Language of document : ECLI:EU:T:2024:104

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

21 février 2024 (*)

« Clause compromissoire – Convention de subvention conclue dans le cadre du programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” (2014-2020) – Coûts éligibles – Note de débit – Remboursement des sommes versées »

Dans l’affaire T‑733/21,

Greenspider GmbH, établie à Germering (Allemagne), représentée par Mes G. Vignolo et V. Palmisano, avocats,

partie requérante,

contre

Agence exécutive pour le Conseil européen de l’innovation et les PME (Eismea), représentée par Mmes A. Galea, V. Roiseux et M. Katrana, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mmes P. Škvařilová‑Pelzl et G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 27 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la requérante, Greenspider GmbH, demande, en substance, au Tribunal de constater l’inexigibilité du montant de 107 206,55 euros réclamé dans la note de débit no 3242101313 émise par l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (EASME) le 26 janvier 2021 (ci-après la « note de débit litigieuse »), et de condamner l’Agence exécutive pour le Conseil européen de l’innovation et les PME (Eismea) à lui verser la somme de 111 475 euros, sur le fondement de la convention de subvention no 738441 – SMASH, signée les 16 et 22 février 2017 (ci-après la « convention »), dans le cadre du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014‑2020) (ci-après le « programme Horizon 2020 »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une entreprise de droit allemand, établie à Germering (Allemagne), qui a développé un dispositif de partage intelligent de l’utilisation de véhicules de toutes sortes.

3        L’Eismea est le successeur légal et universel de l’EASME, qui a mis en œuvre le programme Horizon 2020.

4        Dans le cadre de ce programme, la requérante et l’EASME ont signé la convention. Celle-ci portait sur la commercialisation de dispositifs de partage intelligents, conçus pour permettre la géolocalisation des ressources de mobilité distribuées (flottes, véhicules, stations de recharge et de stationnement), l’authentification mobile des utilisateurs et les fonctionnalités de contrôle des ressources. La technologie développée par la requérante a été décrite dans sa proposition du 15 juin 2016 comme une technologie permettant le partage de véhicules en libre accès.

5        La convention a pris effet le 1er mars 2017 pour une durée initiale de 24 mois, qui a été portée à 30 mois par un avenant signé les 25 mars et 12 mai 2019. Selon l’article 5.1 de la convention, le montant maximal de la subvention était de 1 114 750 euros, c’est-à-dire environ 70 % du coût total estimé du projet, qui s’élevait, selon l’article 5.2 de la convention, à 1 592 599 euros. La convention prévoit, en son article 57.1, l’application du droit de l’Union européenne, complété, si nécessaire, par le droit belge, et contient, en son article 57.2, une clause compromissoire donnant compétence au Tribunal pour connaître des litiges entre les parties concernant la validité, l’application et l’interprétation de ladite convention.

6        À partir du 26 février 2017, l’EASME a versé un total de 501 637,50 euros à la requérante, en conformité avec l’article 21.2 de la convention, selon lequel un préfinancement de 557 375 euros, destiné à fournir un fonds de trésorerie qui demeurait la propriété de l’Union jusqu’au paiement du solde, était prévu. Une somme de 55 737,50 euros, correspondant à 5 % du montant maximal de la subvention, a été retenue par l’EASME et transférée vers un fonds de garantie.

7        Fin juin 2019, l’EASME a effectué un paiement intermédiaire de 445 900 euros, sur la base du rapport technique et financier révisé pour les douze premiers mois du projet (ci-après la « période de référence 1 »), soumis par la requérante le 1er juin 2018. Les coûts éligibles approuvés par l’EASME pour cette période comprenaient 110 013,12 euros au titre de l’article 6.2, point A.4, de la convention, intitulé « Propriétaires de PME sans salaire » (ci-après la « catégorie A.4 »).

8        Le 20 juin 2020, la requérante a soumis la dernière version de son rapport final couvrant également la période du 1er mars 2018 au 31 août 2019, date marquant la fin du projet. S’agissant des « coûts de personnel » éligibles au titre de la catégorie A.4, la requérante a déclaré un montant total de 247 651,61 euros pour la période entière du projet.

9        L’auditeur indépendant chargé du contrôle du rapport final soumis en conformité avec l’article 20.4 de la convention a indiqué, dans son certificat sur les états financiers établi le 29 février 2020, que ce montant n’était pas comptabilisé dans les comptes de la requérante étant donné que les standards de comptabilité allemands ne permettaient pas de comptabiliser des coûts que n’étaient pas suivis par un paiement.

10      Le 18 août 2020, l’EASME a envoyé à la requérante une lettre de pré-information sur un recouvrement prévu. Dans celle-ci, l’EASME a notamment rejeté l’éligibilité, d’une part, d’un montant total de 247 651,61 euros correspondant à des coûts déclarés dans la catégorie A.4 pour neuf personnes prétendument devenues des associés de la requérante, et, d’autre part, d’un montant de 49 256,57 euros correspondant à des coûts déclarés dans la catégorie des « autres coûts directs ».

11      En réponse à la lettre de pré-information, la requérante a, le 14 septembre 2020, soumis ses observations, dans lesquelles elle a contesté l’appréciation de l’EASME.

12      Le 26 novembre 2020, la requérante a tenu une assemblée générale de ses associés, à laquelle ont également participé les neuf collaborateurs concernés. Les participants à cette assemblée générale ont approuvé l’acquisition de parts sociales par les sept collaborateurs qui, à ce moment, n’étaient pas des associés de la requérante. Un document produit à cette occasion, intitulé « Résolution sur les fonctions et la rémunération des propriétaires de PME ne percevant pas de salaire », a été présenté à l’EASME comme preuve que les coûts de personnel pour les anciens et les nouveaux associés de la requérante étaient éligibles.

13      Le 1er février 2021, en clôturant la procédure contradictoire menée en conformité avec l’article 44 de la convention, l’EASME a envoyé à la requérante une confirmation de sa réévaluation des coûts éligibles, à laquelle était jointe la note de débit litigieuse, concluant à l’acceptation, au titre de la catégorie A.4, des coûts unitaires relatifs à deux des neuf collaborateurs qui étaient des associés de la requérante depuis 2015 et qui avaient travaillé sur le projet pendant six mois durant la période subventionnée. En revanche, elle a rejeté comme inéligibles les coûts unitaires déclarés pour la collaboration des sept autres personnes.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater et déclarer qu’elle a correctement rempli ses obligations contractuelles ;

–        constater et déclarer, conformément à l’article 1162 du code civil belge, que, dans le doute, l’interprétation de la convention retenue par elle prévaut sur l’interprétation fournie par l’Eismea ;

–        constater que les conditions d’émission de la note de débit litigieuse ne sont pas réunies, de sorte que le montant qui y est réclamé n’est pas exigible ;

–        constater et déclarer que l’Eismea a manqué à ses obligations contractuelles et, en conséquence, la condamner à lui verser la somme de 111 475 euros ;

–        condamner l’Eismea aux dépens.

