Language of document : ECLI:EU:T:2021:932

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

21 décembre 2021 (*)

« Clause compromissoire – Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Conventions de subvention HELP et GreenNets – Enquête de l’OLAF – Frais de personnel – Charge de la preuve – Fiabilité des relevés de temps – Inéligibilité des coûts déclarés par le bénéficiaire – Demande de recouvrement – Notes de débit – Prescription – Délai raisonnable – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑381/20,

Datax sp. z o.o., établie à Wrocław (Pologne), représentée par Me J. Bober, avocat,

partie requérante,

contre

Agence exécutive européenne pour la recherche (REA), représentée par Mmes S. Payan-Lagrou et V. Canetti, en qualité d’agents, assistées de Me M. Le Berre, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant, premièrement, à obtenir une déclaration d’éligibilité des frais de personnel afférents au chercheur, deuxièmement, à faire constater que l’obligation de paiement de dommages et intérêts forfaitaires est sans fondement et, troisièmement, à ordonner à la REA de ne prendre aucune autre mesure à l’encontre de la requérante en ce qui concerne les frais de personnel du chercheur afférents aux conventions de subvention HELP et GreenNets,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. J. Svenningsen, président, Mme T. Pynnä (rapporteure) et M. J. Laitenberger, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Datax sp. z o.o., est une société à responsabilité limitée de droit polonais.

2        Le 25 janvier 2011, l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) a conclu avec la coordinatrice d’un consortium, l’Universitat Politècnica de Catalunya (université polytechnique de Catalogne, Espagne), la convention de subvention n° 261659 concernant l’exécution d’un projet intitulé « Enhanced Communications in Emergencies by Creating and Exploiting Synergies in Composite Radio Systems » (ci-après la « convention HELP » ou le « projet HELP »), dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013). Le même jour, la coordinatrice du consortium a conclu une convention de subvention concernant ce projet avec la requérante, membre de ce consortium.

3        Conformément à l’article 3 de cette convention, la réalisation du projet HELP a duré quinze mois, du 1er février 2011 au 30 avril 2012.

4        Le 29 août 2011, la REA a conclu avec la requérante, en tant que coordinatrice d’un consortium, la convention de subvention n° 286822 concernant l’exécution du projet intitulé « Power consumption and CO2 footprint reduction in mobile networks by advanced automated network management approaches » (ci-après la « convention GreenNets » ou le « projet GreenNets »).

5        Conformément à l’article 3 de cette convention, la réalisation du projet GreenNets a duré 24 mois, du 1er septembre 2011 au 31 août 2013.

6        Selon les parties, en mars 2013, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête concernant notamment un employé de la requérante (ci-après le « chercheur »), à propos d’accusations de fraude concernant l’exécution de plusieurs conventions de subvention conclues par l’Union européenne, notamment les conventions HELP et GreenNets.

7        Le 14 avril 2015, l’OLAF a établi son rapport final (ci-après le « rapport de l’OLAF ») concluant à l’existence d’irrégularités et d’un comportement frauduleux, en ces termes :

« À l’issue de son enquête, l’OLAF a établi que :

[Le chercheur] a intentionnellement fait de fausses déclarations ou retenu des informations sur ses activités parallèles au projet de bourse intra-européenne Marie-Curie, [Cooperative Spectrum Sensing Algorithms for Cognitive Radio Networks (Cossar)], afin d’obtenir un financement de la part de l’Union. En outre, dans le cadre de son emploi auprès du Centre de recherche Wrocław EIT+ et de Datax, [le chercheur] a déclaré un nombre d’heures de travail dans des projets financés par l’Union qui n’est pas raisonnable compte tenu de toutes ses activités […]

Datax n’a pas fait preuve de la diligence appropriée en fournissant des informations correctes et précises sur les activités du [chercheur] dans la demande et la négociation du projet HELP. »

8        Le résumé de ce rapport est rédigé comme suit :

« L’enquête a établi que le chercheur avait effectivement mené, au cours de la période concernée, des activités parallèles en tant qu’employé au centre de recherche de Wrocław EIT+ ainsi qu’en tant que membre du conseil consultatif, puis plus tard en tant qu’employé d’une société privée dénommée [Datax]. Ces activités parallèles étaient en partie en relation avec son travail pour des projets financés par l’Union. L’enquête a établi que non seulement ces activités étaient incompatibles avec un emploi à temps plein sur le projet [Cossar], mais également que ces activités multiples que [le chercheur] était censé prendre en charge aux termes de ces contrats d’employé auraient, si elles avaient été toutes menées à bien, occupé un temps déraisonnable mettant en doute les heures que le chercheur a déclarées en tant qu’heures travaillées dans les projets financés par l’Union. »

9        Le 1er juin 2015, le rapport de l’OLAF a été transmis à la REA.

10      Le 2 avril 2019, la REA a envoyé à la requérante une première lettre de préinformation, datée du 1er avril 2019, l’informant de son intention de recouvrer, d’une part, la somme de 11 626,62 euros correspondant aux contributions versées par l’Union en vertu de la convention HELP, majorée de la somme de 1 162,66 euros à titre de dommages et intérêts, et, d’autre part, la somme de 25 105,62 euros correspondant aux contributions versées par l’Union en vertu de la convention GreenNets, majorée de la somme de 1 940,21 euros à titre de dommages et intérêts. Une version non confidentielle du rapport de l’OLAF ainsi que le détail du calcul des sommes à recouvrer étaient annexés à cette lettre (ci-après la « lettre du 1er avril 2019 »).

11      La requérante était, par ailleurs, invitée à présenter ses observations éventuelles dans un délai de 30 jours à compter de la réception de ladite lettre et, en particulier, à fournir à la REA un relevé de temps révisé de tous les travaux effectués, comprenant notamment les heures de travail déclarées pour d’autres activités et la liste de tous les voyages effectués par le chercheur. À défaut, la requérante était invitée à produire tout autre élément de preuve, tel que des échanges de courriels, des exemples de documents préparés ou écrits par le chercheur.

12      Par lettre du 7 mai 2019, la requérante a transmis ses observations à la REA.

13      Le 13 novembre 2019, la REA a, en réponse aux observations contenues dans la lettre du 7 mai 2019, envoyé à la requérante une seconde lettre de préinformation (ci-après la « lettre du 13 novembre 2019 »).

14      À cette occasion, la REA a indiqué que, bien qu’elle était en droit de poursuivre le recouvrement des sommes indiquées ci‑dessus dans leur intégralité, elle reconnaissait qu’un laps de temps important s’était écoulé depuis la clôture de l’enquête de l’OLAF, de sorte que les personnes concernées par cette enquête, qui auraient pu être en mesure d’apporter des éléments de preuve de la réalité des frais de personnel déclarés, ne travaillaient plus pour la requérante. Dans ces conditions, la REA a informé la requérante qu’elle avait l’intention de limiter le montant du recouvrement litigieux aux frais de personnel et aux coûts indirects connexes se rapportant à la période comprise entre août 2010 et octobre 2012 (ci-après la « période de recouvrement litigieuse »), c’est-à-dire une période pour laquelle le rapport de l’OLAF avait mis en évidence que les déclarations concernant le temps consacré par le chercheur aux projets financés par l’Union dépassaient de manière significative 100 % d’un emploi équivalent temps plein.

