Language of document : ECLI:EU:T:2018:405

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

28 juin 2018 (*)

« Recours en annulation – Ressources propres de l’Union européenne – Responsabilité financière des États membres – Obligation de verser à la Commission le montant correspondant à une perte de ressources propres – Lettre de la Commission – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑478/15,

Roumanie, représentée initialement par M. R.-H. Radu, Mmes A. Buzoianu et E. Gane, puis par M. Radu, Mmes E. Gane, A. Wellman et M. Chicu, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. A. Caeiros et A. Ştefănuc, puis par MM. Caeiros et G.-D. Balan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la direction générale du budget de la Commission qui serait contenue dans la lettre portant la référence Ares (2015) 2453089, du 11 juin 2015, par laquelle cette dernière sommerait la Roumanie de mettre à sa disposition le montant brut s’élevant à 1 079 513,09 euros, dont il convient de déduire 25 % à titre de frais de perception, correspondant à une perte de ressources propres traditionnelles, et ce au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dix-neuvième jour du deuxième mois suivant l’envoi de ladite lettre, au risque d’avoir à payer des intérêts de retard en vertu de l’article 11 du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 130, p. 1),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, président, MM. E. Bieliūnas (rapporteur) et A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par lettre du 11 juin 2015, portant la référence Ares (2015) 2453089, adressée aux autorités roumaines (ci-après la « lettre attaquée »), le directeur de la direction « Ressources propres et programmation financière » de la direction générale du budget de la Commission européenne (ci-après le « directeur ») a rappelé que, en avril 2010, les autorités allemandes avaient demandé à la Commission de décider, en application de l’article 239 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), si une remise de droits à l’importation était justifiée en ce qui concerne une société allemande qui avait déposé, en qualité de principale obligée, plusieurs déclarations au nom de ses clients pour le transport de marchandises, en 2006 et en 2007, sous le régime du transit externe à destination d’un autre État membre dans lequel une enquête avait révélé que des marchandises n’avaient pas été présentées au bureau de destination.

2        Le directeur a également rappelé que, par décision C (2011) 9750 final, du 5 janvier 2012 (dossier REM 03/2010), la Commission avait constaté le bien-fondé de la remise des droits à l’importation demandée. À cet égard, la Commission a souligné que la clôture irrégulière des opérations de transit relevait de manœuvres frauduleuses qui ne pouvaient raisonnablement s’expliquer que par la complicité active d’un agent des douanes du bureau de destination de l’État membre concerné ou par une organisation défaillante de ce bureau ayant permis à un tiers d’accéder au système informatique NSTI (nouveau système de transit informatisé).

3        Le directeur a ensuite fait référence au fait que la Commission avait été informée d’une affaire comparable à celle du dossier REM 03/2010 et que, par lettre no 3079038, du 19 septembre 2014, la Roumanie avait été considérée comme financièrement responsable pour une remise de droits de douanes, pour un montant de 14 883,79 euros, que les autorités allemandes avaient accordée elles-mêmes et que la Roumanie avait, par la même lettre, été invitée à mettre à disposition le montant en cause. La Roumanie avait cependant choisi d’introduire devant le Tribunal un recours en annulation contre ladite lettre, lequel avait été inscrit sous le numéro T‑784/14.

4        Ensuite, le directeur a expliqué que la Commission avait été informée de plusieurs autres affaires comparables à celle du dossier REM 03/2010, et que les autorités allemandes lui avaient indiqué que les autorités roumaines avaient informé les bureaux de douanes allemands d’Itzehoe et d’Hambourg que 92 opérations de transit avaient été frauduleusement apurées. Le directeur a ajouté que, par conséquent, la Roumanie était considérée comme financièrement responsable dans la mesure où la confirmation de l’apurement sur les documents de transit retournés au bureau allemand de départ avait empêché les autorités allemandes de prélever ou de récupérer des droits de douane, qui sont des ressources propres traditionnelles.

