Language of document : ECLI:EU:T:2006:269

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

27 septembre 2006 (*)

« Concurrence – Ententes – Gluconate de sodium – Article 81 CE – Amende – Article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Principe de proportionnalité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T-330/01,

Akzo Nobel NV, établie à Arnhem (Pays-Bas), représentée initialement par Mes M. van Empel et C. Swaak, puis par Me Swaak, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. A. Whelan, A. Bouquet et W. Wils, en qualité d’agents, assistés de Me M. H. van der Woude, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation des articles 3 et 4 de la décision C(2001) 2931 final de la Commission, du 2 octobre 2001, concernant une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/E-1/36.756 – Gluconate de sodium), en ce qu’ils visent la requérante ou, à titre subsidiaire, la réduction de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 février 2004,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La société Akzo Nobel NV (ci-après « Akzo ») est la société mère d’un groupe d’entreprises spécialisées dans les industries chimique et pharmaceutique. Elle détient la totalité des actions de la société Akzo Nobel Chemicals BV (ci-après « ANC »). À l’époque des faits et jusqu’en décembre 1995, ANC était active sur le marché du gluconate de sodium par le biais de sa participation dans la société Glucona vof, une entreprise qu’elle contrôlait conjointement avec la Coöperatieve Verkoop- en Productievereniging van Aardappelmeel en Derivaten Avebe BA (ci-après « Avebe »). En décembre 1995, Avebe a acquis la participation d’ANC dans Glucona vof, laquelle est devenue une société à responsabilité limitée et a pris le nom de Glucona BV (ci-après Glucona vof et Glucona BV sont indistinctement dénommées « Glucona »).

2        Le gluconate de sodium fait partie des agents chélateurs, qui sont des produits qui inactivent les ions métalliques dans des processus industriels. Ces processus comprennent, notamment, le nettoyage industriel (nettoyage de bouteilles ou d’ustensiles), le traitement des surfaces (traitements antirouille, dégraissage, gravure d’aluminium) et le traitement des eaux. Les agents chélateurs sont ainsi utilisés dans l’industrie alimentaire, l’industrie cosmétique, l’industrie pharmaceutique, l’industrie du papier, l’industrie du béton et d’autres industries encore. Le gluconate de sodium est vendu dans le monde entier et des entreprises concurrentes sont présentes sur les marchés mondiaux.

3        En 1995, les ventes totales de gluconate de sodium au niveau mondial étaient d’environ 58,7 millions d’euros, celles réalisées dans l’Espace économique européen (EEE) d’environ 19,6 millions d’euros. À l’époque des faits, la quasi-totalité de la production mondiale de gluconate de sodium était entre les mains de cinq entreprises, à savoir, premièrement, Fujisawa Pharmaceutical Co. Ltd (ci-après « Fujisawa »), deuxièmement, Jungbunzlauer AG, troisièmement, Roquette Frères SA (ci-après « Roquette »), quatrièmement, Glucona vof et, cinquièmement, Archer Daniels Midland Co. (ci-après « ADM »).

4        En mars 1997, le ministère de la Justice américain a informé la Commission de ce que, à la suite d’une enquête menée sur les marchés de la lysine et de l’acide citrique, une enquête avait également été ouverte concernant le marché du gluconate de sodium. En octobre et en décembre 1997 ainsi qu’en février 1998, la Commission a été informée qu’Akzo, Avebe, Glucona, Roquette et Fujisawa avaient reconnu avoir participé à une entente ayant consisté à fixer les prix du gluconate de sodium et à répartir les volumes de vente de ce produit aux États-Unis et ailleurs. À la suite d’accords conclus avec le ministère de la Justice américain, ces entreprises se sont vu imposer des amendes par les autorités américaines. 

5        Le 18 février 1998, la Commission a adressé, en vertu de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), des demandes de renseignements aux principaux producteurs, importateurs, exportateurs et acheteurs de gluconate de sodium en Europe.

6        Faisant suite à la demande de renseignements, Fujisawa a pris contact avec la Commission pour l’informer qu’elle avait coopéré avec les autorités américaines dans le cadre de l’enquête décrite ci-dessus et qu’elle souhaitait en faire autant avec la Commission sur la base de la communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »). Le 12 mai 1998, à la suite d’une réunion qui s’était tenue avec la Commission le 1er avril 1998, Fujisawa a remis une déclaration écrite et un dossier comprenant un résumé de l’historique de l’entente et un certain nombre de documents.

7        Les 16 et 17 septembre 1998, la Commission a procédé à des vérifications, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17, dans les locaux d’Avebe, de Glucona, de Jungbunzlauer et de Roquette.

8        Le 2 mars 1999, la Commission a adressé des demandes de renseignements détaillées à Glucona, à Roquette et à Jungbunzlauer. Par lettres des 14, 19 et 20 avril 1999, ces entreprises ont fait connaître leur souhait de coopérer avec la Commission et lui ont fourni certaines informations sur l’entente. Le 25 octobre 1999, la Commission a adressé des demandes de renseignements complémentaires à ADM, à Fujisawa, à Glucona, à Roquette et à Jungbunzlauer.

9        Le 17 mai 2000, sur la base des informations qui lui avaient été communiquées, la Commission a adressé une communication des griefs à Akzo et aux autres entreprises concernées pour violation de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’EEE (ci-après l’« accord EEE »). Akzo et toutes les autres entreprises concernées ont transmis des observations écrites en réponse aux griefs retenus par la Commission. Aucune de ces parties n’a demandé la tenue d’une audition ni contesté la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs.

10      Le 11 mai 2001, la Commission a envoyé des demandes de renseignements complémentaires à Akzo et aux autres entreprises concernées.

11      Le 2 octobre 2001, la Commission a adopté la décision C(2001) 2931 final concernant une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/E-1/36.756 – Gluconate de sodium) (ci-après la « Décision »). La Décision a été notifiée à Akzo par lettre du 10 octobre 2001.

12      La Décision comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

[Akzo], [ADM], [Avebe], [Fujisawa], [Jungbunzlauer] et [Roquette] ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, [...] CE et – à compter du 1er janvier 1994 – l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE en participant à un accord et/ou une pratique concertée continus dans le secteur du gluconate de sodium.

L’infraction a duré : 

–        dans le cas d’[Akzo], d’[Avebe], de [Fujisawa] et de [Roquette], de février 1987 à juin 1995 ;

–      dans le cas de [Jungbunzlauer], de mai 1988 à juin 1995 ;

–      dans le cas d’[ADM], de juin 1991 à juin 1995.