15      Ainsi, s’agissant de la convention HELP, le montant du recouvrement demeurait inchangé dès lors que la période d’exécution de ce projet était intégralement comprise entre août 2010 et octobre 2012. En revanche, s’agissant de la convention GreenNets, la REA a communiqué à la requérante un calcul révisé aboutissant à une demande de recouvrement de la somme de 22 234,80 euros, majorée de 1 434,14 euros à titre de dommages et intérêts.

16      Bien qu’elle ait été invitée à le faire, la requérante n’a pas transmis d’observations sur la lettre du 13 novembre 2019.

17      Le 29 janvier 2020, la REA a envoyé à la requérante quatre notes de débit ordonnant à cette dernière de lui verser, pour le 16 mars 2020 au plus tard, les sommes précitées (ci-après les « notes de débit »).

18      Le 1er avril 2020, la Commission européenne a envoyé à la requérante quatre rappels de paiement concernant les créances mentionnées dans les notes de débit.

19      Le 24 avril 2020, la Commission a envoyé à la requérante quatre lettres de mise en demeure concernant les créances mentionnées dans les notes de débit.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2020, la requérante a introduit le présent recours.

21      Par acte séparé déposé au greffe le même jour, la requérante a introduit une demande en référé ayant pour objet le sursis à l’exécution, d’une part, de la lettre du 13 novembre 2019 et, d’autre part, de la procédure de recouvrement des sommes en cause. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 11 septembre 2020, Datax/REA (T‑381/20 R, non publiée, EU:T:2020:414), pour défaut d’urgence et les dépens ont été réservés.

22      Au terme d’un second échange de mémoires, la phase écrite de la procédure a été close le 31 mars 2021.

23      Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries au titre de l’article 106, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal (huitième chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, dudit règlement, de statuer sans phase orale de la procédure.

24      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre du 13 novembre 2019 ;

–        juger que les frais de personnel afférents au chercheur sont des coûts éligibles qui lui ont légitimement été remboursés, conformément aux stipulations des conventions de subvention et aux dispositions des règlements pertinents ;

–        constater que l’obligation de paiement de dommages et intérêts forfaitaires est sans fondement ;

–        ordonner à la REA de ne prendre aucune autre mesure à son égard liée aux frais de personnel du chercheur afférents aux conventions de subvention GreenNets et HELP ;

–        condamner la REA aux dépens.

25      La REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

 En droit

 Sur la demande d’annulation de la lettre du 13 novembre 2019

26      Dans la requête, la requérante demandait l’annulation, au titre de l’article 263 TFUE, de la lettre du 13 novembre 2019, au motif que la REA était prétendument incompétente pour adopter des décisions comportant des obligations pécuniaires.

27      Or, il ressort, notamment, des points 4, 8 et 61 de la réplique que la requérante a renoncé à demander l’annulation de la lettre du 13 novembre 2019. Il n’y a, dès lors, pas lieu de traiter ce chef de conclusion et le moyen s’y rapportant.

 Sur les autres chefs de conclusions fondés sur l’article 272 TFUE

 Sur la compétence du Tribunal

28      Le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours, sur le fondement de l’article 272 TFUE, en vertu des clauses compromissoires figurant à l’article 9, troisième alinéa, des deux conventions de subvention litigieuses, lesquelles clauses attribuent compétence au Tribunal pour statuer sur tout litige portant sur l’interprétation, l’exécution ou la validité de ces conventions.

 Sur le droit applicable

29      Le Tribunal doit trancher le litige sur la base du droit matériel applicable au contrat. En l’espèce, conformément à l’article 9, premier alinéa, des deux conventions de subvention litigieuses, celles-ci sont régies par leurs propres stipulations, par les actes du droit de l’Union relatifs au septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013), par le règlement financier applicable au budget général de l’Union ainsi que ses règles d’exécution, par les autres dispositions du droit de l’Union et, à titre subsidiaire, par le droit belge.

30      Pour ce qui concerne le règlement financier applicable, il convient de relever que, ratione temporis, il s’agit du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1). En effet, il ressort des points 2 et 4 ci-dessus que les conventions litigieuses ont été conclues les 25 janvier et 29 août 2011. Or, conformément à l’article 187, deuxième alinéa, du règlement n° 1605/2002, celui-ci était applicable à compter du 1er janvier 2003 et est resté en vigueur jusqu’à son abrogation par le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement n° 1605/2002 (JO 2012, L 298, p. 1), dont aucune disposition ne spécifie qu’il s’applique rétroactivement à des conventions de subvention conclues à une date antérieure à celle de son entrée en vigueur.

31      S’agissant du droit belge, il convient de préciser que l’article 1134, troisième alinéa, du code civil prévoit que les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

 Sur la recevabilité

32      Par ailleurs, dans le mémoire en défense, la REA fait valoir que certains moyens ne satisfont pas aux exigences de clarté et de précision requises par l’article 76, sous d), du règlement de procédure et conclut à l’irrecevabilité de ceux-ci.

33      Selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations (ordonnance du 11 mars 2021, Techniplan/Commission, T‑426/20, non publiée, EU:T:2021:129, point 19).

34      En l’espèce, à l’appui de son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la requérante a invoqué sept moyens.

35      Par les moyens intitulés, premièrement, « erreur dans les constatations factuelles établies et violation du droit du travail polonais », deuxièmement, « violation des principes sous-jacents du droit de l’Union et notamment du principe de l’État de droit », troisièmement, « absence d’irrégularités » et, quatrièmement, « allégation erronée de violation des conventions de subvention », la requérante reproche à la REA, en substance, de ne pas avoir établi, au moyen d’éléments probants, le caractère inéligible des frais de personnel déclarés et, par conséquent, d’avoir erronément conclu à l’existence d’une violation de plusieurs stipulations contractuelles.

36      Les autres moyens peuvent être clairement identifiés comme étant tirés de la prescription de la créance de la REA, de la violation de l’article 1134 du code civil belge et de la violation du principe de proportionnalité.

37      Ainsi, l’énoncé des moyens invoqués est suffisamment clair et précis comme en atteste, au demeurant, le contenu de la défense et de la duplique, lequel démontre que la REA a été en mesure de comprendre les moyens invoqués par la requérante.

38      Dans ces circonstances, les conditions prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure doivent être considérées comme étant satisfaites et les fins de non-recevoir soulevées par la REA doivent être rejetées.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs dans les constatations factuelles et d’une violation du droit polonais, de l’absence de preuve de l’inéligibilité des frais de personnel déclarés, de l’absence de violation des stipulations contractuelles et de la violation des « principes sous-jacents du droit de l’Union et notamment du principe de l’État de droit »

39      La requérante soutient, en substance, qu’il appartiendrait à la REA d’apporter la preuve que les frais de personnel déclarés au titre des activités du chercheur ne seraient pas éligibles. Or, la REA n’aurait apporté aucun élément de preuve fiable attestant de l’inéligibilité de ces frais. Par conséquent, ce serait à tort que la REA lui aurait reproché d’avoir méconnu ses obligations résultant des stipulations contractuelles des conventions de subvention litigieuses.

40      En particulier, la requérante fait valoir que les conclusions du rapport de l’OLAF, dont l’enquête concernait également d’autres projets et d’autres bénéficiaires de subventions, seraient trop générales et imprécises. Selon elle, l’OLAF et la REA n’auraient pas identifié avec précision les frais de personnel qui ne seraient pas éligibles, pas plus que l’entité qui aurait effectivement méconnu les conventions de subvention dans le cadre desquelles le chercheur est intervenu.

41      Afin de démontrer la réalité du travail accompli par le chercheur et l’absence d’irrégularité, la requérante invoque les éléments suivants.

