Language of document : ECLI:EU:T:2024:438

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

3 juillet 2024 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un tube pour le déversement des eaux ou une goulotte – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Divulgation du dessin ou modèle antérieur – Preuve de la divulgation »

Dans l’affaire T‑329/22,

Canalones Castilla, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me F. Serrano Irurzun, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Canalones Novokanal, SL, établie à Madrid,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, MM. U. Öberg et P. Zilgalvis (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Canalones Castilla, SL, demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 5 avril 2022 (affaire R 1122/2021-3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 24 juillet 2020, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, Canalones Novokanal, SL (ci-après la « demanderesse en nullité »), a présenté à l’EUIPO une demande en nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré, à la suite d’une demande déposée le 27 juin 2005, qui est représenté dans la vue suivante :

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3        Les produits pour lesquels le dessin ou modèle, dont la nullité est demandée, est destiné à être appliqué, relevaient de la classe 23-01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondaient à la description suivante : « Tubes pour le déversement des eaux ; goulottes ».

4        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1) lu conjointement avec l’article 3, sous a) de ce règlement et à l’article 25, paragraphe 1, sous b) dudit règlement, lu conjointement avec les articles 4, 5 et 6 du même règlement.

5        La demande en nullité était fondée sur la non-satisfaction des conditions liées à la définition d’un dessin ou modèle communautaire et à son absence de nouveauté et de caractère individuel par rapport au modèle ou dessin antérieur invoqué.

6        À l’appui de sa demande en nullité, la demanderesse en nullité, a produit, entre autres, les documents suivants :

–        un rapport d’expertise émis le 21 juillet 2020, lequel examine l’existence du caractère individuel du dessin ou modèle contesté par rapport à plusieurs modèles similaires joints en annexe audit rapport ;

–        trois catalogues de prix datés du mois d’avril 2004, émis par Canalón S.A., dans lesquels figure le dessin ou modèle antérieur reproduit ci-dessous :

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7        Le 29 avril 2021, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté pour absence de caractère individuel sur la base du dessin ou modèle antérieur, au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

8        Le 27 juin 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En substance, elle a considéré que la divulgation du modèle ou dessin antérieur avait été dûment prouvée au sens de l’article 7 du règlement no 6/2002. Ensuite, elle a estimé que, bien que les différences entre les dessins ou modèles comparés satisfaisaient à la condition afférente à la nouveauté, le dessin ou modèle contesté ne satisfaisait pas à la condition afférente au caractère individuel au sens de l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. À cet égard, la chambre de recours a apprécié, en particulier, que le degré de liberté du créateur du dessin ou modèle contesté était large et que l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause sur un utilisateur averti était la même parce que ceux-ci étaient très similaires.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        décider que chaque partie supporte ses propres dépens ou que ceux-ci soient pris en charge par le Tribunal au titre de l’aide juridictionnelle.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par lui en cas de convocation à une audience.

 En droit

12      La requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, en ce que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation des éléments de preuve visant à établir la divulgation du dessin ou modèle antérieur, le deuxième, de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, lu conjointement avec son article 6, en ce que la chambre de recours aurait conclu, à tort, à l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté et, le troisième, à titre subsidiaire, de la violation de l’article 7, paragraphe 3, de ce même règlement, en ce que la prétendue divulgation serait frauduleuse du fait qu’elle résulterait d’une conduite abusive au regard des droits d’auteur de la requérante sur le dessin ou modèle contesté.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7 du règlement no 6/2002, relatif aux conditions établissant la divulgation du dessin ou modèle antérieur

13      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la divulgation du dessin ou modèle antérieur avait été prouvée avant le 27 juin 2005, date du dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté.

14      Par le premier grief, elle allègue que les documents pris en compte par ladite chambre à cette fin, à savoir trois catalogues de prix datés du mois d’avril 2004, ne fournissent aucune information précise et complète sur la date de la prétendue divulgation. Selon elle, ces documents démontreraient, tout au plus, la date de leur conception mais non pas la date de leur mise à disposition effective du public, étant donné qu’ils ne sont pas corroborés par d’autres éléments de preuve, tels que, par exemple, un échange de courriels datés entre Canalón S.A. et la demanderesse en nullité contenant lesdits catalogues ou un certificat d’exposition dans une foire.

