juin 1998, n’était pas la société française Thomson, mais une société asiatique, ainsi que le démontrerait la référence à la région couverte par l’ANASE.

288    Cependant, il résulte des éléments mentionnés aux considérants 109 à 111 de la décision attaquée que la lettre « T » utilisée dans le cadre de cette réunion désignait un fabricant français de produits électroniques. D’une part, la signification de cette lettre a été confirmée par Rubycon, qui, en tant qu’auteur du procès-verbal de la réunion, était bien placée pour expliquer la signification des lettres utilisées, et, d’autre part, la référence à l’ANASE, au cours de la réunion, n’était pas liée à l’expression « société T » et, partant, ne contredit pas cette explication.

289    Deuxièmement, la requérante soutient que la société « M », qui a participé à la réunion ECC du 18 décembre 1998, désignait Matsuo, un fabricant de condensateurs électrolytiques au tantale, dont les ventes étaient insignifiantes dans l’EEE. Cependant, d’une part, ainsi qu’il ressort clairement de la déclaration d’entreprise de Rubycon, la lettre désigne un fabricant de condensateurs électrolytiques à l’aluminium (voir considérant 119 et note en bas de page no 221 de la décision attaquée). D’autre part, ainsi qu’il ressort des considérants 180 et 1007 de la décision attaquée, non contestés par la requérante, la première réunion à laquelle Matsuo a participé a eu lieu quelques années plus tard, le 29 janvier 2003.

290    Troisièmement, la requérante conteste la conclusion de la Commission, au considérant 125 de la décision attaquée, selon laquelle la société « S », mentionnée lors de la réunion ECC du 17 décembre 1999, serait une société japonaise avec des usines de fabrication en Europe et non, entre autres hypothèses, un client américain. Or, il ressort de la décision attaquée que l’identification de cette société est fondée sur la déclaration d’entreprise de Rubycon ainsi que sur le procès-verbal de Rubycon de la réunion ECC du 25 mai 2000, repris aux considérants 125 à 127 de la décision attaquée.

291    Or, contrairement à ce que semble faire valoir la requérante, le fait que l’explication relative à l’identité de la société « S » a été donnée par l’entreprise qui était à l’origine du procès-verbal de ladite réunion tend à lui conférer un caractère particulièrement fiable (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 183 et jurisprudence citée). De plus, la même identification de la société « S » comme étant ladite société japonaise ressort du procès-verbal de Rubycon de la réunion CUP du 7 octobre 2008, repris au considérant 482 de la décision attaquée. De surcroît, plusieurs participants à l’entente ont confirmé, dans leur déclarations d’entreprise, que ladite société japonaise possédait des usines de fabrication dans l’EEE et qu’ils avaient effectué, durant la période infractionnelle, des ventes à celle-ci dans l’EEE (voir considérant 669 de la décision attaquée). La requérante a, d’ailleurs, confirmé dans sa réponse à la communication des griefs que, à l’époque, sa filiale européenne effectuait des ventes à cette société.

292    Il s’ensuit que l’argument de la requérante visant à contester l’identité de la société « S » dans le cadre de la réunion ECC du 22 novembre 2000 (voir considérant 145 de la décision attaquée) doit également être écarté.

293    Quatrièmement, la requérante conteste l’identification de la société « P », dans le cadre des contacts bilatéraux du 13 novembre 2009 , des 9 et 11 décembre 2009 et du 23 février 2010, comme étant une société établie en Europe. Cependant, il ressort clairement de la déclaration d’entreprise, mentionnée au considérant 548 et dans les notes en bas de page no 1021, 1027 et 1077 de la décision attaquée, que Rubycon a identifié la « société P » comme étant ladite société établie en Europe. Cette identification est également confirmée par le fait que le contact bilatéral du 13 novembre 2009 faisait partie d’un groupe de contacts entre la requérante et Rubycon, ayant eu lieu entre septembre 2007 et décembre 2009, qui concernaient tous le même client « P » (voir considérants 402, 477, 547 et 555 de la décision attaquée). De plus, dans les courriels concernant l’un de ces contacts, ledit client a été identifié expressément par sa dénomination complète.

294    Les arguments de la requérante tirés des erreurs d’identification des sociétés désignées par une seule lettre lors des contacts contestés doivent donc être écartés.

295    Par conséquent, la troisième branche du deuxième moyen doit être écartée dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner plus en profondeur les arguments de la requérante concernant, en particulier, les réunions MK du 11 mars et du 17 septembre 2009. En effet, la question de savoir si certains contacts contestés, qui n’étaient pas limités à une zone géographique spécifique, incluaient ou non l’Europe est sans incidence sur la conclusion selon laquelle les contacts anticoncurrentiels, dans leur ensemble, présentaient un lien avec l’EEE. À cet égard, il convient de relever que, d’une part, plusieurs de ces contacts contenaient des références expresses à l’Europe et, d’autre part, les participants à ces contacts effectuaient à l’époque, directement ou par l’intermédiaire de leurs filiales, des ventes dans le marché de l’EEE (voir points 81 et 271 ci-dessus).

296    En tout état de cause, c’est à tort que la requérante soutient que certains contacts postérieurs à 2008 ne présentaient pas de lien avec l’EEE. À cet égard, s’agissant du contact bilatéral du 13 novembre 2009, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort des éléments repris aux considérants 547 et 548 de la décision attaquée que ce contact faisait partie d’un ensemble de contacts bilatéraux, établis entre la requérante et Rubycon, concernant tous la société « P » (voir point 293 ci-dessus), société qui avait des usines de fabrication en Europe et à laquelle les filiales de la requérante effectuaient des ventes à l’époque, comme l’a admis la requérante dans la requête. De plus, dans la mesure où ce contact a été établi par un représentant de la requérante, son argument tiré d’une prétendue autonomie de ses filiales est sans incidence.

297    Par ailleurs, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante concernant la réunion MK du 21 mai 2009 et les contacts bilatéraux de janvier et du 25 janvier 2010, tirés du fait qu’elle n’effectuait pas de ventes à certains clients spécifiques dans l’EEE, étant donné que, ainsi que le fait valoir la Commission, l’entente n’était pas limitée à des clients particuliers. En outre, s’agissant, en particulier du client « K » mentionné lors de la réunion MK du 21 mai 2009, il ressort de la réponse de la requérante à la communication des griefs que sa filiale européenne effectuait des ventes à ce client dans l’EEE, même si elles étaient limitées.

298    Il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a conclu à l’existence d’un lien entre les contacts anticoncurrentiels, pris dans leur ensemble, et l’EEE. Les arguments de la requérante visant à démontrer l’existence d’un lien limité entre l’entente et l’EEE doivent donc être écartés.

299    Partant, la troisième branche du deuxième moyen doit être écartée dans son ensemble.

4)      Sur la quatrième branche du deuxième moyen, relative aux dates de début et de fin de l’infraction ainsi qu’à la prescription

300    D’une part, la requérante soutient que la Commission a fixé erronément le début de l’infraction à la date de la première réunion ECC et la fin de l’infraction à la date de la réunion MK du 23 avril 2012. Cette erreur découlerait du fait que la Commission n’a pas présenté de preuves précises et concordantes concernant la nature anticoncurrentielle et/ou la pertinence pour l’EEE des réunions ECC et de la réunion MK du 23 avril 2012.

301    D’autre part, la requérante fait valoir que tous les comportements prétendument infractionnels qui lui sont imputés et qui ont pris fin avant le mois de mars 2009 sont prescrits, dans la mesure où la première action de la Commission qui aurait interrompu le délai de prescription de cinq ans, prévu à l’article 25 du règlement no 1/2003, serait la demande de renseignements du 28 mars 2014, mentionnée au considérant 46 de la décision attaquée. Selon la requérante, l’octroi d’un marqueur à Panasonic n’était pas un acte susceptible d’interrompre le délai de prescription, celui-ci n’étant pas un acte analogue à ceux énumérés à l’article 25, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1/2003. De plus, la jurisprudence issue de l’arrêt du 6 octobre 2015, Corporación Empresarial de Materiales de Construcción/Commission (T‑250/12, EU:T:2015:749), ne serait pas transposable en l’espèce, car elle concernerait l’interruption de la prescription par une décision d’accorder une immunité conditionnelle et non par un acte d’octroi d’un marqueur, ce dernier ne conférant pas de statut procédural au demandeur qui permette à la Commission d’instruire et de poursuivre l’infraction alléguée.

302    La Commission conteste ces arguments.

303    S’agissant des dates de début et de fin de la période infractionnelle, dans la mesure où les arguments de la requérante visant à remettre en cause les contacts contestés, y compris les réunions ECC et la réunion MK du 23 avril 2012, ont été écartés dans leur ensemble, il y a également lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait fixé erronément le début de l’infraction à la date de la première réunion ECC et la fin de l’infraction à la date de la réunion MK du 23 avril 2012.

304    S’agissant de la prescription, il convient de rappeler que, selon l’article 25, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, le délai de prescription des ententes est de cinq ans à compter du jour où l’infraction a pris fin.

305    En outre, selon l’article 25, paragraphe 3, dudit règlement, la prescription en matière d’imposition d’amendes est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction.

306    Or, compte tenu, d’une part, de la conclusion figurant au point 303 ci-dessus, selon laquelle la Commission n’a pas commis d’erreur en retenant la date de la réunion MK du 23 avril 2012 comme date de la fin de l’infraction, et, d’autre part, de la demande de renseignements de la Commission du 28 mars 2014, adressée à la requérante, qui constitue un acte interruptif de la prescription, conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, c’est à tort que la requérante invoque la prescription de l’infraction.

307    Il y a donc lieu d’écarter la quatrième branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

d)      Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’une infraction unique et continue

308    Par son troisième moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas établi l’existence d’une infraction unique et continue couvrant tous les condensateurs électrolytiques pendant toute la durée de l’infraction alléguée.

309    Ce moyen se divise en trois branches. La première branche est tirée de l’absence de démonstration d’un plan d’ensemble. La deuxième branche est tirée de l’absence de preuve d’un lien de complémentarité entre les contacts anticoncurrentiels. La troisième branche est tirée de ce que la Commission n’aurait pas tenu compte du caractère hétérogène de l’industrie des condensateurs, lequel rendrait impossible l’existence de l’infraction alléguée.

310    À titre liminaire, il convient de rappeler que la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (voir arrêt du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 89 et jurisprudence citée).

311    Une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑644/13 P, EU:C:2017:59, point 47 et jurisprudence citée).

312    L’objectif unique visé par le plan global qui caractérise une infraction unique et continue ne saurait être déterminé par la référence générale à la distorsion de concurrence dans le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’atteinte portée à la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements, concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique (voir arrêt du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 92 et jurisprudence citée).

313    Afin de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il n’y a pas lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribue, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. En revanche, la condition tenant à la notion d’objectif unique implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 58 et jurisprudence citée).

314    En l’espèce, la Commission a considéré que les différents contacts anticoncurrentiels décrits à la section 4.3.6 de la décision attaquée s’inscrivaient dans un plan global avec un but anticoncurrentiel unique. L’objectif poursuivi par les parties, et qui transparaît de ces échanges, était d’éviter la concurrence par les prix et de coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 730 et 731 de la décision attaquée).

315    Cet objectif anticoncurrentiel unique était poursuivi au moyen de discussions sur les prix, y compris sur les prix futurs, de discussions sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures (notamment sur le volume de production ou l’augmentation ou la diminution des expéditions) et, dans certains cas, sur la conclusion, l’application et le suivi d’accords sur les prix (considérants 62 et 715 de la décision attaquée).

316    La Commission a estimé que, bien que l’entente ait évolué avec le temps, l’objectif n’avait pas changé, les 113 contacts anticoncurrentiels décrits dans la décision attaquée présentant des caractéristiques communes en ce qui concerne les participants, la nature et la portée matérielle des discussions, qui se recoupaient. Ainsi, les réunions multilatérales, organisées sous différents noms (réunions ECC de 1998 à 2003, réunions ATC de 2003 à 2005, réunions MK de 2005 à 2012 et réunions CUP de 2006 à 2008), ont été, à des moments différents, suivies par les neuf participants à l’entente et portaient à la fois sur les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. En parallèle, des contacts bilatéraux et trilatéraux se déroulaient selon les besoins, couvrant des questions spécifiques. Les mêmes individus, ou leurs successeurs selon le cas, étaient impliqués dans les contacts anticoncurrentiels (considérants 70 à 75, 726, 732, 741, 743 de la décision attaquée).