[…]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

a)      [Akzo]                                     9 millions d’euros

b)      [ADM]                                     10,13 millions d’euros

c)      [Avebe]                                     3,6 millions d’euros

d)      [Fujisawa]                            3,6 millions d’euros

e)      [Jungbunzlauer]                   20,4 millions d’euros

f)      [Roquette]                            10,8 millions d’euros

[…] »

13      Aux considérants 296 à 309 de la Décision, la Commission a analysé les rapports qui existaient au cours de la période concernée par l’entente entre Glucona et ses sociétés mères, Avebe et Akzo. En particulier, elle a noté que, jusqu’au 15 août 1993, Glucona avait été gérée conjointement par des représentants d’Avebe et d’Akzo, mais que, à partir de cette date, en raison d’une restructuration de Glucona, celle-ci avait été gérée exclusivement par un représentant d’Avebe. Néanmoins, la Commission a considéré qu’Avebe et Akzo devaient être tenues pour responsables du comportement anticoncurrentiel de leur filiale pendant toute la période visée et que, dès lors, celles-ci devaient être destinataires de la Décision.

14      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application, dans la Décision, de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »), ainsi que de la communication sur la coopération.

15      En premier lieu, la Commission a déterminé le montant de base de l’amende en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

16      Dans ce contexte, en ce qui concerne la gravité de l’infraction, la Commission a, tout d’abord, considéré que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave, eu égard à sa nature, à son impact concret sur le marché du gluconate de sodium dans l’EEE et à l’étendue du marché géographique concerné (considérant 371 de la Décision).

17      Ensuite, la Commission a estimé qu’il fallait tenir compte de la capacité économique réelle à porter un préjudice à la concurrence et fixer l’amende à un niveau qui garantisse un effet dissuasif suffisant. Par conséquent, en se fondant sur les chiffres d’affaires mondiaux réalisés par les entreprises concernées par la vente de gluconate de sodium au cours de l’année 1995, dernière année de la période infractionnelle, communiqués par les entreprises concernées à la suite des demandes de renseignements de la Commission et à partir desquels la Commission a calculé les parts de marché respectives de ces entreprises, la Commission a classé celles-ci en deux catégories. Dans la première catégorie, elle a classé les entreprises qui, selon les données dont elle disposait, détenaient des parts du marché mondial du gluconate de sodium supérieures à 20 %, à savoir Fujisawa (35,54 %), Jungbunzlauer (24,75 %) et Roquette (20,96 %). Pour ces entreprises, la Commission a fixé un montant de départ de 10 millions d’euros. Dans la seconde catégorie, elle a classé les entreprises qui, selon les données dont elle disposait, détenaient des parts du marché mondial du gluconate de sodium inférieures à 10 %, à savoir Glucona (environ 9,5 %) et ADM (9,35 %). Pour ces entreprises, la Commission a fixé un montant de départ de l’amende à 5 millions d’euros, c’est-à-dire, pour Akzo et Avebe qui détenaient conjointement Glucona, à 2,5 millions d’euros chacune (considérant 385 de la Décision).

18      En outre, afin d’assurer à l’amende un effet suffisamment dissuasif, d’une part, et de tenir compte du fait que les grandes entreprises disposent de connaissances et d’infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence, d’autre part, la Commission a procédé à un ajustement de ce montant de départ. Par conséquent, en tenant compte de la taille et des ressources globales des entreprises concernées, la Commission a appliqué un coefficient multiplicateur de 2,5 aux montants de départ déterminés pour ADM et Akzo et a dès lors majoré ce montant de départ de sorte qu’il a été fixé à 12,5 millions d’euros dans le cas d’ADM et à 6,25 millions d’euros dans le cas d’Akzo (considérant 388 de la Décision).

19      En ce qui concerne la durée de l’infraction commise par chaque entreprise, le montant de départ a, en outre, été majoré de 10 % par an, soit une majoration de 80 % pour Fujisawa, pour Akzo, pour Avebe et pour Roquette, de 70 % pour Jungbunzlauer et de 35 % pour ADM (considérants 389 à 392 de la Décision).

20      C’est ainsi que la Commission a fixé le montant de base des amendes à 11,25 millions d’euros en ce qui concerne Akzo. S’agissant d’ADM, d’Avebe, de Fujisawa, de Jungbunzlauer et de Roquette, le montant de base a été fixé, respectivement, à 16,88, à 4,5, à 18, à 17 et à 18 millions d’euros (considérant 396 de la Décision).

21      En deuxième lieu, au titre des circonstances aggravantes, le montant de base de l’amende infligée à Jungbunzlauer a été majoré de 50 % au motif que cette entreprise avait joué un rôle de meneur dans le cadre de l’entente (considérant 403 de la Décision).

22      En troisième lieu, la Commission a examiné et rejeté les arguments de certaines entreprises quant au bénéfice de circonstances atténuantes (considérants 404 à 410 de la Décision).

23      En quatrième lieu, en application du titre B de la communication sur la coopération, la Commission a consenti à Fujisawa une « réduction très importante » (à savoir 80 %) du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération. Enfin, en application du titre D de cette communication, la Commission a consenti une « réduction significative » (à savoir 40 %) du montant de l’amende à ADM et à Roquette et de 20 % à Akzo, à Avebe et à Jungbunzlauer (considérants 418, 423, 426 et 427).

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 décembre 2001, Akzo a introduit le présent recours.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu dans les délais impartis.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 17 février 2004.

27      Akzo conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 3 et 4 de la Décision en ce qu’ils visent Akzo ;

–        subsidiairement, annuler l’article 3, combiné avec le considérant 388 de la Décision, en ce que le coefficient multiplicateur de 2,5 lui a été appliqué ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris au paiement des intérêts et des frais de la garantie bancaire.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner Akzo aux dépens.

 En droit

29      Les moyens d’annulation invoqués par Akzo concernent, premièrement, la fixation du montant de départ des amendes infligées à l’ensemble des parties à l’entente, deuxièmement, la classification des participants à l’entente, troisièmement, la prise en compte du chiffre d’affaires d’Akzo et, quatrièmement, l’application d’un coefficient multiplicateur de 2,5.

 Sur la fixation du montant de départ pour le calcul des amendes infligées à l’ensemble des parties à l’entente

30      Akzo fait état de la violation, premièrement, du principe de proportionnalité et, deuxièmement, de l’obligation de motivation.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

31      Akzo estime que, en fixant, au considérant 385 de la Décision, le montant de départ pour le calcul des amendes infligées à l’ensemble des parties à l’entente à 40 millions d’euros, la Commission n’a pas tenu compte du volume restreint du marché du gluconate de sodium, entraînant ainsi une violation du principe de proportionnalité.

32      Akzo indique que le montant total du chiffre d’affaires réalisé en 1995 dans l’EEE concernant le gluconate de sodium s’élevait à moins de 20 millions d’euros et celui réalisé au niveau mondial à moins de 59 millions d’euros. Elle soutient que, par conséquent, le montant total des amendes imposées par la Décision représente plus de deux fois le chiffre d’affaires annuel du produit en cause dans l’EEE et plus de deux tiers de son chiffre d’affaires à l’échelle mondiale.