15      Par le second grief, la requérante allègue que, dans la mesure où il existerait un doute raisonnable quant à la valeur probante de ces documents, ce doute doit profiter au titulaire du dessin ou modèle contesté, puisque l’enregistrement jouit d’une présomption de validité à la lumière des articles 17 et 85 du règlement no 6/2002.

16      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

17      Il convient de rappeler que, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, aux fins de l’application de l’article 6 dudit règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union européenne. Toutefois, le dessin ou modèle n’est pas réputé avoir été divulgué au public s’il a seulement été divulgué à un tiers sous des conditions explicites ou implicites de secret.

18      Selon la jurisprudence, un dessin ou modèle est donc réputé avoir été divulgué une fois que la partie qui fait valoir la divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation. Pour réfuter cette présomption, il incombe, en revanche, à la partie qui conteste la divulgation de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires [arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 26].

19      Le règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), ne contient aucune précision s’agissant des preuves qui doivent être fournies en matière de divulgation du dessin ou modèle antérieur par le demandeur en nullité. Plus particulièrement, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002 se borne à prévoir que, lorsque la demande en nullité est fondée, notamment, sur l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée, elle doit comporter l’indication et la reproduction du dessin ou modèle antérieur susceptible de faire obstacle au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée ainsi que des documents prouvant la précédente divulgation du dessin ou modèle antérieur. Il s’ensuit que le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO pour appuyer sa demande en nullité [voir arrêt du 8 juillet 2020, Glimarpol/EUIPO – Metar (Outil pneumatique), T‑748/18, non publié, EU:T:2020:321, point 21 et jurisprudence citée].

20      Aux fins d’établir la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il convient de procéder à une analyse en deux étapes, consistant à examiner, en premier lieu, si les éléments présentés dans la demande en nullité démontrent, d’une part, des faits constitutifs d’une divulgation d’un dessin ou modèle et, d’autre part, le caractère antérieur de cette divulgation par rapport à la date de dépôt ou de priorité du dessin ou modèle contesté et, en second lieu, dans l’hypothèse où le titulaire du dessin ou modèle contesté aurait allégué le contraire, si lesdits faits pouvaient, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union, faute de quoi une divulgation sera considérée comme sans effets et ne sera pas prise en compte [arrêt du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 24].

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve inclus dans la demande en nullité étaient aptes à établir, d’une part, des faits constitutifs d’une divulgation d’un dessin ou modèle et, d’autre part, le caractère antérieur de cette divulgation.

22      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la date à prendre en considération pour apprécier l’antériorité de la divulgation est celle du dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté, à savoir le 27 juin 2005, tel qu’il a été indiqué au point 13 ci-dessus.

23      En l’espèce, au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les catalogues de prix datés du mois d’avril 2004, qui ont été produits au soutien de la demande de nullité, démontraient que le dessin ou modèle antérieur revendiqué par la demanderesse en nullité, devait être considéré comme ayant été divulgué dans la vie des affaires avant le 27 juin 2005.

24      S’agissant du premier grief, par lequel la requérante remet en cause la valeur probante des catalogues de prix inclus dans les annexes 2, 3 et 4 du rapport d’expertise joint à la demande en nullité. Il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, si lesdites preuves démontrent des faits constitutifs d’une divulgation d’un dessin ou modèle, au sens de la jurisprudence rappelée au point 20 ci-dessus.

25      Il convient de rappeler que l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002 exige que, lorsque la demande en nullité est fondée, notamment, sur l’absence de nouveauté ou de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré, elle doit comporter l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré ainsi que des documents prouvant l’existence de ces dessins ou modèles antérieurs.

26      À cet égard, il importe de constater que les preuves examinées dans la décision attaquée concernent trois catalogues de prix différents édités par un tiers, à savoir la société Canalón S.A., laquelle, n’a aucun lien avec les parties au présent litige. Ces catalogues de prix présentent différents dessins et modèles de tubes pour le déversement des eaux avec l’indication de leurs mesures et de leurs prix respectifs, selon le matériel de fabrication choisi et la quantité commandée. Il s’agit de documents à caractère informatif ayant pour but de permettre aux clients et aux distributeurs de connaître les prix des produits. En outre, lesdits catalogues de prix comportent tous l’image du dessin ou modèle antérieur reproduit au point 6 ci-dessus, satisfaisant ainsi l’exigence prévue par l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002, rappelée au point 25 ci-dessus.

