Language of document : ECLI:EU:T:2022:812

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 décembre 2022 (*)

« Aides d’État – Secteur portuaire – Régime d’exonération de l’impôt sur les sociétés mis à exécution par l’Espagne en faveur des ports dans la province de Biscaye – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Aide existante – Avantage – Charge de la preuve – Caractère sélectif – Affectation des échanges entre États membres – Distorsion de concurrence – Mesures utiles »

Dans l’affaire T‑126/20,

Autoridad Portuaria de Bilbao, établie à Bilbao (Espagne), représentée par Mes D. Sarmiento Ramírez-Escudero et X. Codina García-Andrade, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Stromsky, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg (rapporteur) et R. Mastroianni, juges,

greffier : Mme P. Núñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Autoridad Portuaria de Bilbao (autorité portuaire de Bilbao, Espagne), demande l’annulation, premièrement, de la décision C(2018) 8676 final de la Commission européenne, du 8 janvier 2019, concernant l’aide d’État SA.38397 (2018/E) – Fiscalité des ports en Espagne, par laquelle la Commission a conclu que les aides d’État sous la forme d’exemptions de l’impôt sur les sociétés accordées par le Royaume d’Espagne à ses autorités portuaires étaient des aides existantes incompatibles avec le marché intérieur et a proposé des « mesures utiles », conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE (ci-après la « décision du 8 janvier 2019 »), deuxièmement, de la décision C(2019) 1765 final de la Commission, du 7 mars 2019, concernant l’aide d’État SA.38397 (2018/E) – Fiscalité des ports en Espagne, par laquelle la Commission a corrigé sa proposition de mesures utiles, et, troisièmement, de la décision C(2019) 8068 final de la Commission, du 15 novembre 2019, concernant l’aide d’État SA.38397 (2018/E) – Exonération de l’impôt sur les sociétés applicable aux autorités portuaires en Espagne – Décision de prendre acte de l’acceptation des mesures utiles proposées (aide existante), conformément à l’article 23 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), par laquelle la Commission a pris acte du fait que le Royaume d’Espagne avait accepté les mesures utiles proposées (ci-après la « décision du 15 novembre 2019 ») (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

 Antécédents du litige

2        Le présent litige porte, en substance, sur la reconnaissance par la Commission du caractère d’aides existantes incompatibles avec le marché intérieur de l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés accordée aux bénéfices générés par les autorités portuaires du Pays basque, incluant le territoire historique de Guipuscoa et le territoire historique de Biscaye (ci-après l’« exonération fiscale de Biscaye »), et de l’exonération partielle de l’impôt sur les sociétés accordée aux bénéfices générés par les autorités portuaires du reste de l’Espagne (ci-après l’« exonération étatique ») (ci-après, prises ensemble, les « exonérations fiscales »).

 Autorités portuaires espagnoles

3        Les ports espagnols sont gérés par leurs autorités portuaires respectives, qui sont des organismes publics dotés d’un degré élevé d’autonomie financière, fonctionnelle et administrative. Ces autorités sont soumises au Real Decreto Legislativo 2/2011 por el que se aprueba el Texto Refundido de la Ley de Puertos del Estado y de la Marina Mercante (décret royal législatif 2/2011, portant approbation du texte refondu de la loi relative aux ports de l’État et à la marine marchande), du 5 septembre 2011 (BOE nº 253, du 20 octobre 2011, p. 109456) (ci-après le « décret 2/2011 »).

4        En application de l’article 24 du décret 2/2011, la requérante est un organisme public doté de la personnalité morale et d’un patrimoine propre indépendant du patrimoine de l’État, ayant la pleine capacité d’agir pour la réalisation de ses objectifs, soumis au droit privé, sauf dans l’exercice des fonctions publiques qui lui sont conférées, et qui exerce ses fonctions en vertu du principe général d’autonomie fonctionnelle et de gestion.

5        En vertu de l’article 25 du décret 2/2011, les compétences suivantes incombent aux autorités portuaires : « a) la fourniture des services généraux, ainsi que la gestion et le contrôle des services portuaires [...] ; b) la régulation de la zone de service du port et des utilisations portuaires [...] ; c) la planification, la conception, la construction, la préservation et l’exploitation des ouvrages et services portuaires, ainsi que des signaux maritimes qui leur sont confiés ; d) la gestion du domaine public portuaire et des signaux maritimes dont elles sont chargées ; e) l’optimisation de la gestion économique et de la rentabilité des actifs et des ressources qui leur sont attribués ; f) la promotion des activités industrielles et commerciales liées au trafic maritime ou portuaire ; g) la coordination des opérations des différents modes de transport dans la zone portuaire ; h) la régulation et la coordination du trafic portuaire [...] ».

6        Selon l’article 26 du décret 2/2011, les autorités portuaires sont également compétentes pour « b) gérer les services généraux et les services de signalisation maritime, autoriser et contrôler les services portuaires et les opérations et activités nécessitant leur autorisation ou leur concession ; [...] f) concevoir et réaliser les travaux nécessaires dans le cadre des plans et programmes adoptés ; [...] j) contrôler dans le secteur portuaire le respect de la réglementation [...] ; k) décider librement des tarifs des services commerciaux qu’elles fournissent, ainsi que procéder à leur application et à leur recouvrement ; l) accorder les concessions et les autorisations et établir et tenir à jour le recensement et l’enregistrement des utilisations du domaine public portuaire, ainsi qu’octroyer les licences pour la prestation de services portuaires dans la zone de service du port ; m) percevoir les taxes au titre des concessions et autorisations octroyées, contrôler le respect des clauses et conditions imposées dans l’acte d’octroi, appliquer le régime de sanctions et prendre toute mesure nécessaire à la protection et à la bonne gestion du domaine public portuaire ; [...] q) l’installation et l’entretien de la signalisation, du balisage et des autres aides à la navigation permettant l’approche et l’accès du navire au port ou aux ports qu’elles gèrent, ainsi que le balisage intérieur dans les zones communes [...] ».

7        En vertu de l’article 104, paragraphe 3, du décret 2/2011, les services fournis dans les principaux ports espagnols sont classés en services généraux, services portuaires, services commerciaux ou services de signalisation maritime. Les services généraux sont ceux qui sont nécessaires à l’exercice des fonctions des autorités portuaires. Les autorités portuaires fournissent des services généraux et sont habilitées à en confier la gestion à des tiers, à condition que la sécurité ne soit pas compromise et que cela n’implique pas l’exercice de pouvoirs d’autorité, et des services de signalisation maritime, tandis que les opérateurs privés offrent des services portuaires et des services commerciaux.

