Language of document : ECLI:EU:T:2017:611

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 septembre 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale Boswelan – Déclaration de déchéance –Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 –Absence d’usage sérieux de la marque – Absence de justes motifs pour le non-usage »

Dans l’affaire T‑276/16,

Viridis Pharmaceutical Ltd, établie à Tortola, Îles Vierges britanniques (Royaume-Uni), représentée par Mes C. Spintig, S. Pietzcker et M. Prasse, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Hecht-Pharma GmbH, établie à Hollnseth (Allemagne), représentée par Mes C. Sachs et J. Sachs, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 29 février 2016 (affaire R 2837/2014‑5), relative à une procédure de déchéance entre Hecht-Pharma et Viridis Pharmaceutical,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 4 juillet 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 15 août 2016,

à la suite de l’audience du 17 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 septembre 2003, Pharmasan GmbH Freiburg, prédécesseur en droit de la requérante, Viridis Pharmaceutical Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Boswelan.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits pharmaceutiques et produits de soins de santé ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 31/2004, du 2 août 2004, et l’enregistrement de ladite marque est intervenu le 24 avril 2007.

5        Le 18 novembre 2013, l’intervenante, Hecht-Pharma GmbH, a déposé une demande en déchéance de la marque en cause pour tous les produits pour lesquels elle avait été enregistrée, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, au motif qu’elle n’aurait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans à compter de ladite demande.

6        La requérante a présenté des éléments tendant à prouver l’usage de la marque contestée ou des motifs pour son non-usage, mais uniquement en ce qui concernait la catégorie des médicaments pour le traitement de la sclérose en plaques et non la catégorie plus large des produits pharmaceutiques et des produits de soins de santé.

7        Par une décision du 26 septembre 2014, la division d’annulation de l’EUIPO a déchu de ses droits la requérante pour tous les produits enregistrés.

8        Le 6 novembre 2014, la requérante a formé un recours auprès de la chambre de recours de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 29 février 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté ce recours.

10      Premièrement, la chambre de recours a considéré que les éléments fournis par la requérante n’étaient pas de nature à démontrer un usage sérieux de la marque contestée au sein de l’Union européenne pour les produits qu’elle désignait au cours de la période ininterrompue de cinq années ayant précédé la demande de déchéance. Ces éléments se rattacheraient en effet à des actes de nature purement interne, qui concernent en l’occurrence un essai clinique, et ils seraient très en amont de la commercialisation du produit et hors de la concurrence. Il ne s’agirait pas d’actes dirigés vers l’extérieur, en relation avec la commercialisation ou la publicité des produits en cause. Ils ne constitueraient pas davantage un acte préparatoire direct, ni un acte concourant à un lancement imminent sur le marché.

11      Deuxièmement, la chambre de recours, en se référant notamment à la définition du juste motif qui résulte des termes de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), du 15 avril 1994 (JO 1994, L 336, p. 214, ci-après l’« accord ADPIC »), constituant l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3), a considéré que, en l’espèce, la réalisation d’un essai clinique n’était pas à elle seule un motif indépendant de la volonté de la requérante qui justifierait le non-usage de la marque contestée. La durée d’un essai clinique dépendrait en effet des moyens financiers que le titulaire d’une marque déciderait d’engager, cet élément ne relevant pas de la catégorie des obstacles indépendants de sa volonté. La responsabilité pour la durée de la procédure ne pourrait être considérée comme étant transférée à une autorité extérieure qu’à partir du moment où une demande officielle de mise sur le marché aurait été déposée. La protection conférée aux marques de l’Union européenne par le règlement n° 207/2009 n’apparaîtrait pas nécessaire avant une telle demande officielle et, si une entreprise pharmaceutique décidait néanmoins de procéder à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne de nombreuses années avant une telle demande, les retards de l’essai clinique relèveraient de sa responsabilité.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté son recours contre la décision de la division d’annulation du 26 septembre 2014 la déclarant déchue de ses droits en ce qui concernait les médicaments pour le traitement de la sclérose en plaques ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

14      Dans le cadre du recours, la requérante précise qu’elle ne conteste la décision attaquée que dans la mesure où le recours formé contre la décision de la division d’annulation a été rejeté en ce qui concernait les médicaments pour le traitement de la sclérose en plaques, qui relèvent de la classe 5. Elle fait valoir que cette limitation de l’objet du litige doit être considérée comme recevable en tant que demande d’annulation partielle de la décision attaquée.

