Language of document : ECLI:EU:T:2012:13

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

18 janvier 2012(*)

« Marque communautaire — Procédure d’opposition — Demande de marque communautaire figurative BASmALI — Marque antérieure non enregistrée et signe antérieur BASMATI — Motif relatif de refus — Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) no 207/2009] »

Dans l’affaire T‑304/09,

Tilda Riceland Private Ltd, établie à Gurgaon (Inde), représentée par MM. S. Malynicz, barrister, N. Urwin et D. Sills, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Siam Grains Co. Ltd, établie à Bangkok (Thaïlande), représentée par MC. Thomas-Raquin, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 19 mars 2009 (affaire R 513/2008‑1), relative à une procédure d’opposition entre Tilda Riceland Private Ltd et Siam Grains Co. Ltd,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 14 janvier 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 décembre 2009,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 31 mars 2010,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2010,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties,

vu les observations déposées par les parties au greffe du Tribunal les 11, 13 et 14 juillet 2011,

à la suite de l’audience du 7 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 novembre 2003, l’intervenante, Siam Grains Co. Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé relève de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspond à la description suivante : « Riz à grains longs ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 37/2004, du 13 septembre 2004.

5        Le 10 décembre 2004, United Riceland Private Ltd (devenue Tilda Riceland Private Ltd, ci-après la « requérante »), a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement no 40/94 (devenu article 41 du règlement no 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour le produit visé au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque antérieure non enregistrée ou le signe antérieur BASMATI, utilisé dans la vie des affaires en relation avec le riz.

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009). La requérante faisait notamment valoir qu’elle pouvait, en vertu du droit applicable au Royaume‑Uni, empêcher l’usage de la marque demandée, au moyen de l’action en usurpation d’appellation (action for passing off).

8        Le 28 janvier 2008, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a considéré, en particulier, que la requérante n’avait pas soumis de documents décrivant la manière dont le riz qu’elle exporte vers le Royaume‑Uni était commercialisé. Dans ces conditions, la requérante aurait été en défaut de prouver qu’elle avait acquis le « goodwill » nécessaire pour obtenir gain de cause, en vertu du droit relatif à l’usurpation applicable au Royaume‑Uni.

9        Le 20 mars 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement no 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement no 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 19 mars 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, l’opposante devait démontrer qu’elle était titulaire du droit fondant l’opposition. Or, en l’espèce, la requérante n’aurait pas démontré qu’elle était titulaire du droit invoqué. En particulier, la chambre de recours a considéré que le terme « basmati » n’était pas une marque ou un signe couverts par des droits de propriété, mais simplement la désignation courante d’une variété de riz. Le terme « basmati » serait générique. Par ailleurs, la chambre de recours a souligné que, la propriété protégée par l’action en usurpation d’appellation ne se référait pas au signe en cause, mais au « goodwill ». La chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas démontré qu’elle détenait la propriété du terme « basmati » et que, dès lors, l’opposition ne remplissait pas la condition — prévue par le règlement no 40/94 — relative à l’existence d’un droit de propriété.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, ledit moyen s’articulant autour de quatre griefs. Premièrement, la chambre de recours, en se fondant sur une lecture exclusivement littérale de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, aurait tenté d’imposer, à tort, une « notion communautaire de ‘propriété’ » de la marque ou du signe antérieur invoqué. Deuxièmement, la chambre de recours aurait commis une erreur en faisant une distinction entre la forme « extensive » de l’action en usurpation d’appellation au Royaume‑Uni, sur laquelle se fondait l’opposition, et l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, qui, selon la chambre de recours, devrait se référer à un droit exclusif dont un seul opérateur serait titulaire. Troisièmement, la requérante considère que la chambre de recours a commis une erreur en exigeant que l’opposante fasse la preuve de la propriété du signe antérieur, en plus de prouver la propriété d’un droit immatériel. Quatrièmement, la chambre de recours aurait commis une erreur en retenant que le terme « basmati » était générique.