8        Aux termes de l’article 27 du décret 2/1011, les ressources économiques des autorités portuaires sont constituées par :

a)      les produits et les revenus de leurs actifs, ainsi que les revenus de la cession de leurs actifs ;

b)      les taxes portuaires ;

c)      les recettes ayant le caractère de ressources de droit privé obtenues dans l’exercice de leurs fonctions ;

d)      les contributions reçues du fonds de compensation interportuaire ;

e)      les ressources économiques qu’elles sont susceptibles de se voir accorder par le budget général de l’État ou par les budgets d’autres administrations publiques ;

f)      les aides et les subventions, quelle que soit leur origine ;

g)      les ressources économiques provenant de crédits, de prêts et d’autres opérations financières qu’elles sont susceptibles de conclure ;

h)      le produit de l’application du régime de sanctions ;

i)      les dons, les legs et les autres contributions de particuliers et d’entités privées ;

j)      toute autre ressource économique qui leur est attribuée en droit.

 Principe d’autosuffisance

9        En vertu de l’article 156 du décret 2/2011, le régime économique des ports relevant de la compétence de l’État doit respecter le principe d’autosuffisance économique du système portuaire. De plus, cet article dispose que les recettes provenant des taxes portuaires doivent couvrir à tout le moins les frais nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, les charges fiscales, l’amortissement de leurs biens et installations ainsi qu’un rendement de 2,5 % sur la valeur nette moyenne des actifs à long terme.

10      L’article 156, paragraphe 1 et 2, du décret 2/2011 dispose que « [l]e régime économique des ports relevant de la compétence de l’État doit respecter le principe d’autosuffisance économique du système portuaire dans son ensemble et de chacune des autorités portuaires dans le cadre de l’autonomie de gestion économique et financière des organismes publics portuaires » et que les recettes provenant des taxes portuaires doivent couvrir à tout le moins les éléments suivants :

a)      les frais d’exploitation, les frais financiers et les autres frais nécessaires à l’exercice de leurs fonctions ;

b)      les charges fiscales ;

c)      l’amortissement de leurs biens et de leurs installations ;

d)      un rendement raisonnable (de 2,5 % sur la valeur nette moyenne des actifs à long terme).

11      L’autosuffisance repose sur les plans d’entreprise convenus entre l’organisme public Puertos del Estado (Ports de l’État, Espagne) et chaque autorité portuaire.

12      Ainsi que le prévoit l’article 156, paragraphe 3, du décret 2/2011, les plans d’entreprise prennent en considération « les objectifs de rendement annuel, le rendement des actifs nets moyens jugé raisonnable et les autres objectifs de gestion, en tenant compte de l’évolution prévisible de la demande, des besoins d’investissement de chaque autorité portuaire découlant de la demande, de leurs caractéristiques physiques et conditions spécifiques, notamment celles tenant à l’insularité ainsi qu’à des situations particulièrement isolées et ultrapériphériques, et de leur position concurrentielle, eu égard à l’objectif de rendement annuel fixé pour l’ensemble du système portuaire ».

13      L’article 156, paragraphe 3, in fine, du décret 2/2011 fixe quant à lui un objectif de rendement annuel de l’ensemble du système en fonction de critères de politique économique et de transports, de l’évolution des frais logistiques et portuaires, des besoins d’investissement du système, de l’évolution prévisible de la demande et de la durabilité de l’activité portuaire.

 Règles fiscales en cause

14      Conformément à l’article 2 de la Ley 27/2014 del Impuesto sobre Sociedades (loi 27/2014, relative à l’impôt sur les sociétés), du 27 novembre 2014 (BOE no 288, du 28 novembre 2014, p. 96939) (ci-après la « LIS »), l’impôt sur les sociétés « s’applique à tout le territoire espagnol, [...] sans préjudice des régimes fiscaux régionaux de concertation et de convention économiques en vigueur, [et] sur les territoires historiques de la communauté autonome du Pays basque ».

15      La Ley Orgánica 3/1979 de Estatuto de Autonomía para el País Vasco (loi organique espagnole 3/1979, relative au statut d’autonomie du Pays basque), du 18 décembre 1979 (BOE no 306, du 22 décembre 1979, p. 29357), autorise le Pays basque à légiférer en matière de fiscalité directe, notamment en matière d’impôt sur les sociétés.

16      L’objectif de la LIS est d’imposer les revenus obtenus dans l’exercice d’« activités économiques », terme qui renvoie, selon l’article 5 de ladite loi, à l’organisation pour son propre compte des moyens de production et des ressources humaines, ou de l’un de ces deux éléments, dans le but d’intervenir dans la production ou dans la distribution de biens ou de services.

17      Ainsi, aux termes de l’article 1er de la LIS ainsi que de l’article 1er de la Norma Foral 11/2013 del Impuesto sobre Sociedades (loi forale 1/2013, relative à l’impôt sur les sociétés), du 5 décembre 1993 (ci-après la « loi forale 11/2013 »), « [l]’impôt sur les sociétés est un impôt direct et personnel grevant le revenu des sociétés et des autres entités juridiques ». En vertu de l’article 4 de la LIS et de l’article 8 de la loi forale 11/2013, « [l]e fait générateur de l’impôt est la perception par le contribuable de revenus, quelle qu’en soit la source ou l’origine ». La loi forale 11/2013 est applicable au territoire historique de Biscaye.

18      Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la loi forale 11/2013, les autorités portuaires du territoire historique de Biscaye, où se situe le port de Bilbao, sont entièrement exonérées de l’impôt sur les sociétés. Actuellement, la requérante est la seule autorité portuaire dans le territoire historique de Biscaye et, partant, la seule bénéficiaire de cette disposition.

 Procédure devant la Commission

19      En juillet 2013, la Commission a envoyé aux États membres un questionnaire afin d’obtenir une vue d’ensemble du fonctionnement des ports et des régimes d’impôt sur les sociétés qui leur étaient applicables.

20      Par la suite, la Commission a échangé plusieurs courriers relatifs à cette question avec les autorités espagnoles concernées.

21      Le 17 avril 2018, la Commission a informé les autorités espagnoles concernées de son avis préliminaire, selon lequel les exonérations fiscales semblaient constituer des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

22      La Commission a donné la possibilité aux autorités espagnoles concernées de présenter leurs observations sur cette évaluation préliminaire, en vertu de l’article 21, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.