15      L’Eismea conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Observations liminaires

 Sur l’objet du litige

16      S’agissant de l’objet du litige, la requérante a précisé dans la réplique qu’elle ne contestait pas le rejet des coûts afférents aux « autres coûts directs », mais que son recours portait exclusivement sur le rejet des « coûts directs de personnel » relevant de l’article 6.2, point A, de la convention (ci-après la « catégorie A »). Lors de l’audience, la requérante a confirmé que l’objet du litige se limitait aux coûts unitaires déclarés pour les sept collaborateurs qui ont été considérés comme inéligibles par l’EASME.

17      En ce qui concerne le premier chef de conclusions qui vise le constat et la déclaration selon lesquels la requérante a correctement rempli ses obligations contractuelles, il convient de noter que cette demande ne concerne pas l’objet du litige qui concerne la question de savoir si les coûts déclarés par la requérante sont éligibles ou non. En effet, l’Eismea ne conteste pas le fait que la requérante a mis en œuvre le projet en cause, mais soutient qu’une partie des coûts dont le remboursement est demandé ne remplit pas les conditions d’éligibilité en vertu de l’article 6 de la convention.

 Sur la portée du deuxième chef de conclusions de la requérante

18      Le deuxième chef de conclusions de la requérante n’a pas de portée autonome. En effet, ce chef de conclusions ne fait que souligner l’argumentation de la requérante sur laquelle se fonde son troisième moyen.

 Sur la recevabilité

19      L’Eismea soulève l’irrecevabilité du recours dans la mesure où celui-ci est fondé sur l’éligibilité des coûts relevant de l’article 6.2, point A.2, de la convention, intitulé « Personnes physiques travaillant dans le cadre d’un contrat direct » (ci-après la « catégorie A.2 »). La « décision attaquée » ne mentionnerait pas la catégorie A.2, ce qui signifierait que la requérante n’a pas relevé, dans le cadre de la procédure devant l’EASME, la possibilité que les coûts afférents aux sept personnes en cause pourraient être considérés comme étant éligibles dans la catégorie A.2.

20      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’octroi de la subvention en cause en l’espèce ne découle pas d’un acte unilatéral de l’institution de l’Union, mais d’un contrat. Ainsi, le présent litige relève non du recours en annulation, mais du recours fondé sur l’article 272 TFUE. Dans ce cadre, le Tribunal ne contrôle pas la légalité d’un acte administratif ; il statue en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat passé par l’Union ou pour son compte. Une procédure administrative précontentieuse n’étant pas prévue, la partie privée contractante n’est pas tenue de présenter ses arguments à l’autre partie du contrat avant d’introduire un recours juridictionnel. En effet, l’Eismea n’invoque aucune stipulation contractuelle qui aurait imposé à la requérante de le faire.

21      Ainsi, s’agissant des coûts relevant de la catégorie A.2, il y a lieu d’écarter l’argument tiré de l’irrecevabilité du recours invoqué par l’Eismea.

 Sur le fond

22      La requérante demande au Tribunal, en substance, de constater qu’elle n’est pas débitrice de la créance de 107 206,55 euros réclamée par l’Eismea en vertu de la note de débit litigieuse (troisième chef de conclusions de la requérante), ainsi que de condamner l’Eismea à lui verser 111 475 euros (quatrième chef de conclusions de la requérante).

23      À l’appui de son recours, la requérante soulève sept moyens. Le premier moyen est tiré de l’absence de fondement du rejet par l’EASME d’une partie des coûts unitaires de la catégorie A. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 126 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1). Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 1162 du code civil belge et des articles 3 et 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29). Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne foi dans l’exécution du contrat et d’un abus de droit. Le cinquième moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration. Le sixième moyen est tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Le septième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de fondement du rejet d’une partie des coûts unitaires de la catégorie A relative aux « coûts directs de personnel »

24      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que l’EASME aurait dû approuver les coûts unitaires rejetés de la catégorie A.4 en tant que coûts unitaires éligibles au titre de la catégorie A.2.

25      Lors de l’audience, la requérante a renoncé à l’argumentation qui était fondée sur l’éligibilité de ces coûts au titre de la catégorie A.4 et a déclaré qu’elle faisait seulement valoir que les coûts auraient dû être déclarés éligibles sous la catégorie A.2.

26      En premier lieu, elle soutient que, si l’EASME n’était pas convaincue que les prestations fournies par les sept collaborateurs concernés pouvaient être qualifiées de coûts unitaires relevant de la catégorie A.4, elle aurait dû s’interroger sur l’éventuelle éligibilité de ces coûts en tant que coûts relevant de la catégorie A.2. En effet, la convention aurait permis à l’EASME, d’une part, de lui demander des explications sur le fondement de ses articles 22, 42 et 44, et d’autre part, de transférer des coûts entre les différentes catégories budgétaires.

27      Selon la requérante, l’imputation dans la catégorie A.2 s’imposait, puisque, d’une part, cette sous-catégorie figure dans la même catégorie que la catégorie A.4, à savoir la catégorie A, et, d’autre part, toutes les conditions nécessaires pour déclarer les coûts dans la catégorie A.2 auraient été remplies.

28      En second lieu, la requérante reproche à l’EASME une démarche formaliste et sévère, par laquelle celle-ci aurait exclu les coûts de collaborateurs au seul motif qu’ils ont été mentionnés dans un champ du modèle d’états financiers plutôt que dans un autre.

29      À cet égard, la requérante soulève qu’il n’est pas contesté que ses collaborateurs ont fourni les prestations dont les coûts sont en cause et que leur activité a été exclusivement affectée à la réalisation de l’action. En outre, la nature, la qualité et la quantité des prestations fournies par ces personnes, ainsi que leur affectation exclusive au projet, seraient établies par les relevés de temps de travail et les déclarations d’affectation exclusive à l’action, conformément aux prévisions établies par l’article 18.1.2, sous b), de la convention. Il ressortirait de ces déclarations que les personnes en question n’ont pas travaillé en tant que conseillers de la requérante, mais qu’elles se sont toutes identifiées en tant que « personnes physiques qui ne perçoivent pas de salaire », dotées de différentes qualifications.

30      La requérante fait observer qu’un contrat ne consiste pas nécessairement en un document sous format papier signé en main propre par les personnes concernées, mais qu’il est, avant tout, une convention entre deux ou plusieurs parties, par laquelle celles-ci créent, régissent ou mettent fin à un rapport juridique réciproque. Elle estime que, pour pouvoir exclure l’existence d’un contrat entre elle et ses collaborateurs, l’EASME aurait dû établir qu’il n’y avait jamais eu le moindre type d’accord entre les intéressés, étant donné qu’il serait improbable que les sept personnes auraient établi des relevés de temps de travail au titre de leurs prestations et émis des déclarations d’activité exclusive pour le projet en l’absence d’un contrat avec la requérante. La charge de la preuve démontrant l’absence d’éligibilité des fonds réclamés incomberait à l’EASME, à moins que les documents produits se révèlent faux ou très peu dignes de foi.