42      En premier lieu, la requérante joint à la requête différents documents attestant, selon elle, de la réalité des frais de personnel encourus au titre des activités du chercheur.

43      En deuxième lieu, elle fait référence au jugement du 17 septembre 2019 du Sąd Okręgowy we Wrocławiu (tribunal régional de Wrocław, Pologne) prononcé dans le cadre des poursuites pénales engagées contre le chercheur, lesquelles auraient été abandonnées de façon conditionnelle à l’issue d’une période probatoire de deux ans. La REA aurait omis de tenir compte de ce jugement alors qu’il en ressortirait que la requérante aurait observé toute la diligence requise lorsqu’elle a recruté le chercheur et que toutes les tâches confiées à ce dernier auraient réellement été réalisées.

44      En troisième lieu, la requérante se réfère au droit du travail polonais ainsi qu’au contrat de travail conclu avec le chercheur.

45      D’une part, l’inéligibilité des frais de personnel en cause serait contraire au droit du travail polonais en vertu duquel il serait parfaitement possible de renseigner, dans le système d’enregistrement du temps de travail d’un employé, un temps de travail de huit heures par jour, quand bien même l’intéressé aurait accompli la tâche plus rapidement. Cette pratique de rémunération serait conforme aux conventions de subvention litigieuses, lesquelles énoncent que les frais de personnel doivent être déterminés « conformément aux pratiques habituelles du bénéficiaire ».

46      Par ailleurs, le temps de travail déclaré par le chercheur sur les projets litigieux n’aurait jamais dépassé 152 heures par mois, ce qui serait inférieur à la durée maximale de travail autorisée, à savoir, 40 heures par semaine.

47      D’autre part, la requérante soutient qu’elle a pris des mesures raisonnables pour s’assurer que les actions du chercheur ne contrevenaient pas à ses intérêts. Elle renvoie à cet égard à la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail du chercheur, laquelle imposerait à ce dernier de recueillir le consentement par écrit de son employeur avant de poursuivre d’autres activités rémunérées, et à la supervision constante dont il aurait fait l’objet pendant l’exécution des projets en cause. Si le chercheur avait déclaré des heures de travail qui ne correspondaient pas à la réalité, la requérante affirme qu’elle l’aurait logiquement licencié.

48      La REA conteste cette argumentation.

49      Elle soutient que la requérante n’aurait pas apporté la preuve qui lui incombe de l’éligibilité des frais de personnel déclarés.

50      À cet égard, en se référant au rapport de l’OLAF, la REA soutient que, compte tenu du chevauchement des activités du chercheur et de ses déclarations sur son temps de travail dans différents projets financés par l’Union, les relevés de temps produits par la requérante pour le travail du chercheur ne représenteraient pas des coûts réels.

51      Il en résulterait une violation de plusieurs stipulations contractuelles, notamment du point II.14 des conditions générales annexées aux conventions de subvention litigieuses (ci-après les « conditions générales »), aux termes duquel les coûts, pour être considérés éligibles, doivent être réels, ainsi que du point II.15 de ces conditions générales, aux termes duquel, pour ce qui est des frais de personnel, seuls peuvent être imputés les coûts des heures effectivement ouvrées au titre du projet par les personnes effectuant directement les travaux. Il ne saurait, par ailleurs, être exclu que la requérante ait réalisé un profit en réclamant des frais de personnel qui n’auraient pas été exposés, ce qui constituerait une violation du point II.18 de ces conditions générales.

52      À titre liminaire, il importe de rappeler que, selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées. Il découle de ce principe qu’il ne suffit pas pour le bénéficiaire de l’aide de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Celui-ci doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi de la subvention ou du concours financier concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 93). Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue un engagement essentiel et, de ce fait, conditionne l’attribution de la subvention de l’Union (arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission, T‑48/16, EU:T:2018:245, point 139).

53      À cet égard, le point II.14, paragraphe 1, des conditions générales stipule que les coûts, pour être considérés comme éligibles, doivent, en principe, être réels, exposés par le bénéficiaire, et ce pendant la durée du projet. Ils doivent être déterminés conformément aux pratiques et aux principes usuels de comptabilité et de gestion du bénéficiaire, selon les règles comptables utilisées dans l’État où le bénéficiaire est établi. Les procédures internes de comptabilité et d’audit du bénéficiaire doivent permettre d’établir un rapprochement direct entre les coûts et recettes déclarés au titre du projet et les fiches financières et pièces justificatives correspondantes. Les coûts exposés doivent être utilisés dans le seul but de réaliser les objectifs du projet et d’obtenir les résultats prévus, ils doivent être inscrits dans la comptabilité du bénéficiaire et indiqués dans le budget total estimé.

54      Selon le point II.15, paragraphe 1, des conditions générales, les coûts directs sont tous les coûts éligibles qui peuvent être attribués directement au projet et sont définis en tant que tels par le bénéficiaire, conformément à ses principes comptables et à ses règles internes habituelles. Pour ce qui est des frais de personnel, seuls peuvent être imputés les coûts des heures effectivement ouvrées au titre du projet par les personnes effectuant directement les travaux. Ces personnes doivent être directement engagées par le bénéficiaire conformément à sa législation nationale, travailler sous la seule supervision technique et la responsabilité du bénéficiaire et être rémunérées conformément aux pratiques habituelles du bénéficiaire.

55      À l’appui de sa demande visant à ce que le Tribunal déclare « que les frais de personnel afférents [au chercheur] sont des coûts éligibles qui [lui] ont légitimement été remboursés », la requérante fait valoir qu’elle a produit des relevés du temps de travail du chercheur ainsi que d’autres éléments les confirmant. Elle estime, dès lors, qu’il incombe à la REA de prouver qu’elle n’est pas tenue de lui rembourser les dépenses litigieuses.

56      Toutefois, il ressort de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus que les frais de personnel invoqués par la partie requérante ne peuvent lui être remboursés qu’à condition qu’elle ait démontré leur réalité, leur lien avec les conventions de subvention litigieuses et le respect des autres critères d’éligibilité posés par celles-ci. À cette fin, la partie requérante doit fournir des informations fiables permettant de vérifier si les conditions d’octroi des subventions étaient remplies et établir que ces coûts ont été exposés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme étant éligibles (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 48 et jurisprudence citée).

57      Ce n’est que dans l’hypothèse où la partie requérante apporte de telles preuves par des relevés de temps et d’autres renseignements pertinents qu’il incombe à la partie défenderesse de démontrer qu’il y a lieu d’écarter les dépenses litigieuses, en justifiant leur rejet notamment parce que ces relevés de temps ne sont pas exacts ou crédibles (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 49 et jurisprudence citée).

58      Il convient donc d’examiner successivement les différentes pièces et arguments invoqués par la requérante au soutien de son allégation selon laquelle les conditions d’éligibilité des frais de personnel ont été respectées et, en particulier, que chacune des heures de travail du chercheur, dont les coûts ont été déclarés en vue d’un remboursement, a été réelle, c’est‑à‑dire effectivement consacrée à la réalisation des projets litigieux.

–       Sur les pièces fournies par la requérante (annexes A.7, A.8, A.12 et A.19 à A.23)

59      À titre liminaire, il convient de relever que, bien qu’elle y ait été invitée par la REA dans la lettre du 1er avril 2019, la requérante n’a fourni aucune description du travail effectué par le chercheur dans le cadre des conventions de subvention litigieuses.

