Language of document : ECLI:EU:T:2023:543

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 septembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative LΛΛVΛ – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures LAV et Lav – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Droit d’être entendu – Article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑473/22,

Gürok Turizm ve Madencilik Anonim Sirketi, établie à Kütahya (Turquie), représentée par Mes M. López Camba et A. Lyubomirova Geleva, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Gábor Darvas, demeurant à Budapest (Hongrie),

Dorina Pap, demeurant à Kiskunhalas (Hongrie),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et E. Tichy‑Fisslberger (rapporteure), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 26 avril 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Gürok Turizm ve Madencilik Anonim Sirketi, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 20 mai 2022 (affaire R 1745/2021-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 mars 2020, M. Gábor Darvas et Mme Dorina Pap (ci-après les « demandeurs ») ont présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant notamment, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, de la classe 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Bouteilles en verre contenant des pierres minérales ».

4        Le 23 juin 2020, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée, notamment pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les marques de l’Union européenne figuratives antérieures désignant chacune, notamment, les produits relevant de la classe 21 et correspondant à la description suivante : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine ; peignes et éponges ; brosses (à l’exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie ; paille de fer ; verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction) ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d’autres classes ; plats, bocaux, bocaux à biscuits, verres, tasses, plateaux, coquetiers, tasses à café, poêlons, carafes, moules à gâteaux, théières, vaisselle (autre que couteaux, fourchettes et cuillères) en verre et porcelaine, à savoir bols, mugs, assiettes, salières et poivrières, sauciers, brocs et vases ; statuettes, statues et objets d’art en verre et porcelaine », reproduites ci-après :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 12 août 2021, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

8        Le 8 octobre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que, premièrement, les produits en cause étaient identiques, dès lors que les produits désignés par la marque demandée étaient inclus dans la catégorie plus large de la « verrerie », pour laquelle les marques antérieures étaient enregistrées (point 21 de la décision attaquée), deuxièmement, le public pertinent était composé par le grand public et les consommateurs professionnels dans l’ensemble de l’Union européenne, faisant preuve d’un niveau d’attention plus élevé que la moyenne (points 24 à 27 de la décision attaquée), troisièmement, le caractère distinctif intrinsèque des marques antérieures était moyen (point 32 de la décision attaquée), quatrièmement, l’élément verbal de la marque demandée était perçu par le public pertinent comme une combinaison inhabituelle de lettres latines et grecques (points 34 et 35 de la décision attaquée), cinquièmement, les signes en conflit présentaient tout au plus un faible degré de similitude sur le plan visuel, même pour la partie du public pertinent qui pourrait être amené à percevoir la lettre majuscule grecque « Λ », ou lambda, comme la lettre majuscule latine « A » (points 35 et 36 de la décision attaquée), sixièmement, sur le plan phonétique, les signes en conflit présentaient tout au plus un faible degré de similitude (points 37 et 38 de la décision attaquée), septièmement, une comparaison conceptuelle desdits signes soit était impossible, soit conduirait à une conclusion de dissemblance (point 39 de la décision attaquée) et, huitièmement, dans l’ensemble, il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit (points 44 et 45 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO ainsi que les demandeurs aux dépens de la procédure devant le Tribunal.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par lui en cas de convocation à une audience de plaidoiries.

 En droit

12      La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu, conformément à l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

13      En l’espèce, il convient d’examiner en premier lieu le second moyen.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

14      Par son second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a nié l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

15      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

19      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, comme le fait valoir à juste titre la requérante, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

20      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

21      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 24 à 27 de la décision attaquée, que le public pertinent était celui de l’Union dans l’ensemble et que les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales », comprises dans la classe 21, pour lesquelles les demandeurs avaient sollicité l’enregistrement de la marque demandée, s’adressaient tant au grand public qu’aux consommateurs professionnels, à savoir les détaillants qui proposent ce genre de produits dans leurs boutiques de design ou de cadeaux. Selon la chambre de recours, étant donné que la spécification des produits visés par la marque demandée mentionne les « pierres minérales » par opposition aux pierres ordinaires et que ces pierres pourraient être précieuses ou semi-précieuses, l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que ces produits soient plus onéreux que les bouteilles en verre ordinaires. En outre, il ne s’agirait pas de produits achetés quotidiennement mais plutôt de manière occasionnelle pour un usage à long terme. Pour cette raison, ainsi qu’à cause du prix élevé et de la présence de pierres minérales dans la bouteille, dont les pierres précieuses et semi-précieuses, non seulement les consommateurs professionnels mais également ceux faisant partie du grand public feraient preuve d’un niveau d’attention plus élevé que la moyenne lors de l’achat de ces produits.