31      L’Eismea conteste les arguments de la requérante.

32      La requérante soutient à bon droit que la convention autorise expressément le transfert de coûts entre les différentes sous-catégories budgétaires dans son article 4.2, sans qu’une modification de la convention soit nécessaire. Toutefois, l’éligibilité des coûts ne dépend pas de leur inscription dans la bonne colonne du rapport soumis par la requérante, mais du fait que le bénéficiaire de la subvention communique tous les faits et documents nécessaires pour mettre l’EASME en mesure de vérifier l’éligibilité des coûts.

33      La requérante a expliqué que le travail effectué par ses sept collaborateurs, pour lesquels elle avait initialement fait valoir des coûts unitaires dans la catégorie A.4, faisait partie du concept « work for equity » visant à une seule compensation du travail effectué par des options à l’acquisition de parts sociales. Or, comme la requérante l’a confirmé lors de l’audience, du fait de ce choix, elle n’a effectivement pas encouru de coûts pour les sept personnes en cause. Dès lors, les conditions générales d’éligibilité ne sont pas remplies, étant donné que la catégorie A.2 comprend des coûts réellement dépensés. Plus précisément, pour que le montant soit éligible, il faut que le « contrat direct » entre le collaborateur et la requérante prévoie le coût unitaire qui est la contrepartie du travail effectué. En effet, les montants prévus comme coûts unitaires par l’annexe 2 de la convention ne sont applicables que pour les coûts déclarés en application des catégories A.4 et A.5, cette dernière intitulée « Personne naturelle sans salaire ». Cela ressort du libellé des catégories A.2, A.4 et A.5, dans la mesure où les catégories A.4 et A.5 renvoient à ladite annexe 2 tandis que la catégorie A.2 exige que les coûts supportés par le bénéficiaire pour recourir à l’activité de la personne physique travaillant dans le cadre d’un « contrat direct » doivent être comparables à ceux de son personnel, ce qui implique que le bénéficiaire doit avoir encouru des coûts réels.

34      En outre, dans la mesure où la requérante fait valoir que certains coûts pour trois des sept personnes concernées ont été acceptés par l’EASME en tant que coûts effectivement exposés pour la collaboration rémunérée desdites personnes sur la base d’un contrat de consultation ou d’une coopération occasionnelle, il ne s’ensuit pas que la coopération ultérieure desdites personnes peut également être qualifiée de travail rémunéré. À cet égard, il convient de souligner que la requérante a elle‑même indiqué que, pendant la période pour laquelle elle a fait valoir des coûts unitaires, lesdits collaborateurs ont effectué un travail non rémunéré.

35      Or, si, conformément à l’article 5.2, sous a), à l’article 6.1, sous b), et à l’article 6.2, point A.4, de la convention, pour les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME), les coûts unitaires peuvent être simplement calculés conformément à l’annexe 2 de la convention, l’éligibilité des autres coûts unitaires nécessite un décompte selon les principes comptables habituels des bénéficiaires. Les coûts unitaires dans la catégorie A.4 constituent des coûts fictifs, tandis que ceux de la catégorie A.2 sont des coûts réels. Il s’ensuit que les coûts déclarés par la requérante dans la catégorie A.4 ne peuvent être requalifiés en coûts éligibles dans la catégorie A.2, d’autant moins que la requérante a confirmé qu’elle n’a pas encouru de coûts pour rémunérer les personnes en cause.

36      La requérante n’a pas non plus présenté le calcul du taux horaire tel que prévu par la convention. Bien au contraire, elle a déclaré et calculé ces coûts selon la formule de l’annexe 2 de la convention, laquelle n’est pas applicable aux coûts de la catégorie A.2.

37      À cet égard, l’auditeur a noté, dans son rapport soumis par la requérante dans le cadre du rapport final, que les coûts afférents aux sept personnes en cause ne figurent pas dans la comptabilité de la requérante. Par ailleurs, il n’est pas contesté que, selon les règles comptables pertinentes, les éventuels coûts pour le travail des sept collaborateurs ne pouvaient pas être comptabilisés, étant donné que les règles comptables allemandes ne permettaient pas l’enregistrement d’un coût qui n’était pas suivi d’un paiement financier.

38      Or, selon l’article 5.2, sous a), de la convention, les coûts unitaires pour la catégorie « personnes physiques travaillant dans le cadre d’un contrat direct » doivent être déclarés selon les principes comptables habituels des bénéficiaires, contrairement à ce qui est prévu pour les coûts unitaires (fictifs) imputés pour le travail des propriétaires de PME (catégorie A.4) (voir point 35 ci-dessus).

39      Par ailleurs, il convient de rappeler que l’EASME, une agence de la Commission européenne, est liée, conformément à l’article 317 TFUE, par une obligation de bonne gestion financière des ressources de l’Union. Elle a notamment l’obligation de contrôler que les moyens budgétaires de l’Union sont utilisés aux fins prévues. En vertu de cette obligation, dans les conventions de subvention ou de concours financier qu’elle conclut au nom et pour le compte de l’Union, l’agence soumet l’octroi de la subvention ou du concours financier à des conditions qui garantissent que la contribution financière de l’Union servira effectivement à financer le projet ou l’action pour l’exécution duquel ou de laquelle elle a été octroyée. L’octroi de la subvention ou du concours financier est ainsi conditionné par le respect de critères précis qui déterminent les coûts éligibles à être remboursés dans le cadre du projet ou de l’action en cause ainsi que par le respect, par le bénéficiaire, de certaines obligations, portant, notamment, sur la justification financière des coûts déclarés comme ayant été encourus pour l’exécution dudit projet ou de ladite action. Le bénéficiaire de la subvention ou du concours financier n’acquiert donc un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union que si l’ensemble des conditions auxquelles l’octroi de la subvention ou du concours financier est subordonné est rempli. Compte tenu de l’objectif qu’elles poursuivent, les conditions ainsi stipulées revêtent une importance fondamentale dans l’économie des conventions de subvention ou de concours financier (voir arrêt du 24 octobre 2018, Epsilon International/Commission, T‑477/16, non publié, EU:T:2018:714, point 78 et jurisprudence citée).

40      Ainsi, selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées. Il découle de ce principe qu’il ne suffit pas pour le bénéficiaire de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Celui-ci doit en outre apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles. Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue même l’un de ses engagements essentiels et, de ce fait, conditionne l’attribution du concours financier (voir arrêts du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 93 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 52 et jurisprudence citée).

41      Il ressort également de cette jurisprudence que les frais de personnel invoqués par la partie requérante ne peuvent être remboursés qu’à condition qu’elle ait démontré leur réalité, leur lien avec les conventions de subvention litigieuses et le respect des autres critères d’éligibilité posés par celles-ci. À cette fin, la partie requérante doit fournir des informations fiables permettant de vérifier si les conditions d’octroi des subventions étaient remplies et établir que ces coûts ont été exposés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme étant éligibles (arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 56 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Epsilon International/Commission, T‑477/16, non publié, EU:T:2018:714, points 100 et 103).