15      L’EUIPO fait valoir que la demande de limitation de l’objet du litige est recevable en ce qu’elle constitue une demande d’annulation partielle de la décision attaquée, puisque les médicaments pour le traitement de la sclérose en plaques sont inclus dans la catégorie plus large des produits pharmaceutiques et des produits de soins de santé. Toutefois, la demande de la requérante, en ce qu’elle tendrait à la constatation d’un usage propre au maintien de ses droits pour les médicaments destinés au traitement de la sclérose en plaques, excèderait la compétence du Tribunal et devrait être déclarée irrecevable, car elle présupposerait pour la première fois un examen détaillé des facteurs de l’usage propre à assurer le maintien de ces droits en ce qui concerne les produits issus de la limitation, alors que la chambre de recours n’aurait pas procédé à un tel examen.

16      En l’espèce, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée seulement en ce que cette dernière a conclu à la déchéance de la marque contestée à l’égard des médicaments pour le traitement de la sclérose en plaques, qui sont inclus dans la catégorie plus large des produits pharmaceutiques et des produits de soins de santé. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours, figurant aux points 42 et 43 de la décision attaquée, en ce qu’elle confirme la déchéance de la marque contestée pour tous les autres produits visés à l’enregistrement. Il s’ensuit que le contrôle de légalité de la décision attaquée auquel il convient de procéder portera uniquement sur ses motifs et ses conclusions concernant la déchéance de la marque contestée à l’égard des médicaments pour le traitement de la sclérose en plaques [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2017, Labeyrie/EUIPO – Delpeyrat (Représentation d’un semis de poissons clairs sur fond foncé), T‑767/15, non publié, EU:T:2017:122, point 13], à l’exclusion d’éléments ou de circonstances juridiques ou factuelles qui n’auraient pas été examinés par la chambre de recours.

 Sur le fond

17      La requérante soulève trois moyens à l’appui du recours, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait considéré à tort que les faits et les preuves présentés n’étaient pas suffisants pour démontrer un usage sérieux de la marque contestée en ce qui concernait les médicaments pour le traitement de la sclérose en plaques, deuxièmement, d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait considéré à tort que les faits et les preuves présentés n’étaient pas suffisants pour démontrer un juste motif pour le non-usage de ladite marque en ce qui concernait les mêmes médicaments et, troisièmement, d’une violation de l’article 83 du règlement n° 207/2009 et, plus particulièrement, du principe de protection de la confiance légitime, en ce que la chambre de recours s’est écartée des directives relatives à l’examen devant l’Office.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, en ce qui concerne la démonstration d’un usage sérieux de la marque contestée

18      La requérante fait valoir à titre préliminaire qu’il n’existe pas de contradiction dans le fait de soutenir simultanément l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée et d’un juste motif pour le non-usage de cette dernière, dans la mesure où, d’une part, l’usage effectif s’est limité aux actes qui pouvaient juridiquement être réalisés avant ou en l’absence de l’autorisation prévue par la législation sur les produits pharmaceutiques et où, d’autre part, la notion de non-usage vise non seulement un défaut total d’usage, mais également un usage insuffisant pour des motifs juridiques.

19      Selon la requérante, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que les actes d’usage dont l’existence avait été démontrée n’étaient pas de nature à établir un usage sérieux de la marque contestée et qu’il s’agissait d’actes de nature interne hors de la concurrence, situés au surplus très en amont de la commercialisation.

20      Or, s’il est exact que le médicament destiné au traitement de la sclérose en plaques et désigné par la marque contestée n’avait pas encore subi avec succès la procédure d’autorisation résultant de la législation allemande sur les produits pharmaceutiques, de sorte qu’il n’avait pas encore été mis sur le marché et vendu au grand public, il n’en demeure pas moins que ladite marque aurait été utilisée à l’égard de tiers. À cet égard, la requérante se prévaut d’essais cliniques ayant notamment donné lieu à la livraison de 400 000 capsules désignées sous le nom de Boswelan à une clinique universitaire, à leur facturation par une entité tierce ayant agi comme intermédiaire et au recrutement de volontaires pour participer aux essais dont les données publiques mentionnaient la marque contestée. Dans ces conditions, la requérante aurait accompli les actes d’usage autorisés qui auraient été suffisants pour conclure à un usage sérieux, alors que l’absence d’autorisation par les autorités pharmaceutiques interdisait à ce stade toute commercialisation ultérieure.