27      Dans un second temps, il y a lieu de vérifier si ces éléments de preuve ont été divulgués avant la date du dépôt du dessin ou modèle contesté conformément à la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus.

28      À cet égard, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut pas être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché. En outre, les éléments de preuve fournis par le demandeur en nullité doivent être appréciés les uns par rapport aux autres. En effet, si certains de ces éléments peuvent être insuffisants, à eux seuls, pour démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’ils sont associés ou lus conjointement avec d’autres documents ou informations, ils peuvent contribuer à former la preuve de la divulgation. Enfin, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, ainsi que se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 17 mai 2018, Basil/EUIPO – Artex (Paniers spéciaux pour cycles), T‑760/16, EU:T:2018:277, point 42 et jurisprudence citée].

29      En l’espèce, les catalogues de prix produits contiennent des informations pertinentes, telles que l’image du dessin ou modèle antérieur et la mention « avril 2004 » dans leur page de couverture, ce qui établit leur antériorité par rapport à la date du 27 juin 2005. Ces documents sont, en principe et à défaut de preuve contraire, réputés fiables, étant donné qu’ils ont été établis dans le cadre d’opérations commerciales courantes pour communiquer les prix de produits aux clients ou aux distributeurs et qu’ils proviennent d’un tiers non impliqué dans la présente procédure, à savoir la société Canalón S.A.

30      Par ailleurs, il ressort du dossier que ces catalogues de prix provenant d’une entreprise tierce ont été divulgués sur le marché dès lors que la demanderesse en nullité est rentrée en possession de ceux-ci. À cet égard, il importe de relever, ainsi que l’a fait valoir l’EUIPO, que les catalogues de prix sont généralement édités, soit annuellement, soit à l’issue d’un changement tarifaire et ont vocation à être distribués aux partenaires, dans les meilleurs délais, aux clients ou aux distributeurs pour communiquer les prix des produits au cours de l’année en question.

31      Ces constatations n’ont pas été contestées au demeurant par la requérante tout comme l’authenticité des catalogues ou le fait qu’ils contenaient des informations liées aux prix et à la disponibilité des produits y contenus. En revanche, en ce qui concerne les arguments de la requérante visant à remettre en cause l’antériorité de leur divulgation, il suffit de constater, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 22 de la décision attaquée, qu’il suffit que la divulgation ait eu lieu à un moment qui puisse être identifié avec une certitude raisonnable comme étant antérieur à la date de dépôt ou de la date de priorité du dessin ou modèle communautaire contesté, même si la date exacte de divulgation n’est pas connue [voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2011, Sphere Time/OHMI – Punch (Montre attachée à une lanière), T‑68/10, EU:T:2011:269, points 31 et 32].

32      À cet égard, il convient de constater que, compte tenu de l’objet des catalogues de prix, du caractère « périssable » des informations qu’ils contiennent et étant donné que plus d’un an s’était écoulé entre la délivrance de ces documents et la date du dépôt du dessin ou modèle contesté, il y a lieu de considérer que le dessin ou modèle en cause a été divulgué auprès des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union, avant la date du dépôt du dessin ou modèle contesté.

33      Afin de réfuter ce constat et conformément à la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus, il incombait donc à la requérante de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires.

34      Or, la requérante ne conteste ni la validité des catalogues de prix en cause, ni leur divulgation en tant que telles. Elle n’a fourni aucun élément de preuve visant à démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que les dessins ou modèles y contenus soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires avant la date du dépôt du dessin ou modèle contesté.

35      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les trois documents pris ensemble suffisent pour démontrer que leur divulgation s’est produite préalablement au dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté et ne nécessitent pas d’être corroborés par d’autres éléments de preuve.

36      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré la divulgation du dessin ou modèle antérieur comme étant établie.

