Language of document : ECLI:EU:T:2023:151

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 mars 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale love you so much – Marque de l’Union européenne figurative antérieure I LOVE YOU SINCE FOREVER – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑306/22,

Fun Factory GmbH, établie à Brême (Allemagne), représentée par Me K.-D. Franzen, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. Klee et T. Frydendahl, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

I Love You, Inc., établie à Lewes, Delaware (États-Unis),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin (rapporteur), président, Mmes P. Škvařilová‑Pelzl et G. Steinfatt, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Fun Factory GmbH, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 mars 2022 (affaire R 1464/2021‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 26 novembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal love you so much.

3        La marque demandée désignait des produits relevant des classes 5 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Crèmes lubrifiantes à usage sexuel » ;

–        classe 10 : « Appareils de massage, en particulier vibromasseurs avec et sans moteur et boules de massage, aides à base de silicones et d’autres matières plastiques pour les relations sexuelles en couple, articles favorisant l’érection et l’orgasme, compris dans la classe 10 ; coupes menstruelles, préservatifs ».

4        Le 18 mai 2020, I Love You, Inc. a formé opposition, au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure suivante :

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6        La marque antérieure a été déposée le 20 mai 2019 et enregistrée sous le numéro 18069771 le 30 octobre 2019. Elle désigne les produits relevant des classes 5 et 10 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Lubrifiants sexuels » ;

–        classe 10 : « Dispositifs de massage ; dispositifs pour masser, faire vibrer ou stimuler le corps ; dispositifs pour aider à la copulation, à la masturbation et à la stimulation du désir sexuel y compris reproductions de parties de l’anatomie de l’homme et de la femme ; reproductions synthétiques de pénis et de vagins ; anneaux pour pénis ; pinces pour les mamelons ; vibromasseurs en tant qu’accessoires sexuels pour adultes ; godemichés ; pénis ; bouchons anaux ; étuis pour pénis ; extensions pour pénis ; harnais (étant des accessoires sexuels pour adultes) ; masturbateurs ; prothèses pour le corps ; poupées érotiques [poupées sexuelles] ; appareils d’exercice vaginal ; préservatifs ; bâillons (étant des accessoires sexuels pour adultes) ».

7        Le 9 juillet 2021, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition, à savoir pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus à l’exception des « coupes menstruelles ».

8        Le 25 août 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, s’agissant de la détermination du public pertinent, elle a déclaré se fonder sur la perception du grand public anglophone et a considéré que, à l’égard de certains des produits en cause, ledit public disposait d’un niveau d’attention élevé. Elle a considéré que les produits en cause étaient identiques. S’agissant de la comparaison des marques en conflit, elle a estimé que, sur les plans visuel et phonétique, les marques présentaient un degré moyen de similitude et que, sur le plan conceptuel, elles présentaient, à tout le moins, un degré moyen de similitude. Elle a également considéré que la marque antérieure présentait un caractère distinctif inférieur à la normale. Enfin, la chambre de recours a estimé que, aux termes de son appréciation globale, il y avait lieu de conclure à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal dans l’hypothèse où il conclurait à l’existence d’un risque de confusion en l’espèce :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si une audience est organisée.

12      Dans l’hypothèse où le Tribunal conclurait à l’absence de risque de confusion en l’espèce, l’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO à supporter uniquement ses propres dépens.

 En droit

13      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

14      À l’appui de son moyen unique, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion.

15      L’EUIPO s’en remet à la sagesse du Tribunal pour apprécier le risque de confusion.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

19      Il convient également de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

20      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner le moyen unique.

 Sur le public pertinent

21      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

22      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où la marque antérieure était une marque de l’Union européenne, le territoire pertinent aux fins de l’examen du risque de confusion était celui de l’Union. Toutefois, pour des raisons d’économie de procédure, la chambre de recours a décidé qu’il convenait d’apprécier le risque de confusion à l’égard de la partie anglophone du public pertinent.

23      Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, au demeurant non contestée par les parties.