21      La requérante fait également valoir que, dans le secteur pharmaceutique, la phase de l’essai clinique est une mesure préparatoire indispensable avant la distribution auprès du consommateur final, de sorte que le critère tenant au caractère imminent de la commercialisation doit être interprété au regard des contingences particulières dudit secteur.

22      L’EUIPO fait quant à lui valoir, en ce qui concerne le caractère prétendument contradictoire des deux premiers moyens invoqués par la requérante, que cela n’a pas été déterminant pour les motifs de la décision attaquée, mais qu’il existe néanmoins une contradiction dans le fait de prétendre à l’existence de justes motifs pour le non-usage de la marque contestée, tout en se prévalant d’actes concernant un essai clinique qui sont censés justifier un usage.

23      Par ailleurs, les intérêts particuliers de l’industrie pharmaceutique seraient bien pris en compte dans le cadre d’une demande en déchéance, dans la mesure notamment où une procédure d’autorisation en vertu de la législation sur les produits pharmaceutiques peut constituer un motif pour le non-usage. L’intérêt des entreprises pharmaceutiques ne serait toutefois pas de conférer un monopole légal d’une durée indéterminée à un détenteur de marques inactif.

24      Les actes d’usage dont se prévaut la requérante n’auraient pas été aptes à fonder le maintien des droits de cette dernière. En effet, l’usage aux fins de l’essai clinique n’avait pas pour objectif la commercialisation du médicament en cause, ni pour but de le distinguer de produits concurrents, ni même de permettre au public pertinent de déterminer une future décision d’achat. De même, la livraison de capsules à un hôpital universitaire et la mention de la marque contestée dans les publications sur les résultats de l’étude ne peuvent être qualifiées de démarche publicitaire, une telle démarche étant au demeurant interdite s’agissant de médicaments dépourvus d’autorisation de mise sur le marché, et ce en vertu de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain(JO 2001, L 311, p. 67).

25      Les actes publicitaires dont se prévaut la requérante constitueraient tout au plus des actes préparatoires qui ne fondent qu’exceptionnellement un usage propre à assurer le maintien de droits, dans la mesure où seules les marques réellement utilisées méritent d’être protégées et où le délai de grâce de cinq années apparaît suffisant pour accomplir des actes préparatoires. En l’espèce, il y aurait lieu de tenir compte du fait que la commercialisation des produits en cause n’était pas imminente, puisque l’essai clinique n’était pas terminé et qu’il ne l’est toujours pas, de sorte qu’il ne serait pas nécessaire de tenir compte des documents présentés à la chambre de recours et censés démontrer un acte préparatoire publicitaire.

26      L’intervenante expose quant à elle que la marque contestée devait être utilisée initialement par le prédécesseur en droit de la requérante pour désigner un médicament destiné au traitement de la maladie de Crohn et que ce n’est qu’après 2008 que la requérante a décidé de travailler à l’autorisation d’un médicament destiné à la sclérose en plaques. Or, depuis 2008, la requérante n’aurait déposé aucune demande d’autorisation de mise sur le marché ni mené avec succès un essai clinique en rapport avec la sclérose en plaques, ce qui signifie qu’une commercialisation du produit serait absolument inenvisageable à court terme, ce comportement de la requérante étant incompatible avec la finalité d’un usage propre à assurer le maintien de droits.

27      En outre, le Landgericht München (tribunal régional de Munich, Allemagne) aurait rendu le 22 décembre 2015 un arrêt devenu définitif, que l’intervenante verse aux débats, condamnant la requérante à consentir à la radiation devant le Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques, Allemagne) de la marque verbale allemande Boswelan pour défaut d’usage et absence de justes motifs pour le non-usage.

28      L’intervenante conteste l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée propre à assurer le maintien des droits, dans la mesure en particulier où ladite marque n’apparaît pas sur des emballages, que la livraison de 400 000 capsules correspond à un volume marginal dans le secteur pharmaceutique concerné, que l’usage n’était pas public, puisqu’il concernait un cercle étroit de praticiens et des patients participant à une étude en « double aveugle », et que la publicité était interdite faute d’autorisation de mise sur le marché.