23      Par lettres des 13 et 23 août 2018, les autorités espagnoles concernées ont transmis leurs observations et ont proposé de supprimer les mesures existantes et de les remplacer par une déduction fiscale d’un montant équivalent aux sommes investies dans les infrastructures portuaires.

24      Dans la décision du 8 janvier 2019, la Commission a conclu que les exonérations fiscales étaient des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que ces mesures constituaient des aides existantes au sens du règlement 2015/1589. Elle a proposé aux autorités espagnoles d’adopter des mesures garantissant que les autorités portuaires qui exerçaient des activités économiques soient soumises à l’impôt sur les sociétés au même titre que les autres entreprises.

25      Dans la décision C(2019) 1765 final de la Commission, du 7 mars 2019, concernant l’aide d’État SA.38397 (2018/E) – Fiscalité des ports en Espagne, la Commission a corrigé une erreur figurant dans la proposition des mesures utiles du 8 janvier 2019.

26      Par lettre du 7 octobre 2019, le Royaume d’Espagne a indiqué qu’il acceptait sans condition les mesures utiles proposées. Les exonérations fiscales ont ainsi été abrogées.

27      Dans la décision du 15 novembre 2019, la Commission a pris acte de l’acceptation des mesures proposées.

28      En ce qui concerne l’exonération fiscale de Biscaye, la Norma Foral 2/2020 por la que se modifica la Norma Foral 11/2013 (loi forale 2/2020, modifiant la loi forale 11/2013), du 18 mars 2020, a adapté la loi forale 11/2013 aux mesures utiles proposées par la Commission dans la décision du 8 janvier 2019. En particulier, la Diputación Foral de Bizkaia (conseil foral de Biscaye, Espagne) a supprimé l’exonération susmentionnée et a instauré une déduction du montant total pour certains types d’investissements qui ne constituaient pas une aide d’État ou qui constituaient une aide d’État compatible avec le marché intérieur.

29      Le 19 décembre 2019, le conseil foral de Biscaye a envoyé à la requérante une copie des décisions attaquées.

 Conclusions des parties

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours concernant l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés accordée aux bénéfices générés par les autorités portuaires du territoire historique de Guipuscoa et l’exonération étatique comme irrecevable ;

–        en tout état de cause, rejeter le recours au fond ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la délimitation du recours

32      Conformément à ses écritures, la requérante doit être regardée comme demandant l’annulation des décisions attaquées en ce qui concerne l’exonération fiscale de Biscaye.

 Sur le fond

33      À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, notamment, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Premièrement, la requérante considère que l’exonération fiscale de Biscaye ne constitue pas un avantage. Deuxièmement, la Commission n’aurait pas procédé à une analyse complète des données disponibles lorsqu’elle a examiné l’existence d’un avantage et cela constituerait une violation de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Troisièmement, l’exonération fiscale de Biscaye ne fausserait pas la concurrence et n’affecterait pas les échanges entre États membres. Quatrièmement, l’exonération fiscale de Biscaye ne serait pas sélective. Enfin, cinquièmement, la requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que l’exonération fiscale de Biscaye serait compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

34      Ces moyens seront examinés dans l’ordre indiqué ci-dessus, sauf le quatrième moyen, que le Tribunal estime opportun d’examiner avant le troisième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré du fait que l’exonération fiscale de Biscaye ne constituerait pas un avantage

35      La requérante fait valoir que l’exonération fiscale de Biscaye ne constitue pas un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

36      Selon elle, l’exonération fiscale de Biscaye doit être appréciée dans le cadre du système portuaire espagnol, qui établit un principe d’autosuffisance ou d’autofinancement. Ce principe, énoncé à l’article 156 du décret 2/2011, établit que les recettes provenant des activités ordinaires du système étatique et de chaque autorité portuaire doivent être utilisées pour couvrir les coûts d’exploitation, les frais financiers, les charges fiscales et l’amortissement des biens et des installations, tout en dégageant un rendement permettant de nouveaux investissements. Cela exclurait que les ports, par le prélèvement de taxes, soient en mesure de générer des bénéfices pouvant être utilisés à d’autres fins.

37      Dès lors, l’exonération fiscale de Biscaye ne serait pas un avantage, puisque, avec ces recettes, les organismes portuaires auraient à supporter des investissements dans les infrastructures essentielles qui devraient être financés par le budget de l’État si un autre système était appliqué. La requérante fait valoir qu’elle procède ainsi à des améliorations d’infrastructures qui, si elles ont une incidence sur l’activité économique, sont également d’intérêt général.

38      En outre, de tels investissements financés par les pouvoirs publics ne constitueraient pas une aide d’État eu égard à une grille d’analyse de la Commission pour les infrastructures portuaires établie par ses services et qui aurait été rendue publique sur le site Internet de celle-ci. Par conséquent, appréhender les exonérations fiscales comme une aide d’État créerait un désavantage comparatif avec le modèle d’autres pays, où, dans certains cas, l’État supporterait le coût des investissements liés aux ports et où, en même temps, une exonération fiscale serait appliquée.

39      En somme, la requérante considère que le principe d’autosuffisance consiste en un ensemble cohérent de mesures dont l’exonération partielle ou totale de l’impôt sur les sociétés fait partie. Le régime fiscal devrait être appréhendé globalement, en tenant compte des obligations imposées par la législation portuaire.

40      Par ailleurs, l’exonération fiscale de Biscaye ne constituerait pas un avantage au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), étant donné qu’elle consisterait en une compensation des prestations effectuées par la requérante pour exécuter des obligations de service public, en l’occurrence la gestion d’un port d’intérêt général. Premièrement, la requérante serait chargée d’obligations de service public clairement définies. Deuxièmement, les paramètres définissant sa compensation seraient établis de manière objective et transparente, évitant tout avantage économique. Troisièmement, les exonérations fiscales étant inférieures aux coûts des investissements, la compensation ne dépasserait pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public. Quatrièmement, la compensation ne dépasserait pas ce qui est nécessaire à une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée, afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises.

41      La Commission conteste les arguments de la requérante.

42      Selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêts du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 53, et du 20 septembre 2019, Havenbedrijf Antwerpen et Maatschappij van de Brugse Zeehaven/Commission, T‑696/17, EU:T:2019:652, point 125).