24      En ce qui concerne la composition du public pertinent et son niveau d’attention, la chambre de recours a considéré qu’il était composé du grand public et a rappelé la jurisprudence selon laquelle le consommateur moyen est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours par rapport à la composition du grand public et, au demeurant, elle n’a pas été contestée par les parties.

25      La chambre de recours n’a pas remis en question la conclusion de la division d’opposition selon laquelle le niveau d’attention du public pertinent pouvait varier de moyen à élevé à l’égard des produits en cause. En ce qui concerne les jouets sexuels et les préservatifs, elle a toutefois précisé que le public pertinent ferait preuve d’un niveau d’attention élevé. Elle n’a pas fait de telles précisions quant aux lubrifiants sexuels, ce qui implique qu’elle a implicitement considéré que le niveau d’attention pour ces produits devait être considéré comme moyen.

26      S’agissant de l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le niveau d’attention du public pertinent serait élevé à l’égard des jouets sexuels, il n’y a pas lieu de la remettre en cause et, au demeurant, elle n’est pas contestée par les parties.

27      S’agissant du niveau d’attention du public pertinent à l’égard des préservatifs, les parties n’ont pas contesté la conclusion de la chambre de recours selon laquelle celui-ci devait être considéré comme étant élevé. Cependant, le Tribunal a déjà jugé que le niveau d’attention à l’égard de ces produits était moyen. Partant, il y a lieu de conclure dans le même sens. En effet, les préservatifs sont des produits à usage unique, en vente libre à un prix abordable, dont l’achat ne s’accompagne pas, en général, d’un long moment d’analyse, de réflexion ou de comparaison des offres [arrêt du 8 septembre 2016, Dr Vita/EUIPO (69), T‑360/15, non publié, EU:T:2016:451, point 17].

28      Il en va de même en ce qui concerne les lubrifiants sexuels. En effet, même si les lubrifiants sexuels sont destinés à un usage intime, il s’agit de produits peu coûteux et qui sont présentés en libre-service dans les magasins et en ligne. En outre, ces produits présentant plus ou moins la même fonctionnalité, l’achat de ceux-ci ne s’accompagne pas non plus d’une analyse particulière ou de comparaisons en détail des offres. Par conséquent, le niveau d’attention du public pertinent doit être considéré comme étant moyen pour ces produits. Ce point n’a, au demeurant, pas été contesté par les parties.

 Sur la comparaison des produits

29      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].

30      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que les produits en cause étaient identiques. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, au demeurant non contestée par les parties.

 Sur la comparaison des signes

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

32      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

33      La chambre de recours a considéré, en substance, que, au regard de la présence de l’élément verbal « love you » dans les marques en conflit, ces marques faisaient allusion à la finalité de l’utilisation des produits, dans la mesure où ils sont utilisés dans le cadre d’activités sexuelles, en d’autres termes lorsque des personnes font l’amour. Par conséquent, elle a estimé que leur caractère distinctif était légèrement inférieur à la moyenne. Elle a également estimé que l’élément verbal « i love you » constituait l’élément le plus dominant dans la marque antérieure. Au regard, en particulier, de l’élément verbal « love you », elle a considéré que les marques présentaient, sur les plans visuel et phonétique, un degré moyen de similitude et, sur le plan conceptuel, à tout le moins, un degré moyen de similitude. Elle a conclu que les marques présentaient, d’un point de vue global, un degré de similitude moyen.

34      La requérante estime, tout d’abord, que les éléments verbaux « i love you » et « since forever » constituent ensemble la partie dominante dans la marque antérieure. Ensuite, elle considère qu’il y a lieu d’écarter l’appréciation de la chambre de recours tenant à l’existence d’un degré moyen de similitude sur le plan visuel entre les marques en conflit. En effet, dans la mesure où seuls deux mots sur cinq sont les mêmes et où leur représentation graphique est totalement différente, le degré de similitude visuelle entre les marques serait inférieur à la moyenne. Enfin, elle estime qu’il n’y a aucune similitude sur le plan phonétique et que la seule similitude sur le plan conceptuel consiste en ce que les deux marques reprennent la notion d’amour.