33      Selon elle, ce faisant, la Commission n’a pas tenu compte, alors qu’elle aurait prétendu l’avoir fait au considérant 377 de la Décision, de la taille limitée du marché, c’est-à-dire du volume restreint du marché du produit en cause lors de la fixation du montant de départ pour le calcul des amendes. En revanche, elle aurait procédé à une classification des participants à l’entente en deux catégories, à savoir, dans une première catégorie, les entreprises qui détenaient des parts du marché mondial du gluconate de sodium supérieures à 20 % et, dans une seconde catégorie, celles qui détenaient des parts du marché mondial de gluconate de sodium inférieures à 10 % (voir point 17 ci-dessus). Or, une telle classification des entreprises concernées selon leur poids relatif sur le marché en cause serait tout à fait étrangère à la taille plus ou moins limitée dudit marché.

34      La Commission conclut au rejet du moyen.

35      Le Tribunal rappelle que, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, le montant de l’amende est déterminé sur la base de la gravité de l’infraction et de sa durée. En outre, conformément aux lignes directrices, le montant de départ est fixé en fonction de la gravité de l’infraction en tenant compte de la nature même de l’infraction, de son impact concret sur le marché et de l’étendue du marché géographique.

36      Ce cadre juridique n’impose donc pas expressément à la Commission de tenir compte de la faible taille du marché et de la valeur du produit au moment de la fixation du montant de départ de l’amende.

37      Cependant, en vertu de la jurisprudence, lors de l’appréciation de la gravité d’une infraction, il incombe à la Commission de tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type d’infraction en cause et les circonstances particulières de l’infraction concernée (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 120). Parmi les éléments attestant de la gravité d’une infraction peut notamment figurer, selon le cas, la taille du marché du produit en cause.

38      Par conséquent, si la taille du marché et la valeur du produit peuvent constituer des éléments à prendre en considération pour établir la gravité de l’infraction, leur importance varie en fonction des circonstances particulières de l’infraction concernée.

39      Dans le cas d’espèce, il apparaît au vu du considérant 385 de la Décision que, quoique la Commission ait considéré l’infraction comme très grave au sens des lignes directrices, qui, pour de tels cas, prévoient que la Commission peut envisager d’adopter un montant de départ d’au moins 20 millions d’euros, dans le cas d’espèce, la Commission n’a retenu qu’un montant de départ de 10 millions d’euros pour les entreprises classées dans la première catégorie et de 5 millions d’euros pour celles classées dans la seconde catégorie, ce qui correspond respectivement à la moitié et au quart du montant que, en vertu des lignes directrices, elle peut envisager de retenir pour des infractions très graves.

40      Cette détermination du montant de départ de l’amende indique que, conformément au considérant 377 de la Décision où la Commission a précisé que la taille limitée du marché de produits « sera aussi pris[e] en considération en l’espèce dans la fixation des montants de départs », la Commission a suffisamment pris en compte la taille du marché de produits en cause.

41      En tout état de cause, le Tribunal estime, étant donné la nature de l’infraction commise par Akzo et en tenant compte de la taille du marché de produits en cause, que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en imposant à Akzo un montant de départ, pour le calcul de son amende, de 5 millions d’euros.

42      Par conséquent, le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être rejeté.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

43      Akzo estime que la Décision est insuffisamment motivée dans la mesure où il existe, selon elle, une contradiction entre, d’une part, la déclaration de la Commission selon laquelle cette dernière avait tenu compte de la taille limitée du marché du gluconate de sodium (considérant 377 de la Décision) et, d’autre part, les considérants portant sur la classification des entreprises concernées (considérants 378 à 384 de la Décision).

44      La Commission conclut au rejet du moyen.

45      Le Tribunal rappelle qu’il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire, auteur de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑301/96, Rec. p. I-9919, point 87 ; arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, Rec. p. II‑4825, point 155).

46      Le Tribunal constate que, au considérant 377 de la Décision, la Commission a indiqué qu’elle avait tenu compte, dans le cadre de la fixation des montants de départ, de la taille limitée du marché du gluconate de sodium. Ensuite, aux considérants 378 à 384 de la Décision, elle a appliqué un traitement différencié aux membres de l’entente en les classant en deux catégories selon leur poids spécifique sur le marché et la nécessité d’assurer un niveau dissuasif à l’amende. Enfin, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 39 ci-dessus, la Commission a retenu, au considérant 385 de la Décision, dans le cadre du calcul de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, un montant de départ de 10 millions d’euros pour les entreprises appartenant à la première catégorie et de 5 millions d’euros pour celles appartenant à la seconde catégorie, ce qui correspond, respectivement, à la moitié et au quart du montant que, en vertu des lignes directrices, elle pouvait envisager d’appliquer pour des infractions très graves.

47      Il résulte donc d’une lecture d’ensemble des considérants 377 et 385 de la Décision que la Commission a indiqué de façon suffisamment claire qu’elle avait tenu compte de la taille limitée du marché de produits en fixant des montants de départ des amendes inférieurs à ceux qu’elle pouvait, conformément aux lignes directrices, envisager de retenir pour des infractions très graves. Cet exposé relatif à la prise en compte de la taille du marché de produits n’est pas contredit par les considérants 378 à 384 de la Décision, dans lesquels la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles il fallait, selon elle, classer les membres de l’entente en deux catégories selon leur poids spécifique sur le marché et la nécessité d’assurer un niveau dissuasif de l’amende. En effet, cette étape du calcul concerne le rapport relatif entre les membres de l’entente et non la valeur absolue du marché concerné.

48      Partant, contrairement à ce que soutient Akzo, il n’existe pas de contradiction entre, d’une part, le considérant 377 et, d’autre part, les considérants 378 à 384 de la Décision.

49      Dès lors, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

 Sur la classification des participants à l’entente

50      Akzo fait état de la violation, premièrement, du principe de proportionnalité et, deuxièmement, de l’obligation de motivation.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

–       Arguments des parties

51      Akzo considère que la Commission a enfreint le principe de proportionnalité en ce qu’elle a classé les participants à l’entente selon leurs parts du marché du gluconate de sodium en deux catégories, sans tenir compte de façon précise de leurs parts de marché réelles, mais en utilisant une approche trop simpliste consistant à départager ces entreprises selon que leur part de marché était supérieure à 20 % ou inférieure à 10 % (considérants 379 à 382 de la Décision).

52      Akzo souligne que le rapport réel des chiffres d’affaires mondiaux des entreprises concernées diffère substantiellement du rapport simpliste de 1 à 2 appliqué par la Commission. En effet, le rapport réel entre les entreprises réalisant la part de marché la plus faible (9 %, respectivement, pour ADM et Glucona) et celles détenant la part de marché la plus élevée (36 % pour Fujisawa) serait de 1 à 4 et non de 1 à 2. Dès lors, en suivant le calcul choisi par la Commission, mais en tenant compte de ce rapport réel entre les entreprises concernées, celle-ci aurait dû fixer le montant de base de l’amende infligée à Akzo et à Avebe à 1,25 million d’euros et non à 2,5 millions d’euros.