14      L’OHMI soutient, s’agissant des premier et quatrième griefs soulevés par la requérante, que les signes visés par l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 doivent répondre à des « critères européens uniformes ». La chambre de recours aurait considéré, à bon droit, que le terme « basmati » utilisé en référence au riz ne constituait pas un droit au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94. Dans ces conditions, il n’aurait pas été nécessaire d’appliquer le droit national invoqué au soutien de l’opposition. En particulier, le signe BASMATI ne permettrait pas d’exercer la fonction essentielle d’une marque, à savoir identifier l’origine des produits qu’il désigne. S’agissant des deuxième et troisième griefs soulevés par la requérante, l’OHMI indique que, en concluant que le terme « basmati » ne constituait pas un droit au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, la chambre de recours était fondée à rejeter le recours sur la base de cette constatation, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les exigences du droit national.

15      L’intervenante indique que la condition que l’opposante soit titulaire du signe constitue une « condition indépendante », laquelle devant être interprétée indépendamment des conditions requises en droit national. Elle soutient que sa lecture de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 n’empêche pas les oppositions fondées sur l’action en usurpation d’appellation dès lors que l’opposante invoque un signe qu’elle est la seule à utiliser sur le marché et qui lui permet, en raison de la réputation qu’elle a acquise auprès de ses clients, de distinguer ses produits ou activités de ceux ou de celles des autres entreprises. Enfin, l’intervenante rappelle que le signe BASMATI est une désignation générique pour une variété de riz et ne constitue pas un signe permettant de distinguer les produits d’une entreprise de ceux des autres. Dans ces conditions, la chambre de recours aurait simplement déduit de la nature générique du signe BASMATI que la requérante n’était pas le « titulaire » de ce signe.

16      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale peut former opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire, lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable, d’une part, des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire et, d’autre part, ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

17      Il en découle que l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 est que l’opposant démontre qu’il est titulaire du signe invoqué au soutien de son opposition. Cette condition implique que l’opposant prouve l’acquisition de droits sur ledit signe [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 28 octobre 2009, BCS/OHMI  — Deere (Combinaison des couleurs verte et jaune), T‑137/08, Rec. p. II‑4047, point 73, et du 22 juin 2010, Montero Padilla/OHMI — Padilla Requena (JOSE PADILLA), T‑255/08, Rec. p. II‑2551, point 63]. Ces droits doivent permettre, selon l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

18      Par ailleurs, et dans la mesure où la requérante invoque au soutien de son opposition l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume‑Uni, il y a lieu de rappeler que le droit de l’État membre applicable, en l’espèce, est le Trade Marks Act, 1994 (loi du Royaume‑Uni sur les marques), dont l’article 5, paragraphe 4, dispose notamment :

« Une marque ne peut être enregistrée si, ou dans la mesure où, son usage au Royaume‑Uni est susceptible d’être empêché :

a)      en raison de toute règle de droit [notamment en vertu du droit relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off)] protégeant une marque non enregistrée ou tout autre signe utilisé dans la vie des affaires […] »

19      Il résulte de ce texte, tel qu’interprété par les juridictions nationales, que l’opposant doit établir, conformément au régime juridique de l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume‑Uni, que trois conditions sont satisfaites, à savoir le goodwill acquis (c’est-à-dire la force d’attraction de la clientèle), la présentation trompeuse et le préjudice causé au goodwill [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI — Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, Rec. p. II‑5659, points 93 et 101, et les décisions des juridictions nationales citées].

20      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a rejeté l’opposition au seul motif que la requérante n’aurait pas apporté la preuve qu’elle était titulaire du signe invoqué au soutien de l’opposition. La chambre de recours a ainsi énoncé que « [l]e recours n’[était] pas fondé », que « [l]’opposante n’[était] pas la titulaire du signe sur lequel elle fond[ait] son opposition » et que « [l]es raisons [étaient] exposées ci-après » (considérant 14 de la décision attaquée). À l’issue de son raisonnement, la chambre de recours a conclu que, « [l]’opposante n’ayant pas apporté la preuve qu’elle détenait, ainsi qu’elle le prétend, la propriété du nom [‘]Basmati[’], l’opposition formée en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du [règlement no 40/94] n’[était] pas fondée et [que] le recours [devait] être rejeté » (considérant 29 de la décision attaquée). Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours a considéré que le signe en cause n’était pas une marque, notamment car il était générique et que la « propriété » invoquée par la requérante ne portait que sur le goodwill. La chambre de recours n’a toutefois pas rejeté l’opposition au motif que le signe en cause, en tant que tel, ne pouvait pas servir de fondement à une opposition au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94. En particulier, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours aurait considéré que le terme « basmati » utilisé en référence au riz « ne constitu[ait] pas un droit au sens de l’article 8, paragraphe 4, du [règlement no 40/94] », comme l’indique l’OHMI dans ses écritures. Les arguments avancés par l’OHMI et l’intervenante, visant à soutenir que le signe en cause n’entrerait pas dans le champ d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, sont donc inopérants.