35      En ce qui concerne l’analyse de la marque antérieure, l’élément verbal « i love you » constitue, en raison de sa taille et de sa position, l’élément prépondérant. Contrairement à ce que soutient la requérante, l’élément verbal « since forever » et les éléments figuratifs représentant des cœurs occupent une position secondaire dans la marque. En effet, l’élément verbal « since forever » est écrit dans une police beaucoup plus petite et sa finalité est de mettre l’accent sur l’élément verbal « i love you ». De même, les éléments figuratifs ont une finalité décorative renforçant le concept de l’amour.

36      En l’espèce, en ce qui concerne l’analyse de la marque demandée, il convient de considérer, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée, que l’élément verbal « so much » dans cette marque est utilisé pour mettre l’emphase sur l’élément verbal « love you » et ne contribue pas particulièrement à son contenu sémantique. À cet égard, il convient de constater que ce dernier élément verbal constitue l’élément prépondérant dans la marque demandée. Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, même en tenant compte du fait que l’élément verbal « so much » constitue la moitié de la marque demandée, cela ne saurait mener à la conclusion que cet élément sera perçu par le public pertinent comme aussi important que l’élément verbal « love you ».

37      S’agissant de la comparaison sur le plan visuel, les marques en conflit coïncident par l’élément verbal « love you » qui constitue la partie principale de l’élément prépondérant de la marque antérieure et la première partie de la marque demandée. Les marques diffèrent par l’élément verbal « so much » de la marque demandée ainsi que par les éléments verbaux « i » et « since forever » de la marque antérieure et par la stylisation et les éléments figuratifs de la marque antérieure représentant des cœurs. Or, ainsi que cela a été exposé au point 35 ci-dessus, l’élément verbal « since forever » et les éléments figuratifs représentant des cœurs occupent une position secondaire dans la marque antérieure. Contrairement à ce que soutient la requérante, la stylisation des éléments verbaux de la marque antérieure, les différences de taille des lettres de l’élément verbal « i love you » et l’absence d’espaces entre les lettres contribuent peu à établir une différence entre la marque demandée et la marque antérieure.

38      La requérante soutient qu’il y a lieu de prendre en compte le fait que les marques en conflit débutent de manière différente en ce que la marque antérieure commence par l’élément verbal « i » et la marque demandée par l’élément verbal « love ». À cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la lettre « i » de la marque antérieure n’est pas frappante sur le plan visuel. En effet, même si, selon la jurisprudence, le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots [voir arrêt du 18 juin 2008, Coca-Cola/OHMI – San Polo (MEZZOPANE), T‑175/06, EU:T:2008:212, point 31 et jurisprudence citée], la lettre « i », en raison de sa forme et compte tenu du fait qu’il s’agit d’une lettre unique, a peu d’incidence sur l’impression visuelle produite par la marque antérieure.

39      Toutefois, au regard de la jurisprudence citée au point précédent, il convient de constater que les deux marques présentent une certaine similitude en ce que l’élément verbal « love you » est placé dans la première partie de leurs éléments verbaux respectifs.

40      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les marques présentaient, sur le plan visuel, un degré moyen de similitude.

41      S’agissant de la comparaison sur le plan phonétique, les marques en conflit contiennent toutes les deux l’élément verbal « love you ». En revanche, elles diffèrent par l’élément verbal « so much » de la marque demandée ainsi que par les éléments verbaux « i » et « since forever » de la marque antérieure.

42      La requérante fait valoir que la prononciation des marques en conflit diffère considérablement en ce que la marque antérieure commence par « i ». Elle soulève également que la marque antérieure est nettement plus longue.