53      Akzo admet qu’il ne doit pas y avoir nécessairement un rapport mathématique entre l’amende finale et le chiffre d’affaires des entreprises concernées. Néanmoins, selon elle, il résulte de la pratique décisionnelle de la Commission que celle-ci se fonde sur les chiffres d’affaires des participants à une entente sur le marché en cause.

54      Akzo déduit de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que, à moins d’invoquer des justifications objectives particulières, la Commission doit s’assurer que les montants de base spécifiques reflètent le poids économique relatif des entreprises concernées en termes de chiffre d’affaires ou de parts de marché. Or, cela n’aurait pas été le cas en l’espèce. Selon elle, dans les circonstances spécifiques du cas d’espèce, la Commission aurait dû classer les entreprises concernées en trois catégories : il aurait en effet été possible d’identifier une catégorie d’entreprises située, en termes de parts de marché, entre ADM et Glucona (9 % chacune) et Fujisawa (36 %), à savoir les entreprises Roquette (21 %) et Jungbunzlauer (25 %). Une telle classification aurait mieux reflété le poids relatif des entreprises concernées et aurait permis à la Commission d’atteindre son objectif déclaré consistant à tenir compte du poids relatif des entreprises concernées lors de la fixation du montant de base spécifique de l’amende.

55      La Commission conclut au rejet du moyen.

–       Appréciation du Tribunal

56      Selon les lignes directrices, dans le cas d’infractions impliquant plusieurs entreprises, la Commission peut, comme elle l’a fait en l’espèce, pondérer les montants de départ pour tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise en répartissant les membres de l’entente en groupes « notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature » (point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices). Dans les lignes directrices, il est, par ailleurs, précisé que « le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation obéisse à un calcul arithmétique » (point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices).

57      Conformément à une jurisprudence constante du Tribunal, au stade de la détermination de la gravité de l’infraction, la Commission n’est pas tenue d’assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global mais qu’elle peut procéder à des répartitions en groupes (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 278 ; du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, points 385 et 386, et du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, ci-après l’« arrêt TACA », points 1519 et 1520, et la jurisprudence y citée).

58      Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a également déjà jugé à plusieurs reprises, lorsque la Commission répartit les entreprises concernées en groupes aux fins de la détermination du montant des amendes, la détermination des seuils pour chacun des groupes ainsi identifiés doit être cohérente et objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêt LR AF 1998/Commission, point 57 supra, point 298 ; arrêts CMA CGM e.a./Commission, point 57 supra, point 416, et TACA, point 57 supra, point 1541, et la jurisprudence y citée).

59      En l’espèce, pour définir les catégories devant permettre de regrouper les entreprises concernées, la Commission a choisi de prendre en considération leur importance sur le marché en cause, en se fondant sur un critère unique, à savoir les parts du marché mondial du gluconate de sodium, calculées en fonction du chiffre d’affaires réalisé par celles-ci sur ce marché en 1995.

60      Sur cette base, la Commission a retenu deux catégories d’entreprises, à savoir, d’une part, celle formée par les « trois principaux producteurs de gluconate de sodium [qui] détenaient des parts du marché mondial supérieures à 20 % » et, d’autre part, celle formée par les entreprises « dont les parts de marché étaient sensiblement inférieures sur le marché mondial du gluconate de sodium (moins de 10 %) » (considérant 382 de la Décision).

61      Ainsi, la Commission a fixé un montant de départ de 10 millions d’euros pour Fujisawa, pour Jungbunzlauer et pour Roquette, dont les parts de marché respectives s’élevaient environ à 36 %, à 25 % et à 21 %, et un montant de départ de 5 millions d’euros pour celles appartenant à la seconde catégorie, à savoir Glucona et ADM, dont les parts de marché s’élevaient à environ 9 % chacune. Glucona ayant été détenue conjointement par Akzo et Avebe, la Commission a donc retenu pour chacune de ces deux sociétés des montants de départ de 2,5 millions d’euros (considérant 385 de la Décision).

62      En procédant de cette manière, sur la base de son calcul relatif aux parts de marché des entreprises concernées, la Commission a choisi une méthode cohérente de répartition des membres de l’entente en deux groupes, qui est objectivement justifiée par la différence de taille existant entre les entreprises appartenant à ces deux catégories.

63      Dans une telle situation, contrairement à ce que soutient Akzo, la Commission n’était pas tenue de différencier davantage les membres de l’entente en fonction de leur part de marché. Il est notamment sans pertinence de savoir si, comme le soutient Akzo, une classification des membres de l’entente en trois catégories aurait mieux reflété le poids relatif des entreprises concernées, dans la mesure où l’approche choisie par la Commission n’est ni incohérente ni dénuée de justification objective. De même, la circonstance que, dans d’autres affaires, la Commission a choisi une autre classification des membres de l’entente alors en cause ne saurait non plus être valablement invoquée, car elle ne démontre pas que, dans le cas d’espèce, l’approche choisie par la Commission n’a pas été cohérente et objectivement justifiée.

64      En tout état de cause, quand bien même une classification des membres de l’entente en trois catégories serait justifiée, le Tribunal estime, à la lumière des considérations figurant aux points 39 et suivants ci-dessus, que l’imposition à Glucona d’un montant de départ de 5 millions d’euros n’est pas disproportionnée. Par conséquent, l’hypothétique reclassement des membres de l’entente ne pourrait affecter la situation d’Akzo.

65      Dès lors, le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être rejeté.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

66      Akzo considère que la Décision n’est pas suffisamment motivée en ce que la Commission n’a aucunement exposé la raison pour laquelle elle avait fixé un montant de base spécifique qui ne reflétait pas clairement le poids relatif de Glucona au regard de son chiffre d’affaires ou de sa part de marché.

67      La Commission conclut au rejet du moyen.

68      Le Tribunal rappelle que l’obligation de motivation, telle que définie au point 45 ci-dessus, est également remplie lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I-9991, points 73, 76 et 80, et Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I-9693, points 39 à 47 ; arrêt TACA, point 57 supra, point 1521).

69      Ainsi qu’il résulte des points 15 à 20 ci-dessus, la Commission a indiqué, dans la Décision, les éléments d’appréciation qui lui avaient permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction.

70      En outre, indépendamment de la question d’un éventuel manque de corrélation précise entre le montant de base fixé pour Glucona par la Commission, d’une part, et son chiffre d’affaires ou sa part de marché, d’autre part, il a déjà été jugé au point 57 ci-dessus que la Commission n’est pas tenue d’assurer que les montants des amendes calculés pour les entreprises concernées traduisent toutes les différenciations entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires. La Commission peut procéder à des répartitions en groupes. Par conséquent, la Commission n’était pas tenue de fournir une motivation spécifique quant au fait que le montant de base spécifique reflétait précisément ou non le poids relatif de Glucona au regard de son chiffre d’affaires ou de sa part de marché.