42      En l’espèce, les principes rappelés ci-dessus sont reflétés notamment dans les articles 17 et 18 de la convention. Selon l’article 17.1, le bénéficiaire doit fournir toute information demandée afin de vérifier l’éligibilité des coûts. L’article 18.1 dispose que le bénéficiaire doit conserver les documents justificatifs nécessaires afin de prouver l’éligibilité des coûts. Il ressort donc des dispositions de la convention que l’EASME devait être mise en mesure de pouvoir déterminer avec certitude si les coûts déclarés par le bénéficiaire étaient réels et nécessaires et effectivement exposés pour l’exécution des projets pendant la durée de ceux-ci.

43      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel c’est seulement en présence d’indices concrets de l’existence d’un risque que les conditions d’éligibilité des dépenses ne soient pas remplies que la charge de la preuve quant à leur éligibilité pèse sur le bénéficiaire de la subvention, il y a lieu de relever qu’il ressort aussi de l’arrêt cité par la requérante à l’appui de son argument qu’il incombe au bénéficiaire, d’une part, de démontrer la réalité des coûts invoqués en fournissant des informations fiables, et, d’autre part, d’établir que ces coûts ont été exposés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑274/19 P, non publié, EU:C:2020:853, point 67). Ce n’est que dans l’hypothèse où la partie requérante apporte de telles preuves qu’il incombe à la partie défenderesse de démontrer qu’il y a lieu d’écarter les dépenses litigieuses, en justifiant leur rejet (voir arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 57 et jurisprudence citée).

44      Or, n’ayant pas été en mesure de fournir des contrats conclus avec les sept personnes concernées, conformément à l’article 6.2, point A.2, de la convention, qui auraient permis à l’EASME de vérifier l’éligibilité des coûts invoqués, la requérante a manqué à l’obligation découlant de l’article 17.1 de la convention, de sorte que l’EASME était en droit de rejeter ces coûts comme étant inéligibles (voir articles 17.3 et 42 de la convention).

45      En ce qui concerne l’argument évoqué par la requérante lors de l’audience, selon lequel, à la différence des faits de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA (T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932), mentionné au point 43 ci-dessus, un éventuel soupçon de fraude ne jouait aucun rôle en l’espèce, il convient de souligner qu’un tel soupçon n’est pas une condition pour rejeter l’éligibilité de coûts dont la déclaration n’est pas dotée des preuves requises.

46      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que les coûts unitaires déclarés par la requérante pour les sept collaborateurs qui, selon elle, avaient contribué au projet sans rémunération en tant qu’associés, n’étaient pas éligibles dans la catégorie A.2.

47      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 126 du règlement no 966/2012

48      La requérante relève que les coûts rejetés par l’EASME sont des coûts réellement exposés qui répondent à tous les critères énumérés à l’article 126, paragraphe 2, sous a) à f), du règlement no 966/2012, de sorte qu’il s’agit de coûts éligibles au titre de la subvention.

49      L’Eismea conteste les arguments de la requérante.

50      L’article 126, paragraphe 2, du règlement no 966/2012, dispose que les coûts éligibles sont les coûts réellement exposés par le bénéficiaire d’une subvention, qui remplissent un ensemble de critères.

51      À supposer même que, si tous les critères prévus audit article étaient remplis, une institution de l’Union ou une agence soit tenue de considérer les coûts en question comme éligibles, alors même que certaines conditions prévues par la convention ne seraient pas remplies, il y a lieu de constater que le travail effectué par les sept collaborateurs en question n’a pas engendré des coûts « réellement exposés », comme la requérante l’a confirmé lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal à cet égard. Par conséquent, l’article 126, paragraphe 2, du règlement no 966/2012 ne permet pas de regarder les coûts unitaires demandés par la requérante comme étant éligibles.

52      Par ailleurs, l’article 126, paragraphe 2, sous d), du règlement n966/2012, exige que les coûts soient identifiables et vérifiables et, notamment, inscrits dans la comptabilité du bénéficiaire et déterminés conformément aux normes comptables applicables du pays dans lequel le bénéficiaire est établi, et aux pratiques habituelles du bénéficiaire en matière de comptabilité analytique.

53      Or, selon l’attestation de l’auditeur, non contestée par la requérante, les coûts unitaires attribués aux sept personnes en question ne pouvaient, selon les dispositions pertinentes du droit allemand, être enregistrés dans la comptabilité de la requérante. Partant, le rejet de l’éligibilité des coûts en cause ne viole pas l’article 126 du règlement no 966/2012.

54      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 1162 du code civil belge et des articles 3 et 5 de la directive 93/13

55      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir une violation du principe d’autonomie de la volonté et s’appuie sur le principe de l’interprétation contra proferentem, à savoir celui de l’interprétation la plus favorable au consommateur.

56      Le moyen s’articule en deux branches, la première reprochant à l’EASME une violation de l’article 1162 du code civil belge et, la seconde, critiquant l’absence d’application des articles 3 et 5 de la directive 93/13, dispositions consacrant toutes les deux le principe de l’interprétation contra proferentem.

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 1162 du code civil belge

57      La requérante fait valoir que le droit belge applicable à la convention conduit à une interprétation de l’article 6.2 de celle-ci qui lui est favorable.

58      La requérante explique qu’elle a exposé les coûts pour les sept collaborateurs en cause sous forme de travaux rémunérés en capital. La corrélation directe entre le recours à la collaboration de ces personnes et la réalisation des objectifs de la convention, indiquée par les relevés des temps de travail qui démontrent le rapport entre les heures ouvrées et les résultats obtenus, justifierait l’éligibilité de ces coûts.

59      Selon la requérante, même s’il devait être conclu qu’elle avait commis une erreur formelle en raison d’une interprétation erronée de l’article 6 de la convention qui l’aurait conduite à déclarer lesdits coûts comme des coûts unitaires et non en conformité avec l’interprétation donnée par l’EASME, cette disposition devrait néanmoins être interprétée, en vertu de l’article 1162 du code civil belge, dans le sens retenu par elle, c’est-à-dire en faveur de celui qui a contracté l’obligation et non en faveur de celui qui l’a stipulée. En effet, l’article 6 de la convention règlerait de manière compliquée la déclaration correcte des coûts et renverrait, de surcroît, aux tableaux figurant dans les annexes 2 et 2A, tout aussi complexes. La requérante affirme que les dépenses en cause étaient objectivement engagées et documentées, de sorte qu’elles présentent les caractéristiques communes des coûts éligibles et ne présentent aucune des caractéristiques des coûts inéligibles relevant de l’article 6, paragraphe 5, de la convention.

60      L’Eismea conteste les arguments de la requérante.

61      L’article 57.1 de la convention prévoit que la convention est régie par le droit de l’Union, complété le cas échéant par le droit belge.

62      L’article 1162 du code civil belge dispose que, « [d]ans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ».

63      Or, les conditions de l’article 1162 du code civil belge, permettant une interprétation de l’article 6 de la convention contre l’EASME, qui l’a stipulé, et en faveur de la requérante, qui l’a contracté, ne sont pas remplies.

64      Premièrement, cette disposition exige un doute dans l’interprétation pour que le principe du contra proferentem puisse s’appliquer.