21      Premièrement, bien que la décision attaquée soit équivoque à cet égard, la chambre de recours semble avoir considéré que la requérante devait apporter la preuve qu’elle détenait formellement la « propriété » du signe invoqué au soutien de l’opposition. Or, comme il a été rappelé au point 17 ci-dessus, la condition que l’opposant soit titulaire du signe invoqué implique de prouver l’acquisition de droits sur ledit signe. L’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 ne précise pas la forme que devrait prendre l’acquisition de tels droits. L’approche apparemment restrictive retenue par la chambre de recours est d’ailleurs en contradiction avec le fait, mentionné par l’OHMI dans ses écritures devant le Tribunal, que les signes visés par l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 font, le plus souvent, l’objet d’un usage plutôt que d’un enregistrement.

22      Deuxièmement, il y a lieu de considérer que la question de savoir si un opposant a acquis des droits sur une marque non enregistrée ou sur un signe utilisé dans la vie des affaires — et donc s’il est titulaire du signe invoqué au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 — ne saurait faire abstraction du droit national invoqué au soutien de l’opposition. En effet, le droit national applicable intervient notamment, dans ce cadre, pour définir les modalités d’acquisition des droits sur le signe invoqué au soutien d’une opposition formée au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94.

23      La chambre de recours a d’ailleurs elle-même renvoyé expressément, au considérant 24 de la décision attaquée, au droit national pour considérer que la propriété liée à l’action en usurpation d’appellation n’avait trait qu’au goodwill. En outre, il y a lieu de relever que l’OHMI a publié, en annexe des directives relatives aux procédures devant l’OHMI (partie C, intitulée « Procédure d’opposition », chapitre 4, intitulé « Droits en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du [règlement no 40/94] »), une liste des « droits nationaux constituant des ‘droits antérieurs’ au sens de l’article 8, paragraphe 4, du [règlement no 40/94] ». Cette annexe précise la nature des « droits nationaux » concernés ainsi que leurs modalités d’acquisition. Elle vise ainsi, s’agissant du Royaume‑Uni, les marques non enregistrées et les signes utilisés dans la vie des affaires « protégés par une règle de droit, y compris par [l’action en usurpation d’appellation] (‘passing off’) ».

24      Les arguments de l’OHMI relatifs à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 40/94 (devenu article 53, paragraphe 2, du règlement no 207/2009) ne peuvent modifier cette conclusion. En effet, à supposer qu’il soit exact que tous les droits antérieurs ne puissent pas être invoqués dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, comme le soutient l’OHMI, cela ne signifie pas pour autant, d’une part, que le signe en cause soit exclu a priori des signes entrant dans le champ d’application de cette disposition — ce que n’a pas retenu la chambre de recours — et, d’autre part, que le droit national ne soit pas pertinent en l’espèce pour déterminer les modalités d’acquisition de droits sur le signe invoqué.

25      Troisièmement, il convient de souligner que l’article 5, paragraphe 4, du Trade Marks Act, 1994 précise également, dans son deuxième alinéa, qu’une personne habilitée à empêcher l’usage d’une marque doit être comprise comme étant « titulaire d’un droit antérieur ». Il en résulte que, selon le droit applicable au Royaume‑Uni, dans le cadre d’une action en usurpation d’appellation, la qualité de titulaire d’un droit antérieur ne saurait être définie de façon autonome, comme l’a fait en substance la chambre de recours dans la décision attaquée, sans tenir compte de la capacité de l’opposant à empêcher l’usage d’une marque.