22      La requérante critique cette appréciation de la chambre de recours et fait valoir que le raisonnement exposé par celle-ci dans la décision attaquée est contradictoire. La chambre de recours, d’une part, aurait reconnu qu’il y avait lieu de comparer les produits en cause en se référant au libellé de la spécification, et non aux produits spécifiques que les parties affirment offrir sur le marché mais, d’autre part, n’aurait pris en compte qu’une seule variante des « bouteilles en verre contenant des pierres minérales », alors que, en réalité, les pierres minérales ne seraient pas nécessairement des pierres précieuses et semi-précieuses et les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales » ne seraient pas nécessairement onéreuses. Selon la requérante, les produits visés par la marque demandée englobent également des produits simples et peu coûteux s’adressant aux consommateurs généraux dont l’attention devrait être considérée comme moyenne.

23      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

24      Le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est constitué des utilisateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services visés par la marque antérieure que ceux visés par la marque demandée. Ainsi, en règle générale, lorsque les produits ou services de l’une des marques en conflit sont inclus dans la désignation plus large visée par l’autre marque, le public pertinent est défini par référence au libellé le plus spécifique [voir arrêt du 24 mai 2011, ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, points 38 et 39 et jurisprudence citée].

25      En l’espèce, les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales », comprises dans la classe 21, pour lesquelles les demandeurs ont sollicité l’enregistrement de la marque demandée étant comprises dans la catégorie plus large formée par la « verrerie non comprise dans d’autres classes », comprise dans la classe 21, pour laquelle les marques antérieures sont notamment enregistrées, il convient d’identifier le public pertinent de ces premiers produits et son niveau d’attention.

26      Or, la chambre de recours a, certes, correctement relevé que les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales » étaient incluses dans la catégorie plus large de la « verrerie non comprise dans d’autres classes », de sorte que les produits en cause sont identiques (point 21 de la décision attaquée) et que, par suite, ces produits se chevauchent (point 24 de la décision attaquée). Toutefois, après avoir souligné, au point 26 de la décision attaquée, que la spécification de ces produits visés par la marque demandée mentionnait les pierres minérales par opposition aux pierres ordinaires et après avoir ajouté que ces pierres minérales pourraient être précieuses ou semi-précieuses, la chambre de recours a conclu que « [l’]on p[ouvait] raisonnablement s’attendre à ce que les produits visés [par la marque demandée] soient plus onéreux que les bouteilles en verre ordinaires », sans pour autant expliquer pourquoi et dans quelle mesure la comparaison du niveau de prix des « bouteilles en verre contenant des pierres minérales » avec celui des « bouteilles en verre ordinaires » serait pertinente pour la définition du public pertinent des « bouteilles en verre contenant des pierres minérales » et de son niveau d’attention.

27      En outre, s’il est vrai, comme la chambre de recours l’a expliqué au point 26 de la décision attaquée, que les pierres minérales contenues dans les bouteilles en verre en cause pourraient être précieuses ou semi-précieuses, il n’en demeure pas moins que c’est à juste titre que la requérante fait valoir que ces pierres minérales ne sont pas nécessairement des pierres précieuses ou semi-précieuses.

28      L’argument avancé par l’EUIPO, selon lequel la chambre de recours aurait déduit un niveau d’attention plus élevé que la moyenne principalement du fait que les produits visés par la marque demandée contiennent des pierres minérales par opposition à des pierres ordinaires, ne permet pas non plus de conclure que ces premières pierres coûtent généralement relativement cher, ce qui rendrait ces produits relativement onéreux.

29      Par suite, la chambre de recours n’était pas fondée à considérer, sur la base des arguments qu’elle a exposés dans la décision attaquée, que les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales » étaient relativement onéreuses et qu’elles étaient vendues à des prix élevés.

30      Cependant, même s’il ne saurait donc être considéré que les produits visés par la marque demandée aient un prix relativement élevé, c’est à juste titre que la chambre de recours a souligné, au point 26 de la décision attaquée, que les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales » n’étaient pas des produits achetés quotidiennement mais plutôt de manière occasionnelle, ce que la requérante reconnaît en substance. Comme l’avance à juste titre l’EUIPO, ces produits sont plutôt spécifiques et sont souvent utilisés à titre décoratif ou pour obtenir certains effets positifs que l’on pourrait être amené à attribuer aux pierres minérales qu’ils contiennent. Dans ces circonstances, c’est à tort que la requérante fait valoir que l’achat de tels produits peut être banal. Au contraire, il est effectivement vrai qu’une personne achetant de tels produits sera particulièrement attentive lors de son achat, et ce nonobstant le fait que ce dernier peut être facile ou peu onéreux.