43      À cet égard, il convient de constater que, en dépit de la prononciation de la lettre « i », le public pertinent percevra très peu de différences entre les marques. En ce qui concerne l’élément verbal « since forever » de la marque antérieure, la chambre de recours a relevé, au point 34 de la décision attaquée, qu’au moins une partie du public pertinent ne prononcera pas cette partie, compte tenu de sa taille et de sa position secondaire. En effet, pour les mêmes raisons et compte tenu également de la longueur de la phrase, il y a lieu de considérer qu’une partie substantielle du public pertinent ne prononcera pas ces mots. Même à supposer qu’ils soient prononcés, et en tenant compte également du fait que l’élément verbal de la marque antérieure est composé de plus de syllabes que celui de la marque demandée, cet élément verbal ainsi que l’élément verbal « so much » de la marque demandée sont placés tous les deux après l’élément verbal commun « love you » et génèrent ainsi une certaine similitude entre les marques. Au vu de ce qui précède, il convient de constater que les marques présentent un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

44      S’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, le public pertinent comprendra que les marques en conflit font référence à l’amour et au fait d’aimer quelqu’un. Les éléments figuratifs de la marque antérieure représentant des cœurs renforcent cette signification.

45      Selon la requérante, les éléments verbaux « since forever », dans la marque antérieure, et « so much », dans la marque demandée, induisent une différence importante au niveau de la signification des marques. En effet, le premier de ces éléments verbaux renvoie à l’aspect temporel de l’amour, tandis que le second fait référence à l’intensité de l’amour. À cet égard, il y a lieu de constater que, nonobstant leurs significations diverses, ces éléments verbaux servent tous les deux à renforcer positivement l’élément verbal « love you ».

46      La requérante conteste également l’appréciation de la chambre de recours en ce qui concerne l’impact de l’élément verbal « i » sur le plan conceptuel. Elle fait valoir que la marque antérieure décrit uniquement l’amour du point de vue d’une personne envers une autre, tandis que la déclaration dans la marque demandée peut être interprétée comme provenant d’une ou de plusieurs autres personnes, ou bien comme un appel à une personne de s’aimer elle-même. Ainsi que l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours, il est généralement sous-entendu que l’expression « love you » est exprimée à la première personne du singulier. De même, il ne saurait être retenu que l’expression « love you » pourrait être interprétée comme faisant référence à l’amour de sa propre personne, dans la mesure où cela serait exprimé par le mot « yourself » au lieu de « you ».

47      Au vu de ces considérations, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que les marques présentaient, sur le plan conceptuel, un degré moyen de similitude.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

48      Au point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’opposition, en ce que celle-ci avait conclu que le caractère distinctif de la marque antérieure était « inférieur à la normale ». Par ces termes, il convient d’entendre que la marque antérieure a un caractère distinctif intrinsèque faible.

49      Il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la marque antérieure fait allusion à la finalité des produits concernés, dans la mesure où ils sont utilisés dans le cadre d’activités sexuelles. Il s’ensuit que la marque antérieure possède, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours, un caractère distinctif intrinsèque faible.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

50      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

51      Parmi les facteurs pertinents dont il doit être tenu compte dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion figure également le caractère distinctif de la marque antérieure. Toutefois, le caractère distinctif de celle-ci n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de l’appréciation du risque de confusion. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

52      La chambre de recours a constaté que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif intrinsèque inférieur à la normale. Elle a rappelé que le niveau d’attention du public pertinent était relativement élevé et que les produits en cause étaient identiques. En ce qui concerne la similitude des marques, elle a rappelé qu’elles étaient similaires à un degré moyen sur les plans visuel et phonétique et qu’elles présentaient un certain degré de similitude conceptuelle. En outre, elle a estimé que les marques possédaient une structure similaire dans la mesure où elles se composaient de mots exprimant l’amour et d’éléments qualifiant ce sentiment. Cela étant précisé, elle a conclu, en application également des principes d’interdépendance et de souvenir imparfait, à l’existence d’un risque de confusion.

53      La requérante estime qu’il n’y a pas de risque de confusion en l’espèce, en raison de la dissemblance des marques en conflit et du fait que le caractère distinctif de la marque antérieure est inférieur à la moyenne. À cet égard, elle soutient que les signes coïncident uniquement par l’élément verbal « love you » qui n’apparaît pas comme un élément autonome dans les deux signes et n’est pas le premier composant du signe antérieur. De même, la chambre de recours aurait fondé le risque de confusion uniquement sur cette coïncidence verbale. Eu égard au fait que les signes seraient complètement différents sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, cela conduirait à une protection excessive du signe antérieur et empêcherait tous les enregistrements de marques contenant l’élément verbal « love you ».