26      Le fait que la propriété protégée par l’action en usurpation d’appellation ne porte pas sur un mot ou sur un nom dont l’usage par les tiers est restreint, mais sur la clientèle même à laquelle il est porté atteinte par l’usage litigieux [arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Last Minute Network/OHMI — Last Minute Tour (LAST MINUTE TOUR), T‑114/07 et T‑115/07, Rec. p. II‑1919, point 61], comme l’a indiqué la chambre de recours, en substance, au considérant 24 de la décision attaquée, ne peut modifier cette conclusion. En effet, la circonstance que l’opposant ne soit formellement propriétaire que de la clientèle à laquelle il est porté atteinte ne signifie pas pour autant qu’il n’a pas acquis de droits sur le signe invoqué, droits qui lui permettent d’empêcher, le cas échéant, l’utilisation d’une marque plus récente. À cet égard, il y a lieu de souligner que, dans le cadre de l’action en usurpation d’appellation, c’est le signe servant à désigner des biens ou des services qui acquiert une réputation sur le marché (voir, en ce sens, arrêt LAST MINUTE TOUR, précité, point 84). Par ailleurs, c’est l’utilisation du signe concerné qui permet à une personne physique ou morale d’être « titulaire d’un droit antérieur », au sens du droit applicable au Royaume‑Uni.

27      S’agissant du fait, relevé par l’intervenante en réponse à une question écrite du Tribunal, que l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, du Trade Marks Act, 1994 n’a pas été invoqué par la requérante dans ses écritures devant le Tribunal, il suffit de relever que l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume‑Uni servait de fondement à l’opposition déposée par la requérante devant l’OHMI. À ce titre, le droit applicable au Royaume‑Uni faisait partie intégrante du litige soumis à la chambre de recours. Il fait donc partie du cadre factuel et juridique au regard duquel le Tribunal doit effectuer son contrôle.

28      Quatrièmement, le fait que la requérante ait pu, dans les motifs soutenant son opposition, associer le terme de « marque » au signe invoqué, comme le relève la chambre de recours au considérant 19 de la décision attaquée, outre que cette circonstance peut résulter de l’invocation d’une marque non enregistrée à l’appui de l’opposition, ne saurait faire abstraction du fait que l’opposition était notamment fondée sur un signe utilisé dans la vie des affaires. La chambre de recours a d’ailleurs relevé ce motif d’opposition au considérant 16 de la décision attaquée. Dans ce cadre, il y a lieu de considérer que la circonstance invoquée par la chambre de recours selon laquelle le signe BASMATI ne serait pas une marque ne signifie pas pour autant que la requérante n’aurait pas acquis des droits sur ce signe, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, lu à la lumière du droit national applicable en l’espèce. Plus particulièrement, concernant l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le terme « basmati » serait générique, il résulte de la jurisprudence nationale qu’un signe servant à désigner des biens ou des services peut avoir acquis une réputation sur le marché, au sens du droit applicable à l’action en usurpation d’appellation, alors même qu’il présenterait, à l’origine, un caractère descriptif ou serait dépourvu de caractère distinctif (arrêt LAST MINUTE TOUR, point 26 supra, point 84). Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence nationale qu’un signe servant à désigner des biens ou des services peut avoir acquis une réputation sur le marché, au sens du droit applicable à l’action en usurpation d’appellation, alors même qu’il est utilisé par plusieurs opérateurs dans le cadre de leur activité commerciale (Chocosuisse Union des fabricants suisses de chocolat & Ors v Cadbury Ltd. [1999] EWCA Civ 856). Cette forme dite « extensive » de l’action en usurpation d’appellation, reconnue par la jurisprudence nationale, permet ainsi à plusieurs opérateurs de disposer de droits sur un signe ayant acquis une réputation sur le marché. La circonstance invoquée par la chambre de recours, à la supposer avérée, n’est donc pas susceptible, à la lumière du droit national applicable, d’infirmer le fait que l’opposant pourrait avoir acquis des droits sur le signe invoqué.

29      Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la chambre de recours a commis une erreur en rejetant l’opposition au motif que la requérante n’aurait pas démontré qu’elle était titulaire du signe en cause, sans analyser précisément si la requérante avait acquis des droits sur ledit signe en application du droit du Royaume‑Uni.

30      Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir le moyen unique soulevé par la requérante et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

32      En l’espèce, l’OHMI et l’intervenante ont succombé en leurs conclusions. Par ailleurs, la requérante a conclu à la condamnation de l’OHMI et de l’intervenante aux dépens.

33      Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner l’OHMI à supporter, outre ses dépens, deux tiers des dépens de la requérante et de condamner l’intervenante à supporter, outre ses dépens, un tiers des dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 19 mars 2009 (affaire R 513/2008-1) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné à supporter, outre ses propres dépens, deux tiers des dépens de Tilda Riceland Private Ltd.

3)      Siam Grains Co. Ltd est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de Tilda Riceland Private.

Forwood

Dehousse

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 janvier 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.