31      Dans la mesure où, lors de l’audience, la requérante s’est référée à l’arrêt du 14 janvier 2016, The Cookware Company/OHMI – Fissler (VITA+VERDE) (T‑535/14, non publié, EU:T:2016:2, point 29), pour étayer son point de vue selon lequel le public pertinent ne fera preuve que d’un niveau d’attention moyen lors de l’achat des produits visés par la marque demandée, il suffit d’observer que cet arrêt concernait des « ustensiles de ménage ou cuisine » sans contenu spécifique alors que, dans la présente affaire, sont en cause les « bouteilles en verre » contenant spécifiquement des « pierres minérales ».

32      Il s’ensuit que, même si les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales » ne coûtent pas nécessairement cher, non seulement les consommateurs professionnels mais aussi le grand public feront preuve d’un niveau d’attention plus élevé que la moyenne lors de l’achat de ces produits, tout comme l’a constaté la chambre de recours en l’espèce.

33      Enfin, c’est également à juste titre que celle-ci a considéré, au point 27 de la décision attaquée, que le territoire pertinent en l’espèce est celui de l’ensemble de l’Union, les marques antérieures étant des marques de l’Union européenne, ce que la requérante ne conteste pas.

 Sur la comparaison des produits

34      Au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales », comprises dans la classe 21, pour lesquelles les demandeurs avaient sollicité l’enregistrement de la marque demandée étaient incluses dans la catégorie plus large de la « verrerie non comprise dans d’autres classes », comprise dans cette même classe, pour laquelle les marques antérieures étaient notamment enregistrées, et que les produits en cause étaient donc identiques, ce que les parties ne contestent pas.

 Sur la comparaison des signes

35      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

36      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

37      Avant d’examiner les trois aspects de similitude s’agissant des signes en conflit, la chambre de recours a notamment relevé, au point 34 de la décision attaquée, que l’élément verbal du signe demandé ne contenait pas, en fait, la lettre majuscule stylisée « A » de l’alphabet latin et que, contrairement à ce qu’avait estimé la division d’opposition, cet élément verbal ne devait donc pas être désigné par le terme « laava ». Selon la chambre de recours, cet élément verbal est composé d’une combinaison de lettres latines et grecques, à savoir la lettre majuscule latine « L », suivie de la lettre majuscule grecque « Λ », ou lambda, apparaissant deux fois, suivie de la lettre majuscule latine « V », puis de nouveau de la lettre majuscule grecque « Λ », ou lambda.

38      La requérante critique cette appréciation de la chambre de recours et fait valoir que le signe demandé consiste bien en l’expression « laava », représentée en caractères stylisés, chaque « A » étant représenté par un « V » inversé. Elle considère, en substance, que l’alphabet grec n’est pas connu par le public pertinent dans la majeure partie de l’Union en dehors de la Grèce et de Chypre. Selon elle, dans la majeure partie de l’Union, le symbole « Λ » ne sera pas perçu comme la lettre majuscule grecque lambda, mais plutôt comme la lettre majuscule latine « A » dans une forme stylisée. Ainsi, les demandeurs auraient toujours désigné la marque demandée par le terme « laava ».

39      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Il fait valoir que les lettres grecques sont souvent utilisées en mathématiques, en sciences et en ingénierie. Par conséquent, il serait raisonnable que la lettre majuscule grecque lambda soit comprise par une partie significative du public de l’Union. L’EUIPO considère que, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait tenu compte tant de la possibilité que le symbole « Λ » soit perçu par le public pertinent comme la lettre majuscule grecque lambda que de celle que ce public le perçoive comme la représentation stylisée de la lettre majuscule latine « A » et conclu à l’absence d’un degré suffisant de similitude dans chacune de ces hypothèses. L’argument de la requérante serait donc inopérant.

40      Il est vrai que le symbole « Λ », contenu à trois reprises dans l’élément verbal de la marque demandée, correspond effectivement à la lettre majuscule grecque lambda et qu’il sera compris ainsi par la partie du public pertinent qui parle le grec. Toutefois, il a déjà été jugé qu’une majorité des consommateurs de l’Union ne connaît pas l’alphabet grec et que seule une catégorie de consommateurs érudits le connaît [arrêt du 10 juin 2009, Vivartia/OHMI – Kraft Foods Schweiz (milko ΔΕΛΤΑ), T‑204/06, non publié, EU:T:2009:185, point 43].