60      Afin de prouver l’éligibilité des frais de personnel déclarés, la requérante a fourni au Tribunal les éléments suivants :

–        les rapports d’évaluation réalisés en cours d’exécution des projets, desquels il ressortirait que les subventions versées par l’Union auraient été utilisées d’une manière conforme au principe d’économie, d’efficience et d’efficacité ;

–        les relevés de temps du chercheur produits en cours d’exécution des projets HELP et GreenNets ;

–        le registre des voyages d’affaires du chercheur dans le projet GreenNets ;

–        un historique des opérations bancaires établissant la rémunération versée au chercheur ainsi que le remboursement des frais liés aux voyages d’affaires auxquels ce dernier a participé ;

–        un certificat d’emploi du chercheur ;

–        cinq photographies prises lors de réunions plénières organisées dans le cadre de la mise en œuvre du projet GreenNets.

61      Toutefois, aucune de ces pièces n’est de nature à prouver la fiabilité des relevés de temps du chercheur. Ces pièces ne permettent pas non plus d’opérer un rapprochement direct avec les heures déclarées par celui-ci.

62      En effet, en premier lieu, il convient de relever que les rapports d’évaluation en question poursuivaient un objectif distinct de celui recherché par l’OLAF dans son enquête. Ils visaient à évaluer, en effet, sur le plan intellectuel, les recherches effectuées par la requérante avec les ressources confiées par l’Union. De son côté, l’enquête menée par l’OLAF cherchait à établir si, sur le plan financier, les ressources obtenues de l’Union étaient utilisées conformément aux règles d’engagement.

63      Or, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, il ne suffit pas pour le bénéficiaire de la subvention de démontrer que le projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique, mais il doit également apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi de la subvention.

64      À cet égard, le contenu de ces rapports d’évaluation ne confirme pas l’éligibilité des frais de personnel en question.

65      Certes, à la question de savoir si « au mieux de votre estimation, les ressources, c’est-à-dire les ressources en personnel et les autres principaux éléments de coût, ont été i) utilisées pour atteindre les objectifs du projet [et] ii) pour les coûts réels, conformément au principe d’économie, d’efficience et d’efficacité », l’évaluateur a répondu par l’affirmative.

66      Toutefois, il importe de constater qu’il ne s’agit que d’une « estimation », nécessairement approximative et générale, et que l’évaluateur n’a pas pris position, de manière spécifique, sur l’éligibilité des frais de personnel concernant le chercheur faisant l’objet de l’enquête de l’OLAF. Partant, la requérante ne saurait se prévaloir de ces rapports afin d’obtenir une déclaration d’éligibilité des frais de personnel déclarés au titre des projets litigieux.

67      En deuxième lieu, la production des relevés de temps établis à l’époque de l’exécution des projets litigieux ne suffit pas, en l’espèce, à démontrer la réalité des frais de personnel prétendument encourus par la requérante.

68      En effet, la REA n’ayant pas été directement témoin de l’exécution de ses tâches par la requérante, elle ne dispose pas d’autres moyens, pour contrôler l’exactitude des frais de personnel déclarés par celle-ci, que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps, lesquels doivent, de ce fait, être fiables (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 67 et jurisprudence citée).

69      Ainsi, en présence d’indices concrets de l’existence d’un risque que les conditions d’éligibilité des dépenses ne soient pas remplies, la charge de la preuve quant à leur éligibilité pèse sur le bénéficiaire de la subvention (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑274/19 P, non publié, EU:C:2020:853, point 64).

70      En l’espèce, il ressort du rapport de l’OLAF, sur lequel la REA s’est fondée, que les heures de travail déclarées par le chercheur, telles qu’elles sont reflétées dans les relevés de temps, manquent de fiabilité.

71      En effet, au terme de son enquête, l’OLAF a conclu que le chercheur avait exercé simultanément plusieurs activités professionnelles d’une ampleur telle que sa participation aux projets HELP et GreenNets dans la mesure déclarée n’était pas plausible.

72      En particulier, il ressort du rapport de l’OLAF que le chercheur a été membre du conseil d’administration de la requérante du 25 janvier 2010 au 4 juillet 2013. Au cours de cette période, le chercheur a également été employé par la requérante en vertu d’un contrat de travail. Ainsi, le 1er novembre 2011, le chercheur a été engagé par la requérante, d’abord à mi-temps jusqu’au 31 décembre 2011, puis à 75 % jusqu’au 31 mai 2012, avant de travailler à plein temps jusqu’au 30 avril 2013. Entre le 1er novembre 2011 et le 31 mars 2013, les relevés de temps du chercheur révèlent que celui-ci a déclaré avoir travaillé sur les projets litigieux entre 66 et 152 heures par mois.

73      Or, premièrement, du 1er août 2010 au 31 juillet 2012, le chercheur était également employé par l’université de Wrocław (Pologne). L’OLAF indique qu’il ressort des relevés de temps soumis dans le cadre du projet Cossar que 160 heures de travail ont été déclarées chaque mois au titre des activités universitaires du chercheur.

74      Deuxièmement, entre le 1er août 2010 et le 31 décembre 2013, le chercheur a également travaillé pour le centre de recherche de Wrocław EIT+ sur des projets financés par l’Union autres que ceux en cause dans le présent litige. Au cours de cette période, il a déclaré avoir travaillé sur ces différents projets entre 38 et 176 heures par mois.

75      Troisièmement, alors que, du 13 au 15 février 2012, le chercheur intervenait comme expert pour la Commission dans le cadre de l’évaluation d’un appel à propositions (FP7-SEC-2012-1), la requérante a déclaré que le chercheur aurait, les mêmes jours, travaillé 8 heures par jour sur le projet HELP. De même, du 20 au 22 février 2012, le chercheur est intervenu en tant qu’expert pour la Commission dans l’évaluation d’un appel à propositions (FP7-SME-2012) et la requérante a pourtant déclaré que le chercheur aurait, les mêmes jours, travaillé 8 heures par jour sur le projet HELP.

76      Quatrièmement, pour la période 2010-2013, l’OLAF indique que le chercheur a également travaillé dans le cadre d’un projet financé par le centre polonais de recherche et développement au moyen de fonds européens. De même, de janvier à mai 2012, des heures de travail du chercheur ont été déclarées dans un projet financé par le fonds européen de développement régional.

77      Il résulte de ce qui précède que, au cours de la période de recouvrement litigieuse, le nombre d’heures de travail cumulées sur les différents projets dans lesquels le chercheur est intervenu pour différentes entités représentait, selon l’OLAF, entre 135 et 270 % d’un équivalent temps plein.

78      Un tel constat prive de crédibilité les relevés de temps invoqués par la requérante ou, à tout le moins, ne permet pas de leur reconnaître une crédibilité suffisante pour permettre de renverser la présomption d’inéligibilité des dépenses découlant du rapport de l’OLAF (voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 50 et jurisprudence citée).

79      En effet, eu égard au chevauchement des heures déclarées par chacune des entités employant le chercheur et à leur nombre, il y a lieu de considérer que le rapport de l’OLAF contient des indices concrets de l’existence d’un risque que les relevés de temps produits par la requérante reflétaient des coûts qui n’étaient pas réels, en violation, notamment, des points II.14 et II.15 des conditions générales.

80      Si les conditions générales sont certes muettes quant à l’exercice d’activités parallèles, l’Union ne peut toutefois subventionner que des dépenses effectivement engagées. De plus, il découle des points II.14 et II.15 des conditions générales que seuls sont éligibles les coûts des heures effectivement ouvrées (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 71 et jurisprudence citée).