43      Sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 58 et jurisprudence citée).

44      L’article 107 TFUE ne distingue pas les interventions étatiques sur la base de leurs causes ou de leurs objectifs, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 27 ; voir, également, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 87 et jurisprudence citée).

45      En l’espèce, la requérante ne conteste pas que ses activités sont de nature économique et, partant, qu’elle est une entreprise au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il est également constant entre les parties que l’exonération fiscale de Biscaye est accordée au moyen de ressources d’État et est donc imputable à l’État espagnol.

46      Pour établir l’existence d’un avantage, la Commission doit démontrer que l’exonération fiscale de Biscaye améliore la situation financière du bénéficiaire, sans qu’elle se justifie par la nature ou par l’économie de ce système d’impôts (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 33).

47      En outre, dans le cas d’une décision portant sur un régime d’aides, la Commission peut se borner à examiner, de manière générale et abstraite, les caractéristiques du régime en cause pour apprécier si, en raison des modalités que ce programme prévoit, celui-ci constitue, en principe, une aide d’État pour ses bénéficiaires. Ainsi, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse concrète de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63, et du 20 septembre 2019, Havenbedrijf Antwerpen et Maatschappij van de Brugse Zeehaven/Commission, T‑696/17, EU:T:2019:652, point 65).

48      À titre liminaire, et avant d’apprécier si la Commission a, à juste titre, conclu, dans les décisions attaquées, à la présence d’un avantage et à sa sélectivité quant à l’exonération fiscale de Biscaye, il convient d’examiner si ladite exonération constitue un régime d’aides ou une aide individuelle.

49      Selon l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, un « régime d’aides » est défini comme toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition, et toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou plusieurs entreprises pour une période indéterminée ou pour un montant indéterminé.

50      En revanche, une « aide individuelle » désigne, conformément à l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589, une aide qui n’est pas accordée sur la base d’un régime d’aides ou qui est accordée sur la base d’un régime d’aides, mais qui devrait être notifiée.

51      Ainsi, la qualification d’une mesure étatique en tant que régime d’aides visé à la première partie de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 présuppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises sur le fondement d’une disposition. Deuxièmement, aucune mesure d’application supplémentaire n’est requise pour l’octroi de ces aides. Troisièmement, les entreprises auxquelles les aides individuelles peuvent être octroyées doivent être définies « de manière générale et abstraite » (arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C‑337/19 P, EU:C:2021:741, point 60).

52      En ce qui concerne la première condition, selon laquelle les aides doivent être octroyées sur le fondement d’une disposition, il ne fait aucun doute que l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la loi forale 11/2013 constitue une disposition sur laquelle se fonde l’aide aux fins de la définition figurant à l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589.

53      En ce qui concerne la deuxième condition, selon laquelle aucune mesure d’application supplémentaire n’est requise pour l’octroi des aides en cause, l’existence de mesures d’application supplémentaires implique l’exercice d’un pouvoir d’appréciation par l’autorité fiscale adoptant les mesures en cause, lui permettant d’influer sur le montant de l’aide, sur les caractéristiques de celle-ci ou sur les conditions dans lesquelles cette aide est octroyée. En revanche, la simple application technique des actes prévoyant l’octroi des aides concernées ne constitue pas une mesure d’application supplémentaire, au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 (arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C‑337/19 P, EU:C:2021:741, point 105).

54      En l’espèce, les mesures d’aides consistent en une exonération totale de l’impôt sur les sociétés et leur application n’exige pas de mesures impliquant l’exercice d’un pouvoir d’appréciation par l’autorité fiscale, lui permettant d’influer sur le montant de l’aide, les caractéristiques de celle-ci ou les conditions dans lesquelles cette aide est octroyée. La deuxième condition prévue à l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 est donc remplie.

55      En ce qui concerne la troisième condition, selon laquelle les entreprises auxquelles les aides individuelles peuvent être octroyées doivent être définies de manière générale et abstraite, il convient de relever qu’elle est également remplie.

56      En effet, l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la loi forale 11/2013 fait référence aux « autorités portuaires » et détermine donc en soi les bénéficiaires des mesures d’aides d’une manière générale et abstraite.

57      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’exonération fiscale de Biscaye constitue un régime d’aides au sens de la première partie de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589.

58      En tout état de cause, et à supposer que le bénéficiaire de l’aide en question pouvait être identifié en l’espèce, ainsi que l’a souligné la Commission en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la seconde partie de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 prévoit expressément qu’il peut exister des régimes d’aides dans lesquels une aide est accordée à une entreprise déterminée, lorsque trois conditions sont réunies.

59      Premièrement, une aide peut être octroyée sur le fondement d’une disposition. Deuxièmement, cette aide ne doit pas être liée à un projet spécifique. Enfin, la troisième condition exige que ladite aide soit accordée pour une période indéterminée ou pour un montant indéterminé.

60      À cet égard, la première condition figurant dans la seconde partie de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 est la même que celle figurant dans la première partie dudit article. Comme indiqué au point 52 ci-dessus, cette condition est remplie en l’espèce.

61      La deuxième condition est également remplie dans le cas d’espèce, dans la mesure où l’exonération fiscale de Biscaye est une aide au fonctionnement qui n’est liée à aucun projet.

62      Enfin, il y a lieu d’examiner si la troisième condition de la définition d’un régime d’aides figurant dans la seconde partie de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, à savoir que l’aide soit accordée pour une période indéterminée ou pour un montant indéterminé, est remplie dans le cas d’espèce.

63      À cet égard, il y a lieu de constater que l’exonération fiscale de Biscaye est prévue pour une période indéterminée par la loi forale 11/2013. De même, il s’agit d’une exonération dont le montant n’est pas limité dans le temps et qui s’applique de manière générale à l’ensemble des bénéfices réalisés par les bénéficiaires, quels qu’en soient le montant ou la destination. En effet, la mesure en cause est une aide qui s’applique sur une base annuelle ou périodique et elle est donc de nature à conférer à 1’avenir un avantage économique à la requérante en fonction de paramètres variables dans le temps, sans pour autant faire référence à des activités économiques ou non économiques.

64      Partant, l’exonération fiscale de Biscaye constitue, en tout état de cause, également un régime d’aides au sens de la seconde partie de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589.

65      Ainsi, la jurisprudence, citée au point 47 ci-dessus, qui précise que, lorsqu’il s’agit d’un régime d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse concrète de l’aide octroyée dans chaque cas individuel dans le cadre d’une analyse prospective, s’applique au cas d’espèce.