71      Par ailleurs, s´agissant du principe de la répartition des membres de cartels en groupes, force est de constater qu’une telle répartition repose sur les lignes directrices, qui prévoient une possible pondération des montants (voir point 56 ci-dessus). La Décision a donc été adoptée dans un contexte bien connu d’Akzo.

72      Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

 Sur la prise en compte du chiffre d’affaires d’Akzo

73      Akzo soulève des moyens tirés de la violation, premièrement, de l’article 81 CE et, deuxièmement, de l’obligation de motivation.

 Sur la violation de l’article 81 CE

–       Arguments des parties

74      Akzo ne conteste pas que, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 310 de la Décision, ANC, filiale dont elle détenait 100 % du capital et qui, à l’époque des faits, contrôlait conjointement avec Avebe la société Glucona, a une part de responsabilité dans les infractions commises imputées à cette dernière.

75      Toutefois, Akzo fait valoir que, aux considérants 296 à 310 de la Décision, la Commission a erronément conclu que, pour les activités de Glucona, ANC avait agi en suivant les instructions d’Akzo au point que cette dernière pouvait être tenue pour responsable, en son nom propre, des prétendues infractions commises par Glucona.

76      Akzo fait observer que, au considérant 310 de la Décision, la Commission a, à titre principal, fondé sa conclusion selon laquelle Akzo pouvait être tenue pour responsable des activités de Glucona sur la présomption que, puisque ANC était une filiale à 100 % d’Akzo, ANC avait, pour l’essentiel, appliqué les instructions de sa société mère et elle s’est, à cet égard, appuyée sur l’arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission (107/82, Rec. p. 3151). Akzo note ensuite que c’est seulement à titre accessoire [« qui plus est » (considérant 310 de la Décision)] que la Commission a tenu compte du fait qu’au moins deux des représentants d’ANC au sein de Glucona avaient joué un rôle actif dans l’entente, en particulier par leur participation aux réunions multilatérales, et que ceux-ci avaient occupé dans le même temps les postes de vice-président et de directeur général d’Akzo.

77      Akzo admet que, dans son arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C‑286/98 P, Rec. p. I-9925), la Cour a jugé, au point 29, que la Commission pouvait raisonnablement supposer qu’une filiale à 100 % applique les instructions de sa société mère et qu’il appartient en pareil cas à l’entreprise concernée de prouver que cette supposition est erronée.

78      Néanmoins, Akzo exprime des doutes quant à la question de savoir si cette présomption doit s’appliquer non seulement dans les cas de figure où il existe une relation directe entre la société mère et sa filiale, mais également dans des cas comme celui de l’espèce, où cette relation est sensiblement plus distante. Premièrement, elle fait en effet observer que, dans le cas d’espèce, ANC est la filiale de la société holding nationale Akzo Nobel Nederland BV (ci-après « ANN »), laquelle est à son tour une filiale de la holding de tête. Deuxièmement, elle souligne que tant Akzo qu’ANN étaient des holdings n’exerçant elles-mêmes aucune activité commerciale et ne fabriquant ni ne distribuant de produits. Troisièmement, elle rappelle que c’était uniquement par le biais d’autres sociétés qu’Akzo détenait une participation (indirecte) de 50 % dans la société Glucona, sur laquelle elle n’exerçait donc pas de contrôle direct.

79      Cela étant, devant le Tribunal, Akzo met l’accent sur un certain nombre d’éléments factuels. Elle fait valoir que, sur la base de ceux-ci, elle est, en tout état de cause, en mesure de renverser la présomption susdite et de prouver que, malgré le fait qu’ANC était une filiale à 100 % d’Akzo, il était entièrement irréaliste de supposer qu’Akzo ait pu déterminer ou même seulement influencer le comportement stratégique et commercial de Glucona et que cela ne s’était d’ailleurs pas produit.

80      La Commission conclut au rejet du moyen.

–       Appréciation du Tribunal

81      Akzo ne conteste pas que l’infraction commise par Glucona ait pu être imputée à ANC. Dès lors, il convient uniquement d’examiner si Akzo pouvait être tenue pour responsable des actes imputés à ANC, sa filiale à 100 %.

82      À ce sujet, il convient de rappeler que, bien qu’une filiale dispose de la personnalité juridique, cela ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputable à la société mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère (voir arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 77 supra, point 26, et la jurisprudence y citée).

83      En outre, ainsi qu’Akzo l’admet elle-même, il ressort de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que la Commission peut, dans ce contexte, raisonnablement présumer qu’une filiale à 100 % d’une société mère applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par celle-ci et que cette présomption implique que la Commission n’est pas tenue de vérifier si la société mère a effectivement exercé ce pouvoir. Dans une telle situation, lorsque, dans la communication des griefs, la Commission énonce, en invoquant cette présomption, son intention d’imputer la responsabilité d’une infraction d’une filiale détenue à 100 % par sa société mère à celle-ci, il appartient aux parties concernées, lorsqu’elles considèrent que, malgré les participations en cause, la filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, de renverser cette présomption en fournissant au cours de la procédure administrative à la Commission des éléments de preuve suffisants (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, T‑354/94, Rec. p. II‑2111, point 80, confirmé sur ce point par arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 7775 supra, points 27 à 29, et arrêt AEG/Commission, point 76 supra, point 50, arrêt du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T‑65/89, Rec. p. II‑389, point 149).

84      Dans le cas d’espèce, il est constant que, au cours de la période concernée par la Décision, ANC était une filiale à 100 % d’Akzo.

85      En outre, en ce qui concerne le déroulement de la procédure administrative, il convient d’observer que, comme la Commission l’a noté au considérant 300 de la Décision, elle avait, aux points 324 à 330 de la communication des griefs, analysé les rapports qui existaient entre Glucona et ses sociétés mères et annoncé son intention de tenir ANC et Avebe pour solidairement responsables de l’infraction. Quant aux rapports entre ANC et Akzo, la Commission a considéré que, dans la mesure où ANC était une filiale à 100 % d’Akzo, la communication des griefs devait être adressée à cette dernière. Comme la Commission l’a relevé au considérant 301 de la Décision, Akzo a, dans sa réponse à la communication des griefs, confirmé explicitement que l’infraction devait lui être imputée solidairement avec Avebe.

86      Dans une telle situation, Akzo ne peut reprocher à la Commission de l’avoir tenue pour responsable, en son nom propre, des infractions commises par sa filiale à 100 %, ANC, en tant que copropriétaire de Glucona.