37      Il y a donc lieu d’écarter le premier grief du premier moyen comme étant non fondé.

38      S’agissant du second grief, selon lequel l’enregistrement jouirait d’une présomption de validité à la lumière des articles 17 et 85 du règlement no 6/2002, eu égard au doute raisonnable quant à la valeur probante des documents sur lesquels se fonde la divulgation, il suffit, à l’instar de l’EUIPO, de constater qu’il n’existe aucune présomption de validité d’un dessin ou modèle communautaire enregistré dans le cadre des procédures de nullité, mais dans le cadre des procédures en contrefaçon visées à l’article 85 du règlement no 6/2002.

39      De même, contrairement à ce que la requérante a fait valoir, d’une part, il résulte des considérations qui précèdent, qu’aucun doute n’existe en ce qui concerne la valeur probante des preuves examinées. D’autre part, l’article 17 du règlement no 6/2002 prévoit une présomption de propriété et non pas une présomption de validité d’un dessin ou modèle.

40      Au demeurant, dans la mesure où il a été démontré aux points 29 à 34 ci-dessus, que les documents visant à établir la divulgation ont une force probante suffisante, ce grief doit être écarté comme non fondé.

41      En conséquence, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b, du règlement no° 6/2002, lu conjointement avec l’article 6 de ce règlement, relatif à l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté

42      Par le deuxième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours l’appréciation incorrecte du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Ce moyen comporte deux griefs, relatifs, le premier, au degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle et, le second, à la comparaison des dessins ou modèles en conflit, eu égard à la fonction technique des caractéristiques qui sont similaires au sein des dessins ou modèles en cause.

43      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

44      En vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que dans les cas énumérés à cette disposition, notamment s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du même règlement.

45      Conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

46      À cet égard, il convient de rappeler que plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti [voir arrêt du 10 septembre 2015, H&M Hennes & Mauritz/OHMI – Yves Saint Laurent (Sacs à main), T‑525/13, EU:T:2015:617, point 29 et jurisprudence citée].

47      Selon la jurisprudence, l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention aux similitudes et aux différences dans la comparaison des dessins ou modèles, troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, dont l’influence sur le caractère individuel est en proportion inverse, et, quatrièmement, en tenant compte de celui-ci, le résultat de la comparaison, directe si possible, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public, pris individuellement [voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 21 et jurisprudence citée ; du 10 septembre 2015, Sacs à main, T‑525/13, EU:T:2015:617, point 32, et du 21 juin 2018, Haverkamp IP/EUIPO – Sissel (Tapis de sol), T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 22].

48      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le dessin ou modèle contesté produisait sur les utilisateurs avertis une impression globale identique au dessin ou modèle antérieur dès lors que lesdits modèles ou dessins sont très similaires. Elle a estimé qu’ils représentent tous deux le même profil d’une forme géométrique simulant une corniche avec un pli vers l’intérieur et que les différences entre les deux dessins ou modèles ne sauraient être considérées comme suffisantes pour que le dessin ou modèle contesté produise sur l’utilisateur averti une impression globale différente, et ce, d’autant plus que le créateur disposait d’une grande liberté de création.

49      En conséquence, bien que les différences constatées entre ceux-ci ont été considérées par la chambre de recours comme étant aptes à satisfaire à la condition afférente à la nouveauté conformément à l’article 5 du règlement no 6/2002, elles n’ont pas suffi pour satisfaire au test relatif à l’existence du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

 Sur l’utilisateur averti

50      Selon la jurisprudence relative à la notion d’« utilisateur averti », d’une part, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée, qu’il s’agisse d’un utilisateur final ou d’un acheteur professionnel, utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. D’autre part, le qualificatif « averti » suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique, cet utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement, et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise. Toutefois, cette circonstance n’implique pas que l’utilisateur averti soit en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit concerné, les aspects de l’apparence du produit qui sont dictés par la fonction technique de ce dernier de ceux qui sont arbitraires [voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59 ; du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, points 46 à 48, et du 21 juin 2018, Tapis de sol, T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 37].