66      Dans la décision du 8 janvier 2019, la Commission a conclu que l’avantage accordé aux ports espagnols consistait en un allègement des charges fiscales qui grevaient normalement ses budgets. La requérante ne conteste pas ce fait, dans la mesure où elle affirme dans la requête qu’elle aurait dû se voir imposer un montant de 6,41 millions d’euros pendant les années 2015-2019 sans l’exonération fiscale de Biscaye.

67      Il y a ainsi lieu de constater que l’exonération fiscale de Biscaye allège la requérante des charges fiscales qui grèveraient normalement son budget.

68      Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle l’exonération fiscale de Biscaye doit être appréciée conjointement avec le principe d’autosuffisance du système portuaire prévu par l’article 156 du décret 2/2011, il est nécessaire, aux fins de l’examen des différents éléments constitutifs d’une mesure susceptible de comporter une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de considérer tous les éléments de droit ou de fait dont cette mesure est assortie, notamment les bénéfices et les charges en résultant, et, partant, d’effectuer une appréciation de ladite mesure dans son ensemble en tenant compte de toutes les caractéristiques qui lui sont propres (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 63 et jurisprudence citée).

69      À cet égard, la Commission a l’obligation d’envisager globalement les mesures complexes pour déterminer si celles-ci confèrent à l’entreprise bénéficiaire un avantage économique que celle-ci n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêt du 30 novembre 2009, France et France Télécom/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, EU:T:2009:474, point 199).

70      En l’espèce, premièrement, l’exonération fiscale de Biscaye et le principe d’autosuffisance ont été instaurés par des règles de nature différente. L’exonération fiscale est une règle de nature fiscale, tandis que le principe d’autosuffisance fait partie des règles portuaires espagnoles. Deuxièmement, le champ d’application des systèmes en question n’est pas le même. L’exonération fiscale de Biscaye ne s’applique que dans ce territoire historique et est une exonération totale au regard des bénéfices des autorités portuaires, différent de l’exonération étatique, qui est une exonération partielle couvrant seulement une partie des bénéfices. À l’inverse, le principe d’autosuffisance est d’application générale dans tous les ports d’intérêt général en Espagne, quel que soit le régime fiscal auquel ils sont soumis. Troisièmement, il s’agit de systèmes de règles qui peuvent exister et s’appliquer les unes sans les autres.

71      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’exonération fiscale de Biscaye n’a pour objectif que de compenser le désavantage structurel auquel elle fait face, à savoir l’obligation de financer des investissements d’intérêt général, l’article 107 TFUE ne distingue pas les interventions étatiques sur la base de leurs causes ou de leurs objectifs, mais les définit en fonction de leurs effets (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 27).

72      En outre, le Tribunal a déjà tranché des questions similaires dans les affaires portant sur la fiscalité des ports belges, dans lesquelles il a conclu que d’autres entreprises réinvestissaient également leur profit, poursuivaient des objectifs dépassant leur intérêt individuel ou généraient des effets sur l’économie dépassant leur intérêt individuel sans être exonérées (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Havenbedrijf Antwerpen et Maatschappij van de Brugse Zeehaven/Commission, T‑696/17, EU:T:2019:652, point 178).

73      De plus, la requérante n’a nullement identifié en quoi l’appréhension des exonérations fiscales comme une aide d’État créerait un désavantage comparatif avec le modèle suivi par d’autres pays. À cet égard, la violation éventuelle par un État membre d’une obligation lui incombant en vertu du traité FUE, notamment de l’interdiction de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne saurait en tout état de cause être justifiée par la circonstance selon laquelle d’autres États membres manqueraient également à cette obligation. L’effet de plusieurs distorsions de concurrence sur les échanges entre États membres n’est pas de se neutraliser mutuellement, mais il est, au contraire, de nature cumulative, ce qui augmente les conséquences nuisibles pour le marché intérieur (arrêts du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, EU:C:1977:52, point 24, et du 31 mai 2018, Groningen Seaports e.a./Commission, T‑160/16, non publié, EU:T:2018:317, point 97).

74      Quant à l’argument de la requérante selon lequel le Royaume d’Espagne, en l’absence de régime d’autosuffisance financière, devrait prendre en charge la majeure partie des investissements d’infrastructures portuaires et selon lequel, dans un tel cas de figure, ce financement ne constituerait pas une aide d’État parce que certains investissements publics portuaires sont directement exclus de la notion d’aide d’État, en particulier lorsque les infrastructures sont destinées au développement d’activités non économiques, force est de constater, comme le fait valoir à juste titre la Commission, qu’il s’agit d’une situation hypothétique.

75      Par ailleurs, l’exonération fiscale de Biscaye ou l’article 156 du décret 2/2011 n’opèrent aucune distinction entre les infrastructures destinées à des activités économiques et les infrastructures destinées à des activités non économiques. Le fait que les ports peuvent procéder à des investissements dans des infrastructures non économiques est donc dénué de pertinence.

76      En ce qui concerne, enfin, la question de savoir si l’exonération fiscale de Biscaye remplit les quatre conditions établies par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415) (ci-après les « conditions Altmark »), rappelées au point 40 ci-dessus, la Commission a, dans la décision du 8 janvier 2019, à juste titre, retenu que les conditions Altmark n’étaient pas remplies.

77      Ainsi, en ce qui concerne les deux premières des conditions Altmark, force est de constater que l’exonération fiscale de Biscaye ne contient ni une définition des obligations de service public pesant sur les autorités portuaires espagnoles ni un calcul objectif et transparent de la compensation pour l’exécution de tels services d’intérêt général.

78      En ce qui concerne la troisième des conditions Altmark, il convient de constater qu’il n’existe, dans le régime d’impôts en question, aucun rapport entre l’exonération fiscale et l’étendue des services d’intérêt général et que la requérante n’a ainsi pas prouvé que cette condition était remplie. La même conclusion s’impose quant à la quatrième condition Altmark, étant donné que la requérante se borne à affirmer, sans produire de preuves convaincantes à cet égard, que la compensation résultant de l’exonération fiscale ne dépassait pas celle qu’exige une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences des services d’intérêt public requises.

79      Il ressort de ce qui précède que l’exonération fiscale de Biscaye est susceptible de procurer un avantage à la requérante. Ainsi, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence d’analyse complète des données disponibles lors de l’examen de l’existence d’un avantage

80      La requérante fait valoir que la Commission a procédé à une analyse incomplète lorsqu’elle a considéré que l’exonération fiscale de Biscaye constituait un avantage accordé aux autorités portuaires, en violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lu conjointement avec l’article 296 TFUE et l’article 41 de la Charte.