87      C’est à tort qu’Akzo soutient, dans ce contexte, que la finalité de la communication des griefs consiste tout d’abord à circonscrire les infractions alléguées par la Commission aux éléments qui y sont expressément mentionnés, de façon à permettre à l’entreprise concernée de se défendre en présentant ses arguments sur l’ensemble de ces éléments au cours de la procédure administrative et à la Commission de prendre en compte ces arguments dans le cadre de sa décision, mais que la communication des griefs ne concerne pas la question de l’identification de l’entreprise (ou des entreprises) à laquelle (ou auxquelles) une telle infraction serait imputable. En effet, la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence doit contenir les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative ouverte à son égard (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 26 ; du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, Rec. p. I-3359, point 29, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I-1307, point 135). De même, selon une jurisprudence constante, eu égard à son importance, la communication des griefs doit préciser sans équivoque la personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et être adressée à cette dernière (voir arrêts de la Cour du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, C‑395/96 P et C‑396/96 P, Rec. p. I-1365, points 143 et 146, et du 2 octobre 2003, ARBED/Commission, C‑176/99 P, Rec. p. I-10687, point 21).

88      Partant, sur la base des informations contenues dans la communication des griefs, Akzo ne devait pas ignorer qu’elle était susceptible d’être le destinataire d’une décision finale de la Commission. Dans une telle situation, il lui incombait de réagir au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire, en démontrant que, malgré les éléments retenus par la Commission, l’infraction commise par Glucona ne lui était pas imputable.

89      Dès lors, dans le respect des principes et réglementations régissant la procédure administrative et, en particulier, de l’exigence d’effet utile de la communication des griefs, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des différents éléments factuels invoqués pour la première fois devant le Tribunal, par lesquels Akzo vise à prouver que, malgré le fait qu’ANC était une filiale à 100 % d’Akzo, celle-ci n’avait pas pu déterminer ou même seulement influencer le comportement stratégique et commercial de Glucona.

90      Par conséquent, il convient de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 81 CE.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

91      Akzo considère que la Décision est insuffisamment motivée en ce que la Commission se serait limitée à une affirmation apodictique et vague selon laquelle ANC était une filiale à 100 % d’Akzo et qu’il y avait dès lors lieu de présumer qu’ANC avait appliqué pour l’essentiel les instructions que lui avait données sa société mère.

92      La Commission estime en revanche avoir suffisamment motivé la Décision sur ce point.

93      Le Tribunal rappelle que, lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application de l’article 81 CE concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction (arrêt du Tribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T‑38/92, Rec. p. II‑211, point 26).

94      Dans le cas d’espèce, aux considérants 278 à 284 de la Décision, la Commission a résumé, en référence à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les principes qu’elle entendait appliquer pour définir les destinataires de la Décision. En ce qui concerne spécifiquement la question de l’imputation du comportement d’ANC à Akzo, qui, comme la Commission l’a indiqué au considérant 310 de la Décision, était « une filiale à 100 % du groupe Akzo Nobel NV », la Commission a rappelé aux considérants 280, 281 et 310 de la Décision la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus et en a déduit, au considérant 310 de la Décision, qu’il y avait lieu de présumer qu’ANC avait appliqué pour l’essentiel les instructions que lui avait données sa société mère. En outre, aux considérants 300 et 301 de la Décision, la Commission a rappelé que, dans la communication des griefs, elle avait annoncé son intention de considérer Akzo et Avebe comme conjointement responsables de l’infraction pendant toute sa durée et qu’Akzo n’avait pas contesté ce point de vue.

95      Il en résulte que, loin de s’être limitée à une affirmation apodictique et vague, comme le soutient Akzo, la Commission a fourni une motivation précise en droit et en fait des raisons pour lesquelles elle avait décidé d’imputer le comportement d’ANC à Akzo.

96      En outre, il est de jurisprudence constante que la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l’acte en cause, mais aussi du contexte dans lequel cet acte a été adopté (voir, notamment, arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, point 45 supra, point 63, et Allemagne/Commission, point 45 supra, point 87). Or, les motifs de la Décision ayant trait à l’imputabilité du comportement d’ANC à Akzo sont également éclaircis par la communication des griefs qui fait partie du contexte dans lequel s’insère la Décision et duquel la requérante devait tirer des informations relatives à l’intention de la Commission de lui imputer le comportement d’ANC. En plus, étant donné que, dans sa réponse à la communication des griefs, Akzo avait elle-même explicitement affirmé, à cet égard, que l’infraction devait lui être imputée solidairement avec Avebe (voir point 85 ci-dessus), la Commission pouvait valablement supposer qu’Akzo était suffisamment avertie du contexte de la décision sur ce point précis.

97      Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

 Sur l’application d’un coefficient multiplicateur de 2,5

98      Akzo soulève des moyens tirés de la violation, premièrement, de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et, deuxièmement, de l’obligation de motivation.

 Sur la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

–       Arguments des parties

99      D’une part, Akzo fait valoir que, en appliquant au montant de départ un coefficient multiplicateur de 2,5 afin de tenir compte de sa taille et de ses ressources globales, la Commission a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 en ce qu’elle a déterminé les amendes non pas, comme le prévoit cette disposition, en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, mais par rapport au type d’entreprise ayant commis cette infraction.

100    Akzo soutient que, s’il est vrai que la Cour et le Tribunal ont jugé que, pour apprécier la gravité de l’infraction, la Commission doit prendre en compte un grand nombre d’éléments parmi lesquels figure la nécessité d’une portée dissuasive de l’amende, il n’en reste pas moins que ce raisonnement se réfère directement au critère de la gravité de l’infraction et non pas au type d’entreprise concernée. Elle souligne que ce dernier critère ne trouve pas son fondement dans l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et que, en imposant un plafond de 10 % du chiffre d’affaires à l’amende finale, le Conseil a déjà tenu compte de l’impact différent des amendes sur les entreprises en fonction de leur taille.

101    En se référant à l’arrêt LR AF 1998/Commission, point 57 supra (point 280), Akzo soutient également que, en fixant le coefficient multiplicateur sur la base d’un seul et unique élément, à savoir le chiffre d’affaires du groupe Akzo Nobel, la Commission a accordé un poids disproportionné à cet élément par rapport à l’importance qu’elle a attribuée à d’autres éléments sur la base desquels elle a évalué la gravité de l’infraction.

102    Akzo considère encore que, pour autant qu’il faille interpréter les trois derniers alinéas de la partie A « Gravité » des lignes directrices en ce sens qu’elles permettent à la Commission d’appliquer un coefficient multiplicateur tel que celui retenu en l’espèce, ces dispositions des lignes directrices enfreignent quant à elles l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et ne peuvent dès lors lui être opposées.

103    D’autre part, Akzo fait valoir que la Commission a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 en ce qu’elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 2,5 au montant de départ de l’amende retenue pour cette société, coefficient qui reposait sur la taille du groupe Akzo Nobel dans son ensemble.

104    Akzo fait observer que, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission doit fixer l’amende en fonction de la gravité de l’infraction et de la durée de celle-ci et non pas en fonction de l’impact économique de ces infractions.

105    Akzo admet que, dans son arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 37 supra, la Cour a jugé que le chiffre d’affaires global des entreprises concernées constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celles-ci et de leur puissance économique.