29      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 prévoit, en substance, que le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque en cause n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

30      Il convient de rappeler qu’une marque de l’Union européenne fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 29 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37].

31      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 10 septembre 2008, CAPIO, T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

32      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (voir arrêt du 10 septembre 2008, CAPIO, T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée).

33      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents de ce cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement. En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous une marque ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant ladite marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, la Cour a précisé qu’il n’était pas nécessaire que l’usage d’une marque ait toujours été quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque (voir arrêt du 10 septembre 2008, CAPIO, T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 32 et jurisprudence citée).

34      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a retenu à juste titre, au point 42 de la décision attaquée et conformément à ce qu’avait estimé la division d’annulation, qu’il y avait lieu de considérer que la preuve de l’usage pendant la période de cinq années visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, en l’occurrence à compter de la demande en déchéance formée le 18 novembre 2013 (ci-après la « période pertinente »), était insuffisante afin d’assurer le maintien des droits de la requérante.

35      Les éléments produits par la requérante devant l’EUIPO et tendant à démontrer pendant la période pertinente l’usage propre à assurer le maintien des droits conférés par la marque attaquée, y compris ceux produits pour la première fois devant la chambre de recours et dont elle a admis la recevabilité, sont mentionnés aux points 28 et 29 de la décision attaquée. Ils concernent en particulier la livraison, aux fins de la réalisation d’un essai clinique intitulé « essai SABA », de 400 000 gélules à un hôpital universitaire ainsi qu’à une entité dénommée Alpinia Ludanum Institute of Pharmaceutical Sciences AG, de même que la mention de la marque contestée sur un dépliant destiné au recrutement de participants à cet essai clinique ainsi que sur des sites Internet et dans des publications scientifiques.

36      Ces éléments permettent de constater que, dans la perspective du dépôt d’une demande d’autorisation de mise sur le marché en vertu de la législation allemande sur les médicaments, la requérante a effectué des actes préparatoires consistant en la mise en œuvre d’une procédure d’essai clinique et incluant certains actes revêtant à l’égard de cet essai un caractère publicitaire. Or, seule l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché par les autorités compétentes était de nature à permettre un usage public et tourné vers l’extérieur de la marque contestée, conforme aux objectifs rappelés au point 30 ci-dessus, qui consistent à garantir l’origine des produits désignés aux fins de leur créer ou de leur conserver un débouché. Comme l’admet la requérante, la législation relative aux médicaments interdit en effet la publicité pour des médicaments qui ne bénéficient pas encore d’une autorisation de mise sur le marché, de sorte qu’elle interdit tout acte de communication destiné à obtenir ou à préserver une part d’un marché.

37      La chambre de recours a certes mentionné, au point 31 de la décision attaquée, qu’il pouvait y avoir un usage sérieux d’une marque de l’Union européenne quand les produits qu’elle désignait n’étaient pas encore commercialisés, mais à la condition que leur commercialisation, préparée notamment dans le cadre d’une campagne publicitaire en vue de la conquête d’une clientèle, fût imminente.

38      Toutefois, en l’espèce, outre qu’il est établi qu’il n’y avait pas encore eu de commercialisation par la requérante d’un médicament destiné au traitement de la sclérose en plaques désigné par la marque contestée, une telle commercialisation étant en tout état de cause interdite au stade de l’essai clinique, la requérante n’a pas davantage démontré que la commercialisation d’un tel médicament aurait été imminente. À ce titre, bien que l’enregistrement de la marque contestée soit intervenu en avril 2007, il convient de relever qu’aucun des éléments produits au cours de la procédure administrative par la requérante ne permettait de constater que ledit essai était sur le point d’aboutir.