41      En outre, s’il est vrai que des lettres issues de l’alphabet grec sont souvent utilisées en mathématiques, en sciences et en ingénierie, comme l’avance l’EUIPO, il ne peut toutefois pas en être déduit que le public pertinent dans l’ensemble de l’Union, qui englobe également les consommateurs faisant partie du grand public (voir point 21 ci-dessus), connaît la signification de l’ensemble des lettres de l’alphabet grec, majuscules et minuscules confondues. En effet, s’agissant de la lettre majuscule grecque lambda, ou « Λ », force est de constater que celle-ci n’est précisément pas utilisée pour une telle désignation qui pourrait être considérée comme étant courante.

42      Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant, en substance, que l’ensemble du public pertinent (et non pas seulement la partie parlant le grec) percevra le symbole « Λ » contenu dans l’élément verbal de la marque demandée comme la lettre majuscule grecque lambda.

43      Comme l’avance à juste titre la requérante, au regard de la présence des lettres majuscules latines « L » et « V » dans l’élément verbal de la marque demandée, la partie du public pertinent ne parlant pas le grec percevra ce symbole comme la lettre majuscule latine « A » dans une forme stylisée, étant donné que la seule différence entre ce symbole et cette lettre consiste en la présence d’une traverse, ou barre horizontale, dans cette dernière qui ne figure pas dans ce symbole.

44      De surcroît, c’est également cette perception du symbole « Λ » que les demandeurs semblent avoir eu à l’esprit au moment de l’introduction de la demande d’enregistrement et par la suite. En effet, dans le formulaire de demande, ceux-ci ont décrit l’élément verbal de la marque demandée comme « laava ». Comme l’a en outre relevé la requérante, les demandeurs utilisent le terme « laava » pour désigner l’adresse de leur site Internet et pour désigner des « bouteilles en verre contenant des pierres minérales » qu’ils vendent.

45      Comme l’avance à juste titre l’EUIPO, cette erreur commise par la chambre de recours n’entraînerait toutefois pas l’annulation de la décision attaquée, puisque la chambre de recours a également tenu compte de la possibilité que le symbole « Λ » soit perçu par le public pertinent comme la représentation stylisée de la lettre majuscule latine « A » et a correctement conclu à l’absence d’un degré suffisant de similitude également pour cette hypothèse.

46      En effet, étant donné qu’il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union (voir point 19 ci-dessus), il y a lieu de vérifier si la chambre de recours a correctement établi l’absence d’un risque de confusion dans l’esprit de la partie du public pertinent ne parlant pas le grec et qui percevra le symbole « Λ » comme la représentation stylisée de la lettre majuscule latine « A ».

–       Sur la similitude visuelle

47      Aux points 35 et 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit n’étaient que légèrement stylisés et que cette stylisation ne contribuait donc pas significativement à l’impression d’ensemble qu’ils produisaient. Elle a toutefois souligné la partie supérieure de la lettre majuscule « A » de la première marque antérieure représentée partiellement en rose. Selon la chambre de recours, le public pertinent remarquera la combinaison, selon elle inhabituelle, de lettres grecques et latines dans le signe demandé. Elle considère qu’une confusion de la lettre majuscule grecque « Λ » avec la lettre majuscule latine « A », potentiellement à cause d’un manque de connaissance de l’alphabet grec, ne serait que pure spéculation. D’après la chambre de recours, il apparaîtrait clairement que « Λ » n’est pas la même chose que « A », y compris du point de vue de la partie du public pertinent qui ne connaît pas l’alphabet grec. Selon elle, même s’il devait être accepté qu’une partie du public pertinent confonde effectivement le symbole « Λ » avec la lettre « A », il existerait toujours plusieurs différences significatives entre les signes. La chambre de recours a relevé en particulier, d’une part, que la longueur des éléments verbaux des signes en conflit était différente, ce qui serait d’autant plus pertinent eu égard au fait que les signes antérieurs sont courts et, d’autre part, que la partie du public pertinent qui ne reconnaît pas la lettre majuscule grecque lambda remarquerait que l’élément « Λ » ressemble à la lettre majuscule latine « V » inversée, alors que la lettre entre les éléments « Λ » dans l’élément verbal du signe demandé serait précisément un « V ». Dans l’ensemble, les signes en conflit présenteraient donc tout au plus un faible degré de similitude visuelle.

48      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours et fait valoir que les signes en conflit présentent un degré élevé de similitude sur le plan visuel. Elle remarque que les signes coïncident dans la séquence de lettres « l », « a » et « v » en leur commencement, ce qui aurait une influence considérable, et qu’ils diffèrent par la troisième et dernière lettre « a » du signe demandé. Toutefois, cette répétition de la lettre « a » à trois reprises n’aurait qu’une incidence limitée. En outre, la police de caractères utilisée dans la marque demandée reproduirait en partie la police de caractères de la première marque antérieure.