106    Toutefois, premièrement, l’application de la notion d’« entreprises » utilisée par la Cour dans cet arrêt ne serait pas évidente en l’espèce.

107    Deuxièmement, Akzo souligne que, dans l’arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 37 supra, la Cour a indiqué qu’il fallait également prendre en compte la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci. Or, dans la Décision, la Commission aurait méconnu le fait que ce critère présentait un intérêt plus direct que celui mentionné au point 104 ci-dessus, dans la mesure où il aurait un rapport direct avec les critères énoncés à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Ces considérations seraient d’autant plus importantes lorsque, comme dans le cas d’espèce, la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction par rapport au chiffre d’affaires global est de 0,05 %.

108    En ce qui concerne l’arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission (T‑31/99, Rec. p. II‑1881), Akzo souligne que le coefficient multiplicateur appliqué en l’espèce n’avait pas été fixé sur la base du chiffre d’affaires global du groupe. Il résulterait en revanche des points 164 et 165 de cet arrêt que le coefficient multiplicateur doit être fondé sur la taille de l’entreprise auteur de l’infraction présumée qui a été constatée par la Commission. En outre, elle invoque le fait que, dans cette affaire, le Tribunal a considéré, en réponse à l’argument d’ABB selon lequel la Commission n’aurait pu fixer l’amende (et appliquer le coefficient multiplicateur) que sur la base du chiffre d’affaires réalisé par la division du chauffage urbain du groupe, que la Commission paraissait avoir calculé correctement l’amende en fondant le coefficient multiplicateur sur la taille de l’ensemble du groupe ABB, et non pas uniquement sur celle de l’« entreprise » qu’aurait pu constituer la division du chauffage urbain d’ABB, au motif que la Commission avait, sur la base de nombreux éléments, constaté à bon droit que l’infraction devait être imputée au groupe ABB (point 163 de l’arrêt).

109    La Commission conclut au rejet du moyen.

–       Appréciation du Tribunal

110    En premier lieu, en ce qu’Akzo fait valoir que la Commission a fixé l’amende en fonction du type d’entreprise ayant commis l’infraction, il convient de constater que, aux considérants 334 à 371 de la Décision, la Commission a, dans une première étape de son analyse, considéré que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave, eu égard à sa nature, à son impact concret sur le marché du gluconate de sodium dans l’EEE et à l’étendue du marché géographique concerné, infraction qui avait affecté l’ensemble de l’EEE.

111    Ensuite, la Commission a procédé à un traitement différencié des entreprises concernées afin de tenir compte du poids spécifique de leur comportement sur la concurrence et s’est, à cet égard, fondée sur le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises concernées quant à la vente de gluconate de sodium au niveau mondial au cours de la dernière année de la période infractionnelle, à savoir l’année 1995 (voir, notamment, considérant 381 de la Décision). Au cours de cette étape de la fixation du montant de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission n’a donc pas tenu compte, contrairement à ce que soutient Akzo, du type d’entreprise ayant commis l’infraction, mais de l’importance desdites entreprises sur le marché spécifique.

112    Ce n’est que dans une dernière étape du calcul de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction que, conformément à la possible différenciation prévue par les lignes directrices, la Commission a tenu compte d’une certaine typologie des entreprises en cause. Cette typologie découle directement de la prise en compte de la taille et des ressources des entreprises en cause qui constituent des critères à prendre en compte afin d’assurer l’effet dissuasif des sanctions. En effet, la Commission a pris en compte, à ce stade, la taille et les ressources globales des groupes d’entreprises auxquels appartenaient les membres de l’entente en appliquant au montant de départ retenu pour certains d’entre eux, dont Akzo, un coefficient multiplicateur de 2,5 (considérant 388 de la Décision).

113    Or, ce faisant, elle n’a pas, contrairement à ce qu’affirme Akzo, fixé l’amende en fonction du type d’entreprise ayant commis l’infraction, mais en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction même si, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, elle a tenu compte de la taille et des ressources globales des entreprises concernées afin de garantir l’effet dissuasif des amendes devant être imposées. Dès lors, l’argumentation d’Akzo manque en fait.

114    En deuxième lieu, en ce qu’Akzo reproche à la Commission d’avoir commis des erreurs de droit en tenant compte de la taille et des ressources globales des entreprises concernées, il convient de noter qu’Akzo admet elle-même que, pour apprécier la gravité d’une infraction, la Commission doit prendre en compte un grand nombre d’éléments parmi lesquels figure la nécessité d’une portée dissuasive de l’amende. Or, la Commission est pleinement en droit, pour obtenir cet effet dissuasif, de déterminer le montant de l’amende selon des caractéristiques spécifiques à l’entreprise responsable de l’infraction.

115    En fixant le montant de départ de l’amende à un niveau plus élevé pour les entreprises ayant une part de marché relativement plus importante que les autres sur le marché concerné, la Commission a tenu compte de la responsabilité spécifique de l’entreprise au regard de l’exigence du maintien de la libre concurrence et a estimé qu’il s’agissait là d’un élément subjectif permettant de caractériser la gravité du comportement des entreprises concernées. En effet, cet élément reflète le niveau de responsabilité plus élevé, en cas de conclusion d’une entente, des entreprises ayant une part de marché relativement plus importante que les autres sur le marché concerné quant aux dommages causés à la concurrence.

116    Par ailleurs, dans ce contexte, la Commission a également pu raisonnablement prendre en compte l’existence, au sein de très grandes entreprises comme Akzo, de connaissances et d’infrastructures juridiques et économiques leur permettant de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence.

117    Ainsi, en ce qui concerne l’application d’un coefficient multiplicateur en fonction de la taille et des ressources globales des entreprises concernées, il convient de souligner que, en vertu d’une jurisprudence constante, la Commission, lorsqu’elle calcule l’amende d’une entreprise, peut prendre en considération, notamment, sa taille et sa puissance économique (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 37 supra, point 120, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T‑48/98, Rec. p. II‑3859, points 89 et 90). En outre, s’agissant de mesurer la capacité financière des membres d’une entente, la jurisprudence a reconnu la pertinence du chiffre d’affaires global (arrêt Sarrió/Commission, point 68 supra, points 85 et 86). Partant, en l’espèce, c’est à bon droit que la Commission a fait application d’un coefficient multiplicateur de 2,5 en guise d’appréciation de l’effet dissuasif de l’amende infligée en tenant compte de la taille et de la puissance économique de l’entreprise concernée.

118    C’est dès lors à juste titre que la Commission s’est fondée sur le chiffre d’affaires global d’Akzo pour fixer l’amende à un niveau suffisamment dissuasif et pour tenir compte de l’importance des infrastructures, en termes de conseil juridico-économique, dont disposent des groupes d’entreprises d’une telle taille. L’argumentation d’Akzo est donc également erronée en droit.