81      En troisième lieu, le registre des voyages d’affaires entrepris par le chercheur dans le cadre du projet GreenNets consiste en un tableau sous format Excel dans lequel le nom du chercheur est associé à plusieurs réunions auxquelles il aurait participé, entre le 21 novembre 2011 et le 11 janvier 2013.

82      À cet égard, il convient d’observer que ce document ne contient aucune information concernant les heures de travail déclarées dans le cadre du projet HELP et que, s’agissant du projet GreenNets, ce document ne contient aucune description du travail que le chercheur aurait réalisé lors de ces réunions.

83      Dans ces conditions, compte tenu du peu d’informations y figurant, ce registre des voyages d’affaires du chercheur ne constitue pas un élément attestant de manière fiable de la réalité du travail accompli par celui-ci, dans le cadre du projet GreenNets.

84      En quatrième lieu, s’agissant de l’historique des opérations bancaires entre la requérante et le chercheur, il suffit de constater que ce document établit seulement que la requérante a versé une rémunération au chercheur. Or, la question n’est pas de savoir si la requérante a bien versé une rémunération au chercheur, mais si les documents qu’elle a produits sont suffisants pour établir que la rémunération versée au chercheur correspond à un travail réellement accompli dans le cadre de l’exécution des projets HELP et GreenNets.

85      En cinquième lieu, s’agissant du certificat d’emploi du chercheur, il en ressort certes que ce dernier aurait été absent pendant seulement 25 jours au cours de la période couverte par le contrat de travail. Ce document n’est toutefois, par la seule mention du nombre de jours pendant lesquels le chercheur a travaillé pour la requérante, pas de nature à établir ni la réalité des dépenses déclarées par la requérante ni l’exactitude du temps de travail consacré aux projets en cause.

86      En sixième lieu, la production de photographies sur lesquelles le chercheur apparaît ne constitue pas une méthode raisonnable et fiable d’évaluation du nombre d’heures de travail accompli par ce dernier. En tout état de cause, ces cinq photographies ne fournissent aucune indication quant au temps de travail dont elles seraient l’illustration.

87      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les pièces produites par la requérante ne permettent pas d’établir de manière fiable le caractère éligible des dépenses encourues par la requérante et, en particulier, la réalité des frais de personnel réclamés.

–       Sur le jugement du 17 septembre 2019 du Sąd Okręgowy we Wrocławiu (tribunal régional de Wrocław)

88      En ce qui concerne le jugement du 17 septembre 2019 du Sąd Okręgowy we Wrocławiu (tribunal régional de Wrocław), il convient de relever que la décision émanant de ce tribunal ne saurait avoir une incidence sur le présent recours dès lors que ce recours relève de la compétence exclusive du Tribunal, en vertu de l’article 272 TFUE, lu conjointement avec la clause compromissoire prévue dans les conventions de subvention litigieuses (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission, T‑48/16, EU:T:2018:245, point 70).

89      Partant, il ne saurait être reproché à la REA de ne pas avoir tenu compte du jugement rendu par une juridiction nationale dans le cadre de poursuites pénales aux fins d’apprécier l’éligibilité des frais de personnel déclarés et l’opportunité de recouvrer les subventions versées à ce titre dans le cadre de l’exécution des conventions litigieuses.

90      En effet, les poursuites pénales engagées au niveau national avaient un objectif distinct de la présente procédure dès lors que ces poursuites visaient à déterminer l’éventuelle culpabilité du chercheur au regard des règles pénales nationales. Or, la seule circonstance que les charges retenues contre le chercheur n’aient pas donné lieu à une condamnation n’empêche pas le Tribunal de contrôler, dans le cadre d’une action fondée sur la responsabilité contractuelle de l’Union, la compatibilité des mesures de recouvrement litigieuses avec les conventions en cause et les règles rendues applicables par ces dernières.

91      Il s’ensuit que le jugement du Sąd Okręgowy we Wrocławiu (tribunal régional de Wrocław) ne constitue pas un document de nature à établir l’éligibilité des frais de personnel prétendument encourus par la requérante.

–       Sur les arguments tirés du droit du travail polonais

92      Il convient d’observer d’emblée qu’un système d’enregistrement du temps, tel que celui décrit par la requérante, en vertu duquel le droit du travail polonais permettrait d’enregistrer un nombre d’heures égal à 8 heures par jour, et ce indépendamment du nombre d’heures réellement dédiées à l’exécution du projet en cause, ne répond pas aux exigences énoncées aux points II.14 et II.15 des conditions générales, en particulier celle selon laquelle les coûts exposés par le bénéficiaire d’une subvention ne peuvent lui être remboursés qu’à la condition, notamment, qu’ils soient réels.

93      En effet, un tel système est sans lien avec la réalité du travail accompli, de sorte qu’il ne saurait être invoqué par la requérante à l’appui de son argumentation visant à établir le caractère éligible des dépenses en cause.

94      Le fait que les coûts éligibles du projet « doivent être déterminés conformément aux principes et pratiques usuels de comptabilité et de gestion du bénéficiaire », est sans incidence sur ce constat. En effet, cette modalité de détermination des coûts ne saurait modifier les conditions d’éligibilité desdits coûts et, en particulier, celle visée au point II.14, paragraphe 1, sous a), des conditions générales, selon laquelle les coûts doivent être réels.

95      De plus, s’agissant de l’allégation selon laquelle le chercheur aurait fait l’objet d’une « supervision constante » de la part de la requérante, celle‑ci n’est étayée par aucun élément du dossier. Cette allégation est, par ailleurs, sérieusement contredite par une autre affirmation de la requérante, selon laquelle le chercheur jouissait d’une « indépendance considérable […] du fait du système “à la tâche” ».

96      En outre, l’existence d’une clause de non-concurrence dans le contrat de travail du chercheur ne permet pas d’infirmer le constat de l’OLAF selon lequel le chercheur a travaillé simultanément pour plusieurs employeurs au cours de la période de recouvrement litigieuse et a, à ce titre, déclaré un nombre d’heures de travail peu plausible dans le cadre de plusieurs projets financés par l’Union. Il ressort d’ailleurs du rapport de l’OLAF que, avant de recruter le chercheur, la requérante était déjà informée du fait qu’il travaillait pour d’autres employeurs et elle ne s’y est jamais opposée, en dépit de l’existence de cette clause de non-concurrence.

97      Il s’ensuit que les arguments tirés du droit du travail polonais ne permettent pas d’établir la réalité des frais de personnel dont la requérante se prévaut et, partant, l’absence de violation des stipulations contractuelles des conventions de subvention litigieuses.

98      Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas apporté la preuve qui lui incombe de la réalité des frais de personnel déclarés. Le premier moyen doit donc être écarté comme étant non fondé.

99      Partant, s’agissant du seul moyen afférent à l’éligibilité des frais de personnel du chercheur, la demande visant à ce que ceux-ci soient déclarés éligibles doit être rejetée.