51      La notion d’« utilisateur averti » doit donc être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de « consommateur moyen » applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, en raison de sa mémoire imparfaite, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’« homme de l’art », expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré [arrêts du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53 ; du 21 juin 2018, Tapis de sol, T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 36, et du 29 novembre 2018, Sata/EUIPO – Zhejiang Auarita Pneumatic Tools (Pistolet à peinture), T‑651/17, non publié, EU:T:2018:855, point 20].

52      S’agissant du niveau d’attention de l’utilisateur averti, s’il n’est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’est pas non plus l’expert ou l’homme de l’art, capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59).

53      En l’espèce, le dessin ou modèle contesté est destiné aux tubes pour le déversement des eaux et aux goulottes. La chambre de recours a défini l’utilisateur averti des dessins ou modèles en conflit comme étant une personne qui connaît les caractéristiques de ces produits et les secteurs auxquels ils appartiennent. Cette définition, au demeurant non contestée par la requérante, est exempte d’erreur.

 Sur le degré de liberté du créateur

54      La requérante prétend que la liberté du créateur serait très limitée sauf en ce qui concerne la forme du côté droit de la goulotte, laquelle n’est pas dictée exclusivement par sa fonction technique et permet la conception d’une apparence purement esthétique. Elle estime que c’est sur la base dudit côté droit des dessins et modèles en conflit que la comparaison aurait dû porter, ce qui aurait conduit à la constatation de l’existence du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. À cet égard, elle fait valoir que les différences présentes sur le côté droit ou partie frontale du dessin sont suffisamment marquées pour permettre de considérer que l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par les dessins ou modèles en conflit est différente.

55      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

56      Tel qu’il ressort du dossier, la liberté du créateur par rapport aux dessins ou modèles concernant des goulottes, comme celles en cause en l’espèce, n’est pas limitée par leur fonction technique, contrairement à ce que soutient la requérante. En effet, ainsi que l’expertise présentée par la demanderesse en nullité le démontre, il existe un grand éventail de dessins et modèles présentant des formes géométriques variées ouvertes dans leur partie supérieure pour la collecte de l’eau provenant de la toiture collectée par la goulotte. Comme relevé par l’EUIPO, la géométrie peut présenter des formes polygonales ou curvilignes, symétriques ou asymétriques, avec des extérieurs lisses ou rainurés ou cannelés et même avec différents détails. Partant, il n’a pas été démontré que la forme des goulottes en cause ressemblant à une corniche répondrait à une fonction technique. Il s’ensuit que, en l’espèce, dès lors qu’il s’agit d’une forme géométrique ouverte dans sa partie supérieure, la liberté du créateur n’est pas uniquement limitée au côté droit du dessin ou modèle contesté, mais elle s’étend à la conception de celui-ci dans son ensemble.

 Sur la comparaison des impressions globales

57      La requérante fait valoir que le dessin ou modèle antérieur ne produisait pas la même impression globale que le dessin ou modèle contesté sur l’utilisateur averti. Elle soutient que leurs caractéristiques similaires sont imposées par leur fonction technique, à savoir, celle de recevoir des eaux de pluie et de les canaliser de manière ordonnée vers un autre lieu où elles sont rejetées. Elle ajoute que ces similitudes ne peuvent, dès lors, pas être prises en compte lors de l’analyse du caractère individuel des dessins ou modèles en conflit en raison de leur caractère technique.

58      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

59      Selon une jurisprudence constante, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 16 février 2017, Antrax It/EUIPO – Vasco Group (Thermosiphons pour radiateurs), T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, point 53 et jurisprudence citée].

60      Le Tribunal constate, à l’instar de la chambre de recours, que la forme linéaire globale relativement simple, la configuration et l’aspect général de la forme géométrique simulant une corniche avec un pli vers l’intérieur des dessins ou modèles en cause sont très similaires. En revanche, des différences sont constatées au niveau du pli vers l’intérieur de la goulotte dans sa partie avant, de l’inclinaison des sections, des angles de l’arrondi ou de la taille de la base. Toutefois, les différences entre les dessins ou modèles en cause ne provoquent pas une impression globale différente dans la mesure où elles n’ont qu’un impact restreint sur l’utilisateur averti. Le fait que le dessin ou modèle antérieur ne montre que l’image du profil d’une forme géométrique simulant une corniche avec un pli vers l’intérieur de la goulotte ne suffit pas pour que le dessin ou modèle contesté produise une impression globale différente du dessin ou modèle antérieur. Dès lors, ces différences ne sauraient écarter l’impression de « déjà vu » qui se dégage des dessins ou modèles en conflit, eu égard à leurs éléments communs, qui font partie de leurs éléments les plus visibles et les plus importants.