81      Elle estime que les autorités espagnoles avaient fourni à la Commission des éléments qui n’ont pas été pris en considération, alors que cette dernière aurait été tenue d’y répondre en raison du caractère contradictoire de la procédure de coopération et du principe de bonne administration. Elle rappelle que les autorités espagnoles avaient souligné qu’il convenait de comparer l’imposition à laquelle le système portuaire espagnol aurait été théoriquement soumis et les montants investis qui auraient pu être financés par le budget général. En outre, le système portuaire espagnol offrirait de nombreux exemples de financement par les autorités portuaires d’investissements d’intérêt général qui justifieraient l’exonération fiscale de Biscaye.

82      En démontrant que l’exonération fiscale de Biscaye ne constituait pas un avantage économique, le Royaume d’Espagne aurait transféré la charge de la preuve à la Commission, qui aurait été tenue d’analyser tous les éléments pertinents afin de déterminer pourquoi ces éléments ne remettaient pas en cause son analyse.

83      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

84      Selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue, dans le cas d’une décision portant sur un régime d’aides, d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime (arrêts du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63, et du 20 septembre 2019, Havenbedrijf Antwerpen et Maatschappij van de Brugse Zeehaven/Commission, T‑696/17, EU:T:2019:652, point 65).

85      Comme indiqué au point 57 ci-dessus, en l’occurrence, l’exonération fiscale de Biscaye constitue un régime d’aides.

86      Par conséquent, les données que la requérante reproche à la Commission d’avoir omis d’analyser ne sont pas pertinentes pour la détermination de l’existence d’un avantage dans le cas d’espèce.

87      En outre, en l’absence de mécanisme d’affectation du montant exonéré au financement d’activités non économiques, l’argument de la requérante est, en tout état de cause, dénué de pertinence.

88      Enfin, comme l’a souligné à juste titre la Commission, la jurisprudence à laquelle fait référence la requérante quant au devoir d’enquête et de diligence de la Commission concerne des procédures formelles et non une procédure de coopération telle que celle en l’espèce. Or, les obligations de la Commission relatives à l’examen des informations fournies n’auraient pas la même intensité selon le type de procédure et, même si la jurisprudence invoquée était transposable, le stade actuel de la procédure serait préalable à celui de l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

89      Le deuxième moyen doit ainsi être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré du fait que l’exonération fiscale de Biscaye ne serait pas une mesure sélective

90      La requérante fait valoir que l’exonération fiscale de Biscaye n’est pas sélective, car elle ne constitue pas une exception au système de référence établi par la loi forale 11/2013, qui module la charge fiscale selon la capacité contributive. Elle souligne que la loi forale 11/2013 adapte la notion de revenu afin de n’imposer que les sociétés qui expriment une capacité économique contributive. Ainsi, la Commission affirmerait à tort que, si les ports n’exerçaient pas d’activité économique, ils ne seraient pas assujettis à l’impôt. En l’espèce, ne serait pas contesté le fait que l’autorité portuaire de Bilbao obtienne des revenus, mais que ces derniers soient l’expression d’une capacité économique, et donc d’une capacité à contribuer au financement des dépenses publiques.

91      Selon la requérante, la capacité contributive est liée à la destination des revenus et à leur indisponibilité. Ainsi, lorsque les revenus auraient pour finalité de financer des dépenses publiques ou des activités d’intérêt général, cette capacité contributive serait annulée. Cet aspect serait une obligation légale ressortant de l’article 39 du décret 2/2011.

92      La requérante fait valoir que l’exonération fiscale de Biscaye ne constitue pas une exception, mais fait partie de la règle générale. Ainsi, le principe d’autosuffisance du régime portuaire définirait le modèle économique des autorités portuaires du Royaume d’Espagne. Or, le fait d’obtenir des revenus qui servent à financer des dépenses publiques ne devrait pas conduire à être soumis à l’impôt, en l’absence de capacité contributive. Il ne pourrait donc pas être affirmé que les autorités portuaires se soient trouvées dans la même situation que toute entreprise générant des bénéfices. En effet, ces entreprises obtiendraient des revenus qui deviendraient la propriété des associés, ce qui révélerait une aptitude à contribuer au financement des dépenses publiques dont les autorités portuaires seraient dépourvues, dès lors que leurs revenus seraient destinés au financement direct d’une partie de ces dépenses publiques.

93      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

94      À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, les interventions des États membres dans les domaines qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation en droit de l’Union ne sont pas exclues du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au contrôle des aides d’État. Les États membres doivent ainsi s’abstenir d’adopter toute mesure fiscale susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur (voir arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C‑596/19 P, EU:C:2021:202, point 32 et jurisprudence citée).

95      En ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage, inhérente à la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » au regard d’autres, qui se trouvent, au vu de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (voir arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C‑596/19 P, EU:C:2021:202, point 34 et jurisprudence citée).

96      Dans ce contexte, aux fins de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, soit le régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un second temps, que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C‑596/19 P, EU:C:2021:202, point 37 et jurisprudence citée).

97      La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation nationale en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée, en ce sens qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel ces mesures s’inscrivent (voir arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C‑596/19 P, EU:C:2021:202, point 38 et jurisprudence citée).

98      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier l’affirmation de la requérante selon laquelle l’exonération fiscale de Biscaye fait partie de la règle générale d’autosuffisance des autorités portuaires espagnoles en cause et ne constitue pas une exemption dans le cadre du système fiscal.

99      Dans la décision du 8 janvier 2019, la Commission a conclu que, si le principe d’imposition des revenus en fonction de la capacité économique pouvait justifier certaines différences de traitement, les autorités espagnoles n’avaient pas fourni de preuves ou d’explications en ce qui concernait l’affirmation selon laquelle l’impôt sur les sociétés ne s’appliquait aux revenus que dans la mesure où ils correspondaient à une capacité économique et que les revenus des ports ne correspondaient pas à une telle capacité, puisqu’ils devaient être réinvestis dans les ports.

100    Quant au système de référence, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission, l’objectif des règles générales de l’impôt sur les sociétés applicables dans la province de Biscaye est d’imposer les revenus des personnes morales, et non d’imposer uniquement les revenus exprimant une capacité économique contributive, comme le fait valoir la requérante.