39      En ce qui concerne les autres arguments de la requérante, il y a tout d’abord lieu de relever que l’utilisation de la marque contestée dans le cadre d’un essai clinique à l’égard de tiers, qu’il s’agisse de particuliers ou de professionnels, ne peut être assimilée à une mise sur le marché ni même à un acte préparatoire direct, car, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, elle se déroule hors de la concurrence, au sein d’un cercle restreint d’intervenants, et sans viser à obtenir ou à conserver des parts de marché, de sorte qu’elle doit être considérée comme étant de nature interne. Ensuite, la requérante ne démontre pas que la livraison de 400 000 capsules destinées à la mise en œuvre dudit essai, dans la mesure où il s’agissait d’une procédure unique d’essai, correspondait dans le secteur pharmaceutique concerné à un volume significatif et non à un volume marginal, comme le soutient l’intervenante. Enfin, les contingences propres au secteur pharmaceutique n’ont pas été négligées par la chambre de recours. Cette dernière a simplement analysé les seuls actes d’usage dont se prévaut la requérante au regard des critères permettant ou non de les considérer comme étant de nature à préserver les droits conférés pas la marque contestée, alors que la requérante n’a pas été en mesure de se prévaloir d’autres actes que ceux afférents à la procédure d’essai clinique en question.

40      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que, en l’espèce, en retenant que la requérante n’avait pas démontré l’usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans la mise en œuvre de la première condition visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, de sorte que le premier moyen n’est pas fondé.

  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne la démonstration d’un juste motif pour le non-usage de la marque contestée

41      La requérante invoque une erreur de la chambre de recours dans l’appréciation d’un juste motif pour le non-usage de la marque contestée, en se référant à la notion de circonstances indépendantes de la volonté du titulaire d’une marque telles qu’elles résultent de l’article 19, paragraphe 1, seconde phrase, de l’accord ADPIC, qui visent l’interdiction par l’État de la vente de produits pour des raisons liées à la santé publique.

42      Elle ne conteste pas que, au cours de la période pertinente pour l’évaluation de l’usage de la marque contestée, elle n’a pas déposé d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament désigné par la marque contestée et destiné au traitement de la sclérose en plaques, mais elle fait valoir qu’elle a néanmoins déposé une demande d’autorisation pour procéder à un essai clinique d’un tel médicament. Or, à compter du dépôt d’une telle demande, il existerait un juste motif pour le non-usage, dès lors que l’essai clinique est conduit sérieusement après son autorisation.

43      La requérante estime avoir démontré qu’elle avait mené avec sérieux un essai clinique. Elle aurait déposé le 24 octobre 2010 une demande d’essai clinique auprès des autorités compétentes allemandes, qui ont délivré leur autorisation le 24 mars 2011. Des volontaires auraient été recrutés pour participer à cet essai, qui devait commencer en septembre/octobre 2011. Compte tenu de la spécificité des critères de sélection des candidats à l’essai, le recrutement de ces derniers aurait été plus long qu’initialement prévu. Par conséquent, il n’était pas envisageable que l’étude fût terminée avant la moitié de l’année 2013. Par ailleurs, d’importantes sommes d’argent auraient été investies dans le projet. Dans ces conditions, la requérante estime que le fait qu’il n’y ait pas encore eu de mise sur le marché ne pourrait être imputé à son manque de diligence.

44      La chambre de recours aurait également considéré à tort que l’étape déterminante n’était pas l’essai clinique, qui n’exigerait pas formellement la protection d’une marque, mais la mise sur le marché. La requérante fait valoir à ce titre que l’usage d’une marque est utile dès les essais cliniques, afin de dénommer un médicament de manière identique et constante jusqu’à sa mise sur le marché, en particulier à l’égard du personnel médical et des participants aux essais. Au point 2.11.2 de ses directives relatives à l’examen devant l’Office, intitulé « L’intervention des pouvoirs publics ou de la justice », l’EUIPO mentionne d’ailleurs qu’il existerait un juste motif pour le non-usage d’une marque de l’Union européenne en cas d’essais cliniques de nouveaux médicaments. En outre, la division d’annulation de l’EUIPO aurait rendu le 22 février 2016 une décision dans une autre affaire concernant la requérante où elle aurait admis que la conduite d’un essai clinique pouvait justifier un tel non-usage.

45      L’EUIPO fait valoir en réponse que, afin que les conditions tenant à l’existence de justes motifs pour le non-usage soient remplies, il y a lieu d’évaluer s’ils constituent un obstacle indépendant de la volonté du titulaire de la marque ou s’ils relèvent de la force majeure. Compte tenu de leur caractère exceptionnel, de justes motifs ne pourraient être fondés sur de simples actes préparatoires pour obtenir une autorisation officielle, fussent-ils liés au démarrage et à la réalisation d’un essai clinique. La chambre de recours aurait justement retenu que la réalisation d’un essai clinique, y compris sa durée, relevait uniquement de la responsabilité de l’entreprise pharmaceutique.