317    La Commission a conclu que l’infraction s’était poursuivie sans interruption en dépit de l’évolution de la réalité économique, des variations de la structure organisationnelle de certaines des entreprises concernées et des changements intervenus dans le personnel impliqué dans le comportement (considérants 76, 729, 742 et 745 de la décision attaquée).

1)      Sur la première branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’un plan d’ensemble

318    La requérante soutient que la Commission n’a pas établi l’existence d’un plan d’ensemble, dans la mesure où, en substance, en premier lieu, la Commission n’aurait pas prouvé que chaque contact anticoncurrentiel avait le même objectif unique, alors que le fait que les réunions CUP aient utilisé un « mécanisme » différent de celui des autres réunions démontrerait la différence d’objectifs entre les différents contacts anticoncurrentiels. En deuxième lieu, la description du plan d’ensemble, tant dans la communication des griefs que dans la décision attaquée, serait trop vague et imprécise, alors que la notion de plan d’ensemble exigerait une référence à des produits, à une zone géographique et à un mécanisme collusoire spécifiques. En troisième lieu, les éléments de preuve invoqués par la Commission ne démontreraient pas qu’un objectif anticoncurrentiel unique ait été poursuivi tout au long de la période infractionnelle.

319    La Commission conteste ces arguments.

320    En l’espèce, il convient de relever que les éléments repérés par la Commission dans la décision attaquée et, notamment, ceux rappelés aux points 314 à 317 ci-dessus, concernant les caractéristiques communes des contacts anticoncurrentiels, dont le but ultime était la coordination des comportements en matière de prix, sont suffisants, à l’égard des exigences qui découlent de la jurisprudence rappelée aux points 150 et 151, 310 et 311 ci-dessus, pour démontrer qu’ils partageaient le même objet et s’inscrivaient dans un plan global visant un objectif unique.

321    L’argumentation de la requérante ne remet pas en cause cette conclusion.

322    En premier lieu, la Commission n’était pas censée vérifier si chacun des différents contacts anticoncurrentiels était destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuait, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. C’est l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par les participants à l’entente qui constitue le plan d’ensemble tel qu’envisagé par la jurisprudence visée au point 313 ci-dessus.

323    En outre, la requérante n’avance aucun élément concret permettant de suggérer que certains comportements avaient des caractéristiques indiquant qu’ils ne partageaient pas le même objet anticoncurrentiel et, partant, qu’ils ne s’inscrivaient pas dans le même plan d’ensemble.

324    À cet égard, c’est à tort que la requérante soutient que les réunions CUP avaient un objectif différent, révélé par le fait que ces réunions utilisaient un « mécanisme » différent de celui des autres réunions. Il est, certes, vrai que la Commission a constaté que les participants aux réunions CUP avaient conclu des accords sur les prix et avaient établi un système de compte rendu des actions des entreprises à des fins de contrôle de leur stratégie pour les augmentations de prix (voir considérant 72 de la décision attaquée). Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 315 ci-dessus, ce « mécanisme » de suivi ou de contrôle de la stratégie pour les augmentations de prix n’était qu’un des moyens de poursuivre l’objectif ultime de la coordination des comportements en matière de prix. De plus, la Commission a également constaté que ce « mécanisme » de contrôle s’inscrivait dans une stratégie globale selon laquelle les entreprises surveillaient leur comportement réciproque de façon générale et, partant, en dehors également des réunions CUP (voir considérant 716 de la décision attaquée).

325    Ainsi, bien que, dans le cadre des réunions CUP, les participants aient poursuivi des accords en matière de prix et un système de contrôle de la stratégie des prix, alors que dans le cadre d’autres réunions ils ont échangé des informations sur les prix ou sur l’offre et la demande, les réunions CUP ne sauraient être perçues comme poursuivant un objectif différent de celui des autres contacts anticoncurrentiels.

326    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas prouvé que les contacts anticoncurrentiels décrits dans la décision attaquée avaient un objectif unique, au regard de l’objectif prétendument différent poursuivi par les réunions CUP.

327    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la description du plan d’ensemble dans la décision attaquée serait « trop vague et imprécise » et ne serait « rien de plus qu’une référence générale à une distorsion de la concurrence sur le marché ».

328    Il est, certes, vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 312 ci-dessus, la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans le marché concerné par l’infraction.

329    Toutefois, en l’espèce, les arguments de la requérante, tirés d’une description insuffisante du plan d’ensemble dans le cadre de la communication des griefs, sont inopérants. En effet, l’acte qui fait l’objet du présent recours est la décision attaquée et non la communication des griefs, qui, d’ailleurs, est un acte à caractère purement provisoire. Bien que la communication des griefs doive énoncer tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure, cette indication peut être faite de manière sommaire et la décision ne doit pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, points 41 et 42 et jurisprudence citée).

330    En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la description du plan d’ensemble n’est pas « vague » en ce qui concerne les produits, les mécanismes collusoires et les marchés concernés. En effet, tous ces éléments ressortent clairement de la description figurant dans la décision attaquée, telle que résumée à l’article 1er de cette décision, selon lequel l’infraction en cause s’est déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et a consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir point 14 ci-dessus).

331    Enfin, il convient de constater que l’argumentation de la requérante au soutien d’une description « vague » du plan d’ensemble est fondée en grande partie sur les considérants 767, 769 et 770 de la décision attaquée, qui contiennent la réponse de la Commission aux arguments de la requérante développés dans le cadre de sa réponse à la communication des griefs et à la lettre d’exposé des faits (voir point 10 ci-dessus). Ainsi que le fait valoir la Commission, la requérante ignore les considérants 730 à 743 de la décision attaquée, qui contiennent les motifs pour lesquels la Commission a conclu à l’existence d’un plan d’ensemble avec un objectif commun.

332    Or, il résulte desdits considérants 730 à 743 de la décision attaquée, parmi d’autres considérants rappelés aux points 314 à 316 ci-dessus, que, d’une part, la Commission a défini le plan d’ensemble comme consistant à éviter la concurrence par les prix et à coordonner le comportement futur des participants concernant la vente de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché. D’autre part, la Commission a expliqué de quelle manière cet objectif commun était recherché et les raisons pour lesquelles les contacts anticoncurrentiels décrits dans la décision attaquée constituaient un comportement continu dans la poursuite d’un objectif économique unique, au sens de la jurisprudence rappelée au point 310 ci-dessus.

333    En troisième lieu, la requérante fait valoir que les éléments de preuve invoqués par la Commission ne démontreraient pas qu’un objectif anticoncurrentiel unique ait été poursuivi tout au long de la période infractionnelle.

334    À cet égard, l’argument de la requérante selon lequel la Commission invoquerait uniquement des éléments de preuve concernant les réunions ECC et ATC sans préciser l’objectif sous-jacent aux autres réunions est directement contredit par la teneur même de la décision attaquée. En effet, l’argument de la requérante est fondé essentiellement sur le considérant 733 de la décision attaquée, qui ne contient pas une liste exhaustive des éléments démontrant l’objectif des participants, mais se limite à mentionner, à titre d’« exemple », certains éléments tirés de la section 4.3.6 de la décision attaquée.

335    Or, ladite section 4.3.6 de la décision attaquée présente une chronologie complète des contacts anticoncurrentiels, avec des détails concernant chaque réunion multilatérale et chaque contact bilatéral ou trilatéral, ainsi qu’une indication, en notes en bas de page, des éléments de preuve retenus par la Commission. De plus, les considérants 77 à 105 de la décision attaquée contiennent un bref aperçu des contacts anticoncurrentiels en ce qui concerne les dates, les lieux, les participants et les sujets traités lors des différents groupes de réunions et contacts. Les éléments de preuve sur lesquels s’est appuyée la Commission figurent également dans les notes en bas de page relatifs à ces considérants.

336    Au vu de ce qui précède, il convient également d’écarter l’argumentation de la requérante visant à contester l’exactitude des déclarations des parties lors de certaines réunions ATC – en ce que ces déclarations ne figureraient pas dans les procès-verbaux et ne refléteraient pas un objectif plus large – , invoquées par la Commission au considérant 733 de la décision attaquée. En effet, le raisonnement de la requérante est fondé sur l’hypothèse erronée selon laquelle la Commission aurait déterminé l’objectif commun de l’entente sur la seule base desdites déclarations, alors que celles-ci sont indiquées à titre d’exemple et que la conclusion de la Commission sur cet objectif commun a été fondée sur plusieurs autres éléments. Ainsi, même à supposer que l’argumentation de la requérante sur l’exactitude des déclarations des parties lors de certaines réunions ATC soit fondée, elle ne saurait remettre en cause la conclusion de la Commission sur l’existence d’un objectif commun de l’ensemble des contacts anticoncurrentiels.

337    En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 148 et 149 ci-dessus, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par la Commission, apprécié globalement, réponde à cette exigence. Ainsi, les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE par une entreprise doivent être appréciés non isolément, mais dans leur ensemble.

338    Par ailleurs, la requérante fait valoir, en substance, que les réunions multilatérales invoquées au considérant 732 et dans les notes en bas de page nos 1323 à 1326 de la décision attaquée ne démontreraient pas que l’objectif anticoncurrentiel unique a été poursuivi au moyen de l’échange d’informations sur les prix, sur l’offre et sur la demande ainsi que sur la mise en œuvre et le suivi d’accords tarifaires. En outre, les échanges d’informations sur les prix ou sur l’offre et la demande lors de certaines de ces réunions ne revêtiraient pas de pertinence pour l’EEE.

339    En ce qui concerne l’argument selon lequel certaines réunions ne revêtiraient pas de pertinence pour l’EEE, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l’argumentation présentée par la requérante dans le cadre de ce grief ne se distingue pas de celle présentée dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen et, partant, doit être rejetée pour les mêmes motifs.

340    En ce qui concerne l’argument tiré des déclarations des demandeurs de clémence, il convient de constater qu’aucun des six demandeurs de clémence n’avait introduit dans ses déclarations une quelconque limitation géographique (voir considérant 797 de la décision attaquée), ce que, au demeurant, la requérante ne conteste pas.

341    De plus, la requérante n’étaye aucunement son affirmation selon laquelle les réunions identifiées au considérant 732 et dans les notes en bas de page nos 1323 à 1326 de la décision attaquée seraient dénuées de pertinence pour établir que l’objectif anticoncurrentiel unique a été poursuivi au moyen de l’échange d’informations sur les prix, sur l’offre et sur la demande ainsi que sur la mise en œuvre et le suivi d’accords tarifaires.

342    En effet, bien que, dans ses écritures, la requérante détaille une liste des réunions qu’elle vise à contester, elle se limite, en substance, à nier que certaines réunions ECC, ATC et MK, mentionnées au considérant 732 et dans les notes en bas de page nos 1323 à 1326 de la décision attaquée, aient concerné des échanges d’informations commercialement sensibles sur les prix, ainsi qu’à nier que des échanges d’informations sur l’offre et la demande aient été pertinents pour la réalisation de l’objectif d’éviter une concurrence par les prix. Cette argumentation très générale ne suffit pas à contredire les conclusions de la Commission selon lesquelles ces réunions s’inscrivaient dans un plan d’ensemble visant un objectif anticoncurrentiel unique.

343    En ce qui concerne les réunions ECC et MK, l’argumentation de la requérante doit être écartée également pour les motifs déjà avancés, notamment, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, concernant la crédibilité des éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée.

344    En ce qui concerne les réunions CUP, la requérante se limite à réitérer son argument selon lequel ces réunions auraient un objectif différent de celui des autres réunions multilatérales. Or, pour les motifs énoncés aux points 324 et 325 ci-dessus, cet argument est dénué de fondement.