5        Il a précisé que, bien que la Roumanie ne fût pas chargée de prélever les droits de douane encourus pour l’importation au sein de l’Union, un État membre restait financièrement responsable pour les pertes de ressources propres si ses autorités ou leurs représentants commettent des erreurs ou agissent frauduleusement. Il a ajouté qu’il ne pouvait être accepté que d’autres États membres supportent une charge telle que celle-ci qui découle d’une perte de ressources propres.

6        Le directeur a ensuite souligné que les autorités roumaines n’avaient pas pu garantir que les dispositions douanières de l’Union fussent correctement appliquées et que le résultat de cette mauvaise application du droit de l’Union était une perte de ressources traditionnelles dans la mesure où l’Allemagne n’avait pas pu collecter des droits de douanes auprès du débiteur et les mettre à la disposition de la Commission en raison d’un apurement frauduleux qui constituait une circonstance spéciale ayant conduit à une remise de droits en application de l’article 239 du règlement no 2913/92. Le directeur en a déduit que la Roumanie devait compenser le budget de l’Union pour la perte de ressources propres occasionnée dans la mesure où la dette ne pouvait pas être récupérée auprès du débiteur. À cet égard, le directeur s’est référé, par analogie, au point 44 de l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414).

7        Le directeur a expliqué, en substance, que, si la Roumanie devait refuser de mettre à disposition les ressources propres traditionnelles qui ne peuvent pas être collectées et mises à disposition par l’Allemagne, un tel refus, premièrement, serait contraire au principe de coopération loyale entre les États membres et au sein de l’Union et, deuxièmement, ferait obstacle au bon fonctionnement du système des ressources propres.

8        C’est ainsi qu’il a invité les autorités roumaines à mettre à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de 1 079 513,09 euros brut, dont il convient de déduire 25 % à titre de frais de perception, au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dix-neuvième jour du deuxième mois suivant l’envoi de la lettre attaquée. Il a ajouté que tout retard donnerait lieu au paiement d’intérêts en application de l’article 11 du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 130, p. 1).

 Procédure

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2015, la Roumanie a introduit le présent recours.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 23 octobre 2015, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure, au motif que la lettre attaquée ne constitue pas une décision au sens de l’article 263 TFUE.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2015, la République slovaque a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Roumanie.

12      Le 25 novembre 2015, les parties principales ont été invitées à présenter leurs observations sur une suspension éventuelle de la procédure jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires C‑593/15 P, Slovaquie/Commission, C‑594/15 P, Slovaquie/Commission, ou C‑599/15 P, Roumanie/Commission. Ces pourvois avaient été formés contre les décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑678/14, Slovaquie/Commission, T‑779/14, Slovaquie/Commission et T‑784/14, Roumanie/Commission (ordonnances du 14 septembre 2015, Slovaquie/Commission, T‑779/14, non publiée, EU:T:2015:655 ; du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, et du 14 septembre 2015, Slovaquie/Commission, T‑678/14, non publiée, EU:T:2015:661).

13      Par courriers du 1er et du 10 décembre 2015, la Commission et la Roumanie ont informé le Tribunal qu’elles n’avaient pas d’objections à une telle suspension.

14      La Roumanie a déposé ses observations sur l’exception le 9 décembre 2015.

15      Par décision du 14 décembre 2015, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires C‑593/15 P, C‑594/15 P ou C‑599/15 P précitées.

16      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17      Par arrêts du 25 octobre 2017, Slovaquie/Commission (C‑593/15 P et C‑594/15 P, EU:C:2017:800), et du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801), la Cour a rejeté les pourvois.

18      La procédure dans la présente affaire a été reprise à la suite du prononcé des arrêts de la Cour du 25 octobre 2017, Slovaquie/Commission (C‑593/15 P et C‑594/15 P, EU:C:2017:800), et du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission (C‑599/15 P, EU:C:2017:801).

19      Par mesure d’organisation de la procédure du 30 octobre 2017, les parties principales ont été invitées à se prononcer sur les conséquences à tirer, dans la présente affaire, desdits arrêts de la Cour du 25 octobre 2017. Les parties ont répondu à cette demande dans le délai imparti.

 Conclusions des parties

20      Dans la requête, la Roumanie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission, adoptée sous la forme de la lettre attaquée, par laquelle elle lui ordonne de mettre à disposition la somme de 1 079 513,09 euros brut à titre de ressources propres ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la Roumanie aux dépens.