65      Un doute, au sens de l’article 1162 du code civil belge, comporte un élément objectif. Il ne suffit pas, comme l’avance la requérante, qu’il y ait eu un désaccord entre les parties sur l’application des différents points de l’article ou que les stipulations concernées soient complexes.

66      En l’espèce, l’article 6.2 de la convention est clair et sans ambiguïtés. Certes, à première vue, cette disposition peut paraître complexe, mais c’est précisément grâce à cette complexité qu’il est possible d’identifier avec certitude les différences entre les catégories de coûts. De plus, c’est à juste titre que l’Eismea rappelle que le modèle de convention de subvention annoté pour le programme Horizon 2020 [Annotated Grant Agreement (AGA), ci-après le « modèle de CSA »] fournit une interprétation qui limite la marge d’appréciation des autorités contractantes et garantit une interprétation cohérente des conventions qu’elles concluent.

67      Deuxièmement, même en supposant que le libellé de l’article 6.2 fasse surgir un doute, l’interprétation préconisée par la requérante semble être trop large pour être acceptée dans la mesure où elle conduirait à estomper les contours des différentes catégories de coûts.

68      La requérante omet de présenter de manière concrète les éléments tirés de la convention sur lesquels elle fonde son interprétation. Elle se borne à expliquer qu’elle a exposé les coûts pour ses collaborateurs sous forme de travaux rémunérés en capital à titre de rémunération des prestations fournies par les intéressés. À cet égard, elle se limite à alléguer qu’il existait une corrélation directe entre le recours à la collaboration de ces personnes et la réalisation des objectifs de la convention, comme l’indiqueraient les relevés des temps de travail qui démontrent le rapport entre les heures ouvrées et les résultats obtenus.

69      La requérante ne précise pas non plus le concept du « work for equity », qu’elle aurait appliqué aux sept personnes concernées et n’étaye pas les caractéristiques prétendument analogues dudit concept en comparaison au concept de la position d’un associé pour lequel elle aurait pu invoquer la catégorie A.4. Une interprétation conduisant à négliger la structure de l’article 6 de la convention, qui distingue différentes catégories de coûts, ne saurait être acceptée.

70      En effet, l’interprétation proposée par la requérante, selon laquelle toute sorte de collaboration déclenche des coûts éligibles en vertu de l’article 6 de la convention, pourvu que, d’une part, le recours à la collaboration soit documenté, par exemple par des relevés de temps, et, d’autre part, il existe une corrélation directe avec la réalisation des objectifs de la convention, conduirait à une appréciation trop large des conditions de déclaration de coûts unitaires sans égards pour l’obligation de bonne gestion financière qui pèse sur les agences de la Commission.

71      Partant, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que l’interprétation qu’elle propose est une interprétation acceptable dans le cadre de l’article 6 de la convention, étant donné que cette disposition n’établit pas une clause générale, mais formule des conditions précises pour que des coûts soient éligibles.

72      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la première branche du troisième moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si la nature du contrat de subvention qui, selon l’article 121 du règlement no 966/2012, implique des « contributions financières directes à la charge du budget, accordées à titre de libéralité », s’oppose à l’applicabilité de l’article 1162 du code civil belge.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée de la violation des articles 3 et 5 de la directive 93/13

73      Par la seconde branche de son troisième moyen, la requérante fait valoir que la convention serait un contrat d’adhésion au regard duquel il conviendrait, en vertu de la directive 93/13, d’appliquer le principe de l’interprétation contra proferentem.

74      À cet égard, elle soulève le fait que le contrat d’adhésion est communément défini comme un contrat dont les conditions générales sont soustraites à la libre négociation des parties et préétablies par l’une d’entre elles. La requérante soutient que la comparaison des codes civils belge, français, italien et luxembourgeois, ainsi que l’article 5:103 des principes du droit européen des contrats, élaborés par la Commission sur le droit européen des contrats, dite « Commission Lando », permettraient ainsi de conclure que les contrats proposés aux bénéficiaires de subventions par la Commission et ses agences exécutives, peuvent être qualifiés de contrats d’adhésion, c’est-à-dire de contrats prédéterminés au moyen de modèles et de formulaires.

75      Par ailleurs, elle fait valoir que le motif ayant incité le législateur européen à adopter la directive 93/13 est la protection de la partie la plus faible dans un cadre contractuel. À cet égard, bien que la protection prévue par la directive 93/13 soit limitée à celle des consommateurs, il y aurait une similitude quant à la relation établie entre la requérante et l’EASME, dans la mesure où la convention serait préétablie de manière unilatérale par l’une des parties au contrat. En conséquence, elle affirme que, conformément aux articles 3 et 5 de la directive 93/13, dans la mesure où, ayant adhéré à un contrat type, elle est la « partie faible » du rapport de droit, c’est son interprétation de la convention qui doit prévaloir sur celle de l’EASME, partie « forte » du rapport de droit.

76      La requérante allègue que l’existence d’un modèle de CSA est incompatible avec la nature d’un contrat issu d’une libre négociation entre les parties. Il serait inenvisageable de qualifier de « librement négocié entre les parties » un texte reçu par la requérante sous une forme préétablie et faisant l’objet d’un commentaire rédigé et imposé par l’organisme qui est lui-même partie au contrat. L’Eismea déclarerait elle-même à propos du modèle de CSA que cette convention serait accessible au public et donc à la disposition de tout bénéficiaire d’une subvention, confirmant ainsi qu’il ne s’agit pas seulement d’un modèle prédéfini, mais également d’un modèle applicable à un grand nombre de contrats.

77      Selon la requérante, elle ne saurait être tenue, en sa qualité de partie faible au contrat, d’admettre une interprétation qui lui est défavorable et qui est tardive et imposée unilatéralement par le rédacteur du contrat.

78      L’Eismea conteste les arguments de la requérante.

79      L’article 5 de la directive 93/13 prévoit que, en cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut.

80      Selon l’article 2 de ladite directive, on entend par « consommateur » toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. Or, le contrat conclu par la requérante, qui est une société active dans le domaine de la conception, la production et la vente de produits (matériel et logiciel) pour les technologies de l’information électronique, porte sur une subvention pour réaliser le projet SMASH sur la commercialisation de dispositifs de partage intelligents et relève ainsi de son activité professionnelle. Dès lors, la requérante ne pouvant être qualifiée de consommateur au sens de la directive 93/13, l’interprétation de la convention ne peut être régie par cette dernière.

81      Partant, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du troisième moyen et le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne foi et d’un abus de droit

82      La requérante fait valoir que l’EASME a violé le principe de bonne foi dans l’exécution du contrat et a commis un abus de droit, d’une part, en suspendant les paiements et en réduisant le montant de la subvention, et, d’autre part, en refusant de considérer les objections qu’elle a soulevées.

83      À cet égard, elle souligne la complexité des articles de la convention relatifs aux états financiers. Le respect du principe de bonne foi dans l’exécution des contrats aurait exigé que l’EASME préétablisse des stipulations plus claires et comprenne l’erreur que la requérante a pu commettre dans sa déclaration. Au moment du constat d’une erreur entachant l’interprétation retenue par la requérante, une explication de l’EASME aurait permis d’y remédier sans délai, en évitant ainsi les conséquences qui en ont résulté. Or, l’EASME aurait refusé, tant au cours de l’exécution du projet qu’après sa réalisation, toute discussion sur le fond des questions soumises par la requérante.