345    En tout état de cause, l’absence d’une référence expresse à l’EEE lors de certaines réunions ne signifie pas pour autant que l’ensemble des contacts anticoncurrentiels, relevés par la Commission dans la décision attaquée, n’établit pas l’existence d’un lien avec l’EEE. En l’espèce, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 271 ci-dessus, il y a lieu de constater l’existence d’un faisceau d’indices concordants qui suffit pour inférer un lien entre les contacts contestés, pris dans leur ensemble, et l’EEE. D’autre part, la Commission a considéré à bon droit que les participants à l’entente, y compris la requérante, assuraient des ventes directes de condensateurs électrolytiques dans l’EEE. Dans ce contexte, pour démontrer un lien avec l’EEE, la Commission n’était pas tenue de démontrer que la requérante effectuait des ventes dans l’EEE à tous les clients visés dans les contacts anticoncurrentiels.

346    Il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a conclu à l’existence d’un plan d’ensemble.

347    Il y a donc lieu d’écarter la première branche du troisième moyen.

2)      Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’un lien de complémentarité entre les contacts anticoncurrentiels

348    Dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas démontré que les contacts anticoncurrentiels présentaient entre eux un lien de complémentarité. À cet égard, elle soulève trois griefs, le premier, tiré de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, le deuxième, tiré de l’absence de preuve d’une durée continue de l’infraction et, le troisième, tiré de la nature différente des contacts anticoncurrentiels.

349    La Commission conteste ces arguments.

350    À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 311 et 313 ci-dessus, le critère déterminant l’existence d’une infraction unique et continue est celui selon lequel les différents comportements faisant partie de l’infraction s’inscrivent dans un « plan d’ensemble » visant un objectif unique. De plus, il n’est pas nécessaire de vérifier si lesdits comportements présentent un lien de complémentarité pour les qualifier d’infraction unique et continue, en ce sens que chacun des comportements reprochés est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribue, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs.

351    À l’égard d’une infraction continue, la notion de plan d’ensemble permet à la Commission de présumer que la réalisation d’une infraction n’a pas été interrompue même si, pour une certaine période, elle ne dispose pas de preuve de la participation de l’entreprise concernée à cette infraction, pour autant que celle-ci a participé à l’infraction avant et après cette période et pour autant qu’il n’existe pas de preuves ou d’indices pouvant laisser penser que l’infraction s’était interrompue en ce qui la concerne. En ce cas, elle pourra infliger une amende pour toute la période infractionnelle, y compris la période pour laquelle elle ne dispose pas de preuve de la participation de l’entreprise concernée (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 218 et jurisprudence citée).

352    Toutefois, le principe de sécurité juridique impose que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 219 et jurisprudence citée).

353    Si la période séparant deux manifestations d’un comportement infractionnel est un critère pertinent afin d’établir le caractère continu d’une infraction, il n’en demeure pas moins que la question de savoir si ladite période est ou non suffisamment longue pour constituer une interruption de l’infraction ne saurait être examinée dans l’abstrait. Au contraire, il convient de l’apprécier dans le contexte du fonctionnement de l’entente en question (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 220 et jurisprudence citée).

354    C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante.

i)      Sur le premier grief de la deuxième branche du troisième moyen, tiré de la faillite de Lehman Brothers

355    La requérante soutient qu’il ressortirait des éléments de preuve concernant les réunions MK que, à la suite de la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, les participants à l’entente auraient « cessé de se conformer à une entente commune visant à éviter de se livrer une concurrence par les prix », dans la mesure où ils n’auraient plus partagé les mêmes intérêts, cette faillite ayant touché fortement l’industrie des condensateurs.

356    Il convient de relever qu’une telle interruption de l’entente est contredite d’emblée par les éléments du dossier. La chronologie des contacts anticoncurrentiels démontre que ces contacts se sont poursuivis après septembre 2008. Ainsi, ainsi que cela résulte de l’analyse du deuxième moyen, au cours des mois de septembre, octobre et novembre 2008, des réunions CUP, des réunions MK et des contacts bilatéraux ont eu lieu. De même, pendant l’année 2009 et jusqu’au 23 avril 2012, plusieurs réunions MK, contacts bilatéraux et trilatéraux ont eu lieu. De plus, ainsi qu’il ressort du point 16 ci-dessus, les réunions MK ont eu lieu entre 2005 et 2012, c’est-à-dire qu’elles ont commencé à se tenir avant la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 et se sont terminées postérieurement à celle-ci.

357    Par ailleurs, les arguments de la requérante tirés du fait que cette faillite aurait perturbé l’industrie des condensateurs, que les discussions auraient changé de thème ou que les participants à l’entente auraient obtenu de faibles résultats financiers sont sans incidence sur le fait que les contacts entre les participants à l’entente, avec les caractéristiques rappelées aux points 314 à 316 ci-dessus, révélant sa nature anticoncurrentielle, se sont poursuivis avant la faillite de Lehman Brothers et postérieurement à celle-ci.

358    Le premier grief de la deuxième branche du troisième moyen doit donc être écarté.

ii)    Sur le deuxième grief de la deuxième branche du troisième moyen, tiré de l’absence de preuve d’une durée continue de l’infraction

359    La requérante soutient que la Commission n’aurait pas prouvé la durée continue de l’infraction ayant un lien avec l’EEE. En particulier, la requérante fait valoir que les contrats avec les clients dans l’EEE avaient une base annuelle et que, par conséquent, le fonctionnement de l’entente imposait que les participants échangent des informations sur une base à tout le moins annuelle. Or, il y aurait eu deux périodes d’interruption, pendant lesquelles les contacts anticoncurrentiels allégués n’auraient eu aucun lien avec l’EEE, à savoir les périodes allant du 22 novembre 2000 au 29 août 2002 (vingt-et-un mois) et du 4 août 2005 au 18 octobre 2006 (quatorze mois). La Commission n’aurait pas prouvé à suffisance de droit que l’infraction s’était poursuivie ou répétée après ces périodes d’interruption pour ce qui concerne l’EEE.

360    En ce que l’argumentation de la requérante vise à soutenir que la Commission n’aurait pas démontré la continuité de l’entente du fait que certains des contacts anticoncurrentiels n’auraient pas de lien avec l’EEE, il convient de rappeler, d’une part, que l’entente avait une portée mondiale et que sa connexion avec l’EEE était motivée, d’abord, par le fait que les participants à l’entente avaient des ventes de condensateurs électrolytiques dans l’EEE (voir points 79, 81 et 82 ci-dessus). La Commission n’était donc pas tenue de démontrer que chaque élément de preuve incluait une référence spécifique à l’Europe (voir point 345 ci-dessus).

361    D’autre part, et en tout état de cause, c’est à tort que la requérante soutient que les contacts anticoncurrentiels qui se sont tenus pendant la période allant du 4 août 2005 au 18 octobre 2006 n’avaient aucun lien avec l’EEE. En général, et ainsi qu’il a été conclu dans le cadre du deuxième moyen, il ressort des éléments de preuve indiqués dans la décision attaquée, notamment des procès-verbaux des réunions en cause, que dans certains cas les discussions contenaient des références à l’Asie, dans d’autres cas elles se référaient à l’Europe et dans plusieurs cas, les discussions entre les participants de l’entente n’avaient aucune limite géographique.

362    En particulier, s’agissant des réunions ECC du 22 novembre 2000, des 19 septembre et 14 novembre 2001, et des 19 mars et 17 juillet 2002, il convient de constater d’emblée que, ainsi que la requérante l’admet dans ses écritures, son argumentation se limite à un résumé des griefs qu’elle a avancés contre les mêmes réunions dans le cadre du deuxième moyen. Or, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre du deuxième moyen, il ne saurait être conclu que lesdites réunions ECC n’avaient pas de pertinence pour l’EEE.

363    S’agissant des contacts qui se sont tenus durant la période allant du 4 août 2005 au 18 octobre 2006, d’une part, il convient de constater que la requérante ne conteste pas la pertinence pour l’EEE de toutes les réunions et contacts anticoncurrentiels qui ont eu lieu pendant cette période, notamment la réunion MK du 16 décembre 2005 et le contact bilatéral du 26 janvier 2006 (voir considérants 276 à 325 de la décision attaquée). Ainsi, l’argumentation de la requérante est, en tout hypothèse, insuffisante pour remettre en cause la continuité de l’infraction pendant cette période.

364    D’autre part et en tout état de cause, il convient de relever que les réunions et contacts invoqués par la requérante n’étaient pas dépourvus de connexion avec l’EEE.

365    Ainsi, s’agissant de la réunion MK du 10 novembre 2005, il résulte du dossier que les participants, y compris la requérante, y ont discuté notamment de leurs intentions de maintenir ou d’augmenter les prix. En outre, il a été fait référence, au moins, à un client européen ainsi qu’à l’Allemagne dans le cadre de cette discussion (voir procès-verbal de réunion mentionné aux considérants 278 et 280 et dans la note en bas de page no 545 de la décision attaquée).

366    S’agissant du contact trilatéral de janvier 2006, il convient de constater que la requérante, Sanyo et un autre concurrent ont discuté des prix pour les clients Intel et Dell, qui avaient des usines de fabrication en Europe (voir éléments de preuve mentionnés aux considérants 288 à 291 et 669 de la décision attaquée).

367    S’agissant de la réunion MK du 12 avril 2006, bien que la discussion ait porté plutôt sur des consoles de jeu qui n’étaient pas fabriquées dans l’EEE, il y a néanmoins eu des mentions relatives aux commandes pour les voitures européennes et à la contribution du marché européen, conjointement avec le marché américain, à l’augmentation des prix (voir procès-verbaux mentionnés aux considérants 296 à 298 et dans la note en bas de page no 564 de la décision attaquée).

368    S’agissant de la réunion CUP du 4 juillet 2006, l’argumentation de la requérante doit être écartée pour les motifs déjà énoncés aux points 172 à 176 ci-dessus, notamment en ce qui concerne la crédibilité des éléments de preuve concernant cette réunion, à savoir le procès-verbal de réunion et la déclaration orale produits par Rubycon, du fait que ces éléments proviennent d’une source unique. En outre, il convient de relever que les réunions CUP avaient, en général, une portée mondiale, couvrant les ventes de condensateurs électrolytiques à des clients dans le monde entier (voir note en bas de page no 1214 de la décision attaquée) et que, en particulier, les discussions lors de la réunion CUP du 4 juillet 2006 ne se limitaient pas à une zone géographique spécifique, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de cette réunion, mentionné dans la note en bas de page no 575 de la décision attaquée.

369    S’agissant de la réunion MK du 12 juillet 2006 et de la signification de l’expression « outre-mer », l’argumentation de la requérante doit être écartée pour les motifs déjà avancés aux points 273 à 275 ci-dessus. En outre, il convient de relever qu’il ressort des éléments de preuve concernant cette réunion (identifiés au considérant 307 de la décision attaquée) que les participants ont notamment échangé des informations sur l’offre et la demande de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale sans limite géographique, y compris des données de projection. De plus, l’argument de la requérante tiré du fait que ses contrats avec des clients européens seraient négociés sur une base annuelle avec une négociation à la fin de chaque année n’a aucune influence sur le fait que, comme cela a été démontré notamment par des éléments de preuve concernant cette réunion, la requérante s’engageait dans des discussions sur les prix avec d’autres participants à l’entente au cours de l’année concernée.

370    Enfin, s’agissant de la réunion MK du 13 septembre 2006, s’il est, certes, vrai que l’échange d’informations concernait notamment des clients ayant leur siège au Japon, tels que « S », « P » ou « J », il n’en demeure pas moins que, à l’époque, ces entreprises avaient des clients ou des usines de fabrication en Europe, ainsi qu’il ressort des éléments de preuve cités aux considérants 316 et 669 de la décision attaquée. La requérante a, d’ailleurs, confirmé dans sa réponse à la communication des griefs que, à l’époque, sa filiale européenne effectuait des ventes à « S » et à « P » dans l’EEE. De plus, le fait qu’une partie des éléments de preuve concernant cette réunion fasse référence à la Chine ne prive pas la réunion de toute pertinence pour l’EEE.

371    En outre il y a lieu d’écarter l’argumentation de la requérante tirée d’un décalage dans le temps entre certaines réunions. Premièrement, la Commission a indiqué, au considérant 60 de la décision attaquée, que les participants à l’entente avaient coordonné leur comportement durant près de quatorze ans, pour une période allant du 26 juin 1998 au 23 avril 2012. De plus, la Commission a précisé, au considérant 959 de la décision attaquée, que la requérante avait participé à l’entente au cours de l’ensemble de cette période. Deuxièmement, ainsi qu’il résulte de l’analyse des deuxième et troisième moyens ci-dessus, la requérante a participé, tout au long de la période infractionnelle, à plus de cent contacts anticoncurrentiels, qui, pris dans leur ensemble, présentaient un lien avec l’EEE (voir points 298 et 345 ci-dessus). Troisièmement, rien n’indique que, durant la période en cause, la requérante se soit distanciée de l’entente ou qu’elle se soit retirée de celle-ci ou même qu’elle ait interrompu sa participation.