61      Partant, eu égard au degré de liberté élevé du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle contesté et en l’absence de différences significatives par rapport au dessin ou modèle antérieur, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, les dessins ou modèles en conflit produisent une impression globale identique et, en conséquence, le dessin ou modèle contesté ne satisfait pas à la condition afférente au caractère individuel.

62      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, concernant le caractère abusif de la divulgation à légard des droits d’auteur antérieurs du créateur sur dessin ou modèle contesté

63      La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que, dans l’hypothèse où la divulgation du modèle ou dessin antérieur ait été considérée comme établie en avril 2004 et comme faisant obstacle au caractère individuel du dessin ou modèle contesté, ladite divulgation serait frauduleuse puisqu’elle porterait atteinte aux droits d’auteur du créateur du dessin ou modèle contesté et gérant de la requérante.

64      Aux fins de prouver l’existence desdits droits d’auteur antérieurs, la requérante a joint, en tant qu’annexe 5 à la requête, le contrat de cession des droits d’auteur sur le dessin ou modèle contesté daté du 1er février 2004 qu’elle avait souscrit avec son gérant.

65      Elle fait valoir à cet égard que la protection conférée par le dessin ou modèle communautaire est parfaitement cumulable et compatible avec celle conférée par les droits d’auteur au niveau national conformément à l’article 96, paragraphe 2 du règlement no 6/2002 et à la législation espagnole pertinente.

66      Par ailleurs, la requérante a joint, en tant qu’annexe 6 à la requête, un certificat daté du 17 mai 2022 délivré par le registre territorial de la propriété intellectuelle espagnol attestant de la reconnaissance du dessin ou modèle contesté comme une œuvre.

67      L’EUIPO excipe l’irrecevabilité du troisième moyen, en ce compris les annexes A.5 et A.6 de la requête, produites à son soutien. Il allègue que la requérante soulève des arguments et des preuves pour la première fois devant le Tribunal, ce qui serait contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal. À cet égard, l’EUIPO reconnaît que, si certes, la requérante avait fait valoir que le dessin ou modèle contesté aurait été créé et enregistré auprès de l’Oficina Española de Patentes y Marcas (OEPM, Office espagnol des brevets et des marques, Espagne) préalablement à la prétendue divulgation du dessin ou modèle antérieur, et qu’elle avait, en outre, engagé une procédure d’infraction contre le groupe d’entreprises auquel appartient la demanderesse en nullité pour violation de ses droits sur le dessin ou modèle espagnol, toutefois, cela ne saurait être interprété comme une invocation de l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 6/2002.

68      Enfin, l’EUIPO soutient que dans les procédures de nullité, son examen se limite aux faits, preuves et arguments des parties ainsi qu’à leurs conclusions au titre de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Partant, ce serait donc à bon droit que la chambre de recours n’a pas abordé l’exception de divulgation non préjudiciable prévue audit article 7, paragraphe 3, de ce règlement dans la décision attaquée, et ce, d’autant plus qu’il ne s’agirait pas d’une question de droit nécessaire devant être examinée d’office par la chambre de recours mais d’une éventuelle défense qui doit être prouvée et invoquée par la partie intéressée.

69      Il ressort de la jurisprudence que, eu égard aux termes de l’article 61 du règlement no 6/2002, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens introduits devant lui ou de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’examen de ces nouveaux moyens et l’admission de ces preuves seraient contraires à l’article 188 du règlement de procédure, selon lequel les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Viejo Valle/OHMI – Établissements Coquet (Tasse et sous-tasse avec des stries et assiette creuse avec des stries), T‑566/11 et T‑567/11, EU:T:2013:549, point 63].