49      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

50      En l’espèce, il est vrai que, ainsi qu’il est relevé par la requérante, la séquence de lettres « l », « a » et « v » constitue la partie initiale des marques antérieures, tel que c’est le cas de la séquence de lettres majuscules « L », « Λ », « Λ » et « V » dans la marque demandée. Selon la jurisprudence, ladite partie initiale des marques peut effectivement être susceptible de retenir davantage l’attention du public pertinent que les parties suivantes. Toutefois, comme l’a également relevé la chambre de recours au point 43 de la décision attaquée, cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et ne saurait, en tout état de cause, remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des signes doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ceux-ci [voir arrêt du 10 mars 2016, credentis/OHMI – Aldi Karlslunde (Curodont), T‑53/15, non publié, EU:T:2016:136, point 35 et jurisprudence citée].

51      Ainsi, comme l’a également relevé, en substance, la chambre de recours au point 36 de la décision attaquée, il ressort de la jurisprudence que plus un signe est court, plus le public est à même de percevoir les différences entre les signes en conflit, de telles différences pouvant aboutir à des impressions d’ensemble différentes [voir arrêt du 28 septembre 2016, The Art Company B & S/EUIPO – G-Star Raw (THE ART OF RAW), T‑593/15, non publié, EU:T:2016:572, point 28 et jurisprudence citée]. Étant donné que les signes antérieurs sont des signes courts composés de trois lettres chacun, le public pertinent est donc à même de percevoir les différences entre eux et le signe demandé, y compris dans la mesure où ces différences découleraient plutôt de la partie finale des signes en conflit. En effet, comme l’ont souligné à juste titre la chambre de recours et l’EUIPO, la longueur de l’élément verbal du signe demandé est sensiblement plus importante, presque deux fois plus, que celle des marques antérieures.

52      Ensuite, il est vrai que les polices de caractères utilisées pour représenter les éléments verbaux dans le signe demandé et dans la première marque antérieure sont très semblables. Toutefois, d’une part, force est de constater que les lettres de l’élément verbal de la première marque antérieure sont allongées verticalement d’une manière clairement perceptible, alors que l’élément verbal du signe demandé est représenté dans une police de caractères standard. D’autre part, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, la partie supérieure de la lettre « A » de l’élément verbal de la première marque antérieure qui est représentée en rose constitue une différence avec le signe demandé qui sera immédiatement remarquée par le public pertinent.

53      En outre, c’est à juste titre que la chambre de recours et l’EUIPO insistent, en substance, sur ce que la partie du public pertinent qui reconnaît la lettre majuscule latine « A » dans le symbole « Λ » remarquera néanmoins qu’il ne s’agit en effet pas de la lettre majuscule latine « A », mais plutôt d’une version stylisée. L’effort intellectuel qui doit être réalisé par cette partie du public pertinent pour faire cette association démontre l’existence d’une différence.

54      Enfin, c’est également à juste titre que l’EUIPO remarque que l’emploi d’une double lettre « a » est plutôt inhabituelle dans une partie du territoire pertinent, alors qu’une telle double lettre « a » sera clairement perçue comme différente d’une simple lettre « a » par les locuteurs d’une langue qui connaît une telle voyelle double.

55      Au regard de ce qui précède, la chambre de recours n’a donc pas commis d’erreurs en considérant que, dans l’ensemble, sur le plan visuel, les différences entre les signes en conflit contrebalancent les similitudes entre eux, de sorte qu’il existe tout au plus un faible degré de similitude visuelle.

–       Sur la similitude phonétique

56      S’agissant de la similitude phonétique, la chambre de recours a considéré, aux points 37 et 38 de la décision attaquée, que, pour la partie du public pertinent qui reconnaît la lettre majuscule grecque lambda dans le signe demandé, ce dernier sera perçu comme étant difficile à prononcer dans son ensemble. Dans cette hypothèse, il n’existerait qu’un faible degré de similitude phonétique. En ce qui concerne la partie du public pertinent qui perçoit le symbole « Λ » comme une version stylisée de la lettre majuscule « A » et donc l’élément verbal de la marque demandée comme « laava », la chambre de recours a considéré, au point 38 de la décision attaquée, que cette partie percevrait les signes en conflit comme étant tout au plus faiblement similaires sur le plan phonétique. En effet, le son « a » serait plus long que dans les marques antérieures et répété à la fin du mot. En outre, les signes différeraient par leur nombre de syllabes et par leur rythme.