100    Par voie de conséquence, la contribution financière de l’Union étant injustifiée, la requérante n’a pas démontré que la REA n’était pas fondée à demander, en application du point II.24, paragraphe 1, des conditions générales, le paiement de dommages et intérêts en sus du recouvrement de cette contribution financière, de sorte que la demande de la requérante visant à « constater que l’obligation de paiement de dommages et intérêts forfaitaires est sans fondement » doit également être rejetée.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la « prescription des demandes de recouvrement »

101    La requérante soutient que les demandes de recouvrement des sommes litigieuses sont « prescrites » dès lors qu’un délai de plus de cinq ans s’est écoulé depuis la fin des projets en cause. Ce délai de cinq ans figurerait non seulement au point II.22, paragraphe 3, des conditions générales, lequel impose aux bénéficiaires de subventions de conserver tous les originaux des documents concernant la convention de subvention pendant cinq ans après la fin du projet en cause, mais également à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, aux termes duquel les demandes en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union se prescrivent par cinq ans à compter du fait qui y donne lieu.

102    Elle ajoute que, eu égard à l’écoulement du temps, les possibilités d’introduire une action récursoire à l’encontre du chercheur seraient limitées.

103    La REA conteste cette argumentation.

104    Elle considère que cette argumentation n’est pas fondée car les notes de débit auraient été envoyées dans le délai de cinq ans visé à l’article 98, paragraphe 2, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).

105    À titre liminaire, il convient de constater qu’aucune des dispositions invoquées par la requérante ne fixe le délai dans lequel une institution doit agir pour recouvrer des sommes indûment versées en application d’une convention de subvention.

106    En effet, en premier lieu, le point II.22 des conditions générales énonce seulement que la Commission peut, jusqu’à cinq ans après la fin des projets concernés, faire effectuer un audit soit par des auditeurs externes, soit par ses propres services, soit par l’OLAF. À cet égard, il est constant que l’enquête de l’OLAF, ouverte en mars 2013, l’a été dans le délai prévu par cette disposition.

107    En second lieu, la prescription visée à l’article 46 du statut de la Cour de justice concerne les actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle, tandis que la présente affaire concerne la responsabilité contractuelle de l’Union.

108    En outre, le règlement n° 1605/2002, qui est, ainsi que cela ressort du point 30 ci-dessus, le règlement financier applicable ratione temporis, ne fixe aucun délai dans lequel une note de débit doit être communiquée au débiteur.

109    À cet égard, la Cour a déjà précisé que l’article 73 bis du règlement nº 1605/2002 qui fixait un délai de prescription des créances de l’Union de cinq ans ne pouvait, à lui seul, sans ses modalités d’application, être utilement invoqué pour établir qu’une créance de l’Union était prescrite (voir arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 86 et jurisprudence citée).

110    Cet article 73 bis doit donc être lu avec ses modalités d’application prévues à l’article 85 ter du règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement nº 1605/2002 (JO 2002, L 357, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 478/2007 de la Commission, du 23 avril 2007 (JO 2007, L 111, p. 13). Cette disposition prévoit un délai de prescription de cinq ans pour permettre aux organes de l’Union de recouvrer des créances de l’Union sur des tiers, le point de départ de ce délai courant à compter de la date limite communiquée au débiteur dans la note de débit (voir arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 87 et jurisprudence citée).

111    Il s’ensuit que ces dispositions ne fixent aucun délai dans lequel une note de débit doit être communiquée au débiteur (arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 95 ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 mai 2020, Talanton/Commission, T‑195/18, non publié, EU:T:2020:194, point 66).

112    Partant, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, les créances figurant dans les notes de débit ne sont pas prescrites.

113    Certes, dans le silence des textes applicables, l’exigence de sécurité juridique requiert que les institutions de l’Union exercent leurs pouvoirs dans un délai raisonnable (voir arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 96 et jurisprudence citée).

114    Toutefois, dans la mesure où le principe selon lequel les parties à un contrat sont soumises à l’obligation de l’exécuter de bonne foi comprend l’obligation pour l’institution concernée de communiquer au bénéficiaire d’une subvention, dans un délai raisonnable, les conclusions qu’elle tire des constatations effectuées par l’OLAF et consignées dans son rapport d’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, BTC/Commission, T‑786/17, non publié, EU:T:2019:630, point 58) et que la requérante a explicitement soulevé un tel argument au soutien du troisième moyen, cette argumentation sera examinée ci-après.

115    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 1134 du code civil belge

116    La requérante soutient qu’elle a rempli toutes les conditions nécessaires à l’exécution de son obligation de bonne foi, énoncée à l’article 1134 du code civil belge. En particulier, elle aurait fait preuve de toute la diligence requise en supervisant et en justifiant le travail effectué par le chercheur. Elle considère que l’éventuelle mauvaise foi du chercheur ne saurait entraîner de conséquences négatives pour elle alors qu’elle s’est comportée de bonne foi.

117    Dans la réplique, la requérante ajoute que la REA n’aurait pas agi de bonne foi en attendant plusieurs années pour réagir après la réception du rapport de l’OLAF. À supposer que la demande de la REA ne soit pas prescrite, un tel comportement serait constitutif d’un abus de droit. À cet égard, la requérante estime qu’elle pouvait raisonnablement supposer que la REA avait classé le dossier sans suite.

118    La requérante fait également valoir que l’écoulement du temps aurait affecté sa capacité à se défendre, ce qui serait constitutif d’une violation de ses droits de la défense.

119    La REA conteste cette argumentation.

120    Elle soutient que la circonstance que la requérante aurait agi de bonne foi est sans incidence sur l’appréciation de sa propre bonne foi, laquelle n’aurait pas été remise en cause dans la requête. En tout état de cause, elle ajoute que l’argumentation de la requérante est sans incidence sur les obligations qui lui incombaient en vertu des conventions de subvention litigieuses, en particulier de s’assurer que les coûts déclarés étaient éligibles. Quant à la circonstance que le chercheur aurait agi de mauvaise foi, la REA estime que, n’étant pas partie aux conventions de subvention litigieuses, il ne saurait être tenu par l’obligation de bonne foi y afférente. En tout état de cause, la mauvaise foi d’un employé de la requérante s’apparenterait à un acte de mauvaise foi de la requérante elle-même étant donné que cette dernière était responsable, envers la REA, du respect de ses obligations contractuelles.

121    Quant à la violation alléguée des droits de la défense, la REA fait valoir que la correspondance échangée entre les parties avant l’introduction du recours démontrerait, d’une part, que la requérante a été parfaitement informée de la justification des créances et, d’autre part, qu’elle a eu, à chaque étape de la procédure, la possibilité de répondre et de se défendre. La REA confirme également que certaines parties du rapport de l’OLAF ont été occultées afin de protéger les données à caractère personnel des personnes impliquées dans l’enquête, les éléments concernant la requérante ayant tous été révélés.

122    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la Cour de cassation belge, le principe consacré par l’article 1134 du code civil belge, en vertu duquel les contrats de subvention doivent être exécutés de bonne foi, interdit à une partie d’abuser d’un droit qui lui est reconnu par le contrat. L’abus de droit consiste à exercer un droit d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente. Or, il ne peut être exclu que constitue un abus de droit le fait pour le titulaire d’un droit de s’en prévaloir après avoir créé, chez l’autre partie, la confiance légitime dans le fait qu’il ne l’exercera pas par un comportement objectivement incompatible avec l’exercice normal de ce droit (voir arrêt du 4 mai 2017, Meta Group/Commission, T‑744/14, non publié, EU:T:2017:304, point 194 et jurisprudence citée).

123    En l’espèce, il convient de relever que la REA était informée depuis le 1er juin 2015 des conclusions du rapport de l’OLAF et qu’elle était en mesure, après avoir procédé à l’examen du contenu de ce rapport, d’identifier les créances dont elle se prévaut dans les notes de débit. Or, elle n’a informé la requérante de son intention de recouvrer les subventions litigieuses que le 2 avril 2019 et elle n’a émis les notes de débit que le 29 janvier 2020, soit plus de quatre ans après avoir pris connaissance du rapport de l’OLAF.