84      L’Eismea conteste les arguments de la requérante.

85      En vertu de l’article 1134, troisième alinéa, du code civil belge, applicable à titre subsidiaire à l’exécution de la convention, l’obligation d’exécuter de bonne foi cette convention interdit aux parties d’exercer leurs droits d’une manière qui excéderait manifestement les limites de l’exercice normal de leurs droits par une personne prudente et diligente (arrêt du 25 septembre 2018, GABO:mi/Commission, T‑10/16, non publié, EU:T:2018:600, point 108).

86      Or, premièrement, s’agissant de la suspension du délai de paiement, l’EASME n’a fait qu’exercer son droit consacré à l’article 47 de la convention. Dans la mesure où, d’une part, les rapports financiers soumis par la requérante n’étaient pas complets et, d’autre part, des informations complémentaires étaient nécessaires, les conditions de l’exercice de ce droit étaient remplies. Il n’existe aucun indice de ce que l’EASME, en tant que personne prudente et diligente, aurait dû renoncer à exercer son droit de suspendre le paiement. À cet égard, il y a lieu de noter que la requérante avait déjà reçu le paiement de préfinancement qui lui conférait une certaine liberté de manœuvre.

87      Deuxièmement, en ce qui concerne la réduction du montant de la subvention, il convient, tout d’abord, de rappeler que le montant accordé dans l’article 5.1 de la convention est un montant maximal. Le montant de la subvention effectivement dû résulte, quant à lui, de la mise en œuvre du projet et des coûts éligibles au sens de l’article 4 lu en combinaison avec l’article 6 de la convention.

88      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’octroi d’une subvention est conditionné au respect de certains critères qui déterminent les coûts éligibles à être remboursés dans le cadre du projet en cause ainsi qu’au respect, par le bénéficiaire, de certaines obligations portant, notamment, sur la justification financière des coûts déclarés pour l’exécution dudit projet. Il faut également que la partie concernée ait bien exécuté les obligations financières qui lui incombaient et, notamment, que l’autre partie contractante ait pu vérifier que les coûts déclarés étaient éligibles et justifiés (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, points 146 et 152 et jurisprudence citée). En effet, l’obligation de démontrer que les coûts attribués au projet satisfaisaient aux conditions d’éligibilité et aux conditions énoncées dans la convention de subvention reste l’un des engagements essentiels du bénéficiaire et, de ce fait conditionne l’attribution des subventions de l’Union (voir arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission, T‑48/16, EU:T:2018:245, point 139 et jurisprudence citée).

89      À la lumière de ces principes, il ne saurait être soutenu que l’EASME a méconnu le principe de l’exécution de bonne foi des conventions en exigeant de la requérante le remboursement d’une partie des sommes qu’elle lui avait versées au motif que les coûts n’étaient pas éligibles. Il s’ensuit aussi que l’EASME n’a pas agi de manière arbitraire et qu’il ne saurait lui être reproché une « logique de formalisme rigide ».

90      Troisièmement, l’affirmation de la requérante selon laquelle l’EASME a refusé de considérer les objections qu’elle a soulevées ne saurait non plus prospérer. À la lumière des échanges entre les parties, avant et au cours de la procédure contradictoire, lesquels sont prouvés par des courriels, des rapports et des tableaux présentés par les parties dans les annexes de leurs écritures, la critique avancée de manière générale par la requérante n’est pas suffisante pour établir une violation du principe d’exécution de bonne foi. La liste des arguments annexée à la lettre de confirmation du 1er février 2021, présentée comme annexe A.59 de la requête, démontre notamment que, à l’issue de la procédure contradictoire, l’EASME a accepté certains coûts du personnel comme éligibles à la suite des observations de la requérante.

91      Par ailleurs, la critique de la requérante concernant les échanges en juin, juillet et septembre 2021, qui, selon elle, se bornaient, de la part de l’EASME, à des réponses péremptoires, doit également être écartée. À cet égard, il suffit d’indiquer que la procédure contradictoire menée en conformité avec l’article 44 de la convention avait été clôturée le 1er février 2021 et que la requérante n’a pas fait valoir d’erreurs dans le déroulement de cette procédure.

92      Partant, la requérante n’a pas démontré que l’EASME n’aurait pas répondu aux questions qu’elle a soulevées ou qu’elle lui aurait fourni des informations trompeuses.

93      Ne saurait non plus convaincre l’argument de la requérante selon lequel, si l’Eismea insiste, dans la procédure devant le Tribunal, sur la production d’un contrat écrit, tout en dévalorisant les preuves fournies par les relevés de temps de travail et les déclarations d’activité exclusive émises par les consultants, l’EASME aurait déjà dû lui demander un tel contrat pendant la procédure administrative. En effet, la nécessité d’un « contrat direct » ressort clairement du libellé de l’article 6 de la convention, et est même énoncée en caractères gras dans la description de la catégorie A.2. Les obligations susmentionnées de documentation et de conservation sont également décrites de manière claire, par exemple à l’article 4 du modèle de CSA. En outre, pendant la procédure administrative, la requérante ne s’était pas prévalue de coûts liés à des « contrats directs » au sens de la catégorie A.2. Ainsi, l’EASME n’était pas en mesure de demander à la requérante la production de contrats avec les sept personnes concernées. Or, il incombe au bénéficiaire de fournir à l’agence concernée toutes les informations nécessaires afin que celle-ci puisse vérifier si les conditions d’éligibilité requises pour une catégorie de coûts sont remplies. Sur la base des faits énoncés par la requérante à l’EASME, à savoir le travail non rémunéré des personnes concernées, il était exclu de requalifier le travail des personnes concernées en travail effectué sur la base d’un « contrat direct ».

94      Étant donné qu’il ne s’agissait pas non plus d’une simple erreur formelle, doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel une explication de l’EASME quant à l’interprétation erronée de l’article 6 de la convention par la requérante aurait permis d’y remédier sans délai.

95      Étant donné que la requérante ne remplissait pas toutes les conditions de la convention, l’EASME était, selon l’article 42.2, premier alinéa, et l’article 44.1 de la convention et compte tenu de l’objectif de protéger les intérêts financiers de l’Union, obligée de rejeter les coûts non éligibles et de récupérer les montants indus. Vu le fait que les coûts déclarés n’étaient pas éligibles, ainsi qu’il ressort de l’appréciation du premier moyen, la décision de l’EASME était sans alternative.

96      Il suit de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

97      La requérante fait valoir que l’EASME a violé le principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

98      Elle critique le fait que les services de l’EASME ont confié l’encadrement et la surveillance du projet au cours de son exécution à trois responsables de projet, à trois responsables financiers, à deux contrôleurs-vérificateurs et à divers conseillers juridiques.