372    Dans ces circonstances, l’éventuel décalage dans le temps existant entre certaines réunions est sans incidence sur l’appréciation du bien-fondé du caractère continu de l’infraction et de la participation de la requérante à celle-ci. En effet, l’entente s’étant étendue sur près de quatorze ans et la requérante y ayant participé durant toute cette période, l’existence de certaines périodes séparant ces réunions ne saurait être considérée comme constitutive d’une interruption de l’infraction. Il serait artificiel de subdiviser en plusieurs comportements distincts un accord anticoncurrentiel caractérisé par une série d’efforts poursuivant une seule finalité économique (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, points 180, 223 et 224 et jurisprudence citée).

373    Il résulte de tout ce qui précède, que l’interruption de l’infraction en raison d’une prétendue absence de lien avec l’EEE pendant certaines périodes n’est pas démontrée en l’espèce.

374    Le deuxième grief de la deuxième branche du troisième moyen doit donc être écarté.

iii) Sur le troisième grief de la deuxième branche du troisième moyen, tiré de la nature différente des contacts anticoncurrentiels

375    La requérante fait valoir que les contacts anticoncurrentiels n’étaient pas susceptibles de s’inscrire dans un plan d’ensemble, compte tenu de l’absence de chevauchement des thèmes discutés ainsi que de l’absence de continuité entre les différents groupes de réunions et contacts bilatéraux et trilatéraux.

376    En ce qui concerne les thèmes discutés lors des contacts anticoncurrentiels, l’argumentation de la requérante dans le cadre du présent moyen ne remet pas en cause les appréciations de la Commission rappelées aux points 196 et 197 ci-dessus.

377    Tout d’abord, la requérante ne saurait être suivie en ce qu’elle soutient, encore une fois, qu’une partie des réunions et contacts, et notamment les réunions ECC indiquées au considérant 740 de la décision attaquée, ne concerneraient pas l’EEE. À cet égard, l’argumentation de la requérante doit être écartée pour les motifs déjà avancés aux points 266, 267 et 270 ci-dessus.

378    Ensuite, dans la mesure où ces réunions et contacts avaient un objectif anticoncurrentiel commun, s’inscrivant dans une infraction unique et continue avec une portée mondiale et dont les participants assuraient des ventes directes ou indirectes dans le marché de l’EEE, la Commission n’était pas tenue de démontrer que chaque contact anticoncurrentiel incluait une référence spécifique à l’Europe (voir point 360 ci-dessus).

379    Enfin, même à supposer, comme le soutient la requérante, que la priorité de chaque réunion ou groupe de réunions ait été différente, une telle constatation n’aurait aucune influence sur le fait que l’objectif commun poursuivi par les parties, qui résultait des contacts établis dans la décision attaquée, était d’éviter la concurrence par les prix et de coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (voir points 314 à 317 et 346 ci-dessus).

380    En ce qui concerne l’absence de continuité entre les différents groupes de réunions et contacts bilatéraux et trilatéraux, la requérante invoque, plus précisément, qu’il n’y a pas eu de continuité, d’abord entre les réunions ECC et les réunions ATC, puis entre les réunions ATC et les réunions MK, ensuite entre les réunions CUP et les autres réunions multilatérales et, enfin, entre les contacts bilatéraux et trilatéraux et les réunions multilatérales. À cet égard, elle allègue, en substance, que les produits, les thèmes et les méthodes discutés lors de ces réunions étaient différents et que les contacts bilatéraux et trilatéraux étaient autonomes au regard des réunions.

381    L’argumentation de la requérante au soutien d’une prétendue absence de continuité entre les agissements anticoncurrentiels doit être écartée dans son ensemble. En premier lieu, les variations ou évolutions invoquées par la requérante concernant les thèmes, les méthodes ou les schémas discutés lors des réunions et contacts ne sont aucunement des indices valables d’un prétendu manque de continuité entre les agissements, mais reflètent uniquement des changements ou variations inhérents à la longue durée des agissements (de presque quatorze ans), et à la portée mondiale des discussions.

382    En deuxième lieu, en ce qui concerne la prétendue différence entre le type de produits discuté lors des réunions et contacts, il suffit de rappeler que l’infraction constatée dans la décision attaquée concernait le secteur des condensateurs électrolytiques et, en particulier, la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir points 13 et 14 ci-dessus). Ainsi, le fait que certaines réunions se concentraient sur l’un de ces deux sous-groupes de condensateurs électrolytiques et d’autres réunions sur l’autre de ces sous-groupes ou portaient sur les deux ne signifie pas que ces réunions s’inscrivaient dans le cadre d’une infraction distincte. Au contraire, cette circonstance vient à l’appui de la constatation de la Commission selon laquelle les entreprises concernées coordonnaient leurs pratiques anticoncurrentielles pour chacun des deux sous-groupes de produits (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission, T‑378/10, EU:T:2013:469, point 73).

383    En troisième lieu, s’agissant des thèmes discutés lors des réunions, aucun des thèmes avancés par la requérante, notamment les discussions sur les matières premières ou sur les statistiques de marché, ne peut être considéré comme étranger à l’objectif commun de l’infraction tel qu’il a été défini par la Commission, dans la mesure où ces données ne sont pas, par nature, dénuées de pertinence pour la poursuite d’une stratégie visant à éviter la concurrence par les prix et à la coordination du comportement futur concernant la vente de condensateurs électrolytiques. De même, la circonstance que les différents groupes de réunions aient pu porter sur des priorités différentes, ou même inclure des thèmes sans un but anticoncurrentiel, n’enlève rien au fait que les éléments, décrits notamment à la section 4.3.6 de la décision attaquée, montrent que ces contacts incluaient des pratiques anticoncurrentielles poursuivant toutes le même objectif d’éviter la concurrence par les prix et de coordonner le comportement en ce qui concerne la vente de condensateurs (voir point 379 ci-dessus).

384    En quatrième lieu, s’agissant, en particulier, des réunions CUP, il suffit de rappeler que ces réunions ne poursuivaient pas un but différent de celui des autres réunions multilatérales, mais s’inscrivaient dans le même objectif anticoncurrentiel commun (voir points 324 et 325 ci-dessus).

385    En cinquième lieu, en ce qui concerne les contacts bilatéraux et trilatéraux, la requérante ne tient pas compte du fait que ces contacts se tenaient entre les mêmes entreprises que celles qui participaient aux réunions multilatérales (parfois impliquant les mêmes employés, y compris certains employés de la requérante) et qu’ils concernaient les mêmes produits. De plus, les thèmes discutés dans le cadre de ces contacts étaient pertinents pour les réunions multilatérales. Ainsi, ces contacts, qui n’étaient pas programmés régulièrement, mais se déroulaient selon les besoins, couvraient des questions spécifiques et étaient complémentaires des réunions multilatérales et non autonomes, comme le soutient la requérante (voir points 17, 18, 316 et 383 ci-dessus).

386    Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante au soutien d’une prétendue absence de continuité entre les différents groupes de réunions et contacts décrits dans la décision attaquée ne remet aucunement en cause la conclusion de la Commission selon laquelle l’ensemble des contacts anticoncurrentiels constituait un réseau régulier de réunions multilatérales, complété par des contacts bilatéraux et trilatéraux, dans la poursuite d’un objectif économique unique (considérant 730 de la décision attaquée).

387    Le troisième grief doit donc être écarté, et par conséquent, la deuxième branche du troisième moyen dans son intégralité.

3)      Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée du caractère hétérogène de l’industrie des condensateurs

388    La requérante fait valoir que le caractère hétérogène de l’industrie des condensateurs rendrait impossible une collusion portant sur tous les condensateurs électrolytiques. La requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’une infraction unique et continue couvrant l’ensemble des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale en général. En effet, les condensateurs seraient des produits très diversifiés, qui se distingueraient par une multitude de caractéristiques et pour lesquels, compte tenu de leur modèle d’approvisionnement dominant, il n’existerait pas de prix de marché uniforme. En conséquence, l’infraction en cause ne pouvait pas couvrir la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE. En effet, les deux catégories distinctes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale couvriraient une large variété de types de produits, en ce qui concerne notamment leur prix et la zone géographique concernée. Les échanges d’informations générales, intervenus lors des contacts anticoncurrentiels, seraient insuffisants pour réduire l’incertitude sur le marché et faciliter une coordination des prix entre les concurrents, d’autant plus que tous les types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale n’auraient pas fait l’objet de ces échanges.

389    La Commission conteste ces arguments.

390    À titre liminaire, il convient de relever que la requérante procède à une lecture erronée de la décision attaquée, lorsqu’elle soutient que la Commission a considéré qu’il existait une infraction unique et continue qui, prise dans son ensemble, couvrirait tous les types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale.

391    En effet, ce qui ressort de la décision attaquée, et notamment du considérant 736, est que la Commission a constaté, après examen de l’ensemble des réunions et des éléments de preuve s’y rapportant, que tous les contacts anticoncurrentiels concernaient les condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale, en général, voire même les deux.

392    À cet égard, il convient de rappeler que la Commission n’est pas tenue de définir le marché en cause sur la base de critères économiques. Ce sont les membres de l’entente eux-mêmes qui déterminent les produits faisant l’objet de leurs discussions et pratiques concertées (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié, EU:T:2005:220, point 90).

393    En outre, les produits concernés par une entente sont déterminés par référence aux preuves documentaires d’un comportement anticoncurrentiel effectif par rapport à des produits spécifiques (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, EU:T:2003:335, point 27).

394    Il importe également de souligner que la Commission ne saurait, à cet égard, se fonder sur une présomption qui n’est étayée par aucun élément de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C-593/18 P, EU:C:2019:1027, points 44 et 45).

395    Cependant, en l’espèce, premièrement, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, qu’il ressortait de l’ensemble des contacts anticoncurrentiels, et, notamment, des réunions du 29 août 2002, du 22 décembre 2006, du 25 juin 2008 et du 20 décembre 2010, citées à titre d’exemple, que les informations échangées ne se limitaient pas à certains sous-types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, mais qu’elles concernaient les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale en général (voir considérant 796 de la décision attaquée).

396    Deuxièmement, les informations échangées portaient également sur des considérations spécifiques, mais pertinentes aux fins de la détermination du prix de vente des produits, telles que l’augmentation du coût des matières premières et la fluctuation des taux de change, qui ne se limitaient pas à certains sous-types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir, notamment, considérant 796 et notes en bas de page nos 1417 et 1418 de la décision attaquée).

397    Troisièmement, les participants à l’entente n’avaient introduit, dans leurs déclarations d’entreprise, aucune limitation quant à la définition des produits couverts par l’entente (voir considérant 797 de la décision attaquée).

398    Quatrièmement, la majorité des représentants des participants à l’entente étaient responsables de la fabrication et/ou de la vente des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale en général et non d’une gamme de condensateurs spécifiques (voir considérant 798 de la décision attaquée).

399    Dans ces circonstances, et à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 151 et 392 à 394 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir considéré que, prises dans leur ensemble, les informations échangées lors des contacts anticoncurrentiels couvraient l’ensemble des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et, partant, que l’infraction unique et continue couvrait l’ensemble de ces produits.

400    Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen doit être écartée et, partant, le troisième moyen dans son intégralité.

e)      Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’une infraction par objet

401    La requérante soutient que c’est à tort que la Commission a considéré, au considérant 845 de la décision attaquée, que le comportement allégué était, dans sa totalité, constitutif d’une restriction de concurrence par objet. Premièrement, les échanges d’informations visés par la décision attaquée ne seraient pas susceptibles de réduire l’incertitude sur le marché, dans la mesure où il n’existerait pas de schéma régulier permettant de déterminer une stratégie, et les participants n’échangeant que très rarement des intentions tarifaires claires et individualisées. Deuxièmement, ces échanges d’informations ne seraient pas susceptible d’influencer la structure concurrentielle de l’ensemble de l’industrie des condensateurs, compte tenu du caractère hétérogène de cette industrie. Troisièmement, la requérante n’aurait divulgué que très rarement ses intentions tarifaires pour le futur aux autres participants à l’infraction alléguée. Quatrièmement, la Commission n’aurait pas tenu suffisamment compte du contexte économique et juridique pertinent. Cinquièmement, plusieurs éléments témoigneraient que les participants à l’entente, et, en particulier, la requérante, s’étaient engagés dans une concurrence active pendant la période infractionnelle alléguée.