22      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la Roumanie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        à titre subsidiaire, joindre cette exception au fond ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

23      Aux termes de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

24      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que la lettre attaquée ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE dans la mesure où ni le contenu de cette lettre, ni les pouvoirs dont elle dispose en tant qu’institution dont ladite lettre émane n’indiquent que cet acte produit des effets juridiques obligatoires.

25      Dans la requête et les observations sur l’exception d’irrecevabilité, la Roumanie soutient que son recours est recevable dans la mesure où la lettre attaquée produit des effets juridiques obligatoires.

26      En premier lieu, la Roumanie fait valoir en substance que, en droit de l’Union, il n’existe aucune base juridique prévoyant une obligation de verser des ressources propres traditionnelles dans les circonstances de l’espèce. En deuxième lieu, la Roumanie souligne que la lettre attaquée affecte sa situation juridique et qu’elle comporte une nouvelle obligation à sa charge lorsqu’elle indique le montant exact à payer, lorsqu’elle fixe un délai de paiement et lorsqu’elle mentionne le paiement éventuel d’intérêts de retard. Pour les mêmes raisons, la Roumanie considère que la position ainsi communiquée par la Commission est définitive.

27      En troisième lieu, la Roumaine invoque le fait que, dans la mesure où elle ne pourrait contester l’existence de l’obligation de paiement imposée par la Commission qu’au moyen d’un recours en manquement fondé sur l’article 258 TFUE, son droit à la défense est violé étant donné que l’introduction d’un tel recours et le délai dans lequel la Commission adopterait une décision en ce sens seraient à la discrétion de cette dernière, ce qui pourrait avoir un impact significatif sur les intérêts à payer.

28      Il ressort d’une jurisprudence constante que sont considérées comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE, toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (voir arrêts du 25 octobre 2017, Slovaquie/Commission, C‑593/15 P et C‑594/15 P, EU:C:2017:800, point 46 et jurisprudence citée ; du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 47 et jurisprudence citée, et du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 31 et jurisprudence citée).

29      En revanche, échappe au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires, tels que les actes préparatoires, les actes confirmatifs et les actes de pure exécution, les simples recommandations et avis, ainsi que, en principe, les instructions internes (voir, en ce sens, ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 21).

30      De même, une manifestation d’opinion écrite émanant d’une institution de l’Union ne saurait constituer une décision de nature à faire l’objet d’un recours en annulation, dès lors qu’elle n’est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire de tels effets (voir ordonnance du 9 janvier 2006, Finlande/Commission, T‑177/05, non publiée, EU:T:2006:1, point 30 et jurisprudence citée).

31      Pour déterminer si un acte produit des effets de droit obligatoires, il y a lieu de s’attacher à sa substance. Ces effets doivent être appréciés en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier, ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur (voir arrêts du 25 octobre 2017, Slovaquie/Commission, C‑593/15 P et C‑594/15 P, EU:C:2017:800, point 47 et jurisprudence citée ; du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 48 et jurisprudence citée, et du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32 et jurisprudence citée).

32      En ce qui concerne le contexte de l’adoption de la lettre attaquée et les pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur, il convient, en premier lieu, de relever que, selon l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2007, L 163, p. 17), constituent des ressources propres inscrites au budget général de l’Union européenne, les recettes provenant des prélèvements, des primes, des montants supplémentaires ou compensatoires, des montants ou des éléments additionnels, des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions de l’Union sur les échanges avec les pays non membres, des droits de douane sur les produits relevant du traité, arrivé à expiration, instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier ainsi que des cotisations et autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 23).

33      Ainsi qu’il résulte de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2007/436, les ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ladite décision sont perçues par les États membres et ceux-ci ont l’obligation de mettre lesdites ressources propres à la disposition de la Commission (voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 24 et jurisprudence citée).