99      À cet égard, la requérante soulève que les courriels ainsi que la note de débit litigieuse montrent que les agents, ayant successivement assuré la gestion du dossier, se sont bornés à apporter des réponses ambigües et répétitives, sans aborder le fond du dossier, ni le détail des différentes explications données ou demandées. La note de débit litigieuse et ses annexes ne permettraient pas de déterminer clairement sur quelles bases légales les coûts rejetés ont été considérés comme inéligibles. L’EASME n’aurait pas apporté de réponses à l’intégralité des courriels intermédiaires de la requérante, les réponses reçues comportant des contradictions, des imprécisions et des répétitions.

100    Selon la requérante, en vertu du principe du contradictoire, l’EASME doit s’entourer de toutes les informations pertinentes, et notamment de celles que son cocontractant est en mesure de lui fournir, avant de prendre la décision d’émettre une note de débit. Par ailleurs, le fait d’avoir déclaré les coûts dans la mauvaise colonne ne constituerait qu’une erreur purement formelle qui n’habiliterait pas l’EASME à exclure unilatéralement des dépenses incontestablement exposées.

101    L’Eismea conteste les arguments de la requérante.

102    Le principe de bonne administration implique l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêts du 29 mars 2012, Commission/Estonie, C‑505/09 P, EU:C:2012:179, point 95 et jurisprudence citée, et du 8 octobre 2020, Union des industries de la protection des plantes, C‑514/19, EU:C:2020:803, point 50 et jurisprudence citée).

103    Lorsque les institutions, les organes ou les organismes de l’Union exécutent un contrat, ils restent soumis aux obligations qui leur incombent en vertu de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union (voir arrêts du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 86, et du 13 juillet 2022, VeriGraft/Eismea, T‑457/20, EU:T:2022:457, point 53).

104    Il a également été jugé que, si les parties décidaient, dans leur contrat, au moyen d’une clause compromissoire, d’attribuer au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge serait compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union (arrêts du 16 juillet 2020, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P, EU:C:2020:575, point 81, et du 13 juillet 2022, VeriGraft/Eismea, T‑457/20, EU:T:2022:457, point 54).

105    En l’espèce, si la requérante se plaint de contradictions et d’imprécisions « évidentes », elle n’a toutefois pas précisé à quels courriels elle se référait et dans quelle mesure elle identifiait des contradictions ou à quel propos elle avait demandé des précisions que l’EASME ne lui aurait pas fournies. À cet égard, le fait qu’elle a obtenu des réponses plus ou moins identiques à la première réponse donnée ne suffit pas pour étayer les allégations de la requérante dans la mesure où le contenu des réponses reflétait des questions elles-mêmes répétitives ne contenant pas de nouveaux arguments, comme l’a relevé l’Eismea en faisant référence, à titre d’exemple, à l’échange de courriels présenté en annexe B.6 et aux courriels présentés par la requérante dans les annexes A.60, A.61, A.65 et A.66. En outre, le reproche de la requérante selon laquelle l’EASME n’aurait pas apporté de réponses à l’intégralité de ses courriels intermédiaires est sans pertinence dans la mesure où aucun exemple n’a été fourni par la requérante.

106    De même, l’affirmation de la requérante selon laquelle le courriel présenté dans l’annexe A.59 montrerait que, après avoir adopté une position, l’administration aurait estimé qu’elle n’était plus tenue de la remettre en cause n’est pas convaincante. En effet, ladite lettre de l’EASME du 1er février 2021, confirmant les calculs de la subvention accordée à la requérante et communiquant les détails de son règlement, fait référence à une liste d’arguments dans son annexe. Dans cette lettre du 1er février 2021, l’EASME n’a pas maintenu son appréciation antérieure, mais l’a modifiée en faveur de la requérante en ce qu’elle a reconnu que certains coûts de personnel étaient désormais éligibles. Ainsi, c’est à juste titre que l’Eismea relève que la requérante s’est vu reconnaître un droit effectif à être entendue dans le cadre de la procédure contradictoire qui a conduit l’EASME à revoir son évaluation quant à l’éligibilité de certains coûts et à accepter des coûts supplémentaires comme étant éligibles.

107    En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la note de débit litigieuse et ses annexes ne permettent pas de déterminer clairement sur quelles bases légales les coûts rejetés ont été considérés comme inéligibles, il convient de noter que dans sa lettre du 1er février 2021, en annexe de laquelle la note de débit litigieuse a été transmise à la requérante, l’EASME a précisé que l’objet de ladite note de débit porte notamment sur le rejet de coûts en conformité avec l’article 42 de la convention. L’EASME a, en outre, examiné en détail les arguments de la requérante dans l’annexe de cette lettre.

108    S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle l’alternance des fonctionnaires responsables du projet aurait contribué à une violation du principe de bonne administration, il convient de relever que le seul fait que différents agents ont successivement assuré la gestion du dossier ne saurait en lui-même constituer une atteinte à ce principe. À cet égard, la requérante n’a pas démontré que le fait que l’encadrement et la surveillance du projet ont été confiés, au cours de son exécution, à différentes personnes, aurait entraîné un manque de suivi. Elle n’a pas non plus contesté l’affirmation de l’Eismea selon laquelle les nombreux échanges de messages cités par la requérante et produits en tant qu’annexes à la requête démontrent que l’EASME et son personnel étaient disponibles pour fournir des orientations et des conseils.

109    En tout état de cause, même si l’EASME avait été tenue d’approfondir le dialogue avec la requérante dans la phase précontentieuse, ni cette circonstance ni des informations supplémentaires n’auraient pu rendre les coûts litigieux éligibles. Comme constaté au point 94 ci-dessus, le rejet de ces coûts n’était pas fondé sur une simple erreur formelle. Bien au contraire, les conditions matérielles pour l’éligibilité des coûts n’étaient pas réunies, de sorte qu’un éventuel meilleur suivi du projet par l’EASME n’aurait pas pu aboutir à l’éligibilité de ces coûts.

110    Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

111    La requérante reproche à l’EASME d’avoir violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime dans la conclusion de la convention, dans son exécution et dans sa mise en œuvre, notamment en s’abstenant de réagir pendant une longue période, alors qu’elle avait connaissance depuis au moins 18 mois de la méthode de déclaration utilisée par la requérante, notamment dans le rapport relatif à la période de référence 1 rédigé par celle-ci. En méconnaissant ainsi son devoir de diligence, l’EASME aurait engendré auprès de la requérante une confiance légitime qu’il lui incombait de clarifier avant d’être en droit d’engager une action visant à obtenir la suspension de la subvention et la restitution des sommes déjà versées. L’EASME n’aurait pas dû se limiter à mentionner l’existence d’une erreur et à en donner des explications uniquement lorsque l’erreur était désormais considérée comme irréparable.

112    Par ailleurs, la requérante fait valoir que le modèle de CSA semble autoriser, à sa page 26, le déplacement de différentes catégories de coûts, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à une « modification ».

113    L’Eismea conteste les arguments de la requérante.

114    Le principe de la sécurité juridique constitue une règle de droit à respecter dans l’application du droit de l’Union (arrêt du 6 avril 1962, de Geus, 13/61, EU:C:1962:11, p. 104). Ledit principe exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (arrêts du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100 ; du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 75, et du 9 décembre 2020, Adraces/Commission, T‑714/18, non publié, EU:T:2020:591, point 37).