402    La Commission conteste ces arguments.

403    À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord entre entreprises, une décision d’associations d’entreprises ou une pratique concertée doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur.

404    En ce qui concerne la qualification d’une pratique de restriction par objet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 113 et 114 et jurisprudence citée).

405    Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs. Dans l’hypothèse où l’analyse d’un type de coordination entre entreprises ne présenterait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait, en revanche, d’en examiner les effets et, pour déterminer si un tel comportement est au nombre de ceux que vise l’article 101, paragraphe 1, TFUE, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 115 et 116 et jurisprudence citée).

406    Afin d’apprécier si un type de coordination entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il convient de s’attacher notamment aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 117 et jurisprudence citée).

407    Dans les cas où l’objet anticoncurrentiel est particulièrement manifeste, l’analyse du contexte économique et juridique entourant le comportement peut par essence être limitée à ce qui est strictement nécessaire. Un tel objet anticoncurrentiel particulièrement manifeste peut être retenu précisément lorsque les concurrents concluent entre eux des accords en matière de fixation des prix ou lorsqu’ils échangent des informations sensibles qui sont pertinentes pour la formation des prix (voir arrêt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T‑240/17, non publié, EU:T:2019:778, point 295 et jurisprudence citée).

408    En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un type de coordination entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 118 et jurisprudence citée).

409    En l’espèce, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, consistant en la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale par le biais d’échanges de diverses informations (voir points 14, 18 et 19 ci-dessus).

410    En particulier, la Commission a estimé que les entreprises se rencontraient lors des réunions et contacts décrits dans la décision attaquée en vue de coordonner leurs prix futurs ou d’autres aspects de leur comportement sur le marché, liés aux prix, par le biais d’échanges d’informations sur les prix futurs ou d’autres aspects liés à la tarification ainsi que sur l’offre et la demande et, dans certains cas, par le biais de la mise en œuvre et du suivi d’accords sur les prix (voir point 14 ci-dessus et considérants 841 et 844 de la décision attaquée).

411    S’agissant des échanges d’informations, ils portaient notamment sur l’offre et la demande futures, telles que le volume de production, l’augmentation ou la diminution des expéditions, ainsi que sur les prix futurs ou les intentions de prix, telles que le maintien des prix, la réduction future des prix ou leurs fourchettes de réduction, l’augmentation des prix en raison de l’augmentation des prix des matières premières ou des fluctuations monétaires, la coordination des réponses à donner à des clients spécifiques en cas de demande de cotation ou d’échanges d’informations sur les prix indicatifs pour les négociations avec des clients spécifiques (considérant 843 de la décision attaquée).

412    Par ces échanges d’informations, les participants à l’entente s’informaient du comportement qu’ils entendaient adopter sur le marché en ce qui concerne des facteurs déterminants pour leur politique de prix. Ils visaient non seulement à éliminer ou à réduire les incertitudes quant au comportement envisageable de ces entreprises, mais aussi à permettre à ces dernières de s’accorder sur les prix et à limiter le pouvoir de négociation de leurs clients. Ils révèlent donc un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence et peuvent être considérés, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence, au sens de la jurisprudence rappelée au point 404 ci-dessus.

413    Par ailleurs, la Commission a constaté que les participants à l’entente avaient conclu, dans certains cas, des accords qui portaient sur l’augmentation des prix et comprenaient une stratégie commune de mise en œuvre des augmentations ainsi qu’un mécanisme de suivi de l’état des négociations avec certains clients (considérants 843 et 844 de la décision attaquée).

414    Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a qualifié l’infraction en cause de restriction de la concurrence par objet et a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’en examiner les effets concrets, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 404 et 405 ci-dessus.

415    Cette conclusion ne saurait être infirmée par les différents arguments invoqués par la requérante.

416    En premier lieu, il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré de la prétendue absence d’un schéma régulier permettant d’établir une stratégie concurrentielle et de l’absence d’échange d’informations nocif pour la concurrence. Ainsi qu’il ressort de l’analyse des deuxième et troisième moyens ci-dessus, les contacts anticoncurrentiels, auxquels la requérante a itérativement participé, visaient la coordination de la politique des prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale par le biais de l’échange d’informations sensibles sur le plan commercial et, dans certains cas, par la mise en œuvre et le suivi d’accords tarifaires.

417    Plus précisément, d’une part, il apparaît que les contacts anticoncurrentiels décrits dans la décision attaquée constituaient un réseau régulier et continu de réunions multilatérales, complété par des contacts bilatéraux et trilatéraux, dans la poursuite d’un objectif économique unique. D’autre part, le but ultime des contacts collusoires, à savoir la coordination des comportements en matière de prix, était poursuivi notamment au moyen d’échanges d’informations sur les prix, y compris sur les prix futurs, d’échanges d’informations sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures (notamment sur le volume de production ou l’augmentation ou la diminution des expéditions) et, dans certains cas, de la conclusion, de l’application et du suivi d’accords sur les prix.

418    En outre, il ressort de l’analyse des deuxième, troisième et cinquième moyens que l’infraction en cause avait une portée mondiale et une incidence sur le marché de l’EEE.

419    Il convient donc de constater que les participants à l’entente ont échangé des informations individualisées, sensibles et confidentielles, de nature à influer directement sur leur stratégie commerciale et à atténuer le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause.

420    Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les informations échangées présentaient, en raison de leur nature et de leur portée géographique, un degré suffisant de nocivité pour être considérées comme entraînant une restriction de concurrence par objet couvrant l’EEE, au sens de la jurisprudence rappelée au point 404 ci-dessus.

421    En deuxième lieu, pour les motifs avancés dans le cadre de l’analyse de la troisième branche du troisième moyen ci-dessus, il y a lieu d’écarter l’argumentation de la requérante tirée de la nature hétérogène des condensateurs et du fait que certains échanges d’informations ne concerneraient qu’un seul type de condensateur.

422    En troisième lieu, il convient d’écarter l’allégation de la requérante selon laquelle elle aurait rarement partagé ses intentions tarifaires.

423    D’une part, cette allégation n’est pas pertinente, dans la mesure où il n’est pas exclu qu’un seul échange d’informations puisse suffire à établir une concertation contraire aux règles de la concurrence énoncées par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 59).

424    Par ailleurs, il convient de rappeler que pour établir une pratique concertée il n’est pas nécessaire de démontrer que le concurrent qui a divulgué ses intentions ou son comportement futur sur le marché s’est formellement engagé, à l’égard d’un ou de plusieurs autres concurrents, à adopter tel ou tel comportement ou que les concurrents ont fixé en commun leur comportement futur sur le marché. Il suffit que, à travers sa déclaration d’intention, le concurrent ait éliminé ou, à tout le moins, substantiellement réduit l’incertitude quant au comportement à attendre de sa part sur le marché (voir arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 67 et jurisprudence citée). En l’espèce, la requérante a participé à presque toutes les réunions multilatérales mentionnées dans la décision attaquée, dans le cadre desquelles les participants ont échangé des informations concernant leurs futures intentions de prix (voir considérant 847 de la décision attaquée).

425    D’autre part, l’allégation de la requérante est inexacte dans les faits. En effet, ainsi qu’il ressort de l’analyse du deuxième moyen, les participants à l’entente, y compris la requérante, ont divulgué leurs futures intentions de prix (notamment leur intention d’empêcher les réductions de prix) lors de plusieurs réunions qui ont eu lieu au cours de la période infractionnelle.

426    En quatrième lieu, c’est en vain que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir accordé suffisamment d’importance au contexte économique et juridique pertinent. En effet, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 407 ci-dessus, dans le cas où, comme en l’espèce, l’objet anticoncurrentiel est particulièrement manifeste, l’analyse du contexte économique et juridique entourant le comportement peut par essence être limitée à ce qui est strictement nécessaire. En tout état de cause, des éléments d’une telle analyse peuvent être trouvés au considérant 856 de la décision attaquée, dans lequel la Commission expose notamment que les participants à l’entente étaient les principaux producteurs japonais de condensateurs électrolytiques, avec un pouvoir de marché considérable, et qu’ils se sont coordonnés sur une longue période pour créer un front uni contre d’autres concurrents et clients. De plus, le comportement examiné ne visait pas exclusivement des clients ou des produits spécifiques et de nombreuses questions abordées s’appliquaient à l’ensemble du secteur. Les contacts concernant des clients spécifiques ne représentaient qu’une des manifestations du comportement collusoire.

427    En cinquième lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle il existait une concurrence active entre les entreprises concernées tout au long de la période infractionnelle est dénuée de pertinence. En effet, la circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats d’une réunion ayant un objet anticoncurrentiel n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à une entente, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (voir arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 85 et jurisprudence citée).

428    En outre, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 194 ci-dessus, une telle pratique concertée relève de l’article 101, paragraphe 1, TFUE même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur le marché. En l’espèce, une telle preuve contraire n’a pas été rapportée par la requérante.

429    Au vu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être écarté.

f)      Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende et de la violation des lignes directrices de 2006 ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

430    Par le sixième moyen, la requérante demande au Tribunal d’annuler l’amende qui lui a été infligée. Ce moyen peut se diviser en deux branches. La première branche est tirée d’erreurs dans le calcul de la valeur des ventes. La seconde branche est tirée de la non-réduction du montant de l’amende en fonction des liens limités entre l’infraction alléguée et l’EEE.

431    En premier lieu, s’agissant du calcul du montant de l’amende, l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 dispose que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

432    La Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 2006, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23 du règlement no 1/2003 (voir arrêt du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 158 et jurisprudence citée ; voir, également, par analogie, arrêt du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 100 et jurisprudence citée).

433    Selon une jurisprudence constante, en adoptant des règles de conduite telles que les lignes directrices de 2006 et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié, EU:T:2012:675, point 40 et jurisprudence citée ; voir, également, par analogie, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 211).

434    En deuxième lieu, s’agissant du calcul de la valeur des ventes, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 prévoit ce qui suit :

« En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE. La Commission utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction. »

435    Ainsi, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 76 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 85 et jurisprudence citée).

436    Selon une jurisprudence constante, la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, EU:C:1983:158, point 121 ; voir, également, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée). 

437    Il ressort tant du libellé du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, par l’emploi de l’adverbe « normalement » dans la deuxième phrase de celui-ci, que du paragraphe 37 de ces mêmes lignes directrices que, dans le cadre de l’autolimitation de son pouvoir d’appréciation s’agissant du calcul des amendes, la Commission a envisagé l’hypothèse où les particularités d’une affaire justifiaient de déroger à la règle visant à la prise en considération, aux fins du calcul du montant de l’amende, des ventes réalisées par l’entreprise concernée durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction (voir arrêt du 17 décembre 2014, Pilkington Group e.a./Commission, T‑72/09, non publié, EU:T:2014:1094, point 212 et jurisprudence citée).

438    Ce pouvoir d’appréciation est toutefois limité. En effet, les lignes directrices de 2006 énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement (voir arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C‑39/18 P, EU:C:2019:584, point 29 et jurisprudence citée).

439    En troisième lieu, s’agissant du principe de proportionnalité, celui-ci exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul du montant des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêts du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission, T‑79/06, non publié, EU:T:2011:674, point 258 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 257 et jurisprudence citée).

440    En l’espèce, pour déterminer le montant de base des amendes infligées par la décision attaquée, tout d’abord, la Commission a pris en compte, en tant que période de référence, la dernière année complète de participation à l’infraction, en application de la règle figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Ensuite, elle a déterminé la valeur des ventes sur la base des ventes des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées aux clients dans l’EEE. Enfin, elle a calculé la valeur des ventes séparément pour ces deux catégories de produits, en leur appliquant des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée (voir points 24 à 26 ci-dessus).