34      De plus, selon la jurisprudence de la Cour, les États membres ont l’obligation de constater les ressources propres de l’Union. En effet, l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, doit être interprété en ce sens que les États membres ne peuvent pas se dispenser de constater les créances, même s’ils les contestent, sous peine d’admettre que l’équilibre financier de l’Union soit bouleversé, ne fût-ce qu’à titre temporaire, par le comportement d’un État membre (voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 25 et jurisprudence citée).

35      Par ailleurs, l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000 prévoit, en substance, que chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné. L’article 11 du même règlement ajoute que tout retard dans l’inscription au crédit du compte de la Commission donne lieu au paiement d’intérêts de retard.

36      En outre, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 du même règlement soient mis à la disposition de la Commission. Selon le libellé de l’article 17, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement 1150/2000, les États membres n’en sont dispensés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées (voir, en ce sens, ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 27 et jurisprudence citée).

37      Enfin, un État membre qui s’abstient de constater le droit de l’Union sur les ressources propres et de mettre le montant correspondant à la disposition de la Commission, sans qu’une des conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 soit remplie, manque à ses obligations en vertu du droit de l’Union (voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 28 et jurisprudence citée).

38      Ainsi, il ressort directement des dispositions de la décision 2007/436 et du règlement no 1150/2000 que c’est aux États membres eux-mêmes d’apprécier l’existence d’une perte de ressources propres traditionnelles ainsi que l’existence d’une obligation de verser de telles ressources. Il leur appartient de constater les ressources propres traditionnelles de l’Union et de procéder à la mise à disposition desdites ressources lorsque les conditions prévues par ces textes sont réunies sans qu’une décision de la Commission soit nécessaire. La mise en œuvre de l’obligation de mettre à disposition les ressources propres, prévue par ces textes, relève donc de la responsabilité des États membres (ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 29).

39      La responsabilité des autorités des États membres en ce qui concerne la mise à disposition de ressources propres traditionnelles est corroborée, d’une part, par le considérant 2 du règlement no 1150/2000, qui indique que l’Union doit disposer des ressources propres visées à l’article 2 de la décision 2007/436 dans les meilleures conditions possibles et, d’autre part, par l’exigence d’une mise à disposition rapide et efficace des ressources propres de l’Union (voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 30 et jurisprudence citée).

40      En deuxième lieu, il convient d’observer que la décision 2007/436 et le règlement no 1150/2000 ne prévoient aucune procédure spécifique à l’issue de laquelle la Commission serait amenée à adopter une décision relative à l’obligation, incombant aux États membres, de mettre les ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 66, et ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 31).

41      En effet, il ressort en particulier des considérants 10 et 20, ainsi que des articles 18 et 19 du règlement no 1150/2000, que la Commission est compétente pour suivre et contrôler l’action des États membres, au besoin en procédant à des vérifications sur place (ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 32).

42      En revanche, aucune disposition de la décision 2007/436 et du règlement no 1150/2000 n’attribue à la Commission le pouvoir de se prononcer, par voie de décision, sur l’obligation de mise à disposition de ressources propres traditionnelles prévue par ces textes (ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 33).

43      Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que, selon le système établi par les articles 258 TFUE à 260 TFUE, la détermination des droits et des obligations des États membres ainsi que le jugement de leur comportement ne peuvent résulter que d’un arrêt de la Cour (voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 34 et jurisprudence citée).

44      Ainsi, dans le cadre de sa mission de surveillance de la mise en œuvre, par les États membres, de l’obligation de mise à disposition de ressources propres traditionnelles qui découle de la décision 2007/436 et du règlement no 1150/2000, la Commission ne saurait porter atteinte à la compétence exclusive de la Cour pour statuer sur la conformité d’un comportement avec ledit règlement (ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 35).

45      Il s’ensuit que, lorsqu’il existe un différend entre la Commission et un État membre quant au point de savoir si un comportement est conforme à l’obligation de mise à disposition de ressources propres traditionnelles prévue par la décision 2007/436 et le règlement no 1150/2000, la Commission ne saurait, en adoptant une décision, trancher elle-même, et définitivement, un tel différend (ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 36).

46      Dès lors, à défaut de disposition habilitant la Commission à adopter un acte enjoignant à un État membre de mettre à disposition des ressources propres, la lettre attaquée peut uniquement être considérée comme ayant une valeur informative et comme une simple invitation adressée à la Roumanie (ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 37).