46      Selon l’EUIPO, les conditions juridiques permettant de démontrer l’existence de justes motifs pour le non-usage ne seraient pas établies en l’espèce. Les explications de la requérante sur le montant des investissements qu’elle a réalisés ne seraient pas davantage pertinentes et, à supposer que l’essai clinique invoqué par la requérante soit sur le point d’aboutir, de sorte qu’elle pourrait enfin déposer une demande de mise sur le marché, cela nécessiterait au final un doublement du délai de grâce de cinq ans.

47      La requérante aurait également échoué à démontrer qu’il est typique et habituel d’utiliser une marque dès le stade de l’essai clinique, ce dernier comportant des exigences différentes de la demande de mise sur le marché. En effet, ainsi que le fait valoir l’intervenante, les médicaments seraient plutôt désignés à ce stade par leur substance active.

48      En ce qui concerne la portée des directives relatives à l’examen devant l’Office, outre qu’il ne s’agit pas d’actes juridiques contraignants, il y aurait lieu de tenir compte du fait que ces directives mentionnent uniquement que des essais cliniques et l’autorisation de nouveaux médicaments constituent des motifs certes typiques, mais non obligatoires, pour le non-usage. Quant à la pratique antérieure des chambres de recours de l’EUIPO, elle ne pourrait conduire à la remise en cause de la légalité de la décision attaquée, puisque la décision à adopter au sujet de l’existence de justes motifs pour le non-usage relèverait d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire.

49      L’intervenante conclut également à l’absence de justes motifs pour le non-usage de la marque contestée, ces derniers devant être interprétés à la lumière de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1). Dans la mesure où les justes motifs relèveraient d’une disposition exceptionnelle, ils devraient être interprétés strictement et l’on ne pourrait se fonder uniquement sur la réalisation d’un essai clinique, car cela permettrait au titulaire d’une marque, à la suite de l’échec d’un premier essai, d’en commencer un autre avec une nouvelle indication thérapeutique, sans savoir si une demande d’autorisation de mise sur le marché serait effectivement déposée.

50      Contrairement à ce que soutient la requérante, l’intervenante expose qu’il serait préférable de ne pas utiliser la future marque d’un médicament pendant des essais cliniques, afin de ne pas associer cette marque à un éventuel échec des essais. Conformément à la jurisprudence, seule une demande d’autorisation devrait être retenue en tant que juste motif pour le non-usage, ce qui serait conforme aux dispositions de l’article 19 de l’accord ADPIC, en vertu desquelles seules des circonstances indépendantes de la volonté du titulaire de la marque pourraient constituer un tel motif, ce qui exclurait le lancement et la réalisation d’essais cliniques qui relèveraient fondamentalement de la volonté du titulaire de la marque. Cette conclusion devrait également être tirée des directives relatives à l’examen devant l’Office, qui n’ont au demeurant aucun caractère contraignant et ne comportent que des instructions générales qui doivent être adaptées aux spécificités d’un cas particulier.

51      Par ailleurs, la première directive 89/104 ne viserait pas les essais cliniques préparatoires en vue de l’autorisation d’un médicament, mais l’examen clinique de marchandises pour des motifs liés à la protection de la santé et à la sécurité nationale.

52      En vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, de justes motifs peuvent s’opposer à la déchéance d’une marque de l’Union européenne pour non-usage.

53      L’article 19, paragraphe 1, de l’accord ADPIC, intitulé « Obligation d’usage », traite notamment des raisons pouvant justifier le non-usage d’une marque. La définition de cette notion, telle qu’elle figure dans cet article, peut constituer un élément d’interprétation de la notion de justes motifs telle qu’elle est utilisée en droit de l’Union. À ce titre, sont considérées comme des raisons valables justifiant le non-usage des circonstances indépendantes de la volonté du titulaire d’une marque et qui constituent un obstacle à l’usage de celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 14 juin 2007, Häupl, C‑246/05, EU:C:2007:340, points 48 et 49). L’article 19, paragraphe 1, de l’accord ADPIC cite comme exemples les restrictions à l’importation ou les autres prescriptions des pouvoirs publics qui visent les produits ou les services désignés par une marque.