441    En ce qui concerne la requérante, la Commission a estimé qu’il y avait lieu de prendre en compte, en tant que période de référence, d’une part, la dernière année complète de participation à l’infraction en ce qui concerne la valeur des ventes des condensateurs électrolytiques à l’aluminium, à savoir l’année 2011-2012 et, d’autre part, la dernière année complète au cours de laquelle la requérante a vendu des condensateurs électrolytiques au tantale, à savoir l’année 2003-2004, étant donné qu’elle avait cessé de les vendre avant la fin de sa participation à l’infraction (voir point 27 ci-dessus).

442    En ce qui concerne encore la requérante, la Commission a considéré que celle-ci, par l’intermédiaire de ses filiales Europe Chemi-Con et United Chemi-Con, avait facturé des ventes directes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium dans l’EEE pendant toute la durée de sa participation à l’infraction et des ventes directes de condensateurs électrolytiques au tantale dans l’EEE jusqu’au 1er février 2005. Par conséquent, la Commission a retenu à l’encontre de la requérante un coefficient multiplicateur de 13,82 (correspondant à la période comprise entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012) pour les condensateurs électrolytiques à l’aluminium, et de 5,26 (correspondant à la période comprise entre le 29 octobre 1999 et le 1er février 2005) pour les condensateurs électrolytiques au tantale (voir points 28 et 29 ci-dessus).

443    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs soulevés par la requérante dans le cadre du sixième moyen.

1)      Sur la première branche du sixième moyen, tirée d’erreurs dans le calcul de la valeur des ventes

444    Dans le cadre de la première branche du sixième moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a erronément déterminé la valeur des ventes pertinente pour calculer le montant de base de l’amende. Cette branche se divise en trois griefs. Le premier grief est tiré d’une erreur en ce que la valeur des ventes inclut tous les types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. Le deuxième grief est tiré d’une erreur en ce que la valeur des ventes inclut les ventes effectuées par les filiales de la requérante. Le troisième grief est tiré d’une erreur en ce que la Commission a utilisé l’exercice de 2011-2012 comme période de référence.

i)      Sur le premier grief de la première branche du sixième moyen, tiré d’une erreur en ce que la valeur des ventes inclut tous les types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale

445    La requérante conteste, en substance, le fait que, pour déterminer la valeur des ventes pertinente pour le calcul du montant de base de l’amende, la Commission a pris en considération les ventes du groupe Nippon Chemi-Con relatives à tous les types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale.

446    En premier lieu, la Commission aurait violé son obligation de motivation, dans la mesure où les explications figurant dans les considérants 988 et 995 de la décision attaquée seraient insuffisantes pour prouver que tous les condensateurs électrolytiques relevaient du champ d’application de l’infraction. De plus, la Commission serait tenue de produire une motivation justifiant son choix d’appliquer les lignes directrices de 2006 lorsque les destinataires de la décision attaquée contestent l’application de ces règles.

447    En deuxième lieu, la Commission aurait conclu erronément au considérant 4 de la décision attaquée que les condensateurs électrolytiques sont des produits homogènes, alors qu’ils seraient des produits très différenciés et que, partant, la Commission aurait dû déterminer avec précision quels types de condensateurs étaient en relation directe ou indirecte avec l’infraction. En ne le faisant pas, la décision attaquée violerait notamment la jurisprudence issue des arrêts du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission (C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464), et du 28 juin 2016, Telefónica/Commission (T‑216/13, EU:T:2016:369). En particulier, la Commission aurait dû opérer des distinctions supplémentaires au sein des deux groupes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale.

448    En troisième lieu, la Commission n’aurait pas établi que les ventes réalisées par le groupe Nippon Chemi-Con dans l’EEE durant la période de référence 2011-2012 étaient en relation directe ou indirecte avec l’infraction alléguée et, par conséquent, aurait violé les lignes directrices de 2006. En effet, les ventes du groupe dans l’EEE pendant cette période ne concerneraient que des condensateurs électrolytiques à l’aluminium pour le secteur industriel et automobile et la Commission n’aurait pas établi que la vente de ce type de condensateurs dans l’EEE était en relation directe ou indirecte avec l’infraction alléguée, ni que leurs prix étaient dépendants de ceux pratiqués en Asie. La Commission n’aurait pas non plus démontré que l’infraction alléguée avait des effets concrets dans l’EEE.

449    Selon la requérante, d’une part, la Commission a abouti à un montant de base de l’amende disproportionné, en ce que les ventes de ce type de condensateurs dans l’EEE n’avaient qu’un lien faible, voire inexistant, avec l’infraction alléguée. D’autre part, l’omission, par la Commission, de procéder à une analyse factuelle et juridique détaillée concernant la valeur des ventes serait d’une telle gravité que l’imposition d’une amende serait indéfendable, et, partant, l’article 2, sous j), de la décision attaquée devrait être annulé dans son intégralité.

450    La Commission conteste ces arguments.

451    S’agissant de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 1er février 2018, Schenker/Commission, C‑263/16 P, non publié, EU:C:2018:58, point 51 et jurisprudence citée).

452    En particulier, lorsque la Commission décide de s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices de 2006, par lesquelles elle s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à la fixation du montant des amendes, en s’appuyant sur le paragraphe 37 de ces lignes directrices, ces exigences de motivation s’imposent avec d’autant plus de vigueur (voir arrêt du 12 juillet 2019, Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission, T‑1/16, EU:T:2019:514, point 80 et jurisprudence citée). À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 433 ci-dessus que les lignes directrices de 2006 énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement.

453    Il en résulte, a contrario, que la Commission ne se trouve pas dans l’obligation de donner une motivation particulière quand elle décide de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est elle-même imposées, telles que celles prévues aux lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, ordonnance du 2 février 2012, Elf Aquitaine/Commission, C‑404/11 P, non publiée, EU:C:2012:56, point 60). En effet, la Commission n’est tenue que de motiver dans la décision attaquée la méthodologie appliquée pour le calcul du montant de l’amende et non les éléments qu’elle n’a pas pris en compte lors dudit calcul et, en particulier, les raisons pour lesquelles elle n’a pas eu recours à l’exception prévue au paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2019, Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission, T‑1/16, EU:T:2019:514, point 81 et jurisprudence citée).

454    Tel est précisément le cas d’espèce, dans lequel la Commission a décidé d’appliquer la méthodologie exposée dans les lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes infligées aux participants à l’entente (voir point 23 ci-dessus). Ainsi, la Commission ayant expliqué, dans la décision attaquée, les différents éléments que comportait l’application de cette méthodologie, y compris le fait qu’elle prenait en compte séparément la valeur des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées aux clients dans l’EEE (voir points 441 et 442 ci-dessus), aucune violation de l’obligation de motivation ne saurait lui être reprochée, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 451 à 453 ci-dessus.

455    S’agissant de la valeur des ventes pertinente pour le calcul du montant de base de l’amende, il ressort de la jurisprudence que, eu égard à l’objectif poursuivi par le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci, la notion de « valeur des ventes » doit donc être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction (voir arrêt du 1er février 2018, Deutsche Bahn e.a./Commission, C‑264/16 P, non publié, EU:C:2018:60, point 50 et jurisprudence citée). En effet, si la notion de valeur des ventes visée à ce paragraphe 13 ne peut, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas du champ d’application de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion devait être entendue comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente. Une telle limitation aurait, en outre, pour effet de minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction commise par une entreprise donnée, dès lors que le seul fait qu’un nombre limité de preuves directes des ventes réellement affectées par l’entente a été trouvé conduirait à infliger au final une amende sans relation réelle avec le champ d’application de l’entente en cause. Une telle prime au secret porterait également atteinte à l’objectif de poursuite et de sanction efficace des infractions à l’article 101 TFUE et, partant, ne saurait être admise (voir arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, points 53 et 54 et jurisprudence citée).

456    En l’espèce, l’infraction unique et continue visée par la décision attaquée concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, en général, c’est-à-dire sans exclure aucun type particulier de ces produits (voir points 14 et 395 à 398 ci-dessus). En effet, premièrement, les contacts anticoncurrentiels ne se limitaient pas à certains sous-types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale. Deuxièmement, la Commission n’était pas tenue de définir le marché en cause sur la base de critères économiques, comme la requérante tente de le faire. Troisièmement, les participants à l’entente n’avaient introduit, dans leurs déclarations d’entreprise, aucune limitation quant à la définition des produits couverts par l’entente. Quatrièmement, la majorité des représentants des participants à l’entente étaient responsables de la fabrication et/ou de la vente de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et non d’une gamme de produits spécifiques.

457    Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission a démontré que les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, en général, étaient en relation directe ou indirecte avec l’infraction. Partant, c’est à bon droit que la Commission a calculé la valeur des ventes en tenant compte des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées aux clients dans l’EEE, y compris ceux destinés aux applications industrielles et automobiles.

458    Par ailleurs, la requérante ne saurait être suivie dans son argument tiré d’une violation du principe de proportionnalité, lequel, en tout état de cause, n’est pas étayé concrètement. En effet, les ventes en cause du groupe Nippon Chemi-Com dans l’EEE correspondent au chiffre d’affaires provenant des produits qui font l’objet de l’infraction. Partant, ces ventes constituent un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de l’infraction et de son ampleur sur le marché concerné ainsi que du poids de la requérante dans celle-ci, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 435 et 436 ci-dessus.

459    Le premier grief de la première branche du sixième moyen doit donc être écarté dans son ensemble.

ii)    Sur le deuxième grief de la première branche du sixième moyen, tiré d’une erreur en ce que la valeur des ventes inclut les ventes effectuées par les filiales de la requérante

460    La requérante conteste, en substance, le fait que la Commission ait calculé la valeur des ventes en incluant les ventes du groupe Nippon Chemi-Con et, en particulier, d’Europe Chemi-Con, facturées à tous les clients établis dans l’EEE. En premier lieu, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que la requérante n’aurait pas elle-même réalisé des ventes dans l’EEE et que les comportements décrits dans la décision attaquée ne concerneraient que dans une faible mesure les clients du groupe Nippon Chemi-Con. Parmi les soixante clients mentionnés dans la décision attaquée, seuls deux seraient des clients mondiaux d’United Chemi-Com et seuls quatre seraient des clients mondiaux d’Europe Chemi-Con. En deuxième lieu, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait qu’Europe Chemi-Con et United Chemi-Con jouiraient d’un pouvoir tarifaire autonome à l’égard de leurs clients locaux ainsi que des clients mondiaux ayant un siège en Europe, ce pouvoir étant suffisant pour réfuter la présomption selon laquelle ces filiales, détenues à 100 % par la requérante, feraient partie de la même entreprise. En troisième lieu, la Commission n’aurait pas établi que les ventes du groupe Nippon Chemi-Con à ses clients locaux et mondiaux étaient en relation directe ou indirecte avec l’infraction, ni que celle-ci avait des effets spécifiques dans l’EEE.

461    La Commission conteste ces arguments.

462    Selon une jurisprudence constante, le droit de l’Union en matière de concurrence, notamment l’article 101 TFUE, vise les activités des entreprises et la notion d’« entreprise » désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 54 et jurisprudence citée, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 140 et jurisprudence citée).

463    Sur ce point, la Cour a précisé, d’une part, que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales, et, d’autre part, que, lorsqu’une telle entité économique enfreignait les règles de la concurrence, il lui incombait, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt du 26 octobre 2017, Global Steel Wire e.a./Commission, C‑457/16 P et C‑459/16 P à C‑461/16 P, non publié, EU:C:2017:819, point 82 et jurisprudence citée).

464    S’agissant encore de la notion d’entreprise, placée cette fois-ci dans le contexte du calcul de l’amende, il y a lieu de rappeler qu’il est loisible, en vue de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise, qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, que de la part de ce chiffre, qui provient des produits faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 145 et jurisprudence citée). En effet, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de l’infraction (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 149 et jurisprudence citée).

465    Par ailleurs, dans le cas particulier où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 54 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 63). Une telle présomption implique, à moins qu’elle ne soit renversée, que l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale est considéré comme établi et fonde la Commission à tenir la première responsable du comportement de la seconde, sans avoir à produire une quelconque preuve supplémentaire (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 55 et jurisprudence citée).