101    En effet, la requérante n’a, à l’instar des autorités espagnoles dans la procédure ayant conduit aux décisions attaquées, pas produit de preuves concluantes pour étayer son affirmation selon laquelle la taxation au moyen de l’impôt sur les sociétés, prélevé sur le revenu des personnes morales, sans tenir compte de sa destination, était contraire à l’article 31, paragraphe 1, de la Constitution espagnole.

102    En outre, le Tribunal a déjà jugé que l’objectif de l’impôt sur les revenus était de taxer les revenus des personnes morales résidentes et, s’agissant en particulier des sociétés qui se livraient à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, d’imposer les bénéfices qu’elles tiraient de ces activités (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Le Port de Bruxelles et Région de Bruxelles-Capitale/Commission, T‑674/17, non publié, EU:T:2019:651, point 178).

103    En tout état de cause, une exonération fiscale accordée en considération de la forme juridique de l’entreprise et des secteurs dans lesquels cette entreprise exerce son activité, qui résulte de l’objectif du législateur de favoriser des organismes considérés comme étant socialement méritants, est, en général, considérée comme étant sélective (voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, points 136 à 138, et du 20 septembre 2019, Le Port de Bruxelles et Région de Bruxelles-Capitale/Commission, T‑674/17, non publié, EU:T:2019:651, point 183). En effet, une telle dérogation n’est ni justifiée par la nature ou par l’économie du système fiscal dans lequel il s’intègre ni fondée sur la logique de la mesure ou sur la technique d’imposition.

104    Ainsi, si le juge de l’Union a admis, dans sa jurisprudence, que des objectifs inhérents au système fiscal général concerné pouvaient justifier un régime fiscal a priori sélectif (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, GIL Insurance e.a., C‑308/01, EU:C:2004:252, points 74 à 76 ; du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, points 64 à 76, et du 19 décembre 2018, A-Brauerei, C‑374/17, EU:C:2018:1024, points 50 à 53), il a constamment refusé d’admettre que des objectifs externes au système fiscal, tels que la volonté de préserver la compétitivité internationale ou de sauvegarder l’emploi dans certains secteurs, ou encore de favoriser des organismes socialement méritants, puissent justifier une mesure a priori sélective et la soustraire, de ce fait, du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C‑143/99, EU:C:2001:598, point 54 ; du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, points 136 à 138, et du 20 septembre 2019, Havenbedrijf Antwerpen et Maatschappij van de Brugse Zeehaven/Commission, T‑696/17, EU:T:2019:652, point 208).

105    En l’espèce, l’exonération fiscale de Biscaye ne contient ni une définition des obligations de service public pesant sur les autorités portuaires espagnoles ni un calcul objectif et transparent de la compensation pour l’exécution de tels services d’intérêt général et il n’existe, dans le régime d’impôts en question, aucun rapport entre l’exonération fiscale et l’étendue des services d’intérêt général.

106    En outre, comme cela a déjà été rappelé ci-dessus, l’article 107 TFUE ne distingue pas les interventions étatiques sur la base de leurs causes ou de leurs objectifs, mais les définit en fonction de leurs effets. Or, soutenir que l’objectif de l’exonération fiscale de Biscaye serait un objectif « interne » au système fiscal espagnol, justifiant cette mesure a priori sélective, reviendrait à définir cette mesure comme échappant à la classification d’aide d’État sur la base de son objectif, et non en fonction de ses effets.

107    Il ressort de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré du fait que l’exonération fiscale de Biscaye ne renforcerait pas la position concurrentielle de la requérante et n’affecterait pas les échanges entre États membres

108    Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante fait valoir que l’exonération fiscale de Biscaye ne renforçait pas sa position concurrentielle et n’affectait pas les échanges entre États membres au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

109    En premier lieu, la détermination du montant des taxes serait une décision du pouvoir législatif et non de la requérante. À cet égard, l’existence de coefficients correcteurs ne permettrait pas aux autorités portuaires de mettre en œuvre une politique commerciale ou tarifaire propre. En outre, les montants requis pour l’utilisation du domaine public ou la prestation des services seraient indépendants de l’exonération, qui n’affecterait que l’autofinancement du système portuaire.

110    En second lieu, l’exonération fiscale de Biscaye n’aurait pas conduit à une amélioration de la compétitivité, étant donné qu’elle n’existerait qu’en raison du principe d’autosuffisance. Selon la requérante, il convient d’apprécier si le montant des impôts dus en l’absence d’exonération dépasse les sommes destinées par les autorités portuaires à des investissements qui, dans un tel cas, auraient été réalisés par l’administration publique. Or, les investissements de la requérante seraient plus élevés. Dès lors, sa position concurrentielle n’aurait pas été renforcée.

111    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

112    À cet égard, il y a lieu de constater que dans la décision du 8 janvier 2019, la Commission a, à juste titre, considéré que les autorités portuaires espagnoles opéraient sur des marchés où la concurrence existait. L’exonération fiscale confère un avantage aux autorités portuaires en cause au regard de leurs concurrents, en ce qu’elles sont susceptibles de renforcer leur position concurrentielle sur ces différents marchés. Étant donné que les ports espagnols participent aux échanges intracommunautaires, l’exonération fiscale est susceptible d’affecter les échanges entre États membres.

113    En effet, l’octroi d’une aide par un État membre, sous la forme d’un allègement fiscal, à certains de ses assujettis, doit être considéré comme étant susceptible d’affecter ces échanges dès lors que lesdits assujettis exercent une activité économique faisant l’objet de tels échanges ou qu’il ne saurait être exclu qu’ils soient en concurrence avec des opérateurs établis dans d’autres États membres (voir arrêt du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, point 51 et jurisprudence citée ; arrêt du 30 avril 2019, UPF/Commission, T‑747/17, EU:T:2019:271, point 95).

114    Quant à la condition concernant la distorsion de concurrence, les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence (voir arrêt du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, point 54 et jurisprudence citée ; arrêt du 30 avril 2019, UPF/Commission, T‑747/17, EU:T:2019:271, point 96).

115    Dès lors, et comme le fait à juste titre valoir la Commission, l’argument de la requérante selon lequel la détermination du montant des taxes serait une décision du pouvoir législatif et non de cette dernière est ainsi dénué de pertinence.

116    Quant à l’argument de la requérante selon lequel l’exonération fiscale de Biscaye n’aurait pas conduit à une amélioration de la compétitivité, étant donné qu’elle n’existerait qu’en raison du principe d’autosuffisance, la requérante n’a aucunement établi un lien entre cette exonération et les coûts des investissements portuaires réalisés.