57      La requérante fait valoir que la prononciation des signes en conflit coïncide dans le son du groupe de lettres « lav ». Elle différerait dans le son de la troisième lettre « a » dans le signe demandé. Pour une partie du public pertinent, par exemple celui parlant l’espagnol, la répétition de la lettre « a » au milieu du signe demandé n’aurait pas d’incidence sur la prononciation. L’ajout d’un phonème « a » à la fin du signe demandé ne l’emporterait pas sur les similitudes phonétiques créées par les trois lettres communes « lav ». Bien que les marques antérieures consistent en une syllabe et que la marque demandée puisse être prononcée en deux syllabes, la seconde syllabe du signe demandé pourrait être omise lors de sa prononciation au regard du fait qu’elle constitue une répétition du son de la voyelle précédente. En tout état de cause, le début des signes en conflit qu’ils ont en commun serait beaucoup plus pertinent aux fins de la comparaison phonétique. Par suite, les signes en conflit seraient phonétiquement semblables au moins à un degré moyen ou même élevé.

58      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

59      En l’espèce, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que, pour la partie du public pertinent qui perçoit l’élément verbal de la marque demandée comme « laava », cet élément verbal consiste en deux syllabes, alors que l’élément verbal des marques antérieures n’en comporte qu’une. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la double voyelle « a » dans l’élément verbal de la marque demandée a bien une incidence sur la prononciation de cet élément pour cette partie du public pertinent. En effet, pour les locuteurs de langues dans lesquelles une telle double voyelle « a » est utilisée, comme par exemple le danois et le néerlandais, cette double voyelle « a » est normalement prononcée différemment d’une simple voyelle « a » qui se trouverait au même endroit de cet élément verbal. De même, les locuteurs d’autres langues dans lesquelles une telle double voyelle « a » est étrangère prononceront également la double voyelle « a » de manière différente d’une simple voyelle « a ». En effet, ils la prononceraient soit comme un « a » plus long que d’habitude, soit comme deux « a » avec une petite pause entre les deux (« a » « a »).

60      C’est également à tort que la requérante avance que la troisième lettre « a » dans l’élément verbal de la marque demandée ne pourrait pas être prononcée par une partie du public pertinent. Au contraire, la partie du public pertinent qui comprend l’élément verbal de la marque demandée comme « laava » prononcera bien la lettre finale « a » et donc l’élément verbal en deux syllabes « laa » « va ».

61      Les signes antérieurs étant prononcés en une syllabe, « lav », qui diffère donc de la première syllabe de l’élément verbal de la marque demandée, il n’est pas non plus correct d’affirmer, comme l’a fait la requérante, que la partie initiale des signes en conflit correspond phonétiquement.

62      Il s’ensuit que la chambre de recours a pu constater à bon droit que, dans l’ensemble, au regard du nombre de syllabes et du rythme différents, les signes en conflit ne présentaient qu’un faible degré de similitude phonétique.

–       Sur la similitude conceptuelle

63      Au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le signe demandé ne pourrait être considéré comme véhiculant un concept que si le symbole « Λ » était lu comme la lettre majuscule latine « A ». Dans ce cas, ledit signe serait compris comme une référence au concept de « lave ». Toutefois, selon la chambre de recours, il ne serait pas acquis que le public pertinent associe une signification claire aux signes antérieurs. Par suite, une comparaison conceptuelle soit serait impossible, soit conduirait à une conclusion de dissemblance.

64      En substance, la requérante partage cette appréciation de la chambre de recours en ce qui concerne certaines parties du public pertinent, mais ajoute que non seulement l’élément verbal « laava » du signe demandé, mais également l’élément verbal « lav » des signes antérieurs pourraient évoquer, dans l’esprit de certaines parties du public pertinent, l’association au concept de « lave ». Elle insiste encore sur ce que les pierres minérales contenues dans les « bouteilles en verre contenant des pierres minérales », visées par la marque demandée, pourraient avoir une origine volcanique. Selon elle, pour la partie du public pertinent qui ferait le lien conceptuel entre les mots « laava » et « lav », d’une part, et le concept de « lave », d’autre part, les signes en conflit présenteraient certaines similitudes sur le plan conceptuel.