54      L’EUIPO relève que les éléments communs « love you » dans les marques en conflit, ainsi que la marque antérieure dans son ensemble, ne sont pas pleinement distinctifs. Il fait valoir qu’il existe deux orientations jurisprudentielles traitant des « marques faibles ». Cela étant précisé, il renvoie à la sagesse du Tribunal pour apprécier le risque de confusion.

55      En l’espèce, s’agissant du facteur tenant au caractère distinctif de la marque antérieure, il convient de rappeler qu’elle possède un caractère distinctif intrinsèque faible.

56      S’agissant du facteur tenant à la similitude des marques en conflit, celle-ci tient à la présence de l’élément verbal « love you », qui est à l’origine d’un degré moyen de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Cet élément verbal constitue la partie principale de l’élément prépondérant de la marque antérieure et la première partie de la marque demandée. Même s’il est vrai que le public pertinent attribuera à l’élément verbal « love you » une faible fonction d’indication de l’origine commerciale des produits visés, il n’en demeure pas moins que cet élément est prépondérant dans chacune des marques en conflit. En ce qui concerne l’élément verbal « since forever », qui occupe la position secondaire de la marque antérieure, et l’élément verbal « so much », qui constitue la deuxième partie de la marque demandée, ils ont en commun de servir tous les deux à renforcer positivement l’élément verbal commun « love you ». Les deux marques présentent ainsi, en substance, la même structure dans leurs première et deuxième parties respectives et donnent au public pertinent une impression globale de similitude.

57      Par ailleurs, il convient d’ajouter que la constatation de l’existence d’un risque de confusion aboutit uniquement à la protection d’une certaine combinaison d’éléments sans toutefois protéger en tant que tel un élément descriptif faisant partie de cette combinaison (voir, par analogie, ordonnances du 15 janvier 2010, Messer Group/Air Products and Chemicals, C‑579/08 P, non publiée, EU:C:2010:18, point 73, et du 30 janvier 2014, Industrias Alen/The Clorox Company, C‑422/12 P, EU:C:2014:57, point 45).

58      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter l’argumentation de la requérante portant sur la dissemblance des marques.

59      En ce qui concerne le niveau d’attention du public pertinent, en l’espèce, l’existence d’un risque de confusion ne saurait être exclue du fait que le niveau d’attention du public pertinent, en ce qui concerne certains des produits, est élevé. À cet égard, il convient de rappeler que le fait que le public en cause sera plus attentif à l’identité du producteur ou du fournisseur du produit ou du service qu’il souhaite se procurer ne signifie pas, en revanche, qu’il examinera dans le moindre détail la marque à laquelle il sera confronté, ou qu’il la comparera minutieusement à une autre marque. En effet, même pour un public faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, il n’en demeure pas moins que les membres du public pertinent n’ont que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doivent se fier à l’image imparfaite qu’ils en ont gardée en mémoire [voir arrêt du 21 novembre 2013, Equinix (Germany)/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑443/12, non publié, EU:T:2013:605, point 54 et jurisprudence citée].

60      Partant, il y a lieu de constater que, malgré le caractère faiblement distinctif des éléments communs aux signes en conflit, le caractère distinctif intrinsèque faible de la marque antérieure et le niveau d’attention élevé du public pertinent lors de l’achat de certains des produits en cause, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Cette conclusion tient compte des autres facteurs à mettre en balance dans le cadre de l’analyse globale du risque de confusion tels que l’identité des produits en cause, le caractère visuellement et phonétiquement prépondérant, au sein de chacun des signes en conflit, des éléments communs auxdits signes ainsi que le niveau moyen de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle existant entre ces mêmes signes.

61      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, partant, le recours.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63      L’EUIPO n’ayant conclu à condamner la requérante aux dépens que dans le cas où une audience de plaidoiries serait organisée, il convient de décider que les parties supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.