124    Certes, selon la jurisprudence, le délai de communication d’une note de débit au débiteur par une institution de l’Union dans le contexte d’une procédure administrative doit être, en principe, présumé déraisonnable lorsque cette communication intervient au-delà d’une période de cinq ans à compter du moment où l’institution a été normalement en mesure de faire valoir sa créance (voir arrêt du 13 mai 2020, Talanton/Commission, T‑195/18, non publié, EU:T:2020:194, point 69 et jurisprudence citée).

125    Toutefois, la communication d’une note de débit dans un délai inférieur audit délai de cinq ans pourrait, selon les circonstances propres à l’espèce, ne pas répondre aux exigences du principe du délai raisonnable. Dans une telle hypothèse, il incombe au débiteur d’apporter la preuve du caractère déraisonnable d’un tel délai inférieur au délai de cinq ans (arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 106).

126    Ainsi, le caractère raisonnable d’un délai doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et des différentes étapes procédurales que l’institution de l’Union a suivies ainsi que du comportement des parties au cours de la procédure (voir arrêt du 13 mai 2020, Talanton/Commission, T‑195/18, non publié, EU:T:2020:194, point 76 et jurisprudence citée).

127    Il convient, dès lors, de vérifier si la requérante a apporté la preuve du caractère déraisonnable du délai en cause.

128    En l’espèce, la requérante a indiqué que ce délai serait déraisonnable, car, premièrement, les possibilités d’introduire une action récursoire devant les juridictions nationales contre le chercheur seraient limitées, deuxièmement, cela a pu créer chez elle la confiance légitime que la REA ne demanderait pas le remboursement des subventions en cause et, troisièmement, ce délai aurait affecté sa capacité à se défendre efficacement.

129    Toutefois, aucun de ces éléments ne démontre, en l’espèce, le dépassement d’un délai raisonnable.

130    Premièrement, la circonstance que les possibilités d’introduire une action récursoire contre le chercheur seraient limitées, en raison de la prescription, n’est pas pertinente aux fins d’apprécier le caractère raisonnable du délai en cause.

131    En effet, la requérante ne saurait se prévaloir de la prétendue prescription de l’action qui pourrait être entreprise, devant une juridiction nationale, à l’égard de son ancien employé. Cette circonstance, à la supposer établie, n’a influé en aucune manière sur la durée du délai qui s’est écoulé jusqu’à la communication des notes de débit. En d’autres termes, la question de savoir si une action de la requérante à l’encontre de son ancien employé serait prescrite n’est pas directement liée à l’existence d’une créance de l’Union à l’égard de la requérante. Le litige éventuel découlant de cette relation d’emploi doit être réglé conformément à la législation nationale qui lui est applicable, laquelle législation ne saurait toutefois être invoquée pour limiter la responsabilité contractuelle de la requérante dans la présente affaire.

132    Deuxièmement, les actions de la REA n’ont nullement conféré une confiance légitime à la requérante et l’argumentation tirée de la bonne foi de la requérante ne saurait pas non plus prospérer.

133    D’une part, ainsi que la REA le fait valoir à juste titre, la circonstance qu’une partie contractante aurait agi de bonne foi dans l’exécution de la convention de subvention ne saurait suffire pour établir la mauvaise foi de l’autre partie.

134    D’autre part, il ressort notamment du rapport de l’OLAF que la requérante était informée du fait que le chercheur exerçait simultanément plusieurs activités professionnelles et qu’elle n’a soulevé aucune objection à cet égard, ainsi que cela est rappelé au point 96 ci‑dessus. En outre, afin que la REA puisse exercer son contrôle, les bénéficiaires de subventions doivent démontrer le caractère éligible des coûts imputés aux projets subventionnés. Ainsi que cela a été constaté au point 98 ci‑dessus, la requérante n’a pas dûment justifié les frais de personnel déclarés, ce qui constitue une violation des points II.14 et II.15 des conditions générales.

135    Ainsi, dans le contexte d’une convention de subvention, lorsque les coûts ne sont pas déclarés éligibles au titre de cette convention parce qu’ils ont été jugés non vérifiables ou non fiables, la REA, agissant pour le compte et sous la responsabilité de la Commission qui est tenue au respect du principe de bonne gestion financière, conformément à l’article 317 TFUE, n’a d’autre choix que de recouvrer la subvention à concurrence des montants non justifiés, dans la mesure où cette institution n’est autorisée à liquider, à charge du budget de l’Union, que des sommes dûment justifiées, peu important le fait que le bénéficiaire a mené ou non à bien le projet visé par la convention de subvention (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑274/19 P, non publié, EU:C:2020:853, point 114 et jurisprudence citée). Ainsi, la requérante ayant connaissance des contestations afférentes à la justification des frais de personnel en cause et des principes fondamentaux régissant les concours financiers de l’Union, en particulier ceux applicables aux conventions de subvention en cause, rappelés aux points 52 à 54 ci-dessus, le temps écoulé n’a pu, à lui seul, nourrir sa confiance légitime quant à l’absence de mise en œuvre d’une procédure de recouvrement.

136    Enfin, troisièmement, il ne ressort pas du dossier que le délai observé par la REA aurait affecté la capacité de la requérante à contester, de manière effective, les constatations de l’OLAF sur lesquelles reposent les demandes de recouvrement litigieuses.

137    En effet, en premier lieu, ce n’est qu’au stade de la réplique dans la présente procédure juridictionnelle que la requérante a soutenu qu’elle n’était pas en mesure de se défendre efficacement eu égard à l’écoulement du temps. Dans la requête, la requérante a contesté le bien‑fondé des demandes de recouvrement en arguant notamment de l’éligibilité des dépenses qu’elle a déclaré avoir encourues, sans invoquer explicitement une violation de ses droits de la défense.

138    En deuxième lieu, la requérante a, certes, indiqué dans ses observations du 7 mai 2019 qu’elle éprouvait des difficultés pour commenter les intentions de la REA, compte tenu de la prétendue déperdition des preuves induite par l’écoulement du temps, et qu’il convenait donc d’avoir égard à la documentation qu’elle avait transmise à l’OLAF pendant son enquête.

139    Toutefois, à cette date, la requérante disposait déjà d’une version non confidentielle du rapport de l’OLAF, dont le contenu détaillé lui a permis de prendre connaissance des constatations factuelles opérées par l’OLAF, de faire valoir ses observations sur l’inéligibilité des frais de personnel du chercheur et d’introduire le présent recours.

140    En outre, il ressort de la lettre du 13 novembre 2019 que, après réception des observations de la requérante, la REA a demandé à l’OLAF de lui transmettre les documents que la requérante avait fournis au cours de l’enquête. Or, après un examen de ces documents à la lumière des observations de la requérante du 7 mai 2019, la REA est parvenue à la conclusion qu’aucun argument nouveau de nature à remettre en cause les constatations factuelles de l’OLAF n’était avancé. Par ailleurs, aucune autre documentation que celle déjà fournie à l’OLAF au moment de l’enquête n’a été soumise aux fins de démontrer l’éligibilité des frais de personnel du chercheur.