65      L’EUIPO défend les appréciations de la chambre de recours.

66      En l’espèce, contrairement à ce que la requérante fait valoir, il ne saurait être considéré que le public pertinent, confronté de manière isolée aux marques antérieures et à leur élément verbal « lav », ferait l’association avec le concept de « lave ». Alors que cette association est assez évidente s’agissant de l’élément verbal de la marque demandée, en particulier pour les locuteurs des langues dans lesquelles ce concept est désigné par le mot « lava », le groupe de trois lettres « lav » est trop court pour évoquer ce concept. En outre, le mot « lav » existe en danois et signifie « bas ». Comme l’avance à juste titre la requérante, pour les locuteurs de l’anglais, « lav » pourrait être compris plutôt comme abréviation du mot « lavatory », ou « toilette ». Dans l’ensemble, c’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que la comparaison conceptuelle soit était impossible, soit conduisait à une conclusion de dissemblance.

 Sur le risque de confusion

67      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

68      Aux points 43 à 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, même si les produits en cause étaient identiques, un faible degré de similitude entre les signes ne pouvait être constaté que dans l’hypothèse d’une lecture du symbole « Λ » comme la lettre majuscule latine « A ». Étant donné que, en l’espèce, le public pertinent faisait preuve d’un niveau d’attention élevé, la chambre de recours a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion. Le fait que le signe demandé constitue une combinaison inhabituelle de lettres grecques (ou de symboles, si les lettres grecques ne sont pas reconnues comme telles) et de lettres latines et que les signes antérieurs soient courts permettrait au public pertinent d’identifier immédiatement les différences entres les signes. Dans l’ensemble, il n’existerait donc pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

69      Selon la requérante, les produits en cause sont identiques et le caractère distinctif des marques antérieures est moyen. Il existerait un degré moyen à élevé de similitude sur les plans visuel et phonétique. Pour une partie du public pertinent, il existerait certaines similitudes sur le plan conceptuel. Les marques antérieures seraient des signes courts et la troisième et la cinquième lettre « A » du signe demandé ne créeraient pas de différence perceptible. En effet, même dans des marques courtes, certaines différences seraient insuffisantes si elles ne se traduisent pas par une différence visuelle propre à distinguer les signes. En raison des coïncidences entre les signes en conflit, il serait hautement probable que le public pertinent suppose que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées. Il y aurait donc un risque de confusion ou, à tout le moins, un risque que le public pertinent perçoive la marque demandée comme une sous-marque des marques antérieures, au moins dans l’esprit de la partie du public pertinent qui comprend le symbole « Λ » comme la lettre majuscule latine « A », ce qui suffirait pour refuser l’enregistrement de la marque demandée.

70      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

71      En l’espèce, il résulte de ce qui précède que le public pertinent est composé du grand public et des consommateurs professionnels qui, contrairement à ce que fait valoir la requérante, font preuve, lors de l’achat des « bouteilles en verre contenant des pierres minérales », d’un niveau d’attention plus élevé que la moyenne (voir points 24 à 33 ci-dessus). Il en résulte également qu’un risque de confusion dans l’esprit de la partie du public pertinent – en principe celui dans l’ensemble de l’Union – qui ne reconnaît pas la lettre majuscule grecque lambda dans le symbole « Λ », contenu à trois reprises dans le signe demandé, suffirait pour rejeter la demande d’enregistrement (voir points 19 et 46 ci-dessus). Il a encore été relevé que les produits en cause sont identiques (voir point 34 ci-dessus) et que, contrairement à ce que faisait valoir la requérante, il existait tout au plus un faible degré de similitude entre les signes en conflit sur les plans visuel (voir points 50 à 55 ci-dessus) et phonétique (voir points 59 à 62 ci-dessus), alors que la comparaison conceptuelle entre eux soit était impossible, soit conduisait à une conclusion de dissemblance (voir point 66 ci-dessus), y compris pour ladite partie du public pertinent qui percevait l’élément verbal de la marque demandée comme étant « laava ». Comme l’admet également la requérante, c’est en outre à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 32 de la décision attaquée, que le caractère distinctif des marques antérieures était moyen.

72      Étant donné, en outre, que les marques antérieures sont des signes courts composés de trois lettres chacun qui peuvent effectivement être visualisés dans leur totalité en un coup d’œil, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public pertinent identifiait immédiatement les différences entre ces signes et la marque demandée (voir également point 51 ci-dessus).

73      À cet égard, s’il est vrai, comme l’avance la requérante, qu’il ressort de la jurisprudence que, même dans les marques courtes, certaines différences sont insuffisantes dès lors qu’elles ne se traduisent pas par une différence visuelle propre à distinguer les signes [voir arrêt du 10 octobre 2019, Biasotto/EUIPO – Oofos (OOF), T‑453/18, non publié, EU:T:2019:733, point 34 et jurisprudence citée], force est de constater que, en l’espèce, eu égard notamment aux considérations exposées ci-dessus s’agissant de la similitude des signes en conflit sur les plans visuel (voir points 50 à 55 ci-dessus) et phonétique (voir points 59 à 62 ci-dessus), les aspects de dissemblance entre ceux-ci sont suffisamment importants pour permettre au public pertinent, qui fait preuve d’un niveau d’attention plus élevé que la moyenne, de distinguer les marques en conflit.