54      Seuls des obstacles qui présentent une relation suffisamment directe avec une marque rendant impossible ou déraisonnable l’usage de celle-ci et qui sont indépendants de la volonté de son titulaire peuvent être qualifiés de justes motifs pour le non-usage de cette marque (voir, par analogie, arrêt du 14 juin 2007, Häupl, C‑246/05, EU:C:2007:340, point 54).

55      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la marque contestée a fait l’objet d’un dépôt dès le mois de septembre 2003 et qu’elle a été enregistrée le 24 avril 2007.

56      À la date de la demande en déchéance, le 18 novembre 2013, l’essai clinique dont la requérante se prévaut comme juste motif pour le non-usage de la marque contestée n’était pas achevé. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de déterminer une date précise d’achèvement dudit essai. Or, il y a lieu de rappeler que la requérante présente l’essai clinique en question comme un préalable au dépôt d’une demande d’autorisation de mise sur le marché en vertu de la législation nationale, de sorte qu’il ne s’agit que d’une étape sur la voie de la commercialisation d’un médicament destiné au traitement de la sclérose en plaques, à une échéance totalement incertaine.

57      Il est établi entre les parties que la désignation par une marque de l’Union européenne d’un médicament qui est encore en phase d’élaboration et est soumis à un essai clinique n’est pas une obligation légale, mais un choix du titulaire de la marque. À ce titre, la requérante expose qu’elle souhaitait désigner le médicament en question d’une manière constante et uniforme jusqu’à sa commercialisation, afin de se conformer à ce qu’elle estime être une pratique courante dans le secteur pharmaceutique, cette pratique étant au demeurant contestée par l’intervenante, qui fait valoir quant à elle que d’autres modalités de désignation d’un médicament en phase d’essai sont possibles, voire usuelles, notamment la désignation d’un médicament par le nom de sa substance active.

58      Il apparaît donc que la requérante a fait le choix de protéger très tôt une marque de l’Union européenne, alors qu’il existait une forte incertitude tant sur la date que sur la possibilité de commercialisation du produit pharmaceutique désigné par cette marque dans la mesure où ledit produit était en phase d’essai clinique. Cela est confirmé par les difficultés dont la requérante fait elle-même état en ce qui concerne le recrutement de participants à l’essai en cause au regard des critères stricts de leur sélection. En sa qualité de professionnel du secteur concerné, la requérante ne pouvait ignorer totalement ces difficultés inhérentes au développement d’un nouveau produit pharmaceutique.

59      La requérante fait valoir que l’investissement financier auquel elle a consenti est important et démontrerait le sérieux avec lequel elle a mené l’essai clinique en question. Or, s’il est établi que la durée d’un essai clinique dépend largement des moyens financiers engagés, ainsi que le relève la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée, les difficultés alléguées au cours de l’essai en question, notamment celles liées au recrutement de volontaires, renvoient à un investissement insuffisant au regard des spécificités du secteur concerné. Il s’agit ainsi d’un obstacle qui pourrait être surmonté dans des délais plus ou moins brefs selon le niveau d’investissement consenti par la requérante.

60      En outre, il y a lieu de relever que l’enregistrement de la marque contestée est intervenu dès le 24 avril 2007 et que la demande d’essai clinique relative à un médicament destiné au traitement de la sclérose en plaques n’a été déposée auprès des autorités compétentes allemandes que le 24 octobre 2010, soit après plus de trois années.

61      Ces éléments permettent de constater que, comme le relève à juste titre l’EUIPO, si la réalisation d’un essai clinique peut effectivement constituer un motif pour le non-usage d’une marque, ainsi que cela est mentionné dans les directives relatives à l’examen devant l’Office, les actes et les événements cités par la requérante en l’espèce se situaient dans son champ d’influence et relevaient du domaine de sa responsabilité, de sorte qu’ils ne concernaient pas des obstacles indépendants de sa volonté.