117    Le troisième moyen doit ainsi être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la compatibilité de l’exonération fiscale de Biscaye avec le marché intérieur

118    Dans le cadre de son cinquième moyen, invoqué à titre subsidiaire, la requérante considère que, dans le cas où l’exonération fiscale de Biscaye constituerait une aide d’État, elle serait compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

119    D’une part, les conditions des échanges ne seraient pas altérées d’une manière contraire à l’intérêt commun. Ainsi, les mesures seraient limitées au minimum nécessaire et le montant de l’impôt évité serait inférieur au montant alloué aux investissements portuaires, de sorte que le principe de proportionnalité serait respecté.

120    D’autre part, les exonérations fiscales permettraient le développement de l’activité portuaire en Espagne. En leur absence, les investissements portuaires ne pourraient pas être mis en œuvre. Or, leur importance serait reconnue par le règlement d’exemption afin d’adapter les infrastructures à la complexité accrue de la flotte et à des exigences environnementales plus strictes. Enfin, l’augmentation des prix par les autorités portuaires afin de pallier l’absence d’exonération créerait une situation de désavantage concurrentiel pour les autorités portuaires, étant donné que celles-ci seraient encore tenues d’affecter leurs recettes à des investissements d’intérêt général. La requérante conclut que la mesure ne porte pas préjudice à d’autres entités hypothétiquement concurrentes.

121    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

122    Le Tribunal rappelle que, selon l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, peuvent être considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

123    Ainsi, pour pouvoir être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur conformément à cette disposition, une aide d’État doit satisfaire deux conditions, la première étant qu’elle doit être destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, la seconde, formulée de manière négative, étant qu’elle ne doit pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 19).

124    Dans la décision du 8 janvier 2019, la Commission a considéré, à juste titre, que les exonérations fiscales en cause ne concernaient pas des investissements spécifiques pouvant bénéficier d’aides en vertu des règles et des lignes directrices de l’Union. Elles constituent une réduction des charges incombant normalement aux autorités portuaires dans le cadre de leurs activités commerciales et pourraient ainsi être considérées comme des aides au fonctionnement plutôt que comme des aides à l’investissement. De telles aides ne peuvent pas, en principe, être considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur, car elles ne sont pas limitées dans le temps, ni nécessaires ou proportionnées au financement de coûts liés à la prestation d’un service répondant à un objectif d’intérêt européen clairement défini.

125    En effet, si les exonérations fiscales facilitent en général le développement de l’activité portuaire espagnole, il serait cependant possible de financer les investissements nécessaires à cette fin par la voie d’une augmentation des prix demandés par les autorités portuaires.

126    Or, pour être compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, l’aide projetée doit revêtir un effet d’incitation et être ainsi nécessaire pour faciliter le développement de certaines activités. À cette fin, il doit être démontré que, en l’absence de l’aide projetée, l’investissement destiné à soutenir le développement de l’activité concernée ne serait pas effectué. En revanche, s’il devait apparaître que cet investissement serait opéré même en l’absence de l’aide projetée, il y aurait lieu de conclure que cette dernière aurait pour seul effet d’améliorer la situation financière des entreprises bénéficiaires, sans pour autant répondre à la condition posée par l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, à savoir d’être nécessaire au développement de certaines activités (arrêt du 13 décembre 2017, Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 182).

127    En outre, une aide au fonctionnement constitue une aide qui vise à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales (arrêt du 30 avril 2014, Dunamenti Erőmű/Commission, T‑179/09, non publié, EU:T:2014:236, point 142). Or, il est établi dans le cas d’espèce que l’exonération fiscale vise une telle libération des coûts. Dès lors, les aides en cause doivent être considérées comme des aides au fonctionnement et non comme des aides à l’investissement.

128    Les aides au fonctionnement ne relèvent pas, en principe, du champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, car elles faussent les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées sans pour autant être capables, par leur nature même, d’atteindre l’un des buts fixés par cette disposition dérogatoire (arrêts du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, EU:C:2000:537, point 90, et du 4 septembre 2009, Italie/Commission, T‑211/05, EU:T:2009:304, point 173).

129    La requérante ne conteste pas l’analyse susmentionnée selon laquelle l’aide en cause constituerait une aide au fonctionnement, mais se borne à affirmer que cette aide est en tout état de cause compatible avec le marché intérieur parce que l’exonération fiscale de Biscaye permet le développement de l’activité portuaire en Espagne et que les autorités portuaires ne réalisent pas leurs investissements en l’absence de cette exonération. L’importance et la nécessité des investissements portuaires auraient été reconnues par le législateur de l’Union dans le règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 TFUE (JO 2014, L 187, p. 1), tel que modifié, en ce qui concerne les ports, par le règlement (UE) 2017/1084 de la Commission du 14 juin 2017 (JO 2017, L 156, p. 1). En l’espèce, le montant d’impôt dont la requérante ne devrait plus s’acquitter du fait de l’exonération fiscale de Biscaye serait inférieur au montant destiné aux investissements portuaires et l’exonération fiscale de Biscaye ne procurerait pas un avantage sélectif.

130    À cet égard, il n’est pas établi que la requérante ne pourrait pas réaliser ses investissements en absence d’exonération fiscale. Au contraire, l’absence de l’exonération fiscale de Biscaye supposerait simplement qu’il aurait fallu augmenter les prix demandés par la requérante aux utilisateurs.

131    Par ailleurs, le fait que les aides relatives à des investissements dans les infrastructures portuaires peuvent être compatibles avec le marché intérieur ne signifie pas nécessairement que toutes les aides au fonctionnement sont compatibles avec le marché intérieur. Comme indiqué ci-dessus, dans le cas de l’exonération fiscale de Biscaye, il n’existe pas non plus de lien entre le montant dont le paiement a été exonéré et le coût net des investissements.

132    Enfin, il a déjà été établi, lors de l’examen du quatrième moyen de la requérante ci-dessus, que l’exonération fiscale de Biscaye procurait un avantage sélectif à la requérante.

133    C’est ainsi sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a, dans la décision du 8 janvier 2019, considéré que l’exonération fiscale de Biscaye, en tant qu’aide au fonctionnement, ne tombait pas dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

134    Il ressort de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé et, partant, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la Commission.

 Sur les dépens

135    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Autoridad Portuaria de Bilbao est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.