74      Par suite, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que, dans l’ensemble, il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

75      Il y a donc lieu de rejeter le second moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu

76      Par son premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, conformément à l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, la requérante reproche à la chambre de recours de s’être fondée sur la considération selon laquelle l’élément « Λ » dans la marque demandée serait compris par le public pertinent comme la lettre majuscule lambda de l’alphabet grec. Or, tout au long de la procédure devant l’EUIPO, les demandeurs et la requérante auraient considéré que cet élément serait compris comme la lettre majuscule stylisée « A » de l’alphabet latin et la division d’opposition se serait également fondée sur cette compréhension. Si la requérante avait été invitée à prendre position sur cette considération de la chambre de recours, elle aurait eu l’occasion de présenter des arguments afin de la réfuter.

77      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

78      Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position.

79      Conformément à cette disposition, une chambre de recours de l’EUIPO ne peut fonder sa décision que sur des éléments de fait ou de droit sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations. Ladite disposition consacre, dans le cadre du droit des marques de l’Union européenne, le principe général de protection des droits de la défense en vertu duquel les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel et non à la position finale que l’administration entend adopter [voir arrêt du 17 octobre 2018, Golden Balls/EUIPO – Les Éditions P. Amaury (GOLDEN BALLS), T‑8/17, non publié, EU:T:2018:692, point 58 et jurisprudence citée].

80      Toutefois, il découle d’une jurisprudence constante que les droits de la défense, dont fait partie le droit d’être entendu (voir point 79 ci-dessus), ne sont violés du fait d’une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité des entreprises mises en cause de se défendre. Ainsi, le non-respect des règles en vigueur ayant pour finalité de protéger les droits de la défense, telle que celle établissant le droit d’être entendu, n’est susceptible de vicier la procédure administrative que s’il est établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent en son absence [arrêts du 12 mai 2009, Jurado Hermanos/OHMI (JURADO), T‑410/07, EU:T:2009:153, point 32 ; du 6 septembre 2013, Eurocool Logistik/OHMI – Lenger (EUROCOOL), T‑599/10, non publié, EU:T:2013:399, point 51, et du 16 juin 2021, Fidia farmaceutici/EUIPO – Ioulia and Irene Tseti Pharmaceutical Laboratories (HYAL), T‑215/20, non publié, EU:T:2021:371, point 84].

81      Or, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, en l’espèce, la chambre de recours ne s’est pas uniquement fondée sur l’hypothèse selon laquelle l’élément « Λ » dans la marque demandée serait compris par le public pertinent comme la lettre majuscule lambda de l’alphabet grec. Elle a en fait également examiné l’autre hypothèse, selon laquelle le public pertinent comprend ce symbole comme la lettre majuscule stylisée « A » de l’alphabet latin et a conclu que, dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, les similitudes entre les signes en conflit n’étaient pas suffisantes pour conclure à l’existence d’un risque de confusion.

82      Étant donné qu’il ressort des considérations exposées ci-dessus s’agissant du second moyen (voir, notamment, points 45 et 46 et 71 à 74 ci-dessus) que la chambre de recours pouvait considérer à bon droit qu’un risque de confusion entre les marques en conflit n’existait pas, y compris dans l’esprit de la partie du public pertinent qui percevait le symbole « Λ » comme la représentation stylisée de la lettre majuscule latine « A », force est de constater que le non-respect du droit de la requérante d’être entendue par la chambre de recours s’agissant de la compréhension de ce symbole par le public pertinent, même à supposer qu’il existait en l’espèce, n’a pas, en tout état de cause, eu d’incidence sur le résultat en l’espèce.

83      Partant, il ne saurait être constaté que le droit de la requérante d’être entendue sur ce point ait été violé par la chambre de recours.

84      Il s’ensuit que le premier moyen ne saurait non plus prospérer.

85      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de l’annexe A.5, par laquelle la requérante vise à contester les considérations erronées de la chambre de recours, selon lesquelles, en substance, l’ensemble du public pertinent (et non pas seulement la partie parlant le grec) percevra le symbole « Λ » contenu dans l’élément verbal de la marque demandée comme la lettre majuscule grecque lambda (voir points 40 à 42 ci-dessus).

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

87      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Gürok Turizm ve Madencilik Anonim Sirketi est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.