70      En l’espèce, s’il est vrai que la requérante n’avait pas invoqué devant la chambre de recours l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 en tant que telle, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort du quatrième tiret du point 13 de la décision attaquée, dans son recours devant la chambre de recours, la requérante avait invoqué l’existence d’un droit de propriété industrielle antérieur portant sur le dessin ou modèle contesté. En effet, il ressort du dossier que la requérante avait demandé l’enregistrement du dessin ou modèle contesté auprès de l’OEPM le 29 avril 2004 (page 437 du dossier devant l’EUIPO), soit quatorze mois avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté auprès de l’EUIPO. Par ailleurs, elle avait fait valoir que la demanderesse en nullité avait été condamnée par deux décisions de la juridiction espagnole compétente, rendues en première et deuxième instance, en relation avec une infraction à ses droits de propriété intellectuelle sur le dessin ou modèle contesté, tentant ainsi de démontrer que la demande en nullité en cause fondée sur la divulgation du dessin ou modèle antérieur, constitue une conduite abusive à son égard.

71      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que les arguments fournis dans le cadre du troisième moyen, ne modifient pas l’objet du litige devant la chambre de recours. Dès lors, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO et d’examiner l’argumentation de la requérante fondée sur le caractère abusif de la divulgation en cause à la lumière des éléments de preuve produits devant le Tribunal.

72      Dans un premier temps, il y a lieu d’examiner les arguments soulevés par la requérante aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 6/2002. En effet, il appartient à la partie qui l’invoque d’apporter les éléments pertinents permettant de démontrer l’existence d’un comportement abusif de la part du titulaire du dessin ou modèle divulgué.

73      À cet égard, il importe de rappeler que, en l’espèce, la titulaire du dessin ou modèle divulgué à savoir, la société Canalón S.A., est un tiers non impliqué dans la présente procédure de nullité et que la requérante n’a pas contesté la fiabilité et la véracité des catalogues de prix objet de la divulgation en cause. Il est également à noter qu’elle n’a avancé aucun argument permettant de conclure à l’existence d’un comportement commercial frauduleux, malhonnête ou abusif de ladite société, pas plus qu’elle n’a mis en évidence aucun lien éventuel entre cette société tierce et la demanderesse en nullité. Partant, le caractère abusif de la divulgation invoquée en l’espèce ne peut être présumé.

74      Cela étant, dans un second temps, il y a lieu d’examiner, les éléments de preuve produits devant le Tribunal aux fins de corroborer les allégations invoquées par le biais du présent moyen. À cette fin, la requérante a soumis au Tribunal deux éléments de preuve. D’une part, l’annexe A.5 contenait un contrat de cession des droits d’auteur sur le dessin ou modèle contesté en faveur de la société requérante, daté du 1er février 2004. Or, force est de constater que cet élément de preuve a été produit pour la première fois devant le Tribunal.

75      Il convient donc d’écarter cette pièce sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa force probante [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 24].

76      D’autre part, s’agissant de l’annexe A.6, il convient de préciser qu’elle concerne une certification expédiée le 17 mai 2022 par le registre territorial de la propriété intellectuelle de la Communauté autonome de Madrid, laquelle, bien que présentée également pour la première fois devant le Tribunal, porte cependant sur une certification délivrée par le même registre le 24 février 2006, attestant la reconnaissance du dessin ou modèle contesté comme une œuvre au sein d’une collection de dessins et modèles plus large propriété du gérant de la requérante. Dans la mesure où cette dernière certification est contenue dans le dossier de l’affaire, l’annexe A.6 ne saurait être déclarée irrecevable.

77      Néanmoins, il suffit de constater que cette certification ne suffit pas à démontrer l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 selon laquelle, la divulgation du dessin ou modèle antérieur serait frauduleuse en raison de la protection des droits d’auteur octroyée préalablement au dessin ou modèle contesté au niveau national. En effet, la certification contenue dans l’annexe A.6 apporte la preuve de l’enregistrement du dessin ou modèle contesté à une date ultérieure à celle de la prétendue divulgation du dessin ou modèle antérieur, à savoir, le 12 mai 2005.

78      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient d’écarter le troisième moyen de la requérante comme étant non fondé et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      Bien que la requérante ait succombé en l’espèce, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens que dans l’hypothèse où une audience serait tenue. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Costeira

Öberg

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.