47      En troisième lieu, il convient de relever que la phase précontentieuse de la procédure en manquement prévue par l’article 258 TFUE ayant pour unique but de permettre à l’État membre de se conformer volontairement aux exigences du traité ou, le cas échéant, de lui donner l’occasion de justifier sa position, aucun des actes adoptés par la Commission dans ce cadre n’a force obligatoire (voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 41 et jurisprudence citée).

48      En ce qui concerne spécifiquement l’émission d’un avis motivé, la Cour a d’ailleurs constaté qu’il s’agissait d’une procédure préliminaire qui ne comportait pas d’effet juridique contraignant à l’égard du destinataire de l’avis motivé (voir arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 65 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 42 et jurisprudence citée).

49      Ainsi, a fortiori, la lettre attaquée, dans laquelle la Commission invite de manière informelle la Roumanie à mettre des ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l’Union, ne saurait constituer un acte attaquable (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 65, et ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 43).

50      Ensuite, s’agissant du contenu de la lettre attaquée, il convient de relever que, après un rappel des faits en cause, le directeur y a exprimé le point de vue de sa direction, selon lequel la Roumanie était considérée comme étant responsable des pertes de ressources propres occasionnées en Allemagne. Il a estimé que la Roumanie devait compenser ces pertes et que, en cas de refus de mise à disposition du montant en cause, cette dernière méconnaîtrait le principe de coopération loyale et mettrait en danger le bon fonctionnement du système des ressources propres. Au regard de ces éléments, il l’a invitée à mettre à sa disposition le montant correspondant aux pertes en cause et a précisé que le non-paiement dans le délai fixé par cette même lettre donnerait lieu au paiement d’intérêts de retard en application de l’article 11 du règlement no 1150/2000.

51      Il ressort de ce rappel que, par la lettre attaquée, la Commission a, pour l’essentiel, exposé à la Roumanie son avis quant aux conséquences juridiques des pertes de ressources propres occasionnées en Allemagne et aux obligations qui, selon elle, en résulteraient pour la Roumanie. Au regard de cet avis, elle a invité cet État membre à mettre à disposition le montant en cause.

52      Or, il y a lieu de considérer que ni l’exposé d’un simple avis juridique ni une simple invitation de mettre à disposition le montant en cause ne sauraient être de nature à produire des effets de droit (arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 62).

53      Le seul fait que la lettre attaquée fait mention d’un délai pour la mise à disposition dudit montant tout en indiquant qu’un retard est susceptible de donner lieu à des intérêts de retard ne permet pas, eu égard au contenu global de cette lettre, de considérer que la Commission aurait entendu, au lieu d’exprimer son avis, adopter un acte produisant des effets de droit obligatoires ni, partant, de conférer à ladite lettre la nature d’un acte attaquable (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 63).

54      En effet, force est de constater que, en indiquant le délai dans lequel les montants en cause devaient être mis à disposition de la Commission ainsi que la sanction éventuelle du paiement d’intérêts de retard, la lettre attaquée ne fait que reprendre le libellé des articles 10 et 11 du règlement 1150/2000.

55      Compte tenu de ce qui précède, il convient de considérer que la lettre attaquée constitue une simple manifestation d’opinion écrite à visée informative complétée d’une invitation à mettre à disposition des ressources propres traditionnelles, adressée à la Roumanie. Cette lettre ne saurait donc constituer une décision de nature à faire l’objet d’un recours en annulation dès lors qu’elle n’est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire de tels effets.

56      La conclusion formulée au point 55 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par la Roumanie.

57      Premièrement, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la Roumanie tirée, en substance, de ce que la lettre attaquée serait dépourvue de fondement juridique dans les circonstances de l’espèce.

58      En effet, dans la mesure où la lettre attaquée ne peut faire l’objet d’un recours en annulation introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, ladite argumentation doit être rejetée comme inopérante en ce qu’elle porte sur le bien-fondé du contenu de ladite lettre (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, points 52 et 53).