141    Dans la mesure où la REA s’est, pour l’essentiel, limitée à reprendre les constatations factuelles opérées par l’OLAF et que, au cours de l’enquête menée par cet office, la requérante a pu faire valoir son point de vue à de multiples reprises et a eu l’occasion de fournir, à cette époque, toutes les pièces justificatives dont elle disposait, il ne saurait être considéré que la REA a méconnu ses droits de la défense.

142    Au demeurant, l’argumentation tirée du fait que les témoignages des personnes susceptibles de confirmer la réalité du travail prétendument accompli par le chercheur pourraient ne plus être suffisamment précis, en raison de l’écoulement du temps, ne saurait prospérer.

143    En effet, tout d’abord, la requérante n’a produit aucun témoignage, de sorte que le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier leur éventuelle fiabilité.

144    Ensuite, cette allégation n’est étayée par aucune pièce du dossier qui permettrait au Tribunal d’évaluer dans quelle mesure la requérante se serait heurtée à des difficultés pour recueillir de tels témoignages.

145    Enfin, il convient de relever qu’il ressort de la lettre du 1er avril 2019 que la REA était disposée à prendre en considération, dans son analyse de l’éligibilité des frais de personnel en cause, par exemple, des extraits d’échanges de courriers électroniques, des documents rédigés ou préparés par le chercheur, tels que des rapports, des documents de travail et des publications scientifiques, ou encore les minutes des réunions auxquelles ce dernier aurait participé.

146    Partant, la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle la requérante ne pourrait plus recueillir de témoignages fiables attestant de la réalité du travail accompli par le chercheur, en raison de l’écoulement du temps, ne saurait constituer, en l’espèce, un obstacle à l’exercice de ses droits de la défense.

147    En troisième lieu, s’il est vrai que, conformément au point II.22, paragraphe 3, des conditions générales, la requérante n’était tenue de conserver les documents relatifs aux projets en cause que pendant un délai de cinq années au maximum à compter de la fin desdits projets, il reste que, compte tenu de ce que la requérante était informée du fait que l’OLAF enquêtait sur la légalité de certaines subventions qui lui avaient été versées, il était dans son intérêt de conserver tous les documents pertinents susceptibles de démontrer le caractère éligible des frais de personnel du chercheur (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, BTC/Commission, T‑786/17, non publié, EU:T:2019:630, point 64).

148    En quatrième lieu, il ressort du dossier que le président du conseil d’administration, dont la requérante allègue qu’il supervisait de manière constante le chercheur, a été entendu à de multiples reprises par l’OLAF et a soumis de nombreux documents au cours de l’enquête afin de tenter de justifier l’éligibilité des frais de personnel déclarés. Or, il ressort également du dossier que cette personne occupait toujours des fonctions au sein de la requérante à la date de l’introduction du présent recours, de sorte qu’il pouvait, dès la réception de la lettre du 1er avril 2019, procurer toute l’information nécessaire pour contester tant les constatations effectuées par l’OLAF que les conclusions qui en ont été tirées par la REA (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, BTC/Commission, T‑786/17, non publié, EU:T:2019:630, point 65).

149    En cinquième lieu, la requérante ne saurait reprocher à la REA d’avoir méconnu son obligation d’exécution de bonne foi des conventions dans la mesure où, précisément afin de tenir compte de l’écoulement de temps, celle-ci a réduit le montant du recouvrement litigieux en le limitant à la période au cours de laquelle les relevés de temps fournis au titre des différents emplois du chercheur excédaient « de manière significative » 100 % d’un équivalent temps plein, c’est-à-dire une période au cours de laquelle les relevés de temps du chercheur manquaient manifestement de plausibilité.

150    À la lumière de ces principes et eu égard à l’ensemble des constatations effectuées par l’OLAF, il ne saurait être reproché à la REA d’avoir méconnu le principe d’exécution de bonne foi des conventions en demandant à la requérante le remboursement de pratiquement la totalité des coûts déclarés imputés aux conventions de subvention en raison du caractère inéligible des frais de personnel en cause (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 244 et jurisprudence citée).

151    Le troisième moyen doit, par conséquent, être écarté comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

152    La requérante estime que, à supposer que la violation alléguée des conventions de subvention soit établie, le montant du recouvrement litigieux devrait, en tout état de cause, être adéquat et proportionné à ladite violation. La requérante soutient à cet égard que la REA ne pourrait pas récupérer l’intégralité des sommes versées au titre du travail exécuté par le chercheur, mais seulement les sommes qui auraient été utilisées à des fins différentes de celles prévues.

153    Dans ce cadre, étant donné qu’il ne serait pas contesté que les projets en cause ont été complètement exécutés, la requérante soutient que le montant du recouvrement devrait être réduit d’au moins 90 %. Dans le même sens, la requérante a proposé, dans la réplique, de régler ce litige à l’amiable en versant à la REA uniquement les sommes réclamées au titre des dommages et intérêts.

154    La REA conteste cette argumentation.

155    Elle se réfère à cet égard à la jurisprudence selon laquelle il ne suffirait pas de démontrer que le projet a été réalisé pour justifier l’octroi d’une subvention déterminée, mais que la requérante devrait démontrer que les coûts déclarés ont été supportés conformément aux conditions fixées pour l’octroi des subventions concernées. Dans le même sens, pour acquérir un droit définitif au paiement de la subvention en cause, il faut que l’intéressée ait bien exécuté les obligations financières qui lui incombaient. Le principe de proportionnalité ne saurait, dans ces conditions, être interprété comme permettant d’exonérer la requérante d’une partie des obligations résultant des conventions de subvention litigieuses.

156    En tout état de cause, la REA estime que le montant du recouvrement est proportionné dans la mesure où elle a déjà accepté de réduire le montant à recouvrer dans le projet GreenNets à la suite de la réception des observations formulées par la requérante.

157    Sur ce point, il suffit de rappeler que, dans le cadre d’une convention de subvention, l’octroi de cette subvention est conditionné au respect, par le bénéficiaire, de certains critères et de certaines obligations portant, notamment, sur la justification financière des coûts déclarés comme ayant été encourus pour l’exécution des projets concernés. Partant, le bénéficiaire de la subvention n’acquiert un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union que si l’ensemble des conditions auxquelles l’octroi de la subvention est subordonné sont remplies (voir arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 146 et jurisprudence citée).

158    Il s’ensuit qu’il ne suffit pas, pour le bénéficiaire de la subvention, de démontrer qu'un projet a été réalisé pour justifier l’octroi d’une subvention déterminée étant donné qu’il incombe à celui-ci d’apporter la preuve que les coûts déclarés ont été supportés conformément aux conditions fixées pour l’octroi des subventions concernées (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 109).

159    Étant donné que le non-respect de l’obligation de produire des relevés de temps fiables pour justifier les frais de personnel est un motif suffisant pour rejeter l’ensemble de ces frais (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 64 et jurisprudence citée) et qu’il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas apporté la preuve de l’éligibilité de ces frais de personnel du chercheur dans la mesure déclarée, la REA n’a pas méconnu le principe de proportionnalité en demandant le remboursement de pratiquement la totalité des coûts déclarés.

160    Partant, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen comme étant non fondé.

161    Eu égard à ce qui précède, il convient donc de rejeter la demande de la requérante visant à « ordonner à la REA de ne prendre aucune mesure à son encontre en lien avec les frais de personnel du chercheur afférents aux conventions de subvention GreenNets et HELP » et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction formulées par la requérante dans la réplique.

 Sur les dépens

162    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions de la REA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Datax sp. z o.o. est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Svenningsen

Pynnä

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.