119    En troisième lieu, en ce qu’Akzo invoque l’illégalité des lignes directrices pour autant qu’elles permettent à la Commission d’appliquer un coefficient multiplicateur comme celui retenu en l’espèce, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que, suivant la méthode énoncée dans les lignes directrices, le calcul du montant des amendes est effectué en fonction des deux critères mentionnés à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, à savoir la gravité de l’infraction et la durée de celle-ci, tout en respectant la limite maximale par rapport au chiffre d’affaires de chaque entreprise établie par la même disposition et que, par conséquent, les lignes directrices ne vont pas au-delà du cadre juridique des sanctions défini par cette disposition, telle qu’interprétée par la jurisprudence du Tribunal (arrêt LR AF 1998/Commission, point 57 supra, points 219 à 232 ; arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, points 39 à 52 ; arrêt TACA, point 57 supra, point 1527). Or, Akzo n’a avancé aucun élément nouveau par rapport à ceux déjà rejetés par cette jurisprudence (voir points susmentionnés de ces arrêts).

120    En quatrième lieu, en ce qu’Akzo considère que, en tout état de cause, pour appliquer un coefficient de majoration comme celui retenu en l’espèce, la Commission ne pouvait pas tenir compte de la taille et des ressources globales du groupe Akzo Nobel NV auquel appartenait ANC, l’entreprise ayant commis l’infraction, mais tout au plus de l’importance du chiffre d’affaires réalisé par la vente du produit faisant l’objet de l’infraction, Akzo méconnaît le fait que la Commission a appliqué ce coefficient afin d’assurer aux amendes un caractère dissuasif. Or, en estimant, en l’espèce, que ce n’est qu’en se fondant sur la taille des ressources du groupe d’entreprises dans son ensemble que l’objectif de dissuasion des amendes peut être atteint, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation entraînant une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17.

121    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 comme non fondé.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

122    Akzo reproche à la Commission de ne pas avoir indiqué pourquoi elle avait appliqué un coefficient multiplicateur de 2,5 au montant de base de l’amende qu’elle lui a infligée, pourquoi ce coefficient était identique à celui appliqué à ADM et pourquoi il avait été fondé sur son chiffre d’affaires global et non pas sur 50 % du chiffre d’affaires annuel de Glucona. Dans ce contexte, Akzo fait observer que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 108 supra, la Commission avait appliqué le même coefficient multiplicateur que celui retenu en l’espèce mais avait fourni, dans cette autre affaire, une motivation détaillée à ce sujet.

123    La Commission conclut au rejet du moyen.

124    Le Tribunal observe, en se référant à la jurisprudence citée au point 68 ci-dessus, que, aux considérants 389 à 392 de la Décision, la Commission a expliqué sur la base de quels éléments d’appréciation elle avait mesuré la gravité et la durée de l’infraction, explications qui, d’ailleurs, ont permis à Akzo de soulever de nombreux griefs tirés de l’illégalité au fond de ces éléments et au juge communautaire d’exercer son contrôle.

125    En ce qui concerne l’importance du coefficient de majoration appliqué à Akzo, la Commission pouvait se limiter à invoquer la taille de cette entreprise, telle qu’elle ressort de façon approximative du chiffre d’affaires global réalisé par celle-ci, et à souligner la nécessité d’assurer le caractère dissuasif de l’amende. Il ne lui incombait pas, au titre de l’obligation de motivation, d’indiquer les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul sous-jacent à ce choix (voir, en ce sens, arrêt Sarrió/Commission, point 68 supra, point 80).

126    De même, c’est à tort qu’Akzo reproche à la Commission de ne pas avoir indiqué les raisons pour lesquelles le coefficient de majoration appliqué au montant de départ de l’amende qui lui a été infligée était identique à celui retenu pour ADM. La Commission n’était en effet pas tenue de préciser l’importance de ce coefficient en répercutant exactement le rapport existant entre les différents groupes d’entreprises auxquels appartenaient les membres de l’entente. L’objectif de ce coefficient était plutôt, ainsi qu’il ressort des considérants 386 à 388 de la Décision, de fixer l’amende à un niveau suffisamment dissuasif et de tenir compte de l’importance des infrastructures en termes de conseil juridico-économique dont disposent des groupes d’entreprises d’une telle taille. En fournissant ce raisonnement, la Commission a indiqué de façon suffisante que c’était sur la base de la taille et des ressources des groupes d’entreprises et non pas des entreprises appartenant à ces groupes qu’elle entendait apprécier le caractère dissuasif du montant de l’amende.

127    En outre, force est de constater que l’application d’un coefficient multiplicateur constitue une application de la différenciation visée par les lignes directrices. La Décision a donc été adoptée dans un contexte bien connu d’Akzo.

128    Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner si, comme le soutient Akzo, dans d’autres affaires, la Commission avait fourni une motivation plus détaillée quant au choix du coefficient multiplicateur appliqué, il convient de constater que, en l’espèce, la Commission a fourni une motivation suffisante.

129    Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

130    Aucun des moyens soulevés à l’encontre de la légalité de la Décision n’ayant été retenu, il ne convient dès lors pas, en vertu des pouvoirs de pleine juridiction qui sont attribués au Tribunal, de réduire le montant de l’amende imposée à la requérante dans la Décision et le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

131    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la défenderesse.

132    Dans la mesure où le recours est rejeté dans son ensemble (voir point 130128 ci-dessus), le chef de conclusions présenté par Akzo visant à ce que le Tribunal condamne la Commission au paiement des intérêts et des frais de la garantie bancaire (voir point 27 ci-dessus) doit être rejeté comme inopérant.

133    En tout état de cause, il convient de rappeler que les frais occasionnés pour une entreprise par la constitution et le maintien d’une garantie bancaire pour éviter l’exécution forcée d’une décision de la Commission à son égard ne constituent pas des frais exposés aux fins de la procédure, au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure. De même, doit être rejetée la demande d’une entreprise visant à la condamnation de la Commission au remboursement des dépenses auxquelles elle a dû faire face pendant la procédure administrative en matière de concurrence. En effet, si, aux termes de l’article 91 du règlement de procédure, « sont considérés comme dépens récupérables [...] les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure », cette disposition ne vise, par « procédure », que la procédure devant le Tribunal, à l’exclusion de la phase précontentieuse (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 5133 et 5134, et la jurisprudence y citée).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Akzo Nobel NV est condamnée aux dépens.

Azizi

Jaeger

Dehousse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Azizi

Table des matières

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la fixation du montant de départ pour le calcul des amendes infligées à l’ensemble des parties à l’entente

Sur la violation du principe de proportionnalité

Sur la violation de l’obligation de motivation

Sur la classification des participants à l’entente

Sur la violation du principe de proportionnalité

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la violation de l’obligation de motivation

Sur la prise en compte du chiffre d’affaires d’Akzo

Sur la violation de l’article 81 CE

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la violation de l’obligation de motivation

Sur l’application d’un coefficient multiplicateur de 2,5

Sur la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la violation de l’obligation de motivation

Sur les dépens


* Langue de procédure: le néerlandais.