62      Les autres arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation. En particulier, il y a lieu de relever que la phase de l’essai clinique se différencie de celle de la demande d’autorisation de mise sur le marché. En effet, dès lors que tous les éléments requis par une demande d’autorisation de mise sur le marché ont été fournis à l’autorité compétente, c’est cette autorité qui instruit la demande, de sorte que, pendant la phase d’instruction correspondante, le rôle d’un titulaire de marque se trouve limité et la procédure, lancée avec la diligence nécessaire, se situe en dehors de son champ d’influence, ce qui n’est pas le cas pour un essai clinique dont il y a lieu d’apprécier, au vu des circonstances propres à chaque cas d’espèce, dans quelle mesure il peut constituer un juste motif de non-usage. Par ailleurs, il y a également lieu de rappeler, s’agissant de la décision rendue le 22 février 2016 par la division d’annulation de l’EUIPO dans une autre affaire concernant la requérante, que, en vertu d’une jurisprudence constante, les décisions rendues par l’EUIPO en vertu du règlement n° 207/2009 à l’égard d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [voir, par analogie, arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 71].

63      Dans ces conditions, il apparaît que la chambre de recours a estimé à bon droit que les actes et les événements invoqués par la requérante se situaient dans son champ de compétence et ne concernaient pas des obstacles indépendants de sa volonté, de sorte qu’ils ne constituaient pas de justes motifs pour le non-usage de la marque contestée. Il y a donc lieu de déclarer le deuxième moyen non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 83 du règlement n° 207/2009 et, plus particulièrement, du principe de protection de la confiance légitime

64      La requérante invoque une violation de l’article 83 du règlement n° 207/2009 et, plus particulièrement, du principe de protection de la confiance légitime, dans la mesure où elle pouvait légitimement s’attendre à ce que, en l’espèce, l’EUIPO agisse conformément à ses propres directives applicables en matière de procédures d’annulation, qui mentionnent que « les essais cliniques et l’autorisation de mise sur le marché de nouveaux médicaments » font partie des « exemples typiques » de justes motifs pour le non-usage.

65      L’EUIPO rétorque que, premièrement, les directives relatives à l’examen devant l’Office ne garantissent pas que des essais cliniques constituent dans tous les cas un juste motif pour le non-usage, deuxièmement, la requérante a omis d’exposer qu’elle n’avait pas utilisé la marque contestée en raison d’une assurance découlant desdites directives et, troisièmement, la prétendue confiance dans le fait qu’elle pouvait ne pas faire usage de la marque contestée n’est concevable que si la requérante avait la possibilité d’agir, alors que, dans le cadre du deuxième moyen, elle soutient qu’elle n’avait d’autre choix que de ne pas faire usage de ladite marque, puisqu’elle n’avait pas encore obtenu d’autorisation de mise sur le marché pour les produits en cause.

66      L’intervenante fait valoir quant à elle que les conditions de mise en œuvre du principe de protection de la confiance légitime ne sont pas réunies en l’espèce.Les directives relatives à l’examen devant l’Office ne constitueraient pas un texte législatif et n’offriraient aucune garantie d’appréciation.

67      Selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration [voir arrêt du 17 février 2017, Unilever/EUIPO – Technopharma (Fair & Lovely), T‑811/14, non publié, EU:T:2017:98, point 39 et jurisprudence citée].

68      Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (arrêts du 12 octobre 2016, Land Hessen/Pollmeier Massivholz, C‑242/15 P, non publié, EU:C:2016:765, point 63, et du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, EU:T:2003:78, point 26).

69      En l’espèce, afin de démontrer que les directives relatives à l’examen devant l’Office avaient fait naître chez elle des espérances fondées tenant au fait que des essais cliniques de nouveaux médicaments constituaient de justes motifs pour le non-usage de la marque contestée, il appartenait à la requérante de rapporter la preuve qu’elle avait reçu de la part de l’EUIPO des assurances précises en ce sens. Or, les directives relatives à l’examen devant l’Office revêtent un caractère général et se bornent à mentionner que des essais cliniques, de même qu’une demande d’autorisation de mise sur le marché, ne constituent que des « exemples typiques » de justes motifs pour le non-usage.

70      Cela signifie tout au plus que, dans certaines circonstances, des essais cliniques sont susceptibles de constituer un juste motif pour le non-usage d’une marque de l’Union européenne. Toutefois, la requérante ne démontre pas que, en l’espèce, elle avait reçu de la part de l’EUIPO des renseignements précis, inconditionnels et concordants tenant au fait que les essais cliniques qu’elle menait constituaient un juste motif pour le non-usage de la marque contestée. Il y a donc lieu de déclarer le troisième moyen non fondé.

71      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, les trois moyens soulevés par la requérante ayant été écartés, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

73      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Viridis Pharmaceutical Ltd est condamnée aux dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.