115    Tout comme le principe de sécurité juridique, son corollaire naturel, le principe de protection de la confiance légitime, doit également être respecté par les institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2005, «Goed Wonen», C‑376/02, EU:C:2005:251, point 32).

116    À cet égard, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 25 septembre 2018, GABO:mi/Commission, T‑10/16, non publié, EU:T:2018:600, point 122 et jurisprudence citée).

117    En l’espèce, il suffit de constater que la première de ces conditions n’est pas remplie.

118    En effet, la requérante fait valoir que, en s’abstenant de réagir pendant une longue période, alors qu’elle avait connaissance de la méthode de déclaration de la requérante, au vu du rapport intermédiaire et des états financiers relatifs à la période de référence 1 qui lui étaient annexés, l’EASME aurait engendré dans son esprit une confiance légitime. Or, le seul fait de ne pas avoir rejeté les coûts litigieux immédiatement ne pouvait être compris comme une assurance précise et inconditionnelle que tous les coûts déclarés seraient approuvés comme éligibles.

119    À cet égard, il y a lieu de noter que le montant de toute subvention ne devient définitif que lorsque l’agent responsable a approuvé les rapports et comptes définitifs, sous réserve de contrôles ultérieurs. L’article 21.3 de la convention dispose ainsi que « [l]e paiement est soumis à l’approbation du rapport périodique » et que « [s]on approbation n’emporte pas reconnaissance de la conformité, de l’authenticité ni du caractère complet ou correct de son contenu ». Cela est plus amplement expliqué dans la convention annotée, à laquelle la requérante fait référence dans son recours. En effet, la page 197 du modèle de CSA explique que le paiement de préfinancement est automatique, tandis que, pour les paiements intermédiaires et finaux, l’agence concernée doit d’abord analyser les rapports techniques et les états financiers, vérifier l’éligibilité des coûts déclarés, calculer le montant à payer, approuver la demande de paiement et autoriser le paiement. La convention annotée constate explicitement qu’il ne s’agit pas d’une vérification approfondie et qu’aucune garantie d’éligibilité ou d’exactitude n’est donnée. Les coûts peuvent encore être rejetés à un stade ultérieur si l’agence concernée constate, au moyen d’une vérification plus approfondie, qu’ils ne sont pas éligibles.

120    Les dispositions de la convention relatives à l’approbation du rapport périodique ayant donné lieu à un paiement intermédiaire sont claires et précises et excluent explicitement toute reconnaissance de la conformité, de l’authenticité, de l’exhaustivité ou de l’exactitude du contenu invoqué par la requérante. Le modèle de CSA qui ajoute des avertissements à cet égard étant également connu de la requérante, cette dernière ne saurait faire valoir une protection de la confiance légitime fondée sur les évaluations effectuées par l’EASME dans le cadre du rapport intermédiaire relatif à la période de référence 1.

121    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter le sixième moyen.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

122    La requérante reproche à l’EASME d’avoir violé le principe de proportionnalité dans la mesure où elle considère que l’exécution de la note de débit litigieuse, le remboursement des sommes versées au fonds de garantie et la réduction substantielle de la subvention initialement accordée en vertu de la convention lui imposent une charge disproportionnée au regard de l’erreur qu’elle a pu commettre, ce qui relève, d’après elle, d’un excès du pouvoir quant à l’application de l’article 5, paragraphe 4, et de l’article 20, paragraphe 8, de la convention, permettant de suspendre ou de révoquer tout ou partie des paiements.

123    En outre, la requérante soutient qu’une réduction de plus de 20 % du montant du financement initialement convenu est déraisonnable au regard de l’objectif poursuivi par la convention, car cela entrainerait l’interruption d’un projet qui, d’après elle, a été réussi, étant donné qu’elle aurait atteint l’objectif fixé par la convention, comme l’EASME l’aurait confirmé dans son rapport d’examen du 1er juillet 2020 produit en annexe A.48.

124    Enfin, la requérante avance que, en présence d’une éventuelle erreur de déclaration, le principe de proportionnalité aurait imposé à l’EASME, d’une part, de ne pas la pénaliser au point d’invalider l’ensemble du projet financé et, d’autre part, de la mettre en mesure de rectifier cette erreur.

125    L’Eismea conteste les arguments de la requérante.

126    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité a vocation à régir tous les modes d’action de l’Union, qu’ils soient ou non contractuels (voir arrêt du 25 septembre 2018, GABO:mi/Commission, T‑10/16, non publié, EU:T:2018:600, point 107 et jurisprudence citée).

127    Or, comme le relève à bon droit l’Eismea, le principe de proportionnalité ne peut être interprété comme permettant de libérer la requérante d’une partie de ses obligations au titre de la convention.

128    À cet égard, il y a lieu de souligner que le bénéficiaire de la subvention n’acquiert un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union que si l’ensemble des conditions auxquelles l’octroi de la subvention est subordonné sont remplies. Il ne suffit pas, pour le bénéficiaire de la subvention, de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’octroi d’une subvention déterminée étant donné qu’il lui incombe d’apporter la preuve que les coûts déclarés ont été supportés conformément aux conditions fixées pour l’octroi des subventions concernées (voir, en ce sens, arrêts du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, point 63 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, points 157 et 158 et jurisprudence citée).

129    Cette obligation contractuelle de déclaration et de preuve des coûts éligibles ne restreint pas de manière disproportionnée la poursuite de l’objectif de la subvention qui consiste, comme le relève à juste titre la requérante, en la réalisation du projet financé. À cet égard, il convient de rappeler que les agences de l’Union sont soumises à une obligation de bonne gestion financière et que seule la déclaration et la preuve des coûts réellement encourus permettent à ces agences d’exercer un contrôle effectif.

130    Or, à défaut d’une présentation de « contrats directs », la requérante n’a pas prouvé l’éligibilité des coûts litigieux au titre de la catégorie A.2 et a ainsi omis de respecter l’obligation de preuve qui lui incombait.

131    En demandant le remboursement de tous les coûts pertinents déclarés non éligibles, l’EASME n’a donc pas violé le principe de proportionnalité, indépendamment du fait que, comme le soutient la requérante, cela signifiait une réduction de plus de 20 % de la contribution financière totale reçue.

132    En ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle le principe de proportionnalité aurait imposé à l’EASME, d’une part, de ne pas la pénaliser au point d’invalider l’ensemble du projet financé et, d’autre part, de la mettre en mesure de rectifier l’éventuelle erreur de déclaration, il convient de rappeler que, premièrement, l’erreur commise par la requérante n’est pas purement formelle et, deuxièmement, les tentatives de la requérante de corriger la prétendue erreur de déclaration ont échoué. La requalification des personnes concernées en personnes rémunérées en vertu d’un « contrat direct » au sens de la catégorie A.2 n’est pas possible (voir point 46 ci-dessus).

133    Partant, il y a lieu de rejeter le septième moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’Eismea.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Greenspider GmbH est condamnée aux dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.