466    Certes, la présomption d’absence d’autonomie des filiales a été développée par la jurisprudence afin de permettre d’imputer le comportement d’une entité juridique (la filiale) à une autre (la société mère). Toutefois, cette présomption d’absence d’autonomie des filiales est également valable lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de déterminer la valeur de ventes pertinente pour le calcul du montant de base de l’amende à infliger à une société mère qui a participé directement à l’infraction et qui, pendant la période infractionnelle, a effectué des ventes des produits concernés par cette infraction dans l’EEE par l’intermédiaire de ses filiales.

467    En l’espèce, il est constant que, tout au long de la durée de l’infraction, la requérante possédait 100 % des parts d’Europe Chemi‑Con ainsi que 100 % des parts d’United Chemi-Con (voir point 1 ci-dessus). Il s’ensuit que la requérante et ses filiales constituent une même unité économique et forment ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, conformément la jurisprudence rappelée au point 463 ci-dessus. Il s’ensuit également qu’il existe une présomption réfragable d’absence d’autonomie des filiales concernées.

468    Or, la requérante n’avance aucun élément concret permettant de renverser cette présomption d’absence d’autonomie et d’étayer un prétendu pouvoir tarifaire autonome de ses filiales. En revanche, il résulte de l’analyse du deuxième moyen que certains clients d’Europe Chemi-Con et d’United Chemi-Con, qui avaient leur siège ou des usines de fabrication en Europe, ont fait l’objet de discussions lors de certains contacts anticoncurrentiels (voir points 249, 280 et 296 ci-dessus), ce que d’ailleurs la requérante admet elle-même dans la requête.

469    Force est donc de constater que la présomption d’absence d’autonomie des filiales de la requérante n’a pas été renversée en l’espèce.

470    En outre, il convient de relever que la valeur des ventes pertinente pour le calcul du montant de base de l’amende doit correspondre à la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’« entreprise » en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans l’EEE (voir point 434 ci-dessus). Cela signifie que, en l’espèce, la valeur des ventes doit inclure les ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale réalisées dans l’EEE par l’unité économique formée par la requérante et par ses filiales détenues à 100 %.

471    Partant, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte, pour déterminer la valeur des ventes réalisées par l’entreprise en relation directe ou indirecte avec l’infraction, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, le montant des ventes des condensateurs électrolytiques que les filiales de la requérante ont facturé à des clients établis en Europe (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 150).

472    Pour le reste, il convient de relever que la requérante se limite à réitérer des arguments formulés dans le cadre des moyens précédents, lesquels ont déjà été écartés.

473    En effet, s’agissant de l’argument tiré du fait que la Commission n’aurait pas établi l’existence d’une infraction ayant des effets spécifiques dans l’EEE, ainsi qu’il a été conclu dans le cadre de l’analyse du quatrième moyen (voir point 414 ci-dessus), c’est à bon droit que la Commission a qualifié l’infraction en cause de restriction de la concurrence par objet et, partant, a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’en examiner les effets concrets. En outre, ainsi qu’il a été relevé aux points 82 et 266 ci-dessus, d’une part, les contacts anticoncurrentiels, pris dans leur ensemble, démontraient un lien avec l’EEE et, d’autre part, et en tout état de cause, le critère de la mise en œuvre de l’entente en tant qu’élément de rattachement de celle-ci au territoire de l’Union était satisfait par la simple vente dans l’Union du produit cartellisé. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter également l’argument de la requérante tiré du fait que la Commission n’aurait pas établi que les ventes du groupe Nippon Chemi-Con à ses clients locaux et mondiaux étaient en relation directe ou indirecte avec l’infraction.

474    Il y a donc lieu d’écarter le deuxième grief de la première branche du sixième moyen.

iii) Sur le troisième grief de la première branche du sixième moyen, tiré d’une erreur en ce que la Commission a utilisé l’exercice 2011-2012 comme période de référence

475    La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur en ce qu’elle a utilisé l’exercice 2011-2012 comme période de référence pour le calcul de la valeur des ventes. Le séisme qui s’est produit le 11 mars 2011 au Japon aurait provoqué une montée des ventes des condensateurs électrolytiques et, par conséquent, l’exercice 2011-2012 aurait été exceptionnel. Pour déterminer la valeur des ventes, la Commission aurait donc dû se fonder sur une moyenne des recettes pendant la durée de la participation de la requérante à l’infraction alléguée.

476    La Commission conteste ces arguments.

477    En l’espèce, tout d’abord, il ressort du considérant 989 de la décision attaquée que, en vue de déterminer le montant de base des amendes à infliger, la Commission, en invoquant la règle figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, a utilisé la dernière année complète (plus précisément, le dernier exercice social complet) de participation à l’infraction comme période de référence pour calculer la valeur des ventes de tous les participants à l’entente, à l’exception d’Elna et de la requérante.

478    S’agissant de la requérante et d’Elna, la Commission a estimé que, étant donné que celles-ci avaient cessé de vendre des condensateurs électrolytiques au tantale avant la fin de leur participation à l’infraction, il convenait, en ce qui concerne ces condensateurs, de tenir compte de la valeur des ventes au cours du dernier exercice complet pendant lequel ces entreprises les avaient vendus pour éviter que la valeur des ventes ne sous-évalue l’importance économique de l’infraction.

479    En ce qui concerne, en particulier, la requérante, la Commission a estimé qu’il y avait lieu de prendre en compte, comme année de référence, d’une part, la dernière année complète de participation à l’infraction en ce qui concerne la valeur des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium, à savoir l’année 2011-2012, et, d’autre part, la dernière année complète au cours de laquelle la requérante a vendu des condensateurs électrolytiques au tantale, en ce qui concerne la valeur des ventes de ces derniers, à savoir l’année 2003-2004 (voir point 27 ci-dessus).

480    La requérante ne met en cause que le choix, comme période de référence, de la dernière année complète de participation à l’infraction en ce qui concerne la valeur des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium, à savoir l’année 2011-2012.

481    À cet égard, il convient de relever que, d’une part, la marge d’appréciation que la Commission détient lors du calcul du montant de l’amende lui permet de prendre en compte, dans des circonstances habituelles, la dernière année de participation à l’infraction comme période de référence. En effet, une telle solution générale est justifiée, puisque ladite marge d’appréciation permet à la Commission de ne pas tenir compte de toute fluctuation de la valeur des ventes au cours des années de l’infraction et qu’une augmentation de la valeur des ventes peut être le résultat de l’entente elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, Esso e.a./Commission, T‑540/08, EU:T:2014:630, point 111).

482    D’autre part, dans la mesure où les lignes directrices de 2006 constituent une autolimitation de son pouvoir d’appréciation, la Commission ne peut s’en écarter dans un cas particulier sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir point 433 ci-dessus).

483    En l’occurrence, il n’a pas été démontré l’existence d’une circonstance particulière justifiant que la Commission soit tenue de déroger à la règle de la dernière année complète de participation à l’infraction, qu’elle s’est fixée au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, en ce qui concerne le calcul de la valeur des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium par la requérante et ses filiales.

484    Les arguments avancés par la requérante ne sauraient infirmer cette conclusion.

485    À cet égard, il convient d’observer que la requérante n’avance aucun élément de nature à établir que le chiffre d’affaires, réalisé au cours de la dernière année complète de participation à l’infraction en ce qui concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium, ne constituait pas, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, une indication de sa véritable taille, de sa puissance économique sur le marché et de l’ampleur de l’infraction en cause.

486    Certes, la requérante fait valoir que la valeur des ventes d’Europe Chemi-Con durant l’année de 2011-2012 s’est élevée significativement par rapport à la moyenne de cette valeur entre les années 1998 et 2014. Toutefois, la requérante n’avance aucun élément concret permettant d’indiquer que la montée de la facturation pour l’année de 2011-2012 ne résulte pas de fluctuations normales, d’autant plus que, comme l’admet la requérante, la valeur des ventes pour l’année 2000-2001 a été proche de celle de l’année 2011-2012. En particulier, la requérante n’indique aucun élément concret permettant de conclure que le séisme qui a eu lieu au Japon en 2011 aurait été une cause, voire la cause déterminante, de l’augmentation du chiffre d’affaires d’Europe Chemi-Con durant la dernière année de participation de la requérante à l’infraction.

487    De plus, une augmentation de la valeur des ventes peut être le résultat de l’entente dont l’un des objectifs principaux est d’augmenter les prix des produits concernés. En l’espèce, l’infraction en cause a duré près de quatorze ans et avait précisément pour objet la coordination des politiques de prix, la requérante y ayant participé pendant toute sa durée.

488    Dans ce contexte, la simple augmentation des chiffres d’affaires de la filiale européenne de la requérante ne suffit pas à démontrer que la valeur des ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction n’était pas représentative de sa véritable taille et de sa puissance économique sur le marché ou de l’ampleur de son infraction.

489    Le troisième grief de la première branche du sixième moyen et, par conséquent, la première branche dans son ensemble doivent donc être écartés.

2)      Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée de la non-réduction du montant de l’amende en fonction des liens limités entre l’infraction alléguée et l’EEE

490    La requérante soutient que la Commission a violé les lignes directrices de 2006 ainsi que les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, dans la mesure où, lors du calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée, la Commission n’aurait pas tenu compte des liens limités entre l’infraction alléguée et l’EEE. Premièrement, ces liens limités seraient démontrés par le fait que tous les destinataires de la décision attaquée ainsi que toutes les personnes qui ont participé aux contacts anticoncurrentiels seraient asiatiques et que toutes les réunions en cause auraient eu lieu en Asie. Deuxièmement, les parts de marché des destinataires de la décision attaquée dans l’EEE seraient faibles. Troisièmement, les filiales de la requérante auraient un pouvoir tarifaire autonome. Quatrièmement, les principaux produits vendus par les filiales de la requérante dans l’EEE n’auraient été affectés que marginalement par le comportement prétendument anticoncurrentiel en Asie. Cinquièmement, les clients concernés par l’infraction alléguée seraient, pour la plupart, établis en Asie ou, du moins, y auraient leur siège. Sixièmement, les demandeurs de clémence auraient nié explicitement que le comportement divulgué dans leurs mémoires respectifs revêtait une quelconque pertinence pour l’EEE.

491    Selon la requérante, les liens limités entre l’infraction alléguée et l’EEE auraient dû amener la Commission à faire application soit d’un coefficient de gravité plus bas, soit d’un coefficient de réduction au titre des circonstances atténuantes, soit du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006, afin de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée.

492    La Commission conteste ces arguments.

493    En premier lieu, en ce qui concerne l’argumentation avancée par la requérante au soutien de la prétendue existence de liens limités entre l’infraction et l’EEE, il convient de constater que cette argumentation consiste, en substance, en une répétition des arguments avancés dans le cadre des moyens précédents, qui ont déjà été rejetés.

494    S’agissant de l’argument tiré de l’origine asiatique de l’entente, il suffit de rappeler que, comme cela a été relevé aux points 79, 81 et 82 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a conclu que l’entente, bien que formée en Asie, avait une portée mondiale et avait été mise en œuvre dans l’EEE.

495    Par conséquent, l’argument de la requérante tiré du fait que les parts de marché des destinataires de la décision attaquée dans l’EEE seraient faibles est également dénué de pertinence, puisque lesdits destinataires, y compris la requérante, avaient des ventes, directes ou indirectes, de condensateurs électrolytiques dans l’EEE.

496    S’agissant de l’argument tiré du prétendu pouvoir tarifaire autonome des filiales de la requérante, il doit être rejeté pour les motifs énoncés dans le cadre de l’analyse du deuxième grief de la première branche du présent moyen (voir points 469 et 471 ci-dessus).

497    S’agissant des arguments tirés de la prétendue nature hétérogène de l’industrie des condensateurs et des différences entre la demande dans le marché asiatique et la demande dans l’EEE, il y a lieu de les rejeter pour des raisons avancées dans le cadre de l’analyse de la troisième branche du troisième moyen (voir points 395 à 399 ci-dessus).

498    S’agissant de l’argument tiré du fait que la Commission n’aurait pas démontré que certaines discussions lors des contacts anticoncurrentiels concernaient l’EEE, cet argument a déjà été rejeté lors de l’analyse du deuxième moyen.