59      Deuxièmement, en ce qui concerne le prétendu caractère obligatoire, nouveau et définitif de la lettre attaquée, il convient de rappeler que le seul fait que la lettre attaquée fixe un délai pour la mise à disposition dudit montant tout en indiquant qu’un retard est susceptible de donner lieu à des intérêts de retard ne permet pas de conférer à ladite lettre la nature d’un acte attaquable (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2017, Slovaquie/Commission, C‑593/15 P et C‑594/15 P, EU:C:2017:800, point 61, et du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 63).

60      En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 54 ci-dessus, la Commission s’est bornée à rappeler des obligations qui lui incombaient en vertu du règlement 1150/2000 sans avoir imposé de nouvelles obligations à la Roumanie.

61      Enfin, quant au prétendu caractère définitif de la lettre attaquée, il suffit de rappeler que, même à supposer que la lettre attaquée contienne des appréciations juridiques définitives de la part de la Commission, ceci n’implique pas qu’elle produise des effets de droit obligatoires et qu’elle soit susceptible de faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 19 octobre 2016, E-Control/ACER, T‑671/15, non publiée, EU:T:2016:626, point 64).

62      Troisièmement, la Roumanie invoque une violation de son droit à la défense, dans la mesure où l’introduction d’un recours en manquement et le délai dans lequel la Commission adopterait une décision en ce sens seraient à la discrétion de cette dernière, ce qui pourrait avoir un impact significatif sur les intérêts à payer.

63      Or, il convient de rejeter cette argumentation qui est, en substance, tirée, d’une part, de l’obligation de garantir une protection juridictionnelle effective et, d’autre part, de l’urgence de la situation en l’espèce qui résulterait notamment du risque d’avoir à payer des intérêts de retard.

64      En effet, d’une part, bien que la condition relative aux effets de droit obligatoires doive être interprétée à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective tel que garanti à l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il suffit de rappeler que ce droit n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union, ainsi qu’il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de cette charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci. Partant, l’interprétation de la notion d’« acte attaquable » à la lumière dudit article 47 ne saurait aboutir à écarter cette condition sans excéder les compétences attribuées par le traité aux juridictions de l’Union (arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, points 68).

65      D’autre part, en ce qui concerne l’urgence de la situation en l’espèce résultant notamment du risque d’avoir à payer des intérêts de retard, il résulte, certes, de l’économie de l’article 258 TFUE que la Commission n’est pas tenue d’engager un recours en manquement. En effet, le pouvoir d’appréciation dont elle dispose quant à l’opportunité de saisir la Cour d’un recours en manquement exclut le droit pour quiconque d’exiger d’elle qu’elle prenne position dans un sens déterminé (voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 55 et jurisprudence citée).

66      Toutefois, le risque d’avoir à payer des intérêts de retard peut être écarté compte tenu de la possibilité, qui est offerte aux États membres qui contestent leur responsabilité financière et qui a été mentionnée à plusieurs reprises par la Cour, de procéder à une mise à disposition conditionnelle du montant réclamé par la Commission, tout en formulant des réserves quant au bien-fondé de la thèse défendue par cette institution (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C‑96/89, EU:C:1991:213, point 17 ; du 12 septembre 2000, Commission/Royaume-Uni, C‑359/97, EU:C:2000:426, point 31 ; ordonnances du 4 octobre 2007, Finlande/Commission, C‑457/06 P, non publiée, EU:C:2007:582, point 39, et du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 56 et jurisprudence citée).

67      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, la lettre attaquée ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Il convient donc de rejeter le recours comme irrecevable sans qu’il y ait lieu de statuer sur la demande en intervention de la République slovaque.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69      En l’espèce, la Roumanie ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

70      Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, la Roumanie, la Commission et la République slovaque supporteront chacune leurs propres dépens afférents à la demande en intervention de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de la République slovaque.

3)      La Roumanie est condamnée à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la Commission européenne.

4)      La Roumanie, la Commission et la République slovaque supporteront chacune leurs propres dépens afférents à la demande en intervention de cette dernière.

Fait à Luxembourg, le 28 juin 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

V. Tomljenović


*      Langue de procédure : le roumain.