499    S’agissant de l’argument tiré du fait que les demandeurs de clémence auraient nié que le comportement divulgué dans leurs mémoires respectifs revêtait une quelconque pertinence pour l’EEE, il convient de relever qu’il ressort de l’analyse des deuxième et cinquième moyens que c’est notamment sur la base des éléments de preuve produits par lesdits demandeurs de clémence que la mise en œuvre de l’entente dans l’EEE a été établie. Cet argument ne saurait donc prospérer.

500    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû tenir compte des liens limités entre l’entente et l’EEE afin de réduire le coefficient de gravité de l’infraction, il convient de rappeler que, conformément aux paragraphes 19 à 22 des lignes directrices de 2006, l’un des deux facteurs sur lequel est fondé le montant de base de l’amende est la proportion de la valeur des ventes concernées, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction. L’appréciation de la gravité de l’infraction est faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %. Afin de décider du niveau de la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné, la Commission tient compte d’un certain nombre de facteurs tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

501    En l’espèce, la Commission a conclu à l’existence d’une infraction unique et continue couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE et consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir point 14 ci-dessus). La Commission a fixé, pour tous les participants à l’entente, la proportion de la valeur de leur ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à un pourcentage de 16 %, en tenant compte du fait que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (voir point 30 ci-dessus).

502    Il en résulte que la Commission a fixé un coefficient de gravité légèrement supérieur au milieu de ladite échelle qui, conformément au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, peut aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes.

503    Dans ces circonstances, l’infraction comptant, de par sa nature même, parmi les infractions les plus graves et s’étendant sur l’ensemble du territoire de l’EEE, il ne saurait être considéré que la Commission aurait dû estimer que le coefficient de gravité de 16 % ne serait pas approprié ou serait trop élevé au regard de l’infraction de la requérante ou que son application à tous les destinataires de la décision attaquée violerait le principe d’égalité de traitement.

504    En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû tenir compte des liens limités entre l’infraction alléguée et l’EEE au titre des circonstances atténuantes, il convient de relever que, d’une part, il a déjà été établi que l’infraction visée par la décision attaquée présentait une connexion avec l’EEE tout au long de la période infractionnelle. D’autre part, même à supposer que les liens entre l’infraction et l’EEE soient limités, il ne serait pas possible de rattacher cette circonstance à l’une des circonstances atténuantes mentionnées expressément au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006. De plus, même si la liste prévue au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 n’est pas exhaustive, il convient de constater que le fait que l’infraction n’est pas limitée à l’EEE, et qu’elle n’a pas son origine dans l’EEE, n’est pas susceptible d’atténuer la gravité relative de la participation de la requérante à cette infraction et, partant, de justifier une réduction, au titre des circonstances atténuantes, du montant de base de l’amende qui lui a été infligée.

505    En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante visant à faire appliquer en l’espèce le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 afin de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée, il convient de rappeler que ce paragraphe dispose ce qui suit :

« Bien que les présentes [l]ignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ou des limites fixées au p[aragraphe] 21. »

506    Le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 permet ainsi à la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par celles-ci, afin de tenir compte des particularités d’une affaire donnée ou d’atteindre un niveau dissuasif suffisant.

507    À cet égard, il convient de rappeler que, s’il est vrai que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes en cas de violation des règles de l’Union en matière de concurrence (voir point 432 ci-dessus), elle a néanmoins adopté, dans un souci de transparence, les lignes directrices de 2006, dans lesquelles elle indique à quel titre elle prendra en considération telle ou telle circonstance de l’infraction et les conséquences qui pourront en être tirées sur le montant de l’amende (voir arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C‑39/18 P, EU:C:2019:584, point 25 et jurisprudence citée).

508    Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 433 ci-dessus, en adoptant des règles de conduite telles que les lignes directrices de 2006, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime.

509    En l’espèce, force est de constater qu’aucune particularité, au sens du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006, n’a été démontrée, justifiant, à la lumière notamment des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime, que la Commission se départît des règles fixées par les lignes directrices de 2006 pour accorder à la requérante une réduction du montant de l’amende.

510    La seconde branche du sixième moyen et, par conséquent, le sixième moyen en ce qu’il vise l’annulation de l’amende infligée à la requérante doivent donc être écartés.

511    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, les conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée doivent être rejetées.

2.      Sur les conclusions tendant à la réductiondu montant de l’amende infligée à la requérante

512    Dans le cadre du sixième moyen, la requérante demande au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée, au regard, en substance, des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. Selon la requérante, ce montant doit être réduit soit par l’application d’un coefficient de gravité plus bas, soit par une réduction au titre des circonstances atténuantes, soit par une réduction en application du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006.

513    La Commission conteste ces arguments.

514    À titre liminaire, il convient de relever que la compétence de pleine juridiction habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de la légalité de la sanction, à substituer sa propre appréciation, pour la détermination du montant de cette sanction, à celle de la Commission, auteur de l’acte dans lequel ce montant a été initialement fixé. En conséquence, le juge de l’Union peut réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, afin de supprimer, de réduire ou de majorer l’amende infligée, cette compétence étant exercée en tenant compte de toutes les circonstances de fait (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 106 et jurisprudence citée).

515    Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 180 et jurisprudence citée).

516    Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. Ainsi, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, tels que l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 85 et jurisprudence citée).

517    En outre, il convient de rappeler que, lors de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal n’est pas lié par les lignes directrices de 2006, lesquelles ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union. En effet, bien que la Commission soit tenue de respecter le principe de protection de la confiance légitime lorsqu’elle applique les règles qu’elle s’est imposées, telles que les lignes directrices de 2006, ce principe ne saurait lier dans les mêmes termes les juridictions de l’Union pour autant qu’elles n’envisagent pas d’appliquer une méthode de calcul spécifique des amendes dans l’exercice de leur compétence de pleine juridiction, mais examinent au cas par cas les situations qui leur sont soumises en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait et de droit afférentes à celles-ci (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 59 et jurisprudence citée).

518    Toutefois, il découle également de la jurisprudence de la Cour que l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord contraire aux règles de concurrence du droit de l’Union. Si le Tribunal entend s’écarter spécifiquement à l’égard de l’une de ces entreprises de la méthode de calcul suivie par la Commission et qu’il n’a pas remise en cause, il est nécessaire qu’il s’en explique dans son arrêt (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 60 et jurisprudence citée).

519    Le Tribunal est ainsi en droit de porter le montant de l’amende à un niveau inférieur à celui résultant de l’application des lignes directrices de 2006, si les circonstances de l’affaire dont il est saisi le justifient. Encore faut-il, toutefois, que le requérant invoque des motifs pertinents, susceptibles de justifier une telle réduction, et les étaye de preuves (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 310 et jurisprudence citée).

520    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, en l’espèce, si les circonstances invoquées par la requérante peuvent, même en l’absence d’une erreur de droit ou d’une erreur d’appréciation commise par la Commission, justifier que le Tribunal opère une réduction du montant de l’amende qui lui ont été infligée par la décision attaquée.

521    En premier lieu, s’agissant de la demande visant à la réduction du coefficient de gravité de l’infraction, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 502 ci-dessus, le coefficient de gravité de 16 %, appliqué par la Commission, est légèrement supérieur au milieu de l’échelle prévue au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, qui peut aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes. Dans ces circonstances, ledit coefficient de 16 % n’apparaît pas disproportionné au regard de la nature et de la portée géographique de l’infraction en cause.

522    Ainsi, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, le Tribunal estime, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, que le coefficient de gravité de l’infraction de 16 % est approprié.

523    En deuxième lieu, s’agissant de la demande visant à la réduction du montant de l’amende au titre de circonstances atténuantes, il convient de relever que, d’une part, l’existence de liens limités entre l’infraction alléguée et l’EEE n’est pas démontrée en l’espèce (voir points 82, 298, 345 et 493 ci-dessus). D’autre part, et en tout état de cause, la prétendue existence de tels liens limités n’est pas susceptible d’atténuer la gravité relative de la participation de la requérante à l’infraction en cause et, partant, ne constitue pas une circonstance justifiant une modulation du montant de base de l’amende.

524    En troisième lieu, s’agissant de la demande visant à l’application du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006, bien que le Tribunal, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, ne soit pas lié par les lignes directrices de 2006 dans les mêmes termes que la Commission (voir point 517 ci-dessus), il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, l’ensemble des circonstances de fait et de droit ne justifie pas, notamment au regard des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, l’adoption d’une méthode de calcul spécifique du montant de l’amende afin d’accorder à la requérante une réduction de celle-ci. En effet, rien ne permet de conclure que l’amende qui lui a été infligée par la Commission dans la décision attaquée n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction.

525    Par conséquent, le Tribunal estime, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, qu’aucun des éléments dont la requérante s’est prévalue à un quelconque titre dans la présente affaire ni aucun motif d’ordre public ne justifie qu’il fasse usage de ladite compétence pour réduire le montant de l’amende infligée par la Commission à la requérante. De plus, le Tribunal considère, compte tenu de l’ensemble des éléments avancés devant lui, que l’amende qui a été appliquée par la Commission constitue, au regard de la durée et de la gravité de l’infraction à laquelle la requérante a participé directement et pendant toute la période infractionnelle, une sanction permettant de réprimer, de manière proportionnée et dissuasive, son comportement anticoncurrentiel.

526    Les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende doivent donc être rejetées et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

527    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

528    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nippon Chemi-Con Corporation supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Requérante et secteur concerné

B. Procédure administrative

C. Décision attaquée

1. Infraction

2. Responsabilité de la requérante

3. Amende infligée à la requérante

4. Calcul du montante des amendes

5. Dispositif de la décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité des arguments exposés dans les annexes A.19 et A.43 de la requête

B. Sur le fond

1. Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

a) Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de compétence territoriale de la Commission

b) Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu, de l’article 41 de la Charte, des droits de la défense et du principe d’intangibilité de l’acte

1) Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence d’accès, en temps opportun, au dossier complet de l’affaire

2) Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’accès à tous les éventuels éléments à décharge

3) Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’une communication des griefs complémentaire

4) Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’accès aux procès-verbaux des contacts entre la Commission et d’autres destinataires de la communication des griefs

c) Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de preuves de l’infraction, d’erreurs matérielles de fait et de la prescription

1) Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la valeur probante et à la crédibilité des éléments de preuve

2) Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative au caractère anticoncurrentiel des contacts contestés

i) Sur le caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations lors des réunions ECC

ii) Sur le caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations lors des contacts postérieurs à 2008

3) Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative au lien entre les contacts contestés et l’EEE

i) Sur la portée géographique des réunions ECC et de certains contacts postérieurs à 2008

ii) Sur la signification de l’expression « outre-mer »

iii) Sur l’importance mineure, pour l’EEE, de certains produits discutés lors des contacts contestés

iv) Sur des erreurs d’identification des sociétés désignées par une seule lettre lors des contacts contestés

4) Sur la quatrième branche du deuxième moyen, relative aux dates de début et de fin de l’infraction ainsi qu’à la prescription

d) Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’une infraction unique et continue

1) Sur la première branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’un plan d’ensemble

2) Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’un lien de complémentarité entre les contacts anticoncurrentiels

i) Sur le premier grief de la deuxième branche du troisième moyen, tiré de la faillite de Lehman Brothers

ii) Sur le deuxième grief de la deuxième branche du troisième moyen, tiré de l’absence de preuve d’une durée continue de l’infraction

iii) Sur le troisième grief de la deuxième branche du troisième moyen, tiré de la nature différente des contacts anticoncurrentiels

3) Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée du caractère hétérogène de l’industrie des condensateurs

e) Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’une infraction par objet

f) Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende et de la violation des lignes directrices de 2006 ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

1) Sur la première branche du sixième moyen, tirée d’erreurs dans le calcul de la valeur des ventes

i) Sur le premier grief de la première branche du sixième moyen, tiré d’une erreur en ce que la valeur des ventes inclut tous les types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale

ii) Sur le deuxième grief de la première branche du sixième moyen, tiré d’une erreur en ce que la valeur des ventes inclut les ventes effectuées par les filiales de la requérante

iii) Sur le troisième grief de la première branche du sixième moyen, tiré d’une erreur en ce que la Commission a utilisé l’exercice 2011-2012 comme période de référence

2) Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée de la non-réduction du montant de l’amende en fonction des liens limités entre l’infraction alléguée et l